Rupture conventionnelle du contrat de travail

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Rupture conventionnelle du contrat de travail
Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
RENCONTRE DU 16 FEVRIER 2010
La RUPTURE CONVENTIONNELLE du CONTRAT de TRAVAIL
Jean-Michel OLIVIER, Président de l’AFERP
La rupture conventionnelle qu'est-ce que c'est ?, s’interroge la rédaction et sans doute
Véronique Riboire dans la revue trimestrielle infos juridiques, n° 66 de juillet 2009, que je ne
cite pas par hasard aujourd'hui, parce que je vais dire un mot sur Antoine Laval qui vient de
nous quitter. Antoine Laval était Secrétaire Général de la Fédération F.O. de la Métallurgie,
avant son ami Bernard Mourgues qui lui a succédé dans ces fonctions. Antoine Laval était
souvent présent dans nos manifestations, où d'autres l'ont évidemment beaucoup mieux connu
que moi, mais j'ai gardé le souvenir d'un homme qui, avec toujours un petit sourire intelligent,
respirait l'honnêteté, l'intégrité.
Si vous le voulez bien, gardons quelques secondes de silence à la mémoire d'Antoine Laval.
Je reviens brièvement à la rupture conventionnelle.
L’article 12 de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du
marché du travail privilégie les solutions négociées à l'occasion de la rupture du contrat de
travail. L’article 12A du même accord s’intitule : la rupture conventionnelle.
Pour la rupture conventionnelle, le texte entend sécuriser les conditions dont peuvent convenir
en commun l'employeur et le salarié, de la rupture du contrat de travail qui les lie, par un
mode de rupture exclusif de la démission et du licenciement et cette volonté des partenaires
sociaux a été entérinée par le législateur dans la loi du 25 juin 2008 en son article 5 qui figure
aujourd'hui aux articles 1237-11 et suivants du code du travail.
La rupture amiable, finalement, ce n'est pas en soi nouveau, que l’on parle de résiliation
amiable ou de démission négociée, rupture négociée, départ volontaire, même si un de mes
collègues avait prédit sa mort, à un moment, après deux arrêts de 1999. Mais la Cour de
Cassation, en 2002, a bien rappelé qu'il y avait, à côté de la démission et du licenciement, une
rupture amiable possible.
La rupture conventionnelle a connu un engouement assez extraordinaire : 15.000 ruptures
conventionnelles homologuées du mois d'août 2008 au mois de mai 2009 et sans doute le
double depuis. J'avais des chiffres que je n'ai pas retrouvés, mais que l’on peut trouver dans
les documents de la DARES.
Pourquoi, comment, quels sont les risques, les fraudes possibles, les dangers et les avantages
de ce mode de rupture, nos intervenants vous le diront.
Je les remercie les uns et les autres et laisse la parole tout de suite à M. Jean-François
Bourdais qui est Chef du Bureau des relations individuelles du travail à la Direction Générale
du Travail au Ministère.
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Jean-François BOURDAIS, Chef de Bureau des Relations Individuelles du Travail de la
Direction Générale du Travail au Ministère du Travail et des Relations Sociales
Merci Monsieur le Président. Je vais faire une intervention en trois points : l'origine un petit
peu politique du dispositif, une description institutionnelle de ce dispositif et un rapide bilan
après un peu plus d'un an de fonctionnement du dispositif.
1.
L’origine du dispositif.
La rupture conventionnelle procède d'abord d'une volonté des partenaires sociaux. C'est
l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 (ANI) qui a introduit officiellement ce
mode de rupture. L'objectif était à la fois d'assouplir le droit de la rupture et en même temps
de le sécuriser et de faciliter l’accès des salariés à l'assurance chômage.
Cet accord national interprofessionnel a été signé à l'époque par la CFDT, F.O., la CFTC et la
CFE-CGC. Cet accord se voulait être ensemble équilibré de dispositions relatives à la
sécurisation, d’une part, et à l'assouplissement du droit du travail, d’autre part. La rupture
conventionnelle doit se comprendre à l'intérieur de cet ensemble.
L'Accord National Interprofessionnel (ANI), par exemple, qui a introduit le contrat de projet,
a également prévu l'augmentation des indemnités de licenciement, la portabilité de certains
droits relatifs aux mutuelles et à la prévoyance pendant la période de chômage et a proposé
qu'un encadrement du portage salarial soit organisé par la branche de l'intérim.
Cet accord a été ensuite simplement transposé par le législateur par la loi de modernisation du
marché du travail de juin 2008 ; on a dit, à cette époque, qu’il s’agissait d’une introduction
modeste, embryonnaire, de la fléxicurité à la française dans laquelle il devrait s’inscrire. Pour
mémoire, la « fléxicurité » au sens strict, avec laquelle on n’est pas forcément d’accord, c'est
un terme d'origine anglo-saxonne qui fait référence au système nordique (danois et
scandinave) avec trois grandes composantes :
- la souplesse dans les règles du licenciement,
- la sécurisation des parcours professionnels avec notamment une forte indemnisation
du chômage,
- et des politiques actives de marché du travail pour fluidifier les périodes de transition
entre deux emplois et inciter les chômeurs à retrouver un emploi, en tout cas à ne pas
perdre contact avec le monde professionnel, avec des stages, des formations, des
accompagnements individualisés, etc.
La notion de "flexicurité" trouve son origine en 1995 dans une note du ministre néerlandais du
travail intitulée "Flexibility and Security", puis, dans une publication du ministère du travail
danois, qui décrit le fameux « triangle d’or », en 1999 et donne lieu à des lois éponymes dans
les autres pays.
Elle est introduite comme concept dans la stratégie de Lisbonne, par la ligne directrice n° 21
qui s'intitule ainsi : « favoriser la flexibilité en la conciliant avec la sécurité de l'emploi et
réduire la segmentation du marché du travail entre les salariés précaires et les salariés en
contrat de travail à durée indéterminée (CDI) ».
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Ce concept se retrouve ensuite dans le livre vert de la Commission Européenne de novembre
2006, qui s'intitule « moderniser le droit du travail pour relever les défis du 21ème siècle » et
il fait l'objet d'une résolution du Conseil Européen en décembre 2007.
Enfin, en décembre 2008, une mission européenne, co-présidée par MM. Larcher et Spidla, a
également produit des analyses et recommandations, à partir de ce qui se fait en France, en
Suède, en Finlande, en Pologne et en Espagne, sur ce thème. Voilà, pour l'origine européenne
de la fléxisécurité. Ce concept est devenu un concept majeur des débats politiques en France
au cours des années 2000. On l'a vu apparaître dans de nombreuses publications en 2004-2006
qui proposaient plusieurs réformes directement inspirées du modèle danois.
Un des aspects du concept de fléxicurité, la sécurisation des parcours professionnels, est ellemême devenue un thème de la campagne présidentielle qui est inscrit à la fois dans le
programme du parti socialiste et dans celui de Nicolas Sarkozy.
La sécurisation des parcours professionnels a néanmoins été inscrite en 2007 au programme
présidentiel du parti socialiste, alors que la sécurité sociale professionnelle, thème de la CGT,
était donc repris dans le programme de l'UMP. La sécurisation du parcours est vraiment un
concept qui a fait l'unanimité au sein de la classe politique française, même si, naturellement,
ce qui était mis dedans n'était pas forcément tout à fait homogène.
L'ANI se comprend dans ce contexte. Les négociations de 2007 ont abouti à cet accord
équilibré, avec à la fois des éléments d'assouplissement du droit du travail et des éléments de
sécurisation.
