. Le sexe du poème . Du désen- chantement en littéra

Transcription

. Le sexe du poème . Du désen- chantement en littéra
“Je considère le poète comme le meilleur de tous les critiques” Baudelaire
. Le sexe
du poème
. Du désenchantement
en littérature
. Vasco
Graça
Moura
Calligramme de Marc PESSIN (in Voyages en Calligrammes de Jean Burgos, Éd. Le Verbe et l’Empreinte)
Gustave COURBET, grandeur et misère
Marc PESSIN, magicien de la lettre
DÉCEMBRE 2007/JANVIER 2008 / N°86 / 3,60 euros
Les Aphorismes ont été choisis par Claudine HELFT
2
le vif et l’essentiel
édito
LETTRE AUX LECTEURS
D’AUJOURD’HUI POÈME
N ous avons des difficultés financières, cher lecteur,
qui expliquent notre retard à paraître. Nous
allons devoir suspendre la parution du journal
jusqu’en Mars. D’ici là et tout en travaillant à
résoudre nos problèmes, nous nous publierons sur le
site www.aujourdhui-poeme.fr vous tenant au courant de nos démarches et progrès et comptant sur
votre patience d’abonnés-lecteurs.
Quelles sont les raisons de notre problème financier?
Les suivantes : d’abord une réduction de 3.000
euros de la subvention accordée par le Centre
National du Livre (C.N.L.) à notre Association,
somme qui correspond exactement aux coûts d’impression de 2 numéros de journal ; ensuite la
restructuration des NMPP sur laquelle, souvenezvous, nous vous avions déjà alertés et qui entraîne
une érosion lente de nos ventes en kiosques et mai-
sons de la presse ; enfin les coûts salariaux mensuels de notre secrétariat.
Le paradoxe est néanmoins qu’Aujourd’hui Poème
demeure une affaire positive en termes d’abonnements (près de 600) et de lectorat (900 avec les
ventes). Le C.N.L. lui-même reconnaît publiquement que nous sommes la première entreprise
d’information poétique en France.
C’est pourquoi le Comité de Rédaction est bien
décidé à prolonger l’aventure. Pour parvenir à nos
fins nous avons surtout besoin de votre fidélité tout
autant que d’imagination. Donc soutenez-nous
par vos encouragements et surtout par l’information que vous diffuserez autour de vous disant
notre désir de survivre.
Le Comité de rédaction
Sommaire / n° 86 / Décembre 2007/Janvier 2008
— POÈMES INÉDITS
les choix de Claudine HELFT / p. 3
— LE SEXE DU POÈME
par Jean-Luc DESPAX / p. 4
— VASCO GRAÇA MOURA
entretien avec Lionel RAY / p. 5
— FAUT-IL SIGNER LE PACTE AVEC LE DIABLE
par Paul Louis ROSSI / p. 6
— L’ÈRE DU CHAGRIN
par Marie ÉTIENNE / p. 7
— LOUIS GUILLAUME, le rêveur éveillé
par Bernard MAZO / p. 8
— POUR “GASPARD DE LA NUIT”
par Francis COMBES / p. 9
— “PUZZLE” DE WOODY ALLEN
par Bernard FOURNIER / p. 10
— GRANDEUR ET MISÈRE DE GUSTAVE COURBET
par Jean-Pierre FERRINI / p. 11
— NOS CHOIX : RECUEILS, ESSAIS / p. 12
— NOUVEAUX TERRITOIRES DU POÈME :
“Interstices II”par Seyhmus DAGTEKIN / p. 13
— REVUES DES REVUES
par Bernard FOURNIER / p. 14
— LE COURRIER DU COEUR / p. 15
— CARTE DES ÉVÉNEMENTS / pp. 16-17
— MARC PESSIN, magicien de la lettre et Avènement
de la grafeuille par Charles DOBZYNSKI / p. 18
Le poème demeure libre. Nous n’enfermerons jamais son destin dans le nôtre.
(Andrée CHEDID in Visages de l’écriture de Louise LEROUX,
Le Hameau Éd., 1985)
rbitraire ce choix d’inédits ; en effet
dans les multiples rencontres qu’offrit le Festival des Trois-Rivières
(Québec) dont j’ai eu l’occasion de vous
parler dans le dernier numéro de notre
journal, il était bien des noms à retenir.
Mais en premier lieu, ceux dont j’ai cité le
nom, parmi les plus intéressants,
n’avaient pas toujours d’inédits traduits en
français, et il m’est apparu plus original de
vous donner ici à lire trois noms, d’origine
et de culture bien différentes, mais qui
tous procèdent d’un même sens de la
poésie, dans des formes de poèmes,
souvent opposés.
Hommage au Québec
Elle est sans doute, à l’heure actuelle, la
vedette féminine la plus en vue, et cela à
juste titre, de son pays. Il existe assez
d’anthologies pour y retrouver les noms
d’autres belles voix que nous avons célébrées dans ce même journal.
Hélène Dorion, laquelle fut en France
appelée comme membre du jury Louise
Labé, l’est aussi du Prix Senghor - émanation du PEN Club de France. Nous lui
avons décerné le Prix Mallarmé et son
propre pays l’a tout dernièrement honorée
de la plus haute distinction qui soit dans
cette région : “Le prix du gouverneur
Général du Canada” remis, chaque année
depuis 1937, et qui a cette heureuse particularité de réunir à la fois anglophones et
francophones. Nommée “Chevalier de
l’ordre national du Québec”, elle est
d’abord cette femme qui est un poète :
Extraits de Ravir : les lieux,
recueil encore inédit
D’ici bouge la lumière. regarde
le vide lourd sur l’épaule
éparpillé parmi les fenêtres.
...........................
Entre toutes les terres, le centre, la maison
plus au centre, le jardin : sillons
que tu racles, bêche de l’âme
tirant vers toi le soleil
les eaux de pluie sur les pétales
à peine apparus. Au cœur de ce monde
la chair noircie du nom, théâtre des choses
que tu livres aux vents ; Quel oiseau naît
de l’oiseau blessé ? Tu refais ta demeure
chaque jour, on imagine le sol
sous la main, l’arbre haut des saisons
le ciel planté dans la fenêtre, le geste superbe.
———————————————————
Ici l’escalier d’où monte
et redescend l’histoire, en ce détail
que tu incarnes. Des mots poussés
derrière le silence. Peu importe
l’espace qui te laisse à toi-même
- et flotte entre ces murs le craquement des
objets tu vois la fenêtre, là remue le monde
un vent d’aube, et les notes du piano
lentement tournoient.
Tu poses le pied, c’est la mer
qui te dénoue. Tu oublies presque la plaie
la pierre gisante, sur le fil de la mémoire.
Depuis des années, tu regardes les
branches
comme des racines, qui s’approchent enfin
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arrogante,
on entend un violon, et une porte se ferme.
frère, dis-je, comme tu chevauches joliment
ton petit cheval de bois
laqué,
A
Hélène
DORION
franchissons les frontières
où nous emmènent-elles ces soirées
incertaines ?
POÈMES
INÉDITS
D’AUJOURD’HUI
POUR
DEMAIN
Le choix de
Claudine HELFT
William
OSPINA
C’est un nom fort connu et venu de
Colombie. Célèbre pour ses romans (dont
beaucoup sont traduits en France) et sa
queue-de-cheval, il est ce magnifique
poète, dont le lyrisme détonne avec tant
de bonheur dans un temps de sécheresse.
Franz Kafka
Père lui dis-je donne moi trois grains d’orge
pour réveiller le dormeur.
Mais mon père ne répond pas :
c’est un énorme cavalier dominant collines
et synagogues.
Mère, lui dis-je, éloigne ces brumes
montre-moi un visage paisible d’où éclosent
des mots tendres.
Mais elle s’est égarée dans les ruelles de
pierre
et dans le miroir je ne retrouve que ses yeux
immenses ;
Grand-père, dis-je alors, ne lutte plus
désormais contre l’ange
viens me raconter des histoires auprès du
feu tandis que l’Elbe devient
glace .
Mais le vieux me regarde avec des yeux
absents, et je comprends
que ce n’est pas mon grand père, mais un
vieux gitan qui me vend un
souvenir.
Ma sœur, charmante sœur, lui dis -je,
prends ma main, il fait si froid dans cette
maison immense.
Mais à côté de moi passe une comtesse
hongroise monumentale et
Mais il n’est qu’une image, une
photographie grise entre mes
mains,
et, au loin, atroces, retentissent les canons.
Goethe, lui dis-je, chante-moi , une
chanson romaine,
que je sente dans mon cœur cette
ancienne tristesse.
Mais la tombe se tait .....
....................................................................
Alors tout ceci ne serait que délire, Qui
appeler pour me sauver ?
Leur royaume est de ce monde ; Ils sont
tous acceptés et pardonnés.
Ils sont trop humains, trop justes
je n’arrive pas à leur parler avec le
grincement de mes élytres,
je n’ai pas appris à franchir les portes,
et je ne sais pas me défendre.
Si tu vois deux yeux de chat dans la nuit
gothique de Prague
tu comprendras que j’ai peur de mourir si je
m’endors ;
Si tu entends un chant dans la nuit gothique
de Prague
tu comprendras que je cherche à savoir où
je suis.
Si tu entends un cœur dans la nuit gothique
de Prague
tu sauras qui soutient ce rêve.
Myota
KAMBA THCHITALA
est édité par l’Association
Au Rendez-Vous des Poètes
105 bd. Haussmann, 75008 Paris
Téléphone : 01 42 65 08 88
Télécopie : 01 49 24 98 45
Courriel : [email protected]
Site : www.aujourdhuipoeme.fr
Directrice de la Publication, Gérante :
Claudine PARINAUD
Comité Directeur
Jacques DARRAS,
Charles DOBZYNSKI, Claudine HELFT,
Bernard MAZO, Lionel RAY
Rédaction
Gabrielle ALTHEN, Jacques ANCET,
Francis COMBES,
Maurice COUQUIAUD, Jacques
DARRAS, Seyhmus DAGTEKIN,
Jean-Luc DESPAX, Charles
DOBZYNSKI, Bernard FOURNIER,
Claudine HELFT, Bernard MAZO,
Jean PORTANTE, Lionel RAY
D’origine africaine, elle est citoyenne du
Québec et chante toujours ses racines
ancestrales et… sa nuit.
Carte de France : Anne-Marie SIKSIK
Maquette : AGENCE ART ACTION
Le déserteur cherche à se terrer
Oh l’heure claire de la pendaison !
la vérité se couvre d’araignées ;
Des fous sans pitié pensent nous aimer.
Sous la pression du jour, l’oreille ne change
rien à ton cœur dur.
Journal publié avec le concours du
Centre National du Livre (CNL)
La faim nocturne de l’âme écorce les cieux.
Des bêtes enragées lancent sur moi des
ossements.
En guise de larmes, de longues coulées de
sang.
Le désespoir spirituel flotte solitaire sur la
paix de l’étang ;
Une barque rouge culmine dans la vision du
naufrage.
C.H.
Prix par numéro : 3,60 euros
Abonnement 10 numéros :
28 euros (France)
45 euros (Étranger & DOM/TOM)
Commission Paritaire 0601 G 78908
N° ISSN 1296-3623
Imprimé en Belgique par HAVAUX1400
Nivelles - Belgique
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On peut aussi trouver qu’il y a du roman dans certains poèmes.
(Henri MESCHONNIC inVivre Poème, Dumerchez Éd.)
chronique
eghers propose une réédition de
l’Anthologie de Marcel Béalu :
La poésie érotique, augmentée
de dessins de Béalu lui-même et
de poèmes inédits. Le poète autodidacte,
le libraire passionné par ces textes que la
morale de leur temps réprouvait donne à
lire plus de cent écrivains classés par
ordre chronologique. De Guillaume
Coquillart, né en 1421, à Joyce Mansour,
sans négliger des anonymes. Voici donc
ces poèmes que les manuels littéraires
n’auraient jamais admis car ils sentaient
trop le soufre de l’enfer des bibliothèques. Dans sa préface de 1971, Béalu
invite à poursuivre le travail engagé. Si
cela devait se faire un jour, si le désir de
la poésie, la poésie du désir, le désir et la
poésie ne finissaient pas par succomber
sous les coups peu érotiques de la marchandise érigée en loi, il faudrait sans
doute qu’une part plus grande (ce n’est
pas difficile) soit accordée aux textes de
femmes. Beaucoup d’hommes ici en effet,
pour dire l’Éros à leur subtile manière.
S
Les fleurs du mâle
Les Messagers clandestins de M. Béalu.
LE
SEXE
DU
POÈME
par Jean-Luc DESPAX
L’anthologie, le florilège deviennent trop
vite les fleurs du Mâle. On dira Louise
Labé. Mais c’est un homme qui écrivit ses
poèmes, ce que Marcel Béalu ne pouvait
pas savoir au moment de la composition
du bouquet. Il faut attendre donc, puisque
la poésie érotique féminine a droit de cité
enfin aujourd’hui, au sens où elle n’a pas
à se soumettre ou à (com)plaire aux stéréotypes de la domination masculine,
qu’elle ait le droit d’être citée dans un
volume somme. La présente anthologie
propose un regard historiquement informé, mais pas d’œillères pour autant.
Quand Jean-Antoine de Baïf produit son
analogie de la femme montée comme une
pouliche, ou que Brantôme explique que
la pucelle a du mal à supporter le joug du
taureau, Ronsard revisite à la française le
mythe de l’androgyne platonicien :
Quand en songeant ma folâtre j’acolle,
Laissant mes flancs sur les siens
s’allonger,
Et que, d’un branle habilement léger,
En sa moitié ma moitié je recolle !
Clément Marot n’oublie pas la tendresse
dans l’acte, mais ne se prive pas de
l’ambiguïté du mot “baiser”.
Baiser souvent n’est-ce pas grand
plaisir ?
Dites ouy, vous aultres amoureux ;
Car du baiser vous provient le désir
De mettre en un ce qui estoit en deux.
Il n’y a pas autre chose
Y aurait-il un ordre moral si les forces
vitales ne s’étaient exprimées ? Y auraitil eu progrès si l’on s’en était tenu aux diktats des bonnes mœurs d’époques successives ? Il s’agit avant tout, dans les
poèmes de ce livre, quelles que soient la
subjectivité et la sensibilité du récepteur,
d’un rapport à la vérité. Ne pas cacher ce
qui s’était écrit dans la clandestinité parce
que tout le monde y pensait tout le temps.
Parce qu’il n’y a pas d’autre forme de
transcendance, que les abbés soient
libertins, menaçants ou menacés. Jules
Laforgue l’avait bien vu :
Cueillons sans espoirs et sans drames,
La chair vieillit après les roses ;
Oh ! parcourons le plus de gammes !
Car il n’y a pas autre chose.
Ne pas brûler les livres, mais les laisser
devenir ce qu’ils sont : brûlants. Marcel
Béalu savait aussi le prix que ses prédécesseurs avaient payé pour avoir honoré
l’esprit libertin. Claude le Petit, brûlé à 23
ans, en 1662, en place de Grève, pour
ses textes :
Venez tous au bordel de ces Muses
lubriques :
L’esprit, qui prend plaisir aux discours
satyriques,
Déchargera sans doute, entendant ces
accords.
À l’aube des seventies, il n’est pas dupe
d’une supposée avancée des mœurs. Le
contrôle subsiste d’autant que la libéralisation semble généralisée. Il cite cette
phrase d’un homme d’État, dans sa préface : “Pendant qu’ils se branlent, ils
nous foutent la paix.” Le pouvoir occupe
les têtes et les rétines. Montrer/soustraire
les corps dans le spectacle généralisé, ce
n’est pas encourager l’amour et l’érotisme mais le dissuader. La pornographie,
même soft, celle qui se déploie aujourd’hui en prime time, et qui cherchait ses
fondamentaux en 1971, est une arme
répressive. On ne touche plus. Que du
regard frustré. Et braqué… sur la laideur.
Toujours plus de laideur. On invente de
faux désirs pour réprimer le plaisir.
Et l’anthologie n’a plus à être brûlée
parce que le sexe est châtré, excisé, par
l’instrumentation publicitaire.
Petit inventaire
de la subversion d’antan
Ce n’est donc pas sans nostalgie que l’on
se tourne vers la subversion d’antan. La
diversité lexicale pour dire les organes et
la chose. Le sexe féminin, malgré la liste
impressionnante de synonymes, reste ce
grand inconnu qui fait peur au vers masculin. On s’en tient plus souvent à la
barbe qu’aux lèvres. La fascination n’est
guère interrogée. Il s’agit de “cueillir la
fleur” ou bien d’être vidé provisoirement
de ses forces vitales. L’instrument de
plaisir, le godemiché, pourrait fondre
dans la fournaise intime dont on peut imaginer ce qui seul pourrait l’éteindre.
L’éternelle autosatisfaction du mâle pour
son organe place elle aux avant-postes la
métaphore guerrière. La lance d’ivoire
d’Étienne Jodelle. Le jugement de Rémy
Belleau est sans appel sinon :
Adieu, contente-toi, et ne pouvant
dresser,
Que ce boyau ridé te serve de pisser.
François de Maynard, au 16e siècle,
te à profiter du moment qui passe,
digue à sa manière son carpe diem
dame, les préliminaires ne devant
s’éterniser :
Les ans raviront tes appas,
Et ton con deviendra si vaste
Que les mulets n’en voudront pas.
inciproà la
pas
Le vit c’est la vie, le «con», ce n’est
jamais le lecteur, invité à partager la fascination d’une dame qui trouve un nerf
plus gros que le petit couteau qu’elle
cherchait (Mellin de Saint-Gelais) ou à
rire quand le dispositif s’inverse. Il s’agit,
tout en se défiant de la grossesse ou de
la maladie vénérienne, de ne pas compter
les coups. La femme se doit d’être insatiable et l’homme inépuisable. La chambrière fait moins d’histoires que la dame,
le forgeron est plus convaincant que le
cocu de mari. À chaque époque ses lieux
de prédilection. Le pré. Le boudoir. Le
bordel, dans lequel Saint-Amant entre
“d’une démarche grave”. La rue. La
chambre et le mobilier familier qui restent
gravés dans la mémoire, bien des années
après. Toujours la crainte d’être surpris et
la joie de l’être, puisque c’est dans une
page. Plus la “chose” se pratique hypocritement dans la société, plus le poète
s’applique à choquer le bourgeois. Pas
de Révolution sexuelle à l’horizon cependant, et surtout pas au 19e siècle. Tout
cela reste bon enfant, même quand la
petite ouvrière s’encanaille à dire, dans
les vers de Béranger :
Ma mère avait raison, je l’vois,
Not’bonheur est au bout des doigts.
L’érotisme du dire
Le véritable bonheur de l’amour, hors
celui de le faire, est de le dire. C’est pour
cela que la poésie est à la fête, tant qu’elle ne cède pas aux prestiges de l’autodestruction. C’est la poésie qui devient
bandante, qui “arque”, fait au 16e siècle
un jeu de mots sur les trous, avec le jeu
de billard appelé “trou-madame” (Raoul
Fornier). La poésie qui s’ouvre des passages vers le sublime en délaissant les
clystères pour l’autre déduit. Du paillard
au grivois, du juron à la caresse élaborée,
l’énergie vitale qui passe dans les mots
fait la nique au néant et donne des coups
de trique à l’absurde de l’existence, dans
un grand (et gras s’il le faut) éclat de rire.
Cet érotisme du dire est d’autant plus
aisé qu’il y a de l’autorité à transgresser,
ou de la censure. Le véritable ennemi,
c’est la mort, quand bien même cette censure ultime a toujours gagné d’avance. La
poésie est plus forte que la mort. C’est
une de ses définitions. Et pour le vérifier,
un des plus beaux cadeaux que nous fait
ce livre est de nous permettre de redécouvrir le surréalisme. Pas la contrepèterie des “rouilles encagées” de Péret. Pas
le corps de garde que Breton ou Aragon,
dans leurs études de médecine, ont pu
fréquenter. Une Théorie de l’amour. Des
exercices pratiques et poétiques. L’amour
pour illuminer les vies, faire rougir les vits
et les joues de la partenaire, loin du mortifère des cliques et de la mise en scène
des claques. L’art ce n’est pas le lard,
c’est l’amour. On ne se lasse pas, de ce
point de vue, des prescriptions surréalistes, signées par Éluard et Breton dans
L’Immaculée Conception : “Lorsque
l’homme et sa maîtresse sont couchés
sur le flanc, s’observant, et qu’elle enlace
de ses jambes les jambes de l’homme, la
fenêtre grande ouverte, c’et l’oasis.” Ou
bien : “L’amour multiplie les problèmes.
La liberté furieuse s’empare des amants
plus dévoués l’un à l’autre que l’espace à
la poitrine de l’air. La femme garde toujours dans sa fenêtre la lumière de l’étoile, dans sa main la ligne de vie de son
amant. L’étoile, dans la fenêtre, tourne
lentement, y entre et en sort sans arrêt, le
problème s’accomplit, la silhouette pâle
de l’étoile dans la fenêtre a brûlé le rideau
du jour.”
Dès ce moment, le poème n’a plus honte
de son corps. Sauf erreur de ma part, ce
corps n’est toujours pas à vendre.
J.-L.D.
La poésie n’est pas la forme-vers. Il n’y a pas de “forme-poésie .
(Henri MESCHONNIC inVivre Poème, Dumerchez Éd.)
V
asco Graça Moura, député européen, est en poésie l’une des voix
majeures du Portugal actuel. Nous
avons rendu compte dans le numéro de
mars dernier d’Aujourd’hui Poème de son
livre Une Lettre en hiver, traduit et préfacé
par Joaquim Vital aux Éditions de La
Différence, édition bilingue, qui obtint le prix
Max Jacob étranger 2007.
Lionel Ray (L.R.) : Votre œuvre est multiforme – essais, romans, chroniques, traductions et surtout poèmes. Si vous le voulez
bien, arrêtons-nous un instant sur votre travail de traducteur. Vous avez traduit Villon,
Rilke, Lorca, Ronsard, Dante, Enzensberger,
Shakespeare, Ekelöf, etc. La poésie n’a pas
de frontière : votre belle insistance à passer
la barrière des langues en est l’illustration. Y
a-t-il un infléchissement de votre œuvre personnelle et un enrichissement qui doivent
quelque chose aux œuvres que vous avez
examinées ? Traduire, est-ce une appropriation ? et si la poésie est l’inimitable même,
est-ce la tentation d’imiter l’inimitable ?
Le dialogue des langues
Vasco Graça Moura (V.G.M.) : Il y a surtout
un dialogue avec des œuvres littéraires qui
m’ont fort impressionné et dont le texte m’accompagne depuis de longues décennies.
Je traduis pour mieux connaître une œuvre
ou un auteur. Pour mieux connaître ma
langue. Pour mieux me connaître. En même
temps, pour m’adonner à une sorte de corps
à corps avec une langue étrangère dans ses
modalités de passage littéraire vers la mienne. Sauf pour les Lettres à un jeune poète,
de Rilke, je ne traduis que des vers et en
vers, essayant de garder toutes les
caractéristiques du texte original (mètres,
rimes, strophes, etc.). C’est ce qui m’a fait
traduire récemment Bérénice, Phèdre,
Andromaque, Le Misanthrope, Le Cid et
… Cyrano de Bergerac. Le texte de
Rostand s’est révélé le plus difficile dans ce
corps à corps…
Traduire est en effet une appropriation. Je
me considère comme une sorte d’auteur de
seconde main, mais auteur quand même
des textes que je présente comme des traductions et je les signe comme auteur. Dans
mon œuvre personnelle, quoiqu’elle ne puisse être jamais confondue avec celle des
auteurs que j’ai transposés en portugais, il y
a des allusions inévitables, d’ailleurs en
général très conscientes, à tout ce patrimoine accumulé, parfois même des pastiches
plus ou moins ironiques. Par exemple, après
avoir traduit les Testaments de Villon, j’ai
écrit le testament de vgm, en octosyllabes,
avec des rondeaux et des ballades intercalés, des tirades en argot, essayant d’apprivoiser les traits les plus saillants de mon
modèle. Et après l’avoir écrit, je l’ai traduit en
français, tout en essayant de garder les
mêmes traits. Ça a été une expérience très
intéressante…
Mais souvent il arrive que je redonne aux
poètes traduits des expressions portugaises
qui ont été frappées par nos auteurs. Avec
Ronsard, Pétrarque et Shakespeare, par
exemple, j’ai parfois adopté des tournures et
des tics très reconnaissables chez nos
auteurs du XVIe siècle. Avec Gottfried Benn,
çà et là, il m’est arrivé d’utiliser des expressions qui rappellent, par allusion, Pessoa…
Quant à la tentation d’imiter l’inimitable,
l’unique, il est vrai qu’il y a cette hantise
d’une identification dans mon travail de traducteur. Mais j’ai toujours conscience que
c’est un travail plus périssable que les
autres. En général, une traduction ne tient
pas plus de vingt ou trente ans. Après, elle
devient démodée, elle ne satisfait plus. Peutêtre parce que la langue de réception évolue
d’une façon imperceptible dans cette période
et aussi parce que le traducteur, comme le
faussaire, est surtout sensible à la lecture
VASCO
GRAÇA
MOURA
Entretien
avec
Lionel RAY
que ses contemporains, que son temps, font
de tel ou tel auteur et finit par mettre en relief
ce que son époque lit chez eux…
Une furieuse passion
L.R. : Dans la lettre qu’il vous adresse en
préface de Une Lettre en hiver et autres
poèmes, Joaquim Vital, votre traducteur, attire notre attention à juste titre sur “le parfait
dosage du narratif et du lyrique“ dans votre
œuvre. Et ce dosage, dit-il “rend tangible la
furieuse passion qui vous habite.” Cette formule (furieuse passion) m’en rappelle une
autre, qu’on trouve chez les Anciens grecs et
latins, relayés par nos poètes de la
Renaissance (Du Bellay par exemple) c’est
“la fureur poétique“ qui serait à la source de
l’acte d’écrire. De quoi parle-t-on, selon
vous, lorsqu’on parle d’inspiration ? dans
quelle mesure est-elle liée à la circonstance
(choses vues, lectures, souvenirs, événements) et comment cela s’articule-t-il à ce
qu’on pourrait appeler la “circonstance intérieure”, ce qui est de l’ordre de la vie privée
(rêveries, fantasmes, images à la limite du
conscient et du subconscient) ?
