Voici le texte de l`exhortation du père Auduc

Transcription

Voici le texte de l`exhortation du père Auduc
Année de la vie consacrée
En communion avec le Pape François et l'Église universelle, dans une proximité fraternelle
avec toutes les familles religieuses et les personnes données au Seigneur, nous entrons dans
l'année de la vie consacrée. Nous rendons grâces pour notre baptême et l'appel que nous
avons entendu, fidèles à l'Évangile, conscients que nos vies sont prophétie et espérance.
« Évangile » veut dire bonne nouvelle. L’Évangile s'ouvre, en fait, avec la création. Les deux
récits de la Genèse nous la décrivent comme un acte souverain qui n'a pas d'autre motif que
l'amour. Les deux récits convergent pour nous dire que le couple humain à l'image de Dieu
reçoit le monde en héritage. Si l'homme s'égare, victime du diable qui le conduit sur le
chemin de la démesure, il ne perd pas pour autant sa qualité de fils. En réponse à Dieu, le
choix que nous faisons de la vie consacrée s'enracine d'abord dans notre humanité. Dieu
nous accueille tels que nous sommes, avec nos richesses, notre histoire, notre culture, la
couleur de notre peau. Il nous accueille avec nos fragilités. Il nous invite à communier à son
dessein. Dans sa miséricorde, il nous donne de nous offrir à lui comme il s'offre lui-même à
nous.
L’Évangile, c'est la Révélation. Dieu ne veut pas se taire. Il se dit mystérieusement au cœur
de tout homme. D'Abraham à Jésus, au fil d'une histoire tourmentée, il se choisit un peuple.
Il invite ce peuple à relayer sa Parole et devenir signe de sa tendresse. Ainsi, la vie consacrée
ne s'offre pas d'abord à nous comme une histoire individuelle dont chacun serait le héros et
le bénéficiaire, mais comme un don partagé propre à faire sens partout où vivent les
hommes. Pas de vie consacrée sans ce contact quotidien, personnel et communautaire avec
la Parole.
L’Évangile, c'est le Fils, Parole faite chair. Jésus se donne à nous dans sa vie cachée comme
dans sa vie publique et le mystère pascal. Il accueille inlassablement les pauvres et les petits.
Il guérit les malades, console les affligés, délivre les possédés, réconcilie les pécheurs. Le
chrétien, habité par le Saint Esprit prolonge au cœur du monde et de l'histoire l'aventure du
Christ serviteur, offrant sa vie, ressuscité d'entre les morts. Toute personne consacrée est
d'abord un chrétien. Mais la « suite du Christ» telle qu'elle prend corps dans l'Eglise depuis
les origines fait d'elle, dans un choix radical, un témoin sans concession. La personne
consacrée ne quitte pas le monde par peur. Elle le quitte pour l'aimer à la manière de Jésus
et lui révéler que Dieu seul est Sauveur.
La vie consacrée est prophétie. Habité par l'Esprit, le prophète dévoile à ses frères humains
ce qu'il perçoit de Dieu. En lisant la Bible, nous découvrons qu'à toute époque, Dieu a suscité
des prophètes. Il les a envoyés parler en son nom. Peu à peu, par touches successives, et par
eux, il a donné corps à son message jusqu'au jour où, dans son Fils, il a prononcé une Parole
définitive. Le prophète n'est pas un surhomme doté de charismes extraordinaires. Il n'a pas
mission de décrire un avenir dont Dieu seul détient les clefs. Il parle au singulier. Il parle au
pluriel car la prophétie n'est pas propriété privée. Le prophète ne s'exprime pas
obligatoirement au cœur des institutions car Dieu manifeste à travers lui sa liberté
souveraine. A la suite du Christ et fort de son Esprit, le prophète est serviteur de l'homme.
En servant l'homme, il sert l'Eglise servante.
La vie consacrée est prophétie parce qu'elle témoigne de la radicalité de l'Évangile. Le
Seigneur a voulu, au fil de l'histoire, éveiller des hommes et des femmes dont la lecture de la
Parole jaillit comme une source féconde. Des disciples les ont suivis. Ils forment aujourd'hui
dans le peuple de Dieu et pour le bien de tous des familles dont l'existence sonne comme un
appel et un témoignage. Ces familles enrichissent le corps de l'Eglise et de la société. La
prophétie s'exprime dans la vie monastique et dans l'apostolat. D'ailleurs, toute
consécration appelle contemplation et parole publique. Notre Eglise, peuple de prophètes,
bénéficie en son sein de la prophétie liée à la vie consacrée dans la multiplicité des formes et
des institutions. Cette prophétie concerne des groupes et des individus. Elle tient sa
légitimité des apôtres et de leurs successeurs qui ont pour tâche de l'authentifier et d'en
garantir la teneur évangélique.
Dans un monde marqué par de multiples épreuves, la vie consacrée est un des signes
majeurs de l'espérance chrétienne. En effet, par l'offrande leur personne au Seigneur, des
hommes et des femmes annoncent le monde à venir. Ils ne prétendent pas donner des
leçons de morale. Ils ne vivent pas hors du temps. Leur témoignage s'enracine dans les
langues, les coutumes, les cultures, les races ainsi que le combat des hommes pour la justice
et la paix. Mais leur mode de vie personnel et collectif s'inscrit à contre-courant des
structures de péché orientées vers la jouissance, la consommation et le chacun pour soi. Les
trois vœux de pauvreté, chasteté, obéissance s'enracinent dans le témoignage du Christ et le
don de sa vie au Père pour le salut de tous. Avec Jésus ressuscité, ces hommes et ces
femmes viennent dire au monde qu'il a vocation à se transformer jusqu'au jour où le
Seigneur fera « toutes choses nouvelles ». Les personnes consacrées, les congrégations se
reconnaissent dans l'exhortation de la lettre aux Hébreux à des chrétiens désorientés et
persécutés. L'auteur de la lettre leur rappelle que l'espérance est un acte fou: une ancre
jetée vers la nuée, saisie par Celui qui a triomphé de la mort et qui attire à lui ses frères en
souffrance (Héb. 6.19-20) Le même auteur écrit plus loin:
« Nous aussi qui avons autour de nous une telle nuée de témoins, rejetons tout fardeau et
le péché qui sait si bien nous entourer, et courons avec endurance l'épreuve qui nous est
proposée, les regards fixés sur celui qui est l'initiateur de la foi et qui la mène à son
accomplissement, Jésus, lui qui, renonçant à la joie qui lui revenait, endura la croix au
mépris de la honte et s'est assis à la droite du trône de Dieu. Oui, pensez à celui qui a
enduré de la part des pécheurs une telle opposition contre lui, afin de ne pas vous laisser
accabler par le découragement » ... (Heb.12.1-3)
En cette année de la vie consacrée, ce message concerne au premier chef chacun de nous.
A nous de le faire entendre.
Georges AUDUC