L'objectif était de dédramatiser la rupture du contrat ; même si une forme de rupture amiable,
inspirée du droit civil, existait déjà de manière jurisprudentielle. Dans le code du travail il n'y
avait que le licenciement et la démission. Cependant, si la Cour de Cassation avait élaboré
toute une jurisprudence sur la rupture amiable, notamment pour motif économique, qui sert
aujourd'hui pour les plans de départ volontaire, il faut souligner que la procédure de rupture
conventionnelle n’est pas applicable aujourd’hui aux ruptures résultant des accords collectifs
de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et des plans de sauvegarde
de l’emploi (PSE).
S’il y avait toute une doctrine, toute une construction jurisprudentielle, autour de la rupture
amiable du contrat de travail, encore fallait-il la sécuriser, l'encadrer, l'inscrire dans le code du
travail et surtout sécuriser l'accès pour les salariés à l’assurance chômage. Cela a été fait
véritablement par l'ANI et par la loi de modernisation du marché du travail.
2.
Description du dispositif adopté
Sur le dispositif de la rupture conventionnelle, il y a trois grandes conditions à remplir :
- que le consentement des parties soit libre, qu’il s’agisse du principe de la rupture ou de
ses conditions ;
- que les parties respectent les règles de fond et de forme fixées par la loi (assistance des
parties, délais, indemnité spécifique de rupture…) ;
- que la convention de rupture, ainsi formée entre les parties, soit homologuée par le
DDTEFP, et ce au moyen obligatoire d’utilisation du formulaire officiel adéquat
(salarié protégé ou autre salarié).
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Sur ce dernier point, le Ministère du Travail s'est félicité, à l'époque de l'ANI et de la loi, que
les partenaires sociaux se soient finalement tournés vers l'Etat, à travers ses Directions
Départementales du Travail, pour garantir un regard impartial sur le dispositif qui vérifie
l’existence d’un consentement éclairé et le respect de certaines procédures par les parties.
Il y a au moins un entretien préalable. Le salarié n’a pas forcément l'obligation d'être assisté,
mais s’il souhaite l’être, alors l'employeur peut l’être aussi. Le salarié lui-même est libre
d’être assisté d’un élu membre du Comité d’Entreprise, d’un délégué du personnel, d’un
délégué syndical ou de tout autre salarié de l’entreprise.
Il y a un délai de rétractation de quinze jours calendaires à respecter et c’est à la fin de ce
délai que la demande d'homologation peut être envoyée à la Direction Départementale du
Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle du lieu de l'établissement.
La notion de jours calendaires implique que chaque jour de la semaine est comptabilisé ; le
délai démarre au lendemain de la date de signature de la convention de rupture, et se termine
au quinzième jour à 24 heures.
Par application de l'article R 1231-1 du Code du travail, si ce délai expire un samedi, un
dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. Le
lendemain de la fin de ce délai de rétractation, la demande d’homologation peut être adressée
au DDTEFP par l’une ou l’autre des parties.
La DDTEFP a quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour cette
homologation, donc, on compte tous les jours de la semaine sauf, d’une part, celui consacré
au repos hebdomadaire (dimanche), et, d’autre part, les jours reconnus fériés par la loi. Ce
délai commence à courir le lendemain du jour ouvrable de réception de la demande
d’homologation, il expire au dernier jour ouvrable d’instruction, à 24 heures. Au-delà,
l’homologation est réputée acquise.
Il y a une procédure particulière pour les salariés protégés, pour lesquels l'Inspecteur du
Travail reste compétent, de manière dérogatoire, pour accorder une autorisation de rupture qui
vaut homologation.
La proportion de demandes irrecevables reste stable à 3-4%. La proportion de demandes
instruites au cours du mois ayant conduit à un refus d’homologation est de 10-12%. Les refus
sont souvent motivés par un non-respect du montant minimal de l’indemnité spécifique de
rupture conventionnelle, qui doit être au moins égale à l'indemnité légale de licenciement,
elle-même fonction de l'ancienneté du salarié.
Il est vrai que le juge ne s'est pas encore prononcé d'une manière définitive sur ce point, mais
on estime que l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle est due, même en cas
d’ancienneté inférieure à un an, et que dans ce cas il convient de proratiser le montant de
l’indemnité en fonction du temps de présence dans l'entreprise; voilà c'est là qu’est 1a
première difficulté.
La seconde, vient d’un avenant à l'accord national interprofessionnel, l'avenant n° 4 qui a été
signé en mai 2009, par les représentants des trois organisations patronales (MEDEF, CGPME,
UPA) et deux organisations syndicales (CFDT et CFE-CGC) qui a été étendu, par un arrêté
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du 26 novembre 2009. Il stipule que le montant de l’indemnité spécifique de rupture
conventionnelle ne doit pas être inférieure au montant de l’indemnité conventionnelle de
licenciement lorsque cette dernière est supérieure à l’indemnité légale de licenciement.
Là aussi, c'est une source de difficultés parce que certaines conventions collectives ont
toujours deux types d’indemnités conventionnelles de licenciement, l’une pour motif
personnel, l’autre pour motif économique correspondant à la situation avant l'ANI, avant la loi
de modernisation du marché du travail et avant surtout le décret du 18 juillet 2008, qui a
transposé dans le code du travail l'alignement des deux indemnités légales de licenciement.
On a toujours des conventions collectives qui font référence aux deux, avec souvent une
indemnité de licenciement supérieure au licenciement pour motif économique et donc, la
circulaire DGT n° 2009-25 du 08 décembre 2009 relative au régime indemnitaire de la rupture
conventionnelle d’un contrat à durée indéterminée explique qu’il convient de rechercher si
l’indemnité de rupture conventionnelle est bien au moins égale :
- soit à l’indemnité légale dans l’hypothèse où au moins une indemnité conventionnelle
serait inférieure à l’indemnité légale,
- soit à l’indemnité conventionnelle la plus faible dans l’hypothèse où les indemnités
conventionnelles seraient toutes supérieures à l’indemnité légale.
C'est un peu la difficulté de l'application du dispositif.
3.
Le bilan du dispositif
Donc, après un an et trois mois d’application de ce dispositif, on arrive à 294 000 demandes,
dont
240 000 ont été homologuées, soit 82% des demandes reçues et le nombre de dépôts de
demandes continue d'augmenter, de manière continue, tous les mois.
On pensait avoir atteint un plafond avant l'été, autour de 14 à 15 000, en fait, l'augmentation a
continué à reprendre en septembre, octobre, novembre : 6 400 demandes en octobre et 19 800
en novembre, avec une moyenne qui dépasse les 15 000 par mois sur les 11 premiers mois de
l'année.
Le dispositif continue à être utilisé de plus en plus. Ce que l'on ne sait pas, c'est s'il est utilisé
de façon massive à cause de la crise ou s'il l'est en substitution d'autres modes de rupture. Il y
a sans doute un peu des deux.
Le taux de refus est de 11%. Il y a surtout des difficultés à la bonne référence pour le bon
calcul de cette indemnité et puis des questions de forme, beaucoup de difficultés, à certains
endroits, pour remplir l'imprimé de manière adéquate. On est aussi face à un risque, ces
derniers temps, de contournement des plans sociaux, par le mécanisme de la rupture
conventionnelle.
Une instruction est en cours d’élaboration dans nos services pour préciser à nouveau ce qui
avait déjà été dit par des circulaires du ministère, quant à la démarche à suivre en cas de
soupçon de contournement des procédures de licenciement collectif pour motif économique.
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Ainsi, dès lors que le recours à la rupture conventionnelle concerne un nombre important de
salariés et que des difficultés économiques en sont l’origine, l’autorité administrative pourra
refuser l’homologation, afin d’éviter tout contournement des garanties attachées aux plans de
sauvegarde de l’emploi.