V.G.M. : Il s’agit d’un vers d’Eugenio
Montale, la furiosa passione per il tangibile,
que je me suis appropriée. Moins les fureurs
héroïques à la façon d’un Giordano Bruno
dont vous parlez que d’une certaine
recherche obstinée du concret qu’il y a
autour de nous. Il m’est difficile d’accepter la
notion d’inspiration. Comme je ne sais plus
qui, je parlerais plutôt de 90 % de transpiration et de 10 % d’inspiration. Je crois surtout
à la technique, au métier. Mais il me semble
aussi que toute création artistique est autobiographique, même si elle entraîne des
simulations et des données faussées.
J’ai coutume de dire que la poésie est ma
forme verbale d’être dans le monde. La substance de ma vie n’est pas faite de la parole
poétique, mais la parole poétique contribue
à la qualifier là, où je ne peux pas me passer
de la création artistique pour me justifier et
me comprendre en tant qu’être humain. Ce
qui veut dire que, prenant mon bien où je le
trouve, j’essaye de transformer ma vie en littérature, à partir de situations, de données
de fait, d’expériences vécues et de simulations, d’exactitudes et d’inventions, du réel et
de l’imaginaire, d’oscillations et de renvois
entre le vrai, le vraisemblable, le possible,
l’impossible et le faux.
Je crois aussi que toute forme de création
existe par rapport à un tissu culturel qui nous
vient depuis la plus lointaine antiquité jusqu’à la création contemporaine la plus
récente et qui prend incessamment des
formes multiples. La langue que chacun de
nous parle en est d’ailleurs la première manifestation, avec tous les sédiments et tous les
vestiges culturels qu’elle transporte. Je ne
peux donc comprendre mon travail littéraire
que si je considère ces coordonnés multipolaires qui font qu’un tableau, une sculpture,
une pièce musicale, un film, une photogra-
franchissons les frontières
phie, d’autres textes enfin interfèrent dans la
production littéraire. Pour reprendre et adapter une formule célèbre de John Donne,
“nulle création artistique n’est une île en
soi”... dans cette pratique acharnée de la
poésie où temps et mémoire, surtout un
temps historique et un temps individuel, une
mémoire culturelle et une mémoire personnelle se retrouvent dans la dynamique
verbale très particulière du poème.
De l’émotion et de l’identité
L.R. : Vous connaissez ce titre de Pierre
Reverdy : “Cette émotion appelée
poésie”. De quoi parle-t-on lorsqu’on parle
d’émotion ? Celle qui déclencherait
l’écriture du poème ? Celle que suscite le
poème ? Vous dites penser “à l’écart de
l’émotion immédiate” (page 141) et vous parlez ailleurs d’une “impartialité irréductible”,
pourriez-vous préciser votre position ?
V.G.M. : J’ai retenu de Reverdy une autre
formule qui m’intéresse beaucoup : “la poésie met le langage en état d’émergence”. Je
crois que l’émotion appelée poésie en
découle. C’est quelque chose à laquelle on
aboutit dans le poème, pas avant de l’avoir
écrit. Une émotion peut avoir été ressentie
mais elle ne donne pas pour autant un
poème. Il faut qu’elle soit récupérée en
termes littéraires, il faut donc que soit transposé l’écart entre le vécu et le travail créateur afin qu’on parvienne à cette irréductibilité, qu’elle devienne quelque chose d’impersonnel quoique présentée comme vraiment
ressentie par le sujet de la voix qui parle
dans le texte. Autrement elle ne serait pas
partageable avec “l’hypocrite lecteur”...
L.R. : Un poème de vous (entre autres)
m’intéresse intensément et m’intrigue :
Vêpres. Il y est question d’un homme en
“blouse blanche obligatoire“ au chevet d’une
femme au visage enveloppé de gaze légère,
en soins intensifs, et qui lui parle sans qu’elle puisse entendre. L’homme s’éloigne, qui
donc est-il ? “c’est comme lorsqu’on voit de
la rue quelqu’un / derrière les rideaux dans
un courant d’air. Parfois je pense que c’était
moi, / parfois je me demande si c’était un
autre à ma place, dans une courbe du
temps, qui murmurait tout bas des mots
oubliés. / mais si ce n’était pas moi, comment ai-je connu cette voix émue / glissant
jusqu’à devenir inaudible / en dehors du
cœur ? et si c’était moi, comment ai-je pu /
parler de façon si intérieure, si effacée ?” La
question de l’identité ici étrange, celle de la
conscience double, du “Je est un autre”, est
ici posée en relation avec celle de la parole
qui échappe, comme venue d’un autre que
soi. Ce problème identitaire (qui était-ce ?
dites-vous), ne croyez-vous pas qu’il est
central, fondamental, au cœur de toute poésie ? Qui parle dans le poème ?
V.G.M. : Ce poème est un très bon exemple
de ce que je viens de dire. Il est basé sur
l’expérience personnelle de la visite à l’hôpital à une femme que j’aimais beaucoup et
qui était très malade. L’utilisation de la troisième personne du singulier est déjà une
façon de détacher la situation présentée de
moi qui l’avais vécue. Je ne doute pas que le
lecteur reste persuadé qu’il s’agit d’un autre
que moi. Mais, en même temps, il sait qu’il
est devant une sorte de dédoublement, de
quelque chose qui le met à l’aise dans
l’étrangeté d’un rapport avec des interrogations presque d’un ordre “cosmique“ vers la
fin du texte, qu’il peut mieux s’introduire et
s’identifier lui-même dans l’univers de
souffrance aseptisée que je décris et partager aussi une modalité de l’indicible devant
cette situation. Ce “qui était-ce ?” le met en
rapport avec lui-même, à mon avis.
“l’orée inquiète des choses”
L.R. : Dans l’un de vos livres, L’ombre des
5
figures (1985), vous dites : “l’écriture est
l’orée inquiète des choses, / l’ombre des
figures.” Pourriez-vous préciser ?
V.G.M. : Ce livre est de 1985. J’essayais
alors de pratiquer une sorte de traversée des
plis de la réalité, d’abordage de cette réalité
à partir de l’ombre projetée par les êtres et
les objets dans une zone plus ou moins crépusculaire de l’existence. Alors l’écriture surgissait comme une sorte de contour que je
mettais ou retrouvais autour de mes sujets,
de ces figures, une sorte d’orée verbale, de
marge disponible ou retrouvable entre elles
et qui pouvait être explorée dans l’inquiétude
créatrice. Ce livre porte une citation de
Tertullien en épigraphe : de umbra transfertur ad corpus, id est de figuris ad veritatem
qui peut éclaircir cet écart entre des figures
précaires et la vérité poursuivie.
Dans le poème que vous citez, je commence par un titre qui est lui-même une allusion
aux Métamorphoses pour 23 instruments
à corde de Richard Strauss, une sorte de
variation sur la Marche funèbre de l’Eroica
de Beethoven, pour passer ensuite à une
méditation sur des plantes dans le silence et
la quiétude d’une serre, terminant par la
question des limites qui se posent à l’être
humain quand il s’interroge sur lui-même.
L.R. : Vous évoquez souvent dans vos
poèmes des peintres, des tableaux, Ucello,
Piero della Francesca, Giorgione (“Le
concert champêtre”) etc. La peinture italienne plus que toute autre a votre faveur.
Pourquoi ? quelle leçon la poésie peut-elle
retenir de la fréquentation des maîtres
italiens ? La poésie elle aussi donne à voir,
“d’autres intensités bouleversantes” comme
vous dites… par d’autres moyens. Une
relation intime existe entre les deux arts,
laquelle ? on ne sait trop…
V.G.M. : J’ai une propension pour l’ekphrase, pour la représentation verbale d’une
œuvre visuelle depuis mon premier livre.
Cette tendance à parler dans le poème
d’autres domaines de la création artistique
s’est élargie, surtout avec la musique, mais
aussi avec la photographie et le cinéma. Ce
n’est pas une attitude systématique. Il m’arrive que les choses se passent ainsi. Quelle
est mon intention ? Je crois qu’il s’agit d’incorporer d’autres vestiges, d’autres procédés de la création, d’autres “travaux” dans
mon travail poétique. Des choses que je
sens le besoin de reprendre avec mon
outillage spécifique et personnel. C’est aussi
une forme de traduction. J’utilise des
méthodes très variées. Il m’arrive d’essayer
des équivalents descriptifs, des transpositions métaphoriques, des similitudes structurelles, des points de départ conceptuels.
Une fois, et sans rien connaître en théorie
musicale (quoique je sois un auditeur passionné de musique), j’écrivis même un
poème d’après une analyse musicale très
poussée d’une fugue et des procédés
contrapuntiques de J. S. Bach…
Pour ce qui est des peintres italiens, c’est
surtout leur aventure plastique au moment
de la Renaissance qui m’intéresse. Piero
della Francesca est l’un des inventeurs de la
perspective tridimensionnelle (une autre
forme de simulation sur les propriétés de
l’espace…) et je suis convaincu que cette
invention est l’une des notes les plus spécifiques de notre civilisation européenne. Je
parle de sa Flagellation dans un long poème
(une lettre en hiver) aussi parce que ce texte
est une méditation sur l’Europe.
L’expérience du contact avec les autres arts
est aussi une expérience incorporée dans la
vie que je considère des plus importantes
pour ce qu’il peut exister d’ “autobiographique” dans mon écriture. C’est aussi une
variante du ut pictura poesis…
(Propos recueillis par Lionel Ray)
Et toujours dans le poème quelqu’un tente de faire escorte avec le sacré et les images de la souillure.
(Pierre DALLE NOGARE inVisages de l’écriture de Louise LEROUX, Le Hameau Éd., 1985)
chronique
6
“DU DESENCHANTEMENT”
. Faut-il signer le pacte avec le diable ?
par Paul Louis ROSSI
Le Docteur Faustus...
J’ai relu, ces jours derniers Le Journal du
Docteur Faustus, de Thomas Mann. Il est
réfugié aux États-unis, et il vient de se faire
opérer, en 1946. À son réveil, après l’opération, il se met à parler en anglais, à l’encontre de toutes ses habitudes. Et
même, il se lamente :
- It was much worse than I thought...
I suffere too much !
- Cela est pire que je pensais.
J’ai trop souffert...
L’écrivain ajoute :
- Aujourd’hui encore je me demande
quel sens avait cette insanité. De quoi
parlais-je ? Puisque je n’avais rien
senti !
Thomas Mann vient de terminer l’histoire du Docteur Faustus. C’est un
musicien moderne. Probablement
Schönberg, qui lui a servi de modèle.
Schönberg devait être furieux. Mais
Thomas Mann avait consulté Adorno, et
il s’est aussi servi de Hugo Wolf, et surtout de Nietzsche. Donc ce musicien Adrian Leverkuhn dans le roman - qui
veut opérer une révolution dans la
musique, signe un pacte avec le diable,
dit le Noir Kesperlin. Le diable est un
personnage assez minable, vulgaire,
genre voyageur de commerce,
marchand de cravates. Mais il répand
autour de lui un froid intense.
“Dies irae”, dessin de MELOIS, Décembre 2007
Les Casidas...
Il me semble que le corps doit fabriquer ses
propres moyens de défense. Comme l’intellect ses antidotes. Je ne crois pas au discours poétique, mais je possède plusieurs
formules de magie - tout à fait dignes de
confiance - que me soufflent les Caspulinas.
Voilà pourquoi j’ai inventé une variation des
Casidas. Forme arabo-andalouse, d’origine
préislamique. La mienne forme compte sept
distiques. Ce qui la rend proche du sonnet, et
même de la structure du blues. Ma véritable
inspiration vient de Garcìa Lorca. Mais à la
vérité ce n’est pas le Divan du Tamarit - où
sont les Gacelas et les Casidas - qui m’a
donné cette idée, mais un texte du
Romancero. Une Romance de l’Assigné que
je puis citer :
La Modernité...
Faut-il signer avec le diable le pacte de
la modernité ? Ce n’est pas l’avis de
Thomas Mann. Il est du côté de Wagner,
et de Goethe. Mais pour nous, la question ne
se pose plus en des termes strictement artistiques. J’en ai souvent parlé, nous sommes
condamnés à la modernité, à la force
conquérante du monde, qui n’en finit plus de
nous admonester. De quoi vous plaignezvous, puisque vous avez tout ? Quittez vos
oripeaux, quittez la peinture, quittez la
musique, oubliez la philosophie. Abonnezvous à l’élan vital du monde. Abandonnez la
Francophonie. Abandonnez la langue française - langage inepte - trop compliqué pour
le négoce.
La Musique...
Jean-Yves Bosseur est un disciple de
Stockhausen, il m’a demandé de faufiler
dans le texte, pour les choristes, des
passages traduits en langues étrangères.
J’ai donc ajouté de l’espagnol, de l’italien, et
même une traduction en galicien d’Emilio
Araùxo, ainsi que des passages en
portugais du Brésil dans la Casida de
l’amoureuse :
Tu peux couper si tu veux
les lauriers-blancs du patio.
Peins une croix sur la porte
et mets au-dessous ton nom
car la ciguë et l’ortie
de tes côtés sortiront...
L’Amoureuse :
Par le creux de l’oreille ouverte
rendez- moi sourde
et que je pénètre...
Texte d’une sévérité toute romaine. C’est
pourquoi l’une de mes Casidas se termine
ainsi :
Le Récitant :
Pela concha da orelha
deixe-me surda
e que eu penetre
Na vossa boca cerrada...
Loin des sorts le réprouvé dort
sommeil sans effort de celui
Qui a rayé l’avis du Garde Civil
et jeté les rêves au dehors
Un Opéra...
J’ai pensé à cette Ethnie de la Papouasie.
Le territoire recèle une mine - de cuivre
sans doute - et la contrée, et ses habitants,
sont déjà vendus à l’Australie, ou au Chili.
Peu importe, puisqu’ils ne le savent
pas, qu’ils sont vendus. Et nous le savonsnous ? Chacun peut comprendre cela, que
le réveil sera brutal. Il s’agit de la notion du
plus grand plaisir, avant la chute. C’est ce
que Freud a formulé : Malaise dans la culture - Malaise dans la civilisation. Chaque
nouveauté, chaque découverte, chaque
progrès, chaque œuvre nouvelle ne peut
susciter que du déceptif, ne peut déclencher qu’une dose d’angoisse supplémentaire. Je n’ai qu’à ouvrir ce matin une brochure. C’est Marcel Gauchet qui écrit :
“Sommes-nous vraiment condamnés sans
espoir de retour à l’agitation immobile et à
l’agonie perpétuelle des morts-vivants de la
post-histoire ?”
en resterait muette.
Le prêtre - Par l’oreille ?
La Possédée - Par la tête et les pieds, par les
cheveux, la main !
Le Prêtre - Par les pieds.
Par les yeux par la bouche.
Tu ne veux pas sortir.
Ah ! Démon.
À partir des Casidas, j’ai composé un Opéra
de poche pour le musicien Jean-Yves
Bosseur. C’est ainsi que la Casida du démon
se présente, avec les Caspulinas :
Le prêtre ébauchait des gestes fous
chacun croyait découvrir le Démon
dans son proche voisin
Les Caspulinas
devaient cesser
leurs attouchements
Le Prêtre - Démon par où veux-tu sortir ? par
les yeux ?
La Foule - Pas par les yeux - Nous en serions
aveugle !
Le Prêtre - Démon ! par où veux-tu sortir. Par
la bouche ?
La Possédée - Non pas par la bouche. Elle
Ce que je remarque, c’est le côté remuant, la
capacité spontanée du Français à sortir de
ses gonds. Ici en quelques mots, la référence à la littérature et la musique allemande, la
langue du Brésil, la Galice et le Pays des
Basques. Il est évident que nous ne sommes
pas faits pour rester camper dans notre territoire. Nous sommes, depuis l’origine, prodigieusement inquiet du Monde. J’ai noté dans
une autre histoire que le Grand Khan, vers
l’an 1287, propose à Philippe Le Bel cent
mille cavaliers pour l’aider à combattre les
Turcs.
Le Rang...
De mes ascendances bretonnes, je garde le
goût du rang. Dans la société, dans l’art,
dans la littérature et la poésie : chacun garde
son rang. Je pense au passage de Michelet
que l’on trouve dans l’Histoire de la France. Il
signale qu’il y avait en Bretagne quatre
évêques mariés : ceux de Quimper, Vannes,
Rennes et Nantes - leurs enfants devenaient
prêtres et évêques - celui de Dôle pillait son
église pour doter ses filles. Il doit ajouter cette
phrase admirable :
Les femmes pouvaient recevoir un évêché
en dot, et lors des cérémonies, la compagne
du prêtre marchait auprès de lui jusqu’à l’autel. Il pouvait même arriver que l’épouse de
l’évêque disputât le pas à la femme du
comte.
C’est pourquoi il me semble que nous avons
à tâche de préserver le rang de notre langue.
Le rôle du français dans le monde. Pour moi
cela ne se discute pas. Les littérateurs, les
écrivains - bien sûr - et les poètes - sans
doute - les chroniqueurs certainement,
devraient s’attacher à ne pas laisser dépérir
notre beau langage. Pour cela, c’est évident,
il faut cesser de courir après le lièvre de la
modernité, elle s’épuisera d’elle même dans
l’orgie des publicités et des excès du commerce. Sommes-nous en état d’hibernation,
ou de somnambulisme, puisque nous ne
reconnaissons plus notre douleur.
Les Langues minoritaires...
Après cet éloge de fidélité au langage français, il faut malgré tout reconnaître, au
fond, que ma véritable vocation serait d’être
le défenseur des langues minoritaires. J’ai
cité le galicien, le gaélique, le cornique,
l’italien de Sardaigne. Cela devrait corriger
notre tendance hégémonique. Mon idée
cependant, est qu’il ne faut pas négocier en
position de faiblesse. Pour la suite des
Casidas, j’ai longuement paraphrasé l’histoire de la Chasse aux Sorciers dans le
Pays Basques, en 1609. Avec le juge De
Lancre - de Bordeaux - qui envisageait de
brûler quatre mille sorciers et sorcières, et
qui a assassiné le vieux prêtre tondu
d’Arguibel. C’est pourquoi j’ai consacré à
Gratiane - sorcière insigne - qui s’envolait
au banc de Terre-Neuve pour couler les
navires de Marticot Miguel de Siboro,
plusieurs strophes de mes poésies :
Elle voulait le vent clément
partir contre lui appelant pour
Qu’il vienne avec ses dents
mordre les barreaux de sa cage
Le vent évitez de le maudire
gardez-le pour le supplice
Et qu’il boive par la bouche
avec vous la douleur du temps
P.L.R.
Au fond les vrais voyages sont immobiles
Immobiles et infinis. Solitaires. Silencieux.
(Guy GOFFETTE in Partances et autres lieux, Gallimard)
chronique
7
Les Parvis Poétiques marc delouze
. L’ère du chagrin ?
vous convient à une
lecture-rencontre avec
Annie COHEN
et
Huber HADDAD
“la poésie au corps”
à propos du Désenchantement de la littérature
de Richard MILLET par Marie ÉTIENNE
Musique : Eugénie Kuffler
(flûtes et multi instruments)
dimanche 27 janvier à 16h45
P
endant que nous nous affairions à
mille tâches surhumaines, travailler
pour manger ou l’inverse, à mille
tâches éblouissantes, aimer puis rompre
puis aimer, fabriquer un enfant, bâtir une
maison, le monde, sans le dire, se mettait à
changer. Un beau jour, alors que nous prenions le temps, enfin, de regarder autour de
nous, “Tiens, tiens, plus rien n’est comme
avant !”. Ce qui avait alimenté nos rêves,
ce pourquoi nous avions bandé toutes nos
forces n’existait (presque) plus. Où étaient
les cénacles dont nous voulions faire partie,
les êtres rares que nous cherchions à rencontrer, les revues prestigieuses où
s’échauffaient ce que la France comptait de
beaux esprits, et surtout les Maisons où
nous pensions être accueillis, un jour,
quand nous aurions donné assez de
preuves de talents. Le ciel avait cessé
d’être ouvert, au-dessus de nos têtes, un
couvercle de plomb semblait le remplacer,
soudain chacun se ressemblait, il proférait
les mêmes mots, professait les idées
convenables, gare à ceux qui tentaient de
simplement penser. Là où la guerre n’avait
pas lieu, où les esprits les moins faits pour
s’entendre s’entendaient néanmoins sans
efforts, c’était pour déconsidérer ce qui restait encore en France d’intelligent et d’inventif. Car il restait, il reste, des trésors de
talents, de savoirs -- de même que la terre,
notre chère planète, conserve quelques
richesses. Encore faut-il les voir et, pour
cela, cesser de regarder ailleurs, de préférence en direction des USA, où, comme
chacun le sait, les entreprises entreprennent, les journaux disent la vérité, les écrivains savent écrire. Dans ce contexte calamiteux, une quarantaine de romanciers de
langue française édités à Paris, loués par la
critique (et qui, par conséquent, auraient dû
se montrer satisfaits de leur sort), ont prétendu, en mai dernier, donner à leurs pareils
la leçon de leur vie, et reprenant en chœur
les clichés qui ont cours, ils se sont écriés :
cessez de regarder votre nombril, devenez
les héros d’une littérature-monde. Qu’est-ce
que c’est, qu’est-ce que c’est, une littératuremonde ? Ils auraient dit “européenne”, j’aurais compris, même applaudi, car l’Europe,
on connaît quand on est écrivain, on était
même plus fort avant, pour franchir les frontières, échanger des idées, des modes différents de peindre, d’écrire, ou d’inventer. Eh
bien, non, dans l’esprit des quarante, il
s’agissait rien moins que du monde en
entier. Pour mieux s’y diluer ? Soyons
sérieux et revenons à nous, n’y a-t-il donc
personne en France apte à nous reposer des
Mailer et des Roth, qui exprime, autrement,
autre chose ? Pas un seul Modiano, ou
Quignard, ou Michon, pas une seule Cixous,
pas un seul Bonnefoy, du Bouchet… ? La
liste serait longue, de ceux et celles que
nous aimons. Et parmi eux, Richard Millet,
qui publie ces temps-ci une réflexion sur le
sujet, Désenchantement de la littérature (1). Il
s’y exprime comme s’il n’avait plus rien à
perdre, c’est-à-dire, sans ménager personne, pas même lui, avec l’emportement
propre au stylite, debout sur sa colonne,
dans le désert.
Son style, mot qu’il préfère, à juste titre, à
“écriture”, rappelle celui des grands
Chrétiens du début du XXe (on pense surtout à Léon Bloy), une élégance incandescente dans la profération qui laisse un goût
de jugement dernier. Il se dit “seul, démuni
mais soucieux de rectitude” et se crée de
nombreux ennemis, signe pour lui de vérité.
Trop souvent on réduit les auteurs en se
focalisant sur quelques-uns de leurs propos, les enfermant dans l’idéologie qui
prend alors la place de la littérature. On les
juge sans les lire, on scrute leurs écrits pour
instruire leur procès. Or l’écrivain est justement, quand il mérite ce nom, quelqu’un
dont la pensée échappe aux lieux communs
et qui accepte de s’opposer comme de se
contredire, qui admet les nuances autant
que les excès.
Richard Millet est de ceux-là. Nous
devrions lui savoir gré d’exprimer ce qu’il
pense, quitte ensuite à débattre, à prendre
nos distances, à trouver, par exemple,
d’autre origine au désenchantement de la
littérature. Mais voyons de plus près quelles
sont ses hypothèses.
Au lieu de s’élever, comme on le fait souvent,
contre l’abaissement de tout en France
(éthique, esthétique, politique), il stigmatise
un mouvement qui affecte l’ensemble du
monde occidental, ce qui est bien plus juste.
À l’ère du mondialisme, pourquoi s’en
prendre, uniquement, à l’Hexagone ? “Dans
un monde qui aurait perdu le sens même du
sens, un monde où tout se vaudrait (le
minuscule le grand, le bas le haut, le déviant
la norme, le mélange la pureté, l’exception la
loi, selon la jurisprudence perpétuelle de
l’individuel), ce qui s’annonce comme valeur
nouvelle
n’est
que
le
recyclage
de l’ancien débarrassé de sa charge
signifiante”.
Comment, à ses côtés, ne pas s’interroger
sur le statut de la fiction quand la fiction due
au mensonge remplace le réel, comment ne
pas être désenchanté, à constater qu’a de
moins en moins cours la dialectique indispensable entre la tradition et la modernité
“en tant qu’elles se combattent et se nourrissent l’une l’autre”, qu’elles nous fournissent “la possibilité d’être tout à la fois le
contemporain de l’illisible, de langues
mortes, de textes imprononçables et néanmoins extraordinairement parlants” ?
Ce qu’il fustige, c’est la position moralisante, le mot d’ordre idéologique “en un mouvement qui mêle la repentance historique et
les nécessités économiques”, et aussi “le
refus de nommer, de voir, de dire, de juger,
frilosité si caractéristique de la littérature
française d’aujourd’hui”.
Ce qu’il regrette, c’est la prééminence de la
littérature anglo-saxonne au détriment des
littératures nationales ; la disparition, partout, des grands écrivains, aux États-Unis,
“parce que la littérature ne s’y perpétue que
sur le mode du savoir-faire”, et que les
Américains n’ont jamais accepté leurs
“vrais écrivains, Poe, Melville, James,
Faulkner” ; en Angleterre, parce qu’on se
retourne vers le XIXe siècle ou surestime les
écrivains venus de l’Inde, du Pakistan ; en
France, parce que la langue se perd, et,
avec elle, une manière particulière de
rendre compte, de “présenter le monde”.
Comment lui donner tort quand il estime
que nous avons remplacé le péché originel
par la culpabilité historique ; que le fameux
choc des civilisations (“lesquelles, on le
sait, se prennent le meilleur les unes aux
autres”) n’est que luttes d’intérêts ; et que
l’Europe n’est qu’un reflet des États-Unis,
en sorte que la solution serait, pour un
Français, de s’en aller aux USA pour “y
donner la version anglaise de sa langue
natale” ? Ironie salvatrice qui le fait s’insurger contre une littérature de langue française prétendument du monde parce qu’elle
serait d’ailleurs qu’en France ; et citant
Rilke, contre une américanisation qui transforme les États-Unis en un “arrière-pays
imaginaire de l’Europe”, c’est-à-dire en un
éternel téléfilm américain.
Certes on peut diverger, discuter, voire s’insurger comme certains, lorsque Richard
Millet propose des solutions et des explications au désenchantement, quand il souhaite, par exemple, que chaque peuple
demeure à l’intérieur de ses frontières, avec
ce que cela implique: pas de mélange
ethnique, ni religieux.
Ce qui réduit l’analyse des faits et du même
coup les chances d’une solution au désarroi
qui est le nôtre. On ne peut pas penser en
dehors du présent, du mouvement qui porte
actuellement l’humanité, de plus en plus
rapidement, vers un possible terrifiant.
