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ASSENTAMENTOS RURAUX DANS L’ETAT DE SÃO
PAULO ET AGRICULTURE DURABLE : REORIENTATION
Maristela SIMÕES do CARMO1
UN NOUVEL EMBALLAGE POUR DE VIEILLES QUESTIONS
La nouvelle question agraire
En optant pour la modernisation du latifundium ou, comme le veulent
certains, pour la voie prussienne du développement capitaliste à la campagne, le
Brésil a choisi la modernité de la technique et le retard du développement social
global. Théoriquement, la bourgeoisie brésilienne devrait jouer le rôle d’agent du
progrès par excellence dans la construction de l’économie brésilienne moderne.
Sa soi-disant vocation nationaliste suffirait, en soi, à conduire, à la rupture des
liens de retard représentés par le pouvoir des grands propriétaires ruraux qui
faisaient obstacle à la pleine constitution du marché interne, et plus encore au
développement complet des forces productives.
Cependant, la modernisation conservatrice s’est traduite par une
industrialisation de l’agriculture, à caractère irréversible, et par la constitution des
complexes agro-industriels (Kageyama et al., 1991). Socialement, cela a impliqué
l’exclusion des petits producteurs familiaux et des travailleurs ruraux, qui n’ont
pas vraiment eu les moyens de s’adapter aux nouvelles relations de travail, fruits
des altérations de la base technique de production.
Qu’il soit bien clair qu’il ne s’agit pas ici de faire le procès du progrès
technique, mais bien plutôt de ses lignes de recherche et des bases sociales sur
1
Ingénieur agronome, Professeur adjoint à la
[email protected].
FCA/UNESP-Botucatu
et
FEAGRI/UNICAMP.
Cahiers du Brésil Contemporain, 2003, n°51/52, p. 257-280
258
Maristela SIMÕES DO CARNO
lesquelles il a été mis en place, au travers de ce qu’il est convenu d’appeler la
primauté de la technique sur les relations sociales. Cette primauté a fini par
suffoquer les revendications sociales de la population et par exercer une forte
pression sur les conditions de survie des travailleurs moins qualifiés et plus
particulièrement des travailleurs ruraux sans terre.
Si l’on en croyait l’idéologie qui dominait sous la suprématie de la
bourgeoisie “démocratique” et des forces rétrogrades de développement, ou
même l’argumentation des intellectuels de gauche aux alentours des années 6070, la “petite production familiale” ne ferait pas de vieux os au Brésil. Par
conséquent, la réforme agraire en tant qu’impulsion à la rupture du “système de
latifundium” prédominant depuis la colonisation n’a eu que peu d’effet.
Les différences se sont encore approfondies avec la modernisation des
latifundia adoptée pour le développement agraire brésilien. Ce mouvement n’a
fait qu’accroître l’inégalité de la distribution des terres, même si le nombre de
“minifundia” a augmenté (Hoffmann, 1987), ce qui s’est traduit par une
croissance de production pour l’exportation au détriment des aliments orientés
vers le marché interne (Homem de Mello, 1979) ; si les nouveaux entrepreneurs
ruraux se sont consolidés en organisations de classe et lobbies de représentation
politique ou de partis (Moraes, 1987), les travailleurs sans terre se sont également
organisés à la recherche de leur espace de reproduction (Fernandes, 1996).
Cette capacité spécifique des élites brésiliennes de promouvoir des
changements sans ruptures a joué une fois de plus et les grandes entreprises
agropastorales ont assumé, sur des bases techniques modernes, la responsabilité
de répondre aux besoins imposés par l’industrialisation et le développement
économique général. Malgré le début du processus de redémocratisation des
années 80, cette nouvelle norme productive a réduit plus encore les espaces
propices à la question agraire, au sens classique d’insertion dans la
transformation de la société accompagnée d’une redistribution massive des terres
et des richesses et de la fin du pouvoir politique oligarchique. Autant d’espaces
dans lesquels la réforme agraire aurait pu servir de base à un développement
socialement durable.
Assentamentos ruraux dans l’état de São Paulo et agriculture durable …
259
C’est alors que, en réponse à ce “vieil emballage” du scénario agraire
brésilien, surgissent les expériences d’assentamentos de travailleurs ruraux, fruit
aussi bien des luttes sociales que de tentatives singulières du gouvernement pour
réaliser des transitions qui résolvent les conflits sans porter préjudice aux
privilèges déjà établis.
Comme la question agraire ne change que pour mieux se conserver
(Gonçalves, 1997) au Brésil, les assentamentos ruraux peuvent être vus comme
une réforme agraire à doses homéopathiques, comme un mécanisme visant à
maîtriser les “foyers d’incendie” (Bergamasco & Carmo, 1991) ou, selon Neves
(1997), de distribution de miettes. Néanmoins, ils surgissent, envahissent les
médias brésiliens et internationaux1, gênent, créent des situations nouvelles et
doivent donc être considérés.
La durabilité conservatrice
Apparemment, le scénario mondial récent d’évolution technologique de
l’agriculture laisse présager une homogénéisation du processus agricole et du
développement économique qui présuppose, pour le moins, un nivellement des
écosystèmes de la planète et des chances économiques et sociales, sans parler de
la subordination culturelle aux Etats nationaux. Mais c’est là une vision
réductionniste qui ne tient compte ni du fait que les inégalités s’approfondissent
ni des impacts sociaux et environnementaux de la norme de l’agriculture
industrielle. Le développement durable a très souvent été présenté, ces derniers
temps, comme une panacée contre tous les maux surgis de l’évolution
technologique. Il n’en demeure pas moins que les solutions à ces maux
reconduisent la primauté de la technique sur les relations sociales, principalement
dans les pays sous-développés.
