les croisades d`orient.

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les croisades d`orient.
LES CROISADES D’ORIENT.
Plan du chapitre
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INTRODUCTION.
I/ La notion de pèlerinage.
II/ Le Proche-Orient musulman à la veille des croisades : un monde à la culture
florissante, mais terriblement affaibli par des divisions religieuses et politiques.
A/ La division religieuse entre musulmans sunnites et musulmans chiites, dès le
VIIe s.
B/ La division politique en califats indépendants et rivaux dès le Xe s.
C/ Les invasions turques, facteur de renforcement de l’insécurité.
D/ Le morcellement de l’Empire turc en sultanats indépendants et rivaux.
*
*
*
1. Les Facteurs favorables
a) L’inquiétude des chrétiens d’Occident face aux agressions répétées du monde
musulman.
b) Le dégagement des voies d’accès terrestres et maritimes vers l’Asie.
c) Le besoin d’expansion des populations occidentales en augmentation.
d) L’essor économique et politique de l’Occident.
2. L’Occasion : la demande byzantine de renforts occidentaux contre les Turcs.
3. Les Causes
a) L’action des papes
1/ la paix-Dieu et la guerre sainte
2/ la volonté de centraliser l’Eglise et la Chrétienté qui tend à se morceler en
monarchies nationales
3/ la tentative de réconciliation avec les orthodoxes.
b) Causes économiques : espoir de fortune et de terres.
c) Causes sociales
1/ Elan populaire
2/ Goût du voyage et de l’aventure.
4. Les Faits
5. Les Conséquences
a) militaires
b) politiques
c) religieuses
d) culturelles
e) économiques.
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2. Les Croisades.
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A) Les Croisades d’Orient.
INTRODUCTION
I/ La notion de pèlerinage* (A 60).
Dès le début du IIIème siècle, les premiers pèlerins chrétiens se rendirent vers la
Palestine, remplie des souvenirs de l’Ancien Testament, ainsi que de la vie et de la Passion du Christ. Au XIe
siècle, à la veille des croisades, le pèlerinage en Terre Sainte, et en particulier à Jérusalem, revêt une
triple signification :
a/ pénitence et moyen de salut.
On s’impose volontairement (ou, parfois, suite à une condamnation en justice) un
effort, des privations, des souffrances, on s’expose à des risques importants, pour montrer à Dieu un regret
profond et sincère de ses fautes, et ainsi Lui permettre de nous sauver, c’est-à-dire nous arracher à la mort
éternelle pour nous ouvrir la Jérusalem céleste, autrement dit le paradis (bonheur sans fin avec Lui).
b/ participation à la vie et aux souffrances du Christ.
Puisque le Christ est le modèle par excellence de tout chrétien, le pèlerin
s’identifiera plus facilement à son Maître sur les lieux mêmes où celui-ci a vécu et souffert (grotte de la
Nativité, calvaire, Saint-Sépulcre) pour nous sauver. Ainsi, le pèlerin sera non seulement purifié, mais
sanctifié (devenir saint à l’image de Dieu, telle est la destinée du chrétien).
c/ rendez-vous avec le Juge suprême des vivants et des morts.
Un certain nombre de chrétiens sont persuadés que le XIe siècle, qui correspond au
millénaire de la mort du Christ (rapportée traditionnellement à la date de 33), verra le retour du Messie à
Jérusalem ; ils s’attendent donc à la fin du monde et espèrent être transportés de Jérusalem au paradis !
L’Apocalypse tient alors une place considérable dans la liturgie et l’iconographie
chrétiennes. Les chroniqueurs de l’époque parlent de signes du ciel (météores, aurores boréales, pluies de
cendre ou de sang, démons grimaçant dans les églises, incendies subits…) qui annoncent de grands
événements. Jérusalem est le lieu où l’on souhaiterait mourir pour entrer aussitôt dans le bonheur sans fin
avec Dieu. Vers 1033, à l’approche du millénaire de la mort du Christ, on verra des foules de pèlerins se
rendre à Jérusalem dans cet état d’esprit.
La Palestine est considérée comme terre sainte par les trois grandes religions
monothéistes (judaïsme, christianisme, islam). Mais elle occupe en outre une position essentielle au carrefour
des routes commerciales et militaires entre l’Asie, l’Afrique et l’Europe. On comprend dès lors qu’elle ait
toujours été l’enjeu d’âpres rivalités et de luttes d’influence.
* QUESTIONNAIRE (mêmes remarques que pour la reconquête espagnole).
1. Relevez les raisons pour lesquelles Jérusalem est considérée comme une ville sainte :
a) par les Juifs ; b) par les chrétiens ; c) par les musulmans.
2. Relevez (en les localisant et en précisant leur raison d’être) les principaux pèlerinages (en dehors
de Jérusalem) d’une part du christianisme, et d’autre part de l’islam.
II/ Le Proche-Orient musulman à la veille des croisades : un monde à la culture florissante,
mais terriblement affaibli par des divisions religieuses et surtout politiques.
A/ La division politico-religieuse (sunnites et chiites), dès le VIIe siècle.
Revoir le chapitre sur l’islamisation des pays méditerranéens.
