Intérêt des lipides modifiés chez le patient de réanimation Interest of

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Intérêt des lipides modifiés chez le patient de réanimation Interest of
Réanimation (2009) 18, 501—505
MISE AU POINT
Intérêt des lipides modifiés chez le patient de
réanimation
Interest of modified lipids in the critically ill patient
M. Hasselmann ∗, X. Delabranche , C. Kummerlen
Service de réanimation médicale, nouvel hôpital Civil, hôpitaux universitaires, 1, place de l’Hôpital,
67091 Strasbourg, France
Reçu le 27 avril 2009 ; accepté le 19 mai 2009
Disponible sur Internet le 12 juin 2009
MOTS CLÉS
Émulsions lipidiques ;
Nutrition
parentérale ;
Pharmacologie
clinique ;
Huile de poissons ;
Réanimation ;
Revue
∗
Résumé Les émulsions lipidiques (EL) de nutrition parentérale sont un élément indispensable de la nutrition artificielle en réanimation. Elles sont efficaces sur le plan nutritionnel
et métaboliquement bien tolérées quand elles sont administrées selon les recommandations de
bonne pratique. Rapidement après leur commercialisation, les émulsions de première génération mises au point à partir d’huile de soja ont été suspectées d’avoir des effets dépresseurs
de l’immunité. Du fait de leur teneur élevée en acides gras essentiels, elles interfèrent avec
le métabolisme des eicosanoïdes et modifient la production de cytokines. Progressivement, de
nouvelles émulsions lipidiques à base de triglycérides à chaînes moyennes, de lipides structurés, d’huile d’olive ou d’huiles de poissons ont été élaborées, afin d’optimiser l’efficacité
et la tolérance de la nutrition parentérale et de réduire l’impact immunologique. En clinique, des données intéressantes sur les effets anti-inflammatoires et immunomodulateurs des
émulsions enrichies en huiles de poissons au cours du SDRA, du sepsis et lors de la période
périopératoire on été rapportées. Plus récemment, des émulsions lipidiques faites à partir de plusieurs huiles de nature différente on été proposées au clinicien, mais les études
cliniques réalisées sont encore insuffisantes pour juger de leur intérêt en réanimation. La
recherche clinique doit se poursuivre pour dire si ces émulsions de dernière génération peuvent
avoir des retombées en tant que modulateur de la réaction inflammatoire au cours des états
d’agression.
© 2009 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société de réanimation de langue française.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (M. Hasselmann).
1624-0693/$ – see front matter © 2009 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société de réanimation de langue française.
doi:10.1016/j.reaurg.2009.05.019
502
KEYWORDS
Lipid emulsions;
Parenteral nutrition;
Clinical
pharmacology;
Fish oil;
Intensive care;
Review
M. Hasselmann et al.
Summary Lipid emulsions used in parenteral nutrition are an essential factor of artificial
nutrition in intensive care. When given according to the guidelines, they are effective on the
nutritional point of view and metabolically well tolerated. Soon after being available on the
market, the first generation emulsions, made from soybean oil, were thought to have a noxious
effect on the immune system, especially when given in great amounts. Their high content in
essential fatty acids is the main factor that causes the adverse effects of these emulsions, as
they interfere with the eicosanoids metabolism and modify the cytokines production, especially in the critically ill patient. In order to optimize both the efficacy and tolerance of
parenteral nutrition, new lipid emulsions gradually appeared, made from medium-chain fatty
acids, structured lipids, olive oil or fish oil. In many fields, research and animal testing have
shown the potential benefits of these emulsions. Clinically, results are only partial, but some
interesting data are available regarding anti-inflammatory or immunomodulation effects of
fish oil-enriched emulsion in sepsis, ARDS or major surgery. So far, there have not been sufficient clinical studies to evaluate the use of these new emulsions made of different oils. Even
though the design of these new generation emulsions is based on strong theories and experimentations, further clinical investigations are needed to find whether they can bring a new
tool in the daily clinical practice, by regulating the inflammatory reaction in the critically ill
patient.
© 2009 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of Société de réanimation de langue française.