En effet, l’agriculture durable est en plein essor dans le secteur
technologico-productif, qui ouvre des espaces pour optimiser les facteurs de
production avec des techniques minimisant les impacts sur l’environnement
1
Voir, entre autres, la revue Veja, avril 1997 (nº 15 et 16) et juin 1998 (nº 22), et la revue
Time, édition latino-américaine de janvier 1998 (Padgett, 1998).
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Maristela SIMÕES DO CARNO
physico-naturel. C’est donc la norme technologique qui est en discussion et
toutes les forces de l’establishment s’unissent pour chercher à résoudre la
question environnementale1 et en finir avec la pollution apparente, en tant que
mal qui compromet aussi bien la production en soi que la continuité du processus
capitaliste de production, ses privilèges et les relations sociales établies. Sous ce
nouvel emballage, la technologie issue de cette nouvelle approche de la
durabilité, se présente comme seule rédemption aux maléfices, jusqu’à présent
nécessaires, de la modernisation de l’agriculture.
Néanmoins, la transition vers cette durabilité n’a pas défini clairement la
direction que ce saut technologique imminent prendra. En effet, si elle améliore
la relation entre agriculture et environnement, au travers de technologies
considérées moins agressives, elle ne promeut pas une durabilité sociale. En
outre, la gamme de technologies considérées “durables”, au sens commun, va du
génie génétique aux pratiques indigènes primitives. L’aile plus conservatrice
privilégie la biotechnologie ; le camp progressiste préfère un mélange de
techniques modernes, à l’exception des produits transgéniques et de
connaissances qui possèdent les populations locales directement intéressées, dont
la récupération est défendue par les adeptes de l’agroécologie.
Bien que la durabilité2, au sens générique du terme, soit hautement désirable
pour toute la société, elle n’est encore qu’une utopie, car aucune pression sociale
ne s’exerce au point de nous permettre de dépasser le paradigme précédent de la
révolution verte. Ainsi généralisée, la “durabilité” ne désigne plus que l’entretien
d’un état et, même si ce mot est doté d’un fort contenu idéologique, toutes les
couches sociales y voient la solution non seulement aux dommages
1
La recherche de technologies plus amènes pour l’environnement, les systèmes de
certification et l’institutionnalisation des ISOS (International Organization for
Standardization) illustrent bien ces efforts.
2
Dans ce travail la durabilité dans l’agriculture est vue comme l’ensemble d’idées
recherchées par les sociétés postmodernes face à une restructuration qui assujettit tout le
système agro-alimentaire global. La discussion se prolonge par-delà la question
technologique et ses impacts environnementaux, et un développement durable ne peut
qu’impliquer une stabilité économique et sociale.
Assentamentos ruraux dans l’état de São Paulo et agriculture durable …
261
environnementaux mais encore aux problèmes sociaux. Comme la technologie,
elle sera le fruit d’une relation sociale de production historiquement déterminée.
Au Brésil, le manque de précision de ce mot est encore plus grave, puisque
la résolution de la question environnementale devra suivre les ornières de
toujours, c’est-à-dire la voie conservatrice. Ce qui signifie qu’il lui faudra
résoudre les problèmes d’agression contre la nature sans compromettre les classes
au pouvoir, à l’aide de technologies et de mécanismes d’appropriation dûment
adaptés pour ne pas mettre en péril la direction conservatrice du développement
adopté. La transition vers un nouveau paradigme, plus durable, affronte
généralement la résistance de différents groupes sociaux, principalement de ceux
qui considèrent la préservation de l’environnement comme une limitation, en
raison de la base technique dominante et de la croissance économique désirée.
Voilà pourquoi, dans une société comme la brésilienne, la durabilité du
développement s’impose plus par son côté environnemental que par sa facette de
justice sociale. A présent, les élites brésiliennes doivent faire face à la situation
des ressources naturelles et à la détérioration environnementale causée par le
progrès technique. Si le modèle de modernisation de l’agriculture a résolu les
problèmes de sécurité alimentaire lato sensu, c’est-à-dire comme rapport entre le
volume d’aliments produits et le nombre d’habitants il n’en dégrade pas moins
les ressources naturelles. Un nouveau saut technologique devra donc non
seulement augmenter la production, mais encore protéger l’environnement. Si
elle est confiée aux classes dominantes, cette solution, comme d’habitude, sera
technique et conservatrice.
En effet, comme la réforme agraire, la durabilité ne pourra venir qu’au
compte-gouttes et sans compromettre le statu quo, pour répondre aux groupes de
pression sociaux les plus actifs. Tout nous conduit donc à penser qu’elle aura lieu
sans réformes sociales, à moins que des forces vives, de nos jours exclues de la
société, ne s’organisent et luttent (Carmo, 1993). Il faudra beaucoup plus que
l’effort actuel de la Politique des assentamentos et du Programme National de
Renforcement de l’Agriculture Familiale (Programa Nacional de Fortalecimento
da Agricultura Familiar – PRONAF)1, pour établir cet idéal d’agriculture durable.
