La Peau de chagrin - biblio
Transcription
La Peau de chagrin - biblio
La Peau de chagrin Balzac Livret pédagogique correspondant au livre élève n° 26 établi par Franck Merger, agrégé de Lettres classiques, docteur ès lettres Sommaire – 2 SOMMAIRE A V A N T - P RO P O S ............................................................................................ 3 T A B L E DES CO R P U S ........................................................................................ 4 R ÉP O NSES A U X Q U EST I O NS ................................................................................ 5 Bilan de première lecture (p. 350)...................................................................................................................................................................5 Extrait du « Talisman » (p. 71, l. 1807, à p. 74, l. 1869)..................................................................................................................................7 ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 89 à 91)...............................................................................................................................7 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 92 à 98) ................................................................................................................10 Extrait de « La Femme sans cœur » (p. 147, l. 1553 à 1576) ........................................................................................................................13 ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 157-158) ...........................................................................................................................13 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 159 à 163)............................................................................................................15 Extrait de « L’Agonie » (p. 233, l. 378, à p. 235, l. 426) ................................................................................................................................17 ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 237 à 239).........................................................................................................................17 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 240 à 246)............................................................................................................19 Extrait de « L’Agonie » (p. 333, l. 3008, à p. 336, l. 3081) ............................................................................................................................21 ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 337 à 339).........................................................................................................................21 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 340 à 346)............................................................................................................23 C O M P L ÉM ENT S A U X L ECTU RES D ’ I M A GES ................................................................. 27 B I B L I O GRA P H I E CO M P L ÉM ENT A I RE ....................................................................... 32 Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays. © Hachette Livre, 2004. 43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15. www.hachette-education.com La Peau de chagrin – 3 AVANT-PROPOS Les programmes de français au lycée sont ambitieux. Pour les mettre en œuvre, il est demandé à la fois de conduire des lectures qui éclairent les différents objets d’étude au programme et, par ces lectures, de préparer les élèves aux techniques de l’épreuve écrite (lecture efficace d’un corpus de textes ; analyse d’une ou deux questions préliminaires ; techniques du commentaire, de la dissertation, de l’argumentation contextualisée, de l’imitation…). Ainsi, l’étude d’une même œuvre peut répondre à plusieurs objectifs. Un roman comme La Peau de chagrin permettra d’étudier l’esthétique du roman romantique et réaliste, d’aborder différents genres littéraires, tout en s’exerçant à divers travaux d’écriture… Dans ce contexte, il nous a semblé opportun de concevoir une nouvelle collection d’œuvres classiques, Bibliolycée, qui puisse à la fois : – motiver les élèves en leur offrant une nouvelle présentation du texte, moderne et aérée, qui facilite la lecture de l’œuvre grâce à des notes claires et quelques repères fondamentaux ; – vous aider à mettre en œuvre les programmes et à préparer les élèves aux travaux d’écriture. Cette double perspective a présidé aux choix suivants : • Le texte de l’œuvre est annoté très précisément, en bas de page, afin d’en favoriser la pleine compréhension. • Il est accompagné de documents iconographiques visant à rendre la lecture attrayante et enrichissante, la plupart des reproductions pouvant donner lieu à une exploitation en classe, notamment au travers des lectures d’images proposées dans les questionnaires des corpus. • En fin d’ouvrage, le « Dossier Bibliolycée » propose des études synthétiques et des tableaux qui donnent à l’élève les repères indispensables : biographie de l’auteur, contexte historique, liens de l’œuvre avec son époque, genres et registres du texte… • Enfin, chaque Bibliolycée offre un appareil pédagogique destiné à faciliter l’analyse de l’œuvre intégrale en classe. Présenté sur des pages de couleur bleue afin de ne pas nuire à la cohérence du texte (sur fond blanc), il comprend : – Un bilan de première lecture qui peut être proposé à la classe après un parcours cursif de l’œuvre. Il se compose de questions courtes qui permettent de s’assurer que les élèves ont bien saisi le sens général de l’œuvre. – Des questionnaires raisonnés en accompagnement des extraits les plus représentatifs de l’œuvre : l’élève est invité à observer et à analyser le passage. On pourra procéder en classe à une correction du questionnaire, ou interroger les élèves pour construire avec eux l’analyse du texte. – Des corpus de textes (accompagnés le plus souvent d’un document iconographique) pour éclairer chacun des extraits ayant fait l’objet d’un questionnaire ; ces corpus sont suivis d’un questionnaire d’analyse des textes (et éventuellement de lecture d’image) et de travaux d’écriture pouvant constituer un entraînement à l’épreuve écrite du bac. Ils peuvent aussi figurer, pour la classe de Première, sur le « Descriptif des lectures et activités » à titre de groupement de textes en rapport avec un objet d’étude ou de documents complémentaires. Nous espérons ainsi que la collection Bibliolycée sera, pour vous et vos élèves, un outil de travail efficace, favorisant le plaisir de la lecture et la réflexion. Table des corpus – 4 TABLE DES CORPUS Corpus Beuveries et festins (p. 92) La veillée, une scène traditionnelle (p. 159) Personnages de vieillards (p. 240) Comment les romans se terminent-ils ? (p. 340) Composition du corpus Objet(s) d’étude et niveau Texte A : Extrait de La Peau de chagrin de Balzac (p. 71, l. 1807, à p. 74, l. 1869). Texte B : Extrait des Mille et Une Nuits (p. 93). Texte C : Extrait de Gargantua de François Rabelais (pp. 93-94). Texte D : Extrait du « Bol de punch », Les Jeunes France de Théophile Gautier (pp. 94-95). Texte E : Extrait de La Curée d’Émile Zola (p. 96). Document : Satyricon de Federico Fellini (p. 97). Texte A : Extrait de La Peau de chagrin de Balzac (p. 147, l. 1553 à 1576). Texte B : Extrait de Julie ou la Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau (p. 160). Texte C : Extrait du Silence de la mer de Vercors (p. 161). Document : L’Éducation de la Vierge, tableau attribué à Georges de La Tour (p. 162). L’éloge et le blâme (Seconde) Les réécritures (Première) Texte A : Extrait de La Peau de chagrin de Balzac (p. 233, l. 378, à p. 235, l. 426). Texte B : « Sonnet », tiré des Bigarrures de Charles-Timoléon de Sigogne (p. 241). Texte C : « Le Désespoir de la vieille », tiré des Petits Poèmes en prose de Baudelaire (p. 242). Texte D : Extrait des Voyageurs de l’impériale de Louis Aragon (p. 243). Document : Vieillard à la croix et à la chaîne d’or de Rembrandt (p. 244). Texte A : Extrait de La Peau de chagrin de Balzac (p. 333, l. 3008, à p. 336, l. 3081). Texte B : Extrait de Valentine ou la Séduction de René Charles Guilbert de Pixerécourt (p. 341). Texte C : Extrait de Salammbô de Gustave Flaubert (pp. 342-343). Texte D : Extrait de Choléra de Joseph Delteil (pp. 343-344). Texte E : Extrait d’Aurélien de Louis Aragon (pp. 344-345). L’éloge et le blâme (Seconde) Le biographique (Première) Compléments aux travaux d’écriture destinés aux séries technologiques Question préliminaire Quels éléments rendent le festin de Trimalcion extraordinaire (document) ? Commentaire Vous soulignerez, en particulier, la portée satirique de cet extrait. L’éloge et le blâme (Seconde) Les réécritures (Première) Le récit : le roman ou la nouvelle (Seconde) Question préliminaire Pourquoi la lumière peut-elle contribuer à donner une teinte religieuse à un tableau ou à un texte ? Commentaire Vous montrerez la portée politique de cet extrait. Question préliminaire Les tableaux de Rembrandt étaient souvent des commandes de l’aristocratie ou de la bourgeoisie. Quel intérêt, selon vous, avaient-elles à faire réaliser des portraits tels que celui du document ? Commentaire Vous vous intéresserez, en particulier, à la figure du narrateur dans l’extrait. Question préliminaire Les textes du corpus présentent une manière marquante de finir un roman. N’existe-t-il pas d’autres types d’« explicits » romanesques ? Commentaire Vous soulignerez les aspects qui viennent du roman noir. La Peau de chagrin – 5 RÉPONSES AUX QUESTIONS B i l a n d e p r e m i è r e l e c t u r e ( p . 3 5 0 ) On trouve dans « Le Talisman » diverses références à l’actualité politique. En particulier, quand Raphaël sort de la boutique de l’antiquaire et rencontre ses amis, l’un d’eux déclare avoir pensé à faire de lui un « héros de Juillet » (p. 49) et évoque la « révolution de Juillet » (p. 54). La révolution de Juillet a eu lieu en 1830 et a eu pour conséquence l’abdication de Charles X et l’avènement de LouisPhilippe. On appelle « monarchie de Juillet » le long règne de ce roi (1830-1848). Ces événements ont eu lieu tout récemment au début du roman. Le « mois d’octobre dernier » (première ligne du roman) désigne donc octobre 1830. « Le Talisman » se passe, par conséquent, dans les premiers mois de la monarchie de Juillet. Quant à la partie « L’Agonie », elle reprend l’histoire de Raphaël après le long retour en arrière de la deuxième partie. Le « mois de décembre » (première ligne de « L’Agonie ») désigne décembre 1830. La troisième partie se passe ainsi elle aussi sous la monarchie de Juillet – ce que confirme la mention explicite de ce régime (p. 57). " L’antiquaire est juif. Il porte, en effet, « une calotte en velours noir » et de « longues mèches de ses cheveux » en dépassent (p. 35). Cette calotte est une kippa juive ; ces longues mèches sont les boucles que les juifs portent traditionnellement. Le narrateur précise aussi que l’antiquaire a une de ces « têtes judaïques qui servent de types aux artistes quand ils veulent représenter Moïse » (p. 35). Le visage de l’antiquaire est donc typiquement juif, selon le narrateur, et pourrait servir de modèle pour représenter Moïse, personnage de l’Ancien Testament très important pour la religion juive. On notera par ailleurs que le talisman que l’antiquaire donne à Raphaël porte une étoile de David (« le cachet de Salomon », p. 41). # Lorsque Raphaël le rencontre pour la première fois, l’antiquaire précise lui-même qu’il a « atteint l’âge de cent deux ans » (p. 44). $ Dans la boutique de l’antiquaire, Raphaël formule deux vœux. Il déclare tout d’abord : « Je veux un dîner royalement splendide, quelque bacchanale digne du siècle où tout s’est, dit-on, perfectionné » (p. 46), et un peu après : « je désire, pour me venger d’un si fatal service, que vous tombiez amoureux d’une danseuse ! » (p. 48). Le premier vœu se réalise le soir même, avec le festin de Taillefer : « Son souhait était certes bien complètement réalisé », précise le narrateur (p. 57). Le second vœu se réalise plus tard, au début de « L’Agonie », en décembre 1830 : au théâtre Favart, Raphaël rencontre à nouveau l’antiquaire, qui, désormais, porte beau et se trouve avec Euphrasie, « cette danseuse au corps souple » (p. 235). % Taillefer est l’amphitryon qui offre un festin et chez qui se rendent Raphaël et son ami dans la première partie. Il est très riche (p. 53) : il habite un hôtel particulier (p. 55) et donne un dîner digne d’un prince allemand (p. 71). Émile déclare à Raphaël que c’est un « capitaliste » (p. 58). Par ailleurs, il vient de fonder un journal, et c’est pour fêter cet événement qu’il donne un grand dîner. C’est un journal d’opposition, mais d’opposition molle : « un journal […] vient d’être fondé dans le but de faire une opposition qui contente les mécontents, sans nuire au gouvernement national du roi-citoyen » (p. 51). Et au festin se trouve « le notaire qui, le matin même, avait achevé de créer le journal » (p. 57). & Dans « Le Talisman », Émile déclare à Raphaël, au sujet de Taillefer : « cet homme aurait tué, pendant la Révolution, un Allemand et quelques autres personnes qui seraient, dit-on, son meilleur ami et la mère de cet ami » (p. 58). Émile fait semblant de ne pas croire aux rumeurs qui attribuent ces crimes à Taillefer, mais c’est là de l’ironie. Le narrateur fait allusion à ces crimes à la fin de « La Femme sans cœur », puisqu’il note, à propos de Taillefer, que « son visage en sueur et sanguinolent fit planer sur cette scène infernale l’image du crime sans remords » (p. 212). Il évoque encore « l’ignoble et sanglante figure de Taillefer » (p. 249) dans « L’Agonie », au moment où Raphaël aperçoit ce personnage en compagnie d’Aquilina au théâtre Favart. ' Aquilina et Euphrasie sont des prostituées de luxe ou encore des « courtisanes ». Taillefer a loué leurs charmes pour finir en bacchanale sexuelle l’orgie gastronomique du festin qu’il donne. Le narrateur les appelle des « filles » (p. 75) et nomme « sérail » (p. 76) le groupe de femmes dont elles font partie. Aquilina est vraisemblablement spécialisée dans le sado-masochisme. C’est en effet en référence à l’Aquilina de la pièce Venise sauvée (Venice Preserved de Thomas Otway) qu’elle a choisi son nom de guerre. Or ce personnage de prostituée fouette le vieux sénateur Antonio, qui fait le chien. Euphrasie, elle, exerce aussi un autre métier : elle est danseuse (p. 235). ! Réponses aux questions – 6 C’est Jean-Jacques Rousseau qui a habité dans le même hôtel que Raphaël. L’ami de Raphaël lui parle en ces termes : « ton respectable hôtel Saint-Quentin, dont par parenthèse l’enseigne inamovible offre des lettres toujours alternativement noires et rouges comme au temps de J.