On peut rappeler à la fois aux services et aux employeurs qu’il y a là un feu rouge et que
surtout nos services doivent être vigilants sur les ruptures conventionnelles qui sont déposées
par les entreprises et qu’il convient de leur rappeler qu'ils doivent pouvoir prendre l’attache
d'autres directions départementales pour faire la synthèse d'un dossier, ce qu'ils font déjà mais
de manière informelle.
La synthèse d'un dossier d'une entreprise ou d'un groupe qui aurait différentes filiales,
différents établissements sur plusieurs départements, permet d’avoir une vue d'ensemble du
nombre de ruptures conventionnelles qui auraient été déposées ici et là et d’examiner si elles
ne sont pas rattachables à des difficultés économiques, telles qu’il y aurait lieu de rappeler à
l'entreprise qu'elle doit procéder à des licenciements collectifs et non individuels.
Je vous remercie.
Jean-Michel Olivier, Président de l’AFERP
Je remercie beaucoup M. Jean-François BOURDAIS, et sa collaboratrice Madame AnneMarie Morais. Ils doivent nous quitter pour aller à une autre réunion à la DGT. Ils ont
cependant accepté de venir tout de même avec nous ce matin. Nous allons continuer avec nos
deux amis avocats, sachant qu’il y a aussi d’autres avocats dans la salle.
Nous allons avoir maintenant le point de vue des praticiens, après avoir eu le point de vue de
l’administration du travail. Tout n’est pas très simple. J’avoue que je n’ai pas été tout à fait
convaincu au sujet de l’indemnité conventionnelle. C’est vrai que l’on a doublé l’indemnité
légale.
Je remercie Maître Laurent Marquet de Vasselot, de sa présence. Des étudiants sont présents
dans la salle, ils regarderont l’annuaire de la jurisprudence de droit social (JDS) (qui a été
financé et parrainé par le cabinet d’avocats Francis Lefebvre et qu’il a parrainé par son
éditorial), et, puisqu’il y a aussi des gens de Bouygues Construction ici, je remercie à nouveau
Bouygues Construction de parrainer notre master de recherche de droit social.
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Maître Laurent MARQUET de VASSELOT, Avocat associé – C.M.S. Bureau Francis
Lefebvre
Jean-Michel merci. Je suis très heureux d’intervenir ce matin sur un sujet, non pas nouveau,
mais, en tout cas, qui mérite un réexamen après une première période d’application. Vous
avez eu la gentillesse d’indiquer que nous étions des praticiens. Mon regard sera celui d’un
cabinet d’avocats, le Bureau Francis Lefebvre, qui occupe une cinquantaine d’avocats
spécialisés en droit social, et tente d’assister les entreprises dans la mise en œuvre de leur
politique sociale et dans l’application de la réglementation du travail, ainsi que, le cas échéant,
dans la défense de leurs intérêts devant le juge.
Le sujet de la rupture conventionnelle du contrat de travail est naturellement un sujet qui a été
abordé avec les entreprises, et traité fréquemment. Nous avons rencontré un certain nombre de
difficultés dans son application et je dois reconnaître qu’un certain nombre de questions me
paraissent encore aujourd’hui en suspens. Cet échange sera sans doute l’occasion d’un
examen utile pour nous tous.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif lui-même qui a été présenté de façon précise par
l’administration du travail, notamment en ce qui concerne l’origine de celui-ci. Il est exact
qu’il prend sa source dans l’Accord National Interprofessionnel (ANI). Je crois également, de
mémoire, que, dans son étude et ses recommandations, le rapport Attali faisait une proposition
visant à sécuriser et organiser la rupture amiable du contrat de travail. Cependant, l’impulsion
majeure a été donnée par les partenaires sociaux dans le cadre de l’Accord National
Interprofessionnel.
Il a été souligné, à juste titre, que cette rupture conventionnelle n’était pas, stricto sensu, une
nouveauté en droit du travail, puisque la jurisprudence avait admis l’application des
dispositions du droit commun à la rupture du contrat de travail, autorisant ainsi la rupture d’un
commun accord de celui-ci.
Je crois que, dans le dispositif, il y a deux éléments majeurs qui permettent à celui-ci
d’obtenir un réel succès : il s’agit, d’une part, de l’adaptation du régime d’assurance chômage
pour faire bénéficier les salariés dont le contrat de travail est rompu dans le cadre de ce
dispositif conventionnel et légal des prestations du régime d’assurance chômage.
On peut s’en réjouir ou le déplorer ! Je ne sais pas si l’administration du travail dispose de
statistiques sur ce sujet, mais probablement. Je crains qu’une partie significative des salariés,
bénéficiaires de la rupture conventionnelle soient aussi bénéficiaires des prestations du régime
d’assurance chômage, ce qui soulève probablement d’autres difficultés sur la gestion des
procédures, nous y reviendrons.
Un deuxième sujet que je crois important pour les praticiens n’a pas encore été évoqué : il
tient au sort social et fiscal de l’indemnité qui est accordée à l’occasion de la rupture
conventionnelle. Si ce mode de rupture d’un commun accord existait antérieurement, il était
probablement assez peu sécurisé et n’était pas non plus accompagné d’un dispositif
garantissant une exclusion de l’indemnité versée de l’assiette de calcul des cotisations de
sécurité sociale et de l’assiette de calcul de l’impôt sur le revenu.
Le régime légal actuel fait de l’indemnité versée à l’occasion de la rupture conventionnelle
une indemnité, qui dans son traitement social et fiscal est assimilée à une indemnité versée en
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cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, c’est-à-dire, dans des
conditions identiques à une indemnité versée en cas de licenciement. Cela constitue l’un des
éléments permettant aux entreprises et aux salariés une mise en œuvre, évidemment favorable.
Ceci explique probablement le fait que cette rupture conventionnelle ait la faveur d’un certain
nombre d’entreprises.
Ce préalable étant rappelé, je ferai brièvement trois séries d’observations :
- Le premier sujet est relatif la rupture conventionnelle et aux pratiques d’entreprises.
Cela concerne ce que nous observons aujourd’hui dans notre quotidien de conseil aux
entreprises.
- Le deuxième sujet a été pour partie abordé, il concerne la rupture conventionnelle et
l’emploi, avec la problématique des licenciements pour motif économique et du plan
de sauvegarde de l’emploi. Je crois que ce sujet, encore en germe, est probablement,
d’un point de vue juridique, un sujet assez compliqué, en tout cas non tranché
définitivement.
- Le troisième sujet, même s'il y a peu de jurisprudence en cette matière, concerne la
rupture conventionnelle et le juge. Il y a déjà un certain nombre de contentieux sur ce
sujet et quelques décisions de justice qui ont été rendues en cette matière, lesquelles ne
sont pas inintéressantes pour nos réflexions.
En ce qui concerne la rupture conventionnelle et l’entreprise, ce que nous nous observons, en
pratique, ce sont des politiques assez contrastées en cette matière. Nous n’avons pas observé,
mais notre champ n’est pas illimité, de différences de traitement selon la taille des entreprises.
Beaucoup de grandes entreprises mettent en œuvre la rupture conventionnelle, tout comme de
nombreuses petites entreprises, avec certaines difficultés liées au formalisme inhérent à cette
rupture. En revanche, il y a des pratiques en entreprises qui sont extrêmement contrastées en
cette matière.
Il y a trois types d’entreprises. Je vais en donner une présentation schématique très simple.
- Il y a l’entreprise dite conservatrice, dans le regard que nous en avons, c’est-à-dire
celle qui ne met pas en œuvre la rupture conventionnelle, pour un certain nombre de
raisons extrêmement pratiques que l’on peut assez bien comprendre. La première
raison tient précisément à ce conservatisme, c’est-à-dire à une logique, qui reste assez
binaire, de la rupture du contrat de travail.
