Quelques remarques générales sur l`utilisation du jeu en classe

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Quelques remarques générales sur l`utilisation du jeu en classe
MSHIS11 Didactique de l'histoire au secondaire I
Quelques remarques générales sur l’utilisation du jeu en classe
Les caractéristiques principales qu’un jeu didactique devrait avoir pour une
utilisation efficace dans l’enseignement sont les suivantes :
- Le jeu doit être bref (environ 2 heures scolaires) car il ne doit pas être
interrompu, la phase de débriefing devant également être brève et
faisant suite au jeu.
- Le jeu doit être suivi d’une phase de débriefing qui est capitale
puisque c’est alors que les fruits de la démarche seront recueillis.
- Le jeu doit être simple pour que ses règles soient comprises
rapidement ; une trop longue mise en route entraîne l’ennui et
décourage les élèves. En histoire, le jeu doit pouvoir fonctionner avec
la culture historique des élèves.
- Si le jeu est simple, il doit pourtant aller à l’essentiel : le concepteur
du jeu doit ainsi maîtriser parfaitement la matière sur laquelle porte le
jeu.
- Le jeu doit comporter une part de hasard (tout comme le hasard est
présent dans l’histoire) afin de ne pas oublier les côtés ludiques et
dramatiques du jeu.
- Le jeu doit pouvoir s’intégrer facilement dans le programme ; il
doit être lié au sujet traité dans la séquence d’enseignement en cours,
car il permet justement une plus grande motivation pour l’apprentissage
qui suivra.
- Le jeu ne devrait pas être une séquence didactique totalement
exceptionnelle, mais il ne doit pas non plus être répété trop souvent
durant l’année scolaire.
Le jeu est un langage qui permet d’aborder une question historique. Ce
langage est puissant, mais il ne permet pas de reproduire intégralement
l’histoire : l’isomorphisme absolu est impossible. Le jeu n’est qu’un modèle,
une réduction de la réalité.
Ainsi, l’enseignant qui désire utiliser le jeu en classe doit penser en
didacticien, et non en scientifique : il s’agit d’atteindre des objectifs
d’apprentissage à travers le jeu, et non de rejouer fidèlement la vérité
historique.
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G. Roduit
Printemps 2011
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Le jeu de rôles dans l’enseignement de l’histoire
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Définition et but du jeu de rôles
Le jeu de rôles est la « mise en scène », en classe, d'une situation particulière – définie et
proposée par l’enseignant – impliquant des personnages ayant un rôle donné. Le jeu de
rôles impose aux élèves une autre « identité », leur offrant la possibilité de percevoir ce
que les autres peuvent ressentir, comment ils peuvent penser ou agir.
Le but général des jeux de rôles est la clarification des points de vue et le développement
de l'appréciation et de la compréhension de différentes perceptions, attitudes et valeurs. Il
s’agit donc de :
- concrétiser et visibiliser par une situation vécue des difficultés, des questions, des
méthodes de résolution,
- prendre conscience de son propre rôle dans la problématique et de sa façon
personnelle d’affronter la situation,
- prendre conscience de l’importance des interactions avec les autres.
N’oublions pas que les simulations par jeu de rôles ne sont que des modèles simplifiés de
la réalité : le temps est comprimé et non réel, le nombre de personnages est limité, et les
participants bénéficient d’une vision rétrospective. Elles tendent donc à réduire la
complexité du monde pour n’extraire que les éléments essentiels aux objectifs de
l’apprentissage.
•
Avantages du jeu de rôles
Pour autant que le jeu de rôles soit réaliste, correctement conçu et bien structuré, qu’il
repose sur des données factuelles exactes et que son ambition, ses objectifs et les tâches
demandées correspondent à l’âge et aux aptitudes du public visé, le jeu de rôles permet
aux élèves en général :
- de participer activement et de coopérer avec d’autres élèves,
- de faire preuve de tolérance envers les idées d’autrui et les autres points de vue,
- de développer et de mettre en œuvre des compétences en matière de
communication,
- d’exploiter des connaissances déjà acquises,
- de pratiquer l’empathie et le raisonnement critique,
- d’apprendre de manière motivante et quelque peu ludique.
