lorsque l`enfant parait. le mampreneuriat : une reponse
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lorsque l`enfant parait. le mampreneuriat : une reponse
LORSQUE L’ENFANT PARAIT. LE MAMPRENEURIAT : UNE REPONSE ENTREPRENEURIALE AUX OPPORTUNITES ET CONTRAINTES DE LA MATERNITE ? Aude d’Andria Maître de Conférences en gestion Université d’Evry Val d’Essonne L@rem, CEDAG-Gestion [email protected] Katia Richomme-Huet MCF HDR, Professeur Associé Euromed Management Ecole de Marseille CEMM-GRIDS, CEREFIGE [email protected] 7ème Congrès de l’Académie de L’Entrepreneuriat et de l’Innovation Paris, 12-15 octobre 2011 0 LORSQUE L’ENFANT PARAIT. LE MAMPRENEURIAT : UNE REPONSE ENTREPRENEURIALE AUX OPPORTUNITES ET CONTRAINTES DE LA MATERNITE ? Résumé : La recherche porte sur le mampreneuriat, prédéfini contextuellement comme le fait, pour une femme, de devenir entrepreneur au cours de sa grossesse ou dans la période préscolaire de l’enfant. A partir d’une étude exploratoire menée auprès de quatre cas de mampreneurs, la contribution met en avant le processus entrepreneurial de ces femmes et plus particulièrement les liens entre maternité et création d’entreprise (double gestation). Les premiers résultats tendent à montrer que la maternité est un facteur de motivation entrepreneuriale servant à la fois de contexte et de catalyseur à l’émergence et/ou à la détection d’une opportunité d’affaires. Mots clés : Entrepreneuriat, Entrepreneuriat féminin, Mampreneuriat, Maternité. Véritable phénomène de société, les « Mampreneurs » (« Mompreneurs » ou « Mumpreneurs » en anglais) connaissent un développement spectaculaire partout dans le monde. Bien qu’il n’existe pas de définition officielle de ce néologisme, être mampreneur peut être préalablement défini comme le fait, pour une femme, de devenir entrepreneur au cours de sa grossesse ou dans la période préscolaire de l’enfant. Pourtant, comme le rapporte The Times, « it seems counterintuitive to want to take on new challenges when you are getting no sleep and having to pander to the unreasonable requirements of a tiny despot 24/7, but the statistics speak for themselves» (The Sunday Times, 30 mars 2008). Apparu à la fin des années 1990, d’abord au Canada puis aux Etats Unis, ce mouvement de l’entrepreneuriat féminin recenserait de l’ordre de 6 à 7 millions d’adeptes outre-Atlantique (Froger, 2010). Et, bien que les chiffres et les études manquent encore pour en comprendre l’ampleur, il semble aujourd’hui acquis que les mamans entrepreneurs sont une réalité incontournable du monde entrepreneurial. En Grande Bretagne, plus d’un tiers des femmes entrepreneurs ont moins de 30 ans et les deux tiers d’entre elles auraient démarré leur entreprise avec des enfants âgés de moins de deux ans (The Sunday Times, 30 mars 2008). Concernant la France, ce phénomène serait également « en train de changer le paysage des affaires au féminin ». « Championnes de la natalité en Europe », avec un taux record de fécondité de 2,01 enfants (Insee, 2010), les françaises sont « parmi les femmes les plus 1 actives d’Europe avec un taux d’activité de plus de 80% pour les mères d’un enfant », affirmant régulièrement leur volonté « de ne renoncer à aucun de leurs rôles » (http://www.aufeminin.com/mompreneurs/). L’arrivée d’un enfant n’est pas sans bouleversement tant dans la vie familiale - dite vie privée - que dans la vie professionnelle d’une femme. Période ponctuée de doutes et d’espérances, l’attente et l’accueil de l’enfant s’accompagnent chez la femme (mère ou future mère) d’acceptations, de renoncements et d’envies de changements qui peuvent aussi se traduire par des retombées entrepreneuriales. Pour autant, cette thématique spécifique des mampreneurs ne semble pas encore avoir atteint la sphère des chercheurs, il est vrai déjà minoritaire en entrepreneuriat au féminin (de Bruin, Brush et Welter, 2006 et 2007 ; Brush, de Bruin et Welter, 2009). C’est pourquoi, il nous apparaît important de contribuer à défricher, dans le domaine de l’entrepreneuriat féminin, les liens entre la maternité et la création d’entreprise. Notre problématique s’articule alors autour de la question de savoir en quoi et comment la maternité peut-elle constituer un facteur de motivation entrepreneuriale ? Pour répondre à ce questionnement, nous établissons dans une première partie un état des lieux pour comprendre l’émergence du mampreneuriat. Puis, dans une deuxième partie, nous développons notre méthodologie exploratoire et présentons le terrain. Enfin, dans notre troisième partie, nous discutons et mettons en perspective les résultats afin de proposer les pistes de futures recherches. 1. CONTRIBUTION À UNE COMPRÉHENSION DU PHÉNOMÈNE DE MAMPRENEURIAT Afin de comprendre l’émergence d’un phénomène dans l’entrepreneuriat, il convient de le contextualiser (Welter, 2011). C’est pourquoi, nous allons tout d’abord présenter le contexte général de l’entrepreneuriat au féminin puis celui de la maternité. Ensuite, nous ancrerons l’étude du mampreneuriat comme une déclinaison dans l’entrepreneuriat féminin. 1.1 Le contexte de l’entrepreneuriat féminin, entre volonté et nécessité Dans l’ensemble, tous pays confondus, il est constaté une augmentation régulière de l’entrepreneuriat au féminin depuis plus de trente années avec des disparités plus ou moins fortes selon les pays (GEM, 2007). Subséquemment, entreprendre au féminin recouvre une diversité de réalités concernant les femmes entrepreneurs (Bird et Brush, 2002; Cornet et Constantinidis, 2004 ; De Bruin et al., 2006, 2007). Cornet et Constantinidis (2004) montrent notamment qu’une approche système s’impose pour prendre en compte non seulement l’ensemble de leurs réalités socio-économiques et culturelles mais aussi une certaine 2 compréhension des interactions permanentes entre leurs vies quotidiennes tant familiales que professionnelles. A cela elles ajoutent également la nécessité de faire « un détour par la réalité du marché du travail et le statut des femmes salariées (le plafond de verre [étant] pour les plus qualifiées, un moteur de