-J. Rousseau » (p. 49). Dans le récit qu’il fait à Émile, Raphaël rappelle à plusieurs reprises que Rousseau a en effet habité dans le même endroit que lui : « En me rappelant le séjour de J.-J. Rousseau dans ce lieu, je trouvai l’hôtel Saint-Quentin » (p. 117), « J.-J. Rousseau de qui j’occupais peut-être le logis » (p. 137). ) La mère de Pauline, Mme Gaudin, est « la maîtresse de l’hôtel » Saint-Quentin (p. 118), sis à l’angle de la rue des Cordiers et de la rue de Cluny, dans le Quartier latin. Mme Gaudin ne possède pas cet hôtel ; elle ne fait que s’occuper de la location de ses chambres pour le compte du propriétaire. En effet, quand il retourne à l’hôtel Saint-Quentin, dans « L’Agonie », Raphaël demande à une vieille femme : « Cet hôtel est-il toujours tenu par Mme Gaudin ? », ce à quoi il s’entend répondre : « Oh ! non, monsieur. […] Elle est dans une maison à elle. » *+ La première fois qu’il arrive devant l’hôtel Saint-Quentin, Raphaël voit « une petite fille d’environ quatorze ans » (p. 117) et il précise que sa « physionomie était d’une admirable expression, et [son] corps tout posé pour un peintre ». Il ne dit certes pas qu’il s’agit de Pauline. Pourtant, plus loin, il évoque « Pauline, cette charmante créature dont les grâces naïves et secrètes m’avaient en quelque sorte amené là » (p. 121). Et il dit à plusieurs reprises que Pauline est digne d’une peinture. En particulier, il déclare à son sujet : « j’admirais cette charmante fille comme un tableau » (p. 124). *, Pauline peint des « écrans », c’est-à-dire des éventails. Quand elle retrouve Raphaël, dans « L’Agonie », elle évoque encore « toutes les nuits [qu’elle a] passées à peindre [s]es écrans » (p. 255). *- Fœdora est une femme profondément égoïste – on dirait aujourd’hui « égocentrique » : ne pensant qu’à son propre plaisir, elle est dépourvue de tout mouvement affectif vers autrui – ce qui la rend « sans cœur ». Il est souvent question de l’égoïsme de Fœdora dans le roman. Raphaël se demande, au début de son histoire avec Fœdora, si elle ne possède pas « un sentiment d’égoïsme raffiné » (p. 143). Mais il cesse bientôt d’en douter : « elle me révélait naïvement son égoïsme », déclare-t-il (p. 171) ; et il évoque « la profonde vénération de Fœdora pour elle-même » (p. 184). Quant à Rastignac, il a mis Raphaël en garde : « Fœdora possède la pénétration naturelle aux femmes profondément égoïstes » (p. 150). Fœdora elle-même reconnaît bien volontiers son égocentrisme, puisqu’elle parle en ces termes à Raphaël : « ma vie, égoïste si vous voulez » (p. 190). On comprend dès lors qu’elle s’entende bien avec le duc de Navarreins, « homme égoïste » (p. 169). Son égocentrisme rend Fœdora particulièrement sensible à ses propres plaisirs. C’est une femme voluptueuse, mais dont la volupté ne dépend pas d’autrui : « une volupté savante se peignait jusque dans la manière dont elle se posait devant son interlocuteur » (p. 134) ; « elle paraissait s’écouter elle-même et ressentir une volupté qui lui fût particulière ; elle éprouvait comme une jouissance d’amour » (p. 180). Au bout du compte, c’est une femme « sans âme » (p. 155) et « sans cœur ». *. Raphaël rappelle à Émile le fait suivant : « J’avais entrepris deux grandes œuvres » (p. 120), une comédie et un ouvrage intitulé Théorie de la volonté. Les amis de Raphaël ont vu en la comédie « une niaiserie d’enfant » (p. 120) ; et seul Émile a admiré la Théorie de la volonté. Quand Porriquet vient le voir, Raphaël évoque à nouveau ce dernier ouvrage, « œuvre purement physiologique ». */ Porriquet est un ancien professeur de Raphaël : « Je l’ai eu, déclare-t-il à Jonathas, sous moi, en sixième, en troisième et en rhétorique. Je suis son professeur. » La classe de rhétorique était l’actuelle classe de première. Porriquet était vraisemblablement le professeur de latin de Raphaël : il nomme son ancien élève son « carus alumnus » (p. 123) et Raphaël, sans doute pour lui rendre hommage, cite Horace en latin (« Exegi monumentum [aere perennius] », Odes, III, 30, 1 : « J’ai achevé un monument [plus durable que l’airain] »). Il a dû aussi enseigner la rhétorique à Raphaël la dernière année où il l’a eu comme élève. En effet, comme par habitude, il continue à donner des conseils d’ordre stylistique à Raphaël et fait référence aux grands auteurs classiques des XVIIe et XVIIIe siècles. Il est fermement opposé au goût romantique contemporain. *0 Porriquet s’est opposé à la monarchie de Juillet depuis les Trois Glorieuses, et cela lui a valu des « persécutions » de la part du pouvoir, puis son limogeage. Il est venu trouver Raphaël, marquis, pour qu’il intercède en sa faveur et lui obtienne « non sa réintégration, mais l’emploi de proviseur dans quelque collège de province » (p. 230). Porriquet a été limogé pour « carlisme », c’est-à-dire parce qu’il aurait souhaité le retour de Charles X au pouvoir. De fait, il souhaitait un « gouvernement fort » et un État où chaque groupe social fût à sa place, en ce début de monarchie de Juillet qui, à l’inverse, promouvait la grande bourgeoisie au détriment de l’aristocratie. Mais était-il carliste pour autant ? Ce n’est pas sûr. Il ( La Peau de chagrin – 7 est tout aussi vraisemblable qu’il ait été orléaniste et favorable à une monarchie de Juillet forte et moins libérale. C’est pourquoi il s’est opposé au tout début du règne de Louis-Philippe, dominé par le parti du Mouvement. De fait, Raphaël lui annonce qu’il va rapidement retrouver un poste, parce que « la résistance a triomphé du mouvement » (p. 232), c’est-à-dire parce que le parti de la Résistance, orléaniste aussi, mais plus conservateur, a triomphé du parti du Mouvement. *1 Raphaël souffre d’une maladie qu’on appelait « phtisie » et qu’on appelle aujourd’hui « tuberculose pulmonaire ». Pauline compare ainsi la « petite toux sèche » de Raphaël à celle de son père « qui meurt d’une phtisie » (p. 288). Le docteur Bianchon diagnostique lui aussi une « phtisie pulmonaire » (p. 290). *2 Jonathas a été au service de la famille de Raphaël comme valet de chambre. Quand son père est mort (en 1826) en le laissant sans le sou, Raphaël a dû se séparer de Jonathas (p. 108). Quatre ans plus tard, en octobre 1830, le lendemain du festin chez Taillefer, Raphaël apprend qu’il est très riche grâce à l’héritage fabuleux du major O’Flaherty (p. 216). Entre cette date et décembre 1830 (au début de « L’Agonie »), Raphaël a pu déménager dans un hôtel particulier de la rue de Varenne, non loin de l’aristocratique faubourg Saint-Germain, et reprendre Jonathas à son service comme valet (p. 222). *3 Le lecteur suit les différents déménagements de Raphaël à partir de la mort de son père en 1826. Raphaël a alors 22 ans (p. 107). Pendant les trois années qui ont suivi, Raphaël a vécu pour l’étude dans le plus grand dénuement (p. 114). Il a d’abord habité quelque temps (un temps court) un logis non précisé dans le Quartier latin, non loin du Panthéon, près de la rue des Grès (p. 115), actuelle rue Cujas, et de la place de l’Estrapade (p. 117). Peu de temps après, il a déménagé non loin de ce logis-là, dans une mansarde de l’hôtel Saint-Quentin tenu par Mme Gaudin (p. 118), au croisement de la rue de Cluny (actuelle rue Victor-Cousin) et de la rue des Cordiers, aujourd’hui disparue. Le 15 juillet 1830, Raphaël rencontre Rastignac qui lui conseille de pratiquer le « Système dissipationnel » et de jouer au jeu (p. 194). Raphaël joue et gagne – ce qui lui permet, à une date située entre juillet et octobre 1830, de déménager dans un luxueux appartement meublé de la rue Taitbout (p. 198), dans le quartier riche et bourgeois de la gare Saint-Lazare. Grâce à l’héritage qu’il reçoit du major O’Flaherty, il peut déménager, à une date située entre octobre et décembre 1830, dans un hôtel particulier de la rue de Varenne (p. 221). *4 Raphaël part à Aix-les-Bains et au Mont-Dore pour deux raisons. D’abord, on envoyait souvent les tuberculeux, ou phtisiques, soigner leur maladie dans des villes thermales, dont l’eau était censée être curative et l’air particulièrement pur. C’est pourquoi les médecins que consulte Raphaël lui conseillent « unanimement d’aller aux eaux d’Aix en Savoie, ou à celles du Mont-Dore en Auvergne, si vous les préférez ; l’air et les sites de la Savoie sont plus agréables que ceux du Cantal, mais vous suivrez votre goût » (p. 297). Mais Raphaël part aussi dans ces villes avec l’espoir que, loin de Paris, il n’éprouvera plus de désirs. À Aix-les-Bains, il est ainsi « heureux de ne sentir aucune douleur et d’avoir enfin réduit au silence sa menaçante Peau de chagrin » (p. 299) ; et, au Mont-Dore, il se réjouit de vivre « sans désirs » (p. 322). 5+ Dans la dernière page du roman, Raphaël retrouve Pauline. Sa présence fait renaître en lui un ultime désir, un désir d’ordre sexuel. Car Pauline, lors de cette rencontre, lit dans les yeux de Raphaël « un de ces désirs furieux, jadis sa gloire à elle » (p. 334). L’ultime souhait de Raphaël est de posséder Pauline encore une fois : « je te veux », lui crie-t-il. Mais le texte indique aussi un souhait plus précis : Raphaël souhaite défoncer la porte derrière laquelle s’est réfugiée Pauline : « Je te maudis, si tu ne m’ouvres pas ! » Ce souhait se réalise de manière merveilleuse, grâce à une « force singulière ». ( p . E x t r a i t d u « T a l i s m a n 7 1 , l . 1 8 0 7 , à p . 7 4 , l . » 1 8 6 9 ) ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 89 à 91) La soirée chez Taillefer comprend les phases canoniques suivantes : l’arrivée des convives, qui se réunissent dans le salon (p. 56) ; le festin lui-même, qui a lieu dans la salle à manger (pp. 59 à 75) ; l’après-dîner, dans le salon, en compagnie des courtisanes (pp. 75 sqq.). Le festin est ordonné en « services », comptant en principe plusieurs plats : le premier service (p. 59), le deuxième service (p. 60), les toasts (p. 60) et le dessert (p. 71). À chaque service correspondent des vins particuliers ; et plus le temps passe, plus les convives sont ivres et bavards. L’extrait présente la fin du festin : le dessert. ! Réponses aux questions – 8 " Dans la récit du festin chez Taillefer alternent : – de longues phases descriptives à l’imparfait (pp. 59-69, 71-72) ; – des dialogues (pp. 62-71, 73-75) ; – et le récit d’action au passé simple (pp. 73, 75). # Dans le premier paragraphe dominent : – le passé simple (« se trouva », « fut couverte », « furent prodigués », « permirent », « apportèrent », « furent pillées », « grossirent », « grandit », etc.) ; – et l’imparfait de l’indicatif (« soutenaient et portaient », « étaient rehaussées », « couronnaient », « disaient », « souriaient », « se dandinait », « se battaient », « reparaissaient », « Il y avait », etc.). Le passé simple est ici utilisé pour le récit d’actions ponctuelles accomplies une fois dans le passé, l’imparfait pour la description d’objets, de personnages, de scènes appartenant au passé. Le passé simple indique ici un événement circonscrit dans le passé, tandis que l’imparfait indique un état durable. $ L’extrait présente le dessert, avec, dans l’ordre, les éléments suivants : les fruits, les pâtisseries, les vins (en particulier, le champagne). Il présente aussi les conséquences du festin dans son ensemble, en particulier l’ivresse. Deux sortes d’ivresses sont présentées dans le texte : une ivresse engourdie, le temps du dessert, et une ivresse tapageuse, aussitôt après. % Les deux indicateurs de temps qui soulignent les étapes du dessert dans le premier paragraphe sont la locution adverbiale « de nouveau » et l’adverbe « alors ». & Souvent au XIXe siècle, et encore au XXe siècle, l’« Orient » désigne l’Afrique du Nord, le ProcheOrient et le Moyen-Orient, c’est-à-dire une aire géographique arabe qui va de la Méditerranée à l’Inde. Dans l’extrait, certains fruits sont originaires d’Afrique du Nord ou du Proche-Orient : les dattes, les grenades, en particulier. D’autres sont venus d’Extrême-Orient (« des fruits de la Chine »). Certaines métaphores font, en outre, appel à une réalité d’Orient ou d’Afrique du Nord : « une espèce de mirage intellectuel » (l. 1827), « Les pyramides de fruits » (l. 1829). Enfin, le complément de l’adjectif « d’un conte oriental » mobilise une sorte de comparant oriental. ' Le champ lexical du merveilleux est constitué des éléments suivants : « enchantement » (l. 1807), « féerie » (l. 1825), « philtres » (l. 1826), « enchanteresses », « mirage » (l. 1827). Le texte contient un élément du merveilleux chrétien : « miracles » (l. 1814). ( L’extrait commence par deux tournures passives : « se trouva servi » (l. 1807), « fut couverte » (l. 1808). Comme ces tournures sont employées sans complément d’agent, on a l’impression que les actions se font sans agent effectif, justement, de manière merveilleuse. C’est d’ailleurs ce que souligne dans le premier cas le complément circonstanciel de manière : « comme par enchantement ». On retrouve plus loin dans le paragraphe une forme passive sans complément d’agent : « furent […] prodigués » (l. 1822), et ce passif sans complément d’agent a le même effet. Le dernier passif du paragraphe – « furent pillées » (l. 1829) – est lui aussi employé sans complément d’agent, mais cette absence n’a pas la même valeur. L’absence de complément d’agent ne suggère pas l’absence effective d’agent, mais son indistinction : c’est la troupe indistincte et sauvage des convives qui a agi. ) L’hyperbole se trouve dans la description du dessert sous les formes suivantes : – le champ lexical de la grandeur : « vaste » (l. 1808), « hautes » (l. 1809-) ‡ hyperbole liée à la taille ; – l’accumulation, éventuellement combinée avec l’anaphore : « des buissons de fraises, des ananas » (l. 1811-1815), « par l’éclat de la porcelaine, par des lignes étincelantes d’or » (l. 1817), « l’argent, la nacre, l’or, les cristaux » (l. 1821-1822) ‡ hyperbole liée au nombre et à la variété ; – le superlatif relatif : « les plus friandes […] les plus séductrices » (l. 1815) ‡ hyperbole liée au degré ; – la comparaison : « Le territoire d’un prince allemand » (l. 1820-1821), « digne d’un conte oriental » (l. 1825) ‡ hyperbole liée au degré. Les différentes formes de l’hyperbole suggèrent l’univers excessif et merveilleux du conte. C’est particulièrement vrai du