Mai-Thu Perret au Magasin, le Centre d`art contemporain de Grenoble

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Mai-Thu Perret au Magasin, le Centre d`art contemporain de Grenoble
Mai-Thu Perret au Magasin, le Centre d’art
contemporain de Grenoble
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Lancer vers le futur des moments du passé, créer des variations autour des utopies,
actualiser les révolutions, former de la matière qui puisse donner du mystère au mystère
et de l’humour à l’humour, voici quelques lignes de fuites que déploie Mai-Thu Perret au
Magasin à Grenoble.
Vue de l’exposition The Adding Machine, 2011
Mai-Thu Perret au Magasin de Grenoble
Photo : Annick Wetter - Courtoisie Galerie Francesca Pia, Zürich
Mai-Thu Perret est une jeune artiste franco-suisse qui commence à s’imposer comme figure
incontournable de la scène artistique européenne, en restant constamment sur la crête de
ses questionnements autour de l’éclatement des formes. En utilisant des médiums aussi
hétérogènes que la sculpture, la peinture, la céramique, la vidéo, le son, le texte, et même la
tapisserie, cette jeune artiste crée un réseau d’enchevêtrements entres ses œuvres qui se
joue des polarités pour former une narration abstraite très ramifiée. Mai-Thu Perret qui fit
ses débuts très remarqués à la fin des années 90 avec son œuvre protéiforme Crystal
Frontier, récit imaginaire d’une communauté de femmes établie au Nouveau Mexique
prolonge cette trame proliférante au Magasin. L’artiste déploya initialement sa Crystal
Frontier en écrivant un journal de bord de ces femmes en dérive et en créant des objets qui
leur appartiennent. Mais plus largement, toute l’œuvre de Mai-Thu Perret depuis peut être
vue comme un développement et une montée en puissance de cette matrice d’utopies
féminines, qui évoque autant les strates narratives d’Antoine Volodine que les
communautés de garçons sauvages du Burroughs des Terres Occidentales, mais cette fois-ci
portant sur l’autre sexe.
William Burroughs, influence très prégnante chez Mai-Thu Perret et pas seulement par le
nom de l’exposition, The Adding Machine, titre d’un recueil d’essais de l’écrivain.
L’effectuation tranchante des blocs narratifs en cut-up chez l’américain fait aussi écho chez
la jeune artiste. Tout comme Burroughs utilise la combinaison de phrases selon un ordre
aléatoire comme méthode pour créer un nouveau sens qui échapperait à tout langage
autoritaire pour aller vers une poésie de la rupture et un réseau de nouvelles interprétations
cognitives, Mai-Thu Perret organise l’espace de ses expositions par des ruptures de sens
entre les pièces qui cassent toute possibilité de lecture monolithique. Plus largement même,
elle étend ce mouvement de l’éclatement des formes en effectuant à travers ces fragments
un retour sur l’Histoire, une libération du passé. En revisitant le constructivisme et les
avants gardes russes, comme avec cette très belle série d’acryliques sur bois faites de
géométrisation de l’espace, Mai-Thu Perret actualise la puissance utopique d’un moment de
l’histoire. Comme son néon très touchant, Harmonium, peut être vu comme une
interprétation poétisée de l’œuvre d’Hilma af Klint, encore une utopiste, adepte de
l’anthroposophie et des peintures médiums. Toute l’œuvre de Mai-Thu Perret semble
constituer ainsi une caisse de résonnance aux utopies et révolutions qui sortent du sommeil
de l’histoire pour apparaître sous un nouveau visage imaginé par l’artiste créant ainsi une
métafiction ouverte où chacun trouve sa liberté.
Ce voyage n’est pas sans friction des intentions comme avec cette série de céramiques
jouant sur la tension entre onirisme de l’expression pur et maniérisme décoratif, laissant un
espace libre entre ces deux aspirations, peut-être une modélisation du jeu de Mai-Thu
Perret entre intimité et mise à distance. Sa théière géante en aluminium, Little Planetary
Harmony, avec une mini-exposition à l’intérieur emporte définitivement l’adhésion vers ce
monde mystérieux et féérique où Lewis Carroll croise Bryon Gysin mais avec une
radicalisation dans l’abstraction des formes pour exprimer la vitesse des révolutions, le
mouvement des cœurs, l’accélération de l’Histoire.
Mai-Thu Perret : The Adding Machine
Jusqu’au 8 janvier 2012
Magasin, Centre National d’Art Contemporain
155, cours Berriat - 38000 Grenoble
Tél. : 04 76 21 95 84
Ouvert du mardi au dimanche de 14h à 19h
Entrée : 3,50 €

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