Les autres chiffres de chômage

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Les autres chiffres de chômage
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Collectif « Autres Chiffres Du Chômage »
29/01/07 - Note n°2
CHOMEURS ET CHIFFRES SOUS PRESSION
Depuis 2005, on assiste à une envolée spectaculaire du taux de sortie des listes de
l’ANPE. L’analyse des motifs de sortie montre que cette hausse ne correspond guère à
des reprises d’emploi supplémentaires. Trois autres catégories de chômeurs non inscrits
ont, en revanche, fortement augmenté au cours des dernières années: les chômeurs
"radiés", suite à des sanctions administratives; les chômeurs "déboutés", qui ont perdu
tout droit à indemnisation et ne voient plus d'intérêt à rester inscrits; et les chômeurs
"dégoûtés", qui en l'absence d'offres d'emplois valables ne veulent plus subir les
convocations et contrôles répétés de l'ANPE et de l'ASSEDIC.
2
A notre Note n°1 sur « Les chômages invisibles », Jean-Louis Borloo a répondu : « nous
avons un thermomètre dont nous communiquons tous les éléments tous les mois de
manière transparente. Ce qui compte, c'est l'évolution de ce thermomètre; or la baisse
du chômage de 15% en 18 mois concerne toutes les catégories de chômeurs".
Il est vrai que depuis le début 2005, le « chômage » mesuré par l'ANPE recule
fortement. Si fortement même qu’on peut se demander si le thermomètre n’a pas été
mis au réfrigérateur. Le nombre total d’inscrits à l’ANPE a chuté de 350 000 entre fin
2005 et fin 2006, et le baromètre officiel (DEFM de catégorie 1) a baissé de 250 000.
Le chômage a-t-il vraiment diminué autant ? Nous montrons dans cette note que ce n’est
pas le cas.
L’analyse des données publiées par l’ANPE et le Ministère de l’emploi montre en effet
que le reflux du nombre d’inscrits sur les listes de l’Agence ne résulte pas
principalement d'une augmentation des retours vers l'emploi, mais du renforcement des
contrôles et des sanctions résultant du plan de « cohésion sociale » et de la mise en
place du « suivi mensuel personnalisé ». Ces mesures ont d’abord provoqué une
multiplication des radiations par le service public de l’emploi. Elles ont aussi et surtout
incité un nombre croissant de chômeurs à ne pas se réinscrire à l’ANPE. Autrement dit,
sortir des listes ANPE signifie de moins en moins sortir du chômage.
L’incohérence des chiffres officiels est d’ailleurs patente. D’après les plus récentes
projections de l’Insee1, la population active devrait avoir augmenté de 180 000 en 2006 :
les créations d’emplois (240 000) n’auraient dû permettre qu’une très faible baisse du
chômage. Or, la baisse officielle est de 250 000 (- 10% !) : cherchez l’erreur.
C’est pourquoi il n’est pas surprenant que le chômage au sens du BIT, mesuré par
l’enquête Emploi de l’Insee pour 2006, soit resté à peu près stable par rapport à 2005.
La direction de l’Insee, arguant de « problèmes techniques » dans l’Enquête emploi, a
décidé de retarder la publication de ce résultat, sans avoir à ce jour expliqué en quoi les
problèmes rencontrés étaient si nouveaux et importants qu’ils justifiaient une décision
aussi sérieuse. Pour nous, si des chiffres sont bien sujets à caution, ce sont ceux de
l’ANPE, pas ceux de l’enquête Emploi de l’Insee. La pseudo-« baisse » du chômage
résulte non pas du retour à l’emploi des chômeurs, mais des pressions de plus en
plus fortes qui aboutissent à les exclure des listes de l’ANPE.
1 Voir http://www.insee.fr/fr/ffc/ipweb/ip1092/ip1092.html. Le chiffre avancé dans la note de
conjoncture de l’Insee de décembre, 29 000, est étrangement plus faible.
3
1. Depuis 2005, le taux de sorties des listes de l’ANPE bat des records
Entre septembre 2004 et septembre 2006, le taux de sortie des listes de l’ANPE a
bondi de 14,5% à 16,8%. Cet indicateur comptabilise la proportion des chômeurs inscrits
en début de mois qui ne le sont plus en fin de mois. Il n’a jamais été aussi élevé.
Durant la période 1999-2001, le taux de sortie des listes était passé de 11% à 15%, une
progression spectaculaire qui était à la mesure des créations d’emplois enregistrées
durant cette période (près de deux millions).
De façon remarquable, cet indicateur s’était ensuite maintenu à un niveau élevé, même
en 2003 et 2004 alors que l’emploi reculait. Le nouveau bond du taux de sortie des
listes en 2005-2006 est encore plus étonnant, car la reprise de l’emploi a été modeste
(+1% en 2006), bien plus faible qu’à la fin des années 1990.
La décrue du nombre d'inscrits à l'ANPE provient donc d'une augmentation inédite
des taux de sortie des listes depuis début 2005, augmentation que la faible
croissance de l'emploi ne permet pas d'expliquer. Ainsi, le taux d’embauche dans les
entreprises a très peu augmenté en 20052, alors que les sorties de l’ANPE ont explosé.
On peut donc se demander où vont les chômeurs qui sortent des listes ?
Graphique 1
Où vont les chômeurs qui sortent des listes de l'ANPE ?
150
Taux d'embauche dans les entreprises (base 100 en T1-1999; source : DARES, DMMO-EMMO)
Taux moyen de sortie des listes (base 100 en T1-1999;source : ANPE-DARES)
140
130
120
110
19
99
19 T1
99
19 T2
99
T
19 3
99
T
20 4
00
20 T1
00
20 T2
00
20 T3
00
T
20 4
01
20 T1
01
20 T2
01
20 T3
01
20 T4
02
20 T1
02
20 T2
02
T
20 3
02
20 T4
03
20 T1
03
20 T2
03
20 T3
03
20 T4
04
20 T1
04
20 T2
04
T
20 3
04
T
20 4
05
20 T1
05
20 T2
05
20 T3
05
20 T4
06
20 T1
06
20 T2
06
T3
100
En fait, comme le montre l’enquête « Sortants » de l’ANPE, les demandeurs d’emploi qui
sortent des listes ANPE le font de plus en plus pour des motifs sans rapport avec la
reprise d’un emploi.