Alors, céder à “un surcroît de désillusion”,
“rire dans le pire comme Kafka”, “se désolidariser, voire rompre ? Jouer le dangereux
et l’excessif ?”, N’être plus “qu’un lecteur
dépossédé de sa fable”, ou un petit enfant
qui chante dans le noir le désastre initial, le
Paradis Perdu ?
On peut rester sceptique et refuser l’idée
que la littérature va disparaître. Mais le danger est grand, il faut le reconnaître,
le salut, certes pas, dans l’adhésion aux
fausses valeurs, à la littérature-monde dont
nous avons parlé, c’est-à-dire hors frontières, hors racines et sans identité. Même
trop court (parce qu’issu d’un texte écrit
pour une conférence à la Bibliothèque
Nationale), le Désenchantement de la littérature est un livre qui provoque et qui ose.
En cela salutaire, diablement stimulant.
M.E.
Chez Gallimard, où Richard Millet fait également paraître, Place des pensées. Sur
Maurice Blanchot, tandis que le Mercure de
France publie, toujours de lui, L’Orient désert,
et L’Archange minotaure, une pièce de
théâtre, Tombés avec la nuit.
(1)
Fond’action Boris Vian
(6bis Cité Véron, 75018 Paris au niveau du 92 bd de Clichy,
M° Blanche)
Renseignements : 01 42 54 48 70
- [email protected] - www.parvispoetiques.fr)
Entrée et participation au frais libres
À l’issue de la lecture, nous nous retrouverons autour d’un buffet (chacun peut apporter un petit “présent de bouche”)
Avec le soutien du C.N.L., de la DRAC-Ile
de France, de la Mairie de Paris et de la
Mairie du 18e arrondissement
---------Annie Cohen est née en 1944 à Sidi-belAbbès en Algérie. Elle vit à Paris. Elle a
publié une vingtaine d’ouvrages, romans ou
récits/poèmes : Le Marabout de Blida (Actes
Sid, Folio), Les Cahiers bleus, La langue
blanche des rouleaux d’écriture (Éd. du
Rocher), Bésame Mucho, La dure-mère, et
Géographie des origines (Gallimard, 2007).
Elle mène parallèlement une activité plastique : gouaches, dessins à l’encre de Chine,
rouleaux d’éciture, exposés à la Chartreuse
de Villeneuve-lez-Avignon en 1983, puis à
Beaubourg en 1991.
Derrière la porte se construit la
fiction, conflictuelle et intime.
C’est en fermant les yeux que je
vois.
Sait-on vraiment où l’on va
chacun dans son silence ?
Qu’est-ce qui pourra vous
arracher à la torpeur ?
Saurons-nous sans faillir endurer
le tourment causé par tant d’incertitudes ?
Personne ne répond.
Il fait jour à Paris. Longtemps
encore, il fera jour sur Paris.
Hubert Haddad est né en 1947 à Tunis. Sa
famille s’exile à Ménilmontant au début des
années cinquante. Il fonde en 1969 la revue
de poésie Le Point d’être dans les marges
du surréalisme. Un rêve de glace, son premier roman, paraît chez Albin Michel en
1974. Après vingt métiers de survie, il se
consacre entièrement à l’écriture au début
des années 1980. Auteur d’une cinquantaine
d’ouvrages, inspirateur de la collection
Double Hache chez Bernard Dumerchez,
par ailleurs peintre et illustrateur, il s’attache
à tous les genres littéraires, poésie, roman,
nouvelle, théâtre, essais sur l’art, la danse
contemporaine et la littérature. Derniers
livres parus : Le Camp du bandit mauresque,
récit (Fayard, 2006), Palestine, roman
(Zulma, 2007), Le Nouveau Nouveau magasin d’écriture (Zulma, 2007), Oxyde de
réduction, poèmes (Dumerchez, février
2008).
je te retrouverai au jardin
d’innocence
seule et toujours vive
éprouvant avec un naturel de
statue
la force du souffle
la lumière sourde des paroles
et n’oublie pas d’agiter
longtemps sur l’abîme
l’atroce éventail d’os
le monde aucunement n’est le lieu
nous survivrons même à la
beauté
Bien avant d’être une manière d’écrire, la poésie est une façon d’orienter
sa vie, de la tourner vers le soleil levant de l’invisible.
(in La dame blanche de Christian BOBIN, Gallimard)
hommage
8
Hans ou les songes vécus (supra) : “Dans ce
livre comme dans la vie, le rêve est sur le
même plan que la réalité, les domaines merveilleux de la veille et du sommeil communiquent de plain-pied, sont aussi vrais l’un que
l’autre.”
Admirateur également de Gaston Bachelard,
avec lequel il entretiendra une longue correspondance – celui-ci lui écrit notamment le 21
avril 1961 : “Chaque jour depuis un mois, je
relis l’un de vos poèmes car vous m’ouvrez la
porte des songes…” –, Guillaume collabore à
ses débuts aux revues La Hune ou Soutes de
Luc Decaunes, publie en 1928 son premier
recueil Sônes d’Armor, suivi jusqu’en 1939 de
cinq autres recueils.
‘Une grande rêverie celtique’
ouis Guillaume, né à Paris il y a tout
juste cent ans, le 18 décembre 1907,
breton par sa mère, a eu la chance, au
rebours de tant de ses compatriotes
exilés loin de leur Bretagne natale, de retrouver ses racines celtiques dès sa prime enfance en quittant la capitale pour être élevé par
sa grand-mère dans l’île de Bréhat.
Les premières années de son existence, sa
sensibilité native seraient donc, outre la fréquentation des marins et des pêcheurs de
Bréhat, bercées par le rythme ample des
marées, le souffle âcre du grand large, l’odeur
de cet océan dont les rochers battus par les
flots, les plages ourlées d’écume irrigueraient
continûment son œuvre à venir, de même
que ses veillées seraient frappées du sceau
des légendes d’Armorique que lui conterait
son aïeul. “Une grande rêverie celtique
l’habite” dira de lui Jean Follain.
L
De Max Jacob à l’École de Rochefort
Le grand tournant dans la trajectoire poétique
de Louis Guillaume interviendra en 1941
lorsque celui-ci, qui entretenait une correspondance régulière avec Marcel Béalu, lui
rend visite à Montargis où le poète qui allait
s’avérer l’un des plus grands écrivains de
littérature fantastique de son temps –
Un chant poétique ininterrompu
Sur son enfance à Bréhat, Louis Guillaume
écrira des pages émouvantes que n’aurait
pas reniées son frère en “celticité” Per Jakez
Hélias :
“En ce temps-là, je parle d’avant 1914, Bréhat
ne possédait ni l’électricité ni l’eau courante,
et l’on faisait encore sécher les bouses de
vache sur les murs pour se chauffer l’hiver. Je
me souviens des grandes flambées de “puluch” (aiguilles de pin) dans la cheminée, tandis
que la lampe Pigeon veillait sur la table.
Bréhat était l’île des chaumières et les fleurs
poussaient jusque sur les toits.
Pour arriver dans ce Bréhat, il fallait prendre
soit la Marie-Joseph à Paimpol, soit le Pétrel
à l’Arcouest. Avec ses murs gris, constellés
de fleurettes, son air grave et replié sur luimême, le bourg ressemblait autrefois à un
vrai bourg d’Armorique. Dans les débits, on
servait des bolées, on entendait parler breton.
On ne parle plus breton aujourd’hui à Bréhat.”
Si le poète est avant tout le chantre de la
mémoire du monde, cette caisse de résonance à travers laquelle, telle une conque marine
qui emprisonne la rumeur assourdie de
l’océan, en tendant l’oreille on peut entendre
le chant ininterrompu de “l’humanité traversée par son cortège de créations comme la
permanence de ses rêves” (André Malraux),
Louis Guillaume n’aurait pas été sans doute
ce poète habité, sans doute n’aurait-il pas
écrit ce roman onirique, d’une beauté étrange
qu’est Hans ou les songes vécus (Subervie ;
1958), sans cette profonde imprégnation de
la culture celtique, à l’instar d’un Per Jakez
Hélias avec lequel il devait nouer une aussi
durable que profonde amitié.
Dès lors, habité par cette grande rêverie celtique, profondément nourri dans toutes ses
fibres par la parole des ancêtres, des légendes
de marins comme par celles du cycle Arthurien
des Chevaliers de la table Ronde, Louis
Guillaume allait bâtir, recueil après recueil, une
œuvre d’une rare unicité.
Pour le poète qu’il était l’homme n’est, en dernière analyse, qu’une fragile et provisoire respiration, une très mince paroi entre la vie et la
mort. Sa poésie ne dirait jamais que cela. Elle
le dira sans élever outre mesure la voix avec
une volontaire et tenace humilité, respectant
dans le langage sa primauté essentielle et
célébrant dans l’homme son irréductible part
de rêve.
“Sa poésie, il ira la cueillir, devait écrire à son
propos Georges-Emmanuel Clancier, là où
elle semble jaillir spontanément, c’est-à-dire
dans l’émerveillement comme dans l’angoisse d’être au monde, dans l’éveil de l’humain,
sur le chaos de l’histoire, dans la lumière
simple et prodigieuse du jour, au bord d’une
haie, au creux d’une vague. Il l’affrontera
encore dans la houle autour de l’île de Bréhat
et dans cette autre houle irrépressible comme
celle de la mer : la houle du rêve en nous et
hors de nous.”
LOUIS GUILLAUME,
le rêveur éveillé
par Bernard MAZO
L’un des exemples les plus éclairants du propos de Clancier apparaît dans le poème Il y a
qui figure dans La Hache du silence
(Rougerie) le dernier recueil paru du vivant du
poète, la veille même de sa disparition le 25
décembre 1971 :
Il y a
Il y a en terre noire
Des menhirs fourchus
Appelés pierres-lyres
Qui chantent
Au soleil couchant.
Il y a dans le ciel
Des oiseaux sans ailes
Cœurs volants
Qui se taisent
Quelle que soit l’heure.
………………………….
Il y a dans l’ombre
Traversant les murs
Le silence d’un homme
Plus criblé de mots
Que le ciel d’étoiles.
Jacques Réda, de son côté, avait souligné
combien “le ton de sa poésie est celui de la
confidence. À la différence de bien des
contemporains, il refuse de se laisser entraîner par la dialectique sans issue du poèmedu-poème.”
“Les domaines merveilleux du rêve
et du sommeil”
Parallèlement à cette imprégnation de la culture celte évoquée d’entrée, il faut y adjoindre
l’influence profonde qu’ont exercée sur lui les
Romantiques allemands, notamment à travers le livre monumentale que leur a consacré Albert Béguin : L’Ame romantique et le
rêve (José Corti) faisant siennes ces lignes
de Béguin : “Entre les fables des diverses
mythologies, les contes de fées, les inventions de certains poètes et ce rêve qui se
poursuit en moi, je perçois une parenté profonde.” lorsqu’il écrit en 1958 à propos de
aujourd’hui injustement oublié – tenait une
chapellerie.
C’est au cours de cet été que Marcel Béalu lui
fait rencontrer à Saint-Benoît sur Loire Max
Jacob. Une complicité immédiate se noue
entre les deux bretons, puis une étroite et exigeante amitié qui durera jusqu’à la tragique
disparition de l’auteur du Cornet à dès, le 5
mars 1944 à Drancy, une amitié qui se traduira presque quotidiennement par une très
belle correspondance – Les Lettres à Louis
Guillaume de Max Jacob viennent d’ailleurs
d’être rééditées cette année aux Éditions La
Part commune (voir page 14, note de lecture
de Max Alhau) – une correspondance dont
j’extrais une des toutes premières lettres de
Jacob à Guillaume : “Combien j’apprécie
mes amis […]et leurs visites qui sont ma terre
natale à eux seuls […]. Ma vie a commencé
quand j’ai eu mes premiers amis il y a quarante ans et elle continuera tant que j’aurai
des amis. Je t’embrasse toi le dernier venu et
non le moins chéri.”
Au même moment, le vendéen Jean Bouhier,
pharmacien, journaliste politique, et avant
tout poète, qui habite alors Rochefort sur
Loire et a rassemblé autour de lui un groupe
de jeunes poètes où figurent Marcel Béalu,
Luc Bérimont, Michel Manoll, Jean Rousselot,
et surtout le très jeune et ardent poète qu’est
alors René Guy Cadou, décide avec son ami
le peintre Pierre Penon de s’inspirer des
peintres qui s’unissaient sous le couvert
d’écoles : Fontainebleau, Barbizon, PontAven, pour créer avec ses amis poètes
l’École de Rochefort.
Jean Bouhier rédige alors un texte théorique
intitulé : Position poétique de l’École de
Rochefort, puis reprend contact – par-delà la
ligne de démarcation et les poètes dispersés
– avec René Guy Cadou, Michel Manoll, Jean
Rousselot, Marcel Béalu et Louis Guillaume.
Chacun y va de son manifeste tel Cadou qui
proclame : “Depuis l’armistice on attendait en
vain la rentrée des classes. Sortez vos cartables, Poètes ! On ouvre l’École de
Rochefort, première classe de poésie…
Avant tout, vous autres, ne soyez pas dupes!
l’École de Rochefort n’est pas une école, tout
juste une cour de récréation.”
Louis Guillaume fait paraître dans le n° 5 des
Cahiers de Rochefort une suite de poèmes
écrits en 1939 et Avril 1940, dont La meule
écrit dans le train sanitaire où il avait pris
place :
Dans la paille des soldats
Dans le brouillard des rails
Un visage m’apparaît,
C’est celui de ma vie.
………………………………
La chaleur unique éteinte
Sous les branches cendrées,
Il n’est plus qu’un souvenir
Qui vaille encore que je vive.
La neige est venue couvrir
Ma double solitude,
La meule couvre au bord du ciel
La paille des soldats
Disparition de René Guy Cadou
L’équipe initiale de l’École de Rochefort
s’élargira au fil des Cahiers avec l’arrivée de
Maurice Fombeure, Jean Follain, Guillevic,
Luc Decaunes, puis la guerre terminée chacun d’eux comme l’écrira Jean Bouhier :
“quittera sa province pour se retrouver à Paris
à la recherche d’une place au soleil, qui dans
le journalisme, qui dans l’édition, etc.” Mais,
ajoute-t-il : “Quelques années plus tard, le 20
mars 1951, disparaissait le plus jeune d’entre
nous. Il avait trente et un ans, c’était René
Guy Cadou. Cette mort nous a bouleversés,
mais nous a aussi rassemblés pour célébrer
sa mémoire et faire connaître son œuvre.”
C’est ainsi que les Cahiers renaîtront sous un
nouveau titre : Les amis de Rochefort, où
Louis Guillaume fera paraître épisodiquement
ses poèmes inédits.
C’est l’époque où Louis Guillaume parvient à
la pleine maturité de sa voix poétique dans
des recueils notamment Noir comme la mer
(Librairie Les Lettres,1951) qui lui vaut de
recevoir le premier prix Max Jacob. Ce
recueil, sans doute le plus accompli du poète,
sera réédité en 2002 aux Éditions L’Arbre à
paroles.
Un autre recueil d’importance : La nuit parle
(Subervie) reçoit en 1961 le prix Artaud et
vient d’être réédité cette année aux éditions
L’Amourier, accompagné d’une très belle
préface de Jean-Yves Debreuille.
Une voix fervente
L’essentiel des thèmes récurrents du poète –
la célébration de la nature, l’écoulement
bruissant du temps, la distance qui sépare les
êtres, la nostalgie de l’enfance et la mort toujours présente – se retrouve concentré dans
l’un de ses plus beaux et plus déchirants
poèmes au titre éponyme de son recueil le
plus achevé : Noir comme la mer dont voici
des extraits :
Tout ce que je puis te dire
À cause de tant de murs,
Tout cela qui s’accumule
Autour de nous dans la nuit,
Il faudra bien que tu l’entendes
Lorsqu’il ne restera de moi
Que moi-même, à tes yeux caché.
…………………………………….
Tout ce que je n’ai pu te dire,
Le sauras-tu, sur l’autre bord,
Quand nous dormirons bouche à bouche
Dans l’éternité sans parole ?
À voix feutrée et fraternelle, Louis Guillaume
n’a cessé de chuchoter à nos oreilles les
secrets qui lient l’homme à la nature et à ses
semblables, avec une ferveur sans pareille,
célébrant pour nous un monde habitable
parce que fondé sur la parole, cette parole qui
s’est tue le 25 décembre 1971.
B.M.
Le Prix 2007 du Poème en prose du 33e Prix
Louis Guillaume vient d’être attribuée à Contre-
Jour de Robert NÉDÉLEC.
Tout poème est une tension vers plus haut vers plus grand
quel que soit son contenu.
(Eugène GUILLEVIC in Visages de l’écriture de Louise LEROUX,
Le Hameau Éd., 1985)
L
ouis Bertand, mieux connu sous le
nom d’Aloysius, auteur de Gaspard
de la nuit, aurait eu deux cents ans
cette année. Ce qui est un âge respectable
pour un poète… À l’occasion de ce bicentenaire qui risquait de passer presque inaperçu un certain nombre de personnes
(l’Association pour sa mémoire et la Société
des Gens de Lettres, notamment) se sont
mobilisées pour sauver sa tombe, située
dans le cimetière du Montparnasse. Celle-ci
était en effet menacée. La famille de Louis
Bertrand s’était éteinte, la tombe était quasiment à l’abandon, son emplacement n’était
pas même signalé et la sépulture du poète
risquait d’être exhumée pour rejoindre l’ossuaire où seule une plaque l’aurait signalée... La perpétuité, comme l’éternité, n’ont
qu’un temps. Et il faut faire de la place pour
les nouveaux venus… Il n’y a en effet pas
que les vivants qui encourent la menace
d’expulsion pour retard de loyer. Si Aloysius
avait été expulsé, le “guignon” poursuivant
ainsi le poète deux siècles après sa mort,
cela eut été triste pour la poésie. Et triste
pour le cimetière du Montparnasse.
Contrairement à une opinion répandue, les
cimetières ne servent en effet pas à enterrer
les morts, mais à déterrer les souvenirs.
Leur seule vraie justification, dans une
époque
où
la
moindre
parcelle de terre se vend à prix d’or, est de
nous être des livres d’histoire dans lesquels
on peut se promener. On le sait, les
cimetières sont faits pour les vivants…
Or, les vivants provisoires que nous sommes
tiennent à ce que ce Gaspard ne sombre
pas dans la nuit de l’oubli.
Louis Bertrand est né le 20 avril 1807 à
Ceva, dans le Piémont, de l’union d’un lieutenant de gendarmerie français et d’une
jeune Italienne, qui n’était autre que la fille du
maire de la ville. Son père étant mis à la
retraite en 1815, la famille s’installe à Dijon
où le jeune Louis fera ses études au Collège
royal où il obtiendra d’ailleurs un premier prix
de rhétorique.
C’est dans cette ville, qu’il a aimée et décrite
comme aucun autre, qu’il fait ses débuts littéraires, au sein de la Société des Études où
il lit ses premiers essais qu’il nomme des
“bambochades”, en référence au peintre italien Bamboccio. Puis ses premiers pas dans
le journalisme.
inventeur du poème en prose
On a fait de lui une sorte d’archétype du
poète maudit. Il est vrai qu’il a connu la misère, et qu’il est mort très jeune, à 34 ans, de
phtisie comme on disait à l’époque, dans
une salle de l’hôpital Necker. Malgré le soutien qu’il avait reçu de plusieurs écrivains
célèbres, en particulier Hugo et SainteBeuve qui avaient lu son manuscrit et
l’avaient recommandé à un libraire, il est
mort sans avoir vu paraître son livre, enfant
chéri auquel il avait consacré tant de soins.
Il reste dans l’histoire de la littérature française comme l’inventeur du poème en prose
qu’illustreront après lui Baudelaire,
Rimbaud, Lautréamont, Max Jacob et
quelques autres. Le poème en prose est un
objet bizarre, au statut incertain, car
qu’est-ce qu’un poème si on ne va pas à la
ligne ? Mais les proses poétiques de
Bertrand inaugurent bien un genre. Sans
doute, son invention ne vient pas de rien.
C’était l’usage, à l’époque, d’utiliser la
prose pour transcrire en français des
poèmes étrangers en s’affranchissant ainsi
des contraintes de la versification. Ce que
fit par exemple Nerval traduisant le Livre
des Chants de Heine, ou Baudelaire, les
poèmes de Poe. Cette façon de faire n’est
plus de mise aujourd’hui et elle se heurterait à de légitimes objections. Car à agir
ainsi, on perd le vers. Mais, a contrario,
s’émancipant d’une prosodie encore très
régulière, ces traductions introduisaient
hommage
POUR GASPARD
DE LA NUIT
par Francis COMBES
dans la poésie française une souplesse, un
air de liberté qui permettaient de mieux
rendre la sensibilité du poème original en
s’écartant des conventions poétiques en
usage. Aloysius hérite de cette liberté et il
en explore les possibilités nouvelles pour la
poésie française elle-même. Car ses pièces
sont bien des poèmes. Ce ne sont pas de
simples morceaux de prose. Elles sont
d’abord poèmes par le fait qu’elles reposent
sur une vision. L’image est au principe de
ces vignettes. La peinture le hante. Il place
d’ailleurs son recueil sous l’égide de
Rembrandt et de Callot. Ce sont à chaque
fois des tableaux, des eaux-fortes, des gravures précises et bien dessinées qui donnent vie à des visions. Leur auteur partage
le goût de l’exotisme et du voyage, non
dans l’espace, comme d’autres, mais dans
le temps. Le lieu privilégié de sa rêverie est
le Moyen Âge, parfois le début du XVIIe
siècle, redécouvert par les romantiques,
celui d’avant la rigueur formelle et morale
de l’âge classique.
Lui qui fut un fervent républicain, qui prit
parti pour la révolution de 1830, fonda un
journal aux idées avancées, Le Patriote de
la Côte d’Or, et se battit même en duel avec
un rédacteur du journal conservateur local,
Le Spectateur, n’en éprouvait pas moins
une forte attirance pour la légende de la
chevalerie et son temps de grands
contrastes. Par cela, il appartient bien à son
époque, à celle de Notre Dame de Paris.
Sa conception de l’art n’est d’ailleurs pas
très éloignée de celle de Hugo, à qui il
dédie son livre, pour qui l’art devait allier le
sublime au grotesque.
Il y a chez lui du Walter Scott, du La Motte
Fouqué et du Nodier. Du Nerval aussi…
Mais par la précision de son trait, il annonce les Parnassiens, le Théophile Gautier
des Emaux et Camées, mais surtout le
José Maria de Heredia des Trophées. Ces
poèmes en prose sont descriptifs, narratifs,
historiques… Mais ils sont aussi autre
chose. Ils ouvrent par leur sens du mystère
la porte à l’imagination… Par la nature
même de ses visions qui tiennent souvent
du rêve, Aloysius s’éloigne de son temps et
prépare le terrain aux Illuminations de
Rimbaud et aux Surréalistes qui ont vu en
lui un prédécesseur. Il a aussi inspiré Ravel
qui a transposé Gaspard de la nuit
(“Scarbo”, “le Gibet” et “Ondine”).
La force de ses poèmes en prose est de
conjuguer à merveille deux qualités réputées opposées : le réalisme et le mystère.
Il y en effet beaucoup de réalisme dans ces
fantaisies. Un sens du détail concret qui lui
permet de ne pas tomber dans les lieux
communs que n’éviteront pas toujours ses
successeurs, même les plus grands…
Baudelaire s’est inspiré d’Aloysius pour
composer son Spleen de Paris. Dans la
dédicace qu’il fait à Arsène Houssaye, il
écrit : “C’est en feuilletant pour la vingtième
fois au moins, le fameux Gaspard de la nuit,
d’Aloysius Bertrand (un livre connu de
vous, de moi et de quelques-uns de nos
amis n’a-t-il pas tous les droits à être appelé fameux ?) que l’idée m’est venue de tenter quelque chose d’analogue, et d’appliquer à la description de la vie moderne, ou
plutôt d’une vie moderne et plus abstraite,
le
procédé
qu’il
avait
appliqué à la peinture de la vie ancienne, si
étrangement pittoresque”.
Mais il n’est pas sûr qu’il égale son
modèle.
la rêverie nourrie par le réel
Outre le caractère très concret et souvent
saisissant de ses descriptions, Aloysius
emporte la conviction par la qualité de son
écriture et notamment par un vocabulaire
d’une étonnante richesse où de nombreux
mots anciens, venus du Moyen Âge, se
mêlent à des expressions issues de son
pays de Bourgogne. C’est un des aspects
les plus attachants de l’œuvre d’Aloysius
que cet enracinement de sa langue dans un
pays réel. Depuis Louis XI et la mort de
Charles le Téméraire, Dijon et la Bourgogne,
battues, ont perdu de leur éclat. Leur place
même dans l’histoire de France est volontiers estompée. Mais Bertrand les remet à
l’honneur.
La rêverie est donc nourrie par le réel. Mais
le réel s’ouvre à la rêverie. C’est un réel qui
est comme évidé, creusé à l’acide pour en
faire ressortir les formes, comme dans l’art
de la gravure. Chaque texte est réduit à l’essentiel. Pas de liaisons inutiles. Des images
qui se télescopent, des raccourcis, des
ellipses qui font de chaque poème en prose
une sorte de devinette ou de charade face à
laquelle le lecteur est contraint de reconstituer la trame de l’histoire. Les blancs jouent
un rôle essentiel dans cette prose qui est
poème. Bertrand, laissant des indications
pour le metteur en page, précisait qu’il fallait
jeter “de larges blancs entre ces couplets,
comme si c’étaient des strophes en vers”.
Enfin, et ce n’est pas à mes yeux le moindre
de ses mérites, dans une époque où l’enflure ou la neurasthénie métaphysique faisaient des ravages dans les Lettres, ce
Gaspard de la nuit sait ne pas se prendre
trop au sérieux. Presque toujours, un
humour discret vient faire contrepoint au
drame. Et si le poète prend au sérieux son
projet, s’il a une idée exacte de ce qu’il veut
et de ce qu’il vaut (ce qui le conduira plusieurs fois à refuser des propositions que
d’autres dans sa situation auraient pu juger
alléchantes), il manifeste aussi la vraie
modestie, la lucidité de celui qui connaît la
vanité des œuvres humaines.
Dans l’épilogue, qu’il adresse à Charles
Nodier, il écrit :
“Je marque mon jeton à ce jeu de la vie où
nous perdons coup sur coup et où le diable,
pour en finir, rafle joueurs, dès et tapis vert.
L’empereur dicte des ordres à ses
capitaines, le pape adresse des bulles à la
chrétienté, et le fou écrit un livre.
