Un enfant a dit

Transcription

Un enfant a dit
Un enfant a dit
un enfant a dit
je sais des poèmes
un enfant a dit
chsais des poaisies
un enfant a dit
mon cœur est plein d’elles
un enfant a dit
par cœur ça suffit
Bon dieu de bon dieu que j’ai envie
d’écrire un petit poème
Tiens en voilà justement un qui pas
Petit petit petit
viens ici que je t’enfile
sur le fil du collier de mes autres
poèmes
viens ici que je t’entube
dans le comprimé de mes autres
poèmes
viens ici que je t’enpapouète
un enfant a dit
ils en sav’ des choses
un enfant a dit
et tout par écrit
Si l’poète pouvait
s’enfuir à tire-d’aile
les enfants voudraient
partir avec lui
et que je t’enrime
et que je t’enrythme
et que je t’enlyre
et que je t’enpégase
et que je t’enverse
et que je t’enprose
la vache
il a foutu le camp
R. Queneau
Raymond Queneau
Pour un art poétique
Prenez un mot, prenez en deux
faites-les cuir’ comme des œufs
Prenez un petit bout de sens
puis un grand morceau d’innocence
faites chauffer à petit feu
au petit feu de la technique
versez la sauce énigmatique
saupoudrez de quelques étoiles
poivrez et puis mettez les voiles
-où voulez-vous donc en venir ?
-A écrire
Vraiment ? A écrire ?
R. Queneau
Encore l’art po
C’est mon po_ c’est mon po_ mon poème
Il donn’ des _ il donn’ des _ des poèmes
Que je veux _ que je veux _ éditer
Mon popo _ mon popo _ mon pommier
Ah je l’ai _ ah je l’ai _ ah je l’aime
C’est pour ça _ c’est pour ça _ que je l’aime
Mon popo _ mon popo _ mon pommier
La popo _ la popomme _ au pommier
Oui mon po _ oui mon po _ mo poème
Je la sucre _ et j’y mets _ de la crème
C’est à pro _ à propos _ d’un pommier
Sur la po _ la popomme _ au pommier
Car je l’ai _ car je l’ai _ car je l’aime
Et ça vaut _ ça vaut bien _ le poème
La popo _ la popomme _ au pommier
Que je vais _ que je vais _ éditer
Raymond Queneau
La chair chaude des mots
Prends ces mots dans tes mains et sens leurs pieds agiles
Et sens leur cœur qui bat comme celui d’un chien
Caresse donc leur poil pour qu’ils restent tranquilles
Mets-les sur tes genoux pour qu’ils ne disent rien
Une niche des sons devenus inutiles
Abrite des rongeurs l’ordre académicien
Rustiques on les dit mais les mots sont fragiles
Et leur mort bien souvent de trop s’essouffler vient
Alors on les dispose en de grands cimetières
Que les esprits fripons nomment des dictionnaires
Et les penseurs chagrins des alphadécédets
Mais à quoi bon pleurer sur des faits si primaires
Si simples éloquents connus élémentaires
Prends ces mots dans tes mains et vois comme ils sont faits
R. Queneau