superlatif (voir dans le conte des tournures comme « la plus belle princesse qui fut jamais », « le roi le plus riche », etc.). *+ Le festin entraîne bien évidemment un excès de nourriture et d’alcool. L’ivresse entraîne à son tour d’autres excès, en particulier des excès d’ordre social. Les règles élémentaires de la politesse ne sont plus respectées : on se rue sur la nourriture et on fait force bruit, par exemple. La question insolente qu’Émile pose à Taillefer (« Les avez-vous assassinés ? ») relève du même type d’excès. Il en va de même pour les affirmations blasphématoires répétées de son agnosticisme. La Peau de chagrin – 9 Taillefer ne répond pas directement aux questions que lui pose Émile ; il les élude. Mais il est difficile de savoir à quoi est dû l’aspect biaisé de ses réponses : s’explique-t-il par la ruse de Taillefer ou par son ivresse ? Le narrateur laisse planer le doute, puisqu’il précise que Taillefer a « un air tout à la fois plein de finesse et de bêtise » (l. 1854). En revanche, il est certain qu’Émile est ivre. La première question qu’il pose (« Les avez-vous assassinés ? ») est pleine d’une audace qui ne s’explique que par l’ivresse. Par ailleurs, Émile dialogue avec les autres personnages par association d’idées, et non pas de manière rationnelle, sans expliciter le lien entre les différents propos. C’est un autre signe d’ivresse. *- Que l’orgie entraîne l’inversion de la réalité initiale apparaît bien à travers la figure répétée de l’antithèse (l. 1835-1840) : « gais », « sombres », « rêveurs » ; « mélancoliques », « souriaient », « danseuses » ; « amis intimes », « se battaient ». Les antithèses soulignent les inversions carnavalesques produites par le festin que donne le parvenu Taillefer, issu d’un régime lui-même carnavalesque, dans la mesure où les classes sociales intervertissent leurs rôles sous le règne de Louis-Philippe. *. Dans les théories hugoliennes, le grotesque s’oppose au sublime. Le sublime désigne le spirituel, le beau et ce qui est noble, tandis que le grotesque désigne le corporel, le laid et ce qui est trivial. À cette aune, l’ivresse elle-même est grotesque, dans la mesure où elle abrutit l’esprit. Mais, de façon plus précise, ce sont les éléments qui déforment le visage de Taillefer qui sont grotesques : la « grimace fixe » et les couleurs violentes (sa figure est « rouge et bleu, presque violacée »). Au grotesque du référent correspond aussi une comparaison grotesque, parce qu’elle associe à de l’humain un objet inanimé qui est sans commune mesure avec lui : « des efforts semblables au roulis et au tangage d’un brick ». L’hyperbole rend Taillefer grotesque. */ Les convives sont décrits à travers des images animales : « rugit » (l. 1834), « à la manière des ours en cage » (l. 1840). De façon générale, les convives laissent réapparaître l’animalité qui est en eux, les « ressemblances animales inscrites sur les figures humaines » (l. 1841). Ce burlesque-là relève typiquement du grotesque romantique. *0 Taillefer est un « meurtrier plein d’or » (l. 1857). En effet, Émile a évoqué plus haut (p. 58) les rumeurs selon lesquelles Taillefer « aurait tué, pendant la Révolution, un Allemand et quelques autres personnes qui seraient, dit-on, son meilleur ami et la mère de cet ami ». Taillefer a vraisemblablement profité de la révolution de Juillet pour tuer quelques personnes et s’emparer de leur fortune ; c’est un parvenu qui s’est enrichi pendant cette révolution et au début du règne de Louis-Philippe. Émile fait mine de ne pas croire ces rumeurs. Dans l’extrait, Taillefer pense ne pas risquer de poursuites judiciaires, parce que Louis-Philippe pourrait amnistier les crimes commis lors des événements révolutionnaires (l. 1857). *1 La monarchie de Juillet, d’essence libérale, a favorisé l’essor de la grande bourgeoisie d’affaires, au détriment de l’aristocratie ancestrale. Comme le déclare Émile à Raphaël, le pouvoir est passé « du faubourg Saint-Germain à la chaussée d’Antin » et le gouvernement est constitué d’une « aristocratie de banquiers et d’avocats » (p. 51). Taillefer semble le parfait représentant de cette bourgeoisie d’affaires : c’est un capitaliste qui s’est vraisemblablement enrichi pendant la révolution de Juillet et qui connaît une grande ascension sociale dès les premiers mois du nouveau régime. Par ailleurs, Taillefer fête la création d’un journal d’opposition, mais d’opposition admise. Du point de vue politique, il acquiert donc du pouvoir, puisqu’il représente une force institutionnalisée d’opposition. Mais l’extrait condamne sa promotion et, à travers elle, celle de tous les parvenus de la bourgeoisie. Taillefer est en effet un parvenu grotesque. Le narrateur stigmatise aussi la richesse de ce parvenu de la bourgeoisie : elle est « insolente » parce qu’elle est princière. C’est bien le signe que la bourgeoisie usurpe la place de la noblesse. *2 Émile déclare avoir besoin qu’on lui démontre l’existence de l’enfer. C’est donc qu’il doute de son existence. Or, au XIXe siècle surtout, un bon catholique ne doit pas douter de son existence, pas plus que de celle du paradis, ni du purgatoire. En douter, c’est aller à l’encontre des enseignements de la Bible et de l’Église : c’est donc un blasphème. Par ailleurs, il fait relever de la raison (d’une démonstration mathématique) ce qui relève en fait de la foi, laquelle ne repose pas sur des démonstrations. Selon la doctrine catholique, il commet là une erreur, qui est aussi une faute d’ordre blasphématoire. *3 Émile jette une pièce en l’air en criant : « Face pour Dieu ! » En d’autres termes, Émile fait un pari : si la pièce retombe avec le côté face au-dessus, cela signifie que Dieu existe. Cette désinvolture, qui consiste à croire que Dieu existe en fonction d’un jeu de hasard, est évidemment blasphématoire. *, Réponses aux questions – 10 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 92 à 98) Examen des textes et de l’image ! Les procédés suivants sont communs aux textes A et B : Champ lexical de la grandeur Accumulations Texte A « vaste », « hautes » « des ananas, des dattes fraîches, des raisins jaunes », etc. « les plus séductrices » Texte B « grand » (cierge), « grand » (plateau) « figues, grenades, oranges », etc. « aussi odorantes les unes que les autres » (comparatif à valeur superlative) Les objets suivants sont communs aux textes A et B : or, argent, porcelaine ; fruits variés, vin ; parfums (de vins dans le texte A, de fleurs dans le texte B). " Le dialogue n’avance pas de manière rationnelle, mais par associations de mots, d’idées, et par ruptures complètes. Exemples : – association de mots : « je bois éternellement » ‡ « éternité de beuverie » ‡ « beuverie de toute éternité » ; – association de mots : « entonnons » ‡ « entonnoir » ; – association d’idées : « entonnoir » (objet intermédiaire) ‡ « procuration » (document intermédiaire) ; – ruptures : « procuration ? » ‡ « Mouillez-vous » (rupture). Superlatifs # Texte A « vins », « ivre » « comme un signal donné par le diable », « assemblée en délire » Texte D « vin », « gris », « ivres » « un sabbat de sorciers et de démons » « Sa large figure, devenue rouge et bleu, presque « dans une orgie caractéristique, le rouge devenait violacée » pourpre, et le pourpre violet » emploi d’hyperboles et du superlatif « les plus emploi de l’expression « de très superlatif » séductrices » $ Le texte D imite d’autres textes, mais pour s’en moquer : – le 2e paragraphe reprend les éléments caractéristiques d’un début de festin littéraire (premières agapes, quasi silence), mais s’en moque en y mêlant des termes corporels comme « déglutition » et « mastication », qui donnent une tonalité burlesque au passage ; – le convive qui déclare : « J’ai déjà bu deux ou trois bouteilles » évoque un jeu de couleurs décrit par Eugène Sue ; mais il instaure un décalage ironique avec les lignes du texte de Sue, d’abord en les rapportant dans un raccourci qui les rend excessives et grotesques, ensuite en les déformant, car Sue n’a sans doute rien dit de tel ; il a dû se contenter de décrire des couleurs, sans en tirer de lois générales ; – le dernier paragraphe repose sur une prétérition : le narrateur dit qu’il n’emploie pas telle formule qui est une citation de Balzac, mais, ce faisant, l’emploie tout de même – ce qui a quelque chose de désinvolte à l’égard de la citation de Balzac – ; puis il remplace la citation poétique de Balzac par sa traduction en langage très prosaïque – ce qui est proprement burlesque. % Le texte E est satirique dans la mesure où il présente sous un jour grotesque (voir les références aux manifestations physiques de l’excès de nourriture, de boisson, de chaleur) et critique (les hommes à la rosette sont présentés comme une « bande », le parvenu Saccard cherche à faire alliance avec l’aristocrate Gouraud) la société bourgeoise et aristocratique qui fréquente les salons d’Aristide Saccard. & Sur le document, on devine une abondance de nourriture dans le plat situé au centre des convives et dans l’assiette placée devant eux. L’on voit aussi des coupes, sans aucun doute pleines de vin. Par ailleurs, étant donné la richesse de ce banquet, manifeste à travers le nombre des convives et des serviteurs, on peut penser que les coupes, les assiettes, le plat sont en métal précieux, d’or ou d’argent. Tous ces éléments (la nourriture, le vin, les métaux précieux) s’observent aussi dans le texte A. La Peau de chagrin – 11 Travaux d’écriture Question préliminaire Les scènes de beuveries et de festins dans la littérature recourent aux éléments stéréotypés suivants : – abondance de nourritures et de vins (textes A, B, D, E) ; – ivresse et manifestations de l’ivresse : visage rubicond (textes A, D), propos décousus (textes A, C) ; – vaisselle d’or, d’argent, de porcelaine (textes A, B, E) ; – nappe blanche (texte D) ; – image du sabbat (textes A, D) ; – hyperboles : champ lexical de la grandeur, énumérations, superlatifs (textes A, B) ; – merveilleux et univers du conte, éventuellement oriental (texte A, B). Commentaire Introduction L’extrait de La Curée présente un thème et une construction très simples. Cette simplicité met en valeur la satire des « gens du monde ». La satire repose en particulier sur les sous-entendus. 1. Une organisation simple A. Un thème facilement identifiable : l’ivresse de fin de festin • Champ lexical de l’ivresse (« ivresse », « se grisent », « avait bu et mangé », « avoir grisé »). • Champ lexical du festin. B. Un texte descriptif • Moyen : imparfaits de l’indicatif à valeur durative. • Objet : les symptômes de l’ivresse. C. Une construction nette : des objets aux groupes et des groupes aux personnes La table ‡ les convives ‡ les hommes, les dames ‡ Aristide Saccard, le baron Gouraud. 2. La satire A. Valeur générale de la satire Le texte a une valeur générale qui dépasse le cas particulier du festin donné par Aristide Saccard, comme le montre la structure généralisante « cette ivresse […] des gens du monde qui se grisent » : démonstratif déictique et présent de vérité générale. B. Les cibles de la satire • La bourgeoisie parvenue. • L’aristocratie qui s’acoquine avec la bourgeoisie. C. Les moyens de la satire • L’oxymore soulignant un paradoxe ironique : « grisé honnêtement ». • Le registre grotesque (dernières lignes du texte). • Pronom on dans « On avait bu et mangé beaucoup », qui rend indistincts et prive d’identité les convives. 3. Une arme particulière : l’insinuation A. Ambiguïté ironique Celle des symptômes de l’ivresse chez les « dames » : ivresse ou volupté ? Cette ambiguïté permet de sous-entendre que le festin est une métaphore de l’orgie sexuelle qui prévaut parmi les « gens du monde ». B. Le regard Le regard que Saccard porte sur le baron Gouraud est presque amoureux (« il contemplait, avec une tendresse respectueuse »). Cela suggère que le désir de Saccard est dévoyé : ce qui intéresse le désir de Saccard, ce n’est pas la personnalité du baron mais son groupe social. C. Description et modélisation Le texte est à la fois la description d’une scène de banquet et la modélisation de ce qu’est la bourgeoisie en toute occasion : si les convives ont le « regard vide » lors du banquet, c’est qu’ils ont en fait toujours tendance à avoir le regard vide, même en dehors du banquet. Le narrateur insinue que ce sont des imbéciles. Réponses aux questions – 12 Conclusion Un texte de prime abord simple : simplicité du sujet, simplicité du but satirique ; mais plus complexe qu’il n’en a l’air : les outils de la satire sont nombreux et variés, d’une part, et, d’autre part, la satire repose sur des sous-entendus ironiques qui peuvent aisément passer inaperçus. Dissertation Introduction La littérature abonde en clichés de toutes sortes. Mais les auteurs jouent des stéréotypes, qui peuvent devenir un matériau pour l’écriture de leurs œuvres. Toutefois, la littérature s’est aussi assigné pour but de dénoncer le pouvoir des clichés sur l’esprit des lecteurs. 1. Les différents types de clichés en littérature A. Clichés thématiques • Propres à une école littéraire : les ruines romantiques (Rousseau, préromantique, Nerval), la mélancolie romantique, l’orgie du romantisme échevelé (voir texte D du corpus). • Propres à un auteur : le clair de lune chez Chateaubriand. B. Clichés stylistiques • Propres à une école littéraire : l’image incongrue du surréalisme. • Propres à un auteur : l’oxymore chez Balzac, la liste descriptive chez Zola. C. Clichés génériques Exemples : la stichomythie tragique, le dénouement heureux de la comédie, le catalogue des combattants et des armes dans l’épopée, la pointe du sonnet baroque. 2. Le jeu avec les clichés A. Les imitations : parodie (imitation avec humour), pastiche (simple imitation) • Le texte D du corpus parodie les clichés du festin romantique. • Les pastiches écrits par Proust et recueillis dans Pastiches et Mélanges imitent les clichés propres à plusieurs auteurs. • Le « Sonnet » de Charles-Timoléon de Sigogne (p. 241) parodie les sonnets baroques galants et détournent les clichés de la poésie galante. • Parfois, la parodie devient franchement agressive contre les auteurs de clichés. C’est le cas de la pièce de Molière Les Précieuses ridicules, qui tourne en dérision les circonvolutions imagées des Précieuses, vues comme stéréotypées. B. Un travail plus complexe Le texte des Misérables de Hugo où Cosette va chercher de l’eau à la fontaine fait apparaître la lune, mais cette lune n’a rien de la lune poétique du romantisme : c’est une lune qui effraie la petite. Hugo prend le contre-pied du cliché romantique. 