1
Ce programme a débuté en 1995 au travers de lignes de crédit aux agriculteurs familiaux,
262
Maristela SIMÕES DO CARNO
Or, si la primauté de la technologie continue à s’imposer, le pays n’évoluera
pas beaucoup en termes de société durable. Comme le montre l’Indice de
Développement Humain (IDH), concocté par l’ONU sur la base d’indicateurs de
santé (espérance de vie à la naissance), d’éducation (taux d’alphabétisation des
adultes et taux de scolarisation) et de revenu (PIB par habitant à parité de pouvoir
d’achat, en dollars américains), en 1999, le Brésil occupait la 69e place au
classement mondial1, avec un indice de 0,750, bien qu’il soit considéré comme la
9e économie mondiale en termes de génération de biens et de richesses.
Soulignons encore que cette 69e position ne se doit qu’à une croissance du revenu
per capita qui, si elle a empêché que cet indice ne soit encore plus bas, n’a pas
réussi à masquer la troisième place au classement de l’inégalité distributive de
revenu, derrière le Swaziland et le Nicaragua.
LES ASSENTAMENTOS RURAUX DANS L’ETAT DE SÃO PAULO
La dynamique productive des assentamentos ruraux paulistes dans les
contextes régional et brésilien
Les assentamentos ruraux se sont développés comme fruits des luttes
sociales de travailleurs sans terre, au travers de programmes gouvernementaux
qui tiennent compte de ces revendications. Bien qu’ils s’inscrivent dans un
processus singulier qui respecte les caractéristiques conservatrices brésiliennes,
les assentamentos ruraux de l’état de São Paulo s’imposent de plus en plus
comme une stratégie de développement rural et de fixation des familles à la
campagne. Le seul fait qu’ils absorbent un contingent de personnes et leur évitent
la marginalisation et les sous-emplois urbains permet déjà de considérer cette
politique comme hautement positive.
non nécessairement assentados.
1
Consulter le Human Development Report, publié par le United Nations Development
Programme (UNDP), Oxford University Press, N. Y., 2001, sur le site
http://www.und.org/hrd2000/home-sp.html.
Assentamentos ruraux dans l’état de São Paulo et agriculture durable …
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Le rapport de la FAO1 montre des résultats encourageants pour que continue
et s’accélère la politique d’assentamentos de travailleurs ruraux aussi bien dans le
pays entier que dans la région Sud-est et en particulier dans l’état de São Paulo.
En effet, pour le Brésil, ce rapport indique un revenu mensuel moyen de
3,70 salaires minimum2 par mois et par famille, sur douze mois entre 1990 et
1991 (Romeiro ; Guanziroli & Leite, 1994, p. 23). Bien que cette valeur
comprenne les revenus agricoles, d’autoconsommation et d’autres travaux, elle
peut être considérée plus élevée que le revenu moyen obtenu par les autres
catégories de travailleurs ruraux, hors assentamentos. Voilà pourquoi de tels
programmes, quand ils sont dûment renforcés et accompagnés par l’Etat, peuvent
donner une direction concrète au développement rural vers une durabilité sociale.
Autre recherche importante, réalisée entre décembre 1996 et janvier 1997, le
1er recensement des assentamentos au Brésil (INCRA, 1997 ) a visité 1.460 projets
d’assentamentos implantés avant le 31/10/96, pour un total de 199.218 familles
bénéficiaires. Une recherche parallèle a examiné un échantillon de 9.000 familles
et a fourni leur profil socio-économique.
Signalons encore, pour l’état de São Paulo, les données du Projeto
Caderneta de Campo (Projet Carnet de Terrain), de l’Institut de Terres de l’état
de São Paulo (ITESP), qui a cherché à accompagner de façon plus systématique
l’évolution sociale et économique des bénéficiaires du Programme pauliste
d’assentamentos ruraux. Ce projet, qui se veut un instrument permanent
d’accompagnement évolutif des assentados par les techniciens de l’ITESP, a
fourni des données sur 70 assentamentos, soit 92% du total en production dans
l’état, pendant la récolte 1996/97.
Quelques informations ont encore été retirées du Rapport Préliminaire, pour
São Paulo, du Projet de Recherche FINEP/UFRRJ/CPDA (nº41.960.844.00) : Os
impactos regionais dos assentamentos rurais : dimensões econômicas, políticas e
1
2
Voir Romeiro ; Guanziroli & Leite (dirs), 1994.
Le salaire minimum brésilien est aujourd’hui de R$ 200,00, ce qui équivaut à environ 90
€ (NdT).
264
Maristela SIMÕES DO CARNO
sociais (Les impacts régionaux des assentamentos ruraux : dimensions
économiques, politiques et sociales, sous la direction de Bergamasco, 2001), et
du recensement des assentamentos ruraux de l’état de São Paulo, recherche de
l’Université pauliste de l’état de São Paulo (UNESP), qui a porté sur 2.132
familles, dont les données ont été recueillies entre 1989 et 1992 (Bergamasco &
Ferrante, 1995).
L’analyse des données de différentes sources, les seules disponibles jusqu’à
présent,1 a permis d’établir que le revenu monétaire moyen annuel pour les
familles brésiliennes dans les assentamentos, en 1996, a été de R$ 3.284,52
correspondants à 30,41 salaires minimum, soit une moyenne de 2,54 salaires
minimum par mois (tableau 1), inférieure, donc, à celle présentée dans le rapport
de la FAO2. Parmi les grandes régions,3 le Sud-est brésilien présente la meilleure
situation monétaire, très probablement parce qu’elle comprend São Paulo, l’état
le plus développé du pays. Dans cet état, la recette brute moyenne mensuelle par
famille, pour la récolte 1996/97, a été de 2,5 salaires minimum (ITESP, 1998).