A l’époque qui précède immédiatement les grandes croisades d’Orient, le ProcheOrient est secoué par la lutte des sunnites contre les chiites. Ces derniers, prépondérants dans le monde
musulman entre le milieu du Xe siècle et le milieu du XIe siècle, sont alors principalement représentés par
les califes fatimides d’Egypte, qui s’acharnent à garder sous leur domination la Syrie et la Palestine.
Le sunnisme, dont les Turcs seljukides se sont faits les champions aux XIe-XIIe
siècles, rallie actuellement à peu près 90 % du monde musulman. Il est répandu en Arabie saoudite, en Syrie
et en Irak, dans toute l’Afrique du nord, au Pakistan, en Indonésie et en Afrique noire ; on trouve les sunnites
tantôt seuls, tantôt mêlés à des minorités kharidjites (Afrique du nord) ou chiites (Liban, Syrie, Irak, Inde).
B/ La division politique en califats indépendants et rivaux dès le Xe siècle.
[A 46]
Le monde de l’islam se présente comme un immense empire, résultat de conquêtes
foudroyantes (632-750), et dirigé par un chef religieux et politique, le calife, lieutenant et successeur de
Mahomet (siège à Damas, 661-750, puis à Bagdad, 750-1258). Cette immensité, cependant, ne doit pas faire
illusion : les luttes pour le pouvoir et l’étendue du territoire ont suscité depuis longtemps d’âpres rivalités
internes, à la fois dans le domaine religieux et sur le plan politique - les deux étant alors, plus encore qu’en
Occident, liés.
L’islam s’est trouvé morcelé par la volonté d’indépendance des dynasties locales
(émirs), qui ont rompu avec Bagdad : en Egypte, ce sont les Fatimides du Caire (909) ; en Espagne, les
Ommeyades de Cordoue (929).
C/ Les invasions turques, facteur de renforcement des divisions et de l’insécurité.
Déjà affaibli par ses divisions internes, le monde arabe va, à partir du XIe siècle, se
trouver aux prises avec les Turcs.
Les Seljukides (ou Seldjoukides, du nom de leur premier chef connu, Seljuk ou
Seldjouk) sont une tribu turque qui, au cours du Xe siècle, va entamer, à partir de l’Asie centrale, une longue
marche d’est en ouest, s’installant d’abord dans la région que nous appelons depuis Turkestan (entre le SyrDaria au nord et l’Oxus au sud, fleuves qui se jettent dans la mer d’Aral), pour aboutir, dans la seconde
moitié du XIe siècle, en Asie Mineure, l’actuelle Turquie. Convertis à l’islam sunnite, les Turcs sont
rapidement confrontés aux populations arabes ou arabisées, qui à l’époque sont majoritairement chiites.
Champions du sunnisme, ils se présentent donc non seulement comme des conquérants, mais en outre
comme des ennemis au plan religieux. D’une manière générale, ils professent un islam intransigeant et
intolérant, voire fanatique - non seulement à l’encontre des chiites, mais également vis-à-vis de toutes les
sectes musulmanes ainsi que des non-musulmans. Ce comportement explique en partie la réaction des
Occidentaux.
La poussée turque constituera donc un facteur supplémentaire de division du monde
musulman.
* Principales étapes des conquêtes turques.
± 1035 : Afghanistan ;
1051 : Iran ;
* 1055 : prise de Bagdad, dont l’Etat (Bouyides chiites) est renversé et dont le calife
donne au chef turc sa fille en mariage, ainsi que le titre de sultan. Désormais, le sultan s’imposera comme le
chef politique et militaire, tandis que le calife représentera l’autorité morale et religieuse.
1064 : l’Arménie (région actuellement partagée politiquement entre la C.E.I., l’Iran et la
Turquie, laquelle en possède la plus grande partie) ;
* 1071 : prise de la forteresse de Manzikert (Arménie, à l’ouest du lac de Van), poste
avancé de l’Empire byzantin ;
* 1078 : prise de Jérusalem (aux Fatimides depuis 969) ; les Turcs pillent la ville,
persécutent chrétiens et Juifs (les Fatimides la reprendront en 1098, mais devront la céder aux Croisés en
1099) ;
1072-1092 (règne du sultan Malik-Chah) : la plus grande partie de l’Asie Mineure est
enlevée à l’Empire byzantin.
D/ Le morcellement de l’empire turc en sultanats indépendants et souvent rivaux.
La poussée turque s’est trouvée considérablement freinée par l’action d’éléments
incontrôlés. D’une part, le mouvement de conquête, au lieu de se porter immédiatement contre l’Egypte
chiite, ennemie jurée des Turcs, est d’abord dévié vers le nord-ouest, entraînant l’occupation de l’actuelle
Turquie au détriment des Byzantins. D’autre part, l’empire des Seljukides ne pourra maintenir son unité
après la mort du sultan Malik-Chah (1092) : il va se morceler en sultanats indépendants et souvent rivaux. Le
plus important de ceux-ci sera le Sultanat de Roum,* (c’est-à-dire des anciens pays byzantins, dits romains
- roum étant une déformation arabe du grec rômaios -, à savoir une grande partie de l’Asie Mineure), fondé
en 1080 [A 53].
Il faut souligner l’importance de ces rivalités entre Turcs : non seulement elles ont
sauvé in extremis Constantinople, mais encore elles faciliteront l’avance des Croisés jusqu’au début du XIIe
siècle. Contrairement à ce que l’on a cru longtemps, les Turcs ne sont pas pour grand-chose dans le
déclenchement des premières croisades. Cependant, leur intervention dans les conflits du Proche-Orient, et
notamment en Palestine, sera à l’origine d’une grave insécurité qui suscitera l’inquiétude en Occident.
*
*
*
1. Les Facteurs favorables.
a) L’inquiétude des chrétiens d’Occident face aux agressions répétées du monde musulman.
La destruction du Saint-Sépulcre (1009) par le calife fatimide d’Egypte al Hakim avait
beaucoup frappé les esprits. De plus, les chrétiens d’Orient et les pèlerins occidentaux vivaient
dans une insécurité croissante. En effet, déjà victimes de conflits sporadiques entre Arabes (sunnites contre
chiites), ils feront en outre les frais des combats qui accompagnèrent les invasions turques (prise de
Jérusalem par les Turcs en 1078). Ce qui apparaît d’autant plus inquiétant pour les Occidentaux, c’est la
faiblesse, voire l’impuissance, dont fait preuve l’Empire byzantin face à cette situation (occupation d’une
grande partie de l’Asie Mineure par les Turcs).
b) Le dégagement des voies d’accès terrestres et maritimes vers l’Asie.
Il ne faut pas négliger deux facteurs qui ont grandement contribué à faciliter l’organisation
matérielle des croisades :
- l’ouverture de la route du Danube par la conversion des Hongrois au christianisme au début du
XIe siècle (saint Etienne, premier roi de Hongrie, 1001-1038). [A 52]
- le dégagement de la Méditerranée occidentale de l’emprise musulmane [A 49] : occupation de la
Sardaigne (1022) et de la Corse (1070) par les flottes de Gênes et de Pise ; installation en Sicile (1091) des
Normands (Robert Guiscard et son frère Roger, futur roi Roger Ier).
c) Le besoin d’expansion des populations occidentales en augmentation.
Riche des forces neuves et jeunes que lui donne sa population, alors croissante, l’Europe occidentale
va pouvoir en déverser, par les croisades, une partie du trop-plein vers l’extérieur.
d) L’essor économique et politique de l’Occident.
Le renouveau économique et le redressement de l’autorité publique (comtes et ducs, rois) rendent à
présent possible la mise sur pied d’expéditions lointaines et de grande envergure, ce qui aurait été
impensable au Temps des Seigneurs.
2. L’Occasion : la demande byzantine de renforts occidentaux contre les Turcs.
La défaite byzantine de Manzikert (1071), suivie quelques années plus tard par l’occupation d’une
grande partie de l’Asie Mineure, plonge les Occidentaux dans l’inquiétude face au péril turc.
Privé d’importants territoires asiatiques par les Turcs, le basileus souhaite rétablir ses positions dans
la région. Comme cela s’était déjà fait à partir du milieu du XIe siècle, il fait appel (1091 ?) à l’assistance
militaire des Occidentaux par l’entremise du pape Urbain II, dans l’espoir qu’on lui envoie un certain
nombre de mercenaires…
Les ambassadeurs de Constantinople ont-ils exagéré la situation des chrétiens et des pèlerins au
Proche-Orient ? Ou bien leurs interlocuteurs occidentaux n’ont-ils rien compris ? Toujours est-il que, sous
l’impulsion du pape, qui poursuit également d’autres buts, ce sont de véritables foules armées qui seront
expédiées vers l’Asie, revêtues de surcroît d’une mission religieuse sans aucun rapport avec les demandes
des Byzantins…
3. Les Causes.
a) Causes politico-religieuses : l’action des papes.
Introduction : la naissance en Occident de la notion de guerre sainte.
1/ De la Paix-Dieu à la guerre sainte.
Au XIe siècle, les rivalités entre communautés musulmanes au Proche-Orient provoquent des
troubles dont feront souvent les frais les chrétiens d’Orient ou les pèlerins occidentaux en Terre Sainte. Ces
persécutions font naître en Occident un climat d’inquiétude. En réalité, la principale cause des croisades,
c’est l’état mental et psychologique des Occidentaux à la fin du XIe siècle, aboutissant à transformer le
pèlerinage en une guerre sainte.
En proposant aux fidèles d’aller défendre les chrétiens d’Orient, le pape Urbain II définit au concile
de Clermont (Auvergne, novembre 1095) la notion même de croisade : un pèlerinage en armes, qui se donne
pour objet la délivrance des lieux saints et des chrétiens d’Orient. Il est placé sous l’autorité de l’Eglise (le
pape est représenté par un légat) et ouvert par une bulle pontificale ; ses participants se reconnaissent à
certains signes extérieurs (port d’une croix, mot de passe) et bénéficient de privilèges spirituels et temporels
(indulgences*, moratoire des dettes, prise en charge des terres du guerrier par l’évêque ou les agents du roi).
