Pages de Montpellier plus
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4 N o 1345 - Mercredi 2 mai 2012 Agora des savoirs WWW.DIRECTMONTPELLIERPLUS.COM CE SOIR, SALLE RABELAIS SUPER-TEMPÊTES Le géochimiste Laurent Dezileau revient sur les événements climatiques extrêmes des mille dernières années en Languedoc Laurent Dezileau, maître de conférences rattaché à l’Université Montpellier 2, travaille depuis 2003 sur des super-tempêtes vieilles de plusieurs siècles. Comment ? Grâce à des archives historiques et sédimentaires… DirectMontpellierPlus : En quoi consiste votre métier ? Laurent Dezileau : Je suis géochimiste et je travaille sur la reconstitution des climats du passé. Il y a un thème barbare pour ça: la paléoclimatologie. Nous essayons de savoir s’il existe un lien entre les changements climatiques récents et le nombre d’événements météorologiques de très forte intensité (cyclone, crues et tempêtes). Un événement météorologique de très forte intensité est rare et difficile à observer. Et ce qui nous manque c’est du recul temporel. Or, il est important de connaître cette évolution. Pourquoi avoir choisi de travailler sur le Languedoc-Roussillon ? On a des événements de forte intensité dans la région : les épisodes cévenols ou méditerranéens, par exemple. La crue de 2002 dans le Gard c’est 3,6 milliards m3 d’eau qui sont tombés sur le haut Gardon. Il y a eu 23 victimes et pas moins de 7 000 habitations ont été endommagées, dont 1 500 avec 2 m d’eau au-dessus du toit. On a aussi des tempêtes destructrices, comme celle de 1981 quand le cordon littoral a percé à plusieurs endroits. Mon travail est de reconstituer ces événements dans une échelle de temps plus longue pour voir s’il y a une variabilité de ces événements avec les changements climatiques passés et récents. Comment vous y prenez-vous ? Je travaille sur le littoral pour reconstituer les tempêtes du passé et dans les gorges du Gardon pour étudier les crues anciennes. Les lagunes palavasiennes se comblent de sédiment en période de crue ainsi que des sables venus du cordon littoral pendant les tempêtes. On a fait plusieurs carottages afin de reconstituer l’histoire des événements intenses sur les mille dernières années. À quoi vous servent ces carottages ? À observer des dépôts de sable dans nos archives sédimentaires que l’on associe à des événements de super-tempête, puis à dater ces événements. Nous croisons ces résultats avec les archives histori- Selon Laurent Dezileau, « le Languedoc a connu un Petit âge Glaciaire ». ques textuelles. Philippe Blanchemanche, de l’Université Montpellier 3, nous aide dans ce travail. Et qu’avez-vous constaté en croisant ces archives sédimentaires et historiques ? Des corrélations. On arrive à sortir des évolutions similaires. Par exemple, la tempête de 1742 a complètement massacré le cordon littoral. Les terres qui avaient été gagnées sur la mer ont été perdues. Après, on a toute une succession d’événements : les vents violents de 1848, le port de Sète dévasté… Des choses qu’on n’a pas vues au XXe siècle. Ces événements ont-ils un nom particulier ? Je parle ici de « super storm », des événements d’une intensité sans comparaison dans les cinquante dernières années. Et au niveau du Gardon, sur quoi travaillez-vous ? Sur les dépôts sédimentaires de crue, présents sur les bords du Gardon et dans des cavités cachées en hauteur. On travaille sur des sites 15 m au-dessus du niveau de la rivière qui n’enregistrent que les événements de grande intensité. Pour donner un exemple, en 2002 sur le Gardon, le niveau de crue est passé à 4 ou 5 m sous l’arche du Pont du Gard. On a les traces d’une crue en 1403 qui est passée au-dessus du premier étage du Pont. Quelles conclusions tirez-vous de toutes ces observations ? Que ce soit au niveau des crues du Gardon ou des tempêtes du littoral, on observe qu’il y a une recrudescence des événements de très forte amplitude dans une période entre XVe et XIXe, plus forte qu’au XXe siècle. C’est ce qu’on appelle le Petit âge Glaciaire. Qu’entendez-vous par là ? Au cours de cette période, on a eu un refroidissement généralisé de l’Europe. Dans le Languedoc-Roussillon, à ce moment-là, on peut traverser à pied l’étang de Thau gelé, il y a des attaques de loups dans certains faubourgs de la vallée de l’Hérault parce qu’ils n’ont plus rien à manger sur les causses. Bizarrement ça tombe au même moment que l’histoire du loup du Gévaudan… Grâce à ces découvertes, pouvez-vous faire des prévisions, comme pour la météo de demain ? Non, je ne fais pas de la météorologie mais de la climatologie. L’information que nous souhaitons faire passer est une réflexion sur la notion de risque. On a des tempêtes de très forte intensité au XVIIIe siècle sur le littoral mais très peu d’habitants. L’aléa est plus fort mais comme il n’y a personne, la vulnérabilité est très basse. Donc finalement le risque est faible. Et aujourd’hui ? Les événements sont d’intensité moins importante mais ils existent. Le problème est que la vulnérabilité a terriblement augmenté. On a construit de plus en plus de maisons, d’infrastructures humaines un peu n’importe où sur le littoral : Palavas, la Grande-Motte, le Grau-du-Roi, Port-Camargue… Carnon est construite sur un cône de tempête : si aujourd’hui on avait le retour de tempête comme on avait au XIXe, le risque pour ces villes pourrait être important. ● Propos recueillis par Nora Gutting ✔ Rendez-vous ce soir, à 20 h 30 salle Rabelais, sur l’Esplanade Charles de Gaulle. Entrée libre. En bref PROCHAIN RENDEZ-VOUS Mercredi 9 mai, l’ancien président de l’Université de Toulouse Rémy Pech parlera de la construction européenne à travers le regard de Jean Monnet. Sa conférence, comme celle d’aujourd’hui, sera retransmisse sur Divergence FM (93.9FM) et sera disponible sur ➚ www.montpellier.fr