3. La dénonciation des clichés littéraires en tant que tels A. La dénonciation du « bovarysme » La littérature dénonce souvent les clichés littéraires qui, intériorisés par les lecteurs, informent leurs manières de penser et même de s’émouvoir. Le roman de Flaubert Madame Bovary en est le plus bel exemple : la tête d’Emma Bovary est toute pleine des lectures qu’elle a faites dans sa jeunesse – lectures romantiques, lectures galantes – et elle ne rêve que des clichés que ces lectures présentaient : clair de lune, enlèvement, beaux messieurs, etc. Elle est victime du « bovarysme », ou insatisfaction face au réel, qui n’est pas à la mesure de l’imaginaire façonné par les clichés littéraires. On trouve un autre exemple de « bovarysme » dans Les Cloches de Bâle d’Aragon, où le personnage de Catherine a un imaginaire tout empli de rêveries romantiques et exotiques. B. La rupture avec « l’horizon d’attente » Par ailleurs, on sait, depuis les travaux de Jauss sur la réception littéraire, que les lecteurs sont avides de lire des œuvres qui ne les dépaysent pas complètement, mais que le propre d’une grande œuvre, d’une œuvre innovante est de rompre avec un « horizon d’attente » pour créer du neuf. Le propre d’une grande œuvre est sans doute d’être imitée à son tour et de fonder de nouveaux clichés. La Peau de chagrin – 13 Conclusion La littérature recourt bien souvent à des clichés, ne serait-ce que parce que les œuvres s’inscrivent la plupart du temps dans un genre et une école bien définis. Mais le propre d’une grande œuvre est soit de dénoncer les prestiges des clichés littéraires, soit de rompre avec eux. Écriture d’invention On veillera surtout à deux points : – les élèves doivent décrire un festin en recourant à plusieurs des stéréotypes mis en lumière précédemment ; – leur travail ne doit pas être une simple description ; cette dernière doit être animée par une intention : par exemple, construire un univers merveilleux et/ou faire la satire des convives. E x t r a i t d e « L a F e m m e s a n s c œ u r ( p . 1 4 7 , l . 1 5 5 3 à 1 5 7 6 ) » ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 157-158) Le passé simple « j’admirai » est précédé du plus-que-parfait « n’avais-je point […] examiné ». Ce plusque-parfait indique un état qui dure, antérieur à un événement passé venu l’interrompre. Cet événement, c’est l’admiration du narrateur. Comme ce passé simple indique un événement qui est venu interrompre un état durable, on dit qu’il est « disruptif ». Par ailleurs, l’aspect « disruptif » est également teinté d’un aspect « inchoatif » : le passé simple « j’admirai » indique aussi le début de l’admiration dans le passé. " L’imparfait domine ensuite. Il a une valeur descriptive ; il souligne un état durable. # La description se trouve annoncée par des mots comme « scène » (l. 1554) et « tableau » (l. 1556). Elle commence vraiment avec « La mère, assise au coin du feu » (l. 1557-1558) et s’achève avec « entre les choses et les personnes » (l. 1569). Constituent la description : – la récurrence de l’imparfait descriptif et duratif ; – des indications de lieu qui soulignent l’organisation spatiale : « au milieu de cette salle » (l. 1555), « au coin d’un foyer » (l. 1558) ; – des indications chromatiques (voir réponse à la question 6). Ensuite vient un commentaire moral sous forme de comparaison – ce que montre le champ lexical de l’éthique : « le luxe […] sec » (l. 1570), « mauvaises pensées », « humble », « bon naturel » (l. 1571)… Mais dans la description déjà affleure le commentaire moral car le champ lexical de l’éthique y apparaît : « bon » (l. 1559), « résignation religieuse » (l. 1567), « sentiments élevés » (l. 1568). $ On relève les antithèses suivantes : – « luxe » / « misère » ; – « sec » / « rafraîchissaient » ; – « mauvaises pensées » / « bon naturel ». On relève aussi l’opposition « pensées » / « âme » et « cœur ». Les antithèses opposent l’univers de la mondanité et de l’esprit dévoyé au monde des valeurs rousseauistes et chrétiennes, fait de pauvreté et de charité. % Le champ lexical de la contemplation est constitué des éléments suivants : « examiné », « regards » (l. 1554), « admirai » (l. 1555), « parlaient aux yeux » (l. 1560) ; celui de la peinture, des éléments suivants : « tableau » (l. 1556), « reproduite », « peintres flamands » (l. 1557), « coloriait » (l. 1559), « couleurs », « pinceaux » (l. 1560). L’extrait présente une sorte de mise en abyme. La scène est une peinture, et, à l’intérieur de cette scène, le personnage de Pauline fait de la peinture. Le champ lexical sert à décrire aussi bien la scène que l’activité du personnage. & Les indications chromatiques explicites sont les suivantes : « ses couleurs, ses pinceaux […] parlaient aux yeux par de piquants effets » (l. 1559-1561), « sa blanche figure » (l. 1562), « ses mains […] roses » (l. 1564), « cette salle brune » (l. 1573). On trouve aussi des indications de jeux de lumières : « foyer à demi éteint » (l. 1558), « en recevait toute la lumière » (l. 1562-1563), « ses mains transparentes » (l. 1564). ! Réponses aux questions – 14 Le tableau de genre s’oppose à la peinture d’histoire. Il recouvre trois sortes de représentations : la nature morte, les animaux et surtout la scène intérieure et intimiste. Dans l’extrait, Raphaël observe bien une telle scène : c’est une scène familiale, campant une mère et sa fille adolescente travaillant au coin du feu ; l’une tricote des bas, l’autre peint des éventails. Raphaël souligne lui-même ce qu’a d’intimiste et de prosaïque cette scène et il la décrit comme un tableau. Il n’y a rien qui se rapproche de la peinture d’histoire dans cette scène. ( Le verbe latin adorare signifie « adresser des prières (à un dieu) ». Le verbe français qui en est issu a gardé ce sens dans certains emplois et signifie alors « rendre un culte (à un dieu) ». C’est bien ce sens qui prévaut dans l’extrait, étant donné les connotations religieuses d’autres mots, tels que « virginale » ou « mains transparentes ». Le mot charme, quant à lui, provient du nom latin carmen, qui signifie « chant, poème », et plus particulièrement « formule magique, chant incantatoire, ensorcellement ». Charme garde, dans certains cas, le sens d’« envoûtement ». Étant donné que Raphaël se décrit dans la situation d’un fidèle qui adore une divinité merveilleuse, c’est bien ce dernier sens qui prévaut dans l’extrait. ) On trouve deux indications concernant la lumière : la présence du foyer et la lampe qu’allume Pauline. Le foyer « à demi éteint » (l. 1558) atteste la modestie de la scène et la pauvreté de Mme Gaudin. Il a donc une signification sociale et économique. En ce qui concerne la lampe (l. 1562), Pauline l’allume et son visage en reçoit « toute la lumière » (l. 1563). On notera tout d’abord qu’il s’agit de la lampe de Raphaël, que celui-ci est venu chercher dans la salle où travaillent les deux femmes à son retour à l’hôtel Saint-Quentin. Cette lampe symbolise le charme de Raphaël qui irradie Pauline et auquel elle succombe. La lampe est un objet à la fois métonymique (il appartient à Raphaël) et métaphorique (il représente le charme de Raphaël). Mais la lampe a aussi une signification religieuse : sa lumière transforme Pauline en une sainte, voire en la Vierge (cf. sa « virginale attitude »). Dans quelle mesure Pauline est-elle une sainte ? Dans la mesure où l’amour intense et chaste qu’elle éprouve pour Raphaël la sanctifie, tout d’abord. La lumière de la lampe a quelque chose de divin, comme tout amour pour le christianisme. Pauline est aussi une sainte en raison de la noblesse de son caractère, de sa générosité et de sa résignation (elle est pauvre et laborieuse). *+ Une allégorie est une image ou une scène comportant un ou des personnages, un ou des objets, qui exprime(nt) une idée abstraite. Une allégorie chrétienne est un tableau qui exprime une idée liée au christianisme. Dans l’extrait, on trouve deux femmes en train de travailler dans un intérieur très modeste, avec une lampe qui éclaire l’une d’elles. Raphaël lui-même souligne la signification religieuse du tableau : il atteste « une résignation religieuse pleine de sentiments élevés » (l. 1567-1568). En quoi la résignation des deux femmes est-elle « religieuse » ? Les deux femmes ont été riches, avant que M. Gaudin ne disparaisse lors des guerres napoléoniennes. Elles acceptent leur sort nouveau, leur pauvreté avec résignation, et cette résignation est religieuse dans la mesure où leur sort est dû à la volonté de Dieu. Par ailleurs, les deux femmes semblent posséder deux vertus chrétiennes cardinales, le courage et la tempérance, et aussi d’autres vertus comme la générosité. *, Les deux femmes possèdent le courage et la tempérance mais aussi la patience et l’honnêteté. Ce sont des vertus rousseauistes, propres à l’état antérieur à l’établissement des sociétés amollissantes. Voici ce qu’on lit en effet dans le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1754) : « En devenant sociable et esclave, il [l’homme] devint faible, craintif, rampant, et sa manière de vivre molle et efféminée achève d’énerver à la fois sa force et son courage. » Plus loin : « Dans ce nouvel état, avec une vie simple et solitaire, des besoins très bornés, et les instruments qu’ils avaient inventés pour y pourvoir, les hommes jouissant d’un fort grand loisir l’employèrent à se procurer plusieurs sortes de commodités inconnues à leurs pères ; et ce fut là le premier joug qu’ils s’imposèrent sans y songer, et la première source de maux qu’ils préparèrent à leurs descendants ; car outre qu’ils continuèrent ainsi à s’amollir le corps et l’esprit, ces commodités ayant par l’habitude perdu presque tout leur agrément, et étant en même temps dégénérées en de vrais besoins, la privation en devint beaucoup plus cruelle que la possession n’en était douce, et l’on était malheureux de les perdre, sans être heureux de les posséder. » *- On a relevé plus haut les antithèses de la fin de l’extrait. Elles opposent le monde dévoyé de la mondanité (le luxe, les mauvaises pensées) au monde humble où vivent les deux femmes et qui correspond presque à l’univers antérieur à l’établissement de la culture et de la civilisation tel que le décrit Rousseau dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1754). *. L’expression « bon naturel », qui souligne la bonté d’une âme que n’a pas dévoyée la richesse, fait penser à l’expression rousseauiste « bon sauvage », dont l’âme n’a pas été dévoyée par le goût de la propriété et du luxe. ' La Peau de chagrin – 15 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 159 à 163) Examen des textes et de l’image ! Dans le texte de Rousseau, il est question : – d’une activité qui a lieu le soir ; – d’une veillée active, pendant laquelle on travaille ; – d’une scène qui exerce un « charme » ; – d’une scène aux nombreuses vertus (simplicité, tranquillité) ; – d’une scène qui fait du bien à l’âme et au cœur (« sentiment de paix qu’elle porte à l’âme », « attendrissant »). Tous ces éléments se retrouvent dans le texte de Balzac. " Dans le texte de Vercors, comme dans ceux de Balzac et de Rousseau, il est question d’une veillée active (d’ailleurs, on trouve une femme qui tricote chez Balzac et Vercors). En revanche, le texte de Vercors n’est pas empreint de vertus rousseauistes ni chrétiennes qui puissent rafraîchir l’âme ou le cœur. Bien au contraire, y règne la « pesanteur ». Par ailleurs, l’officier allemand s’accroupit « avec difficulté », puis se lève et reste immobile : on est loin du tranquille mouvement des veillées actives de Rousseau et de Balzac. # Le tableau L’Éducation de la Vierge présente une scène intérieure à deux personnages seulement, qui se livrent à une activité familière : une mère enseigne la lecture à sa fille. Le faible nombre de personnages et le caractère intime de la scène font du tableau une scène de genre. A contrario, ce n’est pas une scène historique. $ Dans le texte A et dans le tableau, on note la présence de la lumière – une lanterne dans le texte de Balzac, une bougie dans le tableau attribué à Georges de La Tour. La lumière a une signification religieuse dans la Bible et surtout dans le Nouveau Testament : la lumière (« lux ») y est souvent celle de Dieu ou du Christ. Dans le texte de Balzac, la lumière fait de Pauline une sainte, tandis que, dans le tableau attribué à La Tour, elle désigne la sainte. Par ailleurs, dans le tableau comme dans le texte de Balzac, l’atmosphère est paisible et tranquille, et les personnages sont calmes et vêtus modestement. Travaux d’écriture Question préliminaire La description ou la peinture d’une veillée tiennent du tableau de genre quand on y trouve les éléments suivants : – un cadre familier (une pièce à l’intérieur d’une maison, par exemple) ; – des activités familières (menus travaux domestiques, conversation) ; – des personnages aux liens étroits (liens de parenté ou lien de maître à serviteur) ; – une atmosphère intime (au coin du feu, à la lumière d’une bougie) ; – un nombre réduit de personnages (le plus souvent). La description ou la peinture d’une veillée tiennent de la scène à portée religieuse quand on y trouve les éléments suivants : – des éléments symboliques ou allégoriques (comme la lumière d’une bougie) ; – des valeurs chrétiennes (foi, résignation, paix, etc.) ; – des personnages de la mythologie chrétienne (la Vierge, par exemple) ou que des images textuelles rendent saints. Commentaire Introduction Le Silence de la mer a été publié clandestinement en 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale. Soir après soir, dans le roman, un officier allemand monologue en présence des deux Français dont il occupe la maison. L’œuvre décrit donc des veillées traditionnelles perturbées par la présence de l’Allemand. Cette présence étrangère met en valeur l’attitude noble des deux Français et souligne qu’il est des Allemands qui sont loin de l’image caricaturale qu’on peut avoir d’eux. 1. Une scène de veillée traditionnelle mais rendue étrange A. Une scène de genre… • Une atmosphère intime : trois personnages au coin du feu. Réponses aux questions – 16 • Deux personnages aux liens étroits : un oncle et sa nièce. • Un nombre réduit de personnages : 3. • Un cadre familier : un salon. • Des activités familières : la nièce tricote, l’officier allemand discute. B. … perturbée par des éléments non traditionnels • Un personnage non familier et étranger : l’officier allemand ; le caractère étranger de ce personnage est très sensible dans son monologue, tissu de tournures maladroites (« Les arbres sont des sapins », « des forêts serrées », « la neige dessus », etc.). • Pas d’atmosphère de paix : l’activité de la nièce est « mécanique » et l’officier allemand se meut « avec difficulté ». • Pas de conversation : alternance du monologue de l’Allemand et du silence, deux fois souligné (« la pesanteur de notre silence », « silencieusement ») ‡ passage qui justifie deux fois le titre de l’œuvre. 