1
Il convient de souligner que les données sur les assentamentos sont encore rares et
précaires, aussi bien pour l’état de São Paulo que pour le Brésil, principalement pour ce
qui est de l’environnement et de la gestion des ressources naturelles. Pour ce motif, il a
fallu avoir recours à des sources différentes, ce qui peut se traduire par des dissymétries
dans les valeurs présentées en raison des différentes méthodologies utilisées pour recueillir
ces informations.
2
Le 1er recensement, au contraire du Rapport de la FAO, sépare les revenus monétaires
obtenus par la famille de façon isolée ou associative, ce qui peut conduire à une sousestimation de ces valeurs, principalement quand l’assentado ne produit que sous la forme
associative.
3
Les grandes régions brésiliennes sont des divisions définies par la Fundação Instituto
Brasileiro de Geografia e Estatística (FIBGE) qui est responsable pour la plupart des
relevés de données du pays, qu’elles soient de recensement ou d’échantillons. Les grandes
régions, regroupements d’états brésiliens sont les suivantes : région Nord : Rondônia,
Acre, Amazonas, Roraima, Amapá, Pará et Tocantins ; région Nord-est : Maranhão, Piauí,
Ceará, Rio Grande do Norte, Paraíba, Pernambuco, Alagoas, Sergipe, Bahia ; région
Centre-ouest : Mato Grosso, Goiás et Mato Grosso do Sul ; région Sud-est : Minas Gerais,
Espírito Santo, Rio de Janeiro et São Paulo ; région sud : Paraná, Santa Catarina et Rio
Grande do Sul.
Assentamentos ruraux dans l’état de São Paulo et agriculture durable …
265
Tableau 1.- Revenus monétaires annuels moyens par famille, état São Paulo*, grandes
régions et Brésil**, 1996 / 97
Etat/Grande Région
No salaires minimums****
R$
US$***
São Paulo
3.540,00
3.531,17
32,40
Nord
3.895,87
3.886,15
36,07
Nord-est
2.112,77
2.107,50
19,56
Centre-ouest
4.978,61
4.966,19
46,10
Sud-est
5.484,49
5.470,81
50,78
Sul
3.305,18
3.296,94
30,60
Brésil
3.284,52
3.276,34
30,41
Source : Données originales INCRA, 1997 et ITESP, 1998.
*
Recette Brute, correspondant à 2,5 salaires minimum. **Echantillonnages comprenant salaires,
gains divers, retraites, services prêtés et autres revenus. ***Taux de change 1,0025 R$/US$,
moyenne achat/vente du dollar commercial pour l’année 1996. ****Moyenne annuelle du salaire
minimum : reais108,00, en 1996.
Une bonne partie de la production est réservée à la consommation familiale
(maïs 51% ; riz 48% ; haricots 32% ; manioc 33% ; café 7,6% et canne à sucre
37%) (INCRA, 1997). Les superficies moyennes plantées de chaque culture sont
relativement petites, ce qui est caractéristique d’une nécessité de plus grande
diversification d’activités dans les lots productifs, très probablement pour
garantir la subsistance familiale et un revenu le plus stable possible au long de
l’année. La taille moyenne des parcelles indiquée dans le Rapport de la FAO, pour
le Brésil, est de 30,77 ha, ce qui montre les limites productives en termes de
superficie et explique la moyenne basse des superficies de différentes cultures.
D’un manière générale, hormis les différences régionales, les assentados
parviennent à planter, en moyenne, 31 % de la superficie reçue, ce qui peut
également être un reflet des difficultés des agriculteurs pour obtenir des capitaux
leur permettant de cultiver un pourcentage plus élevé de la superficie totale reçue.
266
Maristela SIMÕES DO CARNO
La superficie moyenne des assentamentos paulistes est de 17,95 ha1, et leur
superficie exploitable d’environ 16,70 ha, soit 93,02% du total disponible
(Bergamasco, 2001). Selon cette recherche, l’usage du sol dans les lots peut être
caractérisé comme : 9,46 ha (52,67%) de superficie cultivée, 6,02 ha (33,55%) de
pâturages, 0,22 ha (1,21%) de reboisement et 0,22 ha (1,21%) de réserve légale.
La production et la productivité présentes par les Cadernetas de Campo de
l’ITESP, ont également montré un indice élevé d’occupation de la superficie
exploitable dans les lots des assentamentos paulistes : environ 90%, en 1996/97.
La distribution entre cultures et pâturages, néanmoins, présente des pourcentages
différents par rapport à la recherche précédente : avec 48,46% de pâturages et
41,44% de cultures, ces dernières répondant pour 62,01% de la valeur totale de la
production. En termes de superficie cultivée, les cultures les plus communes sont
le maïs, les haricots, le manioc, la canne à sucre, le coton, le riz, le soja, le café,
les oranges et quelques produits potagers.
Comme le signale le rapport de la FAO, si la productivité des assentamentos
est généralement inférieure à la moyenne nationale (tableau 2), en raison de
l’intensité de l’usage du sol par rapport au capital disponible, elle n’est pas
nécessairement inférieure à celle des communes sur lesquelles ils se situent.
Localement, la production des assentamentos peut être aussi bonne, ou même
supérieure, à celle de la région environnante. C’est le cas de quelques
assentamentos dans l’intérieur de l’état de Rio Grande do Sul, où le maïs, les
haricots, le manioc et le riz ont présenté des productivités plus élevées que celles
du Brésil (Zamberlam, 1994). Ce fait a généralement des impacts significatifs sur
l’économie de la région.