l’entrepreneuriat) » (Cornet et Constantinidis, 2004 :192). Mais bien que les femmes en aient les compétences, les connaissances et les capacités, il demeure une forte différence en défaveur de l’entrepreneuriat féminin (GEM, 2010). Les explications, couramment mises en avant, sont souvent liées aux coutumes et aux perceptions culturelles prégnantes dans chacun des pays, si bien que c’est alors tout autant par volonté que par nécessité que les femmes entreprennent (GEM, 2007). En effet, suite aux travaux de Shapero et Sokol (1982), les auteurs retiennent l’existence de facteurs « pull » et « push » qui influencent le passage à l’entrepreneuriat (Orhan and Scott, 2001 ; Alstete, 2003 ; Allen, Elam, Langowitz et Dean, 2007). Ainsi, les facteurs négatifs (« push ») de la création d’entreprises déterminent une nécessité de devenir entrepreneur pour échapper au chômage, à une impossibilité de trouver un emploi à cause d’une discrimination, quelle qu’elle soit, à une insatisfaction liée à son emploi présent, à un besoin de gagner de l’argent pour vivre. A contrario, les facteurs positifs (« pull ») renvoient à une volonté de se réaliser suite à la fin de ses études, à la saisie d’une opportunité d’affaires (Short, Ketchen, Shook et Ireland, 2010) ou à une envie ancienne non encore exploitée. Selon des études américaines (notamment issues du Center for Women’s Leadership du Babson College), les motivations des femmes à entreprendre reposent en priorité sur la recherche de satisfaction et d’épanouissement personnels (Belcourt, 1990 ; Buttner et Moore, 1997 ; Mattis, 2000 ; Lambrecht, Pirnay, Amedodji et Aouni, 2003 ; GEM, 2007), plutôt que pour réagir à une situation liée à des difficultés personnelles ou professionnelles. Par exemple, « l’idée d’une activité à développer, la rencontre d’associés potentiels mais également l’association au projet d’un conjoint ou d’un autre membre de la famille sont des éléments déclencheurs » (Fouquet, 2005 : 37). Au-delà, c’est la possibilité de gagner en flexibilité qui pousse les femmes à démarrer leur propre entreprise, alors que la création d’entreprise est réputée pour être consommatrice en temps et pour brouiller les limites vie professionnelle/vie privée. Concernant le secteur d’activité, trois caractéristiques ont été repérées comme : la dimension « féminine » de l’activité domestique au sens large (comme les soins à la famille, l’éducation, l’esthétique …), des qualités requises du genre féminin (le sens de l’écoute, l’imagination, le sens du détail…), des barrières peu élevées à l’entrée, notamment au niveau financier et des compétences techniques (Duchéneaut et Orhan, 2000). En ce sens, l’entrepreneuriat au féminin serait davantage vu comme un moyen alternatif dans 3 lequel les possibilités s’imbriquent dans la vie d’une femme et par rapport à ses expériences (de Bruin et al. 2007). Dans ce cadre, la maternité s’inscrit assez naturellement dans ce temps fort en expériences dans la vie d’une femme. 1.2 L’environnement politique et social comme facteur de freins et d’encouragements à l’entrepreneuriat féminin et à la maternité En toile de fond, les politiques nationales expliquent pour une part les écarts observés entre les hommes et les femmes dans le monde entrepreneurial. Dans le rôle du meilleur élève, les Etats-Unis ont su mettre en place dès les années 1970 des politiques offensives pour développer l’entrepreneuriat féminin. Nous retiendrons notamment la loi américaine de 1974 interdisant la discrimination entre les sexes dans l’attribution des crédits bancaires (« Equal Credit Opportunity Act »), de même que la création d’une association très active des femmes chef d’entreprises dès 1975 (le NAWBO, « National Association of Women Business Owners »). A l’opposé, les pays émergents favorisent depuis peu le microcrédit pour les femmes (McLymont, 2008), améliorant ainsi le passage du secteur informel au secteur formalisé. Mais dans l’ensemble des pays développés, l’influence structurelle des politiques nationales apparait encore plutôt comme un facteur négatif, malgré une prise de conscience de la plupart des institutions. Ainsi, d’après Stevenson (2006) ou selon le recensement de Carrier, Julien et Menvielle (2006), les femmes entrepreneurs rencontrent des obstacles communs comme : le manque de financement de démarrage ; le manque de compétences en gestion et le manque d’accès aux possibilités de réseaux d’entreprises ; le manque de soutien ou de reconnaissance physique, moral ou psychologique du milieu ; le manque de possibilités pour en apprendre davantage sur les questions pratiques du démarrage, de la survie et de la croissance de leur propre entreprise ; le manque de services de garderies adéquats ; le manque de sensibilisation parmi les jeunes femmes envers l’entrepreneuriat comme choix de carrière ; les contraintes personnelles notamment l’arbitrage entre vie privée et vie professionnelle avec souvent un manque de soutien du conjoint. Or, à ce contexte peu favorable à l’encouragement (ou à la promotion) de l’entrepreneuriat féminin, comme l’évoquaient déjà les travaux pionniers de Belcourt (1990), vient se surajouter celui de la maternité. Selon les pays, la maternité est plus ou moins favorisée par les pouvoirs publics en fonction de la place et du rôle de chacun des membres dans la famille. Ainsi, en Allemagne, en Espagne, en Italie, et également en France, la famille serait aménagée selon le modèle du « male breadwinner », c’est-à-dire comme une « communauté d’assistance et d’éducation [où] la femme y [tient] le rôle de mère et de femme au foyer en charge de l’éducation des 4 enfants, tandis qu’il [revient] à l’homme (l’époux) de subvenir aux besoins du ménage » (Kleinert, 2010 :15). En contrepartie, l’Etat social pourvoit à une certaine protection de la femme par une législation incitatrice (devoir d’assistance entre conjoints, régime fiscal spécifique…). Dans le même temps, il limite, selon les pays, les infrastructures publiques d’accueil des enfants de moins de trois ans. Comme le souligne d’ailleurs le dernier rapport de la