Ces entreprises considèrent que, dans une rupture, il y a toujours une part
prépondérante d’initiative qui revient à l’employeur ou au salarié, que les politiques de
ressources humaines que peuvent mettre en œuvre ces entreprises, conduisent, soit à
constater une démission, soit à mettre en œuvre une procédure de licenciement.
Dès lors, la rupture conventionnelle n’est pas considérée comme un mode adapté au
traitement des politiques qui sont les leurs. Beaucoup d’entreprises considèrent que si
la mobilité du salarié est une réalité du marché de l’emploi, celui-ci peut prendre
l’initiative de la démission, sans pour autant entrer dans un schéma de rupture
conventionnelle.
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D’autres considérations sont également mises en avant, selon des motivations assez
pratiques quant à la gestion de l’emploi, notamment pour les entreprises d’une certaine
taille : le respect du principe d’égalité ; c’est un sujet que l’on aura de plus en plus à
traiter dans les entreprises.
Le principe d’égalité, à l’égard de celui qui sollicite la rupture conventionnelle du
contrat de travail implique la nécessité de déterminer une politique générale, qui ne
sera sans doute pas facile à mettre en œuvre.
Le deuxième frein, s’agissant de ces entreprises conservatrices, c’est probablement
l’absence considérée, peut-être subjectivement, de sécurisation de la rupture
conventionnelle.
Il faut bien avoir à l’esprit que la rupture conventionnelle, qui n’est évidemment pas
une transaction, n’a pas vocation à mettre fin à un litige. Elle procède d’une cause,
certes autonome, et constitue un mode également autonome de rupture du contrat de
travail. Mais elle ne met pas fin à un litige sur la rupture du contrat de travail, ni à un
litige sur les conditions d’exécution du contrat de travail, ni à toutes éventuelles
demandes du salarié en paiement d’un salaire qui ne lui aurait pas été versé pendant la
période d’exécution de son contrat de travail.
Beaucoup d’entreprises considèrent ainsi que le schéma, que connaissent assez
traditionnellement les praticiens d’un licenciement suivi d’une transaction, est un
schéma beaucoup plus simple, et peut-être davantage sécurisé, que celui de la rupture
conventionnelle.
-
Le deuxième type d’entreprise est celle qui est, disons légaliste, c’est l’entreprise «
citoyenne », celle qui fait une application du régime légal et conventionnel
conformément à l’esprit de la loi, qui rencontre des situations pratiques de salariés à
l’égard desquels la rupture conventionnelle est souhaitée et mise en œuvre, qui en fait
un usage modéré, c’est-à-dire celui que vient d’expliquer l’administration du travail.
-
Le troisième type d’entreprise est celle qui nous intéresse toujours parce qu’elle est la
plus atypique, et donc innovatrice : c’est celle qui fait de la rupture conventionnelle
un mode de traitement, non pas de ses difficultés économiques, mais de la gestion de
l’emploi et qui considère que la rupture conventionnelle, en application des textes, j’y
reviendrai, n’est assortie d’aucune limite. La position ainsi retenue procède du fait
que, par nature, la rupture conventionnelle est exclusive - ce sont les termes mêmes de
la loi -, du licenciement et de la démission. Il n’y a donc pas lieu d’aller en chercher la
cause.
C’est probablement une discussion assez délicate que nous pouvons avoir sur ce sujet
avec l’administration du travail. Il ne peut y avoir lieu de rechercher la cause de cette
rupture, ni l’existence de difficultés économiques, ni l’existence de suppressions
d’emplois. C’est un régime tout à fait autonome, qui est exclusif de toutes procédures
de licenciement pour motif économique et qui permet, en conséquence, d’être utilisé,
dès lors que les seules conditions formelles qui sont posées par la loi sont remplies.
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
Dès lors qu’une pratique de liberté de consentement est maintenue, c’est un mode de
rupture qui est susceptible d’être utilisé sans limite d’effectifs, sans limite de temps, et
sans qu’en aucune façon des critères de seuils puissent être opposés à une entreprise.
Ces entreprises sont des entreprises qui utilisent ce type de rupture en considérant
qu’elles ne sont pas de ce fait assujetties à l’obligation de mettre en œuvre des plans de
sauvegarde de l’emploi, quel que soit le nombre de ruptures.
Voilà la typologie de ces entreprises. Cela me permet de faire la transition avec le deuxième
sujet, qui me paraît être le plus important, qui est celui de la rupture conventionnelle et de
l’emploi.
Le texte essentiel en cette matière, c’est le texte qui fixe le champ du licenciement pour motif
économique, c’est-à-dire l’article L. 1233-3 du code du travail, qui détermine le motif
économique du licenciement et le champ d’application des procédures de licenciement pour
motif économique.
Ce texte indique que les dispositions du chapitre en cause, relatives au licenciement pour
motif économique, sont applicables à toute rupture du contrat de travail, à l’exclusion de la
rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants du code du travail.
Cela signifie que le législateur, dans cette rédaction, lorsqu’il crée la rupture conventionnelle,
exclut cette rupture conventionnelle du champ des dispositions du code du travail relatives
aux procédures de licenciement collectif pour motif économique.
Pour revenir en arrière sur ce sujet, vous vous souvenez probablement que la disposition
antérieure du code du travail était une disposition qui prévoyait que toute rupture du contrat
de travail, qui procède d’une cause économique, est soumise aux dispositions de ce code
relatives aux procédures de licenciement pour motif économique.
C’est une disposition qui avait été introduite par une loi de 1992, qui faisait suite à la
jurisprudence de 1991, venue condamner les ruptures amiables hors procédures de
licenciement pour motif économique.
Le sujet essentiel qui nous préoccupe, en matière de gestion de l’emploi, est précisément celui
de savoir si la rupture conventionnelle peut, ou non, être appréhendée par les dispositions de
la loi applicable en matière de licenciement pour motif économique, et si l’administration du
travail, à l’occasion du contrôle qu’exerce cette administration dans le cadre de
l’homologation des conventions, est en mesure ou non d’effectuer un contrôle en cette
matière.
Je crois que les éléments de réponse procèdent essentiellement de la disposition légale que
nous venons de citer qui, en elle-même, laisse à penser que la liberté des entreprises est
particulièrement étendue, puisque la rupture conventionnelle est hors champ du licenciement
économique.
L’Accord National Interprofessionnel, celui du 11 janvier 2008, fait expressément référence
aux procédures de licenciement pour motif économique en indiquant que la rupture
conventionnelle doit être mise en œuvre sans que soient remises en cause les modalités de
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
ruptures existantes du CDI, ni qu’il soit porté atteinte aux procédures de licenciement collectif
pour cause économique mises en œuvre dans l’entreprise.
Autrement dit, lorsque les partenaires sociaux donnent naissance à ce régime de rupture
conventionnelle, ils prévoient expressément que ce régime n’a pas vocation à se substituer
aux procédures de licenciement collectif pour motif économique qui s’imposent en
application des dispositions du code du travail.
S’agissant de la doctrine administrative, si je puis dire, les deux circulaires essentielles qui ont
été édictées par l’administration du travail sont celles du 22 juillet 2008 et du 17 mars 2009.
Elles apportent des précisions tout à fait claires sur ce sujet, puisque la circulaire du 22 juillet
2008 indique que « le contrôle de l’administration doit, en conséquence, être tout à la fois
mesuré et vigilant quant aux abus potentiels en matière de contournement des procédures de
licenciement pour motif économique ».
De la même façon, la circulaire du 17 mars 2009 indique qu’ « il convient d’être
particulièrement vigilant sur les ruptures conventionnelles qui seraient conclues en vue de
contourner les garanties accordées en matière de licenciement pour motif économique ».
Ce que nous constatons aujourd’hui, en tant que praticiens, ce sont deux éléments essentiels.