D’autre part, Urbain II a très clairement assigné, lors du même concile, un objectif fort différent à la
croisade : il s’agit de débarrasser une fois pour toutes l’Occident des seigneurs pillards et des brigands de
tout poil qui ont profité du climat d’insécurité (invasions normandes, hongroises et sarrasines) pour semer le
désordre et la terreur dans nos régions, s’attaquant aux agglomérations et aux monastères. Ces trublions se
voient à présent proposer un programme alléchant : combattre, piller, acquérir des terres, s’enrichir, et tout
cela en faisant la volonté de Dieu, qui leur ouvrira toutes grandes les portes du paradis !
2/ La volonté de centraliser l’Eglise et la Chrétienté qui tend à se morceler en Etats
indépendants.
Voir le chapitre sur l’Eglise au Temps des Villes. Activement occupée à la réforme de l’Eglise qu’il s’agit d’arracher à la tutelle des laïcs -, la Papauté mène parallèlement une oeuvre de centralisation afin
de resserrer les liens entre toutes les régions de la Chrétienté sous l’égide de Rome ; il s'agit de faire face à la
montée en puissance des monarchies, qui risque de morceler l'Europe en Eglises nationales échappant à
l'autorité du Saint-Siège. Dans cette perspective, la guerre sainte, en donnant l’occasion de nouer de solides
alliances avec les princes (comme en Espagne), a pu apparaître aux yeux des papes comme un moyen de
renforcer leur position, et aussi de se trouver des vassaux et des protecteurs, alors qu’ils luttaient contre
l’impérialisme germanique. Peut-être même le pape Urbain II a-t-il pensé à créer en Orient un nouvel Etat
soumis à sa juridiction - mais ceci est pure hypothèse !
3/ La tentative de réconciliation avec les orthodoxes.
Les papes réformateurs sont à la recherche de solutions en vue de réunir l’Eglise byzantine à
l’Eglise romaine. Certes, la rupture religieuse est consommée depuis 1054 (Grand Schisme d’Orient ou
Schisme grec) entre les Eglises de Rome et de Constantinople, mais il ne manque pas de fidèles désireux
d’un rapprochement et, surtout, les deux puissances ont besoin l’une de l’autre : Rome pour contrer les
empereurs allemands, et Constantinople pour se prémunir des incursions normandes.
Ainsi, en 1074, à la suite d’un échange d’ambassades entre le pape et Michel VII, Grégoire VII*
(1073-1085) projette une expédition au secours des chrétiens d’Orient avec une armée de chevaliers
occidentaux dont il prendrait lui-même la tête, comme dux et pontifex, confiant la défense des intérêts de
l’Eglise à l’empereur (Allemagne). Il a pour but non seulement de délivrer le Saint-Sépulcre et les territoires
conquis par les musulmans, mais aussi d’unir l’Eglise grecque à celle de Rome. La querelle avec le SaintEmpire (Querelle des Investitures*) amènera l’abandon du projet.
Conclusion.
La cause principale des croisades réside dans la volonté politique de la Papauté de saisir une
occasion favorable pour mettre en avant Rome et les intérêts de l'Eglise. Pour y parvenir, elle a joué
sur l'inquiétude suscitée en Occident par la faiblesse de l'Empire byzantin face aux invasions turques,
pour transformer en croisade (c'est-à-dire guerre sainte ou pèlerinage militaire mobilisant la
Chrétienté) - comme c'était déjà le cas en Espagne - ce qui, dans l'esprit des Byzantins, ne devait être
qu'une guerre classique visant à reconquérir les territoires annexés par les Turcs.
b) Causes économiques : espoir de fortune et de terres.
Beaucoup de nobles espèrent trouver en Orient la fortune et des terres. Chez les chevaliers qui
fournissent le gros des combattants ou chez certains paysans déracinés s’est souvent ajouté à l’idée d’une
sorte de pèlerinage en armes l’espoir de conquérir butin ou seigneurie tout en assurant son salut.
c) Causes sociales.
1/ La ferveur populaire.
L’enthousiasme des populations chrétiennes fut suscité non seulement par les sermons des
prédicateurs, mais aussi par les premiers succès véritables de la reconquête espagnole sur les musulmans.
Parmi les composantes de ce climat d’exaltation, il faut rappeler l’état d’esprit dans lequel beaucoup de
chrétiens entreprenaient le pèlerinage à Jérusalem (le passage d’Outremer) au XIe siècle : en ce temps du
millénaire de la mort du Christ, ils s’attendent à la fin du monde, avec le retour du Messie à Jérusalem. Se
trouvant sur place, ils espèrent être transportés dans la Jérusalem céleste, c’est-à-dire parvenir au paradis.
2/ Le goût du voyage et de l’aventure.