2 Les données 2006 ne sont pas encore disponibles, mais n’infirmeront certainement pas ce constat.
4
2. L’augmentation des sorties de l’ANPE ne s’explique que pour une faible part par
des retours à l’emploi ou à la formation
De 2004 à 2006, le nombre de chômeurs qui sortent chaque mois des listes de l’ANPE a
augmenté de plus de 6% et presque atteint le demi-million. Sur ces 26 000 sorties
supplémentaires par mois, moins d’une sur cinq sont dûes à des reprises d’emploi ou des
entrées en formation (tableau 1).
Les reprises d’emploi supplémentaires sont pour l’essentiel vers des emplois précaires
(CDD, intérim, emplois aidés…), le nombre de reprises en CDI n’augmentant
pratiquement pas. Quant aux sorties vers des formations, leur nombre chute fortement
par suite du désengagement de l’Etat : l’essentiel des offres concernent aujourd’hui des
formations brèves financées par l’ASSEDIC, visant l’adaptation aux métiers dits en
tension (BTP, hôtellerie restauration…) et réservées aux allocataires de l’assurance
chômage.
Tableau 1 : Les motifs de sorties des listes de l’ANPE
nombre
mensuel
moyen
20032004
nombre
mensuel
moyen
20052006
76,4
77,4
1,0
146,0
60,0
282,3
157,4
52,4
287,2
11,4
-7,6
4,9
+2%
fin d'activité
15,2
15,6
0,4
+3%
arrêt de recherche temporaire (maladie…)
42,6
40,1
-2,4
-6%
non renouvellement « motivé » (fin
d'indemnisation)
13,3
17,5
4,1
+31%
non renouvellement « accidentel »
24,5
31,9
7,4
+30%
6,7
9,4
2,6
+39%
défaut d'actualisation suivi d'une
réinscription
64,6
68,6
4,0
+6%
autre motif
18,2
23,3
5,0
+28%
467,4
493,6
26,2
+6%
Nombre mensuel de sorties des listes
reprise d'emploi en CDI
reprise d’emploi en CDD, intérim, emplois
aidés…
entrée en formation
total entrée en emploi ou en formation
radiation administrative
TOTAL DES SORTIES
différence
entre les variation en
deux
%
périodes
Source : enquête « Sortants », ANPE (cf. infra, fiche n°5) ; calculs ACDC.
5
Une grande partie de ces sorties vers l’emploi précaire sera suivie d’une nouvelle
période de chômage et d’une réinscription à l’agence : on peut parler de « chômeurs
abonnés », dans la mesure où leur chômage est récurrent.
3. De plus en plus de chômeurs renoncent à leur inscription à l’ANPE faute
d’être indemnisés
Les sorties pour « non-renouvellement motivé » connaissent une forte augmentation
entre 2004 et 2006 : +31%. Il s’agit principalement de chômeurs qui épuisent leurs
droits à l'indemnisation et ne voient plus l’intérêt de rester inscrits à l’ANPE, alors
même que l’Agence ne leur offre pas d’emplois correspondant à leurs qualifications et
multiplie les convocations et les contrôles (cf fiche 4 « Témoignages »). La réforme de
l’Unedic de fin 2005 a durci les conditions d’ouverture des droits et raccourci les
durées d’indemnisation : de plus en plus de « chômeurs déboutés » quittent les listes de
l’ANPE et deviennent ainsi totalement invisibles.
4. Les radiations administratives et les sanctions se multiplient, pour faire
pression sur les chômeurs
En 2006 chaque mois plus de 9 000 chômeurs déclarent avoir été radiés des listes de
l’ANPE, contre 6 700 en 2004, soit une hausse de 39% (tableau 1).
L’augmentation des radiations se réalise progressivement depuis 1996, avec des paliers
correspondant à des réformes durcissant le traitement des chômeurs (Graphique 2) :
juil-06
janv-06
juil-05
janv-05
juil-04
janv-04
juil-03
janv-03
juil-02
janv-02
juil-01
janv-01
juil-00
janv-00
juil-99
janv-99
juil-98
janv-98
juil-97
janv-97
juil-96
janv-96
juil-95
janv-95
juil-94
janv-94
juil-93
janv-93
juil-92
janv-92
juil-91
janv-91
2,0%
1,5%
1,0%
0,5%
0,0%
Graphique
2
-lemotif
decatégories
radiation
pour
les sur
présents
en début
de
Source
saisonnières.
Risque
présents
demandeurs
cadre
"Suivi"
avec
mensuels
entretiens
les
du
systématique
renforcé
de
: ministère
en
PARE-PAP
radiation
début
d'emploi
Les sorties
de
de
pour
de
mois
l'emploi
dans
tous
par
les
les
;Risque
sorties
des mensuelles
autres
de l'ANPE,
ne sont
parpas
motif,
proposées
catégorie
1,internet.
données corrigées
des variations
1,7%
1,4%
0,5%
mois
6
En dépit du fait que le nombre d’emplois disponibles n’augmente guère, le plan Borloo
dit de « cohésion sociale » a renforcé considérablement le système de contrôle des
chômeurs (décret du 2 août 2005 sur le suivi de la recherche d’emploi). Il a en
particulier donné aux ASSEDIC des pouvoirs nouveaux en la matière, pour faire
pression sur les chômeurs indemnisés. On dispose à ce jour de peu d’éléments précis
pour évaluer l’impact de ces mesures. Une note des services du Ministère de l’emploi
3
indique cependant que le nombre de sanctions prononcées contre des chômeurs a
augmenté de 75% entre le premier semestre 2005 et le premier semestre 2006,
passant de 13 000 à 23 000 sanctions. Il s’agit en grande majorité de réductions ou
de suppressions temporaires des allocations, mesures introduites par le plan de
« cohésion sociale » pour faciliter l’application de sanctions.
Cette politique s’intègre pleinement dans la stratégie européenne pour l’emploi et les
recommandations de l’OCDE visant à « rendre le travail attractif » même dans des
métiers aux conditions d’emploi et de travail déplorables comme c’est souvent le cas
dans les « métiers en tension » (cf. fiche 3 « La faute aux chômeurs ? »). Il s’agit de
faire accepter par les chômeurs, indépendamment de leurs qualifications et de leurs
aspirations, les emplois proposés par les entreprises du bâtiment, des services aux
particuliers, de l’industrie agro-alimentaire...
