I. Pourquoi étudier Toine et autres contes normands en classe de

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I. Pourquoi étudier Toine et autres contes normands en classe de
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XIXe SIÈCLE
Nouvelles – Réalisme et naturalisme
MAUPASSANT
Toine et autres
contes normands
(no 312 – 2,70 €)
I. Pourquoi étudier Toine
et autres contes normands en
classe de Seconde ?
Il est toujours malvenu d’insister sur l’aisance de lecture et la
facilité de style d’un auteur. Dût-on parler de la fluidité de son
écriture, de la ductilité de sa langue, la formule ne dupe personne et surtout pas le cénacle des hommes de lettres, qui
tiennent à ce préjugé tenace : « l’art est difficile ». Adresser ce
genre de compliments à un écrivain, c’est laisser chacun présumer qu’il a usurpé son titre et sa couronne, qu’il est tout au plus
un habile artisan. Pourtant ce type d’éloge n’eût pas indisposé
Maupassant, lui qui renia le laborieux gueuloir de Flaubert et
qui noircit des sillons de son écriture la blancheur écumeuse des
pages avec la même facilité qu’il parcourut canaux, rivières et
courants marins. Bien des prédécesseurs de Maupassant ont
contribué à laver la prolixité de tout soupçon mais, seul, l’auteur
d’Une vie et des Contes de la Bécasse a su associer aussi infailliblement l’ardeur de l’exécution et le plaisir de la lecture. S’il est
un public auprès duquel cette garantie de plaisir et de facilité de
lecture est essentielle, c’est bien celui des lycéens. Pourquoi bouder son plaisir ? Le premier avantage d’un tel recueil – Toine et
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autres contes normands – est donc de stimuler l’appétit de lecture des élèves tout en leur offrant un aperçu varié de l’œuvre
d’un auteur.
Le second intérêt de cette édition des nouvelles de Maupassant
est de conjuguer deux objets d’étude distincts : l’étude d’un genre
et celle d’un mouvement littéraire du XIXe siècle, conformément
aux Instructions officielles des programmes du lycée. Les nouvelles et les contes normands de Maupassant offrent en effet
l’avantage d’associer à la maîtrise virtuose du récit bref les couleurs du réalisme et l’illustration de l’esthétique naturaliste. Ils
constituent un support idéal à l’étude de notions d’histoire littéraire qui peuvent sembler rébarbatives à un public non averti. S’il
apparaît en effet assez illusoire de faire travailler des élèves sur
l’analyse directe des préceptes esthétiques énoncés dans les manifestes ou dans les arts poétiques qui servent d’enseignes aux courants littéraires, en revanche, l’attrait narratif évident des textes
de fiction pourra permettre d’aborder heureusement ces notions
et de pallier la sécheresse de ces apprentissages.
Le recueil contient les récits : « Toine », « Miss Harriet »,
« Histoire d’une fille de ferme », « Le Père Amable », « Le Saut du
berger » et « Histoire vraie ». Les quatres premiers font l’objet
d’une adaptation à l’écran diffusée sur France 2 au cours
du premier semestre 2007 et disponible, à partir du mois
d’avril, en DVD. Ce support permettra d’enrichir l’étude par
une réflexion sur les relations du texte et de l’image et sur les
contraintes de l’adapation filmique.
II. Progression de la séquence
La postérité de conteur réaliste de Maupassant est exceptionnelle. De tous les écrivains du cercle des soirées de Médan, il
est en effet le seul à avoir conquis une telle notoriété grâce au
genre narratif bref. Ni Émile Zola, malgré les Contes à Ninon,
ni Joris-Karl Huysmans, ni Henri Céard, ni Léon Hennique, ni
Paul Alexis ne sont parvenus à s’imposer littérairement dans ce
domaine. Cette alchimie particulière de la forme brève, qui
requiert une extrême concision, et l’observation minutieuse du
regard réaliste est à l’œuvre dans les contes normands.
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Des nouvelles du
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Pour mieux l’analyser, notre séquence sera organisée en trois
grandes étapes progressives. Un premier moment s’attachera à
dégager les caractéristiques formelles de la nouvelle, en s’intéressant aux modalités de la narration ; dans un deuxième temps,
nous aborderons la notion de composition dramatique et le
principe de concentration qui régissent chaque conte. Enfin
nous évoquerons les procédés spécifiques de l’écriture réaliste de
Maupassant, sans les dissocier de l’étude des motifs récurrents et
des thèmes qui ressortissent à l’esthétique réaliste.
Toute notre étude considérera la singularité du réalisme de
Maupassant, capable de soumettre les lois de la formule naturaliste au carcan de la forme brève. À titre de prolongement, on
suggérera une comparaison avec d’autres textes réalistes afin de
saisir l’originalité de Maupassant, conformément à l’exigence
des Programmes officiels qui recommandent d’appréhender les
catégories génériques et esthétiques des textes littéraires sans
négliger de rendre compte de l’irréductible singularité d’un
auteur.
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III. Tableau synoptique et déroulement
de la séquence
Séances
Supports
Objectifs
Intitulé
1
Intégralité du
corpus
Dégager les caractéristiques
formelles de la nouvelle et les
thèmes qu’ont en commun les
textes du recueil : sociologie
normande et pessimisme
Unité formelle et
thématique du
recueil
2
Intégralité du
corpus
— Analyser les disparités des
textes
— Introduire la notion de
conte, ce qui implique d’étudier
le statut du narrateur dans
chacun des textes
Diversité du recueil
3
« Toine » et « Le
Père Amable »
Dégager la composition
dramatique des textes
Dramaturgie de la
forme brève
4
— « Toine » (pour
une étude
approfondie)
— « Histoire vraie »
et « Le Saut du
berger » (pour des
pistes d’édude)
— Introduire la notion d’« unité
d’impression » ou de « totalité
d’effet » propre au récit court
— Étudier la symbolique de
l’animalité en recherchant les
signes avant-coureurs et les
indices de l’aliénation de Toine
L’art de l’indice
5
– Un extrait de
« Miss Harriet »
Analyse des procédés
d’écriture :
— Emploi du discours direct
— La description
— L’effet de réel
— La tonalité ou le registre
satirique
L’écriture réaliste
6
Intégralité du
corpus
Faire apparaître la récurrence
systématique de motifs
réalistes : l’animalité, la
sexualité, l’avarice, l’aliénation,
la filiation et l’hérédité
Variations réalistes
Séance no 1 : unité formelle
et thématique du recueil
Objectifs → Définir une première approche du genre de
la nouvelle.
→ Appréhender l’unité formelle et thématique
du recueil.
Support → L’intégralité du corpus.
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Dans un premier temps, on s’assurera que la lecture du recueil
a été accomplie intégralement.
Deux types de questions permettront de mener à bien cette
entreprise de vérification sans passer par le traditionnel questionnaire de lecture qui implique parfois une approche trop
anecdotique des textes. On s’attachera tout d’abord à s’interroger sur les caractéristiques formelles des textes.
■ Le repérage des caractéristiques formelles
de la nouvelle
On pourra commencer en demandant aux élèves : quel est le
point commun formel remarquable de tous ces textes ?
On dégagera alors la notion de brièveté du récit mais en attirant l’attention des élèves sur le caractère approximatif d’un tel
constat et en insistant sur les proportions variables de chacun
des textes. « Miss Harriet », « Histoire d’une fille de ferme » et
« Le Père Amable » dessinent un premier ensemble de nouvelles « longues », d’une trentaine de pages, tandis que « Toine »,
« Le Saut du berger » et « Histoire vraie » présentent une extrême
concision et n’excèdent pas une dizaine de pages.
Sans commenter davantage cette partition du corpus, qui fera
l’objet de plus amples commentaires à la séance suivante, on
pourra ensuite s’intéresser à l’étude des titres de chacune des
nouvelles. Tous, à l’exception de deux titres, mettent l’accent
sur une destinée individuelle, tantôt féminine, tantôt masculine
(« Miss Harriet », « Toine », « Le Père Amable », « Histoire d’une
fille de ferme »). « Le Saut du berger » prend prétexte d’un lieudit pour énoncer métaphoriquement le drame raconté, et
« Histoire vraie » insiste simplement sur la véracité de l’histoire
narrée. Dans tous les cas, ces titres permettent d’éclairer deux
des facettes fondamentales de la nouvelle : d’une part, la
concentration des personnages autour d’une figure principale,
et d’autre part, corollaire dramatique de cette réduction des
figures de fiction, l’unité d’intrigue centrée autour d’un seul événement ou d’une anecdote frappante.