commission européenne (2008), « les services de garde d’enfants dans les pays de l’UE ne répondent pas aux besoins des parents, malgré quelques progrès (et notamment celui très remarqué de la France) mais il reste beaucoup à faire pour atteindre un niveau d’offre satisfaisant, en particulier pour l’accueil des enfants de moins de trois ans ». En complément, les politiques familiales contribuent financièrement au congé parental, (d’une durée potentielle de deux ou trois ans), avec parfois un revenu de remplacement lorsque les mères interrompent leur activité et prennent en charge leur jeune enfant (Thévenon, 2004). Bien que l’idée, longtemps partagée, que l’activité professionnelle des femmes (et notamment entrepreneuriale) aurait un impact négatif sur l’éducation des enfants, il a été montré que, les femmes travaillant de plus en plus et avec un succès grandissant, les conceptions de la famille, des identités de chacun et des rôles ont également évolué (Schindehutte, Morris et Brennan, 2003). Néanmoins, lors de la création de leur entreprise et selon leur position dans leur vie familiale (Dyer, 1994), les femmes vont trouver plus ou moins de soutien dans leur arbitrage entre vie privée et vie professionnelle. En effet, plus le mari (ou le compagnon) va prendre en charge les tâches du ménage, dites féminines, plus l’épouse entrepreneur va pouvoir libérer de temps pour son entreprise. A l’inverse, plus la femme sera considérée comme la gardienne du foyer (Unger et Crawford, 1992), moins elle sera relevée des tâches inhérentes. Dans les faits, et malgré des évolutions dans les mentalités et dans les pratiques, les femmes conservent la responsabilité des tâches domestiques, déséquilibre accentué par la naissance d’un enfant (Régnier-Loilier, 2009). En effet, la famille et l’entreprise (ou le travail en général) interagissent en de multiples endroits et créent des tensions, des conflits entre le rôle au travail et celui à la maison, des difficultés pour se relaxer après des doubles journées en une (Stoner, Hartman et Arora, 1990), voire des dilemmes lorsque l’entreprise croît (Schindehutte et al., 2003). Généralement, les conflits émergent autour de l’autonomie, de l’implication dans son travail, de la non-flexibilité de l’emploi du temps, de l’engagement dans la famille et/ou de la famille, du soutien informel et émotionnel trouvé par ces femmes (Parasuraman, Purohit et Godschalk, 1996). Pour toutes ces raisons, la maternité apparaît alors souvent encore comme peu propice à la création d’entreprise. 5 1.3 La prise en compte de la maternité comme un pilier de l’entrepreneuriat féminin Il faut attendre le modèle de Brush, de Bruin et Welter (2009) pour que la maternité devienne un des piliers du cadre de recherche sur l’entrepreneuriat féminin. Les auteures proposent ainsi d’enrichir le modèle actuel de la théorie entrepreneuriale. En effet, ce dernier se fonde uniquement sur les 3M, à savoir « Market, Money and Management » comme bases de la création de toute entreprise (Bates, Jackson et Johnson, 2007). Elles ajoutent deux dimensions, à savoir la maternité et le méso/macro environnement, deux M qui ont un impact sur l’activité entrepreneuriale des femmes (Cf. Figure 1). L’intérêt de ce modèle en 5 M est de fournir une approche intégrée de l’ensemble des facteurs qui gravitent autour du projet entrepreneurial des femmes en mettant en exergue l’encastrement social des femmes entrepreneurs et les multiples niveaux qui influencent leurs actions en entreprise. Figure 1 : Le modèle de l’entrepreneuriat féminin en 5 M (Brush, de Bruin et Welter, 2009) Selon elles, la maternité est une métaphore représentant le contexte familial, c’est-àdire le ménage au sens économique, qui influe plus sur les femmes que sur les hommes (Jennings et Mc Dougald, 2007), comme nous venons de le voir précédemment. De plus, en intégrant la dimension méso/macro de l’environnement, elles autorisent une prise en compte des enjeux et des contraintes qui vont au-delà du marché, tels que les attentes de la société et les normes culturelles (au niveau macro) et celles des institutions intermédiaires et régionales (au niveau méso). Evidemment si cet apport est fondamental, et comme le soulignent les 6 auteures, le M de maternité repose sur une conception de nature plutôt économique de la « maisonnée ». Il met donc l’individu, en l’occurrence la femme entrepreneur, en position de « collectif » par rapport à la fonction de maximisation de l’utilité conjointe du ménage. Ce faisant, il nous semble que le modèle minimise alors la dimension individuelle et personnelle bien réelle de la maternité dans la vie d’une femme et qu’il convient également d’intégrer. En effet, la maternité en tant que telle se définit autour de la gestation de l’enfant et de ses premières années, période particulière pour la femme qui, de fille devient mère. C’est un « processus psychique dynamique, enclenché par un phénomène biologique, la grossesse (…), étape [faite de] bouleversements [qui] se situent à la fois sur les plans biologiques (transformation du corps), psychiques et sociaux (passage de l’état de fille à celui de mère, qui entraîne de nombreux changements dans les rapports avec le corps familial et social) » (Poizat, 2003 : 128). Il peut également s’agir de « maternalité » au sens de Racamier (1961), c’est-à-dire un ensemble de processus psycho-affectifs qui se développent chez une femme à l’occasion de ses maternités successives. Dès lors, c’est bien souvent parce qu’elle est contrainte à des réorganisations tout autant matérielles (et notamment dans la sphère privée) qu’immatérielles (le rapport au temps, à soi, aux autres…), que la femme engage un processus entrepreneurial. L’étude du mampreneuriat consiste donc à venir compléter d’une « nouvelle » dimension (Nel, Maritz et Thongprovati, 2010) le champ de l’entrepreneuriat féminin et, plus particulièrement, le pilier de la maternité dans son registre plus physiologique et temporel : la période de la grossesse et des soins au très jeune enfant. Dans le contexte français, le mampreneuriat reste encore discret mais la création en 2009 de deux associations de mampreneurs commence à donner une visibilité à ce phénomène. Il ne s’agit donc pas d’étudier un statut ou une profession mais un état temporaire avec des réalités multiples et des attentes variées dans cette première étape exploratoire et descriptive. 2. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE L’objectif de notre recherche est d’explorer l’émergence du mampreneuriat comme nouvelle réalité sociale en matière d’entrepreneuriat féminin. Nous cherchons ici à mieux cerner les intentions et les motivations qui ont poussées des mères (ou futures mères) à se lancer dans un processus entrepreneurial. En donnant du sens à leurs vécus et leurs expériences (Allard-Poési et Maréchal, 1999), il s’agit de produire à terme de nouvelles connaissances dans le corpus de l’entrepreneuriat féminin. 7 2.1 Le choix des études de cas : une méthode appropriée à l’exploration Il n’existe pas, à notre connaissance, dans la littérature académique, d’études du phénomène du mampreneuriat, hormis l’article de Nel et al. (2010), consacré à trois études de cas de mumpreneurs en Australie. En revanche, plus pragmatiquement, nous avons accès à de très nombreuses sources issues des mampreneurs elles-mêmes. Il s’agit, selon les cas, d’ouvrages pratiques ou des sites internet dédiés sur lesquels elles racontent leur « aventure », échangent conseils et bonnes pratiques. A l’origine, l’histoire de la première mampreneur est celle de la canadienne Sandra Wilson. En 1994, cette hôtesse de l’air perd son emploi suite à un licenciement et se retrouve à la maison avec son fils âgé de 18 mois. Pour lui, elle va avoir l’idée et l’envie de fabriquer une paire de chaussures en cuir, très colorée et à semelle souple ; les chaussures Robeez étaient nées. De fil en aiguille, de succès en plébiscite d’abord auprès des ses amies, Sandra Wilson décide de créer son entreprise : Robeez Footwear. Celle-ci va connaître une croissance extraordinaire. Dès 1995, Sandra embauche son premier représentant, puis se lance sur Internet. Le bouche à oreille, puis les recommandations des pédiatres feront le reste. Aujourd’hui, l’entreprise Robeez emploie 400 employés, vend ses chaussures dans 4 500 magasins dans le monde entier et réalise un chiffre d’affaires de plus de 15 millions de dollars. Pendant une dizaine d’années, Sandra Wilson a su faire grandir son entreprise en créant de nouvelles gammes et en pénétrant de nouveaux marchés. Finalement, Robeez Footwear est devenue leader international de la fabrication de chaussures en cuir à semelle souple pour nouveaux nés et enfants jusqu’à 4 ans. Elle a fait l’objet d’un rachat en septembre 2006 par le groupe Stride Corporation, acteur incontournable des chaussures de marque (http://www.robeez.fr/fr-fr/about/sandra.htm). Dès lors, le manque de littérature sur le phénomène plaide en faveur d’une recherche qualitative à caractère exploratoire. Il a été retenu de procéder dans une logique de nature inductive (Eisenhardt, 1989 ; Richards, 2009) en nous appuyant sur la technique de l’étude de cas puisqu’il s’agit d’étudier, « un phénomène contemporain au sein de son contexte réel lorsque les frontières entre phénomène et contexte ne sont pas clairement évidentes » (Yin, 1990 : 17). 2.2 Le recueil des données Etant donné l’inexistence de fichier officiel répertoriant les mampreneurs ou de statistiques fiables, nous avons réalisé notre propre exploration en investissant Internet. 8 Plusieurs raisons ont conduit à ce choix. Tout d’abord, nul ne peut ignorer aujourd’hui que le web est un outil extraordinaire d’information et de communication et qu’il constitue un formidable espace d’échanges plus ou moins interactifs entre ses utilisateurs, notamment à travers l’explosion des réseaux sociaux. De plus, il convient très précisément à notre terrain de recherche, puisqu’à une situation de quasi cloisonnement de femme lors des derniers mois de la grossesse et des premiers moments de la naissance, les outils de la technologie de l’information et de la communication apportent une ouverture inespérée. Ensuite, la diffusion massive des technologies sur le web ces dernières années favorise la saisie d’opportunités d’affaires et d’idées nouvelles se traduisant notamment par un développement exponentiel du e-commerce et la montée en puissance d’un cyberentrepreneuriat (Carrier, Raymond et Eltaief, 2002 ; Dang Nguyen et Mevel, 2007 ; FEVAD, 2009). Enfin, l’usage d’Internet en matière d’entrepreneuriat est une réponse appropriée en termes de veille informationnelle et stratégique, voire dans certains cas dans la mise en œuvre de dispositifs d’intelligence économique (Revelli, 2000 ; Richomme-Huet et d’Andria, 2010). Les cas sont issus d’un regroupement de différentes informations issues de sites officiels dédiées aux mampreneurs, d’un suivi de leurs blogs et forums. En effet, dans le contexte français, il existe un réseau des mampreneurs organisé à l’heure actuelle autour de deux associations : l’association Mampreneur, les mompreneurs françaises (http://www.lesmompreneurs.com/) avec plus de 430 adhérentes et un réseau qui compte à ce jour de l’ordre de 2000 membres et l’association Mompreneurs de France (http://www.mompreneurs.fr/). Créées l’une et l’autre en 2009, elles ont des actions plutôt complémentaires dans le paysage émergeant du mampreneuriat. Pour la première, il s’agit plus de développer des actions de proximité entre les membres. Pour ce faire, elle s’appuie sur son réseau en ligne (avec ses blogs et ses forums de discussion, ainsi qu’une forte présence sur des réseaux sociaux, notamment sur Facebook) et sur l’organisation de réunions et de rencontres en présentiel. La seconde association vise plus à promouvoir et à encourager l’entrepreneuriat au féminin et, plus particulièrement des mères entrepreneures, au moyen d’actions de lobbying auprès de la communauté des décideurs. Nous avons également procédé à un recoupement des informations à partir de la lecture sur le net de très nombreuses coupures de presse et d’articles issus de la presse féminine, entrepreneuriale et/ou managériale afin de procéder à une triangulation des données (Jick, 1979 ; Stake, 1995). Au total, quatre cas ont été sélectionnés en fonction de leur mise en avant médiatique et du caractère quasi exhaustif des informations collectées que nous 9 avons pu recouper. Ce nombre nous semble adapté à notre objectif de recherche dans une logique de découverte puisqu’il s’agit d’explorer de nouvelles pratiques. 