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Jean Richafort (c.1480-c
.1547)
RequiemmJosquin Desprez] à 6 voix
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HMA 1951730
En 1556, les célèbres éditeurs de musique parisiens Le Roy et Ballard ont publié à titre
posthume un volume de dix-neuf motets du compositeur franco-flamand Jean Richafort :
Joannis Richafort modulorum quatuor, quinque et sex vocum, liber primus…
Cette publication venait s’ajouter aux innombrables hommages rendus à l’un des plus
importants polyphonistes de la première moitié du xvie siècle.
Outre cette édition, consacrée exclusivement aux œuvres de Richafort, plus de soixante-dix
anthologies contenant une ou plusieurs de ses compositions ont paru entre 1519 et 1583
(!).
Et ce qui est encore plus impressionnant, plus de deux cents manuscrits comprenaient
des copies d’œuvres de Richafort. Parmi ces manuscrits, on trouve plusieurs exemples
célèbres, parfois des commandes de cercles illustres et qui leur étaient destinés. Ainsi
le monumental Salve Regina (plage 10) et un certain nombre de motets figurent dans des
manuscrits somptueusement enluminés réalisés notamment par Alamire pour en faire
cadeau à Ferdinand, archiduc d’Autriche et frère de Charles Quint.
Une œuvre aussi largement diffusée laisse supposer que Richafort devait être un musicien
très estimé, ce que confirment certains faits connus.
Lors de la rencontre entre le roi François Ier et le pape Léon X à Bologne en 1516, Richafort
faisait partie de l’entourage musical du roi. L’art de Richafort a fait une impression si
profonde sur le pape mélomane que le 30 janvier de la même année, ce dernier a remis des
cadeaux au compositeur (soit dit en passant, le même honneur a été conféré à Claudin de
Sermisy).
Un certain Giovanni Antonio Merlo, chanteur à la Chapelle Sixtine entre 1555 et 1588, a
rédigé en 1568 une sorte de journal-mémorandum dans lequel il mentionne des compositions
qui jouissaient toujours de son temps d’une popularité durable dans le répertoire du Chœur
de la Chapelle Sixtine. Sa liste de dix-huit pièces comporte notamment une œuvre de
Richafort, le motet Quem dicunt homines. Il est intéressant de noter que cette composition
avait déjà trouvé sa place dans un livre de chœur utilisé en 1518 – il était donc encore
chanté cinquante ans plus tard !
L’humaniste et théoricien suisse, correspondant d’Érasme, Henricus Glareanus (14881563), a publié son traité Dodecachordon à Bâle en 1547. Il y mentionne Richafort en ces
termes comme le plus jeune compositeur de sa génération : “… cuius magna est nostra
etate laus in componendis vocibus.”
Un élève de Glareanus, Aegidius Tschudi (1505-1572) a mis en pratique l’admiration que
son maître portait à Richafort en recopiant sept de ses œuvres dans l’un de ses propres
manuscrits (Saint-Gall, Stiftsbibliothek, ms. 463).
L’admiration dont Richafort a fait l’objet s’est également manifestée dans un milieu assez
inattendu : Pierre de Ronsard (1524-1585) le compte parmi les grands compositeurs dans
son Livre des Meslanges contenant six vingtz chansons des plus rares et plus industrieuses qui
se trouvent… (1560) : “… Et pource, Sire, quand il se manifeste quelque excellent ouvrier en
cet art, vous le devez songneusement garder, comme chose d’autant excellente, que rarement
elle apparoist. Entre lesquels se sont depuis six ou sept vingtz ans eslevez Josquin des Prez, et
ses disciples Mouton, Vuillard, Richaffort…”
Ce sont toutefois les collègues compositeurs de Richafort qui lui portaient la plus haute
estime et appréciation.
1
Lorsque vers 1510-1515, les premières messes parodies ont vu le jour à la chapelle de
la cour de France (des messes basées sur d’autres œuvres déjà existantes – motets,
chansons, etc.), c’est un motet de Richafort (Quem dicunt homines déjà cité) qui a servi de
modèle.