Les émulsions lipidiques (EL) de nutrition parentérale,
qui à concentration équivalente se valent toutes sur le
plan énergétique, se différencient les unes des autres par
la nature chimique et la proportion respective des acides
gras (AG) qui entrent dans leur composition ainsi que par
leur teneur en ␣-tocophérol. Selon leur composition, elles
auront des effets plus ou moins marqués sur la production
des eicosanoïdes, sur la synthèse de cytokines, sur la composition membranaire et sur la peroxydation lipidique. De ce
fait, elles interfèreront plus ou moins avec l’immunité et
la réaction inflammatoire, en particulier chez le patient
agressé.
Émulsions d’huile de soja
C’est par sa teneur très élevée en acide linoléique (54 %)
que l’huile de soja utilisée pour la fabrication des EL
de première génération altère l’immunité. Cet AG essentiel interfère avec la production des eicosanoïdes quand
les doses administrées sont importantes. Il inhibe la -6désaturase, enzyme clé conduisant à l’acide arachidonique
(AA) dont dérivent les prostaglandines PGE1 et PGE2 , le
thromboxane A2 (TxA2 ), les leucotriènes-B de la série 4
(LTB4). Les EL de soja influencent également les fonctions
immunologiques en modifiant la fluidité des membranes et
les activités des protéines enzymatiques et des récepteurs
qui y sont inclus. Cela peut expliquer la réduction de la prolifération lymphocytaire T et la diminution de l’expression
des récepteurs de l’IL-2 notées sous EL de soja. Il semble
en fait, que ce soit un niveau d’apport global trop élevé de
lipides, plus que celui d’acide linoléique qui ait des effets
délétères sur l’immunité et la réaction inflammatoire [1,2].
En pratique, l’utilisation d’EL d’huile de soja reste licite en
réanimation à condition que les apports lipidiques totaux
ne dépassent pas 1 g/kg par jour et qu’ils soient délivrés à
faible débit.
Triglycérides à chaînes moyennes (TCM) et
lipides structurés (LS)
Les EL à base de TCM sont un mélange physique à parts
égales (50/50) de triglycérides à chaînes longues (TCL)
et de TCM. Ces lipides n’interviennent pas dans la structure des membranes cellulaires et, en apportant peu
d’acide linoléique, ont un faible impact immunologique.
Au cours du SDRA, les TCM ne modifient pas la production de LTB4 et de prostaglandines et par là, ne devraient
pas altérer l’hémodynamique pulmonaire et les échanges
gazeux [3]. Mais les résultats cliniques sont contradictoires. Dans une étude réalisée chez 19 patients atteints
de SDRA, les EL à base de TCM (1 ml/kg par heure)
amélioraient les paramètres d’oxygénation dans les premières heures de perfusion, mais ce bénéfice disparaissait
au bout de six heures [4]. Mais d’autres auteurs montrèrent l’inverse chez le même type de malades [5]. Dans
cette étude, les TCM entraînaient une dégradation des
paramètres d’oxygénation, de la compliance pulmonaire,
des résistances vasculaires pulmonaires et augmentaient
significativement le taux de protéines, l’activité de la
phospholipase-A2 et le compte des neutrophiles dans le
lavage bronchoalvéolaire (LBA).
Les EL à base de LS sont une autre façon d’apporter
des AG à chaînes moyennes et des AG à chaînes longues.
Ces deux types d’AG sont estérifiés au hasard sur un même
glycérol, réalisant un mélange chimique de TCM et de TCL
(50/50). Les effets métaboliques et immunologiques des LS
se différencient peu de ceux des TCM. Leur interférence
avec la production d’eicosanoïdes dépend essentiellement
de la présence d’AG polyinsaturés (AGPI) de la série n-3
dans la molécule [6]. Au total, bien que les arguments
scientifiques et expérimentaux soient solides, les avantages
cliniques des TCM et des LS chez le malade de réanimation
restent insuffisamment démontrés.
Intérêt des lipides modifiés chez le patient de réanimation
Émulsion d’huile d’olive
Cette émulsion fabriquée à partir d’un mélange de 80 %
d’huile d’olive et de 20 % d’huile de soja, ne contient que
20 % d’AGPI contre 60 % dans une émulsion d’huile de soja.