2.3 La présentation des cas Compte tenu de la démarche, nous avons recueilli un volume documentaire important, difficile à retranscrire dans son intégralité. Nous présentons en conséquence une synthèse des cas sélectionnés, tous français. Cas n°1 : Margaret Milan, fondatrice de Eveil & Jeux Ce cas conjugue deux histoires singulières et entremêlées, celle de la fondatrice et celle d’une entreprise au destin particulier. Ne trouvant pas les jouets et les jeux qu’elle aurait souhaités pour ses deux filles, Margaret Milan a créé en 1989 le premier catalogue de vente de jeux et de jouets alliant valeurs ludiques et pédagogiques. La légende raconte les débuts dans le garage familial, les tests des produits avec une petite équipe de mères, le premier catalogue artisanal noir et blanc de 12 pages, les commandes et l’immense succès (http://www.europeanpwn.net/index.php?article_id=983). Son mari, responsable dirigeant dans une grande entreprise internationale, la rejoint à la tête de l’entreprise cinq années plus tard en 1995. « Il est arrivé dans l’entreprise à un moment où nous avions confiance dans notre modèle économique (…). Son premier travail [a été] de lever des fonds (…). Pour lui, c’était un pari courageux. Il était le premier homme de l’entreprise, c’était un choc culturel » (http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/entreprendre-articles-section/saga/153-margaretmilan-lentrepreneuriat-contagieux). En 2001, l’entreprise Eveil & Jeux est vendue à la Fnac, propriété du groupe PPR (Pinault Printemps Redoute). D’abord écartés de la direction, puis rappelés à la tête de l’entreprise, Margaret Milan et son époux conduiront avec succès en 2010 le rachat d’Eveil & Jeux par IG group (Jacadi, Okaïdi), spécialiste du marché de l’enfance. A cette date, Eveil & Jeux comptait plus de 600 salariés, 40 magasins en France, avec un chiffre d'affaires de 127 millions d'euros. Par ailleurs, femme et entrepreneur convaincue, Margaret Milan a initié dès 1996 le premier réseau de femmes cadres supérieurs et entrepreneurs en Europe, dénommé EPWN (European Professionnal Womens’s Network). Parallèlement à la gestion d’Eveil & Jeux, elle est la marraine de nombreuses associations dont « Mompreneurs » et à l’origine de la Fondation Eveil & Jeux créée en 2000 qui soutient des projets alliant culture et ludisme au service d’enfants issus de populations défavorisées. 10 Cas n°2 : Anne Laure Constanza, fondatrice d’Envie de Fraises Moins spectaculaire peut être mais tout aussi prometteuse est l’histoire de la création de l’entreprise Envie de Fraises (http://www.enviedefraises.fr). Tout s’est passé pour AnneLaure Constanza pendant son congé de maternité. « L’idée a germé quand j’étais enceinte de mon premier enfant. A l’époque, j’avais déjà créé une société de conseil spécialisée dans la Chine et je vivais entre Pékin et Paris. Désireuse d’offrir un environnement plus stable à mon enfant, j’avais envie de changer d’activité, sans pour autant vouloir retrouver une activité salariée. Je surfais alors beaucoup sur Internet, et notamment sur les sites de vêtements de grossesse, mais je trouvais l’offre plutôt pauvre, soit peu valorisante, soit très chère. C’est alors que j’ai eu l’idée de créer un site proposant à la fois de l’information et des produits, ces derniers devant être basiques, de bonne qualité et pas trop chers. Avec une particularité : je ne me contentais pas de vendre les produits des autres, mais créais ma propre ligne de vêtements » (http://www.netpme.fr/temoignages/71-anne-laure-constanza-fondatrice- dirigeante-enviedefraises-fr.html). En 2006, l’année de ses 30 ans, elle met au monde deux bébés : son fils et sa société Envie de Fraises, une boutique en ligne pour femmes enceintes. Elle se rappelle: "Quand j’ai voulu lever des fonds début 2007, les banquiers me regardaient comme si j’étais en plein délire postnatal, j’en ai vraiment souffert!". Aujourd’hui, nommé meilleur espoir du ecommerce, le site Envie de Fraises est déjà une belle réussite du web. Avec 11 salariés, des sous-traitants en grande majorité européens et un CA de 3 millions d’euros, Envie de Fraises est leader en France de la vente de vêtements de maternité sur internet et compte parmi ses clientes nombre de mamans stars. L’élan n’est pas près de retomber puisque c’est elle qui a créé en 2009 Mompreneurs, l’association qui encourage l’entrepreneuriat des jeunes mères et a initialisé le prix éponyme avec une première édition la même année au Salon des microentreprises. Elle annonce pour 2011 l’arrivée d’un troisième enfant. Cas n°3 : Céline Fénié, fondatrice de Maman Shopping Enceinte de son deuxième enfant, Céline Fénié démissionne de son poste de cadre. Pour elle, sa vie professionnelle en entreprise n’est plus en adéquation avec son projet de vie tout court. « Avec deux enfants en bas âge, on m’a bien fait sentir que je n’étais plus dans le groupe des personnes qui avaient un avenir (…) A partir du moment où vous ne pouvez pas rester au bureau après 19H, où vous demandez votre mercredi, où vous êtes parfois absente car les enfants sont malades, cela devient difficile d'évoluer et de faire carrière ». Sa 11 formation en école de commerce et son expérience de sept années dans le marketing (notamment sur internet) seront des atouts majeurs dans la réussite de son entreprise. En 2007, elle fonde « Maman Shopping », un site de e-commerce avec des produits innovants pour faciliter la vie des mamans. Toujours à l’affût de nouveautés venant du monde entier, elle teste avec son équipe des nouveaux produits bien souvent inventés par des mamans (http://www.mamanshopping.com/). Lorsqu’elle