5. Un nombre croissant de chômeurs renoncent à rester inscrits à l’ANPE suite
à la multiplication des convocations et des contrôles
Ce que l’ANPE appelle les « non-renouvellements accidentels » (+31% entre 2004 et
2006) concerne des chômeurs lassés des convocations à répétition et des pressions
destinées à leur faire accepter n'importe quel emploi, même très éloigné de leurs
aspirations et de leurs qualifications (cf. fiche 4 « Témoignages »). L’augmentation
du nombre de ces « chômeurs dégoûtés » traduit une fuite devant un Service public
de l’emploi que les pouvoirs publics tendent à transformer d’un outil pour aider les
demandeurs d’emploi, en une machine pour les discipliner.
Conclusion
On peut parler sans exagération d’une « double peine » pour les chômeurs : au fil des
années, la restriction de leurs droits à indemnisation (qui fera l’objet de la note
ACDC n°3) s’accompagne d’un renforcement des convocations, des contrôles et des
sanctions. Derrière le discours sur les « profiteurs » et les « faux chômeurs », se
cache (mal) une politique néolibérale qui vise à obliger les chômeurs à accepter des
emplois dégradés et participe à la dégradation des conditions d'emploi de tous (cf.
fiche 3 « La faute aux chômeurs ? »). Déboutés, radiés ou dégoûtés, les chômeurs
tendent de plus en plus à fuir le Service public de l’emploi, ce qui explique pour une
part importante la baisse récente des chiffres officiels du chômage.
3 « Bilan de la réforme du suivi de la recherche d’emploi », DGEFP, 31/10/2006.
7
FICHE 1 -LES « ABSENCES AU CONTROLE »
Actuellement, dans les statistiques publiées par l’ANPE4, chaque mois près de 4 sorties
des listes de l’ANPE sur 10 sont des « absences au contrôle ». Ce terme peut être
trompeur. Il ne désigne pas les absences à des convocations de contrôle, ni des
radiations faisant suite à des sanctions des directions départementales du travail. Il
désigne en fait les sorties des listes des demandeurs qui n’ont pas actualisé leur
situation en fin de mois. Les demandeurs d’emploi doivent en effet indiquer chaque mois
s’ils sont toujours à la recherche d’un emploi et s’ils ont travaillé un peu au cours du mois
(activité réduite). S’ils ne le font pas, ils sortent alors automatiquement des listes pour
« absence au contrôle », c'est-à-dire en fait, pour défaut d’actualisation dans les délais.
Cette actualisation doit se faire avant le douzième jour ouvré du mois (sinon, le
demandeur d’emploi est comptabilisé dans les sorties du mois précédent). Auparavant,
elle se faisait essentiellement par courrier. Depuis quelques années, elle se fait surtout
par téléphone, par internet ou sur des bornes.
L’enquête Sortants (fiche 5) permet de connaître les raisons de cette non actualisation.
Dans certain cas, il y a eu reprise d’emploi. Dans d’autres, il s’agit d’un oubli accidentel,
Modification du calendrier de relances des
chômeurs pour leur actualisation mensuelle
8,0%
Episode des "recalculés"
7,5%
7,0%
6,5%
6,0%
5,5%
6,4%
Risque d'absences au contrôle pour les
présents en début de mois
5,7%
5,0%
4,5%
4,0%
4,0%
3,5%
3,0%
2,5%
ja
nv
-9
1
ju
il9
ja 1
nv
-9
2
ju
il92
ja
nv
-9
3
ju
il9
ja 3
nv
-9
4
ju
il94
ja
nv
-9
5
ju
il9
ja 5
nv
-9
6
ju
il96
ja
nv
-9
7
ju
il9
ja 7
nv
-9
8
ju
il98
ja
nv
-9
9
ju
il9
ja 9
nv
-0
0
ju
il00
ja
nv
-0
1
ju
il0
ja 1
nv
-0
2
ju
il02
ja
nv
-0
3
ju
il0
ja 3
nv
-0
4
ju
il04
ja
nv
-0
5
ju
il05
ja
nv
-0
6
ju
il06
2,0%
Source : ministère de l'emploi ; sorties mensuelles de l'ANPE, par motif, catégorie 1, données corrigées des variations
saisonnières. Les sorties par motif des autres catégories ne sont pas proposées sur internet.
4 Il faut bien distinguer les statistiques administratives issues de la gestion informatique des listes de
demandeurs d’emploi, sur lesquelles reposent les graphiques ici présentés, et l’enquête trimestrielle
« Sortants » auprès de chômeurs ayant quitté les listes (cf. Fiche n°5). Cette enquête vise à préciser les
motifs réels de sortie des listes, insuffisamment cernés par les statistiques administratives.
8
suivi ou non d’une réinscription. Dans d’autres cas, le non renouvellement est motivé, par
exemple par l’arrêt de l’indemnisation du chômage.
Le graphique ci-dessus montre que le risque de non actualisation a fortement augmenté
depuis la fin des années quatre-vingt-dix. La hausse progressive observée alors sur
plusieurs années, comme pour les radiations (fiche 2), peut être relié à la hausse de la
pratique d’une activité réduite (cf. graphique infra). Davantage occupés par des petits
boulots, on peut faire l’hypothèse d’une moindre disponibilité pour répondre dans les
délais aux contraintes administratives.
35%
10%
Taux de pratique de petits boulots ("activité réduite")
9%
30%
Risque de radiation ou d'absence au contrôle au cours du
mois (échelle de droite)
25%
20%
8%
7%
6%
5%
15%
10%
4%
3%
2%
5%
1%
0%
ja
nv
-9
ju 1
ilja 91
nv
-9
ju 2
ilja 92
nv
-9
ju 3
ilja 93
nv
-9
ju 4
ilja 94
nv
-9
ju 5
ilja 95
nv
-9
ju 6
ilja 96
nv
-9
ju 7
ilja 97
nv
-9
ju 8
ilja 98
nv
-9
ju 9
ilja 99
nv
-0
ju 0
ilja 00
nv
-0
ju 1
ilja 01
nv
-0
ju 2
ilja 02
nv
-0
ju 3
ilja 03
nv
-0
ju 4
ilja 04
nv
-0
ju 5
ilja 05
nv
-0
ju 6
il06
0%
Source : ministère de l'emploi ; sorties mensuelles de l'ANPE, par motif, catégorie 1, données corrigées des variations
saisonnières. Les sorties par motif des autres catégories ne sont pas proposées sur internet.