Premièrement, l’administration du travail a une volonté évidente d’opérer un contrôle de
l’absence de ce qui est appelé le contournement des procédures de licenciement pour motif
économique. On doit, à la vérité, de dire que le texte rend délicat ce contrôle. L’appréciation
assez pragmatique qui est faite aujourd’hui par chacune des administrations du travail sur ce
sujet, est relativement balbutiante.
Elle est, en réalité, extrêmement difficile à mettre en œuvre.
Le Ministère du Travail a fait référence à la notion de difficultés économiques, mais l’on sait
que les difficultés économiques ne sont pas les seules causes de licenciement pour motif
économique ; il a été fait référence à une notion de seuil d’effectifs, dont on voit bien qu’elle
n’est pas pertinente puisqu’on évoque tantôt la notion de seuil afférente au plan social, tantôt
simplement l’application des dispositions du régime relatif à la législation du licenciement
pour motif économique, en dehors de toute notion de seuil.
Donc, on voit bien que la rupture conventionnelle, qui était exclusive de toutes causes, n’est
pas susceptible d’être appréhendée par le biais des licenciements pour motif économique et on
attend avec une certaine impatience la circulaire ou l’instruction de la DGT qui viendra
préciser ce sujet.
En réalité, il semble également qu’un sujet délicat, en pratique, soit celui tenant aux
obligations qui s’imposent à l’entreprise au titre de la politique de gestion de l’emploi,
notamment en matière de consultation du Comité d’Entreprise.
N’oublions pas qu’en cette matière la loi dispose que tout projet de compression d’effectifs,
que toutes décisions d’entreprise, en matière d’organisation du travail et d’emploi, doit faire
l’objet d’une information et d’une consultation du comité d’entreprise. Le sujet porte plus
probablement sur l’application de ces dispositions légales dans le cadre de la politique de
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
l’emploi, que de l’appréhension par la législation sur le licenciement pour motif économique,
du sujet relatif aux ruptures conventionnelles.
J’ajoute, sur ce point, que la politique des entreprises, pour être plus précis, tend aujourd’hui à
hésiter entre deux pratiques juridiques : mettre en œuvre ces ruptures conventionnelles, y
compris pour une cause qui serait une cause économique, puisque la loi ne peut pas
l’appréhender en tant que telle, ou bien mettre en œuvre des plans de départ volontaire.
Ils ont été évoqués tout à l’heure par J.M. Olivier. Ils s’inscrivent dans le cadre d’un plan de
sauvegarde de l’emploi, puisque l’on doit considérer aujourd’hui que les plans de départ
volontaire ne sont pas susceptibles d’être mis en œuvre hors le respect d’une procédure de
licenciement collectif pour motif économique. Né alors un sujet d’une autre nature, qui tient
au contrôle exercé par l’administration du travail sur le contenu du plan de sauvegarde de
l’emploi, notamment dans l’hypothèse où les départs sont exclusivement des départs
volontaires. Ce sera la dernière partie de mon propos tenant au contrôle du juge.
On sait aujourd’hui que l’inclinaison du juge est, en quelque sorte, d’abandonner le contrôle
effectif du plan de sauvegarde de l’emploi, dès lors que les mesures envisagées ne procèdent
que de départs volontaires.
Vous avez probablement entendu parler de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles,
dans une affaire intéressant la société Renault, par lequel la Cour à considéré que le plan de
sauvegarde de l’emploi, dès lors que les départs à intervenir sont des départs qui
n’interviennent que sur le fondement du volontariat, n’a pas à inclure le plan de reclassement
interne.
Pour résumer ce point sur l’emploi, il y a cependant lieu de considérer que nous sommes
aujourd’hui dans une situation juridique assez instable et, même si mon propos est un peu
iconoclaste, assez insécurisée s’agissant des ruptures conventionnelles lorsque, nous le savons
tous, si nous disons la vérité, elles procèdent d’une cause économique. Hors abus de droit, ces
ruptures conventionnelles ne sont pas susceptibles de donner lieu à des refus d’homologation
de l’administration du travail.
Le dernier dispositif, dont je parlerai peu, est le dispositif de gestion prévisionnelle de
l’emploi. Je le citerai simplement, pour mémoire. Les dispositions légales qui procèdent de la
loi du 18 janvier 2005, ont compris également un mode de rupture amiable du contrat de
travail fondé, cette fois-ci, sur des accords collectifs majoritaires conduisant à l’identification
d’emplois menacés et de solutions d’emploi identifiées. Il s’agit d’un dispositif qui, en réalité,
reçoit assez peu d’applications au sein des entreprises.
Donc, la question de l’emploi me paraît, au regard des problématiques croisées des plans de
départ volontaire et des ruptures conventionnelles, un sujet assez délicat, susceptible de
donner lieu à des contentieux délicats.
Pour autant, les quelques décisions de justice qui ont été rendues en matière de rupture
conventionnelle ne portent pas sur ce sujet. Ce sont des jugements de Conseils de
prud’hommes, pour l’essentiel. Le rôle que se donne le Conseil de prud’hommes dans ces
contentieux est assez révélateur de l’idée que peuvent se faire l’employeur et le salarié de ce
qui est véritablement la rupture conventionnelle.
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
Trois jugements de Conseils de prud’hommes peuvent être cités :
- une décision de Valence du 14 octobre 2008, rendue en matière de référé,
- un jugement du Havre du 30 octobre 2008,
- un jugement de Nanterre du 5 janvier 2010.
Ces décisions sont assez intéressantes parce qu’elles sont relatives, et c’est le premier point,
au contentieux du refus d’homologation. Nous avons vu que le refus d’homologation, et
l’administration du travail l’a confirmé, était assez peu fréquent (environ 10% des cas). L’on
constate, en pratique, que, lorsque l’homologation n’est pas accordée, c’est essentiellement
pour des raisons formelles et non pas pour des raisons tenant au défaut de liberté du
consentement, même si le principe de la liberté du consentement est au cœur du dispositif.
L’administration du travail, il faut bien le reconnaître, n’a pas les moyens d’en contrôler la
réalité, hors le contrôle du formalisme très précis de la tenue des entretiens et de la possibilité
pour le salarié de se faire assister ; le consentement ne se mesure pas autrement que par le
respect de ces dispositions formelles, c’est-à-dire que le contrôle est en réalité assez réduit.
Donc, le refus d’homologation intervient essentiellement pour des raisons de forme tenant au
fait que le formulaire n’est pas bien renseigné ou, plus grave encore, que l’indemnité n’est pas
à la hauteur de l’indemnité conventionnelle.
Sur ce point, vous savez que la voie du recours administratif a été exclue par le législateur, et
donc qu’il n’y a pas de recours gracieux, ni de recours hiérarchique possible, et qu’un bloc de
compétence a été reconnu au juge judiciaire. Donc, le conseil de prud’hommes est compétent
pour connaître les décisions de refus d’homologation.
Le Conseil de prud’hommes a repris la place que finalement ne lui avaient accordée ni les
partenaires sociaux, ni le législateur, dans le dispositif originel. Vous vous souvenez que les
pouvoirs publics s’étaient posé la question de savoir quelle était l’autorité naturelle pour
homologuer. On avait pensé à certains officiers publics et ministériels (je crois que les
huissiers avaient été cités à l’époque, les notaires également). On avait pensé, à un moment,
au juge prud’homal, mais le juge prud’homal était considéré comme strictement connoté dans
le champ du contentieux et il avait – de ce fait - été écarté. Ayant été écarté, son inclinaison
naturelle a été de retrouver sa compétence !