Mon livre, le voilà tel que je l’ai fait et
tel qu’on doit le lire, avant que les
commentateurs ne l’obscurcissent de leurs
éclaircissements.
Mais ce ne sont point ces pages souffreteuses, humble labeur ignoré des jours
présents, qui ajouteront quelque lustre à la
renommée poétique des jours passés.
Et l’églantine du ménestrel sera fanée que
fleurira toujours la giroflée, chaque
printemps, aux gothiques fenêtres des
châteaux et des monastères.”
Mais ce n’est pas parce que le poète ne se
leurrait pas sur la mémoire humaine,
qu’il fallait l’oublier ni arracher son pied
d’églantine.
F.C.
9
AVENIR
Les portes de l’avenir
sont ouvertes
sur le jour et sur la
nuit
sur le grand vent de
sable de notre fin
ou les saisons
perpétuelles du
sourire.
Du grand livre futur
rien n’est encore
écrit.
En mal comme en
bien,
nous avons encore la
faculté de nous
surprendre,
toi et moi,
ceux qui viendront
après
et que nous ne
connaîtrons pas,
nous tous... Notre
histoire ne
s’arrête pas là.
Une seule chose est
sûre :
si nous voulons que
l’avenir
tienne les promesses
du passé
nous devons nous
occuper du
présent.
Francis Combes
Le poème est le geste, la geste d’une nature qui s’explique solidaire de la nature.
(Lorand GASPAR inVisages de l’écriture de Louise LEROUX,
Le Hameau Éd., 1985)
théâtre
10
Théâtre par Bernard FOURNIER
UN HIVER AMOUREUX,
cinq spectacles à découvrir la
Maison de la Poésie
. Du 9 janvier au 10 février 2008 grande
salle : Le Bleu du ciel de Sade, Georges
Bataille, Bernard Noël, Montage et mise
en scène Claude Guerre, Avec Anne
Alvaro, Julie Pouillon et Claude Guerre et
la voix de Bernard Noël
Une traversée de la poésie érotique à
travers des écritures qui se croisent et
s’entremêlent.
Comme un arc tendu au-dessus et au travers de l’écartèlement, Bernard Noël fait
acte d’héritage permanent. Il relie Sade et
les contemporains. Il jette toutes les forces
d’une œuvre énorme, vive et sublime, dans
la bataille de l’élan vital et de la beauté.
. Du 10 janvier au 2 mars 2008 en alternance petite salle: Une saison en enfer
Reprise et Illuminations Création, d’Arthur
Rimbaud, Mise en scène et jeu Nâzim
Boudjenah
Relecture hallucinée et inspirée des deux
chefs-d’œuvre de Rimbaud.
. Du 16 au 27 janvier 2008 grande salle :
Le plus clair du temps je suis nue
Création, de Sophie Loizeau, Mise en
scène Claude Guerre, avec Anne Alvaro
et David Lescot
Spectacle-invite à notre propre expérience
intérieure de l’amour, “envoyagés” par la
voix et la présence d’Anne Alvaro, conduits
par Sophie Loizeau qui, si elle hérite de la
poésie érotique, la renouvelle.
. Du 17 janvier au 13 avril 2008 petite salle
Le Funambule fe Jean Genet, Mise en
scène et jeu Pierre Constant
Une exploration du rapport de l’artiste à la
création, à la mort et à l’érotisme, à travers
ce poème d’amour écrit par Genet à
Abdallah, son amant funambule qui se
suicide en 1964.
er
. Du 1 au 17 février 2008 grande salle : La
Ballade de la geôle de Reading, Création,
d’Oscar Wilde, Mise en scène Céline
Pouillon, avec Julie Pouillon et Stanislas
Nordey
Oscar Wilde, condamné, purgea une peine
de 3 ans à la prison de Reading, là où fut
pendu un cavalier pour le meurtre de sa
femme. Libéré en 1897, Oscar Wilde écrivit
La Ballade... et mourut en 1900…
Les Mardis de la Maison de la
Poésie
Mardi 22 janvier à 19h, au foyer :
La république des Poètes # 4 par Marc
Blanchet, avec Claire Malroux, PierreYves Soucy et Christophe Carraud
Mardi 5 février à 19h, grande salle:
Le Condamné à mort de Jean Genet, lu
par Olivier Py
Mardi 12 février à 19h, grande
salle : Patrice Delbourg, le quotidien en
panique
MAISON DE LA POESIE
Passage Molière
157, rue Saint-Martin Paris 75003
M° Rambuteau ou Les Halles
Tél. 01 44 54 53 00
Woody ALLEN,
Puzzle
Création et mise en scène de
d’Annick Blancheteau et Jean Mourière,
adaptation de Sébastien Azzopardi
avec :
Geneviève Fontanel, Michel Aumont, Gérard Lartigau, Julie de Bona,
Marie Le Cam, Sébastien Azzopardi et Anne Loiret
THÉÂTRE DU PALAIS ROYAL, Paris
Le Palais Royal est toujours un beau quartier et les pièces de boulevard peuvent
nous y interpeller. Surtout quand il s’agit de
Woody Allen. Au moment où arrive sur nos
écrans son dernier opus cinématographique Le Rêve de Cassandre, l’actualité
dramatique nous offre une pièce qui lui ressemble. Il est étonnant, du reste, qu’un
même auteur produise sur deux genres
différents (vraiment ?) deux textes si
proches.
La trame paraît identique, mais elle est traitée différemment. Dans le film, ce sont
deux jeunes frères qui sont confrontés à
leurs désirs et sont amenés à accepter la
loi de leur oncle, parvenu d’Amérique. Au
théâtre, un couple New-Yorkais s’effondre
devant la faillite de leur entreprise ; le père
souhaite que son fils reprenne la boutique.
Le jeune homme se débat entre père,
mère, femme et enfant à venir. Puis viendront l’oncle californien, la sœur absente et
la passion amoureuse, rivale de l’oncle.
Tous les éléments sont réunis pour un
théâtre de boulevard, mais c’est ici du boulevard de New York. La psychanalyse est
passée par là, autant que l’essor de l’industrie du cinéma, deux domaines familiers de l’auteur, s’il en est. Finalement,
c’est contre le poids de la famille et celui de
l’argent que Woody Allen emploie toute sa
rhétorique et son vocabulaire. On sait qu’il
est très bavard. Mais c’est pour notre
plaisir : au cinéma, telles ou telles scènes
peuvent paraître un peu longues en
dialogues, au théâtre, elles font merveille
Woody Allen situe sa pièce dans les
années trente pour s’assurer un minimum
de recul et retrouver l’atmosphère de son
enfance. Le problème économique fait ressurgir un amour adultère, un autre contrarié qui fausse les voies d’avenir. Woody
Allen mêle l’amour à l’argent. Il en fait la
base de la société moderne, rongée,
craquelée sous le lissage de la vie
quotidienne.
La mise en scène est plus moderne. Les
praticables descendent et montent, les
panneaux se mettent en place pour figurer
bureau et chambre ; le plateau lui-même
tourne devant le public pour confondre les
lieux et les temps. Les micro-scènes sont
incisives qui éclairent le présent et tendent
les relations sous-jacentes.
Un narrateur
L’idée importante de Woody Allen est d’instaurer un narrateur, terme fort peu dramatique. Un écho de la voix-off du cinéma, un
écho des chœurs du théâtre antique. Ce
narrateur, la sœur du héros, semble n’avoir
pas d’obligation dans le processus dramatique mais peu à peu il s’impose et c’est
autour de lui que finalement toute la pièce
tourne. Elle est le symbole de la réussite
psychologique. Cette femme est rejetée
par la famille pour cause d’indépendance,
d’amants multiples et d’alcool. Pour l’auteur, elle a su se sauver hors du foyer
même si elle n’a pas su se construire ellemême : la liberté est à ce prix. Les vieux
codes sont dépassés, certes, mais on ne
sait pas quoi mettre à leur place. Alors
c’est l’errance sociale horizontale, préférée
à la verticalité du monde bourgeois. Cette
errance n’est pas un bonheur, et Anne
Loiret incarne bien ce faux détachement de
la fille libérée, mais encore rongée par les
amarres qu’il lui a fallu coupées.
Le père, excellent Michel Aumont, devient
alors misérable d’avoir rejeté une fille qui
brise ses rêves d’ascension sociale et qui
se réfugie dans la liberté en refusant la
maternité. C’est bien là un thème qu’affectionne Woody Allen. L’enfant à venir, véritablement et de façon dérangeante dans
notre société, est la problématique de la
société. Faut-il recréer le monde ? La progéniture n’est-elle pas un frein à l’épanouissement personnel ? À cet égard,
Geneviève Fontanel est superbe dans le
rôle de la maîtresse de maison prête à
accepter tous les sacrifices psychologiques et moraux pour assurer un
semblant de cadre rassurant de foyer.
Leçon de courage
Woody Allen se plaît aussi à faire de la littérature. Il ponctue son texte de maximes,
de formules dont celle-ci reprise trois
fois: “la vie est faite de chemins qu’on n’a
pas pris”. Curieuse philosophie faite de
déceptions et de regrets qui sonne
comme un écho au projet de Wood Allen.
Un écho et une barrière. Les personnages s’agitent pour se faire peur et se
forcer à ne pas négliger l’appel de l’instinct, de l’acte non raisonné. Sauf que les
pulsions de l’un s’opposent à celles des
autres, ce qui provoque toutes les
dérives.
On sent bien que l’auteur s’attache aux
personnages qui tentent une sortie dans
cet univers glauque de pulsions rentrées.
Ainsi l’oncle, incarné par Gérard Lartigau
qui n’a pas à se forcer pour jouer le nouveau riche du cinéma, n’a que mépris
pour ceux qui ne réussissent pas mais
leur vient en aide en tant que de besoin.
On sent là poindre un relent de paternalisme. En réalité, le personnage principal
est celui du jeune homme, Sébastien
Azzopardi, qui affronte tout en peu de
temps : le travail, l’amour, le mariage et
la maternité. Il s’agite devant nos yeux et
Woody Allen lui fait choisir la voie de la
passion et non celle de la raison : il
brûle le veau d’or, casse les règles
anciennes et nouvelles, ne sachant pas
pour autant ce que l’avenir lui réservera.
C’est une leçon de courage.
Trois femmes et trois hommes, c’est
suffisant pour toutes les combinaisons
de couples dans lesquelles ont puisé
les auteurs de boulevard ; mais ici, l’important n’est pas tant l’adultère et ses
situations cocasses à la Guitry, c’est le
choix de liberté qui est fait. Au cinéma,
au contraire, l’accent est mis sur la
démesure qu’entraîne un acte. On se
rapproche de la faute originelle, de la
puissance des pères et de la perte des
enfants, Caïn ne survivant pas à Abel,
c’est une tragédie. La comédie par le
rire qu’elle suscite ne dicte aucune loi,
elle ouvre.
B.F.
L’un des effets culturels de la situation culturelle de la poésie,
qui retrouve aussi l’émotion poétique, et l’émotion tout court,
c’est la confusion entre la poésie et la chanson.
(Henri MESCHONNIC inVivre Poème, Dumerchez Éd.)
ourbet en grand, au Grand Palais,
à Paris, de nouveau, après la dernière rétrospective en 1977, aussi
au Grand Palais, qui fêtait le centenaire de sa mort, en 1877, à la Tour-dePeil, en Suisse, Courbet peut-être même,
trente ans plus tard, de plus en plus
grand. Indéboulonnable. C’est l’impression qu’on peut éprouver quand on ressort
de l’exposition, quand on a vu les 120
tableaux à peu près qui sont dans l’exposition. Mais cette grandeur peut aussi provoquer un certain agacement, comme
Courbet, de son vivant, agaçait souvent
son entourage. Manet, par exemple. Il est
vrai qu’un monde sépare ces deux
peintres (ombre et lumière chez l’un, à
plat et couleur chez l’autre) qui
inventèrent pourtant chacun à leur
manière la modernité en peinture.
C
Courbet a beaucoup peint. Il peignait
beaucoup parce qu’il était un peintre indépendant et qu’il avait besoin d’argent. Il
n’a quasi jamais bénéficié d’une aide de
l’État. Une après-dînée à Ornans constitue une exception et sa correspondance
avec Nieuwerkerque (le surintendant des
Beaux-Arts sous le second Empire),
annonçant son refus de la Légion d’honneur en 1870, en dit long sur la question
de la situation de l’artiste dans la société.
Courbet est mort en exil. Il a fui la France
en 1873 pour éviter la prison car il savait
qu’il n’arriverait pas à rembourser les frais
de reconstruction de la colonne Vendôme.
Cette colonne qu’on continue de penser
qu’il voulait détruire alors qu’il souhaitait
seulement qu’on la “déboulonne”. Le mot
est nouveau. Il l’invente. Après Courbet, il
est ainsi possible de “déboulonner” la
réputation ou l’œuvre de quelqu’un.
Cela recommence cette fois par les paysages et la Franche-Comté. Puits-Noirs,
Source de la Loue, là où Courbet allait
puiser sa formidable énergie. Marines,
Vagues, aussi, série de vagues, qui rappelle que Courbet fut un inventeur de la
série. Je revois un paysage étonnant.
L’Orée de la forêt (vers 1856) qui est à
Philadelphie. Pas un paysage de
Franche-Comté. Pas cette couleur. Un
Cézanne plutôt, déjà.
Le mérite des commissaires tient encore
dans le fait qu’ils n’ont pas occulté le reste
de l’œuvre en mettant en avant les nus de
Courbet beaux «comme la chair d’un
Corrège». Il y a L’Origine du monde.
Heureusement. Il y a aussi La Femme au
perroquet, La femme à la vague (je ne les
avais jamais vues). Il y a les baigneuses,
les femmes chevelures, Joe, la belle
Irlandaise, “tout un monde lointain,
absent, presque défunt”. Ces nus, dans
une salle toute ronde, sont entre “paysages” et “scènes de chasse”. Courbet
était chasseur et il a peint les animaux
comme “luy-mesme”. L’avant-dernière
salle paraît immense. Les cerfs brament,
les renards agonisent, les chevreuils
volent presque cinématiquement sur la
neige. Sont exposés La Curée de 1857 et
le Chasseur à cheval retrouvant la piste
de 1863, deux tableaux qu’on ne voit
aussi pour ainsi dire jamais et qui
soulignent combien Courbet était un
maître de la composition.
beaux-arts
11
GRANDEUR
ET
MISÈRE
DE
GUSTAVE
COURBET
par Jean-Pierre FERRINI
Courbet avait l’âme révolutionnaire. Pas
au sens classique du terme. En 1848, il ne
participe pas ou seulement de loin à la
Révolution. Il peint, continue de peindre.
Faire, ce qu’il l’appelle, la “guerre de l’intelligence” (l’expression désormais est
souvent reprise). Il y a cette dimension
dans la peinture de Courbet, une dimension qui explique sa grandeur. Quelque
chose dans cette œuvre tourne, change le
monde, comme n’importe quelle autre
grande œuvre, picturale ou non, dans
l’histoire du monde. C’est indiscutable.
Pour le vérifier, il suffit de s’armer de
patience et d’aller au Grand Palais. Rien
de désespéré malgré le “Portrait de l’artiste, dit Le Désespéré” qui s’affiche un peu
partout dans les magazines ou les rues de
Paris pour annoncer l’exposition Courbet.
On doit saluer les commissaires de cette
exposition. Il s’agit vraiment d’une belle
exposition. L’accrochage est simple, thématique, croissant. Cela commence par
les principaux autoportraits. Et ils sont
nombreux. Du délicieux Courbet au chien
noir de 1842 au fameux et terrible Homme
à la pipe de 1848 qui annonce la “solution” que cherchait Courbet, c’est-à-dire le
Réalisme. Ensuite, La Toilette de la morte
(ou de la mariée), un tableau énigmatique,
pas exactement un Courbet, qu’on ne voit
pour ainsi dire jamais, et qui suscite beaucoup interprétations. L’éclairage permet
aussi de revoir autrement, mieux pense-ton, les deux “manifestes” de Courbet qui
sont au musée d’Orsay, Un enterrement à
Ornans et L’Atelier. J’en oublie, évidemment. Les Demoiselles de village, Le
Portrait de Baudelaire, La Rencontre, une
rencontre pleine de soleil, éblouissante,
qui ne reflète que l’ombre de “Monsieur
Courbet”, juste avant de monter au
second étage, car l’exposition court sur
deux niveaux.
La dernière salle, elle, apparaît petite,
familière, silencieuse. Il s’agit d’un cul-desac. Le visiteur doit faire demi-tour, retraverser la salle immense des animaux,
pour sortir de l’exposition. Un cul-de-sac.
Oui, comme la vie de Courbet. Le Portrait
de l’artiste à (la prison) de Sainte-Pélagie,
le joyau du musée départemental Gustave
Courbet à Ornans, qu’on veut, paraît-il,
transformer pour en faire un musée “climatisé”. Les horribles paysages du château de Chillon. Les Truites, celle surtout
de Zürich, hors de l’eau, “fait dans les
liens”, en 1872, juste avant l’exil. In vinculis faciebat…
J.-P.F.
Exposition Gustave Courbet (1819-1877),
jusqu’au 28 janvier, au Grand Palais
(Galeries nationales, 3 av. du GénéralEisenhower, 75008 – Tel. : 01 44 13 17 17).
En haut : “Bonjour Monsieur Courbet”,
2001, de Barnard Mélois
(sculpture en tôle émaillée, 80x28x98cm)
d’après Gustave Courbet, La rencontre ou
Bonjour Monsieur Courbet, (ci-dessus),
huile sur toile, 129x149cm,
musée Fabre, Montpellier
20
Un lieu qui n’est pas dans les mots / et que j’appelle poème quand même.
(Guy CHAMBELLAND, in Noyau à nu, Éd. du Pont de l’Épée)
nos choix
RECUEILS, ESSAIS
Max JACOB
Lettres à Louis Guillaume
(La Part Commune)
En 1937, Louis Guillaume a trente ans et la
première lettre de Max Jacob a lui adressée
date du 14 décembre. Il s’ensuivra une correspondance qui durera jusqu’au 12 février
1944, douze jours avant que l’auteur du
Cornet à dés ne soit arrêté à Saint-Benoîtsur-Loire puis transféré à Drancy où il mourra le 5 mars. Max Jacob appartient à cette
génération d’écrivains pour qui la correspondance était un moyen privilégié d’échanger
des idées, d’émettre des opinions et on sait
qu’il ne fut pas avare de sa plume, encourageant de jeunes poètes dont faisait partie
Louis Guillaume. Cette correspondance à
sens unique – on aurait aimé prendre
connaissance des lettres de Louis Guillaume
– constitue dans sa majorité des “Conseils à
un jeune poète”, ceux d’un vieux maître à un
débutant. Ces conseils révèlent en même
temps les goûts de Max Jacob en poésie. Il
privilégie surtout le style et la sensibilité : “Le
style pour un poète pur est l’absence de clichés. Mais qu’est-ce que l’absence de clichés ? c’est l’adéquation du mot à la sensibilité ?”, écrit-il. De même il insiste sur la syntaxe : “La variété de syntaxe est d’une importance infinie. Pense la strophe longuement
avant de l’écrire. Aime les mots, chéris-les,
tiens-y fort, choisis-les au point de faire un
poème rien qu’à cause d’un mot caressé.”
Quant à la sincérité, elle lui semble essentielle : “Cherche donc ta sincérité à toi ! Je suis
sûr qu’elle existe”, l’exhorte-t-il. Aussi cette
sincérité doit-elle être puisée au fond de soi :
“Tâche d’être toi-même”, répète Max Jacob.
Parfois ce sont des considérations personnelles sur la poésie qu’il livre à son jeune correspondant : “La poésie n’a pas à être intellectuelle, certes elle doit être intelligente,
mais qu’est-ce l’intelligence en poésie ?
C’est le goût.” Max Jacob ne ménage pas
non plus ses efforts pour faire admettre à
Louis Guillaume qu’il doit céder à l’émotion, à
la beauté qui “est une sécurité”. Tout autant il
jette sur ses contemporains un regard qui
n’est pas toujours amène : ainsi sur Michel
Leiris : “Il a un langage abstrait ou intellectuel, il croit que la poésie s’apprend et s’enseigne à la Sorbonne.” En revanche, il
célèbre L’Étranger de Camus : “Quoi de plus
clair et quoi de plus inattendu : on peut discuter ce caractère à perte de vue : c’est là le
vrai, le fin du beau, le beau du fin.” Mais cette
correspondance ne se limite pas à formuler
des conseils, à exprimer des jugements sur la
littérature, c’est aussi pour Max Jacob, retiré
à Saint-Benoît, l’occasion d’évoquer sa vie
quotidienne, ses démêlés avec sa propriétaire, ses visites à Marcel Béalu, son inquiétude
à propos de la santé de Rousselot ou d’annoncer à Louis Guillaume des événements
tragiques, comme l’arrestation de son beaufrère : «Ici c’est le désespoir qui t’écrit.
Impossible de sauver mon beau-frère mis
sous prétexte au camp de Compiègne.” Et un
peu plus tard, tout en s’efforçant de maîtriser
sa douleur, cette annonce : “J’arrive de
Quimper où je suis allé enterrer ma sœur
aînée, morte d’émotions, de chagrins, d’impuissance, morte subitement dans son lit.»
Transparaissent parfois quelques plaintes :
«Je crois bien être très oublié. Je n’ai jamais
travaillé pour la gloire présente ni pour aucune gloire, mais j’ai travaillé en vue de conquérir le Beau”, alors qu’il ne cesse de prédire à
Louis Guillaume un brillant avenir. Tout Max
Jacob, homo duplex, transparaît dans cette
correspondance abondante, généreuse, écrite à la hâte, parce que les lettres s’entassent
auxquelles il faut répondre. Un tel témoignage
nous éclaire une fois encore sur la figure de
celui qui fréquenta Picasso, Cocteau, Apollinaire, crut “au diable autant qu’à Dieu” et
mourut, comme beaucoup, parce qu’il était juif.
Max ALHAU
Bernard FRIOT JACOB
L’Agenda du (presque ) poète
Illustrations de Hervé TULLET
(Editions De La Martinière, Jeunesse)
Élitiste la poésie ? Pas si sûr ! L’agenda du
(presque) poète s’adresse à tous ceux qui
s’intéressent à la poésie, qui en écrivent parfois, en lisent de temps en temps. Qui pensent
aussi qu’elle n’est pas réservée à des initiés,
mais qu’elle peut être un langage accessible
à tous.
Voici 365 activités, autant de clés pour aborder le monde de la poésie : Qu’est-ce qu’un
poème ? D’où vient l’inspiration ? À quoi
reconnaît-on un alexandrin ? Et comment, à
notre tour, composer un poème, travailler le
langage comme matière sonore, varier les
gestes d’écriture, s’approprier les textes,
écrire sous tous les registres ?
Grâce à des outils pour repérer les jeux poétiques ou distinguer les différents niveaux de
lecture, l’Agenda permet de découvrir et d’utiliser les nombreuses ressources de la poésie.
Expérimenter, c’est-à-dire essayer, oser,
manipuler, inventer, imiter, élaborer, rafistoler… Une approche très concrète donc.
Sensible et ludique aussi. Se lancer dans les
mots, c’est découvrir comment ils ont été utilisés par les poètes contemporains. Organisé
en séquences progressives et par niveaux de
difficultés, l’Agenda associe chaque activité
d’écriture à une citation, voire à l’intégralité
d’un poème commenté par l’auteur.
Les planches colorées d’Hervé Tullet, totalement intégrées à l’écriture, viennent également prouver à qui ne le savait pas, que la
poésie n’est pas qu’une affaire de mots, mais
que les couleurs, elles aussi, peuvent provoquer en nous des émotions fortes et justes,
susciter des correspondances, éveiller une
musique, un rythme… Et nous faire entrer en
poésie.
Cet atelier d’écriture pas comme les autres
offre un espace d’expression intime et ludique
pour composer et aider chacun à affirmer sa
voix singulière… parce qu’apprendre à jouer
sur les mots peut être un réel plaisir !
Maram al-MASRI
Je te regarde
Préface de Salah Stétié,
Traduction Michel Durazzo,
Dessins de Youssef Abdelké
(Éditions Al Manar, 15 euros)
Les yeux du cœur sont grand ouverts
Maram al-Masri avait déjà attiré l’attention par
la publication de son livre précédent en français, Cerise rouge sur un carrelage blanc,
(Phi/Les Écrits des Forges) dont Bernard
Mazo avait parlé dans ces colonnes. Traduits
en neuf langues, ses poèmes ont su toucher
le cœur de nombreux lecteurs, hommes et
femmes. Sa poésie possède en effet ce don,
finalement très rare dans la poésie d’aujourd’hui, qui est d’émouvoir. Chacun de ses
brefs poèmes, dit sur le ton de la confidence,
livre un secret qu’elle nous donne à partager.
Elle crée une intimité avec son lecteur en lui
faisant part avec audace et pudeur des instants fugitifs, des moments de bonheur et
d’angoisse qui forment la trame de sa propre
vie, et nous entraîne sur les sentiers d’une
réflexion amoureuse ininterrompue. Écrits
avec beaucoup d’art et de justesse (mais un
art qui a ce grand mérite de ne pas poser ni
peser), ses poèmes sont d’abord vécus, ce
qui leur donne cette spontanéité, cette fraîcheur et cette vérité qui nous touchent. Si les
poèmes peuvent nous émouvoir, c’est
d’abord parce que le poète lui-même accepte l’émotion. Mais ils nous touchent car l’écriture fait mouche. L’œuvre de papier est une
œuvre de chair.
Le nouveau recueil de Maram al-Masri, Je te
regarde, (joliment édité par Al Manar, avec de
très beaux dessins de Youssef Abdelké)
renouvelle ce miracle simple de la poésie
vraie et en même temps montre que l’auteur
élargit, ou plutôt approfondit son propos.
Cette fois, la voix du poète se dédouble.