Une fois ce questionnement mené à son terme, on pourra
donc définir trois des critères essentiels de la nouvelle en tant
que genre :
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— la relative brièveté du récit ;
— le nombre réduit de personnages ;
— l’unité d’intrigue centrée sur un événement inouï ou
spectaculaire.
■ L’unité thématique du recueil
La société rurale normande
Une autre série de questions visera à faire prendre conscience
aux élèves de l’unité thématique du recueil. Dans un premier
temps, on leur demandera d’identifier le cadre spatio-temporel
commun à tous les récits. L’ancrage normand étant un des critères
ayant présidé à la sélection et à la réunion des textes, on attend
des élèves qu’ils soient capables d’affiner un peu ce simple constat.
On les amènera donc à remarquer que tous les récits dressent un
tableau sociologique du monde paysan dans la région cauchoise,
à l’exception de « Miss Harriet » qui offre une incursion dans l’univers de la bohème artistique. À deux reprises se mêlent à cette
évocation rurale quelques aperçus de l’univers commerçant ou
hôtelier. C’est ainsi qu’avec « Toine » l’on entrevoit le monde des
cabaretiers, tandis qu’avec « Miss Harriet », on suit les vicissitudes
quotidiennes d’une auberge de voyageurs.
C’est un parti pris réaliste qui préside à ce choix sociologique.
De la même façon que Zola fait entrer les ouvriers dans le
roman, il revient à Maupassant d’avoir chroniqué la rudesse de
la vie paysanne dans la nouvelle.
Outre cette omniprésence de la réalité rurale, une même atmosphère imprègne les nouvelles de Maupassant. Un pessimisme
sombre se dégage de l’intégralité du recueil, qui peut aller du
registre tragique à la dérision burlesque en passant par le rire douxamer. Avant d’affiner ces catégories, on pourra demander aux
élèves quel est l’événement tragique qui survient dans presque
toutes les nouvelles du corpus. La mort des protagonistes, par accident ou par suicide, est bien entendu la réponse attendue. Seul
Toine semble déroger à la sinistre thématique mais on voit bien
cependant que sa déchéance animale n’est qu’une variante édulcorée d’un destin funeste. Un tableau récapitulatif des événements
macabres se produisant dans les nouvelles étudiées et présentant
une brève définition des effets qu’ils suscitent sur le lecteur permettra de résumer avantageusement ces réflexions.
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Les nuances du pessimisme de Maupassant
Titre de la
nouvelle
Nature de
l’événement macabre
Tonalité du
pessimisme
mis en œuvre
Définition et effet
sur le lecteur
« Toine »
Paralysie et alitement
du protagoniste
Burlesque. Rire
jaune...
Le lecteur est à demi
attristé, à demi amusé
par la situation de
Toine
« Miss Harriet »
Suicide de l’héroïne, par
dépit amoureux
Tragi-comique
Le lecteur éprouve de la
pitié pour cette
créature privée d’amour
« Histoire d’une
fille de ferme »
On ne peut parler
d’événement macabre
dans cette nouvelle.
Préparée par la violence
croissante du
comportement de Vallin
et par les coups et
blessures infligés à
Rose, la mort de celle-ci
est éludée au profit
d’un apaisement
inespéré du mari
Tragique
dérisoire
Le lecteur éprouve une
pitié amère
« Le Père
Amable »
Suicide du protagoniste
Tragique
Le lecteur éprouve pitié
et terreur. Le suicide du
personnage le sidère
« Le Saut du
berger »
Mort criminelle de deux
amants pendant leur
étreinte
Tragique
Le lecteur éprouve
terreur et pitié. Terreur
devant la nature
criminelle du prêtre,
pitié pour les amants
défunts
« Histoire
vraie »
Mort de dépit
amoureux de la jeune
servante dénommée
Rose
Tragique
dérisoire
Le lecteur éprouve une
pitié amère pour Rose,
et une indignation
contre la veulerie de
Varnetot
Séance no 2 : diversité du recueil
Objectifs →
→
Notions →
→
→
Support →
Appréhender la diversité du recueil.
Distinguer le genre de la nouvelle de celui du conte.
Les différents statuts des narrateurs.
La focalisation.
Le récit enchâssé.
L’intégralité du corpus.
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La dénomination générique de « nouvelles », à laquelle nous
avons eu recours jusqu’ici, réduit abusivement la variété des
récits brefs proposés par Maupassant. Outre la différence de format, dont on a vu qu’elle pouvait aller du simple au triple, les
textes ne présentent pas tous le même rapport à la fiction qu’ils
relatent. Or, c’est sur cette mise en scène de l’histoire, du récit,
qu’il nous paraît pertinent de nous pencher pour tenter de distinguer deux catégories de récits : les nouvelles stricto sensu et
les contes.
« Toine »
« Miss Harriet »
« Histoire d’une
fille de ferme »
Caractéristiques
de la narration
Récit simple et
linéaire, assumé par
un seul narrateur
— Récit rétrospectif
inséré dans un récit
cadre
— Deux narrateurs
Récit simple et
linéaire, assumé par
un seul narrateur
Statut du
narrateur
Le narrateur semble
être extérieur au
récit
(extradiégétique),
mais il adopte un
« on » ambigu, à la
fois familier et
anonyme. Il se
manifeste dans le
récit par sa
proximité. Ambiguïté
du statut narratorial
Le narrateur est
d’abord extérieur à
l’intrigue
(extradiégétique) et
se contente de
présenter les
protagonistes
présents dans la
calèche du début.
Mais le second
narrateur à qui le
récit est délégué dit
« je » et raconte son
histoire, c’est un
narrateur
homodiégétique
Le narrateur est
entièrement
extérieur au récit
(extradiégétique).
C’est une voix
anonyme qui prend
en charge le
déroulement de
l’intrigue
Points de vue ou
focalisations
adoptés
Focalisation externe
Focalisation externe
puis interne
Focalisation zéro ou
omnisciente
Effet escompté
par cette mise en
scène de la fiction
Le lecteur a le
sentiment
d’appartenir à la
communauté des
villageois et
d’assister au sein de
cette collectivité à la
déchéance de Toine
La dimension
comique et douceamère du récit
central tempérée par
les considérations du
narrateur, propices à
l’éclosion du pathos,
dans le récit cadre,
crée un contraste
Le lecteur partage
toutes les épreuves
de Rose et s’identifie
facilement à son
misérable sort
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« Le Saut du
berger »
« Histoire vraie »
« Le Père Amable »
Caractéristiques
de la narration
— Récit rétrospectif
et inséré dans un
récit cadre
— Deux narrateurs
— Récit rétrospectif
et encadré dans un
premier récit
— Deux narrateurs
Récit simple, linéaire,
assumé par un seul
narrateur
Statut du
narrateur
Narrateur présent
dans le récit
(homodiégétique)
puisqu’il dit « je » (et
semble être l’auteur
lui même), puis il
délègue le récit à un
narrateur témoin
Narrateur étranger à
l’histoire, qui porte
un regard extérieur
sur l’assemblée des
chasseurs
(extradiégétique),
puis la narration est
déléguée à l’un des
personnages : le
narrateur devient
donc interne et dit
« je »
(homodiégétique)
Narrateur étranger à
l’histoire
(extradiégétique)
Points de vue ou
focalisations
adoptés
Focalisation interne
d’un narrateur
intradiégétique puis
focalisation interne
d’un narrateur
extradiégétique et
anonyme : « On
raconte
qu’autrefois »
Focalisation
omnisciente d’un
narrateur
extradiégétique, puis
focalisation interne
d’un des participants.
Focalisation externe,
en accord avec
l’impassibilité du
protagoniste
principal
Effet escompté
par cette mise en
scène de la fiction
Passage d’une
tonalité intime à une
froideur anonyme et
collective. Transition
qui souligne la
cruauté inattendue
du récit et accentue
l’émotion du lecteur
Effet de distance
accentué entre le
personnage et le
lecteur. Sentiment
d’indignation
renforcé
Le lecteur suit de
l’extérieur, sans
empathie aucune, le
parcours de fin de
vie du père Amable.
Le suicide final le
surprend d’autant
plus qu’il n’a pris
part à aucun de ces
états d’âme.
De cette étude, se dégagent nettement deux sous-ensembles :
d’une part, les récits simples et monolithiques tels que « Toine »,
« Histoire d’une fille de ferme » et « Le Père Amable » et d’autre
part, ceux qui, par le biais d’une mise en abîme de la narration,
encadrent le récit central dans un premier écrin narratif, comme
« Miss Harriet », « Histoire vraie » et « Le Saut du berger ».