Le bénéfice attendu est une moindre inhibition de la -6désaturase et, par là, une réduction des effets délétères sur
l’inflammation et l’immunité. Riche en AG mono-insaturés
et en ␣-tocophérol, elle possède des effets antioxydants qui
réduisent la peroxydation lipidique. L’efficacité nutritionnelle et la tolérance hépatique sont bonnes comme cela
a été montré en particulier chez des patients gravement
brûlés [7]. Chez des patients sévèrement traumatisés, les
effets d’une nutrition parentérale à base d’huile d’olive,
riche en lipides (kcal lipidiques/kcal glucidiques = 75/25)
ont été comparés à ceux d’une nutrition standard à base
d’huile de soja (kcal lipidiques/kcal glucidiques = 37/63).
L’huile d’olive permettait un meilleur contrôle glycémique,
une diminution des besoins ventilatoires et tendait à réduire
la durée de séjour [8]. Mais cette étude analysait simultanément deux paramètres, la nature du lipide et le rapport
lipide/glucide. Seul un bras comportant un apport élevé de
lipides sous forme d’huile de soja aurait permis de dire si
l’huile d’olive jouait par elle-même un rôle dans les résultats présentés. L’impact clinique de cette EL sur l’immunité
reste imprécis. Dans une étude rétrospective réalisée en
réanimation, il n’y avait pas de différence de fréquence de
survenue d’infections, d’évolution des protéines de la phase
aiguë ou de morbi-mortalité chez les patients ayant reçu une
EL d’huile d’olive par rapport à ceux qui avaient été traités
par EL de soja. À la fin de la nutrition, les patients du groupe
huile d’olive avaient tendance à avoir une leucocytose sanguine plus élevée [9].
Émulsions enrichies en huiles de poissons
Les EL d’huiles végétales ne contiennent pas d’AGPI à
longues chaînes de la série n-3, notamment pas d’acide eicosapentaénoïque (EPA), ni d’acide docosahexaénoïque (DHA).
Ces AG jouant un rôle important dans la modulation de la
réaction inflammatoire et dans l’immunité, l’industrie pharmaceutique a mis au point des EL à base d’huiles de poissons
riches en EPA et DHA. Ces émulsions entraînent une augmentation des taux de ces deux AGPI n-3 dans les phospholipides
membranaires, alors que diminuent ceux d’AA, notamment
dans les cellules impliquées dans la réaction inflammatoire.
Cela conduit à la synthèse d’eicosanoïdes moins inflammatoires et moins immunodépresseurs en particulier le LTB5 et
la PGE3 [10]. Les AGPI n-3 agissent également sur la réaction
inflammatoire et l’immunité en modifiant la composition
des « radeaux lipidiques », microdomaines riches en cholestérol et sphingolipides au sein desquels sont groupées les
protéines impliquées dans la transduction de signaux membranaires [11]. L’enrichissement membranaire en EPA de
lignées lymphocytaires, réduit les contenus en différentes
enzymes de la famille des protéines kinases et diminue
l’expression des récepteurs de l’IL-2 [12]. Les huiles de poissons agissent également sur l’immunité et l’inflammation
en réduisant la production de TNF-␣, d’IL-1␤ et d’IL-6 par
les macrophages et l’expression des récepteurs à l’IL-2
des lymphocytes stimulés [13,14]. Ces effets passent par
503
une réduction de l’activation du facteur nucléaire NF␬B
promoteur de l’expression de nombreux gènes associés
à l’inflammation [15]. D’autres mécanismes d’action des
huiles de poissons sur la réponse inflammatoire peuvent être
cités : orientation de la polarisation des lymphocytes CD4
vers le phénotype Th2 au détriment du phénotype Th1 qui
est producteur de l’IL-2 et de l’IFN-␥ [16], diminution de la
production de cytokines lymphocytaires par réduction du pic
initial de calcium libre intracellulaire [17], réduction de la
phosphorylation de la MAP-kinase, enzyme impliquée dans
la transduction membranaire [18].
