Actes 20 mai 2008
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Actes 20 mai 2008
Mardi 20 mai 2008 14 h 00 - 16 h 00 Osmose 20, av. Edouard Herriot 92350 -Le Plessis Robinson Cancer et Psychologie : L’annonce et après... Compte rendu Osmose - 20, avenue Edouard Herriot - Le Carnot - 92350 Le Plessis Robinson Tél. : 08 20 20 00 65 - Fax : 01 46 30 46 71 - [email protected] www.reseau-osmose.fr 2 Avertissement Les textes ci-après regroupent les interventions de la réunion d’information organisée le 20 mai 2008 par le réseau Osmose dans les locaux du réseau au Plessis Robinson à laquelle 32 personnes, malades, proches, professionnels et bénévoles, ont assisté. Ces interventions ont été reproduites par le réseau Osmose à partir d’un enregistrement audionumérique. Le choix de supprimer ce qui paraissait difficile à restituer est de sa responsabilité. Le contenu des interventions n’engage la responsabilité de leurs auteurs qu’à la condition que ces interventions aient été fidèlement reproduites par le réseau Osmose. Réalisation : Gaëlle-Anne Estocq - Stéphane Lévêque - Cathy Michaud Réseau Osmose mai 2008 3 4 Sommaire Présentation du déroulement de la réunion…………………………..………..page 7 Gaëlle-Anne Estocq L’annonce du diagnostic …...……………………………………………………...page 8 Magali Catrou Pendant le traitement ……………………………. …. ……………………..…...page 12 Clémentine Matheron Isabelle Besançon Pendant le traitement ……..…………………………………………………….page 18 Vincent Landreau Après les soins …...……………………………………………………………….page 23 Grégory Frankel 5 6 Gaëlle-Anne Estocq Médecin coordinateur-pôle cancérologie Réseau Osmose Je vous souhaite la bienvenue dans les locaux du réseau Osmose, réseau à la fois jeune et à la fois ancien puisqu'il est né de la fusion d'Onco 92 sud, que certains d'entre vous avaient déjà fréquenté, avec le réseau BV8. Nous couvrons actuellement 3 thématiques : la cancérologie, la gérontologie et les soins palliatifs. Nous continuons les actions menées par le groupe de travail « Relations avec les personnes malades et leur entourage » qui organise les réunions d’information telles que celle-ci. Nous allons essayer aussi d'élargir ces après-midi d’informations aux autres thématiques. Aujourd'hui, nos intervenants sont des psychologues partenaires du réseau Osmose. Je vous présente Madame Magali Catrou qui travaille sur l'ensemble des cliniques Meudon-Plateau et qui évoquera l'annonce du cancer. Ensuite, nous entendrons Madame Clémentine Matheron et Madame Isabelle Besançon qui travaillent à l'Hôpital Privé d'Antony et qui nous parleront du suivi pendant les soins ; de même que Monsieur Vincent Landreau qui interviendra sur le volet de la prise en charge à domicile ou ‘en ville’, pendant les traitements. Puis, nous écouterons Monsieur Grégory Frankel, qui travaille à l'Hôpital Béclère et qui interviendra sur ce qui peut se passer après les traitements, voire même, à distance de ces traitements. Le Docteur Anne Thiellet, qui est oncoradiothérapeute au CRTT de Meudon-la-Forêt, sera la modératrice de notre après-midi d’échanges. 7 Magali Catrou Psychologue clinicienne Cliniques de Meudon et du Plateau Magali Catrou : Bonjour. Je vais vous parler de l'annonce du diagnostic et des conséquences que peut avoir cette annonce sur notre état psychologique. Tout d'abord, je voulais vous donner quelques expressions que nous entendons souvent au contact des patients, quand ils nous parlent de leur annonce du diagnostic. Ces témoignages soulignent notamment le caractère violent et brutal de l'annonce. Les patients nous disent souvent : " C’est un choc terrible " ; " C’est un bousculement total " ; " C’est la catastrophe " ; " On reçoit une gifle extraordinaire " ; " Le ciel m’est tombé sur la tête " ; " On sait que rien ne sera plus comme avant ; c’est la vie qui bascule. " En effet, apprendre que l’on a un cancer, quelle que soit la façon dont il vous a été annoncé, représente toujours un choc. Il est normal d’éprouver un sentiment de stupeur, voire d’incrédulité, d’avoir du mal à entendre ce que le médecin explique. Ce que nous savons, nous, les psychologues, c'est que quoi qu'il arrive, tomber gravement malade, c'est un moment de rupture, un changement fondamental, une révolution bouleversante, un bousculement, aussi bien dans la vie de celui qui devient patient que dans celle de son entourage. La maladie nous fait prendre conscience de notre vulnérabilité. Nous avons beau savoir que nous sommes mortels, nous vivons au quotidien comme si nous ne l'étions pas. Nous ne nous levons pas tous les matins en nous disant : "Estce que je vais me faire renverser par une voiture en traversant la route ?". C'est ce qui nous permet de vivre, de faire des projets, d'aller de l'avant, de nous construire. Quand nous apprenons que nous avons une maladie grave, un cancer par exemple, nous sommes confrontés à cette vulnérabilité, à notre mortalité et c'est une source d'angoisse majeure. C’est cette angoisse majeure qui nous permet de dire que l’annonce, en elle-même, est un traumatisme. Face à ce traumatisme, nous allons chercher à nous protéger. Le psychisme réagit face à ce trauma, se protège en se cristallisant, se 8 gelant…. Nous avons l’impression d’être dans une bulle ; notre pensée est bloquée. Les psychologues parlent de sidération. Lorsque le médecin annonce le diagnostic, explique les traitements, les patients disent : " Je n’ai rien entendu " ; " Je ne pouvais plus penser " ; " Je n’ai rien retenu " ; " Je n’ai rien compris " ; " Je voyais le médecin parler, je l’écoutais sans intégrer ce qu’il me disait" ; " Ma première réaction c’était de faire répéter quinze fois, de ne pas y croire." C'est le fonctionnement normal qu'a notre esprit pour se protéger face à ce traumatisme. Les réactions émotionnelles aussi sont violentes, allant de la colère jusqu’au refus de la réalité ou jusqu’à la panique : " Il ne parle pas de moi ! " Face à ces réactions diverses et variées, il est important de se laisser du temps. Nous réagissons comme nous le pouvons. De même, quand nous nous blessons, le corps mobilise ses ressources et ses défenses pour cicatriser ; ici, le psychisme va mobiliser ses ressources conscientes et inconscientes pour cicatriser, pour prendre conscience de ce qui se passe, pour se représenter la maladie, comprendre la finalité et les modalités du traitement, réorganiser la vie. Les psychologues parlent de stratégies d’ajustement (coping), de mécanismes de défenses…. Un patient parlait l'autre jour de son cancer et disait : " Petit à petit, je me l’intègre, je me l’approprie. Il faut se l’approprier pour pouvoir le dompter éventuellement : c’est mon objectif. " Une manière de cheminer, de s’approprier la maladie, est d’en rechercher la cause, une explication, un sens. C’est un fonctionnement normal et fréquent. Mais, souvent, il n’y a pas de cause précise, nous ne trouvons pas de réponse objective. Souvent les gens autour de nous vont nous donner des recettes toutes faites mais ce n'est pas vraiment ce qui correspond à ce que nous vivons à ce moment-là. Dans les éléments de ressource, il y a une ressource intérieure, mais aussi toutes les ressources extérieures que nous pouvons avoir : notre entourage, le réseau Osmose, le médecin traitant,… Si vous avez un médecin traitant en qui vous avez confiance, n'hésitez pas à le contacter pour reprendre avec lui ce que vous n'avez pas compris, lors de l’entretien avec votre oncologue. Les oncologues communiquent beaucoup avec les médecins traitants, leur envoient des comptes-rendus. Votre médecin traitant est donc au courant de ce que vous vivez. Il n’y a pas de bonne manière de vivre sa maladie : il n’y a pas de bonne ou mauvaise façon de faire face. Chacun va réagir en fonction de son caractère, de son histoire et de la façon dont il a appris la maladie. A-t'il pu anticiper un peu le diagnostic ? Y a t'il eu plusieurs examens médicaux auparavant ? Au fur et à mesure des examens, nous avons de plus en plus d'indications, ce qui nous permet d'anticiper, et cela va permettre parfois d'atténuer un peu le choc au moment de l'annonce. N'hésitez pas non plus à voir les équipes soignantes qui peuvent vous proposer des repères. Je voulais aussi vous rappeler un peu ce que dit la loi par rapport à l'annonce. Selon le code de déontologie médicale " le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne, qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose ". Lors des états généraux des patients en 1998, il ressort une grande demande de la part des patients d’obtenir des informations, de repenser les modalités de l’annonce du cancer. Reprenant le code de déontologie, mais aussi cette demande des patients, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits du malade et à la qualité des soins de santé stipule que toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé mais aussi le droit de ne pas savoir si elle le demande. Ainsi certains patients auront besoin de beaucoup d’informations pour comprendre, pour se sentir plus actif dans la prise en charge et d’autres auront besoin de ne pas savoir exactement ce qu’ils ont, quels sont leurs traitements, pour mieux vivre leur maladie. Encore une fois, il n’y a pas de bonne manière de vivre sa maladie. Enfin, je voulais vous parler du Plan Cancer et de la mesure 40 qui met en place le dispositif d'annonce, qui, à mon avis, propose deux points assez importants : 1°) Le plan personnalisé de soins (PPS) qui est un plan écrit qui reprend les étapes du traitement. A la suite de l'annonce du diagnostic, se crée un traumatisme durant lequel la pensée se bloque. De ce fait, il a été observé que 36% des patients ne se souviennent pas des informations données lors de la consultation d’annonce et que 30% des informations sur le traitement n’ont pas été comprises. Ce PPS est un programme écrit remis par votre médecin, qui vous explique votre traitement et vous donne des repères. 2°) La mise en place d'une consultation infirmière qui est proposée par le médecin à la suite de la consultation d'annonce. Ces consultations sont en général effectuées par des infirmières qui seront dans le service où vous serez pris en charge pour votre traitement, soit par radiothérapie, soit par chimiothérapie, soit par chirurgie. Vous pourrez ainsi reprendre avec l'infirmière les questions que vous pouvez avoir par rapport au traitement et à la façon dont cela va se dérouler. Anne Thiellet : Je tiens à remercier Magali Catrou parce que je pense qu'elle a tout à fait posé la question de l’annonce. Je retiendrai l’une de ses phrases : "Il n'y a pas une bonne façon de recevoir un diagnostic comme celui-là". Chacun le prend avec ce qu'il peut. Cela peut être du mutisme, du repli sur soi ou au contraire une abondance de paroles, cela peut être une grande angoisse, de la confiance ou de l'agressivité. Nous sommes des maillons, dans cette équipe, pour essayer d'aider au mieux les patients. Maintenant, et avec du temps, nous avons bien perçu cet effet de sidération qui fait que lors d'une première, voire d'une deuxième consultation, vous ne pouvez plus recevoir d'informations, vous vous noyez, vous n'y arrivez plus. C'est dans ce sens qu'ont été prévues des consultations de relais, c'est-à-dire une première consultation durant laquelle nous donnons l'information, et ensuite l'infirmière, la manipulatrice et/ou le psychologue vont prendre le relais pour redire, avec d'autres mots, ce qui a déjà été dit. C'est compliqué, parce que nous devons rapidement donner des informations sur la maladie, mettre en route rapidement un traitement, et en même temps, il faudrait laisser du temps aux patients pour intégrer toutes ces informations. Le dispositif d'annonce, dans le cadre des équipes, a un intérêt me semble t-il, car j'ai souvent entendu dire : "Le médecin m'a vu cinq minutes et ne m'a rien expliqué." Or, nous, objectivement, nous savons que nous avons passé trois quarts d'heure ou une heure avec le patient et que nous avons donné beaucoup d'informations. 9 Personne n'a raison. Ni le médecin qui dit : "J'ai passé du temps et donné beaucoup d'informations" ; ni le patient qui a reçu toutes les informations et qui a l'impression de n'avoir passé que cinq minutes dans le bureau du médecin. C'est simplement, qu'à un moment, le temps s'arrête et tout se bloque. Maintenant, ce qui est intéressant, c'est de partager votre sentiment par rapport à cela. Si quelqu'un veut prendre la parole pour dire pourquoi ou comment cette consultation de départ a bien marché ou n'a pas marché. Une participante : Personnellement, j’ai vu par bonheur le docteur Thiellet, qui m'a tout de suite prise en charge et m'a tout réexpliqué et je suis partie confiante. Bien sûr, quand je suis sortie de la clinique où j'ai appris que j'avais un cancer, j'ai pleuré. Mais après, j'ai réalisé et du fait que j'avais le docteur Thiellet, cela m'a aidée, car autour de moi je n'avais personne. J'avais une amie qui avait un cancer en même temps que moi. Nous étions donc toutes les deux à avoir un cancer. Je n'avais personne d’autre et j'ai été très bien prise en charge par les équipes de la chimiothérapie et des rayons. Une participante : Pour moi, le cancer, à la limite, n'existe pas. J'ai par chance eu une confiance immédiate dans mon chirurgien qui a pris des décisions qui correspondaient à ce que je voulais. Il a pris les choses en main, il est allé très vite et je me suis laissée guider. Je savais que j'avais quelque chose d'assez lourd, mais j'avais aussi une équipe formidable à l'hôpital de jour de Béclère. Alors, bien sûr, il y a des gens qui ont le même entourage et qui ne le supportent pas bien. C'est tout à fait personnel. J'ai eu trois opérations et à chaque fois, j'y suis allée avec la même sérénité. Mon médecin référent, par contre, était inexistant. Anne Thiellet : Inexistant parce que vous avez souhaité qu'il soit inexistant ? Une participante : Cela n'allait pas comme je le voulais. Il n'était pas assez énergique. Mais, encore une fois, cela dépend du tempérament de chaque personne. Si j'avais eu quelqu'un de mou en face de moi, je ne me serais pas sentie bien. C'est important au moment de l'annonce d'avoir cette confiance. 10 Anne Thiellet : Y a-t-il eu ici des personnes qui n'ont pas eu cette relation de confiance ? Une participante : Pour mon mari, à aucun moment le mot cancer n'a été prononcé. J'ai trouvé que cela était dur parce que je m'en rendais compte, mais lui pensait que ce n'était pas très grave. Quand le mot n'est pas prononcé, nous pouvons tout imaginer. Les médecins disaient : "ce sont des cellules qui dégénèrent", mais jamais le mot cancer. Quand nous parlons d'appropriation, je pense qu'il faut aussi mettre les mots pour que la personne puisse réagir. Nous n'arrivions pas à en parler avec mon mari. Comment utiliser le mot cancer en ne sachant pas s'il avait bien identifié la maladie ? Nous avons des enfants en bas âge. A aucun moment, nous n’avons été aidés à ce niveau là. Qu'allons-nous leur dire ? Doit-on parler de cancer ? Comment vont-ils le prendre ? Tout bascule d'un seul coup. C'est après coup que nous commençons à réagir, à nous renseigner. Un participant : Je suis le compagnon de quelqu'un à qui les médecins ont dit assez sèchement, à la suite d'une fibroscopie, qu'il s'agissait d'un cancer. Je m'en souviendrai toujours. Nous étions dans le couloir qui mène au bloc opératoire, tous seuls. C'était froid. Le monde s'est écroulé. Après, nous nous trouvons pris dans un cheminement qui nous échappe. Ma compagne a refusé ce diagnostic, le mot cancer. C'est vrai que derrière ce mot, il y a tout un volet négatif, c'est un terme générique. Ce qui a compté le plus, par la suite, c'est surtout de rencontrer une main tendue, à chaque étape. C'est important de pouvoir échanger, essayer de s'approprier la chose. Cela a été valable pour elle et pour moi aussi. Nous avons beau être armés, nous croire forts, il y a des choses qui finalement échappent à l'entendement. Des choses qui vous prennent et qui ne vous lâchent plus. Dans un premier temps, ma compagne voulait s'en débarrasser. Bien que le pneumologue ait dit en première intention qu'il y aurait de la chimiothérapie, elle a voulu savoir tout de suite si un geste chirurgical pouvait effacer le problème. Donc, nous sommes passés par les médecins du Centre Chirurgical Marie Lannelongue, qui, au bout de quinze jours, ont dit qu'ils ne pouvaient pas enlever la tumeur, que cela engageait le pronostic vital. Il fallait donc envisager la chimiothérapie et nous sommes partis sur Béclère. Là, nous avons rencontré un docteur, Florence Parent, le contact s'est très bien fait. La rencontre d'une équipe en laquelle nous avons confiance est très importante, parce que la chimiothérapie, c'est l'entrée dans un tunnel. Le contact est important et nous nous en rendons compte au cours des hospitalisations, qui durent trois jours à chaque fois. C'est important d'avoir des informations. De digérer, de s'approprier la chose et de solidifier la confiance qui peut exister, car il y a beaucoup d'interrogations au fur et à mesure que le traitement avance. Nous n'avons pas tout envisagé dans un premier temps. La maladie est là et nous ne nous rendons pas bien compte des conséquences, en dehors des conséquences physiques. Anne Thiellet : Justement, nous allons ainsi pouvoir passer au sujet suivant, car après cette annonce, nous rentrons dans le processus de traitement. Nous allons parler de l'accompagnement pendant ce traitement. 11 Isabelle Besançon Clémentine Matheron Psychologues cliniciennes Hôpital Privé d’Antony Isabelle Besançon : Les patients ont souvent exprimé ce besoin d'être aidés et soutenus au moment des traitements, pendant la traversée de la maladie, le tunnel dont Monsieur parlait, un cheminement qui va être long. Ils l'ont exprimé au moment des réunions de la Ligue contre le Cancer et dans des groupes plus privés, dans des entretiens individuels. Maintenant, il est donc fréquent de rencontrer des psychologues au moment du traitement de la maladie, traitement qui est souvent plus dur à supporter que la maladie elle-même, même si l'annonce reste un moment fort délicat. Ce sont des traitements qui sont longs, répétés, qui peuvent être mutilants, aussi bien la chimiothérapie que la chirurgie, avec des transformations au niveau du corps. Clémentine Matheron : Il est vrai que le traitement lui-même pose énormément de questions, déjà quant à la bonne qualité du traitement par rapport à la maladie : " Est-ce que le traitement va fonctionner ? " " Ce sera un traitement de six mois, puis les médecins m'ont dit que nous ferions un bilan. Que va t'il se passer dans six mois ? " " Vais-je perdre mes cheveux ? Vais-je beaucoup maigrir ? Vais-je être très fatigué ? Vais-je pouvoir maintenir mon quotidien ? ". Ces nombreuses questions peuvent vous sidérer et donc vous empêcher de venir sereinement pour votre traitement. Cela demande un temps d'adaptation. Vous allez perdre beaucoup de repères et peu à peu, vous allez vous adapter à ce nouveau monde, au traitement, trouver une régularité et vous dire : « Bon, j’avance petit à petit et après, nous verrons. ». Je crois qu'il vaut mieux réfléchir sur du moyen terme, parfois du court terme, pour pouvoir avancer et donc voir plus loin. C'est parfois compliqué, car la projection dans l'avenir est différente d'avant. De plus, vous êtes plongés dans un monde totalement inconnu, nouveau, où nous vous demandons de digérer pas mal de choses : des venues quotidiennes à l'hôpital, un langage qui vous est totalement inconnu du type : " Nous allons vous faire une prémédication, puis une chimiothérapie, puis un rinçage ". Cela parait tellement naturel pour les personnes qui sont là 12 pour vous soigner alors que pour vous cela est totalement inconnu et très lointain de ce dont vous parlez tous les jours. Cela vous demande de prendre de nouveaux repères et de faire de ce vocabulaire, au fur et à mesure, un vocabulaire connu. Quand vous le connaissez mieux, c'est moins difficile à vivre. L'inconnu, c'est le vide, les choses un peu sombres, et quand cela devient connu, tout s'allège au quotidien. Puis, hormis le traitement à l'hôpital, il y a le traitement à la maison, avec la famille. Vous êtes traités, avec un rythme régulier, qui va venir bouleverser votre quotidien. Vous travaillez peut-être, quelles seront les conséquences de la maladie sur la place que vous aviez dans la société ? Quelles conséquences aussi sur votre place dans votre famille, place en tant que père, en tant que mère, en tant qu'enfant, en tant que grand-parent ? Cette maladie va avoir des conséquences sur beaucoup de gens aussi autour de vous. Les enfants, bien entendu, sont à inclure dans le processus de la maladie. C'est le moment où le langage et la parole sont réellement incontournables pour que tout le monde s'y retrouve. La maladie est quelque chose d'abstrait pour le patient, mais aussi pour sa famille qui se sent très impuissante. Les médecins s'occupent de la maladie et la famille soutient, maintient son rôle d'entourage, affectueux, aimant. C'est très important tout au long de la maladie de sentir cet amour familial avec l'acceptation que les places de chacun vont changer, les responsabilités vont peut-être devoir se moduler par rapport aux conséquences de la maladie. Une dame me disait qu'elle avait fait le choix d'être mère au foyer. La maladie est arrivée, elle avait trois enfants. Maintenant, elle doit faire une sieste de quatre à cinq heures l'après-midi, et elle a perdu son rôle de femme au foyer tel qu’elle l’envisageait. Cela provoque une grande culpabilité. Elle voulait s'occuper de ses enfants et nous lui enlevons cette possibilité de le faire. Il y a du deuil, il y a de la perte, de la séparation. En tant que psychologues, nous intervenons dans le service pour essayer de faire du lien et ne pas laisser les choses se disloquer autour de vous ; vous dire que même si vous aviez prévu les choses de telle manière, le cancer va empêcher la continuation de vos projets, mais que nous pouvons réadapter les choses au fur et à mesure. Jamais comme avant, mais de nouveaux repères peuvent se créer et vous pouvez retrouver de nouvelles places cohérentes avec ce que vous aviez envie d'avoir vis-à-vis de votre famille et de vous-même. Isabelle Besançon : Je vais maintenant vous parler des effets possibles de l'atteinte au niveau du corps, des effets que peuvent avoir les traitements. Là aussi, il y a des réaménagements physiques et psychologiques importants. Souvent, les patients expriment un sentiment d'isolement et il est important que nous soyons là, psychologues, pour les soutenir dans cette traversée, dans ce tunnel. auprès du psychologue et de l'équipe médicale ; même si ce temps est très long, cette relation de confiance qui s'est établie entre le médecin, la personne et l'équipe soignante doit être toujours suivie. Nous entendons donc cette souffrance liée aux atteintes faites au corps, même si elle part de l'idée de soigner la maladie. Souvent, les patients expriment une souffrance par rapport à une peau abimée, un corps ébranlé, une perte des cheveux, la perte d'un organe de ce corps, visible ou invisible (perte du sein, exérèse d'un ovaire ou d'une partie digestive). La difficulté réside aussi pour ces personnes dans la répétition des traitements qui sont longs, éprouvants, même si je pense que le travail des équipes soignantes permet de contenir ces difficultés et que les patients peuvent, au fil du temps, faire connaissance avec cette équipe et traverser plus facilement ce temps de traitement de la maladie. Nous avons ce souci d'être là pour le patient pour l'accueillir, l'accompagner et le suivre tout au long de cette traversée avec des moments plus intenses et plus difficiles à supporter. Toujours présents où que les personnes en soient de leurs difficultés, de l'histoire de leur maladie, de leur atteinte au corps, afin qu'elles puissent rester vivantes et non pas écrasées par le réel de leur maladie. Le temps du traitement est un temps long où l'intimité est mise à mal. Ce sont des choses qui peuvent porter atteinte à l'identité. Cela se traduit par des expressions que j'ai entendues : " Je ne me reconnais plus quand je me regarde dans le miroir " ; " Ce n'est pas moi " Le corps a fortement changé par un amaigrissement important ou une chirurgie. Cela touche à l'identité, au corps propre de la personne. Quand le corps est à ce point atteint, le rapport au corps ne va plus être comme avant, la psychologie de la personne s'en trouve ébranlée et nous devons être là pour entendre cette souffrance. Nous avons aussi à être là au moment, non seulement de l'annonce de la maladie, mais aussi au moment de l'annonce d’une récidive, lorsqu'il y a des complications, des métastases, l'échec d'un traitement qui a été présenté comme curatif ou comme ultime secours. Ce sont des temps d'annonce qui, pour l'instant, ne sont pas protocolisés, ne sont pas intégrés dans les textes, mais qui nous semblent très importants dans notre pratique, pour écouter ce qui se joue à ce moment-là. Ce sont souvent des moments très angoissants, parce que revient le sentiment d'incertitude, la perte de l'espoir. La personne espère toujours une guérison, gagner du temps et il est important qu'elle trouve un soutien C'est un relais qui peut ne pas engager dans un long travail avec un psychologue : parfois un ou deux entretiens suffisent pour aider et pour ‘régler’ doutes et angoisse. Anne Thiellet : En effet, l'annonce d'une maladie grave est un chamboulement extraordinaire pour les patients, mais évidemment pour toute la famille et tout l'entourage. Au début, tout le monde est très près du patient, il y a une grande solidarité des amis, de tous, et peu à peu, la plupart du temps, le patient a un peu moins d'attentions, tout le monde est reparti à ses activités. C'est un des problèmes que nous entendons tout le temps. Egalement aussi dans la relation de couple. Au début, le conjoint est très proche et puis quelquefois cela évolue. C'est normal. C'est difficile, le traitement fatigue, il peut poser des problèmes sur les relations sexuelles,... Il y a aussi l'usure, puisque nous employons maintenant le mot de "fardeau" et, finalement, le patient qui était au centre de tout devient un peu une gêne. D'autre part, l'annonce d'un cancer est difficile pour tout le monde, pour l'équipe soignante aussi. L'annonce d'un échec à un traitement ou l'annonce d'une rechute, pour moi, soignant, c'est un évènement encore plus difficile à annoncer et plus difficile à percevoir pour le patient. A nouveau, il faut remettre tout en route. C'est très difficile. Ce sont deux sujets sur lesquels nous pourrions discourir maintenant. Une participante : Moi qui suis, non pas dans le déni, mais très en retrait de mon cancer, je me demande comment je vais réagir quand les médecins vont m'annoncer que ce n'est pas irréel, qu'il va y 13 avoir un problème. Cela va venir comme un boomerang. Je m'en doute. J'ai une telle confiance que je ne sais pas comment je vais réagir. Anne Thiellet : C'est une maladie qui est très différente des autres, car même si tous les résultats sont bons, nous n'utilisons jamais le mot de guérison, mais rémission, qui veut bien dire qu'il y a un certain nombre de cas où la maladie est latente. Nous devons à la fois, nous soignants, être rassurants lorsque les résultats sont bons et, en même temps, nous disons, n'oubliez pas, nous nous revoyons dans trois mois, dans six mois… C'est toujours l'épée de Damoclès. Une participante : J'en suis à ma deuxième récidive et c'est très dur, il y a la perte de cheveux… Anne Thiellet : Vous sentez cette usure autour de vous quelquefois ? La participante : Non, mais mon cancérologue est froid. Je n'arrive pas à être à l'aise avec lui. Je suis à l'aise avec mon médecin traitant, mais pas avec mon cancérologue. Il est très bon médecin mais je ne peux pas lui poser de questions. J'ai eu une récidive au bout de six mois, avec perte de cheveux. Quand j'ai passé le Pet Scan, il m'a dit que le résultat était bon, j'étais contente. Puis je suis allée le voir et il m'a dit :" Si cela reprend, on vous proposera le même traitement, avec la perte des cheveux". Quand je suis rentrée chez moi, j'avais le moral à zéro : j'étais contente du résultat du Pet Scan, et puis il m'a dit qu'il fallait que je m'attende à faire des récidives... Je savais que je pouvais faire une récidive, mais je ne pensais pas que ce serait au bout de cinq mois. Avec mon médecin traitant, j'arrive mieux à poser des questions, je suis plus à l'aise. J'ai du mal à accepter la récidive. Faire une récidive au bout de dix ans, d'accord, mais au bout de six mois, cela fait quand même court. J'ai un traitement de chimiothérapie assez dur. Quand j'ai une chimiothérapie, cela dure trois jours. Grégory Frankel : Je crois qu'il faut que vous reteniez ce qu'Isabelle Besançon a dit tout à l'heure : " Le psychologue, comme soutenant la relation longue avec un médecin ". Il faut aller voir un psychologue. 