Sur la période plus récente, depuis mi 2005, le risque d’absence au contrôle a franchi un
nouveau palier, de façon concomitante à un changement de mode de gestion de
l’actualisation. La procédure prévoit que les demandeurs d’emploi qui ne s’actualisent pas
dans les premiers jours sont relancés. Depuis juin 2005, cette relance a été retardée,
ne laissant ensuite que deux ou trois jours, et parfois un seul, au demandeur d’emploi
pour s’actualiser, là où il disposait semaine auparavant de plus d’une semaine. L’enquête
« Sortants » (fiche 5) montre ainsi une hausse de 30% des non renouvellements
« accidentels » (tableau 1).
Il faut ici se rappeler que l’actualisation concerne les plus de 4 millions d’inscrits à
l’ANPE. De ce fait, un comportement qui ne concerne qu’une faible proportion des
demandeurs d’emploi peut rapidement avoir quand même un effet significatif sur les
statistiques. 1% des 4 millions de chômeurs, c’est 40 000 demandeurs d’emploi, soit
presque 0,2 point de taux de chômage.
9
FICHE 2 : LES « RADIATIONS »
Dans les statistiques officielles publiées par l’ANPE, les « radiations » comptabilisent
d’abord les sorties de listes suite à des sanctions actées par les directions
départementales du travail, notamment en cas d’absence de recherche d’emploi. Elles
comptabilisent aussi et surtout les radiations qui font suite à une absence de réponse à
la suite d’une convocation de l’ANPE. Car le demandeur d’emploi n’est pas forcément
toujours disponible.
D’abord, il peut être malade, comme les salariés en emploi. Ensuite, il peut se former,
aller à des rendez-vous avec des employeurs potentiels : la recherche d’emploi prend du
temps, « c’est un métier ». Il doit aussi jongler avec l’Assedic et les différents
organismes sociaux parce qu’un chômeur sur deux n’est pas indemnisé ; quand il l’est, son
indemnisation ne lui assure qu’un revenu souvent faible, notamment pour tous les anciens
smicards. Enfin, et pour les mêmes raisons, gagner de quoi vivre, voire survivre, il fait
aussi des petits boulots, comme la loi l’autorise : c’est « l’activité réduite ». Rappelons
que chaque mois, près d’un chômeur sur trois travaille. Enfin, comme cela arrive à tout le
monde, il peut oublier ; oublier par exemple de répondre dans les délais à la lettre que
l’ANPE lui a adressée pour justifier son « absence à convocation ».
De ce fait, convoquer de plus en plus souvent, c’est augmenter le risque d’une absence à
convocation, donc augmenter le risque de radiation. Le graphique 2 (ci-dessus) montre
qu’à chaque fois que l’ANPE a intensifié le suivi des demandeurs d’emploi, le risque de
radiation, c'est-à-dire la probabilité pour un demandeur d’emploi présent au début du
mois d’être radié au cours du mois, a augmenté.
En juin 2001, c’est la mise en place du « projet d’accompagnement personnalisé » (PAP),
qui met en place un suivi systématique de tous les demandeurs d’emploi, avec un
entretien d’orientation initial et un entretien de suivi tous les six mois. Entre ces
rendez-vous, d’autres rendez-vous sont organisés pour certains demandeurs d’emploi,
pour prescrire et suivre certaines prestations. Le risque de radiation est alors multiplié
par deux. Les statistiques disponibles ne le montrent pas mais la radiation « à tort » ,
c’est ensuite une réinscription mais aussi, sans doute dans de nombreux cas, du
découragement et un non retour à l’ANPE.
Début 2006, c’est la mise en place du suivi mensuel de tous les demandeurs d’emploi. Le
risque de radiation augmente à nouveau, sans que l’on puisse dire aujourd’hui si cette
hausse est stabilisée ou si le dispositif va encore monter en charge. Avec le suivi
mensuel, c’est la question d’un suivi « fictif » pour une chronique annoncée d’une hausse
des radiations qui se pose : un suivi fictif destiné avant tout à mettre la pression sur les
chômeurs quand faute de moyens et faute d’emploi sur le marché du travail local,
l’entretien vire au contact rapide et largement formel.
10
FICHE 3 : LA FAUTE AUX CHOMEURS ?
Par un étrange paradoxe, plus le chômage de masse s'enracine, plus les chômeurs sont
montrés du doigt. Alors que l’emploi fait défaut, les discours institutionnels ont peu à
peu reporté la responsabilité de sa situation sur l’individu en général et le chômeur en
particulier. Confortablement indemnisés et assistés, beaucoup de chômeurs et de
Rmistes seraient satisfaits de leur sort et ne chercheraient guère à retrouver un
emploi. L’existence d’indemnités provoquerait des « trappes à chômage » dont les
chômeurs n’auraient pas intérêt à sortir. Pour les économistes libéraux le maintien d’un
chômage de masse s’explique par le manque d’enthousiasme des chômeurs pour
reprendre un emploi. L’opinion publique est abreuvée d’articles et d’anecdotes sur les
« abus » et les « fraudes » des chômeurs et Rmistes. « Mieux accompagner les
chômeurs » et « rendre le travail attractif ” sont les leit-motivs des discours et
rapports officiels.
Les chômeurs se prélassent-ils dans des « trappes » ?
Pourtant les études empiriques disponibles ne confirment aucunement cette idée reçue.
Pour citer le résumé d’une de ces études 5, qui « a pour but d'évaluer la pertinence
empirique des analyses en termes de trappe à chômage, selon lesquelles les allocataires
du RMI pourraient être, pour des raisons financières, désincités à accepter un
emploi » :. « la trappe à chômage fonctionne peu dans le cas des allocataires du RMI.