Jusqu’à la fin du xvie siècle, les œuvres de Richafort sont restées parmi celles des
compositeurs les plus joués. Divitis, Mouton, Lupus, Morales, Gombert, Ruffo, Pullauer et
même Palestrina ont écrit des messes basées sur des modèles de Richafort. Le compositeur
n’aurait sûrement pas pu rêver plus grand hommage.
En tenant compte de ces éléments, on pourrait supposer que les archives de l’époque
soient largement documentées sur la vie et la carrière de Richafort. Pourtant, nous sommes
confrontés ici à un paradoxe : la survie et la transmission de son œuvre sont d’une ampleur
inversement proportionnelle à ce que l’on sait de sa vie. En voici quelques détails épars.
Jean Richafort est né vers 1480 dans les Flandres françaises en un lieu qui s’appelait
probablement Ricartsvorde (Ryfvart près de St. Omaars ?). On ignore tout du début de sa
vie et de son instruction. En 1507, il est nommé maître de chapelle à la cathédrale SaintRombaut de Malines, où deux de ses frères, Guillaume et François, sont engagés comme
chanteurs. En 1509, Noël Baudoin (Bauldewyn) lui succède.
Ensuite, on ne sait pas très bien ce qui lui arrive. À une certaine époque, il fréquente sans
doute la cour de France, où il compose probablement le motet Consolator captivorum pour
les funérailles de Louis XII en 1515. Et comme on l’a déjà vu, il est à Bologne en 1516. Une
source (Vicenzo Galilei) affirme qu’il était à Rome dès 1513.
Sa dernière fonction connue est celle de maître de chapelle de l’église Saint-Gilles à Bruges
entre 1542 et 1547. On perd ensuite toute trace de lui. Si l’on tient compte du nombre
important de publications françaises et de la nature de ses compositions, il ne serait pas
impossible que Richafort ait passé les années 1520 et 1530 au service des rois de France.
Les œuvres figurant sur ce CD sont révélatrices du talent créateur de Richafort et des
caractéristiques de son style.
Le texte du motet à quatre voix Sufficiebat nobis paupertas (plage 9), poétique mais
relativement mystérieux, est une paraphrase d’un passage de l’Ancien Testament (Tobie 5,
20-23 et 10, 4).
Dix sources de cette œuvre nous sont parvenues. L’illustration reproduit la version du Codex
de Rusconi (Bologne, Museo Civico, ms. Q19). Pour la voix supérieure, Richafort utilise
la partie de ténor de la chanson de Hayne van Ghizegem Mon souvenir me fait mourir. Le
contrepoint formé par les trois voix inférieures offre un contraste frappant avec le calme
du mouvement en valeurs lentes de la voix supérieure. Ces trois voix forment une riche
structure harmonique de base qui fait souvent appel à des figures de rhétorique (notamment
sur les mots “pecunia ipsa”). En outre, Richafort applique le principe de fuggir le cadenze :
sur “filium nostrum”, il introduit une cadence en si bémol éloignée sur le plan modal.
Le court motet Laetamini in Domino (plage 8) est d’un caractère totalement différent.
Également pour voix d’hommes, il est écrit dans un style contrapuntique dense à quatre voix.
En croisant ingénieusement les parties (à un moment, la première voix se croise même avec
la quatrième !) et en faisant de brèves imitations, Richafort parvient à écrire un contrepoint
mobile qui transcende la simple ingéniosité technique.
L’un des sommets de l’œuvre de Richafort est le Salve Regina tripartite à cinq voix (plage
10). La mélodie grégorienne de cette antienne est citée et paraphrasée aux cinq voix. Au
début, il y a un échange alternatim du contrepoint virtuose entre deux groupes de voix. Ce
n’est qu’à partir du mot “clamamus” qu’on assiste à un déploiement complet et simultané
des cinq voix avec un riche développement mélismatique. La deuxième section est écrite à
quatre voix, sans la voix supérieure. La troisième section est construite majestueu­sement
sur les paroles “Et Jesum” (avec un neume) et culmine dans un passage mélismatique sur
“nobis post hoc”. Chacune des invocations finales, “O clemens”, “O pia” et “O dulcis Virgo
Maria”, comporte son propre développement du motif et elles mènent à un accord final
apaisant de quinte juste.