14 Anne Thiellet : Oui. Et peut-être aussi que ce soutien et cette relation que vous recherchez auprès de votre oncologue, c'est avec une autre personne de l'équipe que vous le trouverez. La participante : De toute façon, je ne suis pas la seule, il y a beaucoup de personnes qui sont passées par ce médecin et qui le disent. Anne Thiellet : Il y a des gens chaleureux et d'autres qui le sont moins. Magali Catrou Je pense que vous avez eu aussi l'intuition que votre médecin traitant correspondait mieux à votre caractère. Le médecin oncologue qui vous suit peut avoir énormément de qualités mais il y aura peut-être des moments où vous aurez l'impression qu'il y a un manque. C'est pour cela que c'est bien aussi d'avoir un médecin traitant. Votre oncologue est humain, il ne peut pas tout faire et être présent sur tous les plans. Un participant : Vous parliez d'usure, tout à l'heure, au niveau familial. Je crois que l'entourage se sent démuni. Quand vous vivez près d’une personne qui vous dit : " j'ai mal " ou " je suis fatiguée " ou " j'en ai marre ", je crois, qu'à un moment donné, nous ne savons plus quoi faire. Clémentine Matheron Je crois que vous n'avez pas spécialement besoin de répondre à ce type de question finalement. Vous avez juste à entendre et à recevoir la souffrance que vous transmet la personne à ce moment là. La prise en charge de la douleur ne fait pas parti de votre rôle. Dans le cancer, ce qui est compliqué, c'est qu'il y a beaucoup d'intervenants mais chacun à sa place. La place de la famille est, principalement, de soutenir au quotidien, d’entendre quand le patient n'en peut plus, quand il est fatigué. Mais les proches ont eux aussi besoin et le droit d’être entendus. L'important aussi, c'est de s'écouter dans cette maladie. Nous vous disons ou proposons beaucoup de choses et parfois vous avez des questions auxquelles nous n'avons pas répondu ou des doutes. Posez ces questions, parlez de ces doutes aux intervenants qui correspondent. Si ce n'est pas suffisant, reformulez-les mais ne restez jamais avec des doutes ou des questions auxquelles nous pourrions répondre, du moins contenir. C'est bien assez difficile comme cela. Nous sommes là pour essayer de soulager au mieux quand cela est possible. Servez-vous des équipes en place et s'il n'y a pas les personnes suffisantes là où vous êtes, le réseau Osmose peut vous orienter. Anne Thiellet : C'est important de dire aussi que nous écoutons la parole des autres, que nous avons bien conscience que ce n'est pas que le patient qui souffre, mais aussi l'entourage. Un participant : Souvent l'accompagnant est le porte-parole du patient, parce qu'il est dans la souffrance, parce qu'il n'a pas les moyens de s'exprimer, qu’il est fatigué. Mais je crois que les spécialistes ou les médecins ne peuvent pas s'exonérer du fait que, finalement, eux savent comment nous pouvons faire. Dans leur pratique médicale, il n'y a pas que le côté technique. C'est peut-être une nouveauté par rapport à l'enseignement qui était fait dans les facultés. Il y a là une difficulté entre le fait d'être objectif, technique et le fait de partager quelque chose avec quelqu'un. Une participante : L'annonce d'un cancer est-elle plus difficile à supporter par une personne jeune que pour une personne âgée ? Est-ce qu'il y a une sorte de révolte quand le patient est jeune et une plus grande résignation quand il est âgé ? Clémentine Matheron : Cela dépend de la personnalité de la personne, de son histoire et du moment où cela arrive dans son histoire. Anne Thiellet : On utilise le mot cancer qui est un terme extrêmement général pour des maladies extraordinairement différentes. Ce ne sera pas la même chose si sur une mammographie nous trouvons une petite image de quelque chose qui porte le mot cancer mais qui, une fois traité, a un bon pronostic, et puis une maladie qui met potentiellement la vie du patient en jeu. Nous parlons de maladies qui sont extrêmement différentes, et chacun a son vécu, son entourage… Je ne suis pas sûre que l'âge soit important ici. Nous pouvons évoquer l’exemple des mutilations, également. Je prends l'exemple d'une ablation du sein. Nous pensons que l'ablation du sein chez une jeune femme de trente ans sera plus grave que chez une femme qui aura soixante-dix ans. Pas forcément. J'ai des patientes à soixante-dix ans qui vivront très mal une ablation du sein à cause de l'image corporelle et puis une autre patiente qui, à trente ans, va s'approprier son corps d'une autre façon. Je peux prendre le cas, pour des hommes, des problèmes liés au traitement d'une prostate ou autre chose avec ses conséquences sur la sexualité. Nous pouvons imaginer que chez un homme d'un certain âge, cette annonce semblerait un peu plus banale, alors que pas du tout. Cela peut être extrêmement traumatisant et perturber complètement sa vie. Pour quelqu'un de plus jeune qui ne vivra pas du tout de la même façon, ce sera plutôt le fait de guérir à tout prix qui sera le plus important. Vincent Landreau : Peut-être vous posez-vous la question, Madame, que lorsque nous vieillissons, nous avons moins peur de la maladie et de la mort ? La participante : Quand nous sommes en fin de vie, nous avons moins d'exigences. Il n'y a pas une résignation mais une évolution spirituelle qui intervient, il y a un autre aspect qui se présente. Vincent Landreau : Je travaille beaucoup en gérontologie et je vois des gens qui ont 95 ans ou plus. Je suis un patient de 97 ans et il s'accroche à la vie terriblement, il aime la vie. Il sait qu'il a 97 ans, il dit qu'il a l'âge de mourir mais qu'il n'en a pas envie, pas aujourd'hui. La vie est là jusqu'au bout, ce n'est pas parceque nous vieillissons que la vie tout à coup s'en va. Elle est toujours là, différente, avec d'autres préoccupations, d'autres idées en tête, mais la vie est là. Cela dépend de chacun. Vous avez des gens à trente ans qui vont assumer avec une lucidité, un sang froid et presque un courage, de mourir. L'intervenante : Assumer, oui, mais il y a quand même la sensation de rater des évènements d'une vie, le mariage de ses enfants,… Vincent Landreau : Mais perdre une jambe à trente ans peut être aussi douloureux que de la perdre à quatre-vingt dix ans. Une intervenante : Je suis dans une association qui s'appelle Etincelle. Il y a quelques jeunes filles qui ont un cancer, elles ont dix-huit ans, vingt ans et elles ont l'impression d'être marginales, parce-que la maladie les fauche à dix-huit ans ; elles ont des projets, des d'études et tout est arrêté. Quand elles sont dans des associations, elles se retrouvent avec des personnes qui sont quand même plus âgées. Elles se sentent un peu seules. 15 Grégory Frankel : Je n'ai pas du tout ces expériences, mais j'ai lu et entendu, que les équipes et les proches d’enfants malades étaient toujours frappés par la lucidité des enfants atteints de cancer, une lucidité implacable, une conscience d'où ils en sont. Donc, ce n'est pas une question d'âge. Un participant : Je voulais intervenir sur les effets secondaires post traitement non prévus. Les phases qui ont été décrites, je les ai plutôt bien traversées. J'étais statistiquement préparé à ce qu'un jour, je pouvais avoir un cancer, puisqu'un homme sur deux aura un cancer. Donc, quand les médecins me l'ont annoncé, je n'étais pas trop étonné. La prise en charge et le traitement se sont très bien passés. Mais j'ai eu également un syndrome cave supérieur et cela m'a complètement déstabilisé car je me suis rendu compte que la médecine est parfois désarmée et il n'y a pas de traitement pour le syndrome cave supérieur. J'ai vu de grands spécialistes, ils m'ont tous dit qu'il fallait vivre avec. J'avoue que cela m'a beaucoup perturbé car la médecine était plus désarmée pour traiter ce problème là que pour traiter mon cancer. Je signale pour les gens qui ne seraient pas au courant que j'ai bénéficié d'une proposition du réseau Osmose pour un accompagnement psychologique pendant quelques mois et que cela est pris en charge par le réseau Osmose. Pour moi, cela a été d'une grande utilité, je suis ressorti de là totalement épanoui avec un optimisme formidable. J'ai fait vingt séances étalées sur quatre ou cinq mois. J'y étais pourtant allé un peu à reculons, parce que le psychologue était aussi psychanalyste, que j'ignorais ce qu'était la psychanalyse et j'étais donc très méfiant. Et puis cela s'est très bien passé et je recommande cet accompagnement aux personnes qui souhaiteraient en bénéficier. Anne Thiellet : Merci pour votre témoignage. Il nous arrive très souvent de voir en consultation quelqu'un qui vient juste à l'occasion d'un dépistage, nous faisons des examens et la personne apprend qu’elle a un cancer alors que la veille, elle se pensait en bonne santé. Ce sont les traitements qui vont engendrer des effets secondaires et qui vont contraindre la vie personnelle, familiale et professionnelle. Il faut bien différencier les effets secondaires des traitements et les séquelles. Les effets secondaires sont tout ce que nous allons subir 16 lors des traitements mais qui vont se résoudre une fois ce traitement terminé. Les séquelles sont ce que nous gardons après un traitement chirurgical, une radiothérapie ou une chimiothérapie. Il y a des séquelles qui vont être tout à fait compatibles avec une vie, auxquelles nous nous adaptons, et puis il y a des séquelles très contraignantes : les neuropathies, les effets secondaires d'une irradiation sur le plan digestif et autres. Là, il faudra à la fois vivre avec cette épée de Damoclès du cancer et vivre avec tous les effets secondaires de ces traitements, dont certains sont irréversibles. C'est vrai qu'ils vont vous accompagner après tout au long de la vie, ils deviennent une maladie