Lorsqu’il est saisi d’un contentieux sur l’homologation, il prend une liberté absolue : les
décisions rendues en cette matière font frémir puisque, dans la plupart des cas, le juge
prud’homal homologue, en l’absence de toute compétence légale, la convention que
l’administration du travail a refusé d’homologuer.
Je vous invite à lire ces décisions ; elles sont assez intéressantes sur l’office du juge, puisque
l’on est très souvent en matière de référé. Le trouble, manifestement illicite, tiendrait au fait
que la procédure au fond est longue, ce à un point tel qu’elle conduirait, le cas échant, à une
homologation dans une période de temps beaucoup trop éloignée pour que le salarié puisse
mettre en œuvre les projets professionnels qui ont justifié sa demande de rupture
conventionnelle ; il y aurait bien là un trouble manifestement illicite.
Le juge prud’homal constate que l’employeur souhaite la rupture, que le salarié la souhaite
tout autant, que l’administration du travail, qui est mise en cause, généralement, n’est pas
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
présente à l’audience. Enfin, il constate le trouble manifestement illicite et homologue la
rupture conventionnelle. Il rend ainsi une décision en dehors de toute compétence légale.
On peut d’ailleurs se poser la question de savoir si le régime d’assurance chômage pourrait
prendre en charge et verser les prestations, et si le régime de l’indemnité est celui qui a été
prévu par la loi, c'est à dire un régime favorable.
Il y a ainsi quelques décisions de justice qui sont extrêmement marginales, mais qui sont assez
significatives, car elles illustrent relativement l’attitude d’un juge qui, en réalité, est proche du
terrain, et constate que les parties sont d’accord. Il se donne une vocation à favoriser
l’apaisement et ainsi la mise en œuvre plus rapide de ce régime de rupture.
En revanche, je crois qu’il y a, et j’en terminerai par ce sujet, deux voies contentieuses qui
sont beaucoup plus difficiles, qui interviennent dans des situations non stabilisées. Ce sont
celles de la rupture conventionnelle, mise en œuvre de façon significative par les entreprises
en dehors de tout plan de sauvegarde de l’emploi ou accompagnant des licenciements pour
motif économique.
Il n’y a, à notre connaissance, qu’une décision qui ait été rendue récemment en cette matière,
constituée de l’arrêt de la Cour d’Appel de Grenoble en date du 23 novembre 2009, qui a été
saisie d’une hypothèse que l’on rencontrera, de plus en plus à l’avenir : l’entreprise avait à la
fois mis en œuvre des ruptures conventionnelles de contrat de travail, puis, compte tenu des
difficultés auxquelles elle était confrontée, a élaboré un plan de sauvegarde de l’emploi pour
envisager des licenciements pour motif économique.
Ce plan de sauvegarde de l’emploi était jugé insuffisant par les organisations syndicales qui
ont saisi le tribunal de grande instance. L’action visait tant à la nullité du plan de sauvegarde
de l’emploi du fait de son insuffisance, d’une part, que, d’autre part, à la requalification des
ruptures conventionnelles mises en œuvre antérieurement, au motif que celles-ci auraient dû
être englobées dans la procédure de licenciement collectif pour motif économique,
puisqu’elles étaient réputées, selon le requérant, procéder d’une même cause.
L’arrêt est assez peu motivé ; il est intéressant, en ce sens qu’il annule le plan de sauvegarde
de l’emploi, au motif que celui-ci est insuffisant (c’est un sujet très classique) mais que,
deuxièmement, il ne suit pas le requérant dans le détail de son argumentation sur la
requalification des ruptures conventionnelles intervenues antérieurement.
Autrement dit, il retient une analyse que j’évoquais tout à l’heure, qui est strictement légaliste
et qui est celle selon laquelle, hors abus de droit, il n’y a pas de place pour une requalification
de la rupture conventionnelle, laquelle obéit à un régime propre, exclusif du licenciement et
qui ne permet pas que l’on puisse procéder à une recherche de sa cause.
Je sais qu’un pourvoi en Cassation a été formé.
Je suis cependant certain que la rupture conventionnelle, dans une période économique
difficile, pourra constituer un mode de traitement des difficultés économiques des entreprises
qui fera l’objet de contentieux. Le juge aura à statuer, au cas par cas, sur des principes
reposant, notamment, sur l’abus de droit. La sécurité pour les entreprises tiendra ainsi aux
bonnes pratiques qu’elles mettront en œuvre sous le contrôle du juge.
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
Voilà quelques observations sur ces trois champs d’intérêt : l’emploi,
d’entreprises et le juge.
les pratiques
Je vous remercie de votre attention.
Jean-Michel OLIVIER, Président de l’AFERP
Merci beaucoup. Je donne tout de suite la parole à Maître Jonathan CADOT et puis ensuite
nous pourrons débattre.
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
Maître Jonathan CADOT, Avocat du Cabinet Lachaud Lepany Mandeville
En tant que conseil de salariés, d’organisations syndicales et de Comités d’entreprise, je ne
vous cache pas que la rupture conventionnelle peut laisser perplexe.
Si ce dispositif a été voulu par les partenaires sociaux, à l’initiative, il s’agissait, il faut le
reconnaître d’une demande forte de la partie patronale. Ce dispositif peut être critiqué en ce
qu’il revient à éluder la question du motif de la rupture du contrat de travail.
Un certain nombre de défenseurs de salariés et d’organisations syndicales se sont de ce fait
interrogés, voir se sont opposés à ce mode de rupture, les principales critiques sur ce dispositif
portant sur le fait que l’employeur n’avait plus à s’interroger sur l’existence d’un motif réel et
sérieux pour rompre le contrat de travail et que le salarié n’était pas sur le même pied
d’égalité que l’employeur pour négocier dans de bonnes conditions.
Pour autant, il faut bien reconnaître que la rupture conventionnelle répond à un besoin et
permet de trouver une solution à certaines situations qui impliquaient de mettre en place des
procédures montées de toute pièce.
Jean-Michel OLIVIER, Président de l’AFERP
Si je peux me permettre, les avocats dans cette salle n’oseront pas le dire, mais il faut
préciser simplement que la lettre de licenciement et la transaction n’étaient pas établies en
même temps. La transaction devant être postérieure, pour que la rupture soit consommée, il
suffisait que le montant, que l’employeur allait verser au salarié qui allait quitter, soit indiqué
avant qu’il ait signé, donc c’était clair mais on pouvait, quelques dix à quinze jours plus tard,
mettre une autre date. Je sais bien que les avocats n’osent pas trop le dire.
Maître Jonathan CADOT, Avocat du Cabinet Lachaud Lepany Mandeville
La rupture conventionnelle a donc pour objet de sécuriser la rupture du contrat de travail.
Or, s’il y a bien une chose sur laquelle j’ai une certitude, c’est que cette sécurisation est,
somme toute, relative. Le nombre de circulaires publiées par la DGT en est l’illustration.
Il apparaît que ce dispositif n’est pas si simple que cela à appréhender.
De plus, si la rupture conventionnelle répond à un besoin, on peut s’interroger sur les chiffres,
mentionnés par la DGT et par la DARES. Est-ce que la rupture conventionnelle ne concerne
que des véritables ruptures d’un commun accord ou est-elle détournée de son objet premier ?
Outre le nombre de ruptures conventionnelles et le nombre d’homologations qui interviennent
aujourd’hui, on constate, au regard des statistiques, qu’un nombre très important des salariés
qui ont signé une rupture conventionnelle se sont inscrits au pôle emploi.
Un salarié quittant son emploi pour « pointer » au pôle emploi est-il vraiment demandeur à
son départ dans le cadre d’une rupture conventionnelle ? On peut s’interroger au regard du
nombre de ruptures conventionnelles.
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
Pour autant, il est vrai qu’au regard du nombre de ruptures conventionnelles, il y a peu de
litiges et peu de contestations.