Tout d'abord, les chômeurs au RMI sont très actifs dans leur recherche d'emploi et
refusent rarement un emploi et encore plus rarement pour des raisons financières. Ils
sont en revanche confrontés à une insuffisance de la demande de travail. Ensuite,
environ un tiers des allocataires, ayant (re)pris un emploi, n'y trouvent aucun gain
financier significatif. Bien qu'ils acceptent des emplois sans gain financier, ils en
retirent pour la plupart un mieux-être. Le danger, pour les allocataires du RMI, est
moins la trappe à chômage que la trappe à pauvreté, parce qu'ils occupent pour la plupart
de " mauvais emplois" et restent très souvent confinés dans un secteur secondaire, sans
transition ou presque vers un secteur primaire composé de "bons emplois" ». Autrement
dit, ce n’est pas l’envie de travailler qui manque, ce sont les emplois décents.
La nouvelle « chasse aux mauvais pauvres »
Pour reprendre les termes du sociologue Vincent Dubois, de l’Université de Strasbourg,
« jamais depuis la mise en place de l’État social après la seconde guerre mondiale on
n’avait compté autant de déclarations publiques, de rapports d’expertise,
d’investissements institutionnels, de textes réglementaires promouvant ou organisant le
renforcement de ce contrôle que depuis le début des années 1990. Jamais ne s’était
imposée avec autant de force dans les débats et l’opinion publics “ l’évidence ” de
comportements individuels “ déviants ” d’assistés abusant du système de protection
sociale (…) Indépendamment des réactions morales ou politiques suscitées par cette
5 D. Guillemot, P. Pétour, H. Zajdela (2002), « Trappe à chômage ou trappe à pauvreté : Quel est le sort des
allocataires du RMI ? » Revue économique, vol. 53, no6, pp. 1235-1252.
11
nouvelle “ chasse aux mauvais pauvres ” qui semble comme faire écho aux formes
anciennes de traitement punitif des mendiants et autres vagabonds, on peut à tout le
moins être surpris d’une telle tendance. D’abord rien ne permet d’accréditer l’idée selon
laquelle les fraudes seraient aujourd’hui plus nombreuses qu’hier. La modernisation des
administrations sociales, avec notamment l’informatisation des fichiers, conduit du reste
à ce qu’il est sans doute désormais beaucoup plus difficile de passer au travers des
mailles du filet. Ensuite et surtout, l’essor du contrôle des assistés relève d’un paradoxe
plus général : c’est dans une période d’installation durable du chômage et de la précarité
de masse que l’on dénonce le plus vigoureusement les comportements individuels comme
cause des problèmes sociaux ».
A quoi sert la pression sur les chômeurs ?
Si l’on ne peut évidemment pas espérer éliminer le chômage de masse en « activant » les
chômeurs, pourquoi cette tendance générale, dans l’Union Européenne (cf. les réformes
Hartz en Allemagne), à renforcer la pression sur les chômeurs ? L’OCDE, à sa manière
cynique, apporte la réponse dans son récent rapport sur l’emploi: « Les réformes
structurelles, qui commencent par générer des coûts avant de produire des avantages,
peuvent se heurter à une opposition politique moindre si le poids du changement
politique est supporté dans un premier temps par les chômeurs. En effet, ces derniers
sont moins susceptibles que les employeurs ou les salariés en place de constituer une
majorité politique capable de bloquer la réforme, dans la mesure où ils sont moins
nombreux et souvent moins organisés » 6.
Autrement dit, pour réduire le coût du travail, précariser l’emploi et intensifier le
travail de tous les salariés, il est sage de s’attaquer d’abord aux chômeurs. Telle est la
fonction de ces politiques de « chasse aux mauvais pauvres » que sont les réformes
récentes du contrôle des chômeurs.
6 Perspectives de l'emploi de l'OCDE (2006). Stimuler l'emploi et les revenus ; cité par Laurent Cordonnier
dans un article récent du Monde Diplomatique (« Economistes en guerre contre les chômeurs ».
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FICHE 4 - TEMOIGNAGES
Pour justifier l’accroissement des contrôles et des radiations, on fait tout pour
accréditer l’idée que le chômage est dû aux chômeurs eux-mêmes, qui passeraient leur
temps à refuser des offres d’emploi, en particulier celles non pourvues de l’ANPE. En
réalité, comme en témoignent des Conseillers ANPE Île de France, « les offres qui ne
sont pas satisfaites sont très rares, et quand cela arrive, c’est que les conditions de
travail et les salaires ne sont pas acceptables ». Renforcer les contrôles et les sanctions
qui pèsent sur les chômeurs alors qu’on ne fait rien pour lutter efficacement contre le
chômage de masse, c’est indécent et inacceptable !
L’augmentation des sanctions « graduées » et des radiations se vérifie chaque jour au
sein des associations de chômeurs qui n’ont jamais autant accompagné les personnes
quant aux recours légaux possibles. Les témoignages qui nous arrivent sont éloquents et
démontrent une pression de tous les instants. De plus, les manipulations des codes
informatiques sont faciles et courantes pour satisfaire la course aux objectifs chiffrés
de l’ANPE.
Il faut rappeler que l’indemnisation chômage est liée à un système assurantiel, que les
chômeurs ont cotisé pour y avoir droit quand ils perdent leur emploi, et qu’elle constitue
souvent l’unique revenu de la personne ou de la famille. Les conséquences de cette
pratique de sanctions peuvent s’avérer humainement dramatiques.
Ci-dessous quelques témoignages, parmi ceux récemment parvenus par courrier dans nos
associations, pour illustrer concrètement les dérives actuelles du traitement des
chômeurs. Ces témoignages (colonne de gauche) sont éclairés par des commentaires
(colonne de droite) rédigés par des agents syndiqués de l’ANPE, membres du collectif
ACDC.