Dans le cas du soja, culture essentiellement commerciale car elle n’a aucune
part dans l’autoconsommation de l’agriculteur et de sa famille, et qui,
significativement, n’est produite que dans les assentamentos de la région Sud, il
est curieux que la productivité obtenue, 3.445 kg/ha, ait été 1,49 fois supérieure à
celle du Brésil, 2.298 kg/ha, et 1,63 fois à celle de l’état de São Paulo, 2.101
1
Cette superficie moyenne, inférieure à celle du Brésil, reflète le fait que l’unité rurale de
l’état de São Paulo est également inférieure à celle du reste du pays.
Assentamentos ruraux dans l’état de São Paulo et agriculture durable …
267
kg/ha. Dans cette région, les données ont montré une production moyenne de soja
de 9.473 kg, pour des superficies moyennes de 2,75 ha, selon le 1er recensement.
Tableau 2.- Rendement moyen de quelques cultures dans les assentamentos brésiliens,
dans l’état de São Paulo et au Brésil, 1996 et 1997.
Cultures
Assentamentos*
São Paulo**
Brésil***
(kg/ha)
(kg/ha)
(kg/ha)
Maïs
1025
3087
2884
Riz
1266
2045
2833
Haricots
325
1019
624
Manioc
2405
22464
-
522
810
-
Canne à sucre
3574
76910
70394
Soja
3445
2101
2298
295
19072
14603
2109
-
Café
Pommes de terre
Arachide
*
120
**
Sources : INCRA, 1997 ; SEADE, 1996 ;
***
FIBGE,
1997.
Le niveau technologique présenté par les assentamentos peut être estimé, en
partie, par l’usage de quelques pratiques agricoles (tableau 3). De fait, l’emploi
de graines améliorées est ce qui fait pencher le fléau de la balance technologique
d’adoption d’autres techniques modernes, et peut être considéré comme le
premier pas vers la modernisation de l’agriculteur. Le pourcentage d’assentados
qui ont recours à ces graines, 38,76% pour le Brésil, semble bas mais il reflète les
disparités régionales qui ont toujours accompagné le développement brésilien.
D’une manière générale l’état de São Paulo et la région Sud répondent pour
la plus grande consommation de graines améliorées et d’autres pratiques
modernes, comme les fertilisants chimiques, les pesticides et l’usage de tracteurs.
Toutes proportions gardées, cette situation se répète dans tout le processus
Maristela SIMÕES DO CARNO
268
d’adoption de technologies agricoles modernes au Brésil. Le degré de
technification des cultures, hors assentamentos, indique également la graine
améliorée comme indicateur du degré d’adoption technologique, même s’il est
différent pour chaque culture (Carmo, 1994)1.
Conservation
du sol
Fertilisation
org./verte
Correction du
sol
Pesticides
Fertilisants
chimiques
Tracteur
Traction
animale
Graines
améliorées
Etat/Grande
Région
Tableau 3 - Niveau technologique de production dans les assentamentos de l’état de São
Paulo, grandes régions et Brésil, 1996
(% d’assentados employant la technologie)
São Paulo
77,10
43,80
75,00
80,20
64,60
53,10
40,60
39,60
Nord
37,73
4,73
9,42
12,66
27,73
4,11
16,14
5,85
Nord-est
37,32
19,75
22,08
21,14
43,40
8,69
25,44
10,02
Centre-ouest
44,01
24,55
34,53
23,65
37,52
10,48
19,06
9,78
Sud-est
49,20
28,51
49,89
54,94
43,91
39,08
47,36
21,61
Sud
76,62
77,72
59,42
85,56
65,34
65,47
58,73
46,91
Brésil
38,76
17,28
20,25
20,85
34,48
11,73
21,47
9,97
Source : INCRA, 1997.
La technologie employée dans la production végétale des assentamentos de
São Paulo, selon l’ITESP, a été calculée par l’indice d’utilisation d’intrants, défini
1
Le niveau technologique le plus élevé peut être mesuré par l’indicateur qui associe
graines améliorées + irrigation + fertilisants + pesticides, et le plus bas seulement par les
propres graines. L’indicateur graines améliorées indique un gain en termes de quantité de
production, issu de meilleures combinaisons techniques. Aux niveaux technologiques peut
être associée une échelle faisant référence aux différentes combinaisons de techniques et
intrants, comme l’usage de graines améliorées ou propres, pour obtenir des indices
technologiques qui expriment les combinaisons de pratiques culturelles pour les
différentes cultures.
Assentamentos ruraux dans l’état de São Paulo et agriculture durable …
269
comme relation entre la somme des cultures utilisant certains intrants et le
nombre total de cultures de chacun des trois groupe, multiplié par 100 (tableau 4)
Tableau 4 - Technologie utilisée dans la production végétale, état de São Paulo, 1996/97
Types d’Intrants
Indice d’utilisation d’intrants (%)
Cultures
Cultures
Potagers
Annuelles
Permanentes
Fertilisation chimique
60,75
68,33
68,57
Fertilisation organique
6,85
41,77
43,38
Graine/pousse certif.
64,90
58,10
64,85
Herbicides
18,31
15,66
4,33
Insecticides
46,42
36,88
61,30
Fongicides
13,99
30,51
53,07
Source : ITESP, 1998
Pour ce qui est de la technologie utilisée dans la production animale,
essentiellement le bétail laitier, une liste a pu être élaborée à partir de quelques
données de production et d’indices techniques fournis par la Caderneta de
Campo de 1996/97 : capacité moyenne des pâturages 1,4 U.A./ha. ; 4,74
litres/vaches en lactation/jour ; 2,24 litres/vache/jour (817 litres/vache/an) ;
95,23% des assentados ont vacciné leur bétail et 85,12% lui ont fait prendre du
vermifuge. Parmi ces résultats, soulignons la capacité d’occupation/occupation
maximum de pâturages qui est 40% plus élevée que la moyenne de l’Etat,
d’environ 1,0 U.A./ha.
