Favoriser l`acceptabilité sociale des projets de mise en

Transcription

Favoriser l`acceptabilité sociale des projets de mise en
Favoriser l’acceptabilité sociale des
projets de mise en valeur du territoire
public ainsi que des ressources
énergétiques et minérales
Position de la FCCQ présentée dans le cadre du
chantier sur l’acceptabilité sociale
10 juin 2015
Table des matières
Préambule……………………………………………………………………………………………………………………..3
1. Constats de la FCCQ en matière d’acceptabilité sociale………………………………………………...............4
2. L’absence de processus clair qui encadre les projets de développement................................................5
3. Le rôle du Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles………………………………………..............7
4. L’absence de prise de considération de l’ensemble des variables économiques....................................10
5. La prise en compte des répercussions sociales, environnementales et économiques
des projets.....................................................................................................................................................15
6. Les approches participatives…………………………………………..............................................................17
7. Le partage des bénéfices……………………………………………….............................................................20
8. Le coût de renonciation aux projets de développement…………….........................................................22
9. Conclusion…………………………………………………………………………………………..……………………24
2
Préambule
Fondée en 1909, la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ ou la Fédération) est l’ardent
défenseur des intérêts de ses membres au chapitre des politiques publiques, favorisant un environnement
d’affaires innovant et concurrentiel. Plus important regroupement de gens d’affaires et d’entreprises au Québec,
grâce à son vaste réseau de près de 140 chambres de commerce et 1 100 entreprises, la FCCQ représente plus
de 60 000 entreprises et 150 000 gens d’affaires exerçant leurs activités dans tous les secteurs de l’économie et
sur l’ensemble du territoire québécois.
La Fédération s’emploie à promouvoir la liberté d’entreprendre qui s’inspire de l’initiative et de la créativité, afin
de contribuer à la richesse collective du Québec, en coordonnant l’apport du travail de tous ses membres. La
force de la FCCQ vient de l’engagement de ses membres, qui adhèrent sur une base purement volontaire et non
obligatoire, ainsi que de la mobilisation des chambres de commerce en vue de défendre les intérêts du milieu des
affaires. Elle fait appel à ses membres pour enrichir ses prises de position, qu’elle clame ensuite, en leur nom,
auprès des décideurs économiques et politiques qui ont le pouvoir de mettre le Québec sur la voie de la réussite.
L’inverse est aussi vrai, alors que les membres s’inspirent de la position de la Fédération pour alimenter le débat
au sein de leur région ou de leur secteur d’activité.
Le 18 novembre 2014, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Pierre Arcand annoncé la mise sur
pied d’un chantier pourtant sur l’acceptabilité sociale des projets liés à l’exploitation des ressources naturelles.
L’exercice se veut une réflexion et un état des lieux sur la question. Nous avons applaudi la mise en place de ce
chantier puisqu’il rejoint un enjeu que nous abordons depuis des années, celui de l’importance de développer nos
ressources.
Afin de contribuer au bon déroulement des travaux du chantier, la Fédération a participé à la table de discussion
qui s’est tenue à Montréal le 11 mai dernier. La FCCQ s’est exprimée sur les thèmes retenus aux fins de la
discussion soit :

Le rôle des instances dont celui du Ministère de l’Énergie et des ressources naturelles (MERN);

Les approches participatives;

La prise en compte des répercussions sociales, environnementales et économiques des projets;

Le partage des bénéfices.
3
1. Constats de la FCCQ en matière d’acceptabilité sociale
Pour enrichir la pertinence de ses prises de position publiques, la FCCQ a crée 19 comités multisectoriels formés
de représentants d’entreprises et de chambres de commerce. Ces comités s’intéressent à des sujets aussi
variés que le développement nordique, l’agroalimentaire, la main-d’œuvre, l’énergie, les finances publiques, les
mines etc. L’objectif principal de ces comités est d’appuyer la Fédération dans son rôle de promoteur du
développement économique dans le respect de l’environnement et des personnes. La Fédération est donc en
mesure de comprendre les défis que pose l’acