Ordonnance d - Société du Grand Paris

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Ordonnance d - Société du Grand Paris
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE MONTREUIL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
N°1507666
___________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Société HYDROGEOTECHNIQUE NORD &
OUEST
___________
Le tribunal administratif de Montreuil
Ordonnance du 25 septembre 2015
__________
Le juge des référés
39-08-015-01
54-03-05
C
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2015, et un mémoire, enregistré le
23 septembre 2015, la société HYDROGEOTECHNIQUE NORD & OUEST, représentée par le
Cabinet Palmier & associés, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de
l’article L. 551-5 du code de justice administrative :
1°) d’annuler la décision par laquelle la société du Grand Paris a rejeté sa candidature à
la passation du marché ayant pour objet les travaux de reconnaissance géologique, géotechnique
et hydrogéologique ;
2°) d’enjoindre à la société du Grand Paris de se conformer à ses obligations de
publicité et de mise en concurrence et de reprendre la procédure dans des conditions régulières au
stade de l’avis d’appel public à candidature ou, à défaut, de reprendre la procédure au stade de
l’analyse des candidatures ;
3°) de mettre à la charge de la société du Grand Paris une somme de 4 000 euros au titre
de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
l’exigence de « travaux de grande ampleur » est contraire au principe de
transparence et d’égalité entre candidats ;
les sous-critères de la capacité technique ne sont ni hiérarchisés, ni pondérés ;
le critère des références aurait dû comprendre des sous-critères ;
l’article 28-II du décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 a été méconnu ;
la décision attaquée est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;
la société n’a pas procédé à une analyse des candidatures lot par lot ;
l’article 18-I du décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 a été méconnu.
Par mémoires, enregistrés les 17 et 24 septembre 2015, la société du Grand Paris
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conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société HYDROGEOTECHNIQUE
NORD & OUEST au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code
de justice administrative.
Elle soutient que la demande d’annulation est irrecevable et que les moyens soulevés
par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris ;
- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2005-1308 du 20 octobre 2005 ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Thibaut Célérier, vice-président, pour statuer sur
les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique du 25 septembre 2015 à 11 h :
- le rapport de M. Célérier,
- les observations de Me Palmier, représentant la société HYDROGEOTECHNIQUE
NORD & OUEST ;
- les observations de Me Delannoy, représentant la société du Grand Paris ;
et à l’issue de l’audience le juge des référés a clos l’instruction.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 551-5 du code de justice
administrative :
1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-5 du code de justice administrative : « Le
président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de
manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la
passation par les entités adjudicatrices de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de
travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie
économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public
ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à
opération unique./ Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. » ; qu’aux termes de l’article
L. 551-6 du même code : « Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à
ses obligations en lui fixant un délai à cette fin. Il peut lui enjoindre de suspendre l'exécution de
toute décision se rapportant à la passation du contrat ou à la constitution de la société
d'économie mixte à opération unique. Il peut, en outre, prononcer une astreinte provisoire
courant à l'expiration des délais impartis./ Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en
tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a
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rencontrées pour l'exécuter./ Si, à la liquidation de l'astreinte provisoire, le manquement
constaté n'a pas été corrigé, le juge peut prononcer une astreinte définitive. Dans ce cas, il
statue en la forme des référés, appel pouvant être fait comme en matière de référé./ L'astreinte,
qu'elle soit provisoire ou définitive, est indépendante des dommages et intérêts. L'astreinte
provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le
retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause
étrangère. » ; qu’aux termes de l’article L. 551-7 du même code : « Le juge peut toutefois, en
considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt
public, écarter les mesures énoncées au premier alinéa de l'article L. 551-6 lorsque leurs
conséquences négatives pourraient l'emporter sur leurs avantages. » ; qu’aux termes de l’article
L. 551-8 du même code : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue,
statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. » ; qu’aux termes de l’article L. 5519 du même code : « Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal
administratif et jusqu'à la notification à l'entité adjudicatrice de la décision juridictionnelle. » ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article 18 du décret susvisé du 20 octobre 2005 : « I.L'entité adjudicatrice peut demander aux candidats de fournir des renseignements permettant
d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que
des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager./ Lorsque l'entité
adjudicatrice décide de fixer des niveaux minimaux de capacité, il ne peut être exigé des
candidats que des niveaux minimaux de capacité liés et proportionnés à l'objet du marché. Les
documents, renseignements et les niveaux minimaux de capacités demandés sont précisés dans
l'avis d'appel à concurrence ou, en l'absence d'un tel avis, dans les documents de la consultation
(…) L'entité adjudicatrice peut exiger des opérateurs économiques qu'ils produisent des
certificats de qualité. Ces certificats, délivrés par des organismes indépendants, sont fondés sur
les normes européennes./ Pour les marchés qui le justifient, l'entité adjudicatrice peut exiger des
candidats la production de certificats établis par des organismes indépendants et attestant leur
capacité à exécuter le marché./ Pour les marchés de travaux et de services dont l'exécution
implique la mise en œuvre de mesures de gestion environnementale, ces certificats sont fondés
sur le système communautaire de management environnemental et d'audit (EMAS) ou sur les
normes européennes ou internationales de gestion environnementale./ Dans les cas prévus aux
trois alinéas précédents, l'entité adjudicatrice accepte les certificats équivalents d'organismes
établis dans les autres Etats membres de l'Union européenne et d'autres preuves équivalentes
(…) » ; qu’aux termes de l’article 28 du même décret : « II.-L'entité adjudicatrice sélectionne les
candidats au vu des renseignements fournis en application de l'article 18 et des critères qu'elle a
fixés dans l'avis d'appel à concurrence ou dans les documents de la consultation./ L'absence de
références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier l'élimination d'un
candidat et ne dispense pas l'entité adjudicatrice d'examiner les capacités professionnelles,
techniques et financières des candidats. III.-En cas de procédure restreinte ou négociée, l'entité
adjudicatrice peut limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre à un niveau
justifié par le souci de proportionner les moyens mis en oeuvre aux exigences de la procédure
choisie. Le nombre des candidats retenus tient compte de la nécessité d'assurer une concurrence
suffisante. » ;
3. Considérant que l’avis de marché prévoit que la capacité des entreprises sera appréciée
au travers des renseignements et documents demandés dans l’avis, que la sélection des candidats
sera effectuée au regard des critères pondérés suivants : - références : 50%, - capacités techniques
(outillage, certifications, moyens humaines) : 50% et que cinq candidats maximum seront
sélectionnés pour la suite de la procédure ; que l’article III.2.3) prévoit que chaque candidat
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présente en particulier une liste de références similaires réalisées au cours des cinq dernières
années, mentionnant notamment le montant des missions réalisées, indique les effectifs,
notamment ceux affectés à des prestations de même nature que celles du marché, l’outillage, le
matériel et l’équipement technique et les certificats de qualifications professionnelles ou tout
document équivalent ; que l’avis de marché précise que les travaux de reconnaissance
géologique, géotechnique et hydrogéologique sont divisés en cinq lots géographiques d’un
montant de 7 millions d’euros pour le lot n°1, de 3 millions d’euros pour les lots 2 et 3, 6
millions d’euros pour les lots 4 et 5 ; que la candidature de la requérante a été classée en
septième position et n’a donc pas été retenue ; que la société du Grand Paris lui a attribué la note
de 5 sur 10, « Très moyen », sur le critère des références en estimant que « le candidat présente
peu de références sur des travaux de grande ampleur, de nombreuses références pour les projets
de bâtiment, d’infrastructure et de surface et/ou souterraine pour des montants inférieurs à 300
kC » ; que la société du Grand Paris lui a attribué la note de 7 sur 10, « assez bien » sur le critère
des capacités techniques : « la qualité des moyens humains est moyenne, ne témoignant pas
d’expérience en travaux de reconnaissance de grande ampleur. Toutefois, l’équipement et le
matériel sont complets : 61 ateliers de forages, trois laboratoires équipés des matériels
nécessaires à la réalisation de l’ensemble des essais classiques. Possède des moyens en
géophysique, hydrogéologique, pénétromètres… » ;
4. Considérant qu’il résulte des motifs de la notation de la requérante que la société du
Grand Paris ne s’est pas bornée à constater l’absence de références professionnelles à des travaux
similaires à ceux faisant l’objet du marché litigieux puisqu’elle a tenu compte de la qualité des
moyens techniques de la requérante pour lui attribuer une meilleure note sur le critère des
capacités techniques ; que l’avis d’appel public à la concurrence mentionne, à l’article III.2.3),
les documents exigés à l’appui des candidatures, au vu desquels la société du Grand Paris