La relation peu connue – production/nature des assentamentos ruraux
paulistes
En raison de la norme technologique dominante et de la précarité des
moyens dans le processus productif, on ne décèle presque aucune préoccupation
pour l’environnement et la gestion de la terre dans la politique d’assentamentos
et chez les assentados eux-mêmes. De fait, les choses ne sauraient être
différentes, puisque tout le système productif agropastoral, aussi bien
270
Maristela SIMÕES DO CARNO
technologique que financier, s’appuie sur l’idéalisation de ce que l’on convient
d’appeler la “modernité”. Voilà peut-être pourquoi les recherches citées dans ce
travail n’abordent encore que peu les données relatives aux problèmes
environnementaux.
Quant aux pratiques agropastorales considérées moins agressives contre la
nature, on a trouvé quelques initiatives dans l’usage du sol (correction et
conservation) et l’utilisation de la fertilisation organique/verte (tableau 3).
Néanmoins, il n’y a aucune information plus détaillée sur cette question dans le
1er recensement de l’INCRA, ce qui indique le peu d’importance qui lui a été
réservée. Les pratiques de conservation présentées, peu fréquentes (9,97% pour
le Brésil et 39,60% pour São Paulo), sont plus liées aux améliorations des
systèmes de production actuels et cherchent plus à diminuer les coûts qu’à
diffuser un nouveau paradigme productif visant la durabilité environnementale.
En outre, les spécificités régionales ont également été ignorées lors de l’étude de
ces mêmes indicateurs pour des régions aussi différentes que le Nord et le
Centre-ouest du Brésil, où certains aspects d’extraction auto-durable ne sont
même pas mentionnés comme possibilités d’obtention de revenu et d’exploitation
de la terre.
Selon Dulley & Carvalho, 1994:150, cette absence de préoccupation pour
les problèmes environnementaux, se doit au fait que l’ancienne norme
technologique de production a été transportée vers les assentamentos, sans
prendre en compte «...des systèmes de production auto-durables, diversifiés et
mieux adaptés à des superficies relativement réduites et qui utilisent un
contingent raisonnable de main-d’œuvre familiale».
L’usage de technologies cherchant à minimiser les impacts sur la gestion et
la conservation du sol dans les assentamentos paulistes a été évalué par le
recensement des assentamentos ruraux de l’état de São Paulo, de 1989-1992
(Ferrante & Bergamasco, 1995), qui a présenté les pourcentages suivants
d’application de certaines pratiques, pour la production commerciale et de
subsistance, respectivement : plantation de niveau - 58,3% et 45,0% ; lignes de
niveau – 64,7% et 43,8% ; terrasses – 27,2% et 15,4% ; rotation de cultures
63,2% et 43,8% ; et le non-usage d’agrochimiques dans les deux types de
cultures 14,5%. Heureusement, en 1996/97, selon l’ITESP (1998), la superficie en
Assentamentos ruraux dans l’état de São Paulo et agriculture durable …
271
terrasse dans les lots des assentamentos paulistes était de 32.689 ha, équivalent à
45,86% du total exploitable, pourcentage nettement supérieur à celui de la
recherche précédente.
Le relevé le plus récent pour São Paulo (Bergamasco, 2001, p. 74) présente
également des pourcentages plus encourageants en termes de pratiques agricoles
adoptées dans les assentamentos, principalement en ce qui concerne la gestion du
sol : conservation du sol : 72,3% ; correction du sol : 95,0% ; fertilisation
chimique : 81,5% ; fertilisation organique : 6,7% ; fertilisation verte : 11,8% ; et
irrigation : 10,9%.
Ces résultats, comme nous l’avons déjà dit, ne sont pas trop surprenants,
puisque la politique d’assentamentos suit le modèle conventionnel d’exploitation
agropastorale, qui ignore la participation de l’agriculteur, son histoire, sa culture
et ses possibilités de capitalisation. Technologiquement, les difficultés à trouver
des solutions alternatives qui prennent en considération l’écosystème local et le
mépris total de la durabilité environnementale dont les responsables du
développement font montre ne laissent à l’assentado que la gamme de techniques
proposées par la révolution verte. Néanmoins, concrètement, il existe déjà des
technologies alternatives qui tiennent compte de la diversité et des potentialités
des écosystèmes locaux, et d’autres peuvent être adaptées par la recherche
agronomique pour optimiser l’exploitation des ressources naturelles sans les
dégrader1.
TERRES POUR VIVRE ET PRODUIRE
: VERS LA DURABILITE
La durabilité de l’agriculture familiale à petite échelle, comme dans les
assentamentos, n’a de sens que si elle est analysée au niveau local. L’insertion
d’un nombre relativement élevé d’assentados y provoque des impacts
1
L’Entreprise Brésilienne de Recherche Agropastorale (EMBRAPA), ainsi que les Instituts
de Recherche des états et les universités ont produit quelques résultats de recherche et des
programmes de développement pour un impact moindre sur l’environnement, dont les
Programas Estaduais de Microbacias Hidrográficas (Programmes de Microbassins
Hydrographiques des états).
272
Maristela SIMÕES DO CARNO
considérables, en particulier dans les communes à faible densité urbaine puisque,
comme ils s’intègrent plus fortement à cette réalité, ils contribuent par des effets
multiplicateurs à la consommation et à la génération de revenus locaux.