On pourrait éventuellement se dire que si ce dispositif n’était pas utilisé dans son objet
premier, cela impliquerait logiquement qu’il y ait des contestations et que des procédures de
contestations judiciaires soient engagées. Pour autant, ce n’est pas le cas.
A mon sens, cette absence de contestation est liée à une certaine réticence, à aller en
contestation d’une rupture conventionnelle et d’une homologation, en sachant qu’il est
toujours délicat d’aller remettre en cause une rupture d’un commun accord.
On voit déjà cela dans le cas des ruptures de contrat de travail, en cas de départ volontaire
pour motif économique.
Aujourd’hui, quels sont les angles de contestations contre les ruptures conventionnelles non
conformes à l’esprit et à la lettre du texte ?
En l’état, il est possible de distinguer trois angles de contestations de la rupture
conventionnelle qui pourraient permettre de remettre en cause des ruptures conventionnelles,
qui n’auraient pas été réalisées conformément aux dispositions et à l’esprit de la loi.
-
premier angle de contestation : l’existence de vices de procédure, vices de forme qui
seront relatifs au non respect de la procédure de la rupture conventionnelle, telle
qu’elle est prévue par les dispositions légales.
En l’espèce, la question du non respect de la procédure formelle est pour partie contrôlée par
la DDTEFP, finalement ce sont aujourd’hui les seuls éléments examinés par
l’Administration. Le nombre de ruptures conventionnelles qui sont soumises à
homologation ne lui permettant que d’effectuer un contrôle formel.
La question est principalement de savoir si des entretiens ont été effectués et si le délai de
rétractation a été respecté.
Il faut au moins un entretien et que cet entretien se soit régulièrement tenu.
S’agissant de l’entretien, on peut faire une analogie par rapport à la procédure de licenciement
qui implique que l’employeur ne soit pas représenté par trois personnes lors de l’entretien.
En outre, le salarié doit avoir été informé de sa faculté d’être assisté, ce qui n’est pas
forcément précisé. Ces angles de contestation sur les vices de procédures seront toutefois bien
souvent relativement limités.
Pour un certain nombre d’entreprises de petite taille, il est certain que l’on va avoir des débats
plus fréquents sur cette question là que dans les grands groupes. Généralement, on fait signer
aux salariés l’ensemble des documents nécessaires pour valider la procédure, c’est-à-dire :
convocation à un entretien, convocation à un deuxième entretien, éventuellement un
document précisant qu’il est informé de l’ensemble des conséquences et de ses droits dans le
cadre de la rupture conventionnelle et même, au-delà du simple formulaire établi par l’Etat,
une convention complémentaire.
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
Il est possible d’ailleurs de constater qu’il arrive que certains employeurs fassent signer à
leurs salariés tout ces documents en même temps, le salarié renonçant de fait implicitement au
délai de rétractation, les documents étant anti-datés.
Il arrive, dans cette hypothèse, que le salarié, après avoir signé l’ensemble de ces documents
souhaite revenir sur sa décision.
Dans cette hypothèse, Il peut lui être conseillé qu’il adresse une lettre recommandée à son
employeur pour rappeler dans quelles circonstances les documents ont été signés et à quelle
date, puis faire valoir sa rétractation. Il peut également tenter d’intervenir auprès de la
DDTEFP qui pourrait, le cas échéant, décider de ne pas homologuer la rupture
conventionnelle.
Il va donc y avoir un débat, à mon avis un débat sur la rétractation, qui ne pourra, dans la
mesure du possible, être purgée que s’il y a une notification par un document ayant date
certaine, par recommandé, par exemple, pour qu’un véritable délai de rétractation existe, car
aujourd’hui, il est facile de le détourner
-
deuxième angle de contestation : la réalité du consentement du salarié
En la matière, il est possible de se référer aux dispositions du Code civil, et, notamment aux
articles 1134 et 1109 du code civil.
Toutefois, il faut toujours garder à l’esprit que la relation contractuelle entre un salarié et un
employeur est par nature déséquilibrée.
Ce déséquilibre doit donc être pris en compte dans l’appréciation des vices du consentement.
Pour rappel, les vices du consentement sont le dol, l’erreur, la violence et la lésion.
Il implique que le salarié doit avoir un consentement libre et éclairé.
Comme il vous a été indiqué à plusieurs reprises, la rupture amiable du contrat de travail n’est
pas une chose nouvelle.
En la matière, il est possible de se référer à la jurisprudence sur la rupture, d’un commun
accord, du contrat de travail dont la solution pourrait être transposée à la rupture
conventionnelle.
Il y a quelques arrêts intéressants à souligner, notamment de la Cour d’Appel de Paris, dans
un arrêt du 30 avril 2009, qui a été publié à la Semaine Juridique et Sociale de décembre
2009, donc d’actualité.
En l’espèce il a été reconnu que la rupture, d’un commun accord, du contrat de travail était
entachée de nullité en raison de la violence exercée sur le salarié.
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
Jean-Michel OLIVIER, Président de l’AFERP
Là, il y avait des preuves : allez voir un médecin pour avoir des preuves et des arrêts de
travail?
Maître Jonathan CADOT, Avocat du Cabinet Lachaud Lepany Mandeville
En effet, cet arrêt n’est qu’une illustration de l’application des vices du consentement à la
rupture d’un commun accord.
Il y a d’autres arrêts de la Cour de Cassation qui me semblent un plus intéressants et
notamment celui du 11 Février 2009 de la Cour de Cassation, toujours sur des ruptures d’un
commun accord.
Cet arrêt est intéressant dans la mesure où il vient poser un principe : il ne peut pas y avoir
conclusion d’une convention de rupture amiable quand on est en présence d’un différend
existant entre les parties.
Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que la Cour de Cassation vient de juger qu’il faut
apprécier la rupture au regard des circonstances dans lesquelles elle intervient.
La Cour de Cassation considère qu’il ne peut pas l’être quand il existe un différend entre les
parties. Quel peut être ce différend ? Cela peut être l’engagement d’une procédure de
licenciement par convocation d’entretien préalable.
Ce différend peut être également de nature disciplinaire ; sans aller jusqu’à l’engagement de
la procédure de licenciement ; s’il y a concomitance avec la notification de sanctions, la
réalité du consentement est pour le moins discutable.
Au-delà de la problématique de procédure de licenciement ou de procédure de sanction
disciplinaire, cette jurisprudence sur l’existence d’un différend peut être également utilisée
dans un contexte économique.
Effectivement, le principe que l’on peut dégager de cette jurisprudence peut être intéressant
en la matière, notamment, en présence d’un salarié qui arrive à apporter la preuve qu’il a
connaissance que son employeur envisage de supprimer son poste ou qu’il lui a d’ores et déjà
indiqué que son poste serait supprimé ; sans pour autant que l’employeur engage ou
matérialise cette décision par l’engagement d’une procédure de licenciement pour motif
économique.
Cette concomitance entre la restructuration qui pourrait intervenir dans l’entreprise et la
rupture conventionnelle, pourrait être un angle de contestation envisageable du caractère libre
du consentement du salarié.
En outre, le consentement du salarié peut être également remis en cause, s’il n’a pas été
éclairé, ce qui suppose que le salarié soit informé de manière précise de ses droits
postérieurement à la rupture conventionnelle et des conséquences de son refus de la rupture
conventionnelle, notamment dans un contexte de difficultés économiques.
Il est à regretter que le formulaire de rupture conventionnelle ne comporte pas une annexe
explicative.
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
Le formulaire d’homologation, en tant que tel, est insuffisant quant aux informations
transmises aux salariés. On peut regretter que, sur un certain nombre de points, le salarié ne
soit pas alerté sur les tenants et aboutissants de sa rupture conventionnelle.