2. Un texte doublement militant A. Exaltation de la France et des Français • Discours élogieux de l’Allemand sur la France : ce discours ne fait l’objet d’aucune prise de distance de la part du narrateur ni des personnages – ce qui laisse supposer qu’il rejoint leur opinion, et vraisemblablement celle de Vercors. Le discours de l’Allemand repose sur un topos, celui de l’esprit français, la France étant la nation par excellence des écrivains et des Lumières. • Dignité des deux Français, qui refusent de dialoguer avec l’Allemand et de lui proposer un siège ; la nièce refuse même de le regarder. B. Réhabilitation d’une certaine Allemagne à travers la figure de l’officier allemand • Un officier allemand cultivé et ouvert à la culture d’un autre pays, et qui ne reprend pas les lieux communs nazis sur la France (terre agricole). • Un officier allemand qui se refuse à toute forme de familiarité (« il ne fit rien, jamais, qui pût passer pour de la familiarité »). ‡ Réhabilitation des Allemands non nazis. Conclusion Le Silence de la mer a été publié clandestinement en 1942, et pour cause : il exalte l’attitude noble de deux Français qui se refusent à toute communication, à toute collaboration, si minime soit-elle, avec l’occupant allemand, et met en scène un Allemand qui est loin de l’orthodoxie nazie. Dissertation Introduction La diversité des interprétations fait partie de l’œuvre littéraire. On se penchera d’abord sur des exemples multiples d’œuvres littéraires, empruntés à tous les genres et à toutes les époques, pour montrer que la polysémie est intrinsèque à la littérature. Dans un second temps, on verra qu’une œuvre peut proposer une pluralité de sens à bricoler ou bien viser à la monosémie. Mais, même dans ce dernier cas, la critique montre que la monosémie est quasiment impossible à atteindre. 1. La diversité des interprétations, phénomène intrinsèque à la littérature Il s’agit, dans cette partie, d’établir le phénomène de la diversité des interprétations des œuvres littéraires. A. Un phénomène présent à toutes les époques B. Un phénomène aux multiples aspects On pourra placer dans A et B les exemples suivants : – Lorenzaccio de Musset : un pièce historique parlant de la politique florentine pendant la Renaissance ET une transposition de la révolution manquée de Juillet 1830 ; une œuvre politique ET une étude psychologique du héros romantique. – La Peau de chagrin de Balzac : une œuvre philosophique sur la volonté qui épuise les forces de vie ET une étude de mœurs sur un « Jeune France » romantique. – Madame Bovary de Flaubert : une peinture sociologique de la vie de province ET une critique de la stéréotypie mentale, du bovarysme, des esprits modelés par les clichés littéraires. La Peau de chagrin – 17 – Le « Sonnet » de Charles-Timoléon de Sigogne (p. 241) : la satire d’une vieille femme ET la satire des sonnets galants stéréotypés. – Les Fables de La Fontaine : des fables pour enfants, écrites pour le Dauphin, ET une peinture détournée de la vie de la Cour (par exemple, dans « La Cigale et la Fourmi », la cigale représente le poète qui demande au roi une pension). – Les Contes de Voltaire : des contes à la manière des contes pour enfants E T des œuvres philosophiques pour adultes. 2. Œuvre ouverte versus œuvre close La polysémie des interprétations fait partie de l’œuvre littéraire. Mais des œuvres littéraires visent à réduire cette polysémie. A. Typologie des œuvres ouvertes • Œuvre polysémique. • Œuvre à plusieurs publics. • Œuvre dont le sens est à bricoler : exemple des œuvres surréalistes, dont le sens est à construire, à élaborer de manière ludique (ex. : Le Paysan de Paris d’Aragon ou La Liberté ou l’Amour ! de Desnos). B. Des œuvres closes Certaines œuvres littéraires visent à la monosémie. C’est le cas, en particulier, des romans à thèse, qu’a étudiés Susan R. Suleiman dans Le Roman à thèse ou l’Autorité fictive (PUF, 1983). Mais Susan Suleiman montre que, même dans un roman à thèse, il reste des indices de polysémie. Conclusion Avec le récit surréaliste et le roman à thèse, l’on tient les deux extrêmes de l’interprétation littéraire : d’un côté, un groupe d’œuvres qui visent à la polysémie, à être toujours ouvertes ; de l’autre, des textes qui visent à la monosémie et à la clôture. Pourtant, la polysémie systématique finit par faire thèse, par signifier un sens unique, à savoir la nécessité de rompre avec la rationalité close occidentale ; quant au roman à thèse, même si la monosémie y est une visée, elle n’est que rarement atteinte. Écriture d’invention La difficulté de ce travail d’invention tient au fait qu’il faut donner une signification à la description de la scène de veillée. On veillera à ce que le travail des élèves mette en valeur la portée religieuse de la scène ou en fasse une scène de genre. ( p . E x t r a i t d e « L ’ A g o n i e » 2 3 3 , l . 3 7 8 , à p . 2 3 5 , l . 4 2 6 ) ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 237 à 239) Le récit a une fonction descriptive que souligne l’usage de l’imparfait de l’indicatif et une fonction narrative que souligne l’usage du passé simple. " Les deux étapes du portrait physique du vieillard sont : – la description de sa tête (l. 386-403) : chevelure, visage, yeux ; – la description de ses habits et de son allure (l. 403-415) : cravate, bottes, éperons, habit ; démarche, charpente. # On distingue trois phases dans l’attitude de Raphaël à l’égard du vieillard : – il considère d’abord le vieillard comme grotesque et burlesque (l. 386-403), surtout en raison d’un usage abusif des cosmétiques, de sorte que le texte abonde en termes péjoratifs : « vaniteusement » (l. 388), « trop » (l. 389), « violâtre », « fausse » (l. 390), « décrépitude » (l. 395) ; – ensuite, son point de vue devient plus favorable (l. 403-415), de sorte que le texte comprend des évaluations positives, des termes mélioratifs : « bien cravaté » (l. 404), « élégant habit », « soigneusement » (l. 408), « forte charpente » (l. 409), « pleine de vie » (l. 410), « vieux Rembrandt » (l. 412) ; – enfin vient une sorte de conclusion morale, où Raphaël voit le vieillard comme un personnage fantastique et inquiétant (l. 416-426). ! Réponses aux questions – 18 On trouve dans l’extrait le groupe de démonstratifs suivants : « cet être bizarre » (l. 385), « Cette enluminure » (l. 394), « cette tête » (l. 397), « ce petit vieux sec » (l. 404), « Cette espèce de poupée » (l. 410), « Cette comparaison » (l. 413), « ce fantastique personnage » (l. 416), « cet homme » (l. 419). Dans tous ces cas, l’adjectif a une valeur anaphorique : il sert à désigner un personnage ou un objet déjà apparu dans le récit du narrateur. Le démonstratif assure donc la cohésion du récit du narrateur. Mais, dans la mesure où la presque totalité de l’extrait relève du point de vue de Raphaël, le démonstratif désigne aussi ce que voit Raphaël. Il a donc une valeur déictique à l’intérieur du point de vue de Raphaël : il sert à désigner une réalité extérieure à Raphaël et observée par lui. Dans « ces grotesques figures » (l. 398), l’adjectif démonstratif a une valeur référentielle, déictique : il sert à désigner une réalité extérieure au récit fait par le narrateur. % Raphaël contemple le vieillard « comme un vieux Rembrandt enfumé » (l. 412), et cette « comparaison lui [fait] retrouver la trace de la vérité dans ses souvenirs confus : il reconn[aî]t le marchand de curiosités » (l. 413415). Pourquoi cela ? Quand Raphaël voit le vieillard pour la première fois (première partie, p. 35), le narrateur précise que la physionomie du marchand juif fait croire au jeune homme « que le Peseur d’or de Gérard Dow était sorti de son cadre » (p. 35, l. 778). Or Gérard Dow est un peintre hollandais (1613-1675) qui a été l’élève de Rembrandt (1606-1669) et qui lui a emprunté sa manière. Donc, quand, lors de la seconde entrevue, Raphaël compare le vieillard à un Rembrandt, cela lui rappelle le marchand juif de la première partie, qu’il avait comparé à un Gérard Dow, imitateur de Rembrandt. & Les lignes 378-384 abondent en figures de style qui sont autant d’armes au service de la satire politique : – l’oxymore « vieux élégants » souligne un paradoxe et un aspect burlesque ; – l’antithèse « d’anciens et de nouveaux ministres » souligne la collusion d’hommes politiques qui devraient pourtant être ennemis ; – l’expression « des pairs sans pairie, et des pairies sans pair », qui comprend à la fois un chiasme, un polyptote et une allitération, souligne l’absurdité d’un régime politique qui a aboli la pairie héréditaire ; – la présence « de spéculateurs et de journalistes » au milieu de ministres et de pairs est un paradoxe qui montre les errements d’un régime qui a produit une société mêlée, ne conservant pas les anciens clivages. ' Les différents moyens dépréciatifs mis en œuvre pour décrire le vieillard sont : – le lexique péjoratif : « vaniteusement » (l. 388), « fausse » (l. 390), « la ruse et l’inquiétude » (l. 394), « fat » (l. 409) ; « visage étroit et plat » (l. 392), « décrépitude » (l. 395), « menton pointu », « front proéminent » (l. 397) ; – le suffixe dépréciatif -âtre de « violâtre » (l. 390) ; – le superlatif absolu « trop blanche », qui indique un excès (l. 389) ; – l’oxymore « vieil Adonis » (l. 400) : voir question 10 ; – les images « Cette enluminure » (l. 394) et « semblable à ces grotesques figures » (l. 398) ; – l’euphémisme teinté d’ironie « assez semblable » (l. 397) ; – la tournure dépréciative « espèce de poupée » (l. 410). ( Raphaël s’exclame : « Quelle admirable peinture ! » (l. 386-387). Le passage qui suit immédiatement, dans lequel est décrite la tête du vieillard (l. 387-403), empêche de voir autre chose qu’une antiphrase ironique dans cette exclamation. Mais le passage où se trouvent décrits les habits et l’allure du vieillard (l. 403-415) montre que Raphaël porte aussi un regard admiratif sur le marchand juif. Par conséquent, l’exclamation de Raphaël est ambiguë. Cette ambiguïté montre qu’il est difficile de définir le vieillard de manière univoque. Cela apparaît aussi dans la comparaison avec un Rembrandt : le marchand ressemble à un tableau enfumé, certes, mais ce tableau est tout de même un Rembrandt ! ) Le portrait comprend un lexique moral. Ce lexique est tantôt dépréciatif, tantôt mélioratif, tantôt ambigu : – dépréciatif : « vaniteusement » (l. 388), « fat » (l. 409) ; – mélioratif : « rien de gêné, ni d’artificiel » (l. 407), « élégant » (l. 408) ; – ambigu : « la ruse » (l. 394). *+ L’expression « vieil Adonis » est un oxymore : les deux termes sont contradictoires. L’association des deux termes est donc paradoxale et souligne l’anormalité du personnage ainsi désigné. Elle rend le personnage burlesque et est au service de la satire. On notera que l’oxymore est récurrent chez Balzac et sert souvent à désigner une réalité burlesque ou anormale. Voir, par exemple, « roi constitutionnel », « roi-citoyen », « sépulcre aérien », etc. *, Le champ lexical de la peinture est constitué des éléments suivants : « peinture » (l. 387), « teints en noir » (l. 388-389), « couleur violâtre », « teintes » (l. 390-391), « couches de rouge et de blanc » (l. 393), « enluminure » (l. 394), « un vieux Rembrandt » (l. 412), « peintres » (l. 420). $ La Peau de chagrin – 19 Le champ lexical du merveilleux est constitué des éléments suivants : « charmes » (l. 411, avec le sens de « plaisirs » et de « sortilèges »), « apparition » (l. 411, merveilleux catholique), « fantastique » (l. 416), « démon », « sortilèges » (l. 422). *. L’expression « un rire muet » est un oxymore. Cet oxymore fait du personnage du vieillard un personnage étrange, inquiétant et surnaturel. */ Le merveilleux apparaît d’abord dans le texte sous une forme positive et rassurante : « charmes », « apparition » (l. 411). Mais le « rire muet » fait basculer le merveilleux vers un fantastique inquiétant, où il est question de « Méphistophélès » (l. 420), du « démon », de « sortilèges » (l. 422). *0 Au moment précis où Raphaël compare le vieillard à Méphistophélès, son esprit – un esprit « fort », peu enclin à se laisser emporter à croire – se trouve envahi de superstitions. C’est le paradoxe de cet esprit fort qui se met pourtant à croire qui est merveilleux et surnaturel. Les passés simples de l’indicatif « s’emparèrent » et « crut » (l. 421) soulignent la rapidité du processus et donc ce qu’a de surnaturel l’effet de la comparaison. *- ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 240 à 246) Examen des textes et de l’image ! Dans de nombreux poèmes, le poète, un homme, énumère les parties du visage et du corps d’une jeune femme et en exalte la beauté à travers des images flatteuses : ses yeux font pâlir le soleil, ses lèvres sont de corail, son cou est plus souple que celui d’un cygne, son teint est d’albâtre, etc. Le « Sonnet » de Charles-Timoléon de Sigogne suit cette organisation sous forme de catalogue, mais à propos d’une vieille femme, pour en montrer la laideur, et par le truchement d’images grotesques et insultantes. " Dans le texte de Balzac, le vieillard qu’observe Raphaël n’est pas dépourvu de caractéristiques positives : son habit est élégant et il est fortement charpenté. Ce sont des traits que l’on retrouve dans le tableau de Rembrandt, bien connu par ailleurs pour ses portraits de vieillards. Mais, aussi, Raphaël contemple le vieillard juif comme « un vieux Rembrandt enfumé ». De fait, les tableaux de Rembrandt sont souvent obscurs, que ce soit dû à une volonté de Rembrandt ou à la fumée des bougies qui éclairaient les tableaux au fil des siècles. Le marchand juif est habillé de sombre, et c’est cela qui rappelle Rembrandt à Raphaël. # Le grotesque romantique met l’accent sur le corps dans ce qu’il a de périssable, de trivial, voire de laid, éventuellement, et l’oppose au sublime, domaine de l’esprit, de la beauté, de la grandeur. Or c’est bien le corps périssable et laid de la vieille que le poète montre dans « Le Désespoir de la vieille » : elle est « ratatinée », « sans dents et sans cheveux », « décrépite ». $ Le portrait du vieillard juif de Balzac est ambigu (voir ci-dessus). Il en va de même du portrait qu’a brossé Aragon. D’une part, il comprend des éléments grotesques, comme les « doigts courts et boudinés », le visage « bouffi », « le teint pas net », etc., soulignés par des termes du registre familier (« boudinés », « bouffi »). Mais, d’autre part, il comprend aussi des éléments positifs, comme les vêtements typiques d’un homme du monde (la redingote, le haut-de-forme, le col dur, la cravate blanche) et la prestesse. Travaux d’écriture Question préliminaire Le portrait d’un vieillard peut avoir les valeurs suivantes : positives (portrait de Rembrandt) ; négatives (textes B et C) ; ambiguës (textes A et D). Il peut avoir les fonctions suivantes : la satire (textes A et B) ; l’éloge (image) ; la portée existentielle et tragique (textes C et D). Commentaire Introduction Le passage tiré des Voyageurs de l’impériale est simple, de prime abord. Il s’agit du portrait de deux personnages âgés, portrait assez traditionnel. Pourtant, un élément vient rompre cette simplicité : il s’agit de l’ambiguïté de la satire. Satirique par certains aspects, l’extrait présenté échappe par d’autres éléments à la pure satire. C’est que le narrateur est proche de ses personnages – ce qui empêche la distance nécessaire à la satire. Réponses aux questions – 20 1. La simplicité du passage A. Simplicité de l’organisation et des thèmes du passage La structure du texte est très lisible : – arrivée de l’homme dans la maison close ; – double portrait de l’homme et de la patronne ; – développement du portrait de l’homme. B. Simplicité des portraits • Les éléments des portraits sont des plus ordinaires pour un portrait : vêtements, visage, cheveux, habits, etc. Ce sont des portraits aux éléments stéréotypés. • Simplicité de l’agencement du portrait de l’homme : portrait en mouvement, puis portrait immobile. C. Simplicité des temps Coexistence facilement repérable d’imparfaits de l’indicatif à valeur itérative et d’imparfaits de l’indicatif à valeur descriptive. 