En particulier pour l’enseignement de l’histoire, le jeu de rôles permet principalement :
-
d’étudier de manière approfondie la situation historique reconstruite, notamment en
utilisant une documentation riche et variée que les élèves devront s’approprier,
de pratiquer l’empathie envers des personnes qui ont vécu en d’autres temps et en
d’autres lieux
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de mettre en évidence, par la créativité des élèves, le caractère non déterminé et
aléatoire de l’histoire, nuançant ainsi l’histoire linaire et causale des manuels (en
s’attachant à l’étude des processus historiques particuliers plutôt qu’à leurs
conséquences, l’avant n’expliquant pas toujours l’après !),
de familiariser les élèves avec le travail de l’interprétation des faits historiques et de
leur faire constater la multiplicité des interprétations possibles.
Inconvénients du jeu de rôles
Le temps de préparation est relativement long !
L’animation d’un jeu de rôles et sa mise en œuvre dans le cadre institutionnel de l’école
peuvent poser problème : connaissance de la dynamique des groupes, problème de temps
et de salle, regards des collègues…
De plus, un jeu de rôles mal organisé peut avoir des effets néfastes :
- le jeu peut déboucher sur la pagaille, la prédominance des élèves à forte
personnalité, la désorganisation du groupe de classe, la perte de confiance dans le
professeur,…
- la compétition peut déformer tout le jeu en induisant des comportements non
voulus (conflits entre élèves, tricherie,…),
- le schématisme et la simplification du jeu peut fausser la vision de la réalité,
- une implication excessive peut empêcher la prise de distance nécessaire pour
acquérir l’apprentissage désiré.
Dans l’enseignement de l’histoire, le danger le plus fort semble être celui de
l’anachronisme. Plus les élèves ont une marge d’improvisation conséquente, plus le risque
est grand qu’ils modernisent le passé, prêtant aux gens d’hier les réactions de ceux
d’aujourd’hui ou du moins de ceux qui connaissent la suite de l’histoire…
Les élèves apprécient les jeux de rôles et s’y investissent en général avec enthousiasme. Ils
constituent donc un outil d’enseignement et d’apprentissage performant, mais ils doivent
présenter un bon rapport coût/efficacité : il faut que le résultat justifie le temps et
l’ensemble des ressources consacrées à leur élaboration et à leur organisation !
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Quelques thèmes pouvant être exploités par le jeu de rôles
Certains thèmes, certaines problématiques se prêtent mieux que d’autres à la stratégie
didactique du jeu de rôles en classe d’histoire. On peut citer notamment :
-
les situations de crises historiques (exemples : la chute de Rome, querelle des
Investitures, la Papauté d’Avignon, la Révolution française, la crise de Cuba, le
conflit israélo-palestinien)
les divers processus de prises de décision (exemples : le Traité de Verdun, le
Congrès de Vienne, le Traité de Versailles, la Conférence de Yalta)
les procès historiques (exemples : le procès de Socrate, Jeanne d’Arc sur le bûcher,
Louis XVI guillotiné, l’Affaire Dreyfus, les Nazis à Nuremberg)
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les bouleversements économiques, sociaux et culturels ayant suscité des
controverses (exemples : le passage du nomadisme à la vie sédentaire, le « Eppur si
muove » de Galilée, la fin des corporations de l’Ancien Régime, Darwin et la
question de l’évolutionnisme)
la salle de presse où un événement doit être interprété et présenté selon différents
points de vue, en utilisant les sources de l’époque (exemples : la guerre
d’indépendance américaine selon les Indépendantistes/Loyalistes/Indiens/Anglais,
le premier pas sur la lune selon un journal américain/soviétique/européen/africain)
les questions touchant à un débat de société actuel où l’on peut simuler un réel
débat télévisé, ce débat pouvant être mis en parallèle avec des situations historiques
(exemples : l’opportunité du rapport Bergier et le rôle des historiens dans l’histoire,
le voile islamique à l’école et la question de la laïcité, la peine de mort et le
tyrannicide)
La mise en place d’un jeu de rôles
1) La préparation
Il est préférable d’élaborer un jeu de rôles qui se base sur un cas authentique et qui
puisse déboucher sur un dénouement précis, si possible avec une solution déjà
validée dans la réalité.