Dans la mesure où des travailleurs ruraux deviennent propriétaires et donc
producteurs, leurs relations au milieu où ils s’insèrent se transforment et, de nos
jours, au Brésil on peut déjà évaluer les changements dans le commerce et
l’industrie locaux dus à l’implantation d’assentamentos de nombreuses familles
qui demandent et produisent des biens. La perception de l’amélioration de leurs
conditions de vie (habitation, santé, alimentation, éducation, loisir, pouvoir
d’achat, sécurité, information et perspectives futures), est extrêmement positive :
en moyenne, dans l’état de São Paulo, 72,96% se déclarent en meilleure situation
depuis qu’ils sont devenus des assentados (Bergamasco, 2001).
Les conséquences des assentamentos de travailleurs ruraux se sentent autant
dans leur zone d’exploitation, dans l’organisation du travail et de la production,
et donc dans l’espace physique, que dans les milieux qui les entourent.
L’évaluation des impacts causés aux alentours de ces noyaux peut également être
négative quand aucun soin n’est pris contre la dégradation interne du milieu
naturel exploité par les assentados. Il n’existe pratiquement aucune étude sur les
assentamentos ruraux qui prenne en considération les aspects environnementaux
de leur implantation et les conditions de leur durabilité, mais il faut espérer qu’ils
fassent de plus en plus partie de la préoccupation également récente pour la
durabilité des systèmes productifs.
D’un autre côté, avec la mondialisation, pour paradoxal que cela puisse
paraître, les possibilités alternatives de production augmentent. Du fait de sa
valorisation, le local qui, dans le passé, n’avait qu’un petit rayon d’action, gagne
déjà de l’espace et place rapidement ses produits sur des marchés mondialisés.
C’est le cas, par exemple, d’articles hautement différenciés produits dans des
régions spécifiques, comme les champignons, les escargots, le caviar, les
fromages fins et les boissons fines, en raison soit de leur standard de qualité
élevé, soit de leur valeur économique ajoutée. Ou d’autres encore, obtenus grâce
à certaines technologies, comme les produits d’origine organique, les aliments et
matières premières, les plantes médicinales ou herbes aromatiques, destinés à un
marché spécifique.
Assentamentos ruraux dans l’état de São Paulo et agriculture durable …
273
Au Brésil aussi, la restructuration du système agro-alimentaire présuppose
que la question de la production agropastorale passe par un approfondissement
plus ou moins intense de l’évolution des normes de demande (Carmo, 1994). Les
agriculteurs familiaux, et parmi eux les assentados, en raison de leur plus grande
disponibilité relative de main-d’œuvre, s’adaptent facilement à l’obtention de
produits différenciés qui se distinguent des commodities par l’incorporation
d’une plus grande quantité de travail. Ce sont ces tendances, qui émergent dans la
norme de consommation diversifiée et mondiale, qui ouvrent des espaces pour la
production différenciée, assez adaptée à une production familiale de par ses
caractéristiques d’échelle et de logique de production.
Ainsi, les innovations en matière de “produits” de l’agriculture du futur
devront également s’appuyer sur des segments de marché comme les aliments de
qualité (avec un goût et d’autres qualités organoleptiques) ; les produits
organiques/biologiques ; les produits de micro-marchés (niches), comme les
truffes, les laines naturelles, les plantes médicinales, les produits de terroir ; la
“production” de services liés ou non aux activités urbaines, dont le tourisme et
les loisir, avec offre de logement, d’alimentation et de produits régionaux
typiques (fromages, conserves, desserts, etc.) ; les artisanats régionaux ; la
prestation de services publics à la communauté locale (gardiens de parcs, guides
touristiques, conservation des routes, etc.) ; et les services généraux
(mécaniciens, électriciens, etc.).
Ces produits présentent une différence de qualité par rapport aux produits
conventionnels, différentiel qui favorise la production familiale à petite échelle et
augmente la valeur de vente, très souvent sans élever les coûts de production.
La culture de fruits dans la vallée de la rivière São Francisco, dans le
Nordeste brésilien, a bien démontré l’importance de ce fait. Les projets
d’irrigation implantés, outre les grandes entreprises, ont également bénéficié 600
petits producteurs ruraux qui plantent sur 4.300 ha, une petite enclave au milieux
de 4.000 propriétés irriguées qui occupent 55.000 ha. Cette production, grâce aux
conditions de climat et de sol idéales pour les fruits, si irriguée, atteint des
marchés internationaux à des époques privilégiées de commercialisation, et
prouve la valorisation des spécificités du Nordeste brésilien dans la
mondialisation des marchés de fruits tropicaux (Figueiró & Michiles, 1998, p. 3).
274
Maristela SIMÕES DO CARNO
Hormis ces grands projets, d’autres expériences prennent également place avec
de petites initiatives dans la production de champignons shiitake, dans des
propriétés familiales du Paraná, qui ont rapporté, pour des superficies moyennes
de 300 m2, des recettes nettes d’environ R$ 2.500,00 par mois (Maschio, 1998, p.
5-8).
D’autres situations de production pour des niches commerciales, comme les
produits d’origine organique, représentent également un potentiel élevé pour les
agriculteurs familiaux assentados, puisque ces produits ont une efficacité
économique élevée, grâce non seulement à leur prix de marché bien supérieur à
celui des produits conventionnels, mais encore à leur fort potentiel d’exportation
(Harkaly, 1996).