2. L’ambiguïté de la satire A. Des éléments de satire • Des portraits peu flatteurs (fond) : « doigts courts et boudinés », « pas grand », « Bouffi au visage », « Le teint pas net », « jambes courtes », « ce fard maintenant en équilibre sur les joues ridées », etc. • Des procédés peu flatteurs (forme) : des termes familiers (« bouffi », « boudinés »), une image grotesque (le fard en équilibre). B. Des éléments positifs • L’homme appartient au beau monde (comme le montrent ses vêtements : redingote, haut-de-forme, col dur, cravate blanche, souliers à élastique) et a de la « prestesse ». • La patronne fait des efforts pour être élégante. • Conclusion : des portraits à la fois satiriques et pathétiques. 3. L’ambiguïté de la voix narrative • Dans le dernier paragraphe, le narrateur PEUT appartenir au même univers que les personnages et utiliser le même langage qu’eux : – présence du pronom on (« On lui aurait donné », « on ne se rendait pas compte ») : ce on indéterminé peut comprendre d’autres personnages-spectateurs et aussi le narrateur, qui peut être l’un d’eux ; – présence de phrases nominales et d’expressions familières (« il faisait engoncé », « pas net ») : le narrateur n’est pas ici un narrateur traditionnel (comme dans le roman du XIXe siècle) ; il utilise un langage familier et oral. • Cette proximité possible entre le narrateur et ses personnages explique aussi l’ambiguïté de la satire : seul un narrateur très distant peut faire la satire de ses personnages ; un narrateur familier aura davantage tendance à éprouver de l’empathie pour les siens. Conclusion Le travail sur la voix narrative rend ce texte particulièrement intéressant. Ce travail est récurrent dans tout le roman Les Voyageurs de l’impériale et se trouve aussi dans d’autres romans d’Aragon. Il a pour intérêt de rendre toujours inassignable et ambiguë la satire ; il permet aussi souvent une ironie discrète. Dissertation Introduction Les représentations des vieillards dans les arts et les lettres sont diverses, et l’on peut en dresser une typologie. C’est alors qu’on peut s’interroger sur une possible influence de ces représentations sur l’image réelle que le public peut avoir des vieillards. 1. Typologie de la représentation littéraire et artistique des vieillards On dressera une typologie des vieillards dans les arts et les lettres. À titre indicatif, voici quelques exemples : A. Le noble vieillard • Dans la tragédie cornélienne (le vieil Horace dans Horace, le père de Rodrigue dans Le Cid). • Du portrait de Rembrandt. La Peau de chagrin – 21 B. Le vieillard ridicule Harpagon dans L’Avare ou le héros du Malade imaginaire de Molière. C. Le vieillard pathétique • La vieille dans « Le Désespoir de la vieille » de Baudelaire (texte C, p. 242). • Pierre Mercadier dans Les Voyageurs de l’impériale d’Aragon (texte D, p. 243). 2. L’influence exercée par ces représentations A. Réflexions sur l’influence des représentations littéraires et artistiques La critique de la réception (Jauss) montre que les lecteurs aiment ne pas être trop brusqués ; ils ont un « horizon d’attente ». L’horizon d’attente collectif n’évolue que lentement. C’est ce que montrent aussi les études sur la psychologie sociale, comme celle de Marc Angenot : 1889, un état du discours social (1989). Il n’en reste pas moins que les représentations peuvent évoluer. B. L’innovation La figure du vieillard noble ou ridicule semble désuète. C’est la figure du vieillard pathétique qui a le plus de chances d’influencer la manière de se représenter les vieillards. Conclusion L’« horizon d’attente » des lecteurs évolue lentement. Une œuvre trop innovante a des chances d’être rejetée. Mais, si l’on suit des évolutions longues, le discours social, dont fait partie la littérature, peut changer sur un sujet comme la vieillesse. Écriture d’invention On peut reprendre aux deux premières strophes le catalogue des parties du corps et leur choisir des comparants mélioratifs. On pourra réécrire la troisième strophe, qui parle des habits de la « hideuse vieille », en évoquant les habits majestueux de la « belle dame âgée ». Quant à la quatrième strophe, elle devra être réécrite en profondeur ; on pourra néanmoins garder l’image de la lanterne, mais en en faisant le comparant de la sagesse de la « belle dame âgée ». Ce qui donnera, par exemple : « Votre chef ressemble à celui d’une noble reine ; vos yeux, à deux astres étincelants ; vos doigts, à des morceaux d’albâtre veiné ; votre teint lilial, aux fleurs les plus pures ; votre peau, aux roses marcescentes. Votre gorge lourde ressemble à une corne d’abondance ; votre giron, à celui de Marie ; votre col, à celui d’un cygne ; votre bras puissant, à celui de Junon. Vous passez quatre-vingts printemps, belle dame ; vous avez vu régner six papes et trois rois, et vos atours sont toujours du meilleur goût ! Restez parmi nous, noble dame, vous n’avez pas assez vécu : votre esprit avisé à tout Paris encore peut apporter le flambeau de sa sagesse et de son expérience. » ( p . E x t r a i t d e « L ’ A g o n i e » 3 3 3 , l . 3 0 0 8 , à p . 3 3 6 , l . 3 0 8 1 ) ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 337 à 339) On trouve dans l’extrait l’imparfait de l’indicatif. Il apparaît dans le premier paragraphe : « semblait » (l. 3014), « restaient » (l. 3016), « était » (l. 3018). Il a une valeur descriptive, que soulignent bien un verbe introducteur comme voir (l. 3010) ou une formule comme « resta stupéfait à l’aspect de cette figure » (l. 3012). L’imparfait « lisait » (l. 3053) a une valeur durative. Les imparfaits de l’avant-dernier paragraphe « disait-elle » (l. 3065), « étaient » (l. 3066), « présentait » (l. 3069) ont une valeur descriptive, soulignée par le verbe introducteur « vit » (l. 3062). On trouve aussi le passé simple de l’indicatif, temps qui indique le récit d’action. C’est le cas dans toutes les incises du type « s’écria-t-elle » (l. 3020), « répondit » (l. 3025), « répéta-t-elle » (l. 3028), etc. C’est aussi le cas avec « dissipèrent » (l. 3009), « vit » (l. 3010), « resta » (l. 3012), « tira » (l. 3033), « crut » (l. 3041), etc. " Situation initiale : les retrouvailles de deux amants beaux et jeunes. Situation finale : la mort de Raphaël, précédée de la tentative de suicide de Pauline. L’on passe de la description poétique (l. 3009 sq.) et du lyrisme (l. 3020-3024) à une scène de roman noir à tonalité tragique. ! Réponses aux questions – 22 Les péripéties qui ponctuent le récit sont les suivantes : – demande de séparation de la part de Raphaël (l. 3025 et l. 3035) ; – examen du talisman par Pauline (l. 3043) ; – réveil des souvenirs heureux dans l’esprit de Raphaël (l. 3045 sq.) ; – fuite de Pauline (l. 3056) ; – démolition de la porte par Raphaël (l. 3061) ; – dernières ardeurs de Raphaël (l. 3070-3072). $ Au cours du roman, le lecteur a pu suivre le rétrécissement de la Peau de chagrin (cf. pp. 366-367) au fur et à mesure que se réalisaient les vœux de Raphaël. Ici, il apprend que « le lambeau de la Peau [est] fragile et petit comme la feuille d’une pervenche » (l. 3033-3034). C’est la dernière précision que donne Balzac sur la taille du talisman. Sa petitesse extrême est l’aboutissement de son rétrécissement inexorable. Mais on lit aussi plus loin (l. 3055) : « la Peau, en se contractant, lui chatouillait la main. » Étant donné la taille très réduite du talisman, on comprend qu’il s’agit là de son ultime rétrécissement et qu’il disparaît en même temps que s’épuise la vie de Raphaël. % Les occurrences du mot « mort » et de ses dérivés sont les suivantes : « je meurs » (l. 3026, 3065), « mourir » (l. 3027-3029, 3040, 3060), « moribond » (l. 3058, 3073), « mort » (l. 3064, 3067). & L’extrait présente la mort de Raphaël sous ses deux aspects : sa mort d’origine surnaturelle, due à la puissance du talisman qui le fait mourir après qu’il a exprimé un dernier vœu, et sa mort naturelle, due à la phtisie (c’est-à-dire à la tuberculose), qui l’empêche finalement de respirer et lui fait pousser des râles. L’extrait présente donc l’aboutissement de l’action surnaturelle engagée chez l’antiquaire et l’aboutissement de la maladie naturelle qui manifeste cette action surnaturelle. L’extrait montre aussi l’aboutissement des amours de Pauline et de Raphaël : tout d’abord, Pauline comprend le pouvoir du talisman et se refuse à Raphaël, mais ensuite la force du désir de Raphaël lui fait exprimer un dernier vœu qui le fait mourir. L’amour de Pauline et de Raphaël s’achève par la disparition d’une des deux parties impliquées… ' Pauline éprouve de l’amour pour Raphaël. Elle le dit elle-même deux fois : « mon cœur est tout amour » (l. 3022), « je t’aime » (l. 3029). Le narrateur précise aussi qu’elle est « belle […] d’amour » (l. 3045). ( Les autres sentiments et émotions qu’éprouve par ailleurs Pauline sont les suivants : – l’indignation (l. 3028 sq), quand Raphaël lui parle de mourir ; – la surprise (l. 3037), quand Raphaël lui dit adieu ; – l’incrédulité (l. 3041), quand Raphaël lui parle du talisman ; – la terreur (l. 3042-3045), quand Raphaël lui montre le talisman ; – la douleur et l’horreur (l. 3051-3057), quand elle sent que le désir de Raphaël fait rétrécir la Peau ; – le désespoir (l. 3069). ) « Belle de terreur et d’amour » est une antithèse. Cette figure de style résume bien le conflit intérieur de Pauline, déchirée entre la peur panique que lui inspirent le comportement de Raphaël devenu fou et le caractère magique de la Peau, d’une part, et son affection pour son amant, d’autre part. Pauline hésite entre le bonheur de revoir Raphaël et la terreur qu’il lui inspire. *+ Raphaël est déchiré entre le désir fou qu’il éprouve pour Pauline et la peur d’en mourir s’il l’exprime. C’est finalement le désir qui est le plus fort, puisqu’il finit par crier : « Pauline, viens ! » (l. 3050) – ce qui entraîne le rétrécissement ultime de la Peau. *, Les mouvements des personnages sont de plus en plus violents : # Lignes 3033 Raphaël « Raphaël tira […] le lambeau de la Peau de chagrin » 3041-3042 3056 3061-3062 3062 3063 3064 3070 3077 Pauline « elle prit le talisman […] et alla chercher la lampe » « elle s’enfuit dans le salon » « il jeta la porte à terre » « se roulant sur un canapé » « avait tenté vainement de se déchirer le sein » « cherchait à s’étrangler » « il se jeta sur elle » « il mordit Pauline au sein » La Peau de chagrin – 23 Les indications portant sur les manifestations corporelles des émotions et des sentiments des personnages sont les suivantes : – chez Pauline : « une voix profonde et gutturale » (l. 3030), « belle de terreur et d’amour » (l. 3045), « cri terrible », yeux dilatés, sourcils tirés (l. 3051-3052), « les yeux en pleurs, le visage enflammé » (l. 3067-3068) ; – chez Raphaël : « une voix sourde » (l. 3025-3026), « une force singulière » (l. 3061), « les sons étranglés du râle » (l. 3074-3075). Toutes ces indications, qui jouent le rôle de didascalies, soulignent les aspects théâtraux et mélodramatiques de l’extrait. *. Le champ lexical du regard est présent à travers les éléments suivants : « vit » (l. 3010, 3062), « l’aspect » (l. 3011), « yeux » (l. 3023, 3051, 3053), « montrant » (l. 3035), « regardes » (l. 3039), « examina » (l. 3043), « voyant » (l. 3045). Dans le 1er paragraphe de l’extrait, ce champ lexical souligne le caractère descriptif et presque pictural de la scène. Ensuite, il souligne le caractère théâtral du mélodrame qui se joue. */ Le premier passage explicite au sujet de l’origine du désir furieux de Raphaël est le suivant : « En la voyant belle de terreur et d’amour, il ne fut plus maître de sa pensée » (l. 3045-3046). Ce sont donc bien à la fois la beauté de sa maîtresse et sa peur qui rendent Raphaël fou de désir. Le second passage intéressant à cet égard se trouve aux lignes 3069-3070 : « elle présentait à Raphaël, ivre d’amour, mille beautés qui augmentèrent son délire. » Or les beautés en question sont constituées par la douleur de Pauline et les symptômes de sa folie. *0 Les deux personnages présentent des symptômes de folie qui ressemblent fort à des comportements voluptueux. Pauline est à demi nue, étant donné qu’elle a dû se dévêtir pour se donner un coup de poignard ; elle se roule sur un canapé ; ses cheveux sont épars ; ses vêtements sont en désordre ; elle a le visage rouge, elle se tord : non seulement Pauline semble en train de faire l’amour, mais en outre elle semble bien en train d’atteindre le comble du plaisir. Le désir fou de Raphaël ne s’y trompe pas, en fait. Quant à Raphaël, justement, le « râle » qui sort de sa poitrine (l. 3075) ressemble à un râle de volupté. Un dernier geste vient unir les deux amants : Raphaël mord Pauline au sein. *1 Le champ lexical de