Les deux chansons, Ne vous chaille à quatre voix (plage 11) et Tru tru trut avant à trois voix
(plage 12) sont l’antithèse même l’une de l’autre. La première, pour voix d’hommes, est
composée dans le style intimiste franco-flamand avec des imitations denses, alors que la
chanson à boire à trois voix penche davantage vers le style du vaudeville français avec un air
à la partie de ténor qui rappelle une chanson de rues.
Le véritable sommet de l’art de Richafort est indubitablement son Requiem à six voix (plages
1 à 7).
L’œuvre repose sur deux cantus firmi, qui font tous deux allusion à Josquin Desprez.
Probablement composée à la mort de Josquin (1521), elle constitue à tous égards un
hommage à l’art de ce dernier.
L’art de Richafort s’y déploie d’un point de vue extrêmement auditif ; il ne révèle son
importance profonde qu’à l’écoute de la totalité des six sections qui évoluent calmement et
non au travers d’un concept uniquement visuel de la partition écrite.
2
Une appréciation de la réussite artistique de Richafort reposant uniquement sur une étude
visuelle de sa musique ne permet en aucun cas d’en saisir la réelle signification et aboutit
aux jugements les plus manifestement erronés. Ainsi la remarque peu judicieuse d’un célèbre
musicologue américain lorsqu’il qualifie “… des compositeurs tels Jean Richafort et Pierre
de Manchicourt, de membres sérieux bien que sans intérêt (sic!) de ce que nous appellerons
en ne plaisantant qu’à moitié une génération ‘anonyme’ (sic!)”. (Allan W. Atlas, Renaissance
Music, New York, 1998, p. 343).
Le tempo intuitivement tranquille et la vaste étendue concomitante de la ligne, l’équilibre
merveilleusement instable entre consonance et dissonance, la souplesse grégorienne
des lignes mélodiques – tous ces aspects se retrouvent dans le Requiem. Le premier
cantus firmus, qui apparaît à toutes les parties du Requiem, est la citation grégorienne :
“Circumdederunt me gemitus mortis, dolores inferni circumdederunt me.” Josquin Desprez
a lui aussi utilisé fréquemment cette citation. Ce cantus firmus se présente en canon
seulement aux deux parties de ténor. Dans le Graduale et dans l’Offertorium construits
majestueusement, Richafort utilise en outre aux mêmes parties de ténor le fragment “C’est
douleur sans pareille” de la chanson “Faulte d’argent” de Josquin.
Autour de ces deux cantus firmi, Richafort crée un contrepoint qui excelle dans l’équilibre
de la construction de lignes mélodiques méditatives, colorées avec parcimonie mais avec
beaucoup d’effet, grâce à la musica ficta et au commixtio (emploi simultané de plusieurs
modes). Le Requiem est un exemple parfait de ce que son prédécesseur Franchino Gaffurio
a décrit dans son ouvrage Theorica Musice de 1492 (Ch. V, 62) : “… Mais ils disent que la
voix humaine, bien adaptée et formée par l’art, convient mieux que les sons de tous les
instruments pour apaiser les oreilles, calmer les passions de l’âme elle-même, chasser la
faiblesse du corps, et susciter les mouvements et servir d’alternative à l’impulsivité.”
Paul Van Nevel
Traduction Marie-Stella Pâris
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Requiem
1 | a. Introitus
Requiem aeternam dona eis Domine
et lux perpetua luceat eis.
Donne-leur le repos à jamais, Seigneur,
Et fais briller pour eux la lumière éternelle.
Te decet hymnus Deus in Sion
et tibi reddetur votum in Jerusalem:
exaudi Deus orationem meam
ad te omnis caro veniet.
En Sion, Seigneur, nous te chantons nos louanges ;
A Jérusalem, nous t’offrons nos sacrifices.