Durant la phase de préparation, l’enseignant devrait :
• choisir le moment opportun pour intégrer le jeu de rôles dans la séquence
d’enseignement ;
• définir et communiquer clairement les objectifs d’apprentissage;
• s’assurer que chacun des participants sera actif;
• communiquer clairement les directives reliées au jeu pour que chacun
comprenne son rôles (même celui de l’enseignant qui peut rester neutre ou
devenir une personne ressource ; ne pas oublier de nommer des observateurs qui
feront le compte-rendu du jeu de rôles);
• distribuer les informations nécessaires (suffisamment pour que les élèves
puissent construire leur raisonnement et leur argumentation, étayer une prise de
décision, poursuivre des négociations, répondre aux objections et soutenir un
débat) – les élèves pourraient également contribuer à la recherche préalable de
ces informations.
2) Le déroulement
Il s’agit tout d’abord de laisser du temps aux élèves pour préparer leurs rôles en
intégrant les informations données par l’enseignant (pour les acteurs, comme pour
les observateurs désignés).
On peut commencer par une éventuelle phase d’échauffement : activité facile pour
décompresser et préparer les élèves aux efforts plus intenses exigés lors du jeu de
rôles proprement dit (par exemple, une présentation des acteurs par eux-mêmes).
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Pendant le déroulement du jeu de rôles :
• les acteurs doivent garder une certaine marge de manœuvre;
• le formateur devrait s’abstenir de toute intervention autoritaire (à moins que le
jeu dérape et doit être arrêté);
• le formateur doit gérer le temps.
3) L’exploitation (débriefing)
Quel que soit le moment de la séquence où intervient le jeu de rôles, un travail de
suivi est indispensable ! Il est profitable que cette phase survienne au plus vite
après le jeu de rôles.
Pendant la phase de débriefing :
• Les acteurs principaux, puis les observateurs, doivent avoir la possibilité de
s’exprimer et d’évaluer le jeu de rôles.
• Les moments clés du jeu doivent être rappelés.
• Le formateur apporte son évaluation du jeu de rôles et indique les éléments à
retenir, notamment en comparant les solutions jouées avec les faits réels.
• Le formateur doit, en guise de bilan, faire le lien avec les objectifs
d’apprentissage poursuivis.
Petite orientation bibliographique :
ANCELIN-SCHÜTZENBERGER A., Le jeu de rôles, Paris, ESF, 1990.
CHAMBERLAND G. et PROVOST G., Jeu, Simulation et jeu de rôles, Sainte-Foy, Les
Presses de L’Université du Québec, 1996.
MUCCHIELLI A., Les jeux de rôles, Paris, PUF (collection « Que sais-je ? », n° 2098),
1995.
PROUST F. et POSSE P., Précis de jeux de rôles, Paris, Les Éditions d’Organisation, 1991.
STRADLING R., Enseigner l’histoire de l’Europe du 20ème siècle (chap. 9 : le recours aux
simulations et jeux de rôles), Strasbourg, Editions du Conseil de l’Europe, 2001.
Le site Internet Ludus est particulièrement riche en ce qui concerne la thématique du jeu en
classe d’histoire : http://www.discip.ac-caen.fr/histgeo/ludus/ (consulté le 30.05.2011).
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