1°) « il faut toujours se présenter à un rendez-vous, et si celui-ci est annulé, repartir
toujours avec la garantie qu'il y a une trace écrite que l'on s'est bien présenté... »
Témoignage
Eclairage de l’autre côté du guichet :
commentaires sur ce témoignage d’agents
« Architecte salarié, je suis au chômage depuis syndiqués de l’ANPE
juin 2006 et suis tenu de me présenter à des « Suivi mensuel personnalisé » (SMP) : imposé
"entretiens de suivi mensuel pour mon projet par une directive gouvernementale depuis
personnalisé".
janvier 2006,les demandeurs d’emploi sont
soumis à l’obligation de rencontrer chaque mois
Or ce mois ci, 3/4 d'heure avant l'entretien un conseiller « référent ». Le nombre
l'Agence Locale pour l’Emploi (A.L.E.) m'appelle d’entretiens obligatoires a ainsi quintuplé dans
à mon domicile pour me prévenir que ma les agences, tandis que l’effectif des agents ne
conseillère, souffrante, sera absente et que le progressait que d’un peu plus de 10% et que les
rendez-vous est annulé, je demande la date de locaux ne changeaient pas. Ces entretiens sont
substitution et on me répond qu'on me donc d’une extrême brièveté, ne permettent
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contactera plus tard. Je n'aurais donc pas à pas un véritable accompagnement de la
traverser Paris puisque les agences sont recherche d’emploi. Ils s’apparentent plutôt à
désormais regroupées par activité.
un contrôle de la recherche d’emploi,
conformément
aux
orientations
du
Conscient du risque de radiation en cas gouvernement et malgré la résistance des
d'absence à un tel entretien, je rappelle l'ALE agents.
pour vérifier que ma conseillère est bien « Je n’aurais pas à traverser Paris » :
indisponible, ce que l'on me confirme. Rassuré, aujourd’hui, l’affectation des demandeurs
j'adresse tout de même un mail à celle-ci pour d’emploi à une agence, ne s’effectue plus en
laisser une trace des raisons de l'annulation de fonction de sa domiciliation, mais en fonction
notre entretien, et lui confirmer ma de l’emploi recherché. Ce qui génère souvent
disponibilité au plus tôt pour un nouveau des temps et des frais de déplacement pour
rendez-vous.
les demandeurs d’emploi.
Environ une semaine plus tard je reçois une « Je reçois une lettre de la direction de
lettre de la direction de l'agence me l’agence » : il s’agit des convocations et des
demandant de motiver les raisons de mon rappels automatiques qui se mettent en place
absence à l'entretien sous peine de radiation... dès qu’un demandeur d’emploi est entré dans le
L'annulation du rendez-vous s'étant faite par circuit du suivi mensuel. Demandeurs d’emploi
téléphone par un interlocuteur inconnu, je me et agents se trouvent ainsi pris en otage dans
suis quelque peu inquiété.
le rythme imposé par le logiciel informatique.
J'ai motivé mon absence en retraçant les faits
par lettre recommandée avec accusé de « je ne suis pas paranoïaque » : cette
réception, avec copie du mail que j'avais organisation
déshumanisée
provoque
la
adressé à ma conseillère le jour même.
défiance et l’exaspération, le
nombre
Je viens heureusement de recevoir la décision d’incidents dans les agences a beaucoup
d'abandon de la procédure de radiation mais je augmenté de puis la généralisation du suivi
pense que sans une réaction ferme et prompte mensuel.
le résultat aurait pu être différent.
La morale, c'est qu'il faut toujours se Ces opérations de masse (convocations
présenter à un rendez-vous, et si celui-ci est automatiques)
censées
accroître
la
annulé, repartir toujours avec la garantie qu'il y productivité, accroissent aussi l’effet des
a une trace écrite que l'on s'est bien présenté. erreurs ou des pannes. Quand la direction
Je ne suis pas paranoïaque mais je ne régionale d’Ile de France annonce aux agents le
comprends toujours pas pourquoi j'ai eu droit à 24 janvier que suite à un « dysfonctionnement
tant d'égards afin de m'éviter un déplacement, courrier », toutes les convocations envoyées le
de là à penser que tous les coups sont permis... 22 janvier comportent des erreurs de date,
Je vous laisse juge d'informer ou pas sur ces d’horaire ou de lieu, on peut d’avance imaginer
pratiques.
le travail de fourmi qui devra être fait dans
En tout cas j'aimerais savoir si je suis le seul à chaque agence pour tenter de rattraper les
avoir eu ce genre de « coup de fil. »
effets de la panne, les incidents qui vont
O.N.
malgré tout en découler et que devront gérer
les conseillers .
2°) « Faire baisser le chômage en empêchant l'accès des chômeurs aux ASSEDIC? »
Alors que le gouvernement se félicite de la baisse du taux de chômage, et qu'on pouvait
s'inquiéter depuis quelques mois déjà du lien entre cette baisse et la difficulté croissante à
obtenir des RV avec les agents Assedic (il fallait tout simplement arriver à "séduire" le préposé
14
au guichet, ou le "faire pleurer" pour obtenir ce genre de RV), sa volonté de faire baisser le taux
de chômage en empêchant aux chômeurs l'accès à ses services est aujourd'hui
manifeste :
Il n'y a plus de guichet aujourd'hui dans les antennes Assedic. La seule possibilité d'obtenir un
RV, c'est de téléphoner au numéro du plateau Assedic national, et de :
- convaincre l'opérateur anonyme du bien fondé de votre demande de RV
- si vous avez passé cette première étape, ne vous réjouissez pas trop tôt
- l'opérateur convaincu va ensuite devoir transmettre votre demande de RV à votre antenne
- antenne, qui si elle estime elle aussi votre demande fondée, va vous contacter (les moyens de
contact ne sont pas précisés par l'opérateur téléphonique).
- en supposant que vous ayez passé avec succès toutes ses étapes, vous recevrez donc une
CONVOCATION de votre antenne. Votre demande de RV devient donc « par magie » une
CONVOCATION de votre antenne, convocation à laquelle vous devez répondre sous peine de
radiation.
Et que se passe-t-il pour les gens qui n'auront pas réussi à convaincre les opérateurs du plateau
téléphonique du bien fondé de leur requête de RV (dossier complexe, multi employeurs, demande
de réexamen de droits....)
Et que se passe-t-il pour les gens en attente de droits, donc en attente de fonds, en détresse
financière....pendant que la machine ASSEDIC réfléchit au bien fondé de leur requête?
Déshumanisation du système, encouragement à la loi du plus fort (seul le plus séduisant au
téléphone, celui qui dispose du plus du temps pour attendre une réponse...finira par obtenir gain
de cause), encouragement à l'abandon de ses droits, violation du droit de l'administration, tenu
de recevoir/d'informer correctement ses administrés....
I.S.
3°) « Après 1 période de chômage et face aux menaces de radiation, convocations toutes
les 5 minutes, j'ai accepté un emploi sous-qualifié »
Témoignage
Demande d’information
Auriez-vous l'amabilité de bien vouloir me
renseigner sur mes droits, par rapport au
problème rencontré avec l'ANPE ?
Après 1 période de chômage et face aux
menaces de radiation, convocations toutes les
5 minutes, j'ai accepté un emploi sous-qualifié
par rapport a mon expérience (30ans
Assistante Commerciale), afin que cela cesse,
en tant que secrétaire standardiste totalement
exploitée & des horaires impossibles.
Cela fait maintenant 5 ans que je fais 110
heures par mois, sans aucune allocation, et vis
avec même pas 1000 € par mois et personne ne
s’est jamais posé de question sur mon sort, je
me suis toujours débrouillée toute seule.
Déjà à l'époque on m'avait radié 2 mois
injustement et aujourd'hui on essaie de
Eclairage de l’autre côté du guichet :
commentaires sur ce témoignage d’agents
syndiqués de l’ANPE
« Cela fait maintenant 5 ans que je fais 110
heures par mois ». Il y a en effet 5 ans, la mise
en place du PARE découlant de la convention
UNEDIC, avait déjà commencé à mettre en
place, avec un entretien obligatoire tous les 6
mois, ce processus de défiance vis à vis des
institutions. Il constituait selon nous une
rupture par rapport aux valeurs de service
public. Cette pression sociale conduit les
demandeurs d’emploi à prendre des emplois
déqualifiés et à entrer dans une spirale de
précarisation.
15
nouveau de me radier alors que, pour moi, c'est
simplement
dans
le
but
de
pouvoir
éventuellement sélectionner des annonces "vu
les annonces, qu'il y à l'ANPE" ! Mais on ne
sait jamais.
Je souhaite maintenir mon inscription, car, je
cherche toujours un autre emploi à temps
complet où 1 autre mi-temps d'à peine une
dizaine d'heures par semaine.
Et bien on veux me radier, vous vous rendez
compte !
Voilà les remerciements !
Tous les jours on m'envoie des courriers, on
veut me soumettre au contrôle mensuel des
chômeurs, et moi, j'ai pas que ça à faire, après
5 ans ils se réveillent !
Quelles sont mes droits ?
Avec mes remerciements
La mécanique des convocations du suivi mensuel
n’est pas adaptée au cas de toutes ces
personnes qui ont accepté un emploi précaire
et déqualifié, et sont donc occupées dans la
journée, mais qui recherchent un emploi
correspondant mieux à leurs aspirations.
4°) « Je suis inscrit comme demandeur d’emploi depuis plusieurs années dans une tranche
d’age de plus de 46 ans et ce sans allocation Assedic , ni RMI. »
Témoignage
Eclairage de l’autre côté du guichet :
commentaires sur ce témoignage d’agents
syndiqués de l’ANPE
L’ANPE ne m’apporte aucun soutien en terme
d’aide, de support ou de proposition de poste Cette organisation contraignante provoque du
hormis le fait de me convoquer tous les mois découragement. Elle ajoute une sur sélection à
pour faire un bilan avec la sanction d’une des situations de discrimination (ici de l’âge).
radiation si je ne présente pas..
Favorisant le reclassement rapide des
Ai-je un intérêt au niveau protection sociale à personnes catégorisées comme « les plus
rester inscrit à l’ANPE ?
proches de l’emploi », dans les secteurs en
Merci pour votre réponse !
tension, elle entre en contradiction avec nos
missions de service public qui devraient être en
pointe de la lutte contre la discrimination.
Ce dernier témoignage est symptomatique du phénomène du « chômeur découragé » et
cet aspect est plus qu’alarmant. On sait aujourd’hui qu’un certain nombre de personnes
choisissent de ne plus s’inscrire à l’ANPE (60% des allocataires du revenu minimum
d’insertion ne sont pas inscrits à l’ANPE !), faute d’indemnisation, faute d’un véritable
accompagnement, faute de solutions concrètes…
Dénoncer ces dérives, pour nous, c’est réaffirmer la nécessité d’une véritable prise en
compte politique et sociétale de l’emploi, la nécessité d’un service public de l’emploi
équitable, accessible à tous et dont une des missions principales serait la réduction des
inégalités.
16
FICHE 5 - L’ENQUETE « SORTANTS »
Depuis 2001, l’ANPE réalise une enquête trimestrielle auprès de demandeurs d’emploi
sortis des listes au cours du dernier mois du trimestre. Cette enquête permet de
compléter les informations disponibles dans les fichiers de gestion de l’ANPE pour
connaître les raisons de sortie du chômage, par exemple pour les demandeurs d’emploi
qui ont été exclus des listes parce qu’ils n’ont pas actualisé à temps leur situation. : estce un oubli ? Est-ce un choix volontaire lié à la fin de l’indemnisation ? Est-ce lié à une
reprise d’emploi ? Ainsi en ré intégrant dans les reprises d’emploi, les demandeurs
d’emploi absents au contrôle ou radiés qui déclarent avoir repris un emploi, l’ANPE peut
estimer une part des reprises d’emploi dans les sorties supérieure à celle que donne la
seule statistique administrative : environ 50% contre un quart à un tiers. L’enquête
« Sortants » permet aussi de connaître la nature des emplois retrouvés.
L'enquête est réalisée par quotas, sur un échantillon issu d'un tirage aléatoire simple
stratifié, avec environ 2 000 répondants à chaque vague d'enquête. Elle porte sur les
sortants des listes venues des catégories 1, 2, 3, 6, 7 et 8, donc sur un champ plus large
que les statistiques administratives publiées chaque mois qui, elles ne détaillent les
motifs administratifs de sortie que pour les sortants de catégorie 1 (c’est-à-dire en
fait, les sorties de catégorie 1 et 6 parce que l’ANPE ne tient pas compte de la pratique
d’une activité réduite pour les sortants des listes).
Le tableau 1 présenté ci-dessus résume les résultats de l’enquête en faisant la moyenne
des résultats de quatre enquêtes trimestrielles successifs de façon à lisser les
phénomènes saisonniers.
Ainsi, la colonne « nombre moyen 2003-2004 » est la moyenne des enquêtes du 3e et 4e
trimestre 2003 (sorties de septembre et décembre) et des enquêtes du 1er et 2e
trimestre 2004 (sorties de mars et juin). Ce sont les résultats qui précèdent juste le
début du « recul du chômage ».