Beaucoup sont poussés par un besoin d’évasion. Le pèlerinage, effectué dans un premier temps
de manière individuelle, sans armes et dans le dépouillement spirituel et matériel, va devenir une entreprise
collective accompagnée d’un déploiement de force, voire de luxe. Le passage en Orient, souvent par
Constantinople, provoque en effet, au spectacle de la richesse byzantine, le désir naïf de rivaliser avec elle
ou, si cela est impossible, d’affirmer sa supériorité par une démonstration de courage. Si les pauvres
continuent d’effectuer le pèlerinage avec un ascétisme imposé, les guerriers y voient autant une aventure
qu’un exercice de religion. Mais la richesse de groupes de pèlerins de plus en plus nombreux suscite la
convoitise des bédouins, et les chrétiens seront parfois contraints de faire usage de leurs armes - avec moins
de déplaisir que ne le laissent entendre les chroniqueurs ecclésiastiques.
Conclusion
_________
Suivant des motivations fort diverses où la religion joue un rôle important, les Occidentaux, dans la
seconde moitié du XIe siècle, sont plus décidés que jamais à en finir avec leurs ennemis méridionaux,
adversaires à la fois sur le plan politique (les premiers raids musulmans en Méditerranée remontent au milieu
du VIIe siècle) et sur le plan religieux, sans parler de la concurrence économique - et cela d’autant plus
qu’ils ont déjà enregistré des succès encourageants dans le bassin occidental de la Méditerranée (Espagne,
Sardaigne, Corse et Sicile).
4. Les Faits [A 52].
5. Les Conséquences.
a) Conséquences militaires
1/ Bilan pour l’Occident.
Les Croisés ont d’abord connu des succès : prise de Jérusalem (1099* ; Godefroid de Bouillon),
établissement du Royaume latin de Jérusalem* [A 53] (1100-1187), reprise en mains des lieux saints - à la
faveur des dissensions internes du monde musulman et du démembrement de l’Empire turc.
Mais, en fin de compte, les croisades se soldèrent militairement par un échec complet. En 1187,
Saladin, sultan d’Egypte et de Syrie, proclamera la guerre sainte, et les croisés se verront bientôt
complètement submergés et refoulés du Proche-Orient (chute de Saint-Jean d’Acre et perte définitive de la
Palestine en 1291*). Cet échec cuisant, comme celui des expéditions qui suivront, n’est pas dû qu’au
redressement de l’ennemi, mais également au manque d’organisation et surtout d’unité des différents Etats
occidentaux, ainsi qu’à l’affaiblissement rapide de l’idéal religieux au profit d’âpres rivalités d’intérêt sur les
plans politique e économique [A 53]
2/ Bilan pour l’Empire byzantin.
Du point de vue byzantin, les croisades représentent un échec total, puisque l’Empire, qui
escomptait une aide militaire face à la pression turque, a vu ses possessions orientales occupées par les
Occidentaux à leur profit. Pire encore, la quatrième croisade, déviée vers Constantinople sous la pression des
Vénitiens, portera un coup très grave à l’Empire d’Orient.
La puissante République de Venise était la grande rivale des Byzantins pour le commerce en
Méditerranée orientale et en mer Noire. Après avoir exigé, pour fournir aux Croisés des vaisseaux et des
vivres pour neuf mois, une somme faramineuse que les Occidentaux étaient incapables de régler, les
Vénitiens proposèrent, en échange, de dévier la croisade contre Zara (act. Zadar, Croatie) en Dalmatie, sur la
côte adriatique., ville chrétienne que les Hongrois leur avaient prise et qui leur faisait concurrence. Cette ville
ayant alors été reconquise (1202), les Vénitiens exigèrent cette fois d’aller à Constantinople afin d’y
reconquérir leurs marchés, prétextant que les Latins (Occidentaux) avaient intérêt à y renverser le pouvoir
pour installer un jeune prince à leur dévotion et y posséder de bonnes bases d’opérations en vue des
croisades ultérieures. La ville fut prise et pillée (1204), et la domination des Occidentaux fut imposée à une
bonne partie de l’Empire byzantin : c’est l’Empire latin de Constantinople, qui devait durer jusqu’en 1261.
3/ Création d’ordres religieux et militaires.
Comme la reconquête de l’Espagne, les croisades du Proche-Orient ont amené la création de
fondations religieuses combattantes, c’est-à-dire d’ordres (groupes de religieux soumis à des règles
particulières) de moines-soldats. Ces fondations sont nées de la nécessité de défendre les refuges créés sur
place (hôtelleries pour les pèlerins, et hôpitaux) et administrés par des religieux.
Parmi ces milices du Christ (expression de saint Bernard), on peut citer l’Ordre du Saint-Sépulcre
(peut-être fondé par Godefroid de Bouillon), les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (1113) - appelés
plus tard, en fonction de leurs bases de repli ultérieures, Chevaliers de Rhodes, puis de Malte*, les
Templiers*(1118), les Hospitaliers de Saint-Lazare (1119 ; pour les soins aux lépreux) et les Chevaliers
Teutoniques (1190).