chronique avec toute la difficulté de vivre avec une maladie chronique, sans forcément d'espoir de guérison. Le participant : J'ai quasiment oublié que j'avais eu un cancer, je n'y pense plus, alors que le reste, c'est quotidien. Une participante : Qu'est-ce que le syndrome cave supérieur ? Le participant : J'ai eu une thrombose au niveau de la veine cave supérieure, c'est-à-dire que le retour veineux ne pouvait plus se faire par ‘l'autoroute’, j'avais un caillot de 3,5 cm et c'est toujours bouché. Mais je vis quand même. Le port à cath est sûrement responsable de ce syndrome, car le caillot s'était coincé dans le bout du cathéter, mais j'ai découvert à cette occasion que j'étais atteint d'une anomalie génétique qui favorise la formation des caillots qui s'appelle la mutation de Leiden du Facteur V. Si je n'avais pas eu cette mutation, je n'aurais peut-être pas eu de problèmes et peut-être que si je n'avais pas eu le cathéter cela ne se serait pas révélé. Il y a eu une mauvaise conjonction des deux et ce qui était énervant, c'est que j'étais à cent lieues d'imaginer, comme des pontages sont effectués tous les jours au niveau des artères, que nous ne pouvions pas en faire au niveau des veines, car c'est trop risqué. En fait, le retour veineux se fait par les petites routes secondaires, mais plus du tout par l'autoroute. Je peux vivre comme cela mais avec des contraintes. Anne Thiellet : Quand certaines personnes ont des complications, il peut arriver qu'elles pensent que l'équipe n'a pas fait ce qu'il fallait. Il y aura donc cela aussi à gérer sur le manque de confiance. Une participante : Je reviens sur ce que disait Madame concernant la question de l’âge. Moi, j'étais juste allée pour une opération chirurgicale à Béclère et ils ont découvert que les deux trompes étaient atteintes, et qu'il fallait les amputer. Maintenant, je suis condamnée, je ne peux plus faire d'enfants. Je suis allée voir une psychologue qui m'a redonné confiance. Pour moi, avoir un enfant, c'était une chose vraiment importante et là je me retrouve sans enfant. La vie va de l'avant, parce que la psychologue m'a permis de revivre et d'avoir confiance en moi. Même sans enfants, je peux vivre, il y a plein de choses à faire. Anne Thiellet : Nous ne voulions pas dire que d'avoir un cancer jeune était moins grave ou moins ennuyeux que d'avoir un cancer plus tard. Nous voulions dire que l'annonce fait mal à tout âge. Mais nous avons bien conscience que pour une femme, avoir une maladie avec les conséquences que vous décrivez, c'est très problématique. Un participant : J'ai été traité il y a maintenant deux ans pour un cancer du sinus. Un oncologue m'a dit que normalement, à mon âge, il faudrait opérer, mais qu'ils n'allaient peut-être pas opérer et se contenter de faire des rayons et de la chimiothérapie. Je n'ai pas supporté la chimiothérapie et l'oncologue qui m'a suivi a préféré faire table rase, ne pas s'occuper de la chimiothérapie et me faire des rayons. Les rayons passés, j'ai eu un premier scanner qui ne donnait plus rien. Mais comme dit le docteur, c'est une épée de Damoclès, nous n'en guérissons pas. Dernièrement, en fin d'année 2007, ne pouvant plus déglutir, l'ORL qui me suit m'a envoyé de nouveau faire un diagnostic à Bicêtre. J'ai eu une endoscopie et elle a été assez laborieuse parce que je me nourrissais avec beaucoup de difficultés ; au lieu d'aller dans l'œsophage, la nourriture allait dans les poumons. Je faisais des infections pulmonaires à répétition. Ils ont vu qu'il y avait une récidive, mais ils voyaient quelque chose de suspect qui n'était pas très net. J'ai donc subi une deuxième endoscopie et ils ont décelé une petite tumeur, une récidive. A l'hôpital, j'ai été nourri par une sonde nasale. Au début, quand j'avais terminé mes rayons, je suis rentré chez moi, j'étais confiant. Puis j'ai suivi un deuxième staff où il y avait l'oncologue qui m'avait fait l'endoscopie et qui m'a proposé l’opération. Cela a été très dur à avaler. Je ne pouvais pas revenir sur les rayons, je ne supportais pas la chimiothérapie et j'ai refusé l'opération. Depuis le 13 novembre, je suis nourri par une sonde gastrique. Alors, au premier staff, les médecins ne voulaient pas faire l'opération, uniquement des rayons, et au deuxième staff, ils m'ont dit qu'il fallait opérer. Les médecins qui me suivaient m'ont dit que j'étais costaud, que je pouvais supporter l'opération, mais j'ai refusé car je veux me maintenir, j'aime parler, marcher,… Anne Thiellet : Les médecins vous ont fait ce traitement pour vous laisser une chance et malheureusement, malgré ce traitement, il y a eu une rechute. Le participant : Je pensais qu'il y aurait pu y avoir d'autres possibilités mais il n'y avait que cela. Le staff a été brutal pour moi. Il est quand même possible de nuancer un peu les choses. Dans le domaine du cancer, nous ne pouvons pas prévoir les suites. Docteur Thiellet : L'annonce a été difficile pour vous. Vous l'avez entendu comme quelque chose de brutal. C'est là que le rôle d'autres personnes pourraient vous aider dans cette démarche et je crois que le médecin généraliste a vraiment toute sa place pour être le relais des spécialistes pour réexpliquer plus tranquillement dans son cabinet médical, pourquoi nous ne pouvions pas faire autrement et pourquoi nous vous proposions cette intervention. La notion de relais et d’équipe est très importante. Un participant : Il y avait un questionnement sur le choix du traitement. Or, le médecin traitant ne peut pas expliquer le choix. Pourquoi avoir choisi cette option plutôt que telle autre ? Je ne sais pas si le médecin traitant est armé pour cela, sinon il n'y aurait pas de spécialistes. Anne Thiellet : La proposition thérapeutique c'était la chirurgie. Il n’y avait pas d'autre solution alternative. Le choix était donc : "Est-ce que je choisis de me faire opérer ou est-ce que je ne le veux pas ?". Ce n'était pas une alternative entre deux choix thérapeutiques. Le participant : Il y a eu un choix à un moment donné, puisqu'il y a eu la chimiothérapie et les rayons. Anne Thiellet : Nous avons une participation du patient dans cette décision et nous pouvons très bien comprendre que quelqu'un choisisse de ne pas être opéré. Cependant, tout choix a des conséquences. 17 Vincent Landreau, Psychologue - Psychanalyste Vincent Landreau : Je suis psychologue et psychanalyste et j'ai choisi d'intervenir à domicile pour essayer d'être présent à la maison, chez vous et vous permettre d'y voir un peu plus clair. Soit le réseau vous le suggérera, si vous avez du mal à vous déplacer, soit vous faites directement la demande. C'est vous qui appelez ou vos proches et nous prenons rendez-vous. Mais c'est une démarche qui vient de vous, ce ne sont pas nous, les psychologues, qui nous imposons. A partir du moment où nous avons pris rendezvous, nous nous voyons soit au cabinet, soit chez vous. C'est l'occasion pour vous de pouvoir faire un peu le point, de pouvoir réfléchir sur ce qui vous arrive, de pouvoir évoquer tout ce que vous avez dans la tête, dans le cœur, dans les tripes, tout ce que vous avez pu vivre. C'est l'occasion, en même temps, d'être dans votre cadre de vie, qui fait peut-être un peu moins peur que d'aller dans un cabinet. C'est l'occasion en même temps de pouvoir accompagner les proches. Vous avez très bien évoqué durant toute la difficulté qu'il peut y avoir dans le fait d'être malade : tout ce que vous allez vivre dans la maladie, à travers l'annonce de la maladie, les traitements, ses conséquences, l'évolution de la maladie, comment vivre avec la famille, comment s'organiser,… Il faut accepter que ce corps que vous connaissez depuis votre plus tendre enfance est en train de se transformer, est en train de vous faire mal, vous renvoie une image de vous-mêmes qui n'est pas très agréable, douloureuse physiquement et psychologiquement. Etre malade c'est en même temps se poser des questions sur sa vie, sur le sens de sa vie aujourd'hui, comment vivre avec. Nous pouvons comprendre que l’irruption d’un cancer est un chamboulement de vie. Encore aujourd'hui, quand nous entendons le mot cancer, nous nous disons "cancer = danger de mort!". Mais il y a plein de formes de cancer et certains se soignent plutôt très bien. Quand tout à coup, les médecins vous apprennent que vous êtes atteint d’un cancer, c'est très difficile à accepter. C'est très difficile à vivre. Vous avez très justement dit tout à l'heure qu'il faut ‘arriver à le faire sien’. Or, la plupart du temps, quand nous avons un souci et que 18 nous n'arrivons pas à le gérer, nous n'avons qu'une envie, c'est de le confier à quelqu'un. Je n'arrive pas à faire ma déclaration d’impôts, je vais au bureau des impôts, ils vont me la remplir. J'ai un problème avec ma voiture, le garagiste va s'en occuper. J'ai un cancer, je vais le donner au cancérologue, au médecin, à l'équipe médicale, ce sont eux qui vont gérer et si jamais mon cancer ne va pas bien, c'est de leur faute. La réalité est plus difficile. Ce cancer, c'est le mien, il est à moi. Le médecin n'est pas un guérisseur, un magicien, c'est un lecteur de notre maladie, un lecteur de notre corps. Et lui, il a simplement à nous dire : " Voilà où vous en êtes, voilà ce que nous sommes capables de faire aujourd'hui en tant que médecins ". C'est cela qui est difficile à vivre au quotidien, c'est cela qui est compliqué. Nous n'avons qu'une envie, c'est de dire de temps en temps : " Je ne sais pas ce que j'ai, mais je vous en supplie, soignez moi! Aidez-moi ! " Tout le travail que nous faisons à domicile, c'est d'essayer ensemble de vivre ce que vous avez à vivre, de pouvoir se dire : " J'ai un cancer, mais je suis encore vivant ". Parfois je discute avec des gens qui me disent que mon travail ne doit pas être gai. Mais je ne travaille pas avec des gens anormaux, je ne travaille pas avec des gens morts, je travaille avec des gens vivants et tellement vivants qu'ils réagissent et qu'ils ont envie de se battre. Je vois des gens qui, effectivement, vivent un cancer mais qui ont une vitalité que je ne rencontre pas chez d'autres personnes qui vont très bien. Vous êtes des vivants et si vous êtes là aujourd'hui, ce n'est pas par hasard ! Vous vivez et il y a une équipe, des médecins, des psychologues, qui est là et qui essaie au mieux de vous accompagner. Mais qu'est ce que c'est difficile ! Et tout le travail du domicile est de permettre à la personne de faire le point. Nous, psychologues, nous écoutons, nous accompagnons et nous essayons de vous permettre de continuer à cheminer, de vous dire que la vie continue, la route est encore là. Mais qu'est-ce que c'est dur ! Parfois, je l'entends, ce qui est le plus difficile pour vous c’est la non reconnaissance de ce que vous pouvez vivre. C'est difficile de se sentir reconnu dans ce que vous vivez, être reconnu dans sa douleur psychique, être reconnu dans le petit quotidien qui paraît pour les autres tout à fait anodin ou qu'ils ne veulent pas voir. Beaucoup de gens se demandent ce qu'ils ont fait de leur vie, comme si c'était une espèce de bilan. Quelque part, c'est drôlement positif. Du point de vue des proches, c'est très douloureux aussi parce qu'ils vont être à côté de quelqu'un qui a mal, qui souffre et qu'ils aiment. Et voir quelqu'un que l’on aime souffrir, c'est odieux, insupportable. C'est d'autant plus insupportable qu'ils ne peuvent rien faire. Ils peuvent accompagner, psychologiquement, mais quand la personne a mal, ils ne peuvent rien faire. Ils vont téléphoner au médecin en lui demandant de faire quelque chose et le médecin ne peut pas. Cela paraît scandaleux, de se dire : " Ma femme et moi, mon mari et moi, nous sommes en train de vivre quelque chose de drôlement difficile, nous sommes à la frontière de l'impuissance ". Or, nous sommes dans un monde où l’on nous fait croire que nous sommes des tout-puissants, que nous gérons tout. Vous avez besoin de pouvoir en parler, de pouvoir pleurer, et de voir une personne qui n'a rien à voir avec la famille, qui n'a rien à voir avec les proches, avec les amis, quelqu'un de complètement extérieur, neutre, qui n'a pas de lien affectif. Ce sont deux personnes qui vont pouvoir se rencontrer et échanger. S'il y a un lien familial, ce sera de la fusion-confusion parce que nous sommes tenus par des liens affectifs et quand l'autre a mal, nous avons mal. Là, vous allez pouvoir accueillir un psychologue et l'engueuler. Vous allez pouvoir pleurer. Vous allez pouvoir lui parler ou être silencieux pendant trois quarts d'heure. Vous allez pouvoir vous révolter. Tout est possible. Je ne lui fais pas de mal à ce psychologue parce qu'il n'a rien à voir avec mes proches. Quand je pleure auprès de ma femme, auprès de mon mari, de ma mère, de mes enfants, ils souffrent avec moi. Mais le psychologue a cette particularité de pouvoir vous aider à ‘vider votre sac’ et ensuite pouvoir faire le point. Vider votre sac ne veut pas dire donner toutes vos angoisses au psychologue qui repart avec. Cela veut dire extérioriser vos angoisses et les récupérer avec un peu plus d'ordre, c'est un peu moins la cacophonie dans votre tête et votre cœur. Cela reste très modeste, mais par expérience, qu'est-ce que ça fait du bien de pouvoir y voir un peu plus clair ! Une participante : Du fait que j'étais toute seule quand j'ai eu mon cancer, je me suis dit qu’il faudrait que je me défende toute seule. Cela m'a fait voir d'autres horizons. J'ai vu la vie différemment. J'ai relativisé. Avant, des petites choses m’angoissaient, maintenant ce n'est plus du tout pareil, je relativise et je suis même mieux qu'avant. Je ne réagis plus de la même façon. Je fais beaucoup plus de choses, je me ballade, je vais à des expositions, je fais du bricolage… Vincent Landreau : Vous me faites penser à un monsieur, qui, il y a vingt ans, a fait des examens. Les médecins lui ont fait comprendre qu'il y avait des choses pas très jolies, qu'il faudrait prendre le temps de voir cela en laboratoire. Ils lui ont laissé une période de quinze jours pour lui dire ou non si c'était cancéreux. Pendant quinze jours, cet homme était tellement angoissé qu'il s’est littéralement ‘clochardisé’, il ne faisait plus rien de ses journées, ne se rasait plus, il n'ouvrait plus ses volets. Puis, quelques jours avant son rendez-vous pour connaître les résultats, il a décidé quand même d'aller se promener. Il est passé sous un échafaudage, et à ce moment, il a entendu un bruit, s’est retourné et a vu une brique tomber et qui lui a frôlé la tête. Cela a été le révélateur. S’il était passé un quart de seconde après, il serait mort. Il s'est dit : " Maintenant, j'ai peutêtre un cancer, mais je vais vivre ! " La participante : Quand les médecins m'ont fait les examens, je n'avais aucune appréhension. Je me disais que le cancer, cela ne pouvait pas m'arriver. Ce n'était pas pour moi. Après, ils m'ont dit que c'était un cancer, mais le chirurgien m'a dit que c'était un petit cancer, puis j'ai vu le docteur Thiellet tout de suite. J'étais toute seule et je n'avais pas le droit de me laisser aller. Vincent Landreau : Il n'y a rien de plus difficile que d'affronter quelque chose de cet ordre là. Une participante : J'ai fait une dépression nerveuse il y a dix ans, terrible. Une souffrance incroyable. Et avec le recul et tout le travail que j'ai fait, je crois que le cancer, je le prends très bien. Parce qu’avec ma dépression je me sentais dans une souffrance atroce et il n’y avait pas de reconnaissance de cette souffrance ! Alors qu’avec le cancer, vous êtes entourée par les amis ; vous perdez les cheveux, vous êtes moche, ils le constatent. Tandis qu'exprimer auprès d'amis une souffrance psychique, c'est impossible. Et quand je dis que mon cancer n'existe pas, c'est peutêtre parce que j'avais fait une telle étape antérieurement que cela m'a servi. 19 Anne Thiellet : Je vous trouve formidable parce que cela nous donne de la pêche pour l'avenir. La participante : Il y a des moments avant qui m’aident à affronter des choses difficiles maintenant. Anne Thiellet : De mes nombreuses années d'expérience, j'ai tout un ensemble de patients que je suis et ce qui m'émerveille c'est ce rebondissement de certaines personnes par rapport à la maladie. Il y a cette phrase de Nietzche qui dit : " Ce qui ne tue pas rend plus fort ". Je connais une patiente qui n'avait pas son permis de conduire et elle l'a passé. Elle a eu envie de donner un sens à sa vie et elle a fait une formation professionnelle. Maintenant, elle a un boulot qui lui convient bien. Mais il y a une chose que j'entends aussi dans ces histoires, c'est le décalage que le cancer a provoqué par rapport à l'entourage. Je suis un certain nombre de patientes atteintes d'un cancer du sein qui ont donné un sens à leur vie et dont le conjoint est resté un peu comme avant et cela pose des problèmes de couple. Donc, peut-être faut-il revoir un psychologue à ce moment là, pour maintenir le lien. Une participante : Mon frère aîné a un cancer en même temps que moi. Vous imaginez donc la situation, avec notre mère qui a 88 ans. C'est une battante. Mon frère a un cancer du rein et les médecins lui ont enlevé un rein. Moi, je lui ai dit que s'il y avait besoin d'une greffe, je lui donnais un rein. Nous sommes parfois rattrapés par notre propre histoire, car quand les médecins se sont aperçus que j'avais un cancer, ils se sont aperçus que je n'avais qu'un rein... Là, cela a été difficile. Cela fait mal. Une participante : Ce qui est difficile aussi, c'est quand nous rechutons et que nous sommes en attente de traitement. J'ai rendez-vous demain, cela fait quinze jours que j'attends. Je suis complètement envahie par cela et j’ai hâte d’être à demain. Je saurai exactement où je vais. Cette attente, c'est épouvantable. Vincent Landreau : Vous exprimez très bien la difficulté qu'il y a à être dans le vide, dans un sentiment d'attente. C'est très douloureux et c'est là où vous pouvez utiliser l'équipe, au sens large du terme, pour venir puiser un peu d'énergie, un peu de souffle. 