S’il est admis que le maximum de réduction de synthèse
des cytokines pro-inflammatoires est obtenu pour un taux
membranaire d’EPA de l’ordre de 1,5 %, on ne sait pas exactement quelles sont les doses quotidiennes d’EPA et de DHA
suffisantes pour produire ces effets [19]. On sait en revanche
que le meilleur contrôle de la réaction inflammatoire est
obtenu pour un rapport AGPI n-6/AGPI n-3 des lipides alimentaires compris entre 2/1 et 3/1 [20].
Sur le plan clinique, l’apport de 0,15 à 0,20 g/kg par
jour d’huiles de poissons à des malades de réanimation,
tous diagnostics confondus, entraînait une réduction de la
mortalité, des infections, de la prescription d’antibiotiques
et de la durée de séjour [21]. Plusieurs auteurs ont montré que l’administration d’EPA et d’acide ␥-linolénique
par voie entérale, réduisait la cellularité et le taux
de polynucléaires dans le LBA, augmentait le rapport
PaO2 /FiO2 , diminuait la durée de ventilation mécanique et
de séjour et s’accompagnait d’une réduction significative
des complications infectieuses intercurrentes [22—24]. Chez
des patients en choc septique, une nutrition parentérale
enrichie en AGPI n-3 réduisait d’environ 30 % la production
de cytokines par les lymphocytes et les cellules mononucléées, diminuait la CRP et la numération leucocytaire,
augmentait le rapport TxA3 /TxA2 et la synthèse de facteur activateur plaquettaire [25]. Une nutrition parentérale
contenant 50 g de lipide par jour dont 10 % d’huiles de poissons, administrée la veille d’une chirurgie abdominale et
durant les cinq jours postopératoires, ne modifiait pas le
taux d’infection, ni la mortalité, mais réduisait la durée de
séjour en réanimation et à l’hôpital [26]. Chez des patients
de chirurgie abdominale, la supplémentation par des huiles
de poissons pendant deux à trois jours en préopératoire
et en postopératoire, réduisait significativement la mortalité, les besoins en ventilation mécanique et la durée
d’hospitalisation par rapport aux patients n’ayant pas eu
de supplémentation [27].
Mélanges d’émulsions lipidiques
L’évolution récente s’est faite vers la mise au point
d’émulsions de nutrition parentérale composées d’un
mélange de différentes huiles dans des proportions
variables. Deux spécialités sont actuellement proposées,
l’une apportant 50 % de TCM, 40 % de TCL et 10 % d’huiles
de poissons (Lipidem® , B-Braun), l’autre 30 % de TCM, 30 %
de TCL, 25 % d’huile d’olive et 15 % d’huiles de poissons
(SMOFlipid® , Fresenius-Kabi). L’idée est de tirer bénéfice
des avantages de chacune des huiles mises en œuvre dans les
mélanges et de ramener le rapport n-6/n-3 entre 2/1 et 3/1.
Ces EL relativement pauvres en acide linoléique, inhibent
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peu la -6 désaturase. Riches en AGPI n-3 elles ont des effets
intéressants sur la réaction inflammatoire et sur l’immunité.
Chez des patients en postopératoire, l’administration de
Lipidem® pendant cinq jours augmentait de façon significative la synthèse de LTB5 avec élévation du rapport LTB5 /LTB4
[28]. Chez des patients de chirurgie, SMOFlipid® administré
pendant six jours, augmentait les taux plasmatiques d’␣tocophérol, des AGPI n-3 et de LTB5, et diminuait le rapport
n-6/n-3 et la durée de séjour par rapport à une EL de soja
conventionnelle [29]. Chez des patients de chirurgie abdominale traités par Lipidem® , les taux plasmatiques d’EPA,
de LTB5 et d’antioxydants étaient significativement plus élevés et la durée de séjour significativement plus courte que
dans le groupe ayant reçu une EL de soja [30]. Les effets
de l’administration pendant cinq jours de SMOFlipid® à des
malades en postopératoire ont été comparés à ceux d’une
EL à base d’huile d’olive. Au cinquième jour, les taux plasmatiques d’IL-6, de TNF-␣ et d’E-sélectine étaient significativement diminués dans le groupe SMOFlipid® , témoignant
d’une réduction de la réaction inflammatoire [31].