crée son blog « maman et entrepreneuse » en 2008, elle se rend vite compte des similitudes vécues par d’autres femmes et mamans (ou futures mamans) créatrices d’entreprise comme elle. Elle décide de créer alors les premières rencontres de MamCafé, d’abord sur Paris puis en région, constituant le socle du premier réseau des mampreneurs en France. Pour elle, c’est un peu pour « éviter d'être mise au placard que sont nées les Mampreneurs ». Aujourd’hui, à 33 ans, Céline Fénié est mère de quatre enfants, à la tête d’une entreprise en pleine expansion et présidente de la première association de mampreneurs. Fondée sur le partage et l’entraide, son réseau rassemble des mampreneurs impliquées, désireuses de réussir un arbitrage harmonieux entre leurs vies familiale et professionnelle (http://www.les-mompreneurs.com/index.php? option=com_content&view=article&id=11&Itemid=18). Cas n°4 : Ségolène Finet, fondatrice de MamaNANA Sur son site MamaNANA, Ségolène Finet se présente comme : « Maman de trois petites filles de 9 et 6 ans et presque 2 ans, je suis aussi chef d'entreprise : après une carrière dans le marketing et l'industrie du logiciel, j'ai fondé MamaNANA avec mon cher et tendre époux (www.mamanana.com). Cette française, mariée à un américain, est l’ancienne directrice stratégie produits du grand groupe informatique People Soft racheté par Oracle. Après un MBA à l’université de Berkeley, elle commence sa carrière en Californie dans la Silicon Valley comme directrice des RH. Envoyée en Europe dès 2001, elle commence un parcours de cadre de direction à l’international. A l’arrivée de sa deuxième fille, elle est en poste en France (http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/Maman-et-patronne-c-est-possible212407/). Il se passe alors une sorte de déclic tant personnel que professionnel. D’un coté, elle ne trouve pas le matériel et les vêtements confortables et chics permettant un allaitement sans souci et dont elle avait eu l’usage pour son premier enfant lorsqu’elle était en poste aux Etats Unis. De l’autre coté, elle commence à vouloir « voir grandir ses enfants ». Fatiguée, « des horaires trop lourds et décalés, et de ses longs déplacements », elle décide en accord avec son époux de créer son entreprise : une boutique de e-commerce dédiée à la mode prénatale et crée son site en juin 2005. L’idée était la bonne et le marché présent puisque 12 MamaNANA annonce plus 770.000 euros de chiffre d’affaires en 2009. Cette entreprise emploie 3 salariés (en plus de ses deux fondateurs) et ambitionne sereinement de passer à 1 million d’euros de CA pour 2010. 3. ANALYSE DES RÉSULTATS ET DISCUSSION Nous proposons une mise en perspective de nos résultats afin de mettre en exergue les points saillants, les similitudes ou les particularismes de chacun des quatre parcours suivis par les mampreneures de notre étude. 3.1 Un parcours individuel antérieur : le cumul de l’activité professionnelle et de la vie familiale Il a été constaté que ces quatre mampreneures sont toutes des femmes d’une trentaine d’années, avec un niveau d’études supérieures de type école de commerce et une expérience professionnelle avec des responsabilités. D’après leurs propos, elles semblaient assumer « aisément » leur activité professionnelle et leur vie familiale (Cf. Tableau 1). Tableau 1 : Les caractéristiques individuelles des mampreneures CAS Prénom Nom Nom de l’entreprise Cas n°1 Margaret Milan Cas n°2 Anne Laure Constanza Cas n°3 Céline Fénié Cas n°4 Ségolène Finet Eveil & Jeux Envie de fraises Maman shopping MamaNANA Française (d’origine écossaise) mariée à un français Diplômée d’Harvard Française Française Française mariée à un américain Ecole de commerce Ecole de commerce MBA Berkeley Age Trentaine 30 ans 30 ans Trentaine Maternité ou Maternalité (au début du processus entrepreneurial) 2 enfants en bas âge Enceinte du 1er enfant Enceinte du 2ème enfant Enceinte du 2ème enfant Nationalité Formation Cependant, l’arrivée de l’enfant (selon les cas du 1er ou du 2ème) va les amener à reconsidérer leur avenir et notamment l’équilibre professionnel et personnel qu’elles avaient construit. Ceci est tout à fait en phase avec les résultats de Meurs, Pailhé et Ponthieux (2010) qui montrent que les femmes trentenaires cumulent activité professionnelle et vie familiale mais que néanmoins l’arrivée d’un enfant marque une rupture dans leur trajectoire 13 professionnelle (avec généralement une diminution de l’activité, un temps partiel et des difficultés de promotion). Cela se traduit également par un retrait temporaire sur le marché du travail puisque un quart des mères déclarent être inactives, au chômage ou en congé parental dans les 12 mois qui suivent la naissance (Pailhé et Solaz, 2007). En outre, il est à noter que le nombre d’enfants a un impact réel dégressif sur l’activité salariale puisque si 83% des femmes continuent de travailler pour le premier enfant, elles ne sont plus que 64% en activité pour le deuxième et seulement 43% avec un troisième (Minni et Moshion, 2010). En d’autres termes, comme le signifiait déjà Racamier (1961), la « maternalité » favorise donc bien tout à la fois la sortie des femmes du salariat, l’apparition ou le renforcement des conditions d’emploi plus précaires et, subséquemment, une respécialisation des femmes vers la responsabilité familiale et domestique. En outre, les femmes de notre étude disposent d’excellents diplômes et mènent des carrières ou des activités qui semblent leur apporter de réelles satisfactions, elles font alors face à des forces contraires. « Désireuse d’offrir un environnement plus stable à mon enfant, j’avais envie de changer d’activité, sans pour autant vouloir retrouver une activité salariée » (Cas n°3). Aussi, tandis qu’elles conservent un rapport positif vis-à-vis de l’entreprise qui les emploie ou du monde du travail, elles hésitent néanmoins à sacrifier leur vie personnelle pour leur carrière : « j’avais envie de voir grandir mes enfants, (…) j’étais fatiguée des horaires trop lourds et décalés » (Cas n°4). 