■ Le rôle de l’enchâssement
ou de la délégation narrative dans un récit
Avant de montrer que le procédé d’enchâssement narratif
contribue à mettre en scène une parole et exhibe la veine orale
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de certains textes, on aura à cœur de faire deviner aux élèves la
finalité de cette facture narrative complexe.
On leur demandera simplement, dans un premier temps, de
réfléchir à la fonction première de l’enchâssement narratif. Il
apparaît clairement qu’en cédant la parole à un narrateur, au
début d’une histoire, le premier narrateur accentue l’effet de réel
et authentifie ce qui est raconté en soulignant la qualité de
témoin du deuxième narrateur. La mise en abîme de la narration
participe donc d’une stratégie réaliste, mais nous verrons que
ce n’est pas là son seul avantage. Nous affinerons l’analyse de ce
procédé en nous intéressant à la nature des rapports qui s’instaurent entre le premier et le second narrateur.
« Histoire vraie »
Dans « Histoire vraie », le premier narrateur est extérieur à
l’action et se contente de décrire en des termes peu amènes la
brutalité grossière d’un groupe de chasseurs rendus égrillards
par l’alcool. Puis c’est au tour de l’un d’entre eux de prendre
la parole pour raconter qu’une femme aussi fidèle qu’un chien
peut être un embarras terrible. Le tableau omniscient du début
se trouve, ici, vérifié par le regard rustre, insensible, du second
narrateur. Le destin de la pauvre Rose, séduite puis délaissée
par un hobereau sans scrupule, le récit des manigances cyniques
de ce noblaillon désœuvré pour s’en débarrasser, suscitent l’indignation du lecteur. Suggérée par le récit cadre, la cruauté indifférente de ces hommes qui exercent leur droit de cuissage sur les
femmes de condition modeste est confirmée par le personnage,
involontaire témoin à charge de sa propre veulerie. Ici la délégation narrative a pour effet de mettre à distance le personnage et
de révéler toute l’amoralité scandaleuse de la société des demiseigneurs normands. Le génie de Maupassant consiste à transformer le récit de l’accusé en une auto-accusation ; en effet, ce
que dit M. de Varnetot entérine le jugement implicite porté par
le premier narrateur sur cette frange de la société normande. La
double narration imbriquée renforce donc la dimension satirique du texte.
« Miss Harriet »
Au contraire, dans « Miss Harriet », l’emboîtement narratif
suscite des émotions bien différentes chez le lecteur. Le récit
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cadre, assez neutre, décrit l’ennui ensommeillé des passagers
d’une calèche et éveille l’intérêt du lecteur pour le récit divertissant consenti par l’un des membres de l’équipage, le séduisant
peintre Léon Chenal. Le premier narrateur place le lecteur dans
des dispositions plutôt favorables à l’égard de ce personnage
auquel il va déléguer le récit. Et jamais, malgré l’empathie qu’il
éprouvera pour la vieille fille anglaise, pauvre créature privée
d’amour, le lecteur ne se départira de son affection pour le
peintre volage. L’insouciance du jeune peintre, circonstance atténuante de la coupable indifférence qu’il oppose à l’amour de la
vieille fille, est habilement encadrée par les considérations plus
graves et plus profondes de l’homme mûr. Le cocasse de cette
idylle non consommée et contre nature est donc tempéré par
l’écho tragique que renvoie, plusieurs dizaines d’années plus
tard, le récit de ce lamentable amour. La mise en abîme des
récits, tout en permettant d’échapper à un manichéisme psychologique trop marqué (d’un côté, la victime éplorée, de l’autre,
le don juan sans scrupule), alterne donc le comique et le pathos,
donnant à la nouvelle des allures de tragi-comédie. Cette combinaison virtuose de tonalités s’explique en partie par les va-etvient temporels ménagés par les deux récits.
On le voit, ici, la délégation narrative est exploitée à des fins
très différentes de celles relevées dans « Histoire vraie ». L’emboîtement du second récit ménage des oppositions de tonalités
et d’émotions : c’est un effet de contraste, et non plus un effet
d’écho qui est recherché.
« Le Saut du berger »
C’est sans doute dans « Le Saut du berger » que la fonction de
la délégation narrative est la plus conforme à la stratégie réaliste
relevée plus haut. En effet, dans le récit cadre, un narrateur
interne présente les lieux du drame et motive la mise en place
d’un deuxième récit par la nécessité de justifier le nom du lieudit qu’il a entrepris de décrire. On connaît le goût des écrivains
pour les toponymes et les descriptions extrêmement documentées des lieux. Cependant, cette mise en scène n’a pas pour
unique conséquence de renforcer l’effet de réel. Entre les propos
du début, assumés par un « je » que l’on sent enclin à la confidence, et le point de vue anonyme mais clairvoyant qui raconte
le drame, un gouffre se creuse, telle cette ornière profonde
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entre les deux falaises de marne que l’on nomme le Saut du
berger. En effet, la placidité du premier narrateur, ses considérations géographiques et personnelles laissent brusquement la
place à un récit d’une violence extrême, où les scènes de cruauté
et les accidents s’emballent et se précipitent dans un mouvement
de chute. Tout se passe comme si Maupassant en personne
abandonnait son lecteur au seuil de l’abîme du récit et le livrait
à la voix anonyme de la mémoire populaire : « On raconte
qu’autrefois ». Soudain privé du compagnonnage complice de
l’auteur, le lecteur, livré à lui-même et à la rudesse du récit, ne
peut manquer d’être étreint par un sentiment de vertige.
■ Conclusion
On le voit, Maupassant joue diversement de l’enchâssement des
récits. Tantôt il s’en sert comme d’un fusil à double détente, qui
ne laisse aucun espoir à la cible satirique visée, tantôt il l’insère
dans son récit à la façon d’un contrepoint musical qui permet de
ménager des contrastes et des changements de registre.
■ Contes ou nouvelles ?
En proposant d’associer respectivement à la nouvelle et au
conte des critères précis, on tâchera, avec les élèves, d’établir
une partition satisfaisante du corpus, tout en montrant les
limites de tel ou tel critère et, par conséquent, le caractère approximatif d’une telle entreprise.
Contes
Nouvelles
Narrateur interne auquel on délègue
une parole orale
Concentration sur un élément, épisode
en vue de renforcer l’effet produit sur le
lecteur
Mise en scène d’un récit oral encadré
dans une première narration
Narrateur anonyme et extérieur au récit
Oppositions manichéennes entre les
protagonistes
Dimension morale ou philosophique,
proximité avec le genre édifiant de
l’apologue
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Des nouvelles du
XIXe
Élaboration d’une analyse psychologique
et sociologique mise en œuvre par le
récit
Récit linéaire qui suit le déroulement
chronologique des événements et extériorité/anonymat du narrateur
Complexité des rapports entre les protagonistes, absence de stéréotype
Volonté de réalisme affirmée. Autonomie du récit qui n’entend pas délivrer
une morale
siècle – Réalisme et naturalisme
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À l’aune de cette répartition, certains récits de notre corpus
se rangent sans aucune difficulté dans la première catégorie : il
s’agit d’« Histoire vraie » et du « Saut du berger », conformes en
tous point aux critères énumérés dans la colonne de gauche. De
la même façon, « Le Père Amable » et « Histoire d’une fille de
ferme » vérifient la définition de la nouvelle à tous points de vue.
Seuls deux récits posent des problèmes de classement générique puisqu’ils présentent des caractéristiques relevant de l’une
et de l’autre des définitions. Ainsi, « Miss Harriet » s’apparente
en tout point à une nouvelle, exception faite de son enchâssement narratif, tandis que « Toine », à l’enchâssement narratif
près, présente toutes les qualités d’un conte.
S’agissant de « Toine », on peut aisément justifier cette anomalie en arguant qu’à défaut de la présence d’un narrateur physiquement incarné dans l’histoire, la narration est bel et bien prise
en charge par une voix identifiable, sorte d’entité collective,
certes anonyme, mais proche du personnage de Toine et familière. Il suffit pour s’en convaincre de relire la première phrase
de ce conte où s’entend toute la gouaille populaire de la paysannerie normande : « On le connaissait à dix lieues aux environs
le père Toine, le gros Toine, Toine-ma-fine, Antoine Mâcheblé,
dit Brûlot, le cabaretier de Tournevent. »
C’est précisément cette dimension folklorique, cette empreinte
du terroir dans le texte qui contribue à le classer dans la catégorie des contes.
De la même façon que l’absence d’un seul critère ne suffit pas
à invalider le fait que « Toine » soit un conte, l’enchâssement
narratif dans « Miss Harriet » ne suffit pas à radier ce texte de la
catégorie des nouvelles. La complexité psychologique du personnage féminin, son mystère, le mélange de drôlerie et de pitié
qu’il inspire, tout cela fait incontestablement de « Miss Harriet »
une authentique nouvelle.