entendait procéder, sur la base des deux critères annoncés, à la sélection des candidatures ; qu’en
exigeant à l’article III.2.3 de l’avis de marché une liste de « références similaires », indiquant
notamment le montant des missions réalisées, la société du Grand Paris a nécessairement entendu
disposer de références de travaux d’une ampleur équivalente à ceux faisant l’objet de l’avis de
marché, sans pour autant fixer des « niveaux minimaux de capacité » au sens des dispositions
précitées et sans qu’il soit besoin de fixer des sous-critères ; qu’il résulte de l’instruction que la
société du Grand Paris a apprécié les capacités de la candidate au regard de l’importance du
projet, sans faire de cette référence à « des travaux de grande ampleur » un critère distinct de
sélection des candidatures, qui aurait alors dû être mentionné dans l’avis d’appel public à la
concurrence ; qu’il résulte également de l’instruction que la société du Grand Paris a examiné
l’ensemble des capacités professionnelles, techniques et financières de la requérante ; que la
société du Grand Paris ne lui a aucunement opposé une insuffisance de certifications puisqu’au
contraire la qualité technique de son offre est reconnue et que l’analyse de la candidature
mentionne que « les certificats de qualifications présentés sont compatibles avec les exigences du
marché » ;
5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, contrairement à ce que soutient la société
requérante, l’avis d’appel public à la concurrence a en l’espèce indiqué les critères de sélection
des candidatures, à savoir d’une part le critère des références et d’autre part le critère des
capacités techniques, ainsi que les documents au vu desquels ils seraient appliqués ; que la
société du Grand Paris n’était pas tenue d’indiquer aux candidats les conditions de mise en œuvre
du critère des capacités techniques, correspondant à l’outillage, aux certifications et aux moyens
humains, en pondérant ces trois éléments d’appréciation, dès lors qu’il ne résulte pas de
l’instruction que l’indication d’une pondération équilibrée de ces trois éléments relatifs à la
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capacité technique, si elle avait été connue lors de la préparation des candidatures, aurait été
susceptible d’influencer cette préparation, alors que la fourniture des renseignements et
documents relatifs à ces trois éléments était prévue par les dispositions du règlement de
consultation et que la requérante a obtenu une bonne appréciation et une note de 7 sur 10 sur ce
critère ;
6. Considérant que, compte tenu de la nature des lots, à caractère géographique en
fonction du tronçon de la ligne de voie ferrée prévue, mais concernant le même type de travaux,
pour un montant variant entre 3 millions et 7 millions d’euros et une longueur de tracé comprise
entre 17 kms et 37 kms, avec de nombreuses gares, la société du Grand Paris n’a commis ni
erreur de droit, ni erreur manifeste d’appréciation en portant la même appréciation et la même
note sur chacun des lots, pour chaque critère, eu égard aux motifs du rejet de la candidature,
alors, en outre, qu’il résulte du règlement de consultation que deux lots pouvaient être attribués à
un même soumissionnaire ; qu’il ne résulte pas de l’instruction, au regard de l’importance du
projet, divisé en cinq lots d’une valeur comprise entre 3 millions et 7 millions d’euros, pour la
réalisation des travaux de reconnaissance géologique, géotechnique et hydrogéologique du réseau
de transport public du Gand Paris et des moyens humains de la société requérante, qu’en estimant
que cette candidature, en dépit d’un équipement et d’un matériel complets et de ses moyens
techniques, ne démontrait pas de compétences suffisantes pour des travaux d’une telle ampleur,
la société du Grand Paris aurait entaché d’erreur manifeste l’appréciation à laquelle elle s’est
ainsi livrée ;
7. Considérant que, dès lors, la société HYDROGEOTECHNIQUE NORD & OUEST
n’est pas fondée à se prévaloir d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en
concurrence ; qu’il résulte de ce qui précède que la société HYDROGEOTECHNIQUE NORD &
OUEST n’est pas fondée à demander la reprise de la procédure de passation du marché ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative :
8. Considérant que ces dispositions font obstacle aux conclusions de la société
HYDROGEOTECHNIQUE NORD & OUEST dirigées contre la société du Grand Paris qui n’est
pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de
l’espèce, de condamner la société HYDROGEOTECHNIQUE NORD & OUEST à payer à la
société du Grand Paris la somme qu’elle réclame en application desdites dispositions ;
ORDONNE
Article 1er : La requête de la société HYDROGEOTECHNIQUE NORD & OUEST est
rejetée.
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Article 2 : Les conclusions de la société du Grand Paris tendant à l’application des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société HYDROGEOTECHNIQUE
NORD & OUEST et à la société du Grand Paris.
Fait à Montreuil, le 25 septembre 2015.
Le juge des référés,
Le greffier,
Signé
Signé
T. Célérier
A. Bouxin
La République mande et ordonne au ministre des transports, en ce qui le concerne, ou à
tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les
parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.