Après l’évacuation définitive de la Palestine, certains de ces ordres trouveront de nouveaux terrains
à leurs exploits contre les infidèles : Espagne et Portugal, Allemagne orientale et pays slaves d’Europe
centrale. Tel sera le cas, en particulier, des Chevaliers Teutoniques* (c’est-à-dire germaniques) : conquérants
massacreurs des Slaves, colonisateurs, fondateurs de villes (Elbing, Königsberg - act. Kaliningrad -,
Riga…), évangélisateurs et administrateurs d’importants hôpitaux tout à la fois. Cependant, pour beaucoup
d’autres, ces ordres perdirent leur raison d’être. Privées du grand élan mystique de leurs débuts et devenues
de grandes puissances financières absorbées dans les activités profanes et les affaires politiques, la plupart
des institutions nées en Terre Sainte devaient végéter puis s’éteindre, ou ne plus jouer qu’un rôle honorifique,
leurs biens passant à des fondations mieux adaptées à l’évolution des événements. Une exception
remarquable : l’Ordre de Malte* est resté jusqu’à nos jours une organisation humanitaire fidèle à sa vocation
d’origine.
b) Conséquences politiques.
1/ En Orient.
a/ Les relations entre le monde occidental et l’Empire byzantin sont au plus mal, surtout après la
quatrième croisade.
b/ Les croisades ont réveillé dans le monde musulman, qui s’était jusqu’alors - du moins dans
l’ensemble, et jusqu’à l’arrivée des Turcs - montré si tolérant à l’égard des chrétiens, l’idée de guerre sainte
dont devaient se servir plus tard les sultans ottomans.
2/ En Europe occidentale.
a/ Sécurité et liberté accrues ; renforcement du pouvoir royal et des
communautés urbaines.
Toute une noblesse turbulente s’est déplacée vers l’Asie, s’est ruinée en équipements et, pour
trouver de l’argent, a vendu des terres ou négocié avec les villes l’octroi de chartes limitant et fixant les
droits seigneuriaux. Les croisades ont donc profité au pouvoir monarchique et contribué à l’émancipation des
communes.
b/ Puissance pontificale renforcée.
Héraut de la bonne cause, véritable conscience de l’Occident, la Papauté a trouvé dans les
croisades l’occasion d’étendre son champ d’action ; elle s’est acquis de nouveaux alliés, qui sont également
des contribuables (rentrées fiscales), et a ainsi gagné en puissance, autant qu’en prestige.
c) Conséquences religieuses.
1/ Le fanatisme religieux des croisés les empêcha de comprendre la pensée profonde du monde
oriental - qu’il soit musulman ou même byzantin. Les politiques exceptionnelles du roi de France Louis IX
(saint Louis) et de l’empereur germanique Frédéric II, qui ont pratiqué un dialogue pacifique avec les
musulmans, ont été en général mal comprises de part et d’autre et n’ont eu que des effets éphémères.
2/ La quatrième croisade (1202-1204 ; A 52), en mettant directement aux prises chrétiens
d’Occident et chrétiens d’Orient, rendit irrémédiable le schisme de 1054*.
d) Conséquences culturelles.
De ce point de vue, les croisades apportèrent plus à l’Occident qu’à l’Orient : développement de
l’architecture religieuse et militaire (techniques byzantines), épanouissement de la littérature
chevaleresque, apparition de l’histoire contemporaine en langue vulgaire (Geoffroy de Villehardouin,
historien de la quatrième croisade). D’autre part, les croisades ont contribué à l’ouverture des horizons
intellectuels de l’Occident (recul des limites du monde connu) : outre la découverte de pays inconnus ou
mal connus, elles permettent à l’Occident de s’initier mieux et d’emprunter davantage à la science, à la
littérature et à l’art arabes et, à travers eux, aux cultures grecque, persane et hindoue.
e) Conséquences économiques.
Sur ce plan, la portée des croisades est considérable, avec la création du Royaume latin de Jérusalem
(1100-1187 ; A 53) : pour la première fois depuis les Romains, l’Europe fondait des établissements outre-mer
et s’engageait dans la voie de la colonisation.
1/ Les croisades ont multiplié les relations commerciales avec l’Asie antérieure. En ouvrant aux
Occidentaux la route du Levant où aboutissent les caravanes d’Asie (terminus de la route de la soie), elles
ont fait la fortune des grands ports italiens, principalement Venise et Gênes. Ayant obtenu en Orient des
privilèges commerciaux étendus, les marchands italiens deviennent les intermédiaires obligés entre l’Asie
et l’Europe. A partir des Etats latins du Proche-Orient, ils s’aventureront en Asie centrale et jusqu’en
Extrême-Orient ; le souci de prospection commerciale ne sera pas étranger aux Polo, commerçants vénitiens
de la seconde moitié du XIIIe siècle, lors de leurs voyages en Chine - décrits par le jeune Marco Polo dans
Le Livre des Merveilles [A 54].
2/ Grâce à sa position privilégiée, la Syrie va bénéficier de la puissante expansion économique de
l’Occident.
3/ La monnaie d’or se répandra de l’Orient latin vers l’Occident : génois à Gênes (fin du XIIe s.),
florin à Florence (1252), ducat à Venise (1284).
4/ Templiers et marchands italiens commenceront à mettre au point lestechniques bancaires.
*
*
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QUESTIONNAIRE SUR LES CROISADES D’ORIENT.