20 La participante : Je n'ai vraiment pas eu le temps. Et puis, il y a aussi la fatigue qui s'est rajoutée… Vivement demain soir ! Un participant : Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit du couple et du décalage éventuel. Quand le réseau Osmose nous a proposé un accompagnement psychologique, mon épouse et moi-même avons opté pour un accompagnement des deux en même temps, avec le même praticien. Ainsi, il n'y avait pas de décalage. Je me suis rendu compte, dans notre cas, que mon entourage était plus éprouvé que moimême. Cela a été très bénéfique. Cela nous permettait d'avoir des échanges. Monsieur a dit quelque chose d'intéressant aussi tout à l'heure, que c'est le moment de réfléchir au sens de sa vie. Finalement, c'est une chose que nous devrions faire, même lorsque nous ne sommes pas malades. Cela m'a permis de faire un bilan et surtout de vérifier que j'avais eu une grande cohérence par rapport à ma vie personnelle, familiale, professionnelle et militante. C'est la psychologue qui m'a permis de découvrir le sens de cette cohérence. Je trouve que c'est intéressant parce que nous ne pouvons pas le faire tout seul. Je recommande d'y aller, même si au début les gens y vont à reculons. Anne Thiellet : Au début, vous étiez réticent à l'idée d'aller voir un psychologue ? Le participant : Pas le psychologue. C'est pour le psychanalyste que j'étais réticent. J'ai choisi quelqu'un qui avait la double formation. Je ne connais pas bien la psychanalyse, mais pour moi, c'était pour des gens qui ont des problèmes énormes, les américains,… Les psychologues sont un peu plus doux, ils sont diplômés. Le psychanalyste n'a pas de diplôme, il n'en veut pas d'ailleurs. Déjà, quand je suis arrivé, j'ai dit que je ne voulais pas de divan. Je n'avais pas envie que cela dure des années. Le contrat que j'ai passé avec la psy a été de dire que cela ne durerait pas des années. Elle m'a expliqué la différence entre les différentes démarches (freudienne,…), cela m'a rassuré. Je me suis dit qu'il y avait plusieurs écoles, en espérant que j'étais tombé sur la bonne... Cela a duré quatre ou cinq mois. Pour mon épouse, c'était une heure par semaine, une heure bloquée. Moi, c'était trois fois par semaine, mais seulement quinze minutes. Si cela ne vous convient pas, il faut essayer d'aller voir un autre psychologue. Moi, je lui ai dit que je faisais un essai et que si cela ne me convenait pas, je lui dirais. Finalement cela a marché ! Une participante : Moi, les psychologues, j'ai hésité à y aller pendant deux ans. Et puis un jour, vous avez le déclic, vous rentrez, vous voyez vos parents en larmes dans un fauteuil, qui ne s'en remettent pas et vous vous dites que vous n'avez pas le droit… Anne Thiellet : C'est plus facile dans une structure médicale, parce que nous faisons une proposition. C'est-àdire que lorsque le patient ne connaît pas, doit avoir une chirurgie ou une chimiothérapie, le psychologue du service vient se présenter, dire qu'il est là, si le patient le souhaite. Il nous a semblé que c'était une démarche qui est plus facile pour un patient que d'aller lui-même faire la démarche pour y aller. Une participante : La proposition a été faite à mon mari. Mais il était à ce moment-là encore en état de recevoir beaucoup de coups. Alors que maintenant, cela ne va pas du tout et on ne le lui propose plus, parce qu'il est beaucoup à domicile, parce qu'il va de moins en moins à l'hôpital. Je trouve que c'est maintenant que ce serait nécessaire, il dit d'ailleurs qu'il a le moral en baisse. Vincent Landreau : C'est aussi le cliché que nous pouvons avoir sur le psy. Le cliché du psy qui est très silencieux, qui vous regarde, qui fait "humm, humm". Il ne va pas me mettre à l'aise, il va me proposer de m'allonger, alors que je n'ai pas envie de m'allonger. Il va falloir que je parle de mon enfance, de mon gras de jambon que je n'aimais pas quand j'étais petit et que mes parents me forçaient à manger,... Il y a des gens qui vont répondre à ce cliché parce que c'est un moyen pour eux d'avoir du pouvoir. Mais, en règle générale, un psychologue et un psychanalyste sont des gens qui essaient de mettre à l'aise leurs patients pour permettre à la personne de parler, de vider son sac. Anne Thiellet : Ce n'est apparemment pas vous, Madame, qu'il faut convaincre. La participante : Moi, non. Je vois un psychologue et mon fils aussi. Mais, pour mon mari, c’est plus difficile. Il faudrait le convaincre que c'est juste un moment pour lui, où il peut dire aussi : " J'en ai marre, j'ai peur,…" Et là, il n'y arrive pas. Anne Thiellet : Il faudrait trouver la personne qui pourrait lui faire admettre cela. Une participante : Pendant tout le temps de la chimiothérapie, je n'ai pas du tout éprouvé le besoin de voir un psychologue. Cela a été après. Quand les médecins m'ont dit qu'il n'y avait plus de rendez-vous, plus de chimiothérapie. Je me suis retrouvée face au vide. Anne Thiellet : Nous connaissons ce vide d'après, il y a un relais qui est nécessaire. Après le parcours d’obstacles liés à la maladie, arrive un moment de ‘vide’, dans l’attente des prochains bilans, avec moins d'attention de l’entourage. C’est une période difficile à vivre. Un participant : Nous avons beaucoup parlé de souffrance psychique. Il y a aussi la souffrance physique. Le traitement de la douleur physique qui est du ressort de la médecine. La douleur physique engendre la douleur morale et cela a un impact sur l'environnement, la famille, les accompagnants. J'ai une question : Sortons nous indemnes de cette épreuve ? Probablement pas, c'est le commun de toutes les expériences. Mais le cancer est peut-être une maladie qui traumatise encore plus, qui laisse encore plus de traces, même si effectivement, il donne de la maturité, de la conscience. Mais sortons nous indemnes de cela ? Grégory Frankel : Sortons nous indemnes de la vie ? Le participant : Finalement, la vie qu'est-ce que c'est ? C'est une survie du début à la fin. Nous sommes en survie. L'épée de Damoclès, vous l'avez en permanence, tous les jours. Le problème, c'est la conscience. Quand nous sommes malades, nous avons la conscience que cela peut s'arrêter. Grégory Frankel : Je crois que vivre n'est pas survivre. L'intérêt, c'est l'incertitude. 21 Le participant : Mais quand nous avons un cancer qui n'est pas guérissable, cela se pose en termes de survie. Il faut appeler les choses par leur nom. Est-ce que la vie est la survie, est-ce que la survie est la vie ? Grégory Frankel : Il y a toujours la vie. Tout est toujours vivant. Anne Thiellet : Maintenant que nous arrivons à guérir, à prolonger la durée de vie, nous utilisons le mot de maladie chronique, avec tous ses aléas. Il faut s'approprier la maladie, faire avec,... La notion de maladie chronique est difficile. Les gens qui ont des diabètes nous paraissent peut-être un peu moins atteints, cela peut être une hypertension grave ; pour des jeunes, une mucoviscidose. Mais nous allons vivre avec une maladie chronique qui aura des rechutes, qui aura des rémissions. Il y a peut-être moins ce côté péjoratif, angoissant, du mot cancer que nous pouvons assimiler à la survie, voire à la mort. Quelqu'un qui a le diabète ou une hypertension grave va moins utiliser ce mot. Or, sa vie est également en péril, de la même façon, avec des traitements extrêmement angoissants et pénibles., même s’il n'y a pas la connotation de survie. Quelqu'un peut avoir le diabète depuis l'âge de vingt ans et être obligé de faire tous les jours des piqûres d'insuline. Nous ne sommes pas en train de comparer les maladies. Je pense que toutes ces maladie qui imposent des traitements et qui ont des effets secondaires sont des maladies chroniques. La chimiothérapie bien sûr est un traitement très lourd mais les dialyses aussi sont des traitements très lourds. Une participante : Oui, mais avec la chimiothérapie, il y a la perte des cheveux. Anne Thiellet : Vous avez tout à fait raison. Mais une dialyse aussi a beaucoup d'inconvénients. Apprendre que nous avons un diabète à vingt ans ou trente ans, apprendre que nous avons une sclérose en plaques, ce n’est pas réjouissant. Grégory, je pense que tu peux prendre la parole pour poursuivre. 22 Grégory Frankel Psychologue clinicien Hôpital Antoine Béclère Grégory Frankel : Je travaille dans un service de médecine interne à Béclère. Je suis amené à rencontrer une grande diversité de personnes atteintes de cancer. Je me considère comme n'ayant aucune spécialité ni aucune expertise particulière. Le service se compose de lits d'hospitalisation et d'un hôpital de jour où je peux rencontrer les patients. J'ai ouvert une consultation psychologique à la polyclinique de l'hôpital et j'y reçois des personnes sur rendez-vous. Cette consultation est ouverte à tous ceux qui souhaitent un entretien. Ils peuvent être adressés par des médecins travaillant à l'hôpital ou en ville. J'effectue un travail d'analyse des besoins en termes de suivi psychologique et d'orientation. Ainsi, il m'arrive d'adresser à des collègues libéraux, parfois à des psychiatres. Dans certaines circonstances, j'instaure un suivi régulier, appelons cela psychothérapie. Cette consultation est ouverte aussi à des patients vus au cours d'une hospitalisation ou en hôpital de jour et cela peut poursuivre un travail engagé. J'utilise cet espace de la polyclinique pour recevoir des patients après leurs soins, leur bilan ou leur consultation médicale. Je peux ainsi recevoir ou voir des patients dans des espaces différents, et cela peut aussi symboliser des rapports différents à la maladie, des positions différentes par rapport à l'appropriation du cancer et des traitements. Parfois, des patients viennent spécialement pour leur entretien psychologique, en dehors de tout suivi médical. Lors d'une hospitalisation, de même que pendant un suivi en hôpital de jour, il est extrêmement rare qu'une personne fasse appel à un psychologue. Cela arrive mais c'est exceptionnel. Depuis que je travaille dans le service, ce que je recherche, c'est que des médecins, des infirmières, des aides soignantes ou des assistantes sociales m'indiquent et m'adressent des patients. Ce qui est visé, c'est qu'un médecin, un membre de l'équipe infirmière ou un travailleur social, à partir de ce qui fait pour eux un signal, propose une rencontre avec un psychologue. Cette rencontre trouve alors une raison, un motif déclaré. Cela peut être une insomnie, une inquiétude, un questionnement existentiel, un signe de dépression, une angoisse… Cette rencontre doit être consentie. Elle peut être refusée et parfois permettre, justement, un échange sur ce refus entre la personne qui a proposé et le malade. Le motif de cette rencontre, quel qu'il soit, noue déjà en amont quelque chose dans une relation qui n'est pas encore là. Ce motif fera un lien, ce pourra être l'objet d'un travail, objet dont la personne se départira. Parfois cet objet ne sera jamais abordé, il s'agira alors de toute autre chose qui alimentera le contenu des entretiens. Je privilégie toujours, quand je me présente