Nous sommes donc parvenus à esquisser deux ensembles distincts : trois longues nouvelles d’une part, trois contes, plus
brefs, de l’autre.
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Séance no 3 : dramaturgie de la forme brève
Objectifs → Démontrer que les nouvelles et les contes de
Maupassant font l’objet d’une rigoureuse
construction dramatique renforcée par un traitement
habile de la temporalité narrative.
Notions → La structure dramatique d’un récit.
→ Le rythme narratif.
Supports → « Toine ».
→ « Le Père Amable ».
Maupassant fut longtemps tenté par une carrière de dramaturge et il s’essaya même à écrire plusieurs pièces. La muse de
la poésie, elle aussi, chatouilla régulièrement la plume de l’auteur. Mais voyant que les récits courts lui offraient le succès littéraire attendu, notamment avec Boule de Suif paru en 1870,
Maupassant fit le judicieux calcul de réinvestir dans l’écriture
narrative les procédés du théâtre. À partir de 1875, les publications dans la presse quotidienne de ses récits courts, dont les
tarifs avaient été fort bien négociés par l’intéressé, pourvurent
largement à ses besoins et à son train de vie.
Aussi bien dans les contes que dans les nouvelles, Maupassant
travaille la composition avec soin, conscient qu’il s’agit là d’un
des instruments de la puissance du récit. À travers l’étude
comparative de deux récits, « Toine » et « Le Père Amable », on
mettra en évidence la présence d’une architecture dramatique
très savamment édifiée, qui vise à renforcer l’effet produit sur le
lecteur – effets et émotions dont la nature (amusement, rire
jaune, ou bien étonnement et stupéfaction tragique) dépend de
la tonalité du récit.
« Toine » et « Le Père Amable », quoique de dimension très
différente, se jouent tous deux en trois actes, clairement indiqués
en chapitres distincts. Pour les identifier, nous proposons aux
élèves de remplir le tableau ci-dessous, occasion de rappels
opportuns sur l’agencement dramatique d’une pièce. Il permettra de mettre en évidence la stricte équivalence entre la dramaturgie classique et la composition narrative chez Maupassant.
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Des nouvelles du
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siècle – Réalisme et naturalisme
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Structure
dramatique
Définition
« Toine »
« Le Père Amable »
Exposition
L’exposition vise à :
— présenter les
personnages et les
relations qui les
unissent
— rappeler également
les événements
préalables au début de
l’action et nécessaires
à la compréhension de
la pièce
— introduire le cadre
spatio-temporel
— amorcer l’intrigue
— Le premier chapitre
présente en détail
Toine, flanqué de son
épouse acariâtre, avec
laquelle il se dispute
sans cesse. Duo
vaudevillesque de
cabaretiers qui amuse
sa clientèle et
bénéficie d’une
extrême popularité
— Il situe également
le hameau de
Tournevent
— Enfin il évoque le
funeste présage que la
gueuse,
personnification de la
mort, fait peser sur le
gros homme, rouge et
soufflant
— Le premier chapitre
présente, in situ,
Césaire Houlbrèque et
Céleste Lévesque,
cultivateurs normands
désireux de se marier
— Leur dialogue
apprend au lecteur que
le père de Césaire,
Amable, s’oppose à
cette union parce que
Céleste est mère d’un
enfant qu’elle a eu
avec Victor Lecoq
— Une visite de
Césaire au curé Raffin
permet de débloquer
la situation : ce dernier
semble avoir
convaincu le père
Amable de consentir
au mariage
Nœud
Le nœud se compose
des péripéties et des
événements de
l’intrigue ; il s’agit des
obstacles qui gênent
les personnages
Le deuxième chapitre
enchaîne les péripéties
à une cadence
relevée :
— Toine devient
paralytique et reste
cloué sur son lit
— ses amis désertent
la salle du café pour
lui tenir compagnie et
jouer avec lui aux
dominos
— la mère Toine
devient irascible et
s’oppose aux jeux de
la compagnie
— Prosper Horslaville
lui suggère alors de
mettre à profit la
chaleur inerte de son
mari en lui faisant
couver des œufs
— Toine cède au
chantage de sa
commère qui le prive
de sa soupe s’il ne
consent pas à couver
les œufs
— une première
tentative se solde par
le gâchis de cinq œufs,
piteusement réduits en
omelette
Le deuxième chapitre
relate trois
événements successifs
qui constituent la
trame de l’intrigue :
— le mariage entre
Césaire et Céleste est
célébré
— la mort de Césaire,
atteint d’une fluxion
de poitrine, laisse la
bru et son beau-père
dans un embarrassant
tête-à-tête
— Céleste, jeune
veuve en charge de la
gestion de la ferme, se
sent bien démunie et
se résout à demander
de l’aide à Victor
Lecoq, le père de son
enfant. Tous deux
conviennent fort
pragmatiquement de
se mettre en
concubinage
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Structure
dramatique
Définition
« Toine »
« Le Père Amable »
Dénouement
Le dénouement
marque la résolution
de l’action et explicite
le sort qui échoit aux
personnages
principaux
Dans le troisième
chapitre, Toine sacrifie
tout à sa mission de
poule couveuse et,
immobile dans son lit,
surveillant d’un œil
attentif et incrédule sa
pratique, il favorise
l’éclosion des dix œufs
qui lui ont été confiés
alors que la poule
jaune n’en mène que
sept à leur terme
Dans le troisième
chapitre, le rythme
narratif ralentit pour
laisser la place au
dénouement tragique.
C’est la dernière
journée du père
Amable qui est ici
relatée en détail. De
retour de la fête du
village, où il a bu
quelques fines et
observé les loteries, le
vieux trouve Victor
Lecoq assis à la place
de son propre fils, à
table. D’abord hébété,
il mange son ragoût
puis prend la porte
pour aller se pendre à
une branche de
pommier
Les procédés permettant de ralentir
ou d’accélérer le rythme narratif
Outre l’organisation tripartite de chacun de ces récits brefs,
qui atteste un souci de construction dramatique, on constate que
chaque chapitre remplit avec précision les fonctions respectives
d’une exposition, d’un nœud et d’un dénouement. Cette stricte
transposition d’un ordre dramatique dans l’écriture narrative
s’accompagne de choix rythmiques tout à fait remarquables.
On montrera aux élèves que le premier comme le dernier chapitre des deux récits font une place avantageuse au discours descriptif, alternant des scènes et des pauses. L’incipit du « Père
Amable » offre un exemple de pause avec l’évocation, digne du
tableau Les Glaneuses de Millet, du travail des semeuses de
colza. Pendant une quinzaine de lignes, aucun événement ne se
produit sur toute la durée de la narration et le texte s’adonne à
une description rigoureuse. Le chapitre III, en suivant les pérégrinations du protagoniste d’un stand à l’autre, puis son détour
par la guinguette, s’inscrit dans une temporalité qui fait coïncider durée du récit et durée de l’histoire ; il s’agit d’une scène qui
permet d’épouser presque un à un les faits et gestes du vieux
solitaire déambulant dans la fête du village. Scène et pause permettent de donner de l’ampleur au déroulement temporel en
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ralentissant le rythme narratif et correspondent bien aux fonctions visées par l’exposition et par le dénouement.
En revanche, les chapitres intermédiaires sont, dans les deux
récits, caractérisés par une accélération du rythme narratif propice à l’enchaînement des péripéties. On recense des ellipses,
qui consistent à passer sous silence certains événements de l’histoire. Elles peuvent permettre de modestes bonds temporels
comme dans « Toine », avec cette phrase : « Huit jours plus tard
elle entra dans la chambre de Toine avec son tablier plein
d’œufs », ou bien enjamber de vastes laps saisonniers comme
dans « Le Père Amable » avec la phrase : « L’hiver s’écoula. Il fut
long et rude. Puis le premier printemps fit repartir les germes. »
On trouve également des sommaires qui résument une partie
relativement longue de l’histoire par une courte narration. C’est
le cas dans « Le Père Amable » quand on lit à la fin du chapitre II : « Et sa vie continua comme par le passé. Rien n’était
changé sauf que son fils Césaire dormait au cimetière. »
Une étude détaillée du rythme narratif des récits de notre
recueil mettrait en évidence l’alternance régulière de scènes, de
pauses, de sommaires et d’ellipses. L’art du conteur consiste en
effet pour Maupassant à unir savamment la description, le dialogue et le récit, gage d’une composition géniale et incroyablement efficace.