Deux femmes se rencontrent dans un train,
l’auteur (dont les interventions sont typographiées en romain) et une “petite putain”, et
toutes deux parlent de l’amour, des hommes,
du désir, du plaisir d’être regardée et de la
crainte d’être abandonnée, de l’angoisse de
la perte et de la vie qui s’en va et que le
poème retient par la manche. Pourquoi “petite putain” ? Parce qu’elle suscite le désir et
donne de l’amour, sans elle-même toujours
désirer, ni prendre son plaisir ? Ou peut-être
aussi parce que par-delà ce terme insultant
de “putain”, l’auteur nous fait découvrir avec
tendresse qu’il y a là d’abord un être humain,
doué de cette faculté proprement humaine
qui est la capacité d’aimer ? Mais très vite il
apparaît que ces deux voix distinctes sont
liées, peuvent s’échanger et elles finissent
même par n’en faire qu’une. “On a plusieurs
visages / sur les épaules, / sur ses papiers
d’identité / ses photos souvenirs.”. C’est par
ces vers que débute le livre. Et tout de suite
la deuxième voix nous dit qu’ “Il y a toujours /
quelqu’un qui nous ressemble, / quelque
part”. Jeux de masques. Sans doute. Mais
qui est le jeu de la vérité. Je crois pour ma
part que le meilleur de la poésie d’aujourd’hui
conduit à nous interroger justement sur ce
qu’est l’identité, à refuser de se laisser enfermer dans quelque conception “identitaire”
que ce soit, d’identité univoque, pour percevoir que nous sommes multiples, et, en définitive, pas si étrangers que ça les uns les
autres. (Peut-être une nouvelle notion de
l’identité, une nouvelle figure de la subjectivité se joue-t-elle dans cette poésie d’aujourd’hui qui consiste à découvrir et sentir que Je
est tous les autres). C’est pour cela que la
poésie peut être universelle. L’air de rien,
avec les atours d’une grande simplicité (la
robe même de la nudité) cette poésie va profond.
On sent d’ailleurs que les larmes ne sont
jamais loin. Remonte à la surface du poème
le drame du désamour, l’image de la femme
enfermée comme une étrangère dans sa
propre maison, en compagnie d’un homme
qui a des bras mais n’embrasse pas.
“L’épouvantail / a trompé / mes oiseaux”.
Mais aussi, plus généralement, la hantise de
l’éloignement, de la disparition, du départ qui
crée une fringale de tendresse et peut vous
rendre sentimentalement “boulimique”.
“Comme un pauvre qui mange / à satieté, / de
peur du lendemain / où il n’aura plus rien, //
Je te regarde / dans mon giron…”
Les poèmes de Maram al-Masri s’inscrivent
en faux contre l’idée aujourd’hui répandue
qu’on ne peut pas faire de la poésie avec des
sentiments. Bons ou mauvais. Chez elle, la
poésie est au contraire le langage du sentiment, le langage de la compassion, même
envers ceux qui vous blessent. En tout cas,
qu’ils soient purs ou impurs, l’écriture purifie
les sentiments et en descendant dans les
profondeurs, elle sauve, elle redresse, elle
élève.
Mais poésie des sentiments, elle ne verse
pas dans le sentimentalisme ni la mièvrerie.
C’est une poésie qui parle avec les yeux du
cœur, mais ceux-ci sont grand ouverts.
Toujours, le concret, la vie réelle, la lucidité et
l’humour font contrepoint aux larmes que l’on
sent au bord des paupières. Avec
des poèmes gentiment moqueurs, comme
celui-ci :
Je te supplie
d’arriver…
J’ai commandé une tasse de café
et
craignant d’être en retard
j’ai oublié
mon porte-monnaie…
L’autodérision a ici sa place. On ne se prend
jamais trop au sérieux ; ce qui est la seule
attitude vraiment sérieuse.
Il y a là beaucoup d’intelligence et de vitalité.
Avec un sens du jeu qui est précieux, car
c’est par lui que nous devenons humains et,
plus ou moins, civilisés. En tout cas, c’est
grâce à ce sens du jeu amoureux (dont les
poètes courtois du XIIe siècle avaient déjà
perçu le secret) que le sentiment se raffine et
se cultive. Et que la vie amoureuse devient
art de vivre. Comme dans ce très beau
poème :
Elle a dit :
Faisons semblant de nous aimer,
Dans un semblant de lit,
Où s’uniraient
Un semblant d’homme
Et un semblant de femme,
Dont les sentiments
Sembleraient vrais,
En répandant autour de nous
Des roses semblant mortes
Afin qu’elles ne meurent pas…
Il y a chez Maram al-Masri, un sens aigu du
clair mystère de la poésie qui tient à cette
façon de saisir l’insaisissable, de retenir le
fugace et le fragile… “La poésie est comme
le goût du café, une fois bu”, dit-elle… Mais,
chez elle, l’ineffable chemine avec la fable.
L’imperceptible, avec le sensible. L’indéfini
avec le sens, sans quoi toute poésie se
condamnerait à un vague murmure sans
effet. Alors que là, qu’elle soit triste ou gaie,
elle produit de la joie et un surcroît d’amour.
Poésie lyrique, car entièrement amoureuse,
la poésie de Maram al-Masri a aussi sa
dimension “politique”, au sens où les rapports
hommes/femmes, rapports de séduction, de
domination, d’égalité parfois sont toujours
des rapports politiques. Sans doute, les plus
fondamentaux dans toute société. De cette
poésie, on a pu dire qu’elle n’était pas “féministe”… C’est que l’idée que l’on se fait en ce
moment du féminisme est souvent bien caricaturale, comme si le féminisme consistait à
ne pas aimer les hommes… À mes yeux,
cette poésie est, sans proclamation tapageuse, une poésie profondément féminine et
féministe au sens où elle est affirmation naturelle du droit de la femme à la vie, à la liberté, au respect et au plaisir en même temps.
C’est une poésie du désir et de la dignité de
vivre. Cette affirmation a d’autant plus de
force qu’elle vient d’une femme arabe, d’origine syrienne, et qui écrit en arabe. Mais il est
évident que ce qu’elle dit ne concerne pas
que les femmes du monde arabe et musulman. En occident aussi, en Occident surtout,
peut-être, l’amour est toujours à libérer.
Francis COMBES
nouveaux territoires du poème
12
NOUVEAUX TERRITOIRES DU POÈME
présentés par Seyhmus DAGTEKIN
Parcours 1er
INTERSTICES II
Parcours 1er
Si les parents se sentent bien, les enfants aussi
se sentent bien. Si les parents sont toujours
dans l’idée du retour, les enfants auront du mal
à se sentir d’ici. Je ne me suis jamais sentie
visée par le racisme, les petites remarques
qu’on peut entendre par-ci par-là ne me touchent pas. Je ne les entends même pas.
J’ai habité dans un immeuble où j’étais la seule
étrangère et le jour où ils l’ont appris, ils étaient
surpris. Ils me trouvaient trop gentille pour une
étrangère.
On se demande quelle idée ils s’en font ?
Croient-ils qu’on vient à peine de quitter notre
jungle ?
Parcours 2e
Tu tombes malade et tout d’un coup, tu es tout
seul. Tu es enceinte, tu accouches, tu es seule.
Mon mari avait un studio à Barbès. Il était au
chômage. Les choses ont pris du temps. Ma
fille avait quarante jours quand j’ai pris l’avion
pour rentrer.
Je ne ramène avec moi que du chocolat. Et rien
d’autre. Et je rentre au pays qui n’est plus
comme avant d’ailleurs. C’est comme ici.
Avant, on se réunissait. Maintenant, plus. Si
quelqu’un est malade, on ne demande plus de
ses nouvelles.
Les portes sont fermées, alors qu’avant, les
maisons étaient ouvertes.
Parcours 4e
J’ai eu une enfance heureuse, grâce à mon
grand-père. Il ne faisait aucune différence entre
ses petits-enfants.
Mon père était marin pêcheur. Il ne nous faisait
jamais de remontrances devant les autres. Il
nous appelait dans sa chambre et nous faisait
les remarques et nous disait d’aller demander
pardon à celui qu’on avait agressé.
Maintenant qu’il n’est plus là, je n’ai pas envie
d’y aller.
Il est mort il y a cinq ans. Et à chaque fois que
je pense à lui, je passe en revue tout ce qu’il me
disait. Même s’il t’engueulait, c’était par
gentillesse. Il te donnait des conseils.
Parcours 2e
Ce n’est pas la même chose avec ma mère.
Elle est gentille. Mais ce n’est pas la même la
chose. Mon mari, mes frères, les autres n’ont
pas le même tact pour dire les choses, alors
qu’il ne savait ni lire, ni écrire.
À sa mort, ma sœur a dit qu’elle avait perdu un
ami. Parce qu’avec lui, je pouvais parler de
tout…
Depuis quelques années déjà, au sein de la Compagnie
Résonances, nous menons à Paris et ailleurs un travail
d’écriture, dans le but d’aller à la rencontre de certains
territoires et avec le pari de susciter une parole qui peut
contribuer à changer le regard que nous posons les uns
sur les autres.
Sur une proposition de Naïma Taleb, metteur en scène et
en collaboration, j’ai effectué, courant 2006-2007, un
travail d’écriture avec un groupe d’habitants, notamment
des femmes, dans le quartier de la porte de Montmartre
à Paris et, parallèlement, nous avons organisé une actionphotos à laquelle ils ont pris part, dans le but de
s’interroger sur soi-même, sur son environnement et sur
sa place dans la ville. Ce travail a donné lieu à une
première exposition sonore. Avant de le reprendre sous
forme théâtrale, je vous invite à partager des extraits de
cette parole.
S.D.
blème, c’est les enfants. Je n’arrive pas à avoir
du temps pour moi. Toujours stressée, toujours
en train de passer à autre chose, sans prendre
du temps pour moi. Et pourtant, je bouge. Je ne
suis pas une gourmande. Mais les trois kilos de
plus, je n’arrive pas à les enlever. Ils restent.
Tout comment les enfants. Tout comme le mari
qui vient se rajouter aux enfants. Mon marri de
mari. Bien sûr que ce n’est pas lui, le problème.
Pourtant, il faut que quelqu’un le soit. Le suis-je
peut-être. Le seul. Moi, qui ne sais pas faire
sans les autres. Moi qui trouve toujours une
raison à me coller aux autres.
Parcours 7e
Depuis qu’il ne travaille pas, j’ai encore plus de
travail. Pour ne pas le stresser, je prends tout
sur moi. Du jour au lendemain, il se retrouve
sans travail. Il n’y était pas préparé. C’est
nouveau. Le temps qu’il s’habitue.
La première fois, je l’ai accompagné pour ces
papiers, pour qu’il touche son allocation. Sinon,
il n’y allait pas. C’était comme s’il mendiait.
Parcours 8e
Parcours 6e
On n’est pas à l’enterrement, je ne suis pas
mort pour que vous soyez désolé. Je vous
demande une cigarette, c’est tout. Vous ne
pouvez pas être désolé pour ça. Vous dites que
vous n’en avez pas. Et on sera quitte. Si depuis
trois jours je n’avais pas mangé et que vous ne
pouviez m’aider, ça, il y aurait eu de quoi être
désolé. Mais pour une cigarette, ça ne vaut pas
le coup.
Tu ne m’envoie plus dans ces réunions. Il n’y a
que des femmes. Les pères, les pères, pourquoi veux-tu que je sois le seul père de l’assemblée ? Mes enfants se débrouilleront
comme les autres.
Mais pourquoi tout se froisse comme ça au jour
le jour
Mais pourquoi tout se perd dans le jeu là où rien
ne se retrouve
Je peux avoir un verre d’eau ?
Parcours 6e
Parcours 4e
Tous les soirs, jusqu’à sa mort, il n’a jamais
oublié les chats. Qu’il pleuve ou qu’il neige, il
leur donnait à manger. Maintenant, il n’y plus de
chats aux alentours de notre maison. Avant, il y
grouillait des chats tout autour.
Il faisait entrer le voyageur qu’il croisait dans la
rue et le faisait manger. Ma mère disait : avec
tous ces étrangers dans la maison, tu vas nous
retrouver égorgés un de ces jours. Mais il avait
confiance. L’inconnu vient de dieu disait-il, nous
n’avons pas à en avoir peur.
Ma fille n’aime pas la violence et trouve que les
copains se comportent trop comme des
sauvages.
Je lui ai dit : sois bien avec les profs et c’est
eux qui viendront vers toi.
Parcours 5
e
Mais mon mari, n’est pas un problème. Le pro-
Parole qui circule
Pourquoi ça ne vaudrait pas le coup ? Parce
que vous trouvez ça normal, vous ? Qu’y a-t-il
de normal d’être assis sur un cageot et de
tendre la main à la charité des passants ? Je
suis désolé que vous soyez là, dans l’obligation
de me demander une cigarette. De quémander
ce que vous devez manger. Je n’ai pas de cigarette et je m’en vais. Vous allez rester là. Dans
ce froid. À continuer à demander. Et ça me rend
triste. N’est-ce pas une raison suffisante. Votre
cigarette, je ne m’en serais même pas fait si
vous passiez votre chemin. Mais vous êtes
planté là, vous ne bougez nulle part. Et je passe
comme les autres. Après, j’apprendrais que
quelqu’un est mort de froid. C’est de ça que je
m’absous d’avance en me disant désolé. De
vous laisser ainsi sur cette place. Je n’y change rien, mais j’en suis désolé et je comprends,
vous pouvez vous en passer.
De quoi êtes-vous demandeur ? Par quelle
pierre voulez-vous qu’on commence ? Quelle
dent à la place de quelle pierre ?
Je guette ce qui va sortir. Cinq à gagner. Avec
le premier. Qui en est le propriétaire. C’est là
que j’aurais dû jouer. Personne ne comprend
rien à personne. Le quinze n’est jamais sur
place. La prochaine fois, je jouerais la neuvième. Cinq fois j’ai touché le désordre.
Tout se passe en direct. Tout se perd, rien ne se
retrouve. Est-on sûr que je joue le bon ? Es-tu
sûr que ce que j’ai joué va tenir jusqu’au bout ?
Si le onze y est, on va tout empocher. Moi, je
suis toujours là, dans les dernières minutes. Je
passe par les tuyaux. Je me nourris des
branches. Et ma tronche ? Que fais-tu de ma
tronche ? Ça tourne, et je reste hors de la
machine. Je garde ma folie, ma folle au lit. Et
paf, tout part. Mais vas-y, court, court, c’est treize, c’est seize. Lui aussi, il parle de ses
ancêtres. Mais oui, on a monté plein de côtes
ensemble, on s’est monté dans plein de côtes.
Et tu ne me dis pas comment sortir de ce
cauchemar. J’aligne les numéros, mais je
deviens ce que j’aligne.
Chacun dans ces délires mais, je ne sais
jamais comment le lui dire. Il ne se voit pas agir.
Mais la honte de quoi ? Et la honte n’est jamais
bonne conseillère. Je veux lui dire des choses,
mais en même temps j’ai peur de le déranger,
de le blesser. Et si je ne dis rien, suis-je sûre
qu’il ne se fera pas de mal ?
Parce que tout ça, on l’a vu à l’œuvre. L’heure
du réveil qui décale, le retour à la maison qui
tarde, les entrailles qui doublent de volume, les
nerfs allègent, qui ne pèsent plus rien devant
tout ce qui nous dépasse… On l’a déjà vu tout
ça. Chez les voisins, chez les cousins, dans la
rue, à la télé. Et je vois ça maintenant chez
nous. Fallait-il que ça arrive ? J’espère que ça
ne va pas durer. Quand ça se prolonge, on les
voit passer, de plus en plus insignifiants, le long
des devantures.
Comment m’avez-vous nommé déjà ? Sur
quinze jours, vous me donnerez une liste de
vos empêchements. Une liste de ce qui vous
empêche d’être ce que vous voulez être. Tout
ce qui bouge en vous et ne se voit pas.
Ma fille parle plus facilement avec moi. Alors
que mon grand fils ne me parle pas. Il garde
tout pour lui. Je le mettrais à l’école privée.
Ma fille m’est plus attachée. Alors que mon fils
est attaché à son père.
Parole qui circule
Mais dans quelle boue suis-je ? Je pense,
mais à partir d’où vais-je penser ? Je parle
mais d’où et à qui vais-je parler ? Pour annexer
qui à ma parole ? Quelqu’un le voudra-t-il, partagera-t-il sa parole avec moi ? Voudrais-je
m’annexer à une parole autre ? Pourquoi se
parle-t-on, pour déclarer quelle victoire sur
l’autre, pour engranger quelle gloire ? À quel
supplice voudrais-je condamner l’autre, quel
supplice me prépare-t-il ? Il sait que je parle, et
que je mange par la même bouche, que je
caresse, et romps avec la même main. Je sais
qu’il sait. Il sait que, tout comme lui, je ne suis
jamais rassasié. Il sait de quoi je me nourris, je
sais ce qu’il ingurgite. Moi et l’autre, nous nous
connaissons. Nous ne pouvons nous duper.
Nous ne sommes que duperie. Que fais-je de
moi, que fais-je de l’autre ? Le temps que je
recommence, le temps que tout recommence.
Et comment romancer tout ça ? Qui est l’autre
de moi ? Que ferais-je, pauvre de moi, sans
l’autre ? Si l’autre n’est pas là pour me
dépouiller, ma barbe poussera des ares et des
ares et fera de moi un barbare.
Et comment nous nous en cacherons, nous qui
voulons tout, qui voulons tout dompter ?
C’est étrange cette barbarie que je retrouve au
contact de l’autre
C’est étrange cette piqûre qui nous réveille à je
ne sais quel sang
À quel goût sans couleur
Si je te dis terre, tu me dis fourmi
Si je te dis chenille, tu me dis papillon
Si je te dis couteau, tu me dis assassin,
Si je te dis marteau, tu me dis suspect
Si je te dis eau, tu me dis orage
Si je te dis bouche, tu me dis gourmand
Si je te dis gâteau, tu me dis : et ma part
Si je te dis rue, tu me dis personne
Si je te dis arbre, tu me dis sève
Si je te dis ne pas aimer, tu me dis les morts et
les vivants
Si je te dis amour, tu me dis famille
Si je te dis généreux, tu me dis : comme moi
Si je te dis : dis-moi ce que tu aimes, tu me dis
fraises, glaces, roses, tulipes
Si je te dis : dis-moi qui tu aimes
Tu me dis Salomé, William, Roselyne, Assa,
Doua, Ange, Catherine, Lydie, Kadiatou,
Moussa…
Tu me dis
Je vis un peu dans tout ce que j’aime
14
Le langage est temporel, comme la vie.
(Jean GROSJEAN, NRF, 2007)
revue des revues
VIIEENNTT DDEE PPAARRAAIITTR
V
REE OOUU
À PPAARRAAIITTRREE
À
REVUE DES REVUES
par Bernard FOURNIER
7 À DIRE
N° 27
Septembre-Octobre 2007
Éd. Gallimard : Chroniques littéraires du Journal des Débats Avril
de
Maurice
1941-Août
1944
BLANCHOT
- Éd. Voix d’encre : D’asile en exil
de Max ALHAU, illustré par Pascal
Hemery
- Éd. L’Harmattan (Coll. Poètes des
5 continents) : Résilîences de
Catherine BOUDET ; Histoire critique de la modernité de Claude
FOUQUET
- Éd. Circé : Fleurs des champs
d’Adalbert STIFTER (trad. de l’allemand par Sibylle Muller) ; Pour
saluer Rilke de Michel GUÉRIN ; La
machine patrimoniale de Henri-Pierre
JEUDY ; Album de famille avec portraits d’inconnus de Lascano TEGUI
(trad. du portugais par Séverine
Rosset) ; L’Art de ne pas répondre à
la demande de René MAJOR ;
Entrée à Crémone de Miograd PAVLOVIC (trad. du serbe par Mireille
Robin) ; Chourka de Léonid DOBYTCHINE (trad. du russe par André
Cabaret) ; Penser. Habiter de
Massimo CACCIARI (trad. de l’italien
par Simone Messina); Pesanteur et
abstraction de Léo POPPER, Préface
de Youssef Ishaghpour (trad. de l’allemand par S. Muller) ; La Pierre de
touche d’Edith WHARTON (trad. de
l’anglais par Jean-Pierre Naugrette)
- Éd. En Forêt : Fenêtres du
temps/Zeitfenster d’Hélène DORION;
Passeur de sens de Mireille
PODCHLEBNIK
- Éd. Poiêtês : De l’Éternité et de
l’Immortalité, selon Sapphô, de
Mytilène de Daniel ARANJO ; Ne dis
jamais Miroir comme miroir de Rodica
DRAGHINCESCU (bilingue, françaisallemand) ; Sous l’égide du bleu :
Essai sur l’œuvre poétique d’Élisa
Huttin de Laurent FELS ; Constantin
FROSIN: Francophile roumain, sous
la direction de L. FELS ; D’ici et
d’ailleurs, Nouvelles de Marie-Claude
MARTY ; Le meilleur de moi-même
de Colette WEBER
- Éd. Soc & Foc : Maisons bleues de
Patrick JOQUEL, dessins de Nathalie
de Lauradour
- Maison de la Poésie de
Nantes/Fondation de la Culture de
la Ville de Recife : Nantes Recife,
Un regard transatlantique, Anthologie
poétique (bilingue)
- Éd. Publibook : À peine inimitable
de Jean-Raoul FOURNIER
- Éd. de l’éclat (Coll. Tiré à part) :
Conscience du corps de Richard
SHUSTERMAN
- Éd. De La Martinière (Jeunesse) :
L’Agenda du (presque) poète de
Bernard FRIOT, Illustrations d’Hervé
Tullet
- Éd. de L’Act Mem : Dans l’éphémère s’élance l’oiseau, Anthologie 19642001, choix de poèmes de Herri
Gwilherm KEROURÉDAN
- Éd. Sarbacane : Olga et les
masques de Thierry CAZALS, illustré
par Maurizio A.C. Quarello
- Éd. Les Promeneurs Solitaires :
La Guerre des Taupes de Roland
NADAUS
- Éd. Saint-Martin : Elvis et la Fille
qui rêvait debout de Michaël
MOSLONKA
- Éd. Verticales : Je ne te verrai plus
de Tamirace FAKHOURY in Les
Belles Étrangères
- Éd. de la revue 22(M)dP (Coll.
Hors-Séries du 22) : Les entre-deux
de Claudie LENZI ; Radio Mâchoire
– Section été de Jean-Luc LAVRILLE;
Ici-Maintenant de Romain FUSTIER;
L’atelier du pneu de Claude FAVRE
- Éd. Anacharsis : La Légende des
Soleils suivie de L’Histoire du
Mexique – Mythes aztèques des
origines d’André THEVET, Préfacé
par Jean Rose
- Éd. des Falaises : Eugène Boudin,
les vaches par Marie CARLIER ;
Honfleur et les peintres d’Anne-Marie
BERGERET
- Éd. du Masque d’Or : La robe
rouge de Geneviève de Gilbert
MARQUÈS
- Krill Éd. : Mélusine d’Emmanuelle
K, illustré d’aquarelles de Pierre
Jaouen
- Éd. du Centre Vendôme (Arts
plastiques) : Fil de Trame d’Isabelle
LARTAULT, dessins de Dominique Le
Tricoteur
- Éd. Les Presses Littéraires (Coll.
Florilège) : Les tambours du vent de
Christian AMSTATT
(Jean-Marie Gilory,
La Sauvagerais, La Rotte des Bois,
44810 La Chevallerais)
tillements bleus / Plages de lunes” et
d’autres apports de Pau Mari : “J’aime vivre
à pas lents / de phrases indistinctes, l’arithmétique des à peu près”. Une place pour les
ateliers d’écriture de Danièle Corre et pour
les revues.
AUTRE SUD
Petite revue qui ressemble à un bulletin
mais qui, sous son élégante présentation,
attire l’œil vers des poèmes de qualité. Elle
reçoit ce jour Colette Klein dont Jean-Marie
Gilory fait un portrait soigné : “Elle a le
regard clair, entre ciel et acier [sa poésie]
juste, nocturne et dense”. Qu’on en juge :
“Les nuits viendront toujours effacer les
aveux inutiles, surgis de temps trop
anciens, par secousses, portés dans les
tremblements dans les mémoires par d’infimes tremblements” ; Jean Joubert : “les
filles ont toujours des chevelures d’orge
mûre et d’orage […] et au corsage cette
poussée de sève dans le fruit”. Odile
Caradec est présentée : “Rien n’est plus
volatil que la voix d’un mortel” et Gilles
Baudry : “Quelqu’un écoute des yeux les
lointains” ; Danièle Corre : “À force grandi /
on perd toutes ses larmes”, et Bernadette
Throo à paraître dans les prochaines
éditions de Sac à mots : “Le plus que bleu
où s’aiguisaient les pierres / en ces midis
incandescents”.
Outre l’ouverture consacrée à Henri Raynal,
on lira des vers de Bruno Rombi : “Tu as
plus souvent droit à un os / une pierre, un
poison, une peine. / Que tu dois mordre et
remordre / Si c’est le plat du jour.” ; Marcel
Migozzi : “par une page l’illusion / de posséder un cahier neuf” ; Daniel Aranjo : “(en
un seul rire, fluide, de chemise)” ; Yves
Broussard : “comme si paisiblement / l’éternité s’émiettait” ; Yves Namur : “ce qu’on
appelle oiseau n’est pas un oiseau // c’est
un voile avec l’oiseau en dessous” ; Parviz
Kharzraï : “le soleil haut et plein de promesses / traverse toujours / le ciel des alchimistes désappointés” ; on remarquera des
poèmes de Jimmy Carter, l’ancien président
des États-Unis d’Amérique, dont Jean
Miniac nous dit qu’il y a “un mode
d’intervention dans l’histoire”.
CAHIERS DU SENS
L’ARBRE À PAROLES
2007, Le Nouvel Athanor
N° 137, Automne 2007
(Jean-Luc Maxence et Danny-Marc,
50 rue du Disque, 75645 Paris Cedex 13)
(François Chenot,
BP 12, B-4540 Amay, Belgique)
On ne sait que choisir entre ce très beau
cahier consacré à la Frontière (de Michel
Maffesoli à Michel Host) avec des textes de
Jean-Luc Maxence, Jean Orizet, Alix, Gil
Jouanard, Béatrice Bonhomme et tant
d’autres. La partie anthologie n’est pas
moins fertile. On retiendra Stella Vinitchi
Radulescu : “ce qui bouge n’a pas de frontières alors / de ma tombe je remonte la
lumière” ; Pierre Bonasse : “Le poème
peut-il laver les linceuls de la violence ?” ;
Bernard Jakobiak : “Partir est clair comme
un couteau : la lame déplie l’horizon” ;
Bruno Doucey : “Et ne retiens de l’eau /
Que le toucher / Du sable” ; Nathalie
Picard: “Il n’y a pas de distance entre le
corps et l’ombre” ; Alain Breton : “Tu
m’adoubes aux toupets de ta braise / Tu me
frictionnes par les jus et la faim”.