1. Définitions : 1/ croisade ; 2/ pèlerinage ; 3/ Druze ; 4/ sunnite ; 5/ chiite ; 6/ sultan ; 7/ émir ;
8/ Sultanat de Roum ; 9/ 1071 ; 10/ Assassins ; 11/ Roger II ; 12/ pape Grégoire VII ;
13/ Royaume latin de Jérusalem ; 14/ Saladin ; 15/ indulgence (eccl.) ; 16/ Empire latin de
Constantinople ; 17/ saint Louis ; 18/ florin ; 19/ ducat ; 20/ Marco Polo ; 21/ Villehardouin ;
22/ Innocent III.
2. Expliquez les significations que revêtait la démarche du pèlerinage en Terre sainte pour les
chrétiens.
3. Les Occidentaux avaient-ils, au XIe siècle, des raisons de croire que les pèlerinages en Terre
sainte étaient de plus en plus dangereux, voire impossibles ?
4. Quel rôle joua le calife égyptien al-Hakim dans la naissance de l’idée de croisade ?
5. Les Turcs jouèrent-ils un rôle important dans le déclenchement des croisades ? Expliquez.
6. a) Citez une phrase du Nouveau Testament qui proscrit le recours aux armes ;
b) Comment expliquez-vous que des chrétiens se soient lancés dans des expéditions de guerre
sainte ?
7. Expliquez les notions de guerre juste et de guerre sainte.
8. Le problème turc au Proche-Orient a été perçu très différemment par les Byzantins et par les
Occidentaux. Expliquez.
9. Citez et expliquez les principales causes économiques des croisades.
10. Citez et expliquez les principales causes sociales des croisades.
11. Expliquez les résultats qu’auront les croisades : a) pour les monarques occidentaux ; b) pour
l’Empire byzantin ; c) pour le monde musulman ; d) pour les commerçants italiens ; e) pour la
Papauté.
12. Quelle a été la portée des croisades dans le domaine culturel ?
13. Quelle a été la portée des croisades dans le domaine économique ?
14. Dressez sur une feuille à l’horizontale un bilan des croisades sous forme de tableau reprenant
successivement les principaux acteurs (de haut en bas) et leurs objectifs, en précisant si ceux-ci
ont ou non été atteints et pourquoi.
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B) La croisade contre les Albigeois (Cathares).
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1. Définition.
Les Albigeois forment une secte chrétienne hérétique qui s’est répandue dès la fin du
XIe siècle dans le Midi de la France, surtout en Languedoc, et dont les
(A 64) principaux centres se trouvaient à Albi (d’où le nom), Béziers, Carcassonne, Montauban et surtout
Toulouse. L’albigéisme*, que l’on appelle aussi catharisme (du grec katharos = pur, car ses adeptes
prétendaient à une pureté inconnue des autres hommes) n’est que la forme française d’un vaste courant de
manichéisme*(croyance à l’existence de deux principes éternels antagonistes, le Bien et le Mal) qui se
manifesta aux VIIe/Ixe siècles dans l’Empire d’Orient, au Xe siècle en Bulgarie et en Yougoslavie avec la
secte des Bogomiles, et en Italie - d’où il passa en gaule méridionale.
Les cathares se signalaient d’abord par leur mode de vie assez austère ; ils
revendiquaient d’ailleurs le monopole de la perfection évangélique (ils sont l’élite, les purs). Mais derrière
cet aspect évangélique se cachait une doctrine pernicieuse : le dualisme manichéen. Celui-ci enseigne que
deux mondes s’affrontent dans une opposition irréductible : le monde pur de l’âme et le monde mauvais de la
matière déchue (y compris le corps humain). Les cathares vont même jusqu’à opposer le Dieu de l’Ancien
Testament - qui a créé le monde pour y tenir les âmes emprisonnées, et qui est assimilé à Satan - et le Dieu
bon qui a parlé à travers le Christ dans le Nouveau testament. Pour les Albigeois, l’homme, pour être sauvé,
doit refuser tout contact avec le monde de la matière - ce qui implique de fuir le mariage, les rapports
sexuels, la consommation de viande, le travail et la guerre.
Le catharisme va être perçu comme un triple danger :
1/ au plan religieux (dogme) : dualisme universel (manichéisme), y compris au
niveau de Dieu ; malédiction de la terre et de l’humanité - ce qui relève de l’hérésie et du blasphème.
2/ au plan social : rejet des institutions (mariage) et de tout esprit civique par
objection de conscience (refus du travail et de la guerre), marginalisation (refus de la viande, des rapports
sexuels), refus du monde et de la matière pouvant amener à des tendances suicidaires. A terme, l’espèce
humaine est condamnée à disparaître, puisque la reproduction n’est plus possible !
3/ au plan politique : en plus de cette idéologie du refus, le soutien de plus en plus
marqué apporté par les comte de Toulouse et par ses vassaux à l’hérésie - puis, surtout, l’assassinat, en 1208,
du légat du pape - est une menace pour l’unité du royaume (et donc pour le pouvoir royal, dont on cherche à
se rendre indépendant) et pour l’Eglise, dont on voudrait prendre les biens (le catharisme s’oppose à
l’existence de l’Eglise-institution).
On comprend, dès lors, que cette hérésie ait été considérée par les autorités civiles et
religieuses comme un danger public. Ce triple danger, d’une rare gravité, explique sans doute l’ampleur et la
brutalité de la réaction face à cette sécession dans la Chrétienté française.