Travail à la maison : « Miss Harriet » étant construit sur le même
modèle dramatique en trois actes – la présentation de la vieille
fille, la montée de l’amour non réciproque, le suicide tragique –,
on pourra, sans difficulté, demander aux élèves de préciser les
étapes de la composition de cette nouvelle afin de la résumer sur
le modèle du tableau ci-dessus.
On pourra également entraîner les élèves au repérage des effets
d’accélération ou de ralentissement narratifs en leur demandant,
par exemple, de relever les pauses descriptives dans
« Miss Harriet », et les sommaires, nombreux, dans « Histoire
vraie ». Par ce biais, on les rendra à même de constater que la
temporalité fictionnelle n’est pas traitée de la même façon dans
un conte et dans une nouvelle.
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Séance no 4 : l’art de l’indice
Objectif → Démontrer que les nouvelles et contes de Maupassant
appliquent la notion de « totalité d’effet » ou d’« unité
d’impression », théorisée par Edgar Poe.
Notions → Les signes avant-coureurs.
→ Les effets de répétition et d’annonce au sein de la
composition.
Supports → « Toine ».
→ « Histoire vraie ».
→ « Le Saut du berger ».
Cette séance, tout en abordant une notion technique, l’unité
d’impression ou la « totalité d’effet », permet d’amorcer l’étude
des thèmes et des motifs réalistes.
La « totalité d’effet » est un concept défini par Poe, puis traduit
par Baudelaire, selon lequel la nouvelle se caractérise par une
absence de détails superflus ou de données inutiles.
Voici le texte théorique énonçant précisément cette notion,
écrit par Charles Baudelaire, en 1857, dans ses Notes nouvelles
sur Edgar Poe.
[La nouvelle] a sur le roman à vastes proportions cet
immense avantage que sa brièveté ajoute à l’intensité de l’effet. Cette lecture, qui peut être accomplie tout d’une haleine,
laisse dans l’esprit un souvenir bien plus puissant qu’une
lecture brisée, interrompue souvent par le tracas des affaires
et le soin des intérêts mondains. L’unité d’impression, la
totalité d’effet est un avantage immense qui peut donner à
ce genre de composition une supériorité tout à fait particulière, à ce point qu’une nouvelle trop courte (c’est sans
doute un défaut) vaut encore mieux qu’une nouvelle trop
longue. L’artiste, s’il est habile n’accommodera pas ses pensées aux incidents [...]. Si la première phrase n’est pas écrite
en vue de préparer cette impression finale, l’œuvre est manquée dès le début. Dans sa composition tout entière, il ne
doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui
ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein
prémédité.
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Comme Baudelaire lui-même semble nous y inviter, nous inciterons les élèves, dans cette séance, à se transformer en enquêteurs aux aguets, à l’affût d’indices permettant de deviner
l’aboutissement du drame. Forts d’une première lecture, nous
passerons au crible les éléments, les circonstances précisées au
cours de la narration qui, dès la première phrase, concourent à
produire un effet sur le lecteur et nous vérifierons que rien n’est
donné au hasard.
En ce qui concerne « Toine », nous concentrerons notre analyse sur trois thèmes qui dans ce conte, s’entrelacent constamment, mêlant le tragique et la cocasserie :
— thème 1 : l’animalité ;
— thème 2 : la déchéance physique ;
— thème 3 : le caractère inéluctable du destin.
■ Thème 1 : expressions du conte faisant allusion,
de façon imagée ou non, à l’univers animal
1. Les maisons de Tournevent blotties dans le ravin, « comme
les oiseaux qui se cachent dans les sillons les jours d’ouragan ».
2. Sa femme, grande paysanne, marche « à longs pas d’échassier », avec « une tête de chat-huant en colère ».
3. « Elle passait son temps à élever des poules dans une petite
cour, derrière le cabaret, et elle était renommée pour la façon
dont elle savait engraisser les volailles. »
4. Toine à sa femme : « Eh ! la mé Poule, ma planche, tâche
d’engraisser comme ça d’la volaille. Tâche pour voir. » Et relevant sa manche sur son bras énorme : « En v’là un aileron, la
mé, en v’là un. »
5. Maloisel à Toine : « C’est-il que tu regalopes, gros
lapin ? »
6. « Guétez-le, [...] ce gros faigniant, qu’y faut nourrir, qu’i
faut laver, qu’i faut nettoyer comme un porc. »
7. « [...] une ou deux poules volaient jusqu’aux pieds du lit,
cherchant des miettes sur le sol. »
8. « Prosper Horslaville, un petit sec avec un nez de furet,
malicieux, futé comme un renard [...]. »
9. « Elle attendit qu’il s’expliquât, fixant sur lui son œil de
chouette. »
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10. « Ses mains tombaient l’une après l’autre avec un bruit
sourd, rapides comme les pattes d’un lapin qui bat du tambour. »
11. « Il dut couver [...]. Il demeurait sur le dos, l’œil au plafond, immobile, les bras soulevés comme des ailes, échauffant
contre lui les germes de volaille enfermés dans les coques
blanches. »
12. « [...] une bête couverte de duvet jaune, qui remuait dans
ses doigts. »
13. « [...] la bestiole blottie sous la barbe de son mari. »
14. « On entendait par la fenêtre ouverte glousser la poule
jaune appelant ses nouveau-nés. »
On constate deux types d’emploi des référents animaliers, tantôt pour désigner littéralement des animaux, tantôt à titre de
comparants pour caractériser les êtres humains. La seconde catégorie est plus abondamment représentée que la première, ce qui
montre bien que, dans ce récit, l’animalité symbolique des êtres
humains concurrence la véritable présence animale.
En outre, la grande majorité des allusions appartient à l’espèce des volatiles, annonçant le rôle burlesque de poule couveuse qui va échoir à Toine. La profusion de ce champ lexical
de l’animalité donne le sentiment que Toine est victime d’un
processus inéluctable d’animalisation, qui subvertit progressivement son humanité. Le lacis d’expressions semble en effet se
resserrer autour de lui pour le circonscrire dans les rais de la
bestialité.
Dans un second temps, on fera relever aux élèves les allusions
morbides et funestes distillées dans le texte.
■ Thème 2 : champ lexical de la mort,
de la déchéance, et de la destruction
1. Dès l’incipit, les maisons de Tournevent sont blotties, cherchant un abri « contre le grand vent de mer, le vent du large, le
vent dur et salé, qui ronge et brûle comme le feu, dessèche et
détruit comme les gelées d’hiver ».
2. Lors de la présentation de Toine, Maupassant utilise une
figure hyperbolique pour signifier la puissance humoristique du
personnage : « il aurait fait rire une pierre de tombe », écrit-il.
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Cette figure de rhétorique, qu’on appelle en stylistique un « adunaton », exprime un cas d’impossibilité naturelle, dont la tonalité morbide n’est certes pas fortuite.
3. À la fin du premier chapitre, que nous avons assimilé à une
exposition, le thème de la faucheuse fait son entrée triomphale
et donne lieu à une description magistrale de son travail de
décomposition du vivant.
Toine, en effet, était surprenant à voir, tant il était devenu
épais et gros, rouge et soufflant. C’était un de ces êtres
énormes sur qui la mort semble s’amuser, avec des ruses,
des gaietés et des perfidies bouffonnes, rendant irrésistiblement comique son travail lent de destruction. Au lieu de
se montrer comme elle fait chez les autres, la gueuse, de se
montrer dans les cheveux blancs, dans la maigreur, dans
les rides, dans l’affaissement croissant qui fait dire avec un
frisson : « Bigre ! comme il a changé ! » elle prenait plaisir à
l’engraisser, celui-là, à le faire monstrueux et drôle, à l’enluminer de rouge et de bleu, à le souffler, à lui donner l’apparence d’une santé surhumaine ; et les déformations qu’elle
inflige à tous les êtres devenaient chez lui risibles, cocasses,
divertissantes, au lieu d’être sinistres et pitoyables.
4. Au début du deuxième chapitre, la paralysie subite de
Toine constitue l’une des péripéties principales du récit : « Il
arriva que Toine eut une attaque et tomba paralysé. On coucha
ce colosse dans la petite chambre derrière la cloison du café,
afin qu’il pût entendre ce qu’on disait à côté, et causer avec les
amis, car sa tête était demeurée libre, tandis que son corps, un
corps énorme, impossible à remuer, à soulever, restait frappé
d’immobilité. »
Quoique très diverses et moins nombreuses que les références
animalières, ces allusions qui scandent le déclin progressif de la
vitalité de Toine se mêlent insensiblement au champ lexical de
l’animalité au point d’associer étroitement dans l’esprit du lecteur l’idée de la mort, de la déchéance, et l’animalisation de
Toine.