Il faut souligner cette excellente publication
qui, depuis longtemps, honore et la poésie
et la rigueur d’une revue. Avec de l’ambition,
comme ici ce numéro entièrement consacré
à la poésie albanaise, avec une introduction
de Vasil Çapeqi, “La religion des Albanais
est leur ‘albanéité’”. Ce ne sont pas moins
de trente-trois poètes qui sont ainsi traduits
et présentés par Vasil Çapeqi et Ardian
Marashi. Impossible de les citer tous. Après
Ismaïl Kadaré qu’on ne présente plus, il faut
lire : “Dans une alarme de feuilles / Ma tête
n’obéit pas / Pulvérisant deux poignées de
nuit” ; Rita Petro : “Monde défiguré / né /
d’un ventre violé et d’un pénis aveugle / qui
sent/ l’égoïsme de l’homme / et l’impuissance de la femme.” ; Primo Shllaku : “Dieu
ordonna de trancher la tête à la Ville. / La
Ville musclée s’en tira à bon compte /
n’ayant pas de cou / En pâtit la ville de
Modigliani / son cou étant trop long.”
N° 38, Septembre 2007
(Parc d’activités de la Plaine de Jouques,
200 avenue de Coulins, 13420 Gémenos)
POÉSIE SUR SEINE
DISPARITION : Pierrette MICHELOUD
(1915-2007)
N° 62, Septembre 2007
(Pascal Dupuy, 13 place Charles-deGaulle, 92210 Saint-Cloud)
LE NOUVEAU RECUEIL
(www.lenouveaurecueil.fr)
Jean-Pierre Vallotton, écrivain et membre du
Conseil de la Fondation Pierrette Micheloud,
nous a appris la triste nouvelle du décès de la
peintre et poète franco-suisse, survenu le 14
novembre 2007 à l’Hôpital de Lavaux (Cully,
Suisse), des suites d’un cancer. Elle allait avoir
92 ans.
D’origine suisse, des montagnes valaisannes,
elle vivait à Paris depuis 1950, tout en gardant
un lien étroit avec son pays.
Vivant en poésie, elle n’en mena pas moins une
existence très active dans le domaine des
Lettres: collaboration à plusieurs journaux
suisses où elle présentait des poètes de France
et d’ailleurs, puis aux Nouvelles Littéraires, avec
des articles sur les Poètes-libraires de Paris.
En 1963, elle fondait avec Édith Mora, critique
littéraire, le Prix de Poésie Louise Labé, dont le
jury est féminin. Elle a été également rédactrice
en chef de la revue La voix des poètes, fondée
et dirigée par Simone Chevallier, collection Les
Pharaons (poètes éveilleurs de conscience).
Auteur d’une vingtaine d’ouvrages de poésie,
elle a été lauréate de plusieurs Prix dont, entre
autres, Prix Schiller et Prix de Consécration de
l’État du Valais pour la Suisse ; Prix Edgar Poe,
Prix Apollinaire, Prix Charles Vidrac pour la
France.
Dans L’ombre ardente (témoignage en prose),
elle évoque son adolescence et la découverte
de son âme gynandre.
“L’artisane du verbe”, qu’elle se voulait être, se
révèle dans ces deux vers :
Libérer le chant
De la sclérose des mots.
D’où la vie et la magie qui se dégagent de sa
poésie.
Également artiste-peintre, Pierrette Micheloud
a livré en plusieurs expositions une oeuvre
personnelle importante et forte, témoignant
d’une femme qui a su assumer avec détermination une voie singulière.
La Fondation Pierrette Micheloud veillera
désormais à perpétuer son oeuvre et sa
mémoire.
À lire : Présence de Pierrette Micheloud,
ouvrage publié sous la direction de JeanPierre Vallotton, Éditions Monographie, 2002,
Sierre (CH).
Pierre Osenat vient de s’éteindre et Jean
Chatard rend un juste hommage à cet
amoureux des Antilles. L’invité est
Emmanuel Hiriart qu’on aura intérêt à lire,
“un poète qui appartient à la garde montante de la poésie contemporaine” selon JeanPaul Giraux. Lisons : “Amis, ne venez pas
aujourd’hui : / Je suis avec les morts, reclus
/ dans leur chambre close. J’écris”, “Je fais
semblant de regarder les oiseaux. Parfois je
prenais une balle bien dure, / Je la faisais
rimer des heures contre un mur. / Pour exister un peu, quand même”, ou encore en
prose : “Après qu’Adam eut fini de nommer
les êtres, Ève en fit des hiéroglyphes pour
jouir de l’hospitalité des saisons”. Le même
Jean-Paul Giraux nous rapporte quelques
propos toujours tirés du bon sens sur l’argot
en poésie, de Villon, en passant par Hugo
jusqu’à Desnos. Sur le thème “Les animaux
et nous”, quelques contributions dont
Francine Caron : “Courte paille au soleil /
Danse de plumes sur les eaux / lents scin-
Le Nouveau Recueil nous annonce qu’il
cesse sa parution avec le N°85 - dernier
numéro “papier” - au bout de vingt ans
(vingt-sept, si on compte la revue Recueil).
Jean-Michel Maulpoix constate le faible
nombre d’abonnés, le faible soutien des institutions publiques et la difficulté d’un éditeur
indépendant de taille modeste. L’avenir est
peut-être à la revue électronique (lenouveaurecueil.fr), à l’air du temps, constate-t-il
un peu amèrement. Mais s’il regrette déjà
l’odeur du papier et la grâce de son toucher,
il espère beaucoup dans une vie
d’échanges via Internet. La rédaction
d’Aujourd’hui Poème ne peut que s’associer
à la tristesse du rédacteur en chef de cette
excellente revue qui comptait dans le
paysage critique et de création contemporain. Elle s’associe à lui pour une longue vie
par d’autres canaux.
B. F.
Pour chaque époque à venir, compte sur une sottise de rechange. Il est rare qu’elle
manque et qu’il ne se trouve pas dans l’époque nouvelle une sottise qui lui devienne
propre. Tu ne risques pas de te tromper longtemps.
(Henri MICHAUX)
Je
ne vous avais pas habitué à des titres
pareils. Et pourtant, tous les témoignages
de sympathie que nous avons reçus de
vous devant les difficultés de reparution
d’Aujourd’hui Poème nous vont littéralement droit
au cœur. Nulle raison pour ne pas l’écrire ici.
Preuve s’il en fallait qu’entre ce Journal et ses lecteurs, c’est un lien très solide qui s’est établi pendant ces huit ans et demi. On sent bien à vous lire
que la situation vous indigne. Le rempart contre une
certaine cuistrerie de l’époque aurait-il donc cédé ?
Je n’ai pas la réponse mais une conviction en
revanche : Vos lettres, c’est aussi le courrier du
Chœur. Avec ce que cela suppose de tragique et de
civique. Ce sont des témoignages qui, je l’avoue,
font une boule dans la gorge. Est-ce que ce sera
une boule de neige ?
De Claudine BRAL, de Paris : “… je vous écris …
aujourd’hui mon soutien, ma fidélité et mon
attente de vous lire à nouveau. À bientôt.”
De Jeannine BURNY et la Fondation Maurice
Carême, de Bruxelles : “Mille vœux pour votre
remarquable journal. En espérant que ce ne sera
qu’une mauvaise passe financière et que bientôt
vous pourrez reprendre l’impression de
Aujourd’hui Poème. Avec toutes nos amitiés.”
De Philippe MERLET, de Paris : “Je suis désolé
par ce qui vous arrive, je ne suis guère surpris ;
une revue de poésie demande beaucoup d’investissements, à tous les points de vue. Je souhaite
que vous trouviez une solution. Augmenter le prix
de l’abonnement ne serait-il pas un début de
solution ? Acceptez néanmoins nos vœux de
réussite pour 2008.”
De Raymonde SACKSICK (ou Raymonde
RAYS), de Montreuil : “Bonjour à tous, c’est avec
une certaine tristesse que j’ai reçu votre lettre du
13 décembre, pour ne pas dire un grand choc. On
attend un ami avec plaisir tous les mois, et tout à
coup, sans qu’on se soit jamais douté de quoi que
ce soit, on apprend qu’il est malade. On se dit,
mais c’est impossible, pas lui ! Vous ne pouvez
pas nous abandonner comme ça, en plus “accros”
comme nous sommes devenus à votre journal,
nous allons faire une crise aiguë de manque.
L’approche de ces fêtes est déjà pénible, mais ne
pas vous lire pendant deux mois, c’est l’abattement. Alors faites l’impossible pour revenir vite,
très vite et en bonne santé en février. En attendant, je vais donc me résoudre à consulter une
version abrégée du numéro de décembre sur
votre site Internet, mais je vous avoue que la lecture sur écran ne m’enchante guère. Je vais donc
tâcher de patienter, ce qui est difficile. Je vous
souhaite quand même à tous de passer de
bonnes fêtes, en ayant une pensée compatissante pour tous ces lecteurs orphelins que vous laissez bien attristés. L’une d’elles, qui vous souhaite
aussi bon courage et bonne chance.”
De Alain LEMOIGNE, de Houplines : “Je suis
abonné à votre journal Aujourd’hui Poème et je
viens de découvrir votre courrier. (…) Grand
courage à vous tous.”
De Jean-Marc DELAYE, de Moulès : “Abonné à
Aujourd’hui Poème depuis 2 ans, j’apprends avec
regret les difficultés que votre journal traverse. En
attendant des jours meilleurs,… Bien
cordialement.”
De Jacques VINCENT, de Douarnenez : “Attristé
par votre courrier... voici donc mon mail prêt à
accueillir de plus heureuses nouvelles.
Amicalement.”
De Bénédicte LEFEUVRE, de la Médiathèque
départementale antenne de Lillers, Pas-de-Calais:
“Je viens de recevoir votre courrier, combien de
revues de poésie vont mettre la clé sous la porte ?
C’est à l’image de la circulation des ouvrages qui
devient de plus en plus difficile, dur dur de faire lire
de la poésie. Bref, c’est un combat que je vis au
quotidien. Bon courage.”
De Françoise RAPPENNE, d’Alençon : “Espérant
que votre journal reviendra rapidement dans ma
boîte aux lettres. Meilleures salutations.”
De Jacqueline SAINT-JEAN, de Hibarette:
“Désolée, j’espère que ces difficultés ne sont que
passagères ? Fidèlement..”
15
LE COURRIER
DU CŒUR
Vous
assurant de
notre soutien, avec
sentiments dévoués.”
Paul ASSELINEAU
Du Cénacle de Douayeul : “que cette année
2008 voit refleurir vos mots.”
courrier des lecteurs
Pierre Reverdy par Pablo PICASSO
De Célédonio VILLAR GARCIA, de Bellegardesur-Valserine : “Concernant votre courrier du 13
décembre m’apprenant les difficultés du journal
que je souhaite passagères, je vous communique
mon adresse e-mail (…) Très cordialement.”
De Pascal COMMÈRE, de Marigny-le-Cahouet :
“Amis, Merci pour le chèque de réabonnement
retourné. Même si la raison, qui n’est pas sans
véhiculer quelque inquiétude, m’incite à regretter
qu’il n’ait pas été encaissé. Puisse le Père Noël
vous entendre ! Cordialement, et bonne chance
pour la suite.”
De Viviane CAMPOMAR, de Paris : “Bonjour, De
tout cœur j’espère que vos problèmes financiers
vont se résoudre et que votre revue très
intéressante continuera d’exister... Merci
d’avance.”
De Geneviève BAULOYE, de Rocourt (Belgique):
“À la suite de votre courrier m’avertissant que la
revue Aujourd’hui Poème était temporairement
suspendue, j’aimerais recevoir la version électronique. Merci et avec tous mes vœux pour que
votre travail puisse se poursuivre.”
De Nicole BERTOLT, de la Fond’action Boris
Vian, Paris : “Cette lettre que nous avons reçue
ce mois-ci doit arriver après une dure bataille pour
vous et nous espérons que bientôt reprennent le
cours normal des choses, c’est-à-dire de pouvoir
lire votre journal tous les mois. Bien
cordialement.”
De Gina BOUJU, de Nieul-sur-Mer: “Merci de
votre petit mot, il me paraît bien sombre.
Qu’allons-nous devenir ? la plume en l’air sans
rendez-vous des poètes. Tous ensemble nous
sommes plus forts. Vœux sincères, Joyeux Noël
et Nouvel An. Amitiés poétiques.”
De Malou et Lad KIJNO, de Saint-Germain-enLaye : “… j’imagine que cela ne doit pas être facile. Et c’est tellement important que des revues
comme la vôtre existe. Alors comme c’est la période des vœux, nous en faisons de très intenses
pour Aujourd’hui Poème. Nous savons que votre
énergie et votre détermination sont très fortes
alors nous avons confiance. Bon courage, avec
toute notre fidèle et vieille amitié. Haut les cœurs !”
mes
D’Anne GROSSET-GRANG, de Saint-Zacharie:
“Bonjour à vous tous, Je suis bien attristée par
cette nouvelle, amie lectrice depuis le début... et
puis pour André Parinaud aussi. Peut-être pourriez-vous revenir à une revue moins dense
comme celle des premiers numéros ? Ou une
parution tous les 2 ou 3 mois ? Que peut-on faire
? Contribuer financièrement ? Imprimer ? Ditesnous ce que nous pouvons faire (à part patienter),
je suis certaine que tous les amis lecteurs seront
solidaires et ne voudront pour rien au monde vous
voir disparaître. En mai dernier, j’ai rencontré à
Forcalquier lors d’une manifestation, un de vos
contributeurs, présent pour ses ouvrages, Maurice
Couquiaud je crois, avec qui j’ai parlé du journal
(que j’ai toujours sur moi quand je suis en déplacement). C’est toujours un immense plaisir de
rencontrer des gens qui connaissent Aujourd’hui
Poème... À bientôt.”
De Claudie BASTIDE, de Paris : “Bonjour, Je
suis désolée des difficultés qui sont les vôtres et
vous excuse bien évidemment ! Bonnes fêtes.
Mes amitiés.”
De Patrick JOQUEL, de Mouans-Sartoux :
“Courage ! ce serait dommage...”
De Philippe NADOUCE, de Londres : “J’espère
que ce début d’année apportera des réponses
positives à la crise qui secoue votre revue. Bonne
chance.”
De Marie-Thérèse NOCENT, de Malakoff :
“Malheureusement, je n’ai pas encore Internet, je
tâcherai tout de même de vous retrouver pour la
version abrégée de Décembre. Votre courrier du
13/12 m’a fait un choc – Quoi ? Nous abandonner
ainsi ? Et sans crier gare. J’ai bon espoir tout de
même, car beaucoup vous attendent, et s’il faut
vous aider un peu (financièrement j’entends), nous
ferons quelque effort… Donc bon courage à tous
et à très bientôt j’espère.”
De Florent CHAMBRETTI, de Luc-la Primaube:
“En ce qui concerne vos difficultés financières, je
pêche peut-être par ignorance, mais de l’extérieur.
Je suggère un partenariat privé-public montage
financier avec les élus publics (élection au
printemps). (…) Recevez mes plus vifs
encouragements.”
De Véronique JOUANNIC, de Saint-Malo: “Ayant
avec regret appris qu’Aujourd’hui Poème connaît
des difficultés financières, je vous laisse mon
adresse e-mail pour faciliter la liaison … et espérant que le Ministère de la Culture puisse vous
apporter un soutien financier réel.”
De Rüdiger FISCHER, Éditions En Forêt,
Rimbach, Allemagne : “Je souhaite un prompt
rétablissement à la revue et une heureuse année
2008 à ses faiseurs (=poètes). Meilleurs vœux.”
D’Étienne MONNIER, de Versailles : “Bon
courage à vous et bonne continuation.”
De Florence TROCMÉ, de Poezibao, Paris:
“Merci
pour
votre
lettre
et
bon
courage !”
De Rome DEGUERGUE, de Cardon-Blanc,
Aquitaine : “Comme demandé dans la lettre du
mois dernier, voici donc mes coordonnées d’abonnée (...) à l’excellent journal Aujourd’hui Poème ;
rendez-vous des poètes, auquel il serait bien triste
de ne pouvoir se rendre plus avant ! Aussi nous ne
nous rendrons pas afin de vivre d’autres rendezvous en partage d’écritures plurielles ! Bon courage à toute l’équipe et en avant malgré tout ce qui
fâche et révolte ; malgré tout ! pour plus de lecture des colonnes de l’un des journaux de poésie les
plus intelligents, ouverts, critiques et fraternels.”
De Joël CONTE, d’Europoésie, Vitry-sur-Seine:
“Bonsoir, Votre disparition serait dramatique pour
le monde de la poésie. Si nous pouvons vous être
utile à quelque chose, n’hésitez pas à nous solliciter. Avec les Amis d’Europoésie, nous souhaitons
que le journal Aujourd’hui Poème puisse retrouver
sa place dans la sphère médiatique, et dans les
meilleurs délais pou la satisfaction de tous ses lecteurs et du monde de la poésie. Avec mes
meilleurs vœux pour la nouvelle année 2008.
D’Odile CARADEC, de Poitiers : “Cher
Aujourd’hui
Poème,
quelle
abominable
misère ! La poésie coupable de ne pas rapporter
de fric et les poètes, pauvres Misérables, ratissant
dans tous les coins leur maigre pitance. (...) Cela
vaut-il la peine que je vous envoie mon recueil
Masses tourbillonnantes ? Le dernier. Mille
souhaits pour de plus saines Phynances ! On a
besoin de vous et d’oxygène dans ce pauvre
pays.”
D’Alain BOURDY, d’Avignon : “Je souhaite vivement que vous puissiez bientôt reprendre la parution d’Aujourd’hui Poème, qui est devenu un outil
indispensable à l’amateur de poésie que je suis.
Bien cordialement.”
D’Érik VEAUX, de Paris : “Je vous souhaite un
bon rétablissement (financier). Cordialement.”
De
Jacques FOURNIER, de
Guyancourt : “Bon courage”.
De Jean-Claude DEVOT, de Perpignan :
“Mensuellement mon ami Aujourd’hui Poème
venait briser ma solitude et prenait plaisir à visiter
ma boîte aux lettres. Sa désafection me peine profondément. J’espère de tout cœur qu’il retrouvera
le chemin de notre amitié et qu’il reviendra faire
son nid au cœur de notre bonne complicité.
Quand les poètes se taisent c’est tout un vol de
colombes qui est empêché de rejoindre des
champs d’oliviers où fleurent la paix et le bonheur.
Je souhaite donc, au seuil de cette nouvelle
année, que ses ennuis se terminent et qu’après
cette césure douloureuse il puisse poursuivre son
poème avec les poètes de son temps. Pour
répondre à votre aimable courrier je supporterai
d’autant mieux l’absence d’Aujourd’hui Poème
pendant les mois de décembre et janvier que cette
petite défaillance permettra sa reparution et son
nouvel envol. Pour ce qui est des courriels je suis
au regret de vous informer que je ne possède pas
d’adresse électronique car j’utilise encore notre
bon vieux papier et la route fleurie des épistoliers
d’antan. Outre mes souhaits impatients de voir
reparaître Aujourd’hui Poème, je souhaite à toute
l’équipe qui en anime les pages tous mes voeux
de bonheur et de réussite pour cette année
2008.(...)”
De Cristina CASTELLO, du PEN Club Français :
“On attendra février ainsi qu’un coup de pinceau.
Ainsi qu’une note musicale. Personne ne pourrait
/ assassiner la vie / car rien d’autre / n’est la
Poésie.”
D’Hubert COURCOUX, de Rennes : “... en espérant que les problèmes financiers que vous
connaissez se résolvent rapidement ; je reste solidaire avec mes modestes moyens de votre action,
ô combien précieuse en ces temps de ‘misère’.
Bon courage et au plaisir de vous
relire bientôt.”
D’Emmanuel MALHERBET, Éditions Alidades,
Évian-les-Bains : “Avec tous mes voeux de rétablissement (prompt, comme il se doit) (...) Bien
cordialement.”
De Juliette SOULAT, Temps de Paroles : “... je
vous souhaite bon courage pour traverser vos
difficultés... En espérant que vous parviendrez à
les surmonter. Cordialement.”
De Fabrice MARZUOLO, de Paris : “... Il est tout
de même rageant de constater que dans cette
époque de soldes barbares, ceux qui connaissent
le plus de difficultés à survivre sont ceux qui proposent les choses les plus intéressantes, les
moins inutiles en tout cas pour permettre aux
hommes “d’aller dans le sens de leur pente en la
remontant” (c’est Gide, je crois, qui a dit quelque
chose comme ça), je le comprends au sens profondément humain - le seul progrès qui compte.
Bon courage à vous et croyez bien que de nombreux lecteurs espèrent que vous allez sortir de
cette impasse (que d’ailleurs le monde entier est
en train de devenir à force). Amicalement.”
De Colette GIBELIN, de Camps-la-Source :
“Bonne chance et belle année à Aujourd’hui
Poème et à toute son équipe. J’espère que les
problèmes financiers n’empêcheront pas la poésie
de triompher et que votre courage
permettra une reprise des parutions.Que vive la
poésie, toujours, dans ce monde qui en a tant
besoin.”
De l’Atelier de l’Agneau Éd., de Saint-Quentinde-Caplons : “Bonjour, Nous espérons que vous
pourrez vous tirer de ce mauvais pas. Nous pensons qu’un peu d’ouverture vous aiderait à fédérer
encore plus d’éditeurs autour de vous, par
exemple vous ne parlez jamais de livres de nos
éditions ni d’édiitions amies comme La main courante ou la revue Midi, les Éditions de l’Attente, par
exemple. C’est juste une remarque en passant.
Ouvrez ! Ouvrez ! Bien à vous.”
16
L’homme crée son identité en créant son œuvre.
(ADONIS in Le livre des savoirs, Grasset)
agenda
CARTE DES ÉVÉNEMENTS POÉTIQUES : FRANCE,
OU
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UV
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N
NOVEMBRE/ DÉCEMBRE 2007
- Éd. José Corti : Août, à la limite des choses
perdues d’Israël ELIRAZ ; Aa, Journal d’un poème
de Caroline SAGOT DUVAUROUX
- Éd. L’Act Mem (Coll. Lire Aujourd’hui) :
Le Geste & la Mémoire – Regards sur la
peinture de Gérard TITUS-CARMEL
- Éd. Actes Sud (barzakh) : Cinq fragments du
Désert de Rachid BOUDJEDRA, Illustrations de
Rachid Koraïchi
- Éd. Champ Vallon : Drapeau rouge de JeanClaude PINSON
- Éd. Cécile Defaut : À Piatigorsk, sur la poésie
de Jean-Claude PINSON
- Éd. Parole et Silence : La nostalgie du père Nouveaux essais, entretiens et poèmes 20002007, de Claude VIGÉE
- Éd. Bénévent : Poésie et histoires brèves d’hier
et d’aujourd’hui de Robert LIEBTAG ; Les silences
de ma voix de Christel NEMOUCHI ; Sentiments
sur papiers blancs de Dorothée GUINEPAIN
- Cheyne Éd. : Leurs adorables - Chopin, Bach,
Schubert de Jean-Claude DUBOIS ; Terre à
monde de Mikaël HAUTCHAMP
- Éd. Buchet-Chastel (Coll. Poésie) : Le midi
arabe de Hatif JANABI ; L’homme inachevé de
Nissim ÉZÉCHEL
- Éd. L’Harmattan : Un si long parcours de Colette
GIBELIN ; Petites pièces pour voix seule de Yaël
CANGE, précédées de “Une voix seule” par ClaudeLouis COMBET ; (Coll. Poètes des cinq
continents/Espace expérimental) : Prononcer, Garder
de Jacques GUIGO ; La Présence et l’Exil de ClaudeRaphaël SAMAMA
- Éd. Underbahn : Rave de Baptiste
LANDON
- Éd. Amalthée : Contact – Textes
philosophiques de Pierre BRUNO
- Éd. Clapàs : Pensées interstitielles d’Arthur HIDDEN, illustration de Marie-Laurence Madignier
- Jacques André Éd. : Dans la main de
l’aube de Nicolas GILLE, illustré par Brigitte
Dusserre Bresson
- Petits Tirages Éd. : Entre mes lignes de
Cynthia ABERGEL ; Influences et Inspiration de
Christelle PERANI
- Éd. Presses du Moulin du Got : à Marie de
Rose SEBILLET
- Éd. Marrimpouey : Les yeux ouverts - Journal,
2000-2006, d’André HASTOY
- Éd. Lettres Vives (Coll. Entre 4 yeux) : L’écluse des
inutiles de Jean-François POCENTEK, Frontispice de
Jean Rustin ; Carnet d’un buveur de ciel de
Dominique SAMPIERO, Frontispice de José Pini
- Éd. Lettres Vives/Artois Comm. : La plaie de
l’ordre de Dominique SAMPIERO
- Éd. Encres Vives (Coll. Lieu) : La pluie de
Marrakech de Ludmilla PODKOSOVA
- Éd. Souffles : La rive adverse de Jean-François
AGOSTINI ; De chair et d’Oc de Christophe CORP
- Éd. Alidades création : Cadastre de Jacques
ALLEMAND
- Éd. Baudelaire : L’aigle et la fée de Paul
VICTOR
- Éd. Sauvages (Coll. Askell) : Le carnet des
métamorphoses de Marie-Josée CHRISTIEN
- Éd. Anagrammes : Éloges & Dédicaces
d’André-Laurent MATHÉCADE
- Éd. Interventions à haute voix : Le goût de l’os
de Nadine DUPEUX ; Célébration de la fougère
et du houx de Jean-François ROGER
- Éd. Arcam : Livre sans objet de Louis
SAVARY
- Éd. Arma Artis : Primavera ou Le triomphe de
l’amour de Michel CAZENAVE ; Primavera viva
ou La vie absolue de M. CAZENAVE
- Éd. du Rocher: L’Autre Versant du jour de Pierre
LE COZ, Préface de Maria Maïlat (Prix Prométhée
de la Nouvelle) ; (Coll. Motifs) : Missa sine nomine d’Ernst WIECHERT, Préface de PierreEmmanuel Dauzat, roman traduit de l’allemand
par Jacques Martin
- Éd. Thélès : Carnet de moi : chaos et
harmonie d’Étienne MONNIER
- Éd. Les Presses Littéraires (Coll. Florilège):
Limites de Dominique BAUER (Prix de Poésie
2007 Yolaine & Stephen Blanchard)
- Éd. U.N.I.A.C (Coll. L’Aéropage – Les Presses
littéraires) Dissidences (2007) préfacé par Louis
LEFEBVRE, illustré par Arfoll
- France Europe Éd. : La douceur du gouffre de
Benoît DANJEAN
- Éd. Persée : À cœur ouvert de Sébastien TORRO
- Éd. L’Arbre à paroles : Sous un ciel de
légende de Christophe MAHY
- Coll. Sajat : Dans l’écorchure du silence de
Michelle CAUSSAT
- Éd. Révolution Intérieure : Felling, roman de
DAN (Daniel GIRAUD)
- Éd. Cerf : Le couvre-tête de Dieu… Joseph du
village de Nazareth, de Damien LE GUAY
- Éd. Société des Écrivains : Le Labyrinthe Bleu
de David TRONEL ; Panne des sens… ! Endroit
en vers… de Kerfon LE CELTE; La parole est aux
mots de C.B. MILLET ; Penser tout haut, le dire
tout bas d’Audrey LALEYE. (Coll. Vers libres) :
Mon cœur à vif de Lilia ESPÉRANCE ;
Chansonnettes de Joël LEPLAT
JANVIER/
FÉVRIER 2008
LA POÉSIE DES VILLES
Paris
- Le Café Montmartre
(7
rue
de
Steinkerque, 18e – T : 01 46 06 17 17) : Récital
poétique le 1er jeudi du mois, 10h-12h, entrée
libre, scène ouverte animée par Roland Jourdan
et François Beaufrère, des Amis de la Poésie en
Ile-de-France.