Vous aurez compris qu’au niveau du consentement, il y aura des débats, et toutes ces
questions ne seront pas tranchées par la Direction Départementale du Travail, de l’Emploi et
de la Formation Professionnelle, car, au vu du nombre de ruptures conventionnelles, son
contrôle est minimal.
Il est certain que le caractère restreint de la DDTEFP, légitimera d’autant plus le débat sur le
consentement du salarié devant le Conseil de prud’hommes.
-
Troisième angle de contestation : les contournements de procédure et les fraudes.
D’abord, voyons les problématiques, au regard des protections d’ordre public, attachées à
certaines catégories de salariés.
La DGT rappelle, dans ses circulaires, qu’un certain nombre de salariés bénéficient de
protections d’ordre public et d’ordre absolu au regard de leur statut, que ce soient les salariés
en accident du travail, les femmes enceintes ou en congé de maternité.
Il est à peu près certain, qu’en cas de rupture conventionnelle, conclue durant ces périodes de
protection absolue, même si elle est homologuée par la DGT, parce qu’elle n’aurait pas eu
cette information en sa possession, le Conseil de Prud’hommes serait amené à constater que,
ces salariés bénéficiant d’une protection, de ce seul fait, la rupture conventionnelle ne pouvait
pas être valablement conclue.
Ce sera le cas notamment, en cas de grossesse médicalement constatée, ainsi que pour les
salariés en accident de travail et des salariés inaptes.
Toutefois, il faut préciser que ceci ne vaut pas pour toutes les périodes de suspension du
contrat de travail, il est possible de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié qui
est en suspension de contrat de travail. Rien ne l’interdit d’un point de vue formel.
Toutefois, leur situation de santé sera naturellement prise en compte pour apprécier si leur
consentement a été libre et éclairé.
Jean-Michel OLIVIER, Président de l’AFERP
Si je peux me permettre, juste sur l’inaptitude à propos de la rupture amiable : il y a la
jurisprudence de 1999 ; c’est l’arrêt que vous avez cité pour les différends ; cet arrêt de 1999
sur les inaptitudes faisait dire à Christophe Mater que la rupture amiable n’avait plus sa place
en droit du travail.
Maître Jonathan CADOT, Avocat du Cabinet Lachaud Lepany Mandeville
Effectivement, par rapport à l’inaptitude, il est indiqué qu’à partir du moment où l’on était
dans le cadre d’une inaptitude, la rupture amiable n’était pas envisageable. Cette
jurisprudence est critiquée, mais elle a une certaine logique et je pense qu’un employeur bien
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
conseillé ne prendra pas le risque d’envisager une procédure de rupture conventionnelle après
avoir engagé une procédure d’inaptitude du salarié.
L’autre fraude qui pourrait justifier la nullité de la rupture conventionnelle porterait sur le non
respect des règles relatives au PSE.
Effectivement, on peut s’accorder tous sur le fait que l’articulation des dispositions légales
en la matière, notamment des articles 1233–2 et 1237-7 du code du travail est difficile à
comprendre.
Pourquoi cette difficulté d’interprétation ? Tout simplement en raison d’amendements qui
apparaissent en cours de débat devant les assemblées : Un amendement est adopté et vient
remettre en cause tout le dispositif et, pire encore, suivant la manière dont on l’interprète, il
viendrait finalement remettre en cause ce que les partenaires sociaux sont venus prévoir dans
l’ANI, (Accord National Interprofessionnel).
Comme mon confrère l’a rappelé, les partenaires sociaux, dans l’ANI, sont venus prévoir que
la rupture conventionnelle n’est pas là pour faire échec aux dispositions légales sur le
licenciement pour motif économique collectif.
Les partenaires sociaux ont fait la distinction entre le collectif et l’individuel, ce qui laisse
entendre que l’on pourrait faire de la rupture conventionnelle, pour des cas où on relèverait du
licenciement pour motif économique individuel, avec la limite que je vous ai indiquée sur la
liberté du consentement et sur l’existence d’un différend.
Mais surtout, à mon sens, et c’est la position que prend la DGT, à partir du moment où
l’employeur remplit les conditions pour mettre en place un PSE, il ne peut pas s’exonérer de
ses obligations en mettant en place des ruptures conventionnelles.
Ceux qui ont un rôle à jouer en la matière, ce sont les Comités d’entreprise, les représentants
du personnel. Leurs actions peuvent s’envisager sous deux angles.
Un angle qui pourrait consister, mais c’est toujours délicat, d’aller saisir la DDTEFP de la
situation et de l’alerter sur la connaissance qu’elle a d’un nombre important de ruptures
conventionnelles à ce jour, de façon à ce qu’elle s’interroge sur un lien éventuel avec une
réorganisation de l’entreprise.
Un autre angle relatif effectivement au non respect des prérogatives du Comité d’entreprise en
matière d’information et de consultation.
Il est possible de se prévaloir d’un non respect des dispositions de l’ancien livre IV du code
du travail, devenu livre II, qui prévoit qu’en terme de réorganisation liée à la marche générale
de l’entreprise, tout projet de réorganisation doit faire l’objet d’une information/consultation
du Comité d’entreprise : ce n’est pas parce qu’à la rigueur on ne serait pas dans l’obligation,
éventuellement, de mettre en place un PSE, que, pour autant, il n’y a pas une obligation et que
l’employeur n’est pas tenu d’exposer le pourquoi de cette réorganisation, quels en sont les
tenants et les aboutissants.
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Rencontre du 16 février 2010 – Rupture conventionnelle du contrat de travail
Déjà ce serait un sérieux frein aux velléités de certains, d’abuser des ruptures
conventionnelles, parce qu’ils seraient amenés à avoir une certaine transparence par rapport à
leur Comité d’entreprise.
En outre, il pourrait être envisagé de demander la mise en place d’un plan de sauvegarde de
l’emploi, si effectivement, on constate qu’un certain nombre d’effets de seuil seraient atteints
à ce niveau là, au regard, d’une part, de l’existence d’une procédure de licenciement pour
motif économique qui interviendrait, ce qui ouvrirait la voie à des actions du Comité
d’entreprise.
Si le Comité d’entreprise arrive à démontrer, qu’à la suite de la rupture conventionnelle, il y a
eu, en fait, des suppressions de postes, je pense, qu’à ce stade là, un Juge sera forcément
assez sensible pour se poser la question de savoir si cette rupture conventionnelle n’avait pas
une origine économique à prendre en compte dans le cadre de la mise en place d’un PSE.
On voit qu’il y a une vraie réflexion à avoir sur toutes ces questions, en sachant que ce serait
assez choquant, que l’on en vienne à considérer qu’il vaut mieux se dispenser d’un PSE et ne
faire que des ruptures conventionnelles.
Pourquoi choquant ? Parce qu’on aurait différents niveaux de ruptures amiables. On aurait les
ruptures conventionnelles qui relèveraient d’un motif économique (mais on peut quand même
les faire) et, par ailleurs, des départs volontaires dans le cadre des PSE, qui sont également
des ruptures amiables du contrat de travail qui elles seraient traitées de manière plus favorable
pour une situation identique. Ce serait quelque chose qui choque la raison, que de placer ces
deux dispositifs sur le même plan et de considérer que ces deux dispositifs peuvent
s’appliquer, l’un comme l’autre, sans aucune difficulté.
La rupture conventionnelle pose difficultés, dès lors qu’elle vient se substituer à des autres
modes de rupture. En effet, dans ces situations, son utilisation est source d’insécurité
juridique. Les entreprises doivent se questionner sur l’objet de la rupture conventionnelle, en
espérant que ce questionnement lui permettra de trouver une place conforme, avec ce qui
avait été envisagé par les partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI.
Je vous remercie.
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