3.2 Des facteurs motivationnels déclencheurs : entre la « push » et la « pull » théorie Dans notre étude, il semble que les quatre mampreneurs passent par des phases négatives puis positives tout au long de l’avancée de leur maternité et de ses suites ce qui les conduit à prendre conscience des changements personnels et professionnels qui les affectent. Cette période particulière (de la gestation à la période post natale) les conduit à s’interroger à la fois sur leur souhait de carrière, sa gestion et son orientation et sur l’arbitrage futur à donner (entre la vie privée et professionnelle) tout en se concentrant sur l’essentiel du moment : l’enfant. Autrement dit, le contexte de la maternité favorise la prise de recul et les bilans de compétences. Face à la naissance, ressurgissent les doutes et des interrogations sur la capacité à réussir, la confiance en soi…. Mieux, il permet d’envisager la création de l’entreprise comme une potentialité tout à fait réalisable. « L’arrivée de mon enfant a décuplé ma force intérieure » (Cas n°2). Evidemment, il ne s’agit pas d’une réaction immédiate pour répondre à une déception salariale, mais plus d’un processus lié à une double gestation : neuf mois pour le bébé et une période plus ou moins longue pour l’entreprise. « A 30 ans et 2 14 enfants, l’heure du 1er bilan : une vie personnelle épanouie, mais une vie professionnelle qui n’était plus en adéquation avec mes attentes depuis mes congés maternités (Cas n°2). Froger (2010) constate dans son ouvrage que beaucoup de mampreneurs passent à l’action au moment de leur retour dans l’entreprise, juste après leur grossesse. Au lieu de retrouver leur situation initiale, elles subissent un choc en s’apercevant qu’elles ne sont plus en phase avec le monde du travail « d’avant ». Pire, comme l’explique une jeune femme dans l’ouvrage de Froger (2010), « on m'a expliqué qu'une femme ayant des enfants était moins compétente. Moi je croyais avoir accouché d'un bébé, pas de mes neurones ». Ainsi, les mampreneures ont toutes en commun la maternité comme un facteur déclencheur « visible » et repérable dans leur temps. Dans une première phase, le processus entrepreneurial est presque la résultante face à une situation négative dans l’entreprise dans laquelle elles sont salariées. « Quand j’ai eu ma première fille et que j’ai repris mon travail après les trois mois de congé de maternité, j’ai eu envie de profiter davantage d’elle et de devenir mon propre patron. A ses 18 mois, j’ai lâché mon job et commencé à tester des idées de jouets dans mon garage » (Cas n°1). http://www.jobetmaman.com/article-entreprendre-aufeminin-margaret-milan-creer-projet-53667964.html. Puis, dans une deuxième phase, les mampreneurs semblent ensuite ouvertes à une volonté de répondre par une opportunité d’affaires et donc par un changement de carrière (Cas n°2, 3 et 4). Ce point d’inflexion est important puisque les facteurs « pull » conduisent à un plus grand succès (notamment financier) pour la structure créée (Amit et Muller, 1995). « Pour moi, c’est l’idéal, je travaille sur le web de chez moi et je peux caler mes horaires en fonction de ma vie perso, et je fais un métier passionnant (très prenant, mais très épanouissant) » (Cas n°3) (http://www.enviedentreprendre.com/2008/02/cline-fni---cra.html). Les quatre créatrices avaient donc toutes une carrière professionnelle satisfaisante et prometteuse avant de devenir mère. Mais lorsque l’enfant paraît, l’envie de mieux concilier les deux vies semble les attirer ensuite comme une évidence (Cf. Tableau 2). 15 Tableau 2 : Les motivations « Push » et « Pull » des mampreneurs CAS Situation professionnelle Cas n°1 Démission Cas n°2 En poste Service marketing chez Procter depuis 8 ans Créatrice et directrice d’une société de conseil Ne plus voyager autant et si loin (France-Chine) Motivations « push » Envie d’entreprendre un vrai projet familial Motivations « pull » Envie de s’occuper de ses enfants Envie de devenir son propre patron Cas n°3 Cas n°4 En poste En poste Service marketing Etre écartée des opportunités de promotion et évolution de carrière Trouver un environnement plus stable Envie d’être en adéquation avec son projet de vie Envie de changer d’activité mais pas de devenir salariée Envie de trouver une équilibre vie familiale /vie professionnelle Directrice stratégie produits de People Soft Fuir les horaires trop lourds ou décalés, et les longs déplacements Envie de monter sa propre entreprise pour "voir grandir ses enfants" 3.3 La maternité comme catalyseur de la détection d’opportunités d’affaires Il est indéniable que le processus entrepreneurial est présent chez les mampreneures et que la maternité va agir comme un catalyseur dans la détection de l’opportunité d’affaires. Aussi, nous retrouvons chez elles le cheminement qui conduit du rêve à la formulation de l’idée, de la détection à l’opportunité d’affaires. Celle-ci se définit comme « une idée ou un rêve qui est découvert ou créé par une entité entrepreneuriale et qui au cours du temps et après analyse se révèle être potentiellement lucratif » (Short et al., 2010). Comme le soulignent Chabaud et Ngijol (2010), l’opportunité d’affaires nécessite d’intégrer la logique de la dynamique temporelle avec des phases plus ou moins bien identifiées. Cela passe évidemment par la détection puis la formulation d’une idée tout en sachant que le lien entre le produit ou le service et la cible commerciale est souvent largement inconnu. « A ma grande surprise, c’est à l’occasion de ma deuxième grossesse que j’ai découvert qu’en France, les produits et vêtement liés à ma maternité étaient quasi inconnus (…) Avec mon mari, on a décidé que cela ne pouvait plus durer ! (…) à nous de leur proposer les vêtements, les coussins et les accessoires qui existent déjà dans bien d’autres pays » (Cas n°4) (http://www.mamanana.com/petite-histoire-mamanana-a-22.html). Le tableau 3 synthétise pour chacun des cas le processus d’opportunité d’affaires avec un lien très fort entre la gestation et la création tant de l’enfant que de l’entreprise (Cf. Tableau 3). 