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■ Thème 3 : les effets d’annonce tragique
qui rendent inéluctable la transformation
de Toine en poule couveuse
1. C’est la femme de Toine qui, la première, inaugure la
comparaison animalière à propos de son mari en l’assimilant à
un porc : « Ça serait-il point mieux dans l’étable à cochons un
quétou comme ça ? » Aurait-elle à son égard les malveillantes
intentions d’une Circé ?
2. De fait, très vite les injures se transforment en propos
comminatoires : « Espère, espère un brin ; j’verrons c’qu’arrivera, j’verrons ben ! Ça crèvera comme un sac à grain, ce gros
bouffi ! »
3. Toine lui-même prête le flanc à ces plaisanteries et enrichit
le bestiaire de ses propres comparaisons. Ainsi, montrant son
gros bras, il provoque sa femme en lui disant : « En v’là un
aileron, la mé, en v’là un. » Cette facétie, une fois lue l’intégralité
du conte, sonne comme un défi lancé au destin.
4. Telle une Cassandre de basse-cour, la femme de Toine ne
cesse d’annoncer la ruine physique de son mari comme si elle
l’appelait de ses vœux : « Espère un brin... espère un brin... j’verrons c’qu’arrivera... ça crèvera comme un sac à grain... », ou
quelques lignes plus loin : « Espère un brin, espère un brin, répétait la mère Toine, j’verrons c’qu’arrivera. »
5. Pareille à un oiseau de mauvais augure (on a vu d’ailleurs
qu’elle était comparée à une chouette), la mère Toine apparaît
sans crier gare et ne disparaît que pour laisser la place à ses
créatures de basse-cour, poules et coq dont la présence est insidieuse dans tout le conte : « Et quand la vieille avait disparu, un
coq aux plumes rouges sautait parfois sur la fenêtre, regardait
d’un œil rond et curieux dans la chambre, puis poussait son cri
sonore. Et parfois aussi, une ou deux poules volaient jusqu’aux
pieds du lit, cherchant des miettes sur le sol. »
Ainsi, au terme de ce relevé, le personnage de la mère Toine
apparaît comme la principale instance tragique dans le récit.
Combinées aux références animalières en tout genre, associées
au thème de la décrépitude humaine, ses imprécations sonnent
comme autant d’avertissements que la situation finale de Toine
vérifiera.
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De nombreux éléments du texte convergent donc vers le
dénouement de l’histoire et annoncent la dérisoire condition de
couveuse à laquelle sera réduit in fine le gros Toine. Mais bien
que les thèmes réalistes de la décrépitude physique ou de la proximité de l’homme et de l’animal soient associés à un climat d’imminence tragique, la truculence du personnage finit par
l’emporter sur le pathos et la noirceur. Tout se passe comme si
Toine trouvait dans une improbable et grotesque maternité le
sursis inattendu, l’occasion de la victoire sur la mort et, partant, sur le pessimisme malveillant de sa femme. Les répliques
finales du dialogue (Horslaville demandant à Toine de l’inviter à
la fricassée du premier poulet né de sa couvée, et ce dernier
acquiesçant joyeusement) attestent ce soudain regain de vie.
En insistant sur l’importance de la symbolique animale et en
montrant la possibilité d’une interprétation morale du conte
– c’est encore en s’abandonnant à l’animalité qui couve en lui
qu’un homme peut recouvrer un peu du bonheur et de la dignité
dont l’existence l’a privé –, on mettra les élèves sur la piste de
l’apologue et plus précisément de la fable.
Travail à la maison : on pourra proposer aux élèves de faire, par
eux-mêmes, le relevé des éléments visant à l’effet de totalité dans
les deux contes les plus brefs du corpus, « Le Saut du berger », et
« Histoire vraie ».
Pour mettre en évidence le principe de composition qui a régi
l’écriture du « Saut du berger », on aiguillera tout particulièrement les élèves sur les expressions ayant servi à désigner la
cabane dans laquelle s’ébattent les amoureux. C’est d’abord une
« cabane en bois », une « sorte de niche perchée sur des roues »
dans les premières descriptions, puis une « légère demeure »
quand il abrite le prêtre fou furieux, un « coffre de bois », enfin,
quand ce dernier expédie les deux amants vers la mort. Et pour
finir, le repaire de bergers devient « un œuf » qui se brise, symbolisant sans doute la fécondité à tout jamais compromise des deux
amants.
Dans « Histoire vraie », on attirera l’attention des élèves sur le
parallèle établi, encore une fois, entre les hommes et les animaux.
Le leitmotiv de l’animalité constitue la trame principale du conte,
du début où les hobereaux normands sont comparés à des fauves
jusqu’à la clôture du texte, cyniquement constituée par la réplique
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d’un vétérinaire. L’analogie entre Rose, la paysanne amoureuse,
et Mirza, la chienne fidèle jusqu’à la mort, constitue la pierre
angulaire du récit.
Séance no 5 : l’écriture réaliste
Objectifs → Les procédés et les thèmes de l’écriture réaliste dans
un extrait en particulier.
→ La technique du commentaire littéraire.
→ Entraînement à l’analyse linéaire et à la composition
du plan.
Support → Un extrait de « Miss Harriet ».
Il ne faudrait cependant pas donner à penser aux élèves que
les nouvelles et les contes de Maupassant sont un genre où le
symbolisme et la composition règnent en maître. Un puissant
réalisme caractérise ces récits et les inscrit dans la filiation des
grands maîtres de cette esthétique : Balzac, Flaubert et Zola.
Avant d’en faire la démonstration à l’aide d’une explication
de texte, exercice qui nous permettra d’associer l’étude du
fond, des thèmes et de la forme, rappelons quelques-uns des
grands traits de l’écriture réaliste.
— Les détails disséminés dans les récits de Maupassant, dont
on a vu que l’agencement subtil produisait l’impression d’unité
caractéristique du récit bref, servent aussi à créer ce que l’on
appelle des « effets de réel », c’est-à-dire des illusions de vérité
qui donnent à voir, à entendre et à sentir la réalité évoquée.
— Le discours descriptif est lui aussi amplement présent,
incarnant les paysages et les personnages. L’œil de Maupassant s’attarde tout particulièrement sur les objets, qui, au même
titre que les animaux, occupent une place très importante dans
l’œuvre du conteur. C’est bien entendu le cas dans des nouvelles
très connues, comme « La Ficelle », « Le Fût » ou « La Chevelure », mais c’est également vrai à l’échelle de notre corpus.
— Le registre satirique, sensible à des degrés divers dans les
nouvelles et contes que nous traitons, participe également de
l’esthétique réaliste. En ouvrant la littérature à la laideur
du monde et en rendant éligibles certains sujets triviaux,
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Maupassant ne peut faire l’économie d’un regard moqueur et
incisif.
— La restitution authentique de la parole des paysans, de leur
parlure, est également une des caractéristiques du réalisme de
Maupassant.
Voici l’extrait de « Miss Harriet » que nous proposons au
commentaire : de « Nous étions en mai ; les pommiers épanouis couvraient la cour d’un toit de fleurs parfumées » à « c’était
ma voisine assurément, l’Anglaise d’âge dont avait parlé notre
hôtesse ».
■ Analyse linéaire
1er § :
1re phrase
Le premier paragraphe expose le cadre spatio-temporel : il s’agit de la campagne normande au printemps. La focalisation adoptée est interne ; c’est le
peintre qui regarde et sa vision est celle d’un artiste, sensible aux beautés de
la nature. Phrase empreinte de poésie. Les moyens descriptifs sont très sobres,
mais ils suggèrent l’éveil des sens d’une saison propice à l’amour (connotation
de la couleur rose). La vue, l’odorat et le toucher sont convoqués simultanément
à travers des expressions comme « toit de fleurs parfumées », « pluie tournoyante de folioles roses ». Le terme précis de « folioles » atteste un souci de
précision lexicale conforme aux préceptes esthétiques du réalisme. Harmonie
des choses et des êtres unifiés par la nature : « sur les gens et l’herbe ».
§ 2 et 3 :
phrases 2
à4
Équilibre remarquable, dès cette deuxième phrase, de la description, du dialogue et du récit, souci caractéristique de l’écriture de Maupassant. La notation
psychologique initiale semble avoir pour but de créer un « effet de réel » dans
l’amorce de conversation. Elle connote également le naturel méfiant et
farouche de l’hôtesse. Symbolique du nom « Lecacheur » : tempérament dissimulateur, manque de franchise ? De fait, la réplique de l’hôtesse intrigue le
lecteur : s’agit-il d’une fin de non-recevoir ou bien d’un demi-acquiescement ?