la folie utilisé pour caractériser le désir de Raphaël est constitué des éléments suivants : « fou » (l. 3041), « délirantes » (l. 3047), « délire » (l. 3070), « furieux » (l. 3054). On notera que Pauline aussi a « un mouvement de folie » (l. 3031). *2 Le premier élément qui rend Pauline comme folle est le moment où Raphaël parle de mourir (l. 30263027). Le narrateur précise qu’elle lui prend les mains « par un mouvement de folie » (l. 3031). Il souligne aussi un symptôme de la folie naissante, « une voix profonde et gutturale » (l. 3030). Plus loin, Pauline est déchirée entre l’amour et la peur, et cela amplifie sa folie, qui apparaît dans le texte sous forme de symptômes ; l’état physique de Pauline ressemble à celui d’une folle : cri (l. 3051), yeux dilatés, sourcils tirés (l. 3051-3052). Par ailleurs, ses gestes aussi sont ceux d’une folle : elle se roule sur le canapé et cherche à se tuer. *3 L’élément le plus clairement surnaturel de l’extrait est l’ultime rétrécissement de la Peau de chagrin. On peut aussi se demander si la « force singulière » avec laquelle Raphaël jette la porte à terre est seulement due à un dernier sursaut de vitalité, comme le suggère l’apposition à valeur causale « dernier éclat de vie ». Dans un contexte empreint de surnaturel, il n’est pas impossible que la force soit singulière aussi parce qu’elle est d’origine surnaturelle. *4 Sa description de Pauline fait de celle-ci « un ange » ou « une apparition » (l. 3018). Elle est en effet toute blanche (son visage et ses vêtements sont blancs) et son visage est brillant (de larmes). En fait, elle ressemble à une madone ou à un ange. C’est là un élément relevant du surnaturel, mais du surnaturel catholique (par opposition au surnaturel païen, dont relève la Peau de chagrin). Cet élément venu du surnaturel catholique apparaît cependant lové dans une comparaison : « comme un ange […], comme une apparition ». Pauline est donc un ange ou une madone, mais par image. Elle a quelque chose d’un ange ou d’une madone, mais sans l’être. *- ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 340 à 346) Examen des textes ! Les différents procédés qui soulignent le bouleversement des personnages sont les suivants : – de nombreuses phrases exclamatives, qui traduisent l’émotion ; Réponses aux questions – 24 – des interjections : « Grand Dieu » (deux fois), « Quoi » ; – des phrases sans liens grammaticaux, construites en asyndètes. " Dans les textes A et B, on trouve les éléments communs suivants : Suicide Éléments spectaculaires Texte A Suicide avorté de Pauline. – Pauline se donne un coup de poignard et tente de s’étrangler. – Raphaël abat une porte. – Agonie bruyante de Raphaël. Texte B Suicide réussi de Valentine. – Valentine se jette d’un pont. – Barque portant un cadavre. – Scène éclairée aux flambeaux. Égarement d’Édouard. Peine, haine. Folie Folie de Raphaël. Sentiments violents Désir furieux. Ces éléments relèvent du mélodrame. # Salammbô, précise le narrateur, « le revoyait dans sa tente, à genoux, lui entourant la taille de ses bras, balbutiant des paroles douces ; elle avait soif de les sentir encore, de les entendre ». Alors qu’elle est en train de contempler le corps torturé de Mâtho, Salammbô se souvient de l’épisode qui a eu lieu sous la tente de Mâtho, quand elle est allée chercher le voile dérobé. Et elle éprouve à nouveau du désir et de l’amour pour Mâtho. Par ailleurs, c’est parce qu’elle ne supporte pas le supplice de Mâtho que Salammbô meurt. $ Les traits suivants rapprochent l’extrait de Salammbô du mélodrame : – les sentiments et les émotions y sont chauffés à blanc : amour et désir de Salammbô pour Mâtho, horreur de Salammbô devant le corps torturé de Mâtho (à déduire du fait qu’elle meurt de contempler ce spectacle), souffrance extrême de Mâtho (« tout ce qu’il avait souffert pour elle ») ; – la dramaturgie est spectaculaire : corps torturé de Mâtho, cœur arraché et illuminé par le soleil couchant, mort spectaculaire de Salammbô (elle retombe sur le trône avec la tête qui pend en arrière du siège). % Le texte de Delteil renferme des éléments propres au mélodrame : – des sentiments et des émotions très vifs : amour du narrateur pour Choléra, effroi, « affolement » et peine du narrateur ; – une dramaturgie spectaculaire : Choléra en haut d’un mur, qui descend une échelle et tombe à terre ; sang sur les mains du narrateur. Mais il se joue du mélodrame : – la situation est burlesque, tient du gag : l’échelle se casse ; – le narrateur emploie du vocabulaire familier, désinvolte : « dégringola », « ramassai » ; – les derniers mots sont très désinvoltes. Cela fait de l’extrait une parodie du mélodrame. & À la fin de Choléra, le personnage de Choléra meurt. Cette fin imite la fin de nombreux romans, où le héros meurt dans les dernières pages, voire dans les dernières lignes. Mais Choléra se joue de ce type de fin : – la mort de Choléra est burlesque ; – le narrateur rappelle les morts précédentes – ce qui crée un effet d’exagération parodique ; – non seulement le narrateur clôt son récit, mais encore il dit qu’il le clôt ; c’est un décalage humoristique et parodique par rapport à la norme ; – le narrateur achève son récit par des mots désinvoltes. ' Le texte d’Aragon présente des éléments mélodramatiques : – des sentiments et des émotions forts : la tendresse d’Aurélien Leurtillois pour Bérénice, l’effroi de la cousine, l’horreur de tous quand ils voient Bérénice morte, la peine du pharmacien (mari de Bérénice) et de Gisèle ; – une dramaturgie expressive : jeu avec la lampe de poche, les trous des balles dans le corps de Bérénice ; – une situation pathétique : mort d’une femme aimée par deux hommes. Mais certains éléments empêchent de voir dans cet extrait un texte entièrement mélodramatique : – les mouvements des personnages sont réduits ; – Aurélien n’exprime pas sa douleur à la mort de Bérénice, mais fait une remarque qu’il juge déplacée ; le pathos n’est donc pas porté à son comble ; – la mort de Bérénice n’est pas très spectaculaire ; elle passe d’abord inaperçue. Il y a donc une effet mélodramatique, mais comme mis en sourdine. La Peau de chagrin – 25 Travaux d’écriture Question préliminaire Les éléments suivants peuvent rendre la fin d’un roman particulièrement marquante : – une situation pathétique : mort d’un personnage (en particulier, la mort d’une femme ou d’un enfant) et peine d’autres personnages ; – une dramaturgie spectaculaire : mouvements violents, voire sanglants ; – du pathos (des émotions et des sentiments violents) : amour, peine, effroi, horreur ; – des éléments expressifs : présence du macabre, mélange du macabre et du désir. Commentaire Introduction L’« explicit » de Salammbô est descriptif ; il présente un monde étrange et barbare. Il est rendu encore plus barbare par l’utilisation des ressources du roman noir. 1. La description d’un univers barbare A. Un texte globalement descriptif • Imparfaits descriptifs. • Mise en scène par le point de vue de Salammbô. B. Un univers étrange et étranger • Onomastique étrangère. • Dieu étranger. • Accoutrement étrange des prêtres. C. Un univers barbare • Tortures abominables infligées à Mâtho, dont le comble est le cœur arraché. • Félicitations de Salammbô par les prêtres pour un acte barbare. 2. Un « explicit » spectaculaire A. Une situation simple et pathétique, proche du mélodrame Une femme, Salammbô, contemple le corps supplicié de l’homme qu’elle aime et en meurt. Mais cet élément mélodramatique est compris dans un ensemble qui relève davantage du roman noir. B. Une page de roman noir (ou roman gothique, ou roman frénétique) Les éléments suivants relèvent du roman noir : – élément macabre : description du corps torturé de Mâtho ; – éléments spectaculaires : corps torturé jusqu’au sang, yeux en feu, cœur arraché ; – érotisme mêlé au macabre : Salammbô revoit Mâtho « lui entourant la taille de ses bras, balbutiant des paroles douces », elle a soif « de les sentir encore, de les entendre » ; – morts à la toute fin du roman : mort de Mâtho, mort de Salammbô ; – élément surnaturel : le cœur de Mâtho s’arrête de battre comme en fonction du soleil. Conclusion Les ressources du roman noir conviennent bien pour décrire un scène barbare. Elles rendent l’« explicit » de Salammbô particulièrement spectaculaire. Mais, en fait, c’est l’ensemble du roman qui présente des traits « gothiques ». Dissertation L’énoncé du sujet suggère en lui-même un plan pour la dissertation : 1. Typologie des fins de roman. 2. Fonction des « explicits » romanesques. On s’appuiera sur les textes du corpus, « explicits » mélodramatiques ou gothiques à fonction pathétique. Mais on utilisera d’autres « explicits » pour montrer qu’une fin de roman peut avoir pour fonction : 1. Une fonction informative : boucler le schéma narratif (en particulier dans le roman policier). 2. Une fonction déceptive : frustrer le lecteur de la fin de l’intrigue. Réponses aux questions – 26 3. Une fonction de surprise : boucler l’intrigue de façon inattendue (comme dans Le Meurtre de Roger Ackroyd d’Agatha Christie, où l’on apprend à la dernière page que l’assassin est le narrateur). 4. Une fonction phatique : comme à la fin de Choléra, le narrateur assure le contact avec le lecteur. Etc. Écriture d’invention On évaluera le travail des élèves en fonction des critères suivants : – comprend-il bien des éléments mélodramatiques (pathos et dramaturgie expressive) ? – ne confond-il pas mélodrame et roman noir ? – fait-il bien intervenir plusieurs membres de la famille Gaudin ? – respecte-t-il le contexte historique ? La Peau de chagrin – 27 COMPLÉMENTS A U X L E C T U R E S D ’IMAGES ◆ Daguerréotype de Balzac par Nadar (p. 4) L’auteur Félix Tournachon, dit Nadar, est né en 1820. Jeune homme, il mène à Paris la vie de bohème des jeunes romantiques. Il publie des critiques dramatiques et des contes, et prend rapidement le pseudonyme de Nadar. À partir de 1846, il propose des caricatures, en particulier de gens de lettres, aux journaux satiriques dans lesquels il écrit. Il réalise ses premiers portraits photographiques au printemps 1854. Son frère Adrien et lui produisent alors une grande série de « Figures d’expression de Charles Debureau en Pierrot », qui remporte un vif succès à l’Exposition Universelle de 1855. Après une dispute et un procès avec son frère, Nadar continue seul la photographie. Il souhaite traduire la « ressemblance intime » des figures de la bohème et du romantisme. Défilent dans son atelier Baudelaire, Nerval, Dumas, Gautier, Rossini, Berlioz… Après 1859 et l’engouement pour le portrait de petite taille, appelé « portrait carte de visite », Nadar se lance dans une production plus commerciale, qui lui permet de s’installer somptueusement boulevard des Capucines, dans l’atelier laissé libre par Gustave Le Gray. Il édite ses « Figures contemporaines » en petit format. Il ne renonce pourtant pas aux grands portraits et photographie Sarah Bernhardt et George Sand. Mais Nadar ne s’est pas limité à ses fameux portraits ; il s’est tourné vers des défis techniques. Il réalise, depuis un ballon, une première vue aérienne au-dessus du Petit-Clamart (1858) ; il photographie, à la lumière électrique, les catacombes (1862), puis les égouts de Paris (1864). Nadar meurt en 1910. L’œuvre On peut commenter les points suivants du portrait : – le corps et le visage sont très solides et dégagent une impression de puissance (ce qui est conforme aux descriptions de Balzac) ; – Balzac est laid (ce qui est confirmé par les observateurs de l’époque) ; – sa chemise est ouverte (ce qui montre l’absence de conformisme du génie et l’abondance de ses appétits sensuels) ; – la position de sa main n’est pas sans évoquer la fameuse position de la main de Napoléon (ce qui rappelle que Balzac a voulu être le Napoléon des lettres). Travaux proposés – Recherchez ce qu’est un daguerréotype et à qui l’on doit cette invention. – Décrivez les éléments suivants et précisez-en la signification : le regard de Balzac et la place de sa main dans la composition du portrait. ◆ Raphaël et ses amis (p. 50) L’œuvre La gravure représente quatre jeunes hommes romantiques, quatre « Jeunes France ». On notera qu’ils sont élégamment vêtus : ils portent tous les quatre un chapeau haut de forme, un frac (une veste à basques), un gilet (que les Jeunes France portaient rouge) et un pantalon bien coupé. Deux portent la chemise, bien coupée, peut-être à plastron. L’un a un nœud papillon, deux d’entre eux ont une cravate bouffante, un autre a une petite cravate. Deux d’entre eux portent une badine. La gravure présente une portée satirique : les quatre personnages ont la même taille et portent le même habit à quelques variations près – ce qui suggère qu’ils sont interchangeables et suivent la même mode romantique. Ce sont donc quatre « Jeunes France » stéréotypés. Travaux proposés – Pourquoi, selon vous, les quatre personnages portent-ils tous les cheveux longs (pour l’époque !) ? – En quoi ces personnages sont-ils féminins, à l’exemple de Raphaël, personnage présenté comme efféminé dans La Peau de chagrin ? Compléments aux lectures d’images – 28 ◆ Festin et beuverie chez Taillefer (p. 72) Les œuvres Les deux gravures présentent deux moments du festin chez Taillefer : le bal et la fin du repas. Mais elles sont composées de la même manière : un arrière-plan confus de personnages dont les traits se mêlent et s’estompent, arrière-plan dont émergent au premier plan quelques personnages mieux dessinés. On notera que, dans les deux cas, des personnages sont affalés par terre, pris d’ivresse. Relations avec le texte Les deux gravures montrent les symptômes de l’ivresse et la richesse du banquet, comme dans l’ensemble du corpus. Travaux proposés – Relevez tous les signes de la richesse « insolente » de Taillefer. – Relevez, dans la première gravure, les indices qui suggèrent que le festin et le bal tournent à l’orgie sensuelle. (Réponse : l’étreinte du couple situé à droite, les gorges largement dénudées des femmes, la statue au haut nu à droite.) ◆ Satyricon de Fellini (p. 97) L’auteur Federico Fellini est né à Rimini en 1920 dans une famille bourgeoise. Il a d’abord exercé les métiers de comédien, de dessinateur de bandes dessinées, de journaliste, de parolier de music-hall, d’auteur de pièces radiophoniques. Pour le cinéma, il est d’abord « gagman », puis coscénariste et assistantréalisateur. Mais la fermeture des studios pendant la Seconde Guerre mondiale interrompt sa carrière. À la fin de la guerre, il rencontre Roberto Rossellini qui l’engage comme coscénariste et assistant pour le film Rome ville ouverte (Roma città aperta) de 1945. Il travaille encore avec Rossellini pour les films Païsa (1946), L’Amore (1948), Les Fioretti de saint François (1950) et Europe 51 (1952). Ensuite, il réalise ses propres films. Il se fait remarquer au Festival de Venise en 1953 avec I Vitelloni. C’est avec La Strada qu’il reçoit une consécration mondiale l’année suivante. On peut citer, parmi ses films les plus connus, Les Nuits de Cabiria (Le Notti di Cabiria) en 1956, La Dolce Vita en 1959, Satyricon en 1969, Casanova en 1976, Ginger et Fred en 1985. Ses premiers films relèvent du néoréalisme. Les films suivants comportent souvent des éléments autobiographiques. Le Satyricon et Casanova adaptent des œuvres littéraires. Fellini est mort en 1994. L’œuvre Le Satyricon de Fellini est l’adaptation du roman latin de Pétrone (Ier s. ap. J.