16 Tableau 3 : Opportunités d’affaires : le couple gestation / création CAS Découverte de l’idée d’affaires Evaluation de l’idée d’affaires Cas n°1 Cas n°2 Cas n°3 Processus de saisie de l’opportunité Cherche et ne trouve pas les jeux adaptés à ses enfants / projet éducatif Cherche et ne trouve pas des habits chics et pas trop chers pour femmes enceintes Cas n°4 Volonté d’aider la vie des mamans (modernes) avec des produits pratiques Regrette de ne pas trouver les habits et matériels liés à l’allaitement 1er Catalogue Essai et utilisation Création d’un blog Partage avec des « artisanal » de son réseau Création d’un amies Test produits chinois réseau groupe de parents Mise en relation du produit ou service avec la cible commerciale Secteur / Cible Jeux/Loisirs Enfance Habillement Femme enceinte Divers Mère active Habillement Femme enceinte et allaitante Produits / services proposés Création d’un catalogue de jeux ludiques et éducatifs Création de lignes de vêtements pour femmes enceintes Création d’un site de e-commerce de produits innovants et inédits sur le marché français Création d’un site de e-commerce spécialisé dans les vêtements prénataux et maman allaitante e-commerce Vecteur de diffusion Stratégie CA 2010 Effectif Maternité Maternalité (2010) Magasins e-commerce e-commerce et e-commerce Réalisations : bilan et perspectives Vente à un groupe 127 millions € 600 2 enfants Age NC En croissance 3 millions € 12 2 enfants : 5 / 2 ans Enceinte du 3ème En croissance NC* NC 4 enfants : 7 / 4 ans et jumeaux < 1an En croissance 850 000 € 5 3 enfants : 9 / 6 / 2 ans (*) NC : Non communiqué. De plus, comme nous le remarquons à travers les cas, les mampreneures ont su mobiliser leur réseau pour tester et amplifier l’opportunité qu’elles avaient su découvrir. Ainsi, en fonction de la nature des liens avec la famille et/ou les proches (liens forts) ou avec des relations professionnelles (liens faibles), le projet transformera l’idée en opportunité d’affaires. Concrètement, nos créatrices font appel à un soutien appuyé de leurs proches : le mari (cas n°1 et n°4) et le réseau d’amis ou de parents qu’elles ont su faire adhérer à leur démarche (cas n °1 et n°3). Dès lors, elles ne sont pas des entrepreneurs isolés et privilégient les liens forts pour rechercher les informations ou acquérir des ressources dont elles ont besoin. Appliqués au contexte du mampreneuriat, nous retrouvons ici les résultats de Chabaud et Ngijol (2010) sur l’influence des réseaux sociaux des entrepreneurs ainsi que 17 ceux de Jack et Anderson (2002) et Jack (2005) s’inscrivant dans l’étude d’opportunités sans contenu innovant en dehors du seul contexte local. Conclusion En définitive, si le champ de l’entrepreneuriat a longtemps fait débat, et notamment dans le monde anglo-saxon, il semble se rassembler aujourd’hui autour d’une approche intégratrice (Chabaud et Messeghem, 2010), dans laquelle l’entrepreneuriat s’intéresse à tous ceux - et celles - individus et organisations, qui découvrent, évaluent et exploitent des opportunités à mettre sur des nouveaux marchés de biens et de services (Shane et Venkataraman, 2000 ; Venkataraman, 1997). Phénomène encore en émergence, le mampreneuriat ouvre de nouvelles perspectives de recherches venant compléter les travaux en entrepreneuriat féminin. C’est pourquoi, à partir d’une étude exploratoire, fondée sur quatre études de cas de mampreneuriat, nous nous sommes focalisées pour mieux comprendre le processus entrepreneurial des femmes, mère ou future mère avec de très jeunes enfants (non scolarisés). Notre objectif a été de contribuer à défricher les rapports entre la maternité et la création d’entreprise. En effet, bien que reconnue très récemment comme pilier dans le cadre de recherche sur l’entrepreneuriat féminin (Brush, de Bruin et Welter, 2009), la maternité ne serait pas qu’une métaphore du contexte familial dont l’incidence serait plus forte sur les femmes que sur les hommes. A partir de notre étude, nous argumentons qu’elle est aussi la manifestation d’un phénomène personnel et biologique (bien réel) de la gestation d’un enfant et de ses premières années. En outre, il convient de souligner que cette étude exploratoire menée sur le mampreneuriat en contexte français réinterroge le coté régional de l’entrepreneuriat (Fillion, 1997) dans la mesure où les cultures, les besoins, voire les habitudes d’une région façonnent les comportements des entrepreneurs qui « les intègrent, les assimilent, les interprètent, et cela se reflète dans leur façon d’agir, de construire leur entreprise (Fillion, 1997: 140). En effet, à travers notre recherche, nous avons pu constater que nécessité et opportunité étaient intimement liées. D’un coté, certaines mampreneurs sont des femmes qui utilisent la contrainte de la gestion de carrière pour rebondir et prouver leur valeur. De l’autre, il apparait comme une sorte de mode autour du terme de mampreneur, mettant en exergue le mythe de la « wonderwoman », hautement qualifiée et diplômée capable de success story, utilisant la maternité comme tremplin pour démarrer une (nouvelle) opportunité d’affaires. Finalement, le mampreneuriat n’est-il pas à sa manière une réponse à 18 la question particulièrement pertinente que posent Meurs, Pailhé et Ponthieux (2010) à savoir « les enfants seraient-ils le dernier rempart avant l’égalité ? ». Bibliographie : Allard-Poési, F., Maréchal C. (1999), « Construction de l’objet de recherché », in Thiétart R.A, Méthode de recherche en management, Dunod, Paris. Allen E., Elam A., Langowitz N., Dean M. (2007), Report on Women and Entrepreneurship. Global Entrepreneurship Monitor, Center for Women’s Leadership, Babson College. Alstete, J.W. (2003). “On becoming an entrepreneur: an evolving typology”, International Journal of Entrepreneurial Behaviour & Research; 8 (4), 222-34. Amit R., Muller E. (1995), “Push and pull entrepreneurship (two types based on motivation)”, Journal of Small Business and Entrepreneurship, Vol. 12, N°4, p. 64-80. Bates T., Jackson W.E. III, Johnson J.H. 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