Emploi du discours direct pour faire entendre la parole des personnages : on
note la tournure idiomatique de la réponse « c’est selon ». Art du conteur qui
suscite la curiosité du lecteur et esquisse de portrait sociologique.
§4
Ellipse narrative pleine de sous-entendus. Comment s’est négocié l’accord pour
la location de la chambre ? Il y a tout lieu de penser que le narrateur a proposé
un pot-de-vin à l’avare hôtelière. Description sommaire de l’espace domestique,
rustique.
Effet de réel : le sol de terre, la cuisine enfumée..., autant de détails qui donnent
à voir et à sentir le dénuement de l’auberge. Mélange sociologique annoncé par les
habitudes de repas en commun : paysans, pensionnaires et patronne se retrouvent.
L’auberge, lieu propice par excellence aux rencontres. Mention du statut de veuve
de la patronne : elle aussi, comme Harriet, est donc une femme privée d’homme
et d’amour. Est-ce à dire que les deux femmes vont se comprendre ?
§5
Reprise du récit. Mention des actions du narrateur, verbes au passé simple.
Le regard du narrateur est sans concession : « la vieille » pour désigner
Mme Lecacheur. La crémaillère noire de fumée : exemple caractéristique
d’« effet de réel », qui permet de figurer l’espace intérieur, de le donner à voir.
Contraste saisissant entre cet espace confiné, enfumé, noirci et le radieux paysage printanier qui resplendit à l’extérieur.
§6
Question du narrateur qui manifeste son esprit de déduction logique : auberge
presque pleine, donc présence de voyageurs. Curiosité et ouverture du narrateur
que l’on sent disposé aux rencontres et d’un tempérament entreprenant.
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§7
Nouveau trait rébarbatif de la personnalité de Mme Lecacheur – « de son air
mécontent ». Parlure patoisante de l’hôtesse qui renforce le réalisme de la scène.
Ironie de l’expression « eune Anglaise d’âge ». Le texte vient en effet de nous
apprendre que l’hôtesse elle-même n’était pas toute jeune : deuxième point
commun entre les deux femmes. Éveil de la curiosité du lecteur : le laconisme de
la réponse, et l’incise « de son air mécontent » laissent perplexe. La présentation
de cette vieille Anglaise est énigmatique. Pourquoi suscite-t-elle l’antipathie ?
§8
Nouvelle preuve de l’avarice de la tenancière de l’auberge qui, moyennant un
supplément, consent à faire manger son client dehors. Cependant, ce trait de
caractère n’est que très délicatement suggéré par le narrateur, qui résume
l’échange sous forme narrativisée et ne s’appesantit pas sur le dialogue et la
tractation. La satire est donc très légère. La requête du narrateur, de manger
seul dehors, traduit à nouveau son approche esthétique et hédoniste de la vie.
§9
Le paragraphe suivant confirme cet appétit vital du personnage qui dépèce à
coups de dents les membres maigres de la poule. Le détail du repas est typique
de la veine réaliste : les mets sont frustes, triviaux (« du gros pain blanc, vieux
de quatre jours, mais excellent »), énumérés dans le détail. Mais la dimension
symbolique de cette phrase ne saurait échapper à un lecteur aguerri qui connaît
l’issue tragique de la nouvelle : ce carnage alimentaire annonce la mort de
Miss Harriet, acculée au trépas par le dépit amoureux. Dans les deux cas, c’est
le narrateur carnassier qui cause les dégâts. D’ailleurs, l’analogie entre la poule
et la vieille fille anglaise est confirmée au paragraphe suivant.
§ 10
Ce paragraphe descriptif constitue le morceau de bravoure du passage. Cette
scène de première vue d’un personnage féminin est située aux antipodes de la
fameuse scène d’anthologie de L’Éducation sentimentale, entre Mme Arnoux et
Frédéric (« Leurs yeux se rencontrèrent »), où le coup de foudre était scellé.
Portrait sans concession aucune, réaliste et comique à la fois, qui décrit l’apparence disgracieuse, ridicule de Miss Harriet. Sa maigreur, tout d’abord, est
contraire aux canons de beauté du XIXe siècle. L’analogie entre la poule dévorée
au paragraphe précédent et la vieille Anglaise est clairement suggérée par la
reprise du motif des bras maigres : « on l’eût crue privée de bras si on n’avait
vu une longue main paraître à la hauteur des hanches ». Le caractère hétéroclite
de sa toilette est nettement souligné : châle rouge, ombrelle blanche. Mais son
physique lui aussi est placé sous le signe du disparate : « figure de momie »,
« boudins de cheveux gris », « hareng saur qui aurait porté des papillotes ».
Ces traits de sarcasme, quasi burlesques, font hésiter le lecteur entre le rire et la pitié.
L’acuité du regard pictural est ici mise au service de la caricature, avec des
images – « un hareng saur qui aurait porté des papillotes » – qui frôlent l’absurdité surréaliste.
L’absence de regard échangé entre les deux protagonistes semble devoir être
lue comme un indice du lamentable amour qui se déclarera de façon univoque
chez l’un d’entre eux. La description du personnage semble sanctionner pour
lui l’interdiction d’accéder à toute forme d’amour. Son rapide passage de la
lumière à l’ombre (« elle passa devant moi vivement, en baissant les yeux, et
s’enfonça dans la chaumière ») semble confirmer la bipartition de l’espace en
une zone de confinement, d’abstinence (les salles noires et vieillottes de l’auberge) et une nature habitée par la sensualité et la gourmandise.
§ 11
La clôture de l’extrait adoucit un peu le ton de la caricature : l’expression « singulière vision » résume le portrait, fait écho à « étrange personne » du début
du paragraphe et traduit la curiosité du narrateur. Le rappel de la dénomination
« anglaise d’âge » utilisée par l’hôtesse, associé à l’adverbe « assurément »
donne une certaine oralité à cette dernière phrase, comme s’il s’agissait de
discours indirect libre, par lequel on pénètre littéralement l’esprit du narrateur.
Triangularisation des rapports entre les personnages : aucune intimité possible
entre le peintre et la vieille fille. Sentiment de gaieté moqueuse dont ne sait
que faire le lecteur : faut-il y adhérer, ou éprouver une forme d’empathie pour
le personnage de Miss Harriet ?
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Cette liste non exhaustive de remarques de style, de forme et
de fond sur l’extrait pourra donner lieu à l’exercice de composition d’un plan de commentaire.
■ Corrigé
I. Rencontre en auberge normande
1. Un cadre spatio-temporel très réaliste
Tableau d’une nature printanière, description de l’intérieur de
l’auberge et des tâches de l’hôtesse. Menu détaillé du peintre.
Présentation des mœurs sociologiques de l’établissement : un
lieu propice aux rencontres. La trivialité de certaines descriptions est entièrement assumée : pas de sublimation.
2. Le regard du peintre
Démonstration du choix de la focalisation interne : regard
esthétique, empreint de sensualité et d’hédonisme. Tempérament sensuel du narrateur, sensible dans certains détails. Art
du contraste et du clair-obscur : opposition intérieur/extérieur,
dénuement de l’espace domestique et effervescence de la végétation. Portrait sans concession de la vieille fille caractérisé par un
art de la comparaison animalière...
3. L’observation sociale et les contrastes entre les personnages
Discrète satire de la figure de l’aubergiste, suggestion de son
avarice. Hétérogénéité des classes sociales en présence. Réalisme des dialogues qui donnent à entendre le patois de la figure
normande paysanne. Passages au discours direct. Effets de réel
particulièrement sensibles dans le portrait de la vieille fille.
Transition : scène très équilibrée qui alterne dialogue, description et récit, conforme en tout point aux préceptes du réalisme
et qui suscite certaines attentes du lecteur. Néanmoins, derrière
l’art du conteur, on décèle un symbolisme subtil et une composition qui met l’accent sur l’unité d’impression.
II. Tragiques prémices du manque d’amour
1. Les oubliés du printemps
La symbolique de l’espace et de la nature printanière. La floraison des pommiers connote la naissance de la saison de
l’amour. L’intériorité sombre de l’auberge semble abriter l’abstinence et la solitude. Distribution significative des personnages
dans l’espace : le peintre, sensuel, jeune et séduisant mange
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dehors, tandis que les femmes, Mme Lecacheur et Miss Harriet,
respectivement veuve et vieille fille, sont confinées à l’intérieur.
Miss Harriet passe « vivement » dans la cour de l’auberge et se
réfugie dans la chaumière. La solitude du personnage féminin
principal, accentuée par l’absence d’empathie de l’aubergiste,
malgré leur point commun. On décèle même une légère antipathie de la part de la tenancière.
2. L’anti-coup de foudre
Scène de première vue inversée par rapport aux canons littéraires de la rencontre amoureuse (Nemours et Clèves dans La
Princesse de Clèves, Mme Arnoux et Frédéric Moreau dans
L’Éducation sentimentale...), pourtant le récit suscite l’attente et
la curiosité du lecteur à l’égard du personnage. Effets d’annonce
dans le dialogue, caractère énigmatique du laconisme de la présentation par Mme Lecacheur, suspens dramatique comparable
à l’entrée tardive d’un personnage de théâtre. Description qui
laisse deviner toute la répugnance du narrateur. Dureté sarcastique des comparaisons.
3. L’annonce du drame
Le repas fruste mais délectable dont se repaît le narrateur prend une valeur symbolique. Il connote son aptitude à
jouir de la sensualité du monde environnant : Miss Harriet, elle,
ne sera pas conviée à ces agapes-là. Elle sera même victime de la
figure carnassière du séducteur. Explication de l’analogie entre
Miss Harriet, maigre au point qu’on ne voit pas ses bras, et la
poule, dont le narrateur dévore les maigres membres. Miss Harriet est exclue du symbolisme amoureux (« pluie de folioles
roses ») et des noces de l’homme et de la nature (« tombait sans
fin sur les gens et sur l’herbe »).
■ Conclusion
Page réaliste qui introduit avec art un nouveau personnage
dans un lieu propice à la mixité sociale et aux rencontres, mais
aussi une sorte d’exercice de style prémonitoire, qui, à l’aide
d’indices subtils et discrets, d’un symbolisme en demi-teinte,
annonce toute la substance du drame à venir.
Ce travail entend montrer aux élèves comment Maupassant
parvient, dans l’espace concis de la nouvelle, à concilier avec
brio le réalisme de l’écriture, l’art du conteur et les subtilités
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symboliques d’une composition très concentrée qui ne laisse
aucun détail au hasard.
Travail à la maison : on pourra demander aux élèves de rédiger
tout ou partie du commentaire ou bien les faire réfléchir à un
autre plan possible.
Séance no 6 : variations réalistes
Objectif → Faire apparaître la cohérence de l’inspiration de
Maupassant et la récurrence des thèmes qu’il aborde
dans ses contes et nouvelles à l’échelle du corpus
tout entier.
Support → Intégralité du corpus.
Pour clore cette séquence, on dégagera avec l’aide des élèves
une série de thèmes réalistes, communs à tous les contes et nouvelles du recueil, à titre soit de motifs centraux, soit de thèmes
secondaires. On les relèvera dans un tableau en les résumant
(voir page suivante).
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Thèmes
« Toine »
L’animalité
Le personnage
principal s’animalise
progressivement
jusqu’à jouer le rôle
d’une poule couveuse
L’avarice
et la
rapacité
La femme de Toine
menace de le priver de
nourriture pour
parvenir à ses fins
La
sexualité
et l’amour
« Le Saut du berger »
« Histoire vraie »
La sexualité des
hommes et des
femmes est le signe de
leur bestialité abjecte
aux yeux du prêtre
Le personnage féminin
de Rose est comparé
de bout en bout à une
chienne fidèle et
encombrante
Le paysan qui va
épouser Rose pour
étouffer le scandale de
son union avec
Varnetot ne se soucie
que du profit et de la
captation de l’héritage
de sa femme
Un prêtre fanatique
assassine tous les
fornicateurs qu’il
rencontre, animaux
comme humains
L’hérédité
La
filiation
66
Abandonnée comme
une vulgaire chienne
par le hobereau sans
scrupule dont elle est
tombée amoureuse et
qui l’a mise enceinte,
une femme meurt de
chagrin
L’impétueux amour
que lui porte Rose fait
songer à Varnetot
qu’elle n’est pas
d’origine aussi
modeste qu’elle en a
l’air. La délicatesse de
son sentiment ne
saurait s’expliquer que
par une ascendance au
moins partiellement
nobiliaire. Sa propre
mère a donc dû fauter
avec un hobereau et
Rose, victime d’un
fatalisme héréditaire,
reproduit le
manquement maternel
L’idée de donner
naissance à des
poussins, l’accès à
cette étrange paternité
animalière, réconforte
Toine
Des nouvelles du
XIXe
Tout espoir de filiation
et de reproduction est
réduit à néant par le
meurtre du prêtre qui
précipite l’œuf abritant
les deux amants dans
le vide
C’est la perspective
qu’un enfant puisse
naître de son union
illégitime avec une
domestique qui décide
Varnetot à se
débarrasser d’elle
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Thèmes
« Miss Harriet »
« Le Père Amable »
L’animalité
« Histoire d’une fille
de ferme »
Dans la scène
inaugurale, une fille de
ferme se laisse enivrer
par l’effusion sensuelle
d’un soir d’été et par
les ébats des animaux
qui l’entourent
L’avarice
et la
rapacité
Le personnage de
Mme Lecacheur se
caractérise par l’avarice
traditionnelle du
commerçant normand
Muré dans son avarice,
un père répugne au
mariage de son fils
avec une fille mère par
crainte des dépenses
occasionnées par
l’enfant illégitime
Bien que contribuant à
la prospérité de la
ferme de son maître,
Rose n’obtient aucune
augmentation de
salaire. La seule
reconnaissance et
promotion sociale
qu’elle est en droit
d’attendre est un
mariage forcé avec son
maître
La
sexualité
et l’amour
Ignorée par un jeune
et fringant peintre
dont elle s’est éprise,
et qui lui a préféré la
jeunesse d’une fille de
ferme, une vieille fille
se suicide
Le thème du mariage
contrarié par un père
avaricieux et obstiné
prend ici une tout
autre couleur que dans
la comédie de Molière
Suite à la faute qu’elle
a commise avec un
garçon de ferme, Rose
porte tragiquement sa
maternité comme un
fardeau et la cache
toute sa vie à son
entourage
Le père Amable ne
peut survivre au
déshonneur posthume
de son fils. Il ne
supporte pas de voir la
place de ce dernier
usurpée par un autre.
Il défend l’idée de
filiation
Le bâtard que Rose a
engendré avec le
garçon de ferme
apparaît finalement
comme une
bénédiction au fermier
stérile. Ce
retournement
inattendu souligne la
dimension dérisoire
des souffrances
endurées par Rose
La
filiation
Ce travail met en évidence la communauté d’inspiration qui
préside à l’ensemble des nouvelles et des contes. En confrontant
ces thèmes à la biographie de Maupassant, on demandera aux
élèves d’émettre des hypothèses et de relever des coïncidences
entre l’existence de l’auteur et les thématiques privilégiées de
ses œuvres fictionnelles.
Prolongement intertextuel : la figure réaliste de la fille de ferme,
évoquée dans la nouvelle du même nom, pourra servir de thème à
un groupement de textes réalistes. On convoquera la figure de
Toine et autres contes normands
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Nanon, fidèle servante du père Grandet, dans le roman de Balzac,
Eugénie Grandet, et celle de Félicité, dans Un cœur simple de
Flaubert. Enjeu sociologique d’importance pour les écrivains réalistes, la domestique de campagne est traitée très différemment
par les trois écrivains. Grossie jusqu’à la caricature dans le
roman balzacien, la servante est idéalisée par Flaubert. Chez
Maupassant, le réalisme prend des couleurs « féministes ».
IV. Orientations bibliographiques
Sur le genre narratif bref, le conte et la nouvelle
AUBRIT, Jean-Pierre, Le Conte et la Nouvelle, Armand Colin,
« Cursus », 1997.
BAUDELAIRE, Charles, Notes nouvelles sur Edgar Poe, L’Art romantique, GF-Flammarion, 1990.
GROJNOWSKI, Daniel, Lire la nouvelle, Dunod, 1993.
POE, Edgar Allan, Sur le roman et sur le conte : notes sur Nathaniel
Hawthorne, La Genèse d’un poème, Cahiers de l’Herne, 1997.
Sur les techniques narratives
HAMON Philippe, Poétique du récit, Seuil, 1997.
REUTER, Yves, L’Analyse du récit, Dunod, 1997.
Sur le réalisme et le naturalisme
BECKER, Colette, Lire le réalisme et le naturalisme, Dunod, 1992.
COGNY, Pierre, Le Naturalisme, PUF, 1953.
Sur Maupassant
FORESTIER, Louis, préface à l’édition des Contes et nouvelles,
Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1974-1979, 2 volumes.
DUMESNIL, René, Guy de Maupassant, Tallandier, 1979.
VIAL, André-Marc, Guy de Maupassant et l’art du roman, Nizet,
1954.
Anne PRINCEN.