La colonne « nombre moyen 2005-2006 » est la moyenne des enquêtes du 3e et 4e
trimestre 2005 (sorties de septembre et décembre) et des enquêtes du 1er et 2e
trimestre 2006 (sorties de mars et juin). Ce sont les résultats disponibles les plus
récents (sur www.travail.gouv.fr).
L’enquête « Sortants » montre qu’entre 2001 et 2006, la part des reprises d’emploi dans
les sorties des listes de l’ANPE tend à diminuer. Parmi ces reprises, la part des emplois
aidés, des CDD et de l’intérim augmente alors que la part des CDI se tasse.
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Graphique 5
Sorties de l’ANPE : de moins en moins vers l’emploi stable
55
50
45
40
35
30
Part des sorties de DEFM 123678
correspondant à des reprises d'emploi
Parmi ces emplois, part des CDI
25
20
juin01
sept01
decjuin- sept- dec- mars- juin- sept- decjuin- sept- décjuin- sept- dec mars- juin01 mars- 02
02
02
03
03
03
03 mars- 04
04
04 mars- 05
05 2005 06
06
02
04
05
Source : ANPE-Enquête trimestrielle auprès de 2000 chômeurs sortis des listes. Cette enquête porte sur les sorties des
catégories 1, 2, 3, 6, 7 et 8 (les résultats sont présentés en moyenne sur les quatre derniers trimestres.
18
FICHE 6
LE RECALAGE ? DÉCALÉ !
L’INSEE a annoncé il y a quelques jours que la révision annuelle de la série de taux de
chômage, qui devait avoir lieu avant la fin du premier trimestre 2006, a été repoussée à
l’automne. Qu’est-ce que cette révision, et pourquoi est-elle repoussée ?
Il faut d’abord rappeler que le nombre de demandeurs d’emploi inscrits en fin de mois à
l’ANPE (DEFM), qui est le chiffre officiel publié chaque mois, est une statistique
administrative, élaborée à partir des listes de gestion de l’ANPE, donc sensibles aux
évolutions de ce mode de gestion et à l’évolution des comportements d’inscription des
chômeurs, par exemple en réaction à l’évolution du contexte de l’indemnisation et du
suivi des demandeurs d’emploi.
Le taux de chômage que calcule l’INSEE cherche lui, à s’affranchir de ces aléas pour
respecter la définition du chômage établie par le Bureau international du travail. Cette
définition demande de vérifier un certain nombre de critères : absence de travail au
cours d’une période de référence, recherche effective d’un emploi, disponibilité pour
reprendre un emploi. Pour cela, une batterie de questions est nécessaire, par exemple
pour demander la nature des démarches de recherche d’emploi, pour s’assurer qu’une
formation ou qu’une maladie ne rend pas indisponible la personne, etc.
De ce fait, le chômage au sens du BIT ne peut être correctement mesuré qu’avec une
enquête. C’est le but de l’enquête emploi que réalise l’INSEE, une fois par an en mars
jusqu’en 2002, de façon continue tout l’année depuis 2002.
Entre les résultats de deux enquêtes, l’INSEE publie chaque mois une estimation du
chômage BIT en extrapolant son évolution à partir de l’évolution des demandeurs
d’emploi inscrits à l’ANPE, et plus particulièrement des catégories qui se rapprochent le
plus de la définition BIT : les DEFM de catégorie 1, 2 et 3 sans activité réduite. Mais
ensuite, chaque année, dès que les résultats de l’enquête emploi relatifs à l’année
précédente, les estimations faites en cours d’année sont révisées, « recalées » sur les
résultats de cette enquête. Ce recalage avait lieu à la fin du deuxième trimestre quand
l’enquête emploi était faite une fois par an en mars (jusqu’à 2002). Depuis 2002, le
recalage est toujours publié avant la fin du premier trimestre. C’est cette opération que
l’INSEE vient de repousser à l’automne, après les élections présidentielles et
législatives.
Les raisons invoquées sont « techniques » mais vagues et non quantifiées ; l’Insee évoque
une baisse du taux de réponse.
Si ces problèmes sont très récents, ils ne peuvent pas avoir beaucoup d’effets sur les
résultats d’une enquête qui a été collectée tout au long de l’année, chaque semaine de
l’année. Et pour éviter une dérive de l’estimation du taux de chômage, l’INSEE pourrait
recaler la série, sinon sur l’année civile 2006, du moins sur douze mois glissants
19
légèrement décalés, du 3e trimestre 2005 au troisième trimestre 2006, si le problème
porte sur la fin de l’année. En tout cas, l’INSEE pourrait donner une tendance d’évolution
récente du chômage au sens du BIT.
Si ces problèmes techniques, comme un taux de non réponse significativement trop fort
au risque de biaiser les résultats, étaient plus anciens, l’INSEE ne le découvrirait pas au
début 2007 à quelques semaines de la date annoncée pour le recalage, alors que
l’enquête est collectée chaque semaine de l’année et que des fichiers trimestriels sont
produits chaque trimestre.
Bref, tout porte à penser que le problème n’est pas tant dans la technique que dans les
résultats trouvés, des résultats qui pourraient montrer que le chômage au sens du BIT
est loin d’avoir autant baissé que les statistiques de l’ANPE l’avaient affirmé. Des
résultats qui réviseraient à la hausse les estimations faites au cours de l’année dans une
proportion tellement plus forte que d’habitude, que l’INSEE pourrait vouloir s’assurer
des chiffres par l’enquête complémentaire qu’il a annoncé. Des résultats qui recaleraient
le discours triomphaliste récent sur la baisse observée du chômage.
Le décrochage entre l’enquête Emploi et les chiffres de l’ANPE est pourtant assez
facilement explicable par la pression croissante induite sur les chômeurs évoquée par
ailleurs dans cette note. Sans oublier des changements récents dans le mode de gestion
de liste depuis mi 2005 comme la création des CRP (Conventions de Reclassement
Personnalisé) et des CTP (Contrat de Transition Professionnelle), les bascules
automatiques des emplois aidés repérés par des rapprochements de fichiers, le retard
des relances des chômeurs qui n’actualisent pas leur situation assez vite…

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