- Atelier Le Temps de Peindre (11-13 rue de l’Échiquier, 10e – T : 01 45 33 79 66/06 12 80 65
26): tous les jeudis, 10h-20h, Atelier d’écriture
(jeunes et adultes), pour initiation ou apprendre à
dire ou parfaire votre style. (Contact : Anne de
Commines – [email protected]).
- Espace l’Harmattan-le Scribe (21bis rue des
Écoles, 5e – T : 06 99 42 87 65 (Osama
Khalil)/01 53 10 88 34 – [email protected]) : Café littéraire, tous les jours, 19h23h, sauf lundi et jeudi 21h-23h. (Site :
www.20six.fr/scribecosmopolite06).
- Restaurant Le Coq Agile (35 rue Descartes,
5e – T : 01 42 72 37 01) : dernier samedi du
mois (sauf en décembre), 19h30, dîner et lecture de poésie, Les ricochets poétiques, par JeanFrançois Blavin et N. Durand.
- Le Magique (42 rue de Gergovie, 14e – T : 01
45 42 26 10) : 1er mercredi du mois, 21h30,
Petit Music’Hall, Vania Adriensens et ses amis.
- Chez “Adel” (10 rue de la Grange aux Belles,
3e) : tous les mardis, 18h30-20h, Marie-Claire
Calmus : poèmes, sketches, chroniques, chansons & dits du temps. Entrée libre.
- Gambetta-Club (104 rue de Bagnolet, 20e) :
tous les jeudis, 21h, nouveau spectacle Corps
et Mots de Marie-Claire Calmus. Entrée libre.
Rencontres
européennes-Europoésie
(Directeur : Joël Conte, 21 rue Robert Degert,
94400 Vitry/Seine – T : 06 08 98 67 02 [email protected]) : Le Bistrot Romain (6
place Victor Hugo, 16e - T: 01 45 00 65 03) :
11/1, 20h-22h30, Café-Poésie par Colette
Jarjavay. Maison du Délice (11bis rue
Traversière, 12e) : Café-Poésie, 15h-18h
(repas: 12h30) par Sophie Berchaud & Philippe
Barbier : 12/1, Nicole Lemaire: Instants de vie ;
19/1, Eva Borgus : Albert Camus ; 26/1, Philippe
Gras : La poésie au sein de l’actualité. La
Caravelle-Saïgon (104 av. Choisy, 13e – T : 01
45 83 66 15) : Café-Poésie par J. Conte :
18/1,20h-22h (dîner à la carte), Les dix ans d’animations poétiques au sein du restaurant. LAllerRetour (165 av. du Maine, 14e - T: 01 43 95 06
53): Poésie en musique, par Denise Jaillet et
Mioara Venter, 20/1, 16h-18h.
- Centre Wallonie-Bruxelles (127-129 rue StMartin, 4e – T : 01 53 01 96 96) :
Janvier/Février : Festival parisien de rentrée
littéraire, Ass. Textes et Voix.
- Galerie Maeght (42 rue du Bac, 7e – T : 01 45
48 45 15) : jusqu’au 12/1, expo Manolo Valdès.
- Galerie Daniel Besseiche (33 rue Guénégaud,
6e – T : 01 40 46 08 08) : jusqu’au 12/1, expo
Orsini, Écriture voyageuse.
- Galerie Luc Berthier-AMG (50 rue de l’Hôtel
de Ville, 4e – T : 01 42 77 83 44) : jusqu’au
12/1, expo Arts aborigènes d’Australie.
- Musée Jacquemart-André (158 bd.
Haussmann, 8e) : jusqu’au 13/1 expo
Fragonard, Les plaisirs d’un siècle.
- ARC/Musée d’Art moderne de la Ville de
Paris (11 av. du Prés. Wilson, 16e) : expos :
jusqu’au 13/1, Alfred Kubin – Souvenirs d’un
pays à moitié oublié ; Helene Schjerfbeck 18621946.
- BnF (site Richelieu, Galerie Mazarine, 58 rue
de Richelieu, 2e), jusqu’au 13/1, expo Alberto
Giacometti, œuvre gravé – Collections de la
Fondation Alberto et Annette Giacometti et de la
BnF.
- Théâtre du Rond-Point (2bis av. Franklin D.
Roosevelt, 8e – T : 01 44 95 58 81) : Salle
Renaud-Barrault : 16/1-3/2, 18h30, Buffo de et
par Howard Buten ; jusqu’au 2/2, 21h, Questo
buio feroce (Cette obscurité féroce), idée et mise
en scène Pippo Delbono. Salle Jean Tardieu :
15/1-24/2, 21h, Les Aventures de Nathalie Nicole
Nicole de Marion Aubert, mise en scène Marion
Guerrero ; 22/1-10/2, 18h30, Oulipo, Pièces
détachées, conception et mise en scène Michel
Abécassis. Les lundis de l’Oulipo, 19h30 : 21/1,
L’Oulipo dans la ville. Salle Roland Topor : 29/124/2, 20h30, Le Classique et l’Indien, spectacle
drolatique de Gérard Garouste, avec G.
Garouste et Denis Lavant. (Presse: Nathalie
Sultan, Hélène Ducharne, 01 44 95 98 47 – [email protected]).
- La Cartoucherie (Route du Champ de
Manœuvre, 12e – T : 01 43 74 72 74) : Théâtre
de l’Aquarium: jusqu’au 20/1, Ne vous séparez
pas de ceux que vous aimez d’après Tchekhov,
Volodine Dostoïevski, mise en scène Youri
Pogrebnitchko.
- Musée d’Orsay (62 rue de Lille, 7e – T : 01 40
49 49 20) : Expos, 22/1-13/4, Alexandre
Charpentier (1856-1909), Naturalisme et Art
Nouveau ; jusqu’au 3/2, Ferdinand Hodler
(1853-1918).
- Hôtel Claret (44 bd de Bercy, 12e : lectures du
Lundi des Poètes du Printemps des Poètes, 19h:
14/1, Mikaël Hautchamp, Marianne Auricoste et
Chantal Dupuy-Dunier ; 4/2, Gabrielle Althen,
Alain Duault et Jacques Lèbre.
- Bibliothèque nationale de France (BnF,
Auditorium, Quai François Mauriac, 13e) : Les
jeudis de l’Oulipo,19h : 17/1, Espace d’espèces;
14/2, L’amour, toujours…
- Galerie Karsten Greve (5 rue Debelleyme, 3e
– T : 01 42 77 19 37) : jusqu’au 19/1, expo
Faces de Sally Mann.
- Musée d’Art moderne de la Ville de
Paris/ARC (11 av. du Président Wilson, 16e – T
: 01 53 67 40 00) : expos, jusqu’au 20/1, Hélène
rétrospective ;
Schjerfbeck
(1962-1946),
Playbach.
- Parc de La Villette (211 av. Jean-Jaurès, 19e –
T : 01 40 03 75 00) : Grande Halle, jusqu’au
20/1, expo-événement Bêtes et Hommes.
- Jeu de Paume : expos photos, Site Concorde
(1 place de la Concorde, 8e - T : 01 47 03 12 50)
: 22/1-30/3, Eija-Lisa Ahtila : une rétrospective et
Denis Savary. meilleurs voeux - d’après. Site
Hôtel de Sully (62 rue St-Antoine, 4e - T : 01 42
74 47 75) : jusqu’au 17/2, Résonances 1 Photographier après la guerre. FranceAllemagne, 1945-1955. - Mairie du 20e (Salon
d’honneur, 6 place Gambetta, 20e) : jusqu’au
24/1, expo photo État des lieux.
- Galerie Louis Carré & Cie (10 av. de Messine,
8e – T : 01 45 62 57 07) : jusqu’au 26/1, expo
Yann Arthus-Bertrand, Tarmacs.
- Galerie Librairie Impressions (98 rue
Quincampoix, 3e - T : 01 42 76 01 04) : jusqu’au
26/1, expo de 6 artistes coréens, Quête de
lumière.
- Maison de la Poésie (Passage Molière, 157
rue St-Martin, 3e - T : 01 44 54 53 00) : Grande
salle, 1-17/2, La Ballade de la geôle de Reading
d’Oscar Wilde, mise en scène Céline Pouillon,
avec Stanislas Nordey et Julie Pouillon ; 15-17/2,
Deux fous dans la forêt - fragments de
Shakespeare, conception Cécile Garcia-Fogel.
- Galerie Lara Vincy (47 rue de Seine, 6e - T :
01 43 26 72 51) : jusqu’au 2/2, expo BEN,
Qu’est-ce que l’art ?
- Maison de Victor Hugo (6 place des Vosges,
4e): jusqu’au 3/2, 10h-18h, expo L’esprit de la
lettre.
- Fondation Dina Vierny - Musée Maillol (61
rue de Grenelle, 7e – T : 01 42 22 59 58) : jusqu’au 4/2, expo Allemagne, les années noires.
1912-1929.
- Musée de la Poste (34 bd de Vaugirard, 15e –
T: 01 42 79 24 24) : expos : jusqu’au 9/2, Marc
Pessin au cœur de l’écrit ; jusqu’au 22/2,
Claude Viallat – Les Toiles postales.
- Centre Pompidou (4e) : jusqu’au 11/2, expo
L’Atelier de Giacometti – Collections de la
Fondation Alberto et Annette Giacometti
- Musée Bourdelle (16 rue Antoine-Bourdelle,
15e) : jusqu’au 29/2, expo Henry Moore et la
mythologie.
- Galerie numeriscausa (53 bd Beaumarchais,
3e) : jusqu’au 1/3, expo personnelle de Grégory
Chatonsky, L’invention de la destruction.
- Halle St Pierre (2 rue Ronsard, 18e) : expos,
jusqu’au 9/3 : Varian Fry, Marseille 1940-41 ;
Yolande Fièvre.
- Musée Carnavalet (23 rue de Sévigné, 3e) :
jusqu’au 9/3, expo Benjamin Franklin, Un
Américain à Paris, 1776-1785.
- Hôpital Vaugirard-Gabriel-Pallez (10 rue
Vaugelas, 15e - T : 01 40 45 83 88) : jusqu’au
10/3, epo Marie Maurel.
Région parisienne
- Levallois-Perret (92300) : tous les jeudis, à
la Rose des Sables, Poésie du Cercle des
Poètes Jean de la Lune, suivi d’une “Scène
ouverte Poésies Chansons, et Sketchs”. (Roland
Lejard, Cercle des Poètes Jean de la Lune, 51
rue Édouard Vaillant – T : 01 42 70 13 53).
- Bobigny (93000) : MC93 (1 bd Lénine – T : 01
41 60 72 72) : Grande salle Oleg Efremov, 7/15/2, Les Trois Sœurs d’Anton Tchekhov, mise en
scène : Patrick Pineau ; Petite salle, 11-22/1,
Angela et Marina de Nancy Huston, mise en
scène: Valérie Grail. Infos au 01 42 06 92 08 –
[email protected]/www.ffdsp.com.
- Fontenay-sous-Bois (94120) : Café-Poésie,
18/1, 20h, à la Maison du citoyen (16 rue du Rvd
Père Aubry) ; Café-Poésie, 15/2, 20h, au
Bairrada Bar (165 bd Galliéni). Entrée libre.
Contact-Animation : Patrice Cazelles au 01 43
65 34 73.
- Guyancourt (78280) : Maison de la Poésie de
St-Quentin-en-Yvelines (10 place Pierre
Bérégovoy – [email protected] – T :
01 39 30 08 90/F : 01 39 30 08 91) : 9/1, 20h30,
Poésie dans l’instant : rencontre avec Alain
Boudet, poèe, Patrick Cutté, peintre et calligraphe, Joëlle Brière, éditrice (La Renarde
rouge), pour expo Si Peu Mais Quelques Mots ;
31/1, 20h30, concert d’Alex Grillo.
- Bagneux (92220) : École maternelle, Février,
rencontre de Patrick Joquel avec les classes.
- St-Germain-en-Laye (78105) : Musée
d’Archéologie nationale (Château, Place Charles
de Gaulle – T : 01 39 10 13 00) : jusqu’au 5/5,
La chasse au trésor, installation monumentale de
Jean le Gac.
Province
- Carcassonne (11000) : émission radio Rue
des arts, entretiens avec auteurs, artistes, les
lundis, 18h30 (redif. mardi 11h30, samedi 9h25),
RCF Pays d’Aude (T : 04 68 25 90 90) sur
Internet rcf.fr (cliquer sur Carcassonne).
- Carcassonne (11000) : Café-Poésie, 1er
jeudi du mois, Brasserie “La Comédie”.
- Limoges (87000) : les jeudis, à partir de 21h,
soirée Slam de L’Herbe Folle, aux “Matins
Céladons”, bar à côte de la Médiathèque.
- Tarbes (65000) : Soirées Slam , Poètes, vos
papiers !, de l’Ass. Helicon, 1ers mardis du
mois, 20h30, bar “Le Celtic” (2 rue de
l’Harmonie).
- Plourin-Lès-Morlaix (29600) : Rencontres de
la Maison de la Poésie, les mercredis et
vendredis, 17h- 19h ; 1er mercredi du mois,
goûter poétique, 17h. (Maison de la Poésie,
Ti An Oll – T : 02 98 88 74 05,http://perso.wanadoo.fr/maisondelapoesie.morlaix).
- Montpellier (34070) : les lundis, 8h30-10h
(redif. les dimanches 10h30-12h), émission radio
sur Montpellier 91 FM et Nîmes 103.1 FM,
Traces de Lumière, animée par Christian
Malaplate (consacrée à la poésie et aux carnets
de route).
- Toulouse (31000): Librairie Ombres Blanches
(48 rue Léon Gambetta), lecture de Saison
Poésie, par la revue Multiples (dir. Henri
Heurtebise, 9 chemin du Lançon, 31410
Longages) : en janvier (151e lecture).
- La Rochelle (17000) : Rencontres littéraires,
Janvier-Mars, de LarochelliVre (Chapelle StVincent, 20 quater rue Albert-Premier - T : 05 46
34 11 63 - [email protected] - www.larochellivre.org) : expo Alain Tréjaut; rencontres avec
Yolande Villemaire (auteur québécois en résidence), François Gibault, Bernard Friot, XavierLaurent Petit, Jeanne Benameur ; Cabarets poétiques des Mots à la bouche ; Didier Daeninckx.
Dialogue avec Sylvestre Clancier, Président du
Pen Club, le 1/2, 18h30.Programme auprès de
LarochelliVre.
- Dijon (21000) et dans 24 communes de
Bourgogne : 12e édition du Temps de paroles,
10/1-10/2,organisé par la VOix des MOts avec le
Centre Régional du Livre de Bourgogne/DijonBourgogne. Thème : Pas si bêtes ! (Eugène
Guillevic). Rens./Rés. : 03 80 58 89 93 / [email protected] / www.lavoixdesmots.fr.
- Marseille (13006) : Galerie du Tableau (37 rue
Sylvabelle - T/F : 04 91 57 05 34) : jusqu’au
12/1, expo Angelo Riviello.
- Lyon (69007) : Centre d’Études Poétiques
(ENS-LSH, 15 Parvis René-Descartes), 14/1,
18h-20h, salle F106, “Flots d’images : de Brecht
à Benjamin”, conférence de Georges DidiHuberan ; 16/1, Groupe Francis Ponge avec Lise
Forment (10h-12h), “Lire Malherbe avec Ponge”,
et Bernard Noël (14h-17h) au séminaire Lyrisme
et Littéralité.
- Rennes (35201) : Le Triangle (bd de
Yougoslavie, BP 90160 – T : 02 99 22 27 27 –
[email protected]) : Atelier de lecture/Dégustation, 15/1. Dîner poétique, 14/2, 19h,
Carte blanche à Jérôme Mauche ; Atelier d’écriture, Exercices de stylos, avec Jean-Pascal
Dubost, 19h-21h, 5/2.
- Avignon (84000) : Centre Européen de Poésie
d’Avignon – C.E.P.A. (4-6 rue Figuière – T : 04
90 82 90 66/F : 04 90 27 35 32 –
[email protected]): 17/1, 20h-22h30,
Veillée de Contes par le groupe de conteurs “Les
Une patrie, c’est comme l’amour, c’est comme un poème, elle est à recréer
perpétuellement, sans cesse à renouveler.
(ADONIS in Le livre des savoirs, Grasset)
agenda
17
BELGIQUE, ESPAGNE - LECTURES, DÉBATS, EXPOSITIONS, CONCOURS, PRIX
Dits de la nuit” ; 19/1, 14h-17h, Atelier d’écriture;
24/1, 19h, Benoist Magnat, invité du jeudi, dans
le cadre de “Vient de paraître”, Benoist Magnat
pour son recueil Femmes sur grève, lecture et
échanges avec le public ; 29/1, 17h-19h, le collectif “Paroles en mouvement” pour leur DVD
(dans le cadre du projet pédagogique 2006/2007
en partenariat avec une école du Liban) ; 31/1,
18h30-20h, Jeudis des lectures libres.
- Vierzon (18100) : Espace des 4 Champelures (6
rue Victor Hugo), apéro’ésie, scène ouverte, de
l’Ass. La Pendule à l’Envers (T : 08 75 25 53 12) :
15/1, 19h ; Assemblée générale : 26/1, 15h.
- Strasbourg (67000) : BMS-Centre ville (3 rue
Kuhn - T : 03 88 43 64 64), 18-19/1, 11e Journées
des Poétiques de Strasbourg, Le verbe et l’image,
rencontre avec les auteurs : le 18/1 : Henri Cueco
(18h), Julius Baltazar (19h) ; le 19/1 : Henri
Maccheroni (11h), table ronde (15h) avec les
auteurs invités, Germain Roesz (18h), Daniel
Dezeuze (19h). BMS-Cronenbourg, jusqu’au
28/6, expo Peinture, sculpture, photo,
vidéo. (Infos : 03 88 43 64 64 – http// :
bms.strasbourg.fr).
- Trélazé (49800) : Espace Hervé Bazin (salle
de l’Avant-Scène, chemin de la Maraîchère),
19/1, 15h, cérémonie de remise des Prix du 14e
Concours de Poésie de la Taverne aux Poètes,
avec lecture des poèmes primés et spectacle
poétique.
- Marseille (13236 Cedex 02) : centre international de poésie Marseille (cipM) : Au cipM,
jusqu’au 19/1, expo d’Isidore Isou - Introduction
à un nouveau poète et un nouveau musicien
(cipM, 2 rue de la Charité – T : 04 91 91 26 45/F
:04 91 90 99 51 – [email protected] Presse : Xavier Leton au 04 91 91 26 45,
[email protected]).
- Montélimar (26200) : Centre d’arts Nouveaux
Mondes (127 rue Pierre Julien), jusqu’au 20/1,
14h-18h, Apocalypsis, expo-installation de
Catherine Arto.
- Grasse (06130) : Inspection Académique,
23/1, matin, conférence Poésie à l’école par
Patrick Joquel (le 29/1, à l’IUFM d’Avignon).
- Strasbourg (67000) : Palais Universitaire,
Université Marc Bloch (9 place de l’Université) :
jusqu’au 29/1, expo Georges Tony Stoll.
- Harfleur (76700) : Bibliothèque municipale Elsa
Triolet (3 rue Jehan de Grouchy - T : 02 35 45 42
27) : 30/1, 18h30 (1er étage), rencontre-lecture
de l’écrivain Lionel Planchon, pour son ouvrage
Gaston, enfant des deux guerres (Éd.
Cheminements).
- Montpellier (34000) : Au Baloard (21 bd Louis
Blanc),Une Saison Russe présentée par l’Ass. Le
lectures
bilingues
Buvard
de
l’Abîme,
en russe et français de poésie russe, 19h :5/2,
Tsvetaeva/Pasternak. (http://francoisszabo.oldiblog.com – T : 06 89 59 19 85 ou
franç[email protected]).
- Dijon (21000) : Maison Rhénane-Palatinat (29
rue Buffon – T : 03 80 68 07 00), 7/2, James
Sacré.
- Galerie Françoise Souchaud (35 rue Burdeau,
69001 Lyon - T : 06 87 95 17 98) : jusqu’au 9/2,
expo Guy Brunet, peintures.
- Lodève (34700) : Musée (Square Georges
Auric – T : 04 67 88 86 10), jusqu’au 17/2, expo
Une collection italienne – Picasso, Léger,
Warhol, Arman… - Peintures, dessins, gravures,
céramiques, sculptures.
- Honfleur (14600) : Café “L’Alcyone” (Place de
la Porte de Rouen), 17/2, 16h, réuunion inaugurale de l’Association Lucie Delarue-Mardrus.
- Strasbourg (67076) : expos : Galerie Heitz
(Palais Rohan) : jusqu’au 24/2, Attraits subtils –
Dürer, Baldung Grien et Cranach l’ancien.
Musée d’Art Moderne et Contemporain (1 place
Hans Jean Arp – T : 03 88 23 31 31) : 23/1-18/5,
40jahrevideokunst.de/L’héritage digital : l’art
vidéo en Allemagne de 1963 à aujourd’hui ; jusqu’au 24/2 Le Salon de la rue – L’Affiche illustrée
de 1890 à 1910 (Cabinet d’art graphique) ; jusqu’au 9/3,The Joy of Photography – Piotr
Uklanski.
- Saint-Paul (06570) : Fondation Marguerite et
Aimé Maeght, jusqu’au 9/3, expo Tan Pei-Ming,
portraits d’artistes.
- Moulins (03000) : Centre de l’Illustration (Hôtel
de Mora, T : 04 70 35 72 58), jusqu’au 30/3,
expo Images d’Asie.
- Dunkerque (59140) : MBA (Musée des BeauxArts, Place du Général de Gaulle – T : 03 28 59
21 65) : 27/1, 16h, Le Rêve, lecture musicale,
entre littérature et nature ; jusqu’au 31/8, expo
D’Après Nature.
BELGIQUE
- Bruxelles (V) : Auditorium du Musée d’Art
ancien (rue de la Régence 3), conférences et
récitals littéraires des Midis de la Poésie, 12h4013h30: 8/1, Aragon, On part, Dieu sait pour où,
avec Jeanne-Marie Angenot et au piano Patrick
Leterme ; 15/1, Éros et Thanatos, Le sens d’une
quête de sens, par Mark Eyskens, réc. : Annette
Brodkom ; 22/1, Nerval, poète de l’Arcadie, par
Michel Brix (à Faculté de Philo et Lettres de
Namur), réc. : Jean-François Brion ; 29/1,
James Joyce, matière de la parole, par PierreYves Soucy, réc. : Françoise Villiers ; 12/2, Au
banquet d’Épicure, Poètes baroques du règne de
Louis XIII, réc. par les élèves du Conservatoire
de Bruxelles, Prof. Jacques Neefs. Infos aux
Midis de la Poésie, T/F : 02/513 88 26 – [email protected].
ESPAGNE
- Barcelone : Musée National d’Art,
jusqu’au13/1, expo Yves Tanguy, l’univers
surréaliste.
NOUVELLE ASSOCIATION
- Création de l’Association des Amis de l’Œuvre
de Claude Vigée (c/o Anne Mounic, 47bis rue
Charles Vaillant, 77144 Chalifert – [email protected]).
INTERNET
- Le Capital des Mots, nouvelle revue de poésie
en ligne conçue par Éric Dubois ; http://le-capital-des-mots.over-blog.fr
Blog
de
l’épi
de
seigle
:
http://lepideseigle.centerblog.net
CONCOURS DE POÉSIE
- Le Concours Prométhée de la Nouvelle et le
Concours de Poésie Max-Pol Fouchet de
l’Atelier Imaginaire sont ouverts. Manuscrits primés édités. Règl. (contre env. timb.) à : L’Atelier
Imaginaire, BP N°2, 65290 Juillan –atelier.imagin a i r e @ w a n a d o o . c o m / w w w. a t e l i e r imaginaire.com
- Concours de L’Ouvre Boîte 2008, ouvert à
tous, doté de nombreux prix dont le Prix de la
Plaine de France (recueil primé édité à 100 ex.).
Règl. (contre env. timb.) à : Administrateur du
Concours de L’Ouvre Boîte, MLC, 6 av. de
Domont, 95160 Montmorency.
- La Pléiade Pictave Concours. Règl. (contre
env. timb.) à : Claude Saint Marc, La Pléiade
Pictave, 30 rue St Sernin, 86000 Poitiers –
T : 05 49 58 25 13.
- Concours National de Poésie Sites et
Paysages de France 2007. Règl. (contre
env. timb.) à : Ass. Poésie Contemporaine
Française, BP N°65, 21000 Dijon-Lac Cedex –
F : 03 80 42 06 82.
- Concours 2008 de la S.P.A.F. (Société des
Poètes et Artistes de France) : Grands Prix
Internationaux de Littérature Annuels et
Grands Prix Internationaux Artistiques. Règl.
(contre env. timb. et autolibellée) à : Mme M.-Th.
Tavel de Ravet, Le Ranc d’Asperjoc, 07600 Valles-Bains.
- Concours de poésie “Le Goéland”, jusqu’au
31/1. Règl. (contre env. timb. et autolibellée) à :
Monique Berthaud, Présidente du Goéland, 30
Route de Peussefief, 17650 Bourcefranc
([email protected]).
- 12e Concours international des Apollon d’Or
de Poésie Vivante, jusqu’au 31/1 (recueils) ou
10/3 (autres sections).3 sections : Sur le thème
Anniversaire(s), poésie classique (doté de 150
euros) ou contemporaine libérée classique (doté
de 150 euros) ou nouvelle (classique (doté de
200 euros) ; Grand Prix du Recueil inédit (100
ex. remis au lauréat); Sections sans thème imposé, poésie ou prose (prix divers). Règl. (contre
env. timb.) à : Poésie Vivante, Le Théron, chemin du Jas, 84110 Puyméras – T : 04 90 46 42
84 – [email protected].