Il est également encourageant d’enregistrer des initiatives qui ne sont pas
directement liées à la production agricole, mais qui d’une certaine manière
augmentent les revenus des assentados et leur permettent non seulement de vivre
et de se reproduire dans cet espace, mais encore d’obtenir un potentiel plus élevé
de capitalisation pour l’agriculture. C’est le cas de travailleurs ruraux assentados
qui ont cherché des alternatives pour augmenter leur revenu, comme
l’exploitation du tourisme rural sous forme d’agrotourisme. A Porto Alegre, dans
l’état de Rio Grande do Sul, il existe une agence spécialisée en tourisme dans les
assentamentos, nouvelle modalité qui suit la tendance d’autres endroits du
monde, mais également de la favela Rocinha, à Rio de Janeiro. La proposition est
connue comme “MSTur”, et permet l’accès de touristes uniquement par
l’intermédiaire d’agences accréditées par le Mouvement des Travailleurs sans
Terre (MST), sous forme de tourisme solidaire, engagé, qui accueille également
les touristes étrangers (revue Veja, 2001).
De nouveaux marchés sont donc disponibles pour la production
agropastorale et d’autres produits des assentamentos qui, pour l’instant,
s’insèrent de façon marginale et sans assistance, dans les franges du système. Si
les technologies chères excluent les agriculteurs familiaux, les limites de leur
logique englobent des espaces que ceux-ci peuvent occuper s’ils s’appuient sur
les directives de durabilité de la production agricole. Des brèches importantes se
dévoilent à qui parvient à identifier des opportunités et à atteindre des niveaux
compétitifs de productivité ; les niches commerciales sont des espaces concrets
Assentamentos ruraux dans l’état de São Paulo et agriculture durable …
275
d’insertion dans l’économie mondialisée qui peuvent être occupées par la
production des assentamentos sur des bases durables et moins agressives,
technologiquement, contre l’environnement.
N’oublions pas, cependant, que l’adjectif durable, quand il s’applique au
développement et à l’agriculture ne se restreint pas aux altérations de la base
technique agronomique de production, mais implique également la nécessité de
politiques qui permettent un véritable accès démocratique aux moyens de
production et la déconcentration des revenus.
Actuellement, même sans techniques appropriées à leurs conditions, les
assentamentos se sont montrés productifs, bien qu’avec des rendements
moindres, et capables d’absorber la technologie. Leur insertion économique a
généralement un impact positif sur le milieu environnant.
En outre, la faible concentration de terre parmi les assentados, naturellement
inférieure à celle existant au-dehors, en raison des limites stipulées par le pouvoir
public, crée également de plus grande possibilités d’atteindre à une durabilité
sociale de ces groupes.
Dans ce contexte, les assentados sont des groupes de producteurs ruraux
dans un espace en construction, dans des expériences productives de la terre.
Grâce au travail familial, ils peuvent s’insérer dans des processus de production
alternatifs qui ne causent pas d’impacts négatifs sur les éléments physiques qui
entrent dans le processus productif. Parallèlement, ils construisent leurs foyers
sur des terres où ils vivent et font l’expérience de la citoyenneté, une situation
nouvelle dans leur histoire de vie.
La perspective sociale, vue non pas en opposition à la perspective
économique en raison des coûts qu’elle présuppose, mais bien plutôt comme
l’essence même du développement, sens où elle englobe aussi bien l’économique
que l’environnemental, ne saurait être dissociée de ce qui est désigné, dans ce
travail, comme durable. Le social ne peut plus être vu comme un phénomène à
court terme, externe au processus productif, et donc au développement.
L’environnement, que ce soit dans les assentamentos ou non, et l’agriculture
durable ne se complètent que dans la contextualisation du social qui, pour sa part,
276
Maristela SIMÕES DO CARNO
n’a de sens que s’il diminue les inégalités économiques. Or, dans l’agriculture,
celles-ci ne disparaissent pas sans une distribution de terre associée aux besoins
locaux pour l’usage des ressources et aux possibilités globales d’insertion de la
production.
C’est une conscience sociale plus active et critique qui permettra de
construire, sur les bases de la petite production familiale et des assentados, une
agriculture reproductible, diversifiée, basée sur des technologiques adaptées aux
différents agroécosystèmes, avec une garantie de fertilité du sol. C’est dans la
confrontation avec les politiques et les attitudes gouvernementales et avec les
forces capitalistes de production que les petits producteurs et travailleurs les plus
expropriés parviendront, avec la société civile, à construire de nouvelles normes
d’organisation sociale et technique de la production agricole. La réforme agraire
et la gestation de nouvelles formes de structures productives, en tant que projet
social alternatif en rupture avec le modèle dominant de modernisation agricole,
en font sûrement partie.
«Penser globalement, agir localement», cette maxime des années 80, peut
être présente à deux niveaux dans les assentamentos paulistes : par ses impacts
sur l’économie locale et par la mise à profit de leurs spécificités avec un œil sur
la mondialisation des marchés. La recherche de la durabilité économique aura
plus de succès si elle tend vers la durabilité environnementale et privilégie les
marchés mondialisés qui valorisent le local ; et ces chances de marché surgissent
comme des possibilités concrètes pour de nouvelles insertions des travailleurs
ruraux “avec terre”. Cela pourrait mener à la première expérience de durabilité et
de réforme foncière du pays, dans laquelle la distribution de la terre existe de fait
et conduit à une réforme agraire durable dans l’espace et dans le temps.
(Traduit du brésilien par Alain FRANÇOIS)
Assentamentos ruraux dans l’état de São Paulo et agriculture durable …
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