auprès d'un patient, que si le patient a quelque chose à dire, il le fasse lui-même. J'essaye de n'être jamais un ambassadeur ou un porteparole. Je pense que l'un des buts de mon travail est de contribuer à ce que chacun porte luimême ses souhaits, ses interrogations ou ses questions à celui à qui cela doit s'adresser. Mais, peut-être vous demandez-vous encore ce qu’est un psychologue. Le "psy" regroupe des fonctions extrêmement différentes : psychiatre, psychologue, psychothérapeute, psychanalyste, psychologue clinicien,... Un psychologue a fait des études de psychologie. Il y a les psychologues de la santé, du travail, des psychosociologues, des neuropsychologues,… Ce qui nous occupe aujourd'hui, ce que nous sommes tous ici, ce sont les psychologues cliniciens. Nous nous sommes orientés vers la psychologie clinique. La profession est très récente, elle a quarante ans. Le titre de psychologue n'existe que depuis 1991. Avant 1991, n'importe qui pouvait s'intituler psychologue. Depuis ce décret de 1991, le titre de psychologue est cadré : " Les psychologues exercent les fonctions, conçoivent les méthodes, mettent en œuvre les moyens, les techniques correspondant à la qualification issue de la formation qu'ils ont reçu. A ce titre, ils étudient et traitent, au travers d'une démarche professionnelle propre, les rapports réciproques entre vie psychique et comportements individuels ou collectifs afin de promouvoir l'autonomie de la personnalité ". Les mots les plus importants de cette définition sont : "démarche propre", "traiter", "rapport réciproque entre comportements individuels et collectifs", "autonomie de la personne". Mais, un psychologue clinicien, qu'est-ce que c'est ? Cela réunit plein de choses. Ce terme, du grec "Kliniké" veut dire : "ce qui se fait près du lit des malades, sur le patient lui-même et non dans 23 les livres". Cela vient du grec "Kliné" qui veut dire "lit" et "Klinein" qui veut dire "penché, incliné". Dans Le Larousse on trouve la définition de ce que sont les signes cliniques. Ce sont des "signes ou symptômes que le médecin peut percevoir par le seul usage des cinq sens, par opposition aux signes biochimiques, radiologiques,…" Concernant la psychologie clinique, Le Larousse précise que c’est une "branche de la psychologie qui se fixe comme but l'investigation en profondeur de la personnalité considérée comme une singularité". L'investigation, c'est-à-dire l'observation active, (dont la méthode privilégiée est pour nous, des entretiens, pour d'autres des tests et des questionnaires) consiste à associer des conduites concrètes, observables par tous, des interprétations, des liaisons, des articulations, des mises en relation. Et, au-delà, de faire des liaisons de causes et d'effets, de dévoiler du sens, des significations. Analyser une conduite, une situation, un état psychique, une émotion,... c'est les percevoir, les décrire et, par un jeu dont nous essayons qu'il soit subtil, faire apparaître une signification qui n'est pas visibles pour la personne ou pour un observateur profane. Les règles de ce jeu peuvent être fixées de façon standardisée ou elles peuvent être en lien avec des théories, des doctrines. La psychologie clinique est une observation contextuelle. Le psychologue est lui-même dans le contexte de la rencontre et au-delà, dans le contexte plus large du lieu où il intervient : hôpital, cabinet, domicile,… Le psychologue s'articule à ce lieu d'exercice avec des objectifs déclarés ou implicites. De même qu'il est nécessaire qu'il s'interroge sur l'effet de sa place dans la rencontre, il est nécessaire qu'il réfléchisse sur le lieu d'exercice dans lequel il se situe. Les entretiens, basés sur une optique, une perspective, une attitude d'accueil, permettent aux personnes qui s'en saisissent de s'entendre, de se raconter, de se mesurer, de se soutenir. Je voudrais maintenant dire juste un mot sur les théories psychiques qui essaient de formaliser quelque chose d'extrêmement complexe : le psychique. Le psychologue clinicien, son titre en poche, par son expérience, ses centres d'intérêt, son histoire, ses rencontres et parfois en s'inscrivant dans une démarche personnelle où il s'interroge sur sa 24 souffrance et son propre psychisme, peut se choisir une théorie. Ce qui impliquera qu'il se formera et cherchera toujours à le faire afin de trouver sa pratique. Une participante : Dans le but d'aider le patient ? L'aider à se dévoiler, à se découvrir, à s'extérioriser ? Votre but réel, à la base, est d'aider le patient à puiser en lui les forces de lutter contre sa maladie ? Vincent Landreau : Quelque chose comme cela, oui. On pourrait presque dire que ce pouvoir, vous l'avez en vous, et nous, psychologues, nous pouvons vous aider à réveiller ce que vous avez en vous. La participante : En fait, votre rôle, c'est d'aider celui qui souffre à prendre sur lui pour lutter ? Grégory Frankel : Je pense que nous ne sommes pas les seuls à faire cela. Nous ne sommes pas les seuls à dire aux personnes qui ont un malheur, un drame, une souffrance,... de prendre sur eux. Les médecins le font, les infirmières le font, les aides-soignantes,… Nous, nous contribuons à le faire, comme tous les autres. Ce que j'ai essayé de faire, c'est de montrer une spécificité de notre rôle. Nous sommes, bien sûr, des soignants puisque nous travaillons dans des établissements de santé ou en cabinet, nous aidons. Mais quelle est notre façon de le faire, c'est cela que j'essaie de dire. Le thème que l'on m'a demandé de traiter est " la prise en charge après les traitements ". Ce que j'ai essayé de montrer, c'est ce que peuvent faire, spécifiquement, les psychologues, quelles que soient les théories auxquelles ils se raccordent. Quelle est leur aide spécifique ? Comment les psychologues peuvent soutenir et aider quelqu'un, à leur façon ? La prise en charge après les traitements : Cette période, pour certains malades, est tout à fait cruciale. Cela peut être vécu comme un sentiment d'abandon ou de perte, comme une sorte de désamour où se manifestent des signes dits de dépression, où le patient se sent en déserrance. Ce temps fait résonnance aux annonces, aux soins, au souvenir des effets secondaires ou d'autres choses qui se sont passées avant. Il est la prise de conscience réelle de ce qui est arrivé. C'est le retentissement après coup. Un peu comme si parce qu’il n'y avait ni traitement, ni suivi rapproché, le cancer prenait réellement sa place. Anne Thiellet : Merci Grégory démonstration. C'est le moment d'une relecture qui permet de passer d'une description à un récit. Tout d'abord le récit de sa maladie, ensuite le récit de soi dans la maladie et enfin le récit de soi. Ce n'est pas un mince exercice que de passer d'une position d'être contre à une position d'être avec. Une position d'être, en fin de compte. Ce dont il s'agit dans ce récit de soi, c'est d'abord de pouvoir se défaire d'un statut, voire d'une identité de malade, identité que je nomme d'emprunt, se déprendre de cette identification et mettre au premier plan un Je. Il est temps de conclure notre rencontre. Je remercie les intervenants. Je voulais dire que, nous, soignants, nous sommes là pour porter un poids de votre souffrance, la partager, faire ce chemin ensemble. Ce récit passe au travers de la recherche des causes, de leur lecture et relecture. Des causes externes qui ont provoqué le cancer aux causes personnelles que la personne s'attribue, causes disons évènementielles : la retraite, une rupture, le chômage,... pour aboutir à des causes subjectives qui marquent la personne dans sa singularité. pour cette brillante Notre souhait, dans le réseau Osmose, c'est que personne ne se sente isolé, c’est que chacun ait la possibilité de puiser dans les ressources de ce réseau ce dont il pourra avoir besoin au moment où il en aura besoin. C'est cela qui me semble important : ne pas se sentir isolé, ne pas se sentir seul et partager ce qui est vécu avec d’autres. Merci à tous de votre participation Le récit de soi permet de faire de la maladie un "interne" alimenté, abreuvé de son histoire, de son équation, de ses désirs et de ses angoisses. La maladie alors ne vient pas de l'étranger, elle n'est plus externe. Ce dont il s'agit, c'est de faire un intérieur subjectif, c'est en fait être. Ce réaménagement de soi, ce remaniement n'est souvent pas spectaculaire. Il n'y a pas souvent d'évènement particulier de renversement de l'existence. Le récit de soi témoigne que le cancer peut, pour certains, structurer réellement, véritablement quelque chose dans l'être et le faire devenir ce qu'il est, c'est-à-dire ce qu'il a toujours été sans le vouloir. Le cancer comme une occurrence d'en découvrir de soi, de ce que certains nomment « la vérité de soi-même ». Pour conclure, je voudrais vous citer l'extrait d'une lettre d'un grand poète qui, je crois, illustre qu'un traumatisme peut être le lieu de fondation de soi, sous entendu le cancer est un traumatisme : "Nous naissons, pour ainsi dire, provisoirement quelque part, c'est peu à peu que nous composons le lieu de notre origine pour y naître après coup et chaque jour plus définitivement" (Rainer Maria Rilke) 25 Osmose Réseau de prise en charge de personnes touchées par le cancer et/ou de personnes âgées dépendantes et/ou de personnes nécessitant des soins palliatifs dans le sud des Hauts-de-Seine Osmose s'adresse : - aux patients - à leur entourage - aux professionnels et institutions de santé pour : - permettre une prise en charge de proximité adaptée aux besoins des personnes s'étend sur : - les 14 communes du territoire de santé 92-1 Osmose 20, avenue Edouard Herriot - Immeuble le Carnot - Hall 9 92350 Le Plessis Robinson 26