-C.). Le film, comme le roman, raconte les aventures de deux jeunes hommes qui sont aussi amants, Encolpe et Ascylte, sous l’Empire romain. Une grande partie du film et du roman présente une scène très célèbre : un festin extraordinaire donné par un riche romain, Trimalcion, auquel sont présents les deux héros. Cette scène est connue sous le nom du « festin de Trimalcion ». L’image présentée est un extrait de ce festin. Relations avec le texte et les autres œuvres présentées – Quels sont les points communs entre le festin de Trimalcion et le festin d’Aristide Saccard (texte E) ? – Quels sont les points communs entre le festin de Trimalcion et le texte D du corpus ? Travaux proposés – Quels sont les éléments typiquement romains présents dans le document ? – Quels éléments du document montrent le luxe extravagant du festin de Trimalcion ? ◆ Raphaël à bord d’un équipage (p. 156) L’œuvre La gravure représente Raphaël en voiture. L’équipage est élégant : le cheval porte beau, la voiture elle-même est fine et légère ; elle n’a rien à voir avec un lourd fiacre. L’équipage passe devant le Café de Paris – ce qui suggère que le quartier où il chemine est un quartier riche. La Peau de chagrin – 29 Travaux proposés – De quel quartier de Paris pourrait-il s’agir ? – Quel est le nom de cette voiture légère ? Vous trouverez une liste de noms de voitures au début du roman de Zola La Curée. Vérifiez dans un dictionnaire la définition de ces noms de voitures, puis choisissez celui qui convient le mieux à celle de Raphaël. ◆ L’Éducation de la Vierge attribuée à Georges de La Tour (p. 162) L’auteur L’on sait assez peu de chose sur Georges de La Tour. On sait qu’il est né en 1593 à Vic-sur-Seille, en Moselle. Son contrat de mariage (1617) est le premier document à préciser qu’il est peintre. En 1620, il part à Lunéville, où il est resté jusqu’à sa mort en 1652. On a conservé quelques contrats de commandes, mais on ne peut pas les relier à une œuvre particulière connue aujourd’hui. Georges de La Tour a été considéré comme un très grand peintre de son vivant : Louis XIII, Henri II de Lorraine, le duc de La Ferté comptaient parmi les collectionneurs de ses toiles. Bien que la chronologie de la production de La Tour ne soit pas bien établie, il est manifeste que sa peinture a commencé par relever d’une manière réaliste, pour être ensuite influencée par le clairobscur expressif et théâtral du Caravage et de son école. Parmi ses œuvres de maturité, l’on trouve beaucoup de scènes d’intérieur éclairées par une faible bougie et des tableaux religieux à l’atmosphère calme et contemplative. La figure humaine y subit une simplification géométrique qui les rend monumentaux. Très connu à son époque, il a été presque oublié jusqu’au début du XXe siècle, ses œuvres ayant été attribuées à tort et à travers. Mais, en 1915, l’historien allemand Hermann Voss a réattribué à La Tour de nombreuses toiles. Voss a été suivi ensuite par d’autres spécialistes. L’œuvre « L’Éducation de la Vierge » est un thème qui a été souvent représenté dans les arts : – L’Éducation de la Vierge, sculpture anonyme (France, ca. 1490) conservée au musée du Louvre à Paris ; – L’Éducation de la Vierge par Tiepolo (1731 ?), conservée au musée Delacroix à Paris ; – L’Éducation de la Vierge par Fragonard (1773) ; – L’Éducation de la Vierge par Delacroix (1842), conservée au musée du Louvre à Paris. Le sujet qu’a représenté Le Tour n’est donc pas du tout original. L’œuvre vaut non pas par son sujet, mais par sa manière. Travaux proposés – « L’Éducation de la Vierge », est-ce un thème présent dans la Bible ? – Étudiez la composition de la toile. Que met-elle en valeur ? – Étudiez le jeu du clair-obscur. – Dans quelle mesure les corps sont-ils peints de manière géométrique ? – En quoi cette manière géométrique est-elle moderne ? – Comparez L’Éducation de la Vierge attribuée à La Tour à une autre Éducation de la Vierge : à celle de Tiepolo, de Fragonard ou de Delacroix, par exemple, dont on trouve des reproductions sur Internet. ◆ L’antiquaire et Raphaël inspectant la Peau de chagrin (p. 239) L’œuvre La gravure oppose Raphaël, jeune et élégant, à l’antiquaire, âgé et vêtu d’habits juifs. Raphaël est en train d’essayer d’attaquer la Peau avec un stylet, comme cela est précisé dans le texte, mais la Peau se reconstitue. La composition de l’œuvre fait converger les deux corps et les deux mouvements vers la Peau de chagrin, ainsi mise en valeur. Elle est aussi mise en valeur par le jeu de lumière. La composition fait que l’antiquaire semble entourer Raphaël de son corps – ce qui lui donne une allure menaçante et inquiétante, bien conforme à son rôle. L’horloge joue un rôle important. Elle suggère que la Peau de chagrin a à voir avec le temps : chaque vœu de Raphaël va amenuiser son temps de vie. Du point de vue de la composition, elle est d’ailleurs Compléments aux lectures d’images – 30 le pendant de la Peau de chagrin : la Peau et l’horloge enserrent Raphaël et le vieillard, qui lui-même enserre Raphaël. Par ailleurs, l’horloge porte un ornement, sans doute sculpté, qui représente une femme nue. Cet élément rappelle que le temps et donc la Peau ont à voir avec le désir et les plaisirs de la vie. Travaux proposés – Quelle taille a la Peau de chagrin sur cette gravure, selon le texte du roman ? – Précisez la signification de l’épée et des coutelas accrochés au mur. ◆ Vieillard à la croix et à la chaîne d’or de Rembrandt (p. 244) L’auteur Rembrandt Van Rijn est né à Leyde dans les Provinces-Unies (les actuels Pays-Bas), en 1606, dans un milieu modeste (son père était meunier). Il fait l’apprentissage de la peinture dans l’atelier de plusieurs peintres (Pieter Lastman, Jan Lievens). Il s’installe à Amsterdam en 1631, où il entre en contact avec des négociants enrichis par le commerce avec les Indes. Il fait fortune avec cette clientèle qui lui commande des portraits et devient célèbre dans toute la république des Provinces-Unies parce qu’il sait rendre très expressifs ses personnages, en particulier en recourant au clair-obscur. Sa peinture devient quasiment un outil politique pour les riches bourgeois protestants : elle leur permet d’afficher leur puissance et leur dignité dans une république qui n’est indépendante de l’Espagne que depuis 1609. Protestant, lecteur de la Bible, Rembrandt peint aussi des tableaux religieux qui expriment l’incarnation quotidienne du divin, comme Les Pèlerins d’Emmaüs (1648). Rembrandt est très célèbre également pour ses nombreux autoportraits : autoportrait à la chevelure bouclée et au col blanc (1629), au regard courroucé (1630), avec bonnet de fourrure et robe claire (1630), en mendiant (1630), riant (1630), en Oriental (1634), au béret (1642), etc. Le grand-duc de Toscane, Cosme III, lui rend visite en 1667. Rembrandt meurt à Amsterdam en 1669. L’œuvre Voir les réponses aux questions relatives à cette œuvre (p. 19). Travaux proposés – De quelle manière le vieillard peint par Rembrandt est-il rendu digne et respectable ? – Décrivez et commentez le jeu du clair-obscur. ◆ Pauline et Raphaël agonisant (p. 335) L’œuvre On notera la maigreur extrême de Raphaël, près de mourir de phtisie. On notera aussi les signes de furie chez Raphaël : sa chemise de nuit est largement ouverte – ce qui suggère la force de son désir –, et ses cheveux sont hérissés. On remarquera enfin que Pauline est dans une attitude ambiguë : elle est près de s’évanouir d’horreur et de souffrance, mais le mouvement de son corps, alangui sur un canapé, sa chemise de nuit ouverte sur sa gorge, son visage en pâmoison suggèrent aussi la volupté. Travail proposé – Relevez les signes de luxe dans la gravure. ◆ Caricature de Balzac par Ben (p. 356) Travaux proposés – En quoi ce dessin est-il une caricature ? – Étudiez la composition de la caricature en expliquant pourquoi Balzac est à moitié caché par le livre. – Expliquez la symbolique des petits personnages qui courent sur les pages du livre et sur le visage de Balzac. – Recherchez, dans des ouvrages consacrés à Balzac ou sur Internet, d’autres caricatures de Balzac. La Peau de chagrin – 31 ◆ La Liberté guidant le peuple de Delacroix (p. 375) L’auteur On peut distinguer quatre phases dans la vie d’Eugène Delacroix, né en 1798 et mort en 1863. 1. La jeunesse et la formation (1798-1822) Delacroix naît dans une famille puissante et fortunée. Son père est ministre plénipotentiaire aux PaysBas, puis préfet de Bordeaux. À la mort du père (1805), la famille s’installe à Paris, où Delacroix fréquente le Lycée impérial (actuel lycée Louis-le-Grand). En 1815, Delacroix entre dans l’atelier de Pierre Guérin, où il rencontre Géricault, et, l’année suivante, étudie à l’École des beaux-arts. En 1819, il reçoit sa première commande. 2. Les années romantiques (1822-1831) En 1822, Delacroix expose pour la première fois au Salon. Dante et Virgile est accueilli très diversement par la critique, mais l’État l’acquiert. En 1828, il fait scandale au Salon avec La Mort de Sardanapale, mais l’État l’achète aussi. La même année, il publie une suite de dix-sept lithographies illustrant Faust de Goethe. En 1831, il expose au Salon La Liberté guidant le peuple, que Louis-Philippe fait acheter pour le Musée royal. Il reçoit la Légion d’honneur et, en décembre, est invité à se joindre à une mission diplomatique au Maroc. 3. Le voyage en Afrique du Nord (1832) Delacroix visite Tanger, Meknès, Oran, et fait une excursion dans le Sud de l’Espagne. De son séjour en Afrique, Delacroix rapporte une multitude de dessins, d’aquarelles, d’esquisses, de notes, de peintures à l’huile. De ce voyage datent la Mariée juive à Tanger, un Autoportrait, etc. 4. Les années de consécration (1832-1863) La seconde moitié de la vie de Delacroix est ponctuée par le Salon annuel, où il expose souvent plusieurs toiles. Il est élu à l’Institut en 1857. En décembre 1859, il peint à Saint-Sulpice, à Paris, La Lutte de Jacob avec l’ange. Des ennuis de santé de plus en plus graves l’empêchent de travailler au début des années 1860. Il meurt en 1863. L’œuvre Le tableau représente les Trois Glorieuses. Il a été peint peu après les événements et frappe par son réalisme : des citoyens en armes, un enfant, des cadavres renversés, personnages que l’on a effectivement vus pendant les Trois Glorieuses. On n’y trouve pas de figures idéalisées puisées dans l’Antiquité. On devine Notre-Dame au fond à droite. En revanche, la femme dénudée qui représente la Liberté est une allégorie. Elle porte un bonnet phrygien et est une réminiscence de la Révolution française. Elle brandit le drapeau tricolore, dont l’usage sera restauré par Louis-Philippe. Ce tableau est un hommage au peuple et à la patrie, car Delacroix écrit le 18 octobre 1830 à son frère : « Si je n’ai pas vaincu pour le Patrie, au moins peindrai-je pour elle. » Relation avec le texte Il est possible de rapprocher cette peinture de la révolution de Juillet, avec ses cadavres renversés, ses personnages mêlés, de la peinture que fait Balzac de l’orgie alcoolique et sexuelle chez Taillefer. Mais le tableau de Delacroix est animé d’un mouvement héroïque dont est dépourvu le texte de Balzac. Travaux proposés – Étudiez la composition du tableau. Comment met-elle en valeur le mouvement héroïque de la Liberté ? – Pourquoi la Liberté a-t-elle le haut du corps dénudé ? Bibliographie complémentaire – 32 BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE ◆ Sur le romantisme Romans et récits autobiographiques à conseiller – Chateaubriand, Atala, 1801. – Chateaubriand, René, 1802. – Senancour, Oberman, 1804. – Benjamin Constant, Adolphe, 1816. – Musset, Les Confessions d’un enfant du siècle, 1836. – Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, 1848 (posthume). Critique – Albert Béguin, L’Âme romantique et le Rêve, José Corti, 1991. – Paul Bénichou, L’École du désenchantement, Gallimard, 1992. – Georges Gusdorf, L’Homme romantique, Payot, 1984. – L’Esthétique romantique en France : une anthologie, textes présentés par Claude Millet, Pocket, 1994. ◆ Sur le réalisme Romans à conseiller – Balzac, Eugénie Grandet, 1833. – Balzac, Le Père Goriot, 1835. – Balzac, Illusions perdues, 1837-1843. – Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes, 1838-1847. – Gustave Flaubert, L’Éducation sentimentale, 1869. Critique balzacienne – Pierre Barbéris, Balzac : une mythologie réaliste, coll. « Thèmes et Textes », Larousse, 1971. – Maurice Bardèche, Balzac, coll. « Les Vivants », Julliard, 1980. – Georg Lukacs, Balzac et le Réalisme français, Maspéro, 1965. – Jean Paris, Balzac : une vie, une œuvre, une époque, coll. « Phares », Balland, 1986. – Annette Rosa et Isabelle Tournier, Balzac, coll. « Thèmes et Œuvres », Armand Colin, 1992. ◆ Sur le roman noir ou gothique Romans noirs à conseiller – Ann Radcliffe, Les Mystères d’Udolphe, 1794. – Matthew Gregory Lewis, Le Moine, 1796. – Ernst Theodor Amadeus Hoffmann, Les Élixirs du Diable, 1816. – Charles Robert Mathurin, Melmoth ou l’Homme errant, 1820. – Romans terrifiants, coll. « Bouquins », Robert Laffont, 1984. Critique – William Patrick Day, In the Circles of Fear and Desire: a Study of Gothic Fantaisy, Chicago and London, The University of Chicago Press, 1985. – Maurice Lévy, Le Roman « gothique » anglais (1764-1824), 1968, coll. « Bibliothèque de l’évolution de l’humanité », Albin Michel, 1995. – « Le roman gothique », dossier dans Europe, n° 659, mars 1984. ◆ Sur le mélodrame Critique – Peter Brooks, The Melodramatic Imagination: Balzac, Henry James, Melodrama and the Mode of Excess, New Haven and London, Yale University Press, 1976. – Jean-Marie Thomasseau, Le Mélodrame, coll. « Que sais-je ? », Presses universitaires de France, 1984. – « Le mélodrame », dossier dans Europe, nos 703-704, nov.-déc. 1987.