2. Les Faits (A 64 et 60).
A la fin du XIIème siècle, le catharisme avait pris une telle puissance en Languedoc
que les prêtres catholiques se trouvaient en mains endroits réduits à la clandestinité. Les tentatives de saint
Bernard, les condamnations successives des conciles de Reims (1148) et de Vérone (1184) étaient restées
sans effet ; pendant dix ans, le pape Innocent III s’employa cependant à réduire l’hérésie par des moyens
pacifiques. Mais la lutte religieuse contre le catharisme - doctrine dangereuse non seulement pour la foi,
mais aussi pour les autorités terrestres, en raison de ses idées asociales - se doublait déjà d’un aspect
politique : Raymond VI, comte de Toulouse, et ses vassaux favorisaient de plus en plus ouvertement
l’hérésie, espérant grâce à elle s’emparer des biens de l’Eglise. L’assassinat du légat pontifical Pierre de
Castelnau (1208) par un officier du comte de Toulouse déclencha contre ce dernier un appel à la croisade du
pape Innocent III.
Cette croisade se recruta surtout chez les barons du nord, et devint ainsi une véritable
guerre de sécession, une lutte du Nord contre le Sud ; elle aboutit, au terme d’épouvantables atrocités de part
et d’autre, à l’écrasement sauvage de la belle civilisation d’oc. Le traité de Paris (1229)* consacrera
l’annexion du Languedoc à la Couronne, nouvelle étape dans la montée du pouvoir royal ; la même année,
le concile de Toulouse renouvelait contre les hérétiques la condamnation portée en 1215 par le IVe concile du
Latran. Pourchassé par l’Inquisition*, l’albigéisme fut définitivement extirpé après la prise de Montségur
(1243).
C) L’expansion allemande en terre slave (Europe orientale).
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(A 52, 68)
Suivant les traces de Charlemagne, Othon Ier le Grand (936-973) avait inauguré le Drang
nach Osten, c’est-à-dire la poussée germanique vers l’est, au-delà de l’Elbe, en terre slave (A 48, 49). Ce
mouvement est à la fois militaire, religieux et économique, présentant l’aspect de la colonisation. Il s’est
matérialisé par la création d’évêchés (Havelberg, Poznan) et la mise en culture de riches terres à blé.
Au XIIème siècle, cette oeuvre de conversion et de conquête se poursuit sous la direction
des grands vassaux de l’empereur : Brandebourg, Lübeck, Marches de l’Est, Poméranie. Elle donne lieu à de
nouvelles mises en culture et à la fondation de nouveaux villages (1 200 dans la seule Silésie).
Le XIIIème siècle voit la poursuite du mouvement : fondation d’une série de villes sur le
littoral de la mer Baltique (Rostock, Wismar, Stralsund), occupations (Stettin, Dantzig - actuelle Gdansk, en
Pologne), développement d’agglomérations de l’intérieur (Brandebourg, Berlin, Francfort-sur-l’Oder) ;
conquête et christianisation de la Livonie par l’Ordre des Porte-Glaives, moines-soldats appuyés par
Innocent III ; relations commerciales avec la Russie ; conquête violente de la Prusse (achevée en 1283) par
les Chevaliers Teutoniques ; ailleurs (plaine polonaise et montagnes de Bohême), la pénétration allemande
s’imposera pacifiquement grâce à la supériorité technologique des immigrants (A 52, 60).
Cependant, à la fin du XIIIème siècle, la Lithuanie résistait encore à l’expansion
germanique et à la conversion, malgré les efforts des Dominicains qui se chargèrent de christianiser les
peuples encore païens d’Europe orientale.
D) Les missions.
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Le mouvement missionnaire représente une autre manifestation - plus proprement
religieuse, mais non sans conséquences économiques - de la formidable expansion de l’Europe occidentale
hors de ses bases.
Le zèle missionnaire des Ordres mendiants*, qui se déploie dans le Midi de la France
comme en Europe orientale, s’épanouit aussi dans d’autres régions marginales de la chrétienté : en terre
d’islam notamment (Maroc et Tunisie). Le monde mongol est parcouru par les missionnaires Jean de Plan
Carpin (1246-1247) et Guillaume de Rubrouck (1253-1255) ; croyant au succès de cette entreprise, la
Papauté reconstitua une hiérarchie épiscopale en Perse (Iran) et envoya à Pékin Jean de Montecorvino pour y
organiser une Eglise, mais la désagrégation de l’Empire mongol après 1350 ruina ces espérances. En Afrique,
vers 1260, un Dominicain pénétra en Ethiopie, où l’on n’allait pas tarder à reconnaître le légendaire royaume
du prêtre Jean.
Des marchands accompagnaient ou suivaient les missionnaires. Des hommes d’affaires
italiens, à la suite des Polo, s’établirent en Extrême-Orient ; des Génois cherchèrent à atteindre l’or du
Soudan et même les Indes par les routes de l’Océan Indien bien connues des Arabes ; les frères Vivaldi,
partis en 1291, disparurent.
Ces expéditions montraient la voie aux futurs explorateurs de l’Atlantique…
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