- 2 Concours du Cercle Amélie Murat, jusqu’au 1/2 : Prix francophone Amélie Murat,
pour des recueils en langue française de poésie
libre ou classique (une vingtaine de pages max.),
doté de 800 euros par la Ville de ClermontFerrand ; Concours littéraire Hélène JacquesLerta, pour des poèmes inédits (max. 30 vers).
Règl. (contre env. timb.) à : Cercle Amélie Murat,
3 quartier Basse Cour, Jussat, 63450 Chanonat.
- 32e Jeux floraux des Pyrénées cathares
2008 – Pays de Mirepoix (Ariège), avant le 10/2.
Concours littéraire international, aux poètes et
amateurs. 9 catégories. Sans thème imposé.
Règl. (contre env. timb.) à : Arlette HomsChabert, 32e concours littéraire, 54 rue Maurice
Ravel, 81100 Castres – T : 05 63 59 96 89 ([email protected]).
- “Poésie et Droits de l’Homme”, Concours littéraire, thème : L’autre, jusqu’au 18/2. 2 sections : poésie classique ou néoclassiquue ; poésie libre ou prose. Règl. (contre env. timb.) à :
Anne de Lierre, 9 rue Gaston Jourdanne, 11100
Narbonne.
- L’ass. culturelle Les Dossiers d’Aquitaine prépare l’anthologie 2008, La Poésie du Monde ou
le Monde de la Poésie. Réception des textes
avant le 28/2. Thème libre. À vos plumes !
Contact : Les Dossiers d’Aquitaine, 7 impasse
Bardos, 33800 Bordeaux - T: 05 56 81 84 98/F
:05 56 91 64 92 – [email protected]–
http://ddabordeaux.com).
- Concours international de poésie Écritout
2008 – poésie libre, thème : “Québec et la francophonie”, jusqu’au 29/2, aux poètes francophones, de + 18 ans. Détails du concours sur :
http://www.concoursecritout.com/.
- 2 Concours 2008 de la revue Portique, jusqu’au 29/2 : 6e Prix littéraire des Baronnies
de Nyons : à tous les auteurs francophones :
Prose : nouvelle sur le thème la Colère (1er Prix
de 300 euros), ou Poésie non rimée, sans thème
(prix de 200 euros). Prix littéraire des
Baronnies de Buis : Prose (nouvelle ou autre)
sur le thème la Terre, ou Poésie rimée, sans
thème (deux 1ers Prix de 200 euros, l’un en
prose, l’autre en poésie). Règl. (contre env. timb.)
à : Chris Bernard, Prix littéraire (Nyons ou Buis),
Le Théron, chemin du Jas, 84110 Puyméras – T:
04 90 46 42 84 – [email protected].
- Concours poétique de la SPAF (dél. Vendée),
jusqu’au 1/3. Règl. (contre env. timb.) à :
Auguste Praud, 11 rue Paul Gauguin, 85000 La
Roche/Yon – [email protected] –
www.spaf85.com.
- 1er Concours international de Poésie Le
Fleuret Poétique de Midi Pyrénées de la SPF,
jusqu’au 1/3, aux poètes d’expression française.
6 catégories (poésie libérée, prose poétique,
classique, néo-classique, poésie, jeune espoir
(-18 ans), junior (-12 ans). Règl. (contre env.
timb. et autolibellée) à : Marie Soumeillan,
Déléguée Haute Garonne de la Société des
Poètes Français, 241 route de Raygades, 31340
Villematier – T : 05 62 22 87 17.
- Concours Poésie 2008 de l’Ass. Terpsichore
et des Rencontres Européennes-Europoésie,
avant le 30/3. 4 sections (poésie classique, néoclassique, libre, poème court & haïku). Prix
Europoésie : thème libre. Prix Terpsichore :
thème “La terre”. Règl. (contre env. timb.) à :
Ass. Terpsichore, M.-A. Balbastre, Rue de
l’Orbiel, 11600 Conques-sur-Orbiel ou Joël
Conte, Rencontres Européennes-Europoésie, 21
rue Robert Degert, 94400 Vitry/Seine.
- Concours littéraire annuel de Poésie en
Vexin, jusqu’au 30/3, thème : L’Aventure. 5
sections (Poésies classique ou néoclassique,
libre, nouvelles, réflexions philosophiques,
jeunes auteurs (- 18 ans). Prix : livres d’art.
Textes primés publiés dans la revue Le trait
d’union littéraire. Règl. (contre env. timb.) à :
Claudie Lecœur, Prés. de Poésie en Vexin, 117
rue des Rayons, 95430 Butry/Oise –
T : 01 34 73 33 41.
- Concours de poésie Littérales, jusqu’au
31/3. Prix: 100 ex. du manuscrit primé édité par
l’Ass. Littérales. Règl. (contre env. timb. et
autolibellée) à : Ass. Littérales (Dir. : Patrice
Fath), 64 bd Gambetta, 29200 Brest
([email protected]).
- 38° Premio di poesia Formica Nera-Città di
Padova, jusqu’au 3/4. 1 poésie inédite, thème
libre. 1er prix de 400 . Règl. (contre env. timb.)
à : Luciano Nanni, Casella Postale 814, 35122
Padova,
Italie
–
T:
049.603474
–
[email protected].
- 6e Concours francophone de Poésie (ciotadines), de l’Association Zygo, jusqu’au 5/4,
ouvert à tous. Règl. (contre env. timb.) à :
Frédéric Ganga, Ass. Zygo, 12 av. du Maréchal
Gallieni, 13600 La Ciotat ou ciotadine@voilà.fr.
- Concours de Poésie 2008 du Cercle
Poétique de Sainte Victoire, jusqu’au
15/4.Pour encourager l’écriture poétique et la
promouvoir. Ouvert à toutes personnes d’expression française. Thème : Éloge de l’Autre ou La
Sainte Victoire. Règl. (contre env. timb.) à :
Concours de poésie du Cercle Poétique de
Sainte Victoire chez Henry Lombard, 30 La
Martelière, Palette, 13100 Le Tholonet.
- XIe Concours Littéraire international francophone Le Parchemin d’Argent 2008 et Or des
Aulnes 2008 de l’Ass. culturelle Kliho.4 catégories : poésies classique, libre, nouvelle, conte.
1er Prix : le Parchemin d’Argent (trophée en
argent massif), 2e Prix : Prix de la Mairie de
Halsou, Prix spécial: le Trophée d’Or des Aulnes.
Édition de 2 recueils. Règl. (contre env. timb.) à :
Kliho, Bibliothèque, 64480 Halsou - T : 05 59 93
23 37 - [email protected].
- Concours de Poêsias 2008 – Cercle européen de Poésie francophone, jusqu’au 25/5 :
4 Prix européens : “Michel-Ange”, “Les Érotides”, “Les Humorisiades”, “Les Amourimes”.
Règl. (contre env. timb. et autolibellée) à :
Jeacques-François Dussottier, Président de
Poêsias, 53 rue du Bois Montmartre, 77680
Roissy-en-Brie – [email protected].
- Concours de Nouvelles 2007 & 2008 sous
l’égide des Poètes de l’Amitié : jusqu’au 30/5,
thème : prends ma main. Règl. (contre env.
timb.) à : Revue littéraire Florilège, Concours de
la Nouvelle, BP N°65, 21000 Dijon-Lac Cedex –
F : 03 80 42 06 82.
- Prix de Poésie Maurice Rollinat, avant le
30/6. Prix de 150 euros au tapuscrit primé. Règl.
(contre env. timb. et autolibellée) à : MarieFrance Guerrier, Présidente du Prix, 22 rue
Esquirol, 75013 Paris – T : 01 45 86 73 43.
- Prix des Beffrois du Cénacle de Douayeul,
jusqu’au 30/6. Prix sur tapuscrits, 3 catégories :
Poésie - Nouvelles, essais et contes –
Patrimoine de la région du Nord/Pas-de-Calais.
Règl. (contre env. timb.) à : Cénacle de
Douayeul, 196 av. Denis Cordonnier,
59500 Douai – [email protected] –
www.cenacle-douayeul.com.
- 6e Concours International de Poésie “Les
Écriv’Aisne”2008, jusqu’au 30/6. 8 Prix. Règl.
(contre env. timb.) à : Concours de Poésie Les
Écriv’Aisne, 18/17 rue Boileau, 02100 St-Quentin
– T: 03 23 08 83 16 – [email protected].
- 66es Jeux littéraires des Écrivains
Méditerranéens et de la Revue Souffles, jusqu’au 14/7, pour l’aide à l’édition, la confirmation
d’auteurs et la découverte de nouveaux talents. 2
prix de l’édition du recueil : Poésie et Prose (100
ex. pour les auteurs et diffusion de l’œuvre à 400
ex.) Autres prix avec parution dans Anthologie
annuelle : Éclat du texte court, Récit bio ou autobiographique, Nouvelles brèves, Jeune auteur
(16-25 ans), Théâtre. Règl. (contre env. timb.) à:
L.E.M., 66es Jeux, 45 rue Léon Blum, 34660
Cournonterral – T : 04 67 85 09 02.
- Concours de Poésie 2008 de l’Académie florimontane d’Annecy, jusqu’au 15/8. Pas de
frais d’inscription. 1er Prix : 200 , 2e Prix : 150
, 3e Prix: 100 . Règl. (contre env. timb.) à :
Gilbert Chatenoud, 2 rue de Vénétie, 74940
Annecy-le-Vieux.
- 2e Concours du Festival de Romans : le
festival de l’expression sur Internet démarre
sa 2e édition et lance officiellement le Concours
sur un site entièrement refait : http://www.festivalderomans.com
PRIX DE POÉSIE
- Prix Prométhée de la Nouvelle à Pierre LE
COZ pour L’Autre Versant du jour (Éd. du
Rocher)
- Prix Mémoire de la Shoah 2007 de la
Fondation Jacob Buchman à Shlomo VENEZIA et Alain KLEINMANN
- Prix Pierre Mac Orlan à Michèle LESBRE
pour Le canapé rouge
- Prix de Poésie Orpheus 2007 à AndréLaurent MATHÉCADE pour Éloges & Dédicaces
(Éd. Anagrammes)
- Prix Européen de Poésie Francophone
Lépold Sédar Senghor 2007 à Giovanni
DOTOLI
- Prix International de Poésie Antonio Viccaro
à Roland NADAUS
- Prix Marguerite Audoux 2007 à Magyd
CHERFI pour La trempe (Éd. Actes Sud), à
Cathie BARREAU pour Visites aux vivants (Éd.
Laurence Teper) ; Prix Marguerite Audoux des
collèges du Cher à Dominique SAMPIERO
pour P’tite mère
- Palmarès 2007 des Jeux Floraux des
Pyrénées Cathares : 1er Prix (poésie classique) à Marc LACAY ; 1er Prix (poésie néoclassique) à Frédéric ROCHE ; 1er Prix (poésie libre) à Edmond COLSON, Prince des
Poètes ; 1er Prix Alice Marc Manoel (nouvelles) à Patricia ZANLUCCKI ; 1er Prix
Jeanne Nayrou (langues régionales) à Nadia
ESTEBA ; 1er Prix (jeunes poètes) à Daria
KVANITSYNA
- Prix des Lecteurs du Var 2007 à Milena
AGUS pour Mal de pierre (Éd. Liana Levi)
- Prix Handi-Livres 2007 du Meilleur Roman à
Philippe CORNET pour Chair tombale (Le
cherche midi éd.)
Un poème de Mallarmé ou un texte d’Artaud... ne visent pas
une communication immédiate.
(Julia KRISTEVA in Le livre des savoirs, Grasset)
musée de la Poste occupe six
étages d’un immeuble modeste (1)
non loin de la gare Montparnasse. Il
a ses amateurs et ses fidèles, car il
propose un véritable pèlerinage historique dans
les différents domaines où le courrier, indispensable vecteur des échanges, a suscité au cours
des siècles de multiples supports, des techniques de communication, de signalisation et
d’affranchissement sans cesse renouvelés.
On peut y admirer les presses d’autrefois, des
malles-poste et leurs postillons - figurés par des
mannequins en uniforme – et un nombre
impressionnant de collections de vignettes
anciennes et modernes qui doivent faire la joie
des philatélistes.
Or ce que je suis venu chercher, au cinquième
étage, c’est l’exposition consacrée au graveur
Marc Pessin. Ce plasticien, dont l’atelier plane
comme un aigle de verre géant à la Magritte,
sur la pente d’une colline de Saint-Laurent-duPont est un ami et un compagnon irremplaçable des poètes, avec lesquels il a réalisé des
centaines de livres d’artistes : Adonis, Alain
Bosquet, Marie-Claire Bancquart, Andrée
Chédid, François Cheng, Georges-Emmanuel
Clancier, Claire et Yvan Goll, Guillevic, J.C.
Renard, Edouard Maunick, Léopold Sedar
Senghor, Lionel Ray et Claudine Helft pour ne
citer que quelques-uns de ceux qui lui doivent
une manière de resurgissement sous les
formes les plus imprévues.
Si le musée de la Poste accueille son œuvre
jusqu’au mois de Février, c’est que cette œuvre
est pour une large part célébration de la lettre.
De la lettre, caressée, attisée, modelée,
enchantée de main de maître, jusqu’à cet état
de grâce où les dispositifs les plus variés de
l’écriture
manuscrite
deviennent
les
chorégraphies des mythes et de l’imaginaire.
Avec les Calligrammes de Marc Pessin, dont
plusieurs rayonnent sur les cimaises, en particulier ceux qu’il a composés pour un texte de
Jean Burgos (2), l’écriture sans échapper au
contrôle de la main nous entraîne dans une
singulière pérégrination, sur les murs et au-delà
d’eux, dans le visible et l’inconnu. L’écriture se
fait geyser, torrent, rapide, cataracte, elle ruisselle et souffle le regard comme fétu de paille.
Le calligramme, en tant que tel, picturalisation
de l’écriture, n’est certes pas une nouveauté,
c’est une tradition dont on trouve des
exemples y compris dans la kabbale
hébraïque, au Moyen Âge. Et l’on connaît les
variations fantasques ou vibrionnantes qu’en
tira Guillaume Apollinaire, ponctuations dessinées de moments vécus, de dédicaces, de circonstances particulières, ou illustrations synchronisées au vertige du texte et qui le font
instantanément basculer ou trouer l’espace.
Mais le texte de “Lettre-océan” n’offrait en
l’occurrence
qu’une
perspective
de
dépassement. Jean Burgos écrit :
“Lorsque paraît Lettre-océan dans les Soirées
de Paris, on ne dispose encore que du terme
idéogramme pour désigner cette forme d’écriture qui échappe à la linéarité de l’écriture traditionnelle et ramasse dans l’instant le déroulement d’un discours. Et les rares critiques qui ne
se gaussent pas devant cette prétendue missive qui tient à la fois du graffiti savant et du tag
protestataire, du pictogramme civilisé et de la
formule magique résolument indéchiffrable /…/
ces rares critiques qui pressentent la portée
d’une telle recherche doivent encore recourir
au mot d’idéogramme pour définir ce poèmetableau qui se donne à lire synthétiquement et
non plus analytiquement comme il est d’usage.”
Poème-tableau ? Oui, la formule est juste.
Mais j’ajouterai : poème-fenêtre, qui s’ouvre
simultanément à plusieurs battants sur les paysages qu’il recèle ou qu’il suggère. Tel que
Marc Pessin le conçoit dans ses sillonnements,
ses ressacs, ses fluctuations aérodynamiques
(l’artiste est un spécialiste de l’aérodynamique
des fluides) le calligramme est une manière de
prendre l’espace au piège par le travers, de le
faire bouger plus vite que la vue, d’y implanter
des floraisons inusitées, spirales de lierres, de
mots en sautoir, perles agencées pour retenir la
lumière, gouttes de l’hypothèse et de la durée.
Bref, c’est un univers qui installe sur une feuille
de grand ou de petit format, les virtualités de
ses modulations et de ses interrogations.
Le travail de Marc Pessin tient de l’orfèvrerie :
il cisèle les pierreries noires des lettres de
Le
manière à les élaguer de leur superflu, à les
incruster sur le papier non comme ornement
ou enjolivement, mais comme trace d’un langage qui retrouverait la puissance primitive des
runes, des écrits cunéiformes ou des hiéroglyphes, tout en utilisant le plus élémentaire
des matériaux : notre alphabet roman. On imagine la minutie et la patience de l’artiste, qui
rivalise avec les bénédictins du Moyen Âge
incrustant dans le parchemin ces vitraux en
quadrichromie que sont les enluminures en
pleine page ou en lettres initiales.
On est pris d’une véritable ivresse mentale, à
suivre les circonvolutions imprimées à l’écriture
par la main sagace et savante de Pessin. Les
lettres, il les malaxe, les apprivoise, les dompte
comme une faune microscopique qu’il faut
conduire à des acrobaties d’alignements, de
pliures de torsions, d’entrelacements, de
courbes paraboliques ou elliptiques.
Le peuple de fourmis des lettres, une fois maîtrisé, semble se déverser d’une veine de l’esprit, comme une hémorragie d’images. Il oblige
son support à se ployer, à se briser, à entrer en
contact avec l’infini, par le truchement des pulsions successives auxquelles l’écriture est
astreinte. À cet égard, le travail réalisé avec
Jean Burgos est exemplaire. Rarement le calligramme avait atteint à pareille plénitude, prouvant que l’écriture est à la fois ondulatoire et
corpusculaire, comme si la loi qui en commande le mouvement dépendait de la mécanique
quantique.
On assiste aussi à ce phénomène : les lignes
de force, de plissement, d’aimantation de cette
limaille d’écriture, aboutissent à la formation
d’un fuseau de cordes vibratoires. Un instrument naît sous nos yeux et sa résonance nous
parvient et nous trouble. L’écriture devient une
harpe, un xylophone ! L’écriture avoue sa partition sous-jacente et elle se joue à elle-même
une sonate. L’écrou de l’espace est levé. Les
sons et les signes ne forment plus qu’une substance unique, un battement à cœur ouvert.
Tel est le privilège du calligramme : douer la
lettre d’une autre vie, métamorphoser un
manuscrit en polyphonie. La revue Missives
consacre entièrement son numéro de
Septembre à Marc Pessin, parallèlement à l’exposition du musée de la Poste avec pour couverture un ‘Calligramme pour Anna Soror de
Marguerite Yourcenar’ et l’on y admire un
superbe cahier de reproductions photographiques des œuvres de l’artiste qui ne s’est
jamais cantonné, bien entendu, à la réalisation
des calligrammes. En effet, l’éditeur du Verbe &
l’Empreinte, qui compte à son actif 973
ouvrages, est le graveur et illustrateur de 178
d’entre eux !
Outre les Calligrammes, les cartes postales
ornementées ou graffitées et les grands panneaux porteurs d’étonnants mandalas à la semblance de kakémonos japonais ou de tankas
tibétains, la Poste offre au magicien de la lettre
une plate-forme de démonstration sur laquelle
se trouvent rassemblés quelques échantillons
des tablettes et des rouleaux qui constituent –
avec les «monnaies pessinoises» – les éléments (ou faut-il dire, les reliques ?) de l’univers qu’il a inventé de toutes pièces. Son
archéologie de l’imaginaire n’est pas sans évoquer Jorge Luis Borgès et sa Bibliothèque de
Babel. Tombées non du ciel mais du rêve, ces
étranges météorites de forme oblongue, de
couleur variable, vernissées, émaillées, parfois
inquiétantes dans leurs enveloppes vertes ou
grisées, sont entièrement recouvertes des
signes qui appartiennent à un langage perdu, à
une civilisation qui aurait disparu en ne laissant
que ces vestiges de sa présence et de sa création. L’atelier de l’artiste, à Saint-Laurent du
Pont, contient une multitude de ces objets fantasmatiques qui sont tout le contraire des artefacts des concrétions d’une pensée qui intègre
le cosmos.
Marc Pessin s’avère ainsi non seulement un
des plasticiens les plus originaux d’aujourd’hui,
dont l’œuvre apparaît comme une dimension et
un prolongement de la poésie, mais un découvreur du continent invisible de notre “espace du
dedans” qu’il a su convertir en images palpables et surprenantes.
C.D.
(1)
34 boulevard de Vaugirard, Paris 14e
beaux-arts
18
AVÈNEMENTDE LA GRAFEUILLE
Il est possible en certains lieux mal repérés,
mal définis, en marge de nos cadastres, de
détecter dès maintenant les prémisses d’une
singulière évolution. Cependant, comme elle
n’obéit à aucun des critères qui régentent l’existence des espèces, on peut y pressentir plutôt
une révolution, si radicale et vertigineuse en fin
de compte qu’elle risque de remettre en cause
la prééminence de l’homme et d’ébranler tout
ce qu’il croit avoir appris de la nature.
Ne peut-on supposer que l’empire sans partage de l’homo sapiens est sur le point de s’achever et de laisser place à autre chose, à une
nouvelle étape, un bond en avant dans
l’inconnu ?
Ce qui est en train d’émerger sous nos yeux,
c’est folium sapiens. Sous nos yeux égarés ou
inattentifs qui ne voient pas se lever cette aurore et s’épanouir, gravés en relief sur les feuilles
comme de minuscules filigranes à peine
visibles ou peut-être une conjuration d’épiphylles, les premiers signes de cette aventure
inconcevable et pourtant bien réelle si l’on s’applique à en étudier la préfiguration. Le règne
végétal semble pris d’une ivresse ou d’une certitude qui le fait à la fois tituber et dériver. À vrai
dire, tout ne change pas instantanément, mais
déjà un grand nombre de feuilles sont habitées
par cette fièvre et si l’on remarque leur bruissement dans les arbres ou les buissons, ce n’est
pas le banal effet du vent. C’est à l’intérieur
d’elles-mêmes, parfois à leur surface, à leur
pourtour, que s’allume un brasier annonciateur
d’une épiphanie. Et cette épiphanie est celle
d’une écriture, oui, d’une écriture en bonne et
due forme, constituée et accumulée au long
des siècles, mais restée jusqu’à présent
informulée, irrévélée, subordonnée en fait à
des cloisonnements et à des hiérarchies
qui interdisaient à la fleur et à la plante de s’exprimer autrement que par la pulpe, le coloris, le
parfum, le bourgeonnement et la fanaison.
Les échanges entre la croissance et la mort, le
déclin et le regain, ne s’effectuaient du règne
végétal au règne animal que par l’intermédiaire
des insectes, facteurs de la transmission
postale des gènes. Le pollen était une parcelle
de parole ou d’étreinte amoureuse. Le velouté
d’une rose, sa fragrance, ordonnaient
l’expansion de la vie et modulaient sa
pérennité.
Ce système a fonctionné pendant des ères, jusqu’au moment où une feuille – qui sait par quelle symbiose ou quelle réaction chimique
déclenchée au rythme de la proximité et de la
déchéance des humains - s’est mise ellemême à écrire, à emprunter l’écrit comme
moyen d’existence, de respiration, stage de
perfectionnement ou prophylaxie de l’éphémère. La feuille écrivante a puisé en elle-même
son encre. Son écriture progressivement sécrétée à la façon d’un suc encore secret. Elle a dispensé de la pensée sous forme de signes pourvus de sens et de cohérence, un message
chargé de souvenirs et de savoir à déchiffrer,
les formules initiatrices d’une science encore
embryonnaire, mais déjà en possession d’un
alphabet et d’un dispositif évocatoire.
On assiste à la résurgence d’une écriture des
fonds du temps, que l’on a pu appeler “pessinoise” tant elle s’apparente à celle qu’inventa
l’artiste en son atelier de Saint-Laurent-duPont, multipliée par lui sous les formes et dans
les objets les plus variés, crus ou cuits.
Pourtant, on ne saurait se fier à sans réserve à
cette parenté, car ce qui se lit en transparence
sur les feuilles et les plantes touchées par cette
mutation, n’est sans doute pour le moment
qu’un texte inaugural, le préambule d’un plus
splendide avènement.
C’est la feuille déjà qui tire la langue vers son
au-delà. La feuille de vigne ne servira plus à
cacher dérisoirement le sexe, mais au contraire
à le célébrer urbi et orbi. La feuille de déclaration des revenus sera une feuille revenue
d’ailleurs Le trèfle à quatre feuilles faisant office
d’horloge la durée de la feuille ponctuera les
saisons et assurera la passation des pouvoirs
et la continuité de l’écriture. Pour subsister, la
feuille se cantonne à son ascèse. Elle peut se
passer d’eau : c’est le temps qui l’abreuve
directement et lui sert de support. Le temps
qu’elle traduit, à la lettre. L’écriture des ner-
MARC
PESSIN
magicien
de la lettre
par Charles DOBZYNSKI
vures, naguère trop nerveuse, se redessine ou,
si l’on veut, se “repessine”, plus raffinée, moins
sujette aux caprices des intempéries.
Les plantes ornementales tiennent registre
d’état civil de la civilisation. Les plantes grammaticales révisent leurs inclinaisons et leurs
déclinaisons. Les feuilles médicinales remplissent avec soin leurs formulaires et leur curriculum vitæ. Les plantes digitales font la collecte
des empreintes. Les pensées poursuivent avec
patience et jusqu’au bout le mimétisme que leur
assigne une vocation. Les palmes sont propices à la formation des palimpsestes, des
textes perdus et c’est par elles que sont rédigées les biografeuilles.Une forêt, réservoir de
pâte à papier pour les écrits, s’affranchira de sa
fonction de pourvoyeuse en matière première
et s’arrogera le plaisir de fabriquer elle-même à
plein temps un ouvrage imprimé sur son écorce et sa frondaison. Ouvrage grand ouvert, aux
milliers de pages non reliées sinon par les
branches, le frémissement nocturne et le filigrane des trouées de lumière. Ouvrage dont nous
ne distinguons pour le moment que le brouillon
sur quelques feuilles disséminées dans le
brouillard par une main prémonitoire. Mais un
jour, il est clair que cette Babel encore
indistincte dans l’enchevêtrement des fibrilles
et les consanguinités de l’arborescence,
fera foisonner tout le babil d’un nouvel âge à
décoder.
C.D.
Ce texte a été écrit en 1997 pour accompagner
les calligrammes gravés par Marc Pessin sur
une feuille d’arbre, donnant ainsi au végétal
une écriture. Réalisé à un unique exemplaire,
ce document se trouve exposé au musée de la
Poste avec les autres œuvres de l’artiste.