Écoute ma prière,
Toi que nous rejoindrons tous.
tenor 1 & 2 Circumdederunt me gemitus mortis
Dolores inferni, circumdederunt me.
Les gémissements de la mort m’ont enveloppé,
Les tourments du tombeau m’ont cerné.
2 | b. Kyrie
Kyrie eleison, kyrie eleison, kyrie eleison.
Christe eleison, Christe eleison, Christe eleison.
Kyrie eleison, kyrie eleison, kyrie eleison.
Seigneur, prends pitié.
Christ, prends pitié.
Seigneur, prends pitié.
tenor 1 & 2 Circumdederunt me gemitus mortis
Dolores inferni, circumdederunt me.
Les gémissements de la mort m’ont enveloppé,
Les tourments du tombeau m’ont cerné.
3 | c. Graduale
Si ambulem in medio umbrae mortis non timebo mala
quoniam tu mecum es, Domine.
Virga tua et baculus tuus ipsa me consolata sunt.
Si je marche dans la vallée de l’ombre profonde,
je ne crains rien de mauvais car tu es avec moi, Seigneur.
Ta baguette et ton bâton me réconfortent.
tenor 1 & 2 Circumdederunt me gemitus mortis
Dolores inferni,
C’est douleur sans pareille.
Les gémissements de la mort m’ont enveloppé,
Les tourments du tombeau m’ont cerné.
C’est une souffrance à nulle autre pareille.
4 | d. Offertorium
Domine Jesu Christe, Rex gloriae,
libera animas omnium fidelium defunctorum
de manu inferni, et de profundo lacu:
libera eas de ore leonis
ne absorbeat eas tartarus,
ne cadant in obscura tenebrarum loca:
sed signifer sanctus Michael repraesentet eas in lucem sanctam:
quam olim Abrahae promisisti et semini eius.
Hostias et preces tibi Domine offerimus
tu suscipe pro animabus illis,
quarum hodie memoriam agimus:
fac eas Domine, de morte transire ad vitam:
quam olim…
O Seigneur Jésus-Christ, roi de gloire,
préserve les âmes des défunts
des souffrances de l’enfer et de la profondeur de l’abîme.
Préserve-les de la gueule du lion
afin que le gouffre horrible ne les anéantisse pas,
qu’ils ne soient pas plongés dans les ténèbres.
Mais que saint Michel les introduise dans la lumière sainte
qu’autrefois tu promis à Abraham et à sa descendance.
Nous t’offrons le sacrifice et les prières de notre louange,
Seigneur ; reçois-les pour ces âmes
auxquelles nous rendons aujourd’hui mémoire.
Fais-les passer de la mort à la vie, Seigneur,
qu’autrefois…
tenor 1 & 2 Circumdederunt me gemitus mortis
Dolores inferni,
C’est douleur sans pareille.
Les gémissements de la mort m’ont enveloppé,
Les tourments du tombeau m’ont cerné.
C’est une souffrance à nulle autre pareille.
5 | e. Sanctus
Sanctus, sanctus, sanctus, Dominus Deus Sabaoth,
Pleni sunt caeli et terra gloria tua.
Hosanna in excelsis.
Benedictus qui venit in nomine Domini,
Hosanna in excelsis.
Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu de l’Univers !
Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire.
Hosanna au plus haut des cieux.
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur.
Hosanna au plus haut des cieux.
tenor 1 & 2 Circumdederunt me gemitus mortis
Dolores inferni, circumdederunt me.
Les gémissements de la mort m’ont enveloppé
Les tourments du tombeau m’ont cerné.
6 | f. Agnus Dei
Agnus Dei qui tollis peccata mundi:
dona eis requiem.
tenor 1 & 2 Circumdederunt me.
Agneau de Dieu qui enlèves les péchés du monde,
donne-leur le repos.
Ils m’ont enveloppé.
Agnus Dei qui tollis peccata mundi:
dona eis requiem.
tenor 1 & 2 Gemitus mortis.
Agneau de Dieu qui enlèves les péchés du monde,
donne-leur le repos.
Les gémissements de la mort.
Agnus Dei qui tollis peccata mundi:
dona eis requiem sempiternam.
tenor 1 & 2 Dolores inferni circumdederunt me.
Agneau de Dieu qui enlèves les péchés du monde,
donne-leur le repos éternel.
Les tourments du tombeau m’ont cerné.
4
7 | g. Communio
Lux aeterna luceat eis Domine:
cum sanctis tuis in aeternum quia pius es.
Requiem aeternam dona eis Domine:
et lux perpetua luceat eis.
Cum sanctis tuis in aeternum quia pius es.
Que la lumière luise à jamais, Seigneur,
avec tes saints, à jamais, car tu es miséricordieux.
Seigneur, donne-leur le repos éternel
et que la lumière luise à jamais pour eux.
Avec tes saints, à jamais, car tu es miséricordieux.
tenor 1 & 2 Circumdederunt me.
Ils m’ont cerné.
8 | Laetamini
Justes, réjouissez-vous dans le Seigneur, tressaillez
­d’allégresse, glorifiez-vous en lui, tous les cœurs droits.
Laetamini in Domino et exultate justi
et gloriamini omnes recti corde.
9 | Sufficiebat
Sufficiebat nobis paupertas nostra
ut divitiae computarentur:
nunquam fuisset pecunia ipsa pro qua misisti
filium nostrum, baculum nectutis nostrae.
Heu me, fili mi, ut quid te misimus peregrinari lumen
oculorum nostrorum, baculum senectutis nostrae.
La misère pesait sur nous
afin que des richesses nous soient comptées :
il n’y eut jamais fortune comparable à ce fils
que tu nous envoyas, bâton de notre vieillesse.
Malheur à moi, mon fils, car nous t’avons envoyé en pays
étranger, lumière de nos yeux, bâton de notre vieillesse.
10| Salve Regina
Salve Regina, mater misericordiae:
vita dulcedo et spes nostra salve.
Ad te clamamus, exules filii Evae.
Ad te suspiramus, gementes et flentes
in hac lacrimarum valle.
Salut Reine, mère de miséricorde,
notre vie, notre douceur et notre espérance, salut !
Vers toi nous crions, malheureux enfants d’Eve.
Vers toi nous soupirons, gémissant et pleurant,
dans cette vallée de larmes.
Eia ergo, advocata nostra,
illos tuos misericordes oculos ad nos converte.
Sois notre avocate,
tourne vers nous ton regard miséricordieux.
Et Jesum, benedictum fructum ventris tuis
nobis post hoc exilium ostende.
O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria.
Et après cet exil, montre-nous
le fruit béni de tes entrailles.
O clémente, ô pieuse, ô douce Vierge Marie !
11| Ne vous chaille mon cueur
Ne vous chaille mon cueur
Si vous avez du mal beaucop
Et si tousjours de vous plaisirs
n’avez l’entière joyssance
Car si Dieu plaist vous aurez
allegeance du mal pour qui
si souvent vous resuez.
Ne vous inquiétez pas, mon cœur,
Si votre souffrance est grande
Et si vos plaisirs ne vous donnent pas
toujours entière satisfaction
Car s’il plaît à Dieu
Vous serez soulagé
Du mal qui si souvent vous fait délirer.
12| Tru tru trut avant
Tru tru trut c’est maintenant qu’il faut boire
Car lorsque nous serons morts
Nous ne serons plus que des os
sous deux aulnes de toile.
Tru tru…
Tru tru trut avant il faut boire
Car après que serons mors
Nous n’arons plus que les os
Avoeucq deux aulnes de toille.
Tru tru…
13| Il n’est si doulce vie
Il n’est si doulce vie et de loyeusseté
Passant mélancolie en la chambre de ma’amye.
Nous irons, vous et moy, sans poinct de vilanie
Les jaloux plains d’envie sy ont roye sur moy et sur m’amye.
Il n’est pas de vie plus douce et plus noble,
Exempte de toute humeur chagrine, que dans la hambre de mon amie.
En vous et moi, nulle trace de bassesse
Les jaloux pleins d’envie roulent les yeux à notre passage.
Traduction Anne Lebras
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