Émulsions lipidiques et hémostase
Les réactions moléculaires de l’hémostase, requièrent une
surface catalytique représentée par les phospholipides de
la membrane cellulaire, cette dernière ayant subi un
remodelage avec en particulier l’externalisation de phosphatidylsérine. Les microparticules (MP), générées au cours
de ces phénomènes, sont également le support de ces réactions. Dans ces mécanismes extrêmement fins et précis,
les eicosanoïdes tiennent une place toute particulière. La
nature de ceux-ci et l’équilibre entre ceux dérivant des
AGPI n-6 (PGI2 , TxA2 , LTB4 ) et ceux provenant des AGPI
n-3 (PGI3 , TxA3, LTB5 ), influencent la coagulation, le tonus
vasculaire et l’agrégation plaquettaire. Les modifications
de composition membranaire induites par les AGPI, en
particulier au niveau des cellules endothéliales et des plaquettes, ont également un impact sur les mécanismes de
l’hémostase [32]. Dès lors, il est possible que les EL, notamment celles contenant des huiles de poissons, induisent des
modifications de l’hémostase, compte tenu de leur impact
précédemment décrit sur les eicosanoïdes et les compositions membranaires. Les AGPI n-3 ne semblent pas induire,
in vitro, de diminution de l’agrégabilité plaquettaire mais
ont un effet synergique avec l’aspirine [33]. In vivo, il
est observé une diminution des agrégats plaquettomonocytaires traduisant une moindre activation plaquettaire chez
des volontaires sains [34]. Mais dans l’ensemble, les EL
riches en AGPI n-3 ne majorent pas le risque hémorragique.
Chez des patients ayant présenté un infarctus du myocarde, ces AGPI entraînent une diminution des MP d’origine
plaquettaire et monocytaire pouvant rendre compte d’un
effet anti-inflammatoire et antithrombotique [35]. Chez des
volontaires sains, les AGPI n-3 induisent une résistance à la
protéine C activée (PCa) responsable d’un moindre allongement du TCA. Les mécanismes évoqués passent en partie
par une augmentation des LDL et par la formation de MP qui
captent la PCa l’empêchant de se lier à son récepteur [36].
Malgré l’absence d’étude clinique, ces données incitent à
ne pas administrer simultanément de la drotrécogine Alpha
activée (Xigris® ) et des AGPI n-3.
M. Hasselmann et al.
Les statines ont un effet antithrombotique modéré lié
à l’inhibition de l’isoprénylation des protéines de signalisation au niveau cellulaire. Celle-ci induit une diminution
de l’expression du facteur tissulaire au niveau des cellules endothéliales, une augmentation de celle de la
thrombomoduline (impliquée dans l’activation de la PC
par la thrombine) et une inactivation de FVa. [37] Il
n’y a pas actuellement d’étude clinique publiée justifiant
l’administration de statines au cours de la nutrition parentérale dans le but de diminuer la génération de MP et
de thrombine. Cependant, chez les patients déjà traités
par des statines, celles-ci peuvent être poursuivies lors de
l’administration d’EL.
Conclusion
Les EL sont un composant important de la prise en charge
nutritionnelle des patients de réanimation qui nécessitent
une nutrition parentérale. Leur mise en œuvre est aisée,
leur efficacité démontrée et elles n’entraînent que peu
d’effets secondaires quand l’apport énergétique qu’elles
délivrent n’excède pas le quart des apports caloriques journaliers recommandés. Mais au-delà de leur rôle énergétique,
ces émulsions ont un impact sur la réaction inflammatoire et
sur l’immunité, plus ou moins marqué selon la nature des AG
qui entrent dans leur composition. Si beaucoup de travaux
expérimentaux confirment les données théoriques, c’est
avant tout dans le SDRA et le choc septique que l’intérêt
de la pharmaconutrition lipidique a été confirmé en réanimation. Il est certain aujourd’hui que le rapport AG n-6/AG
n-3 doit se situer entre 2/1 et 3/1 chez le patient de réanimation afin de ne pas entretenir la réaction inflammatoire
et de ne pas altérer l’immunité par la nutrition artificielle.
Les EL de dernière génération, constituées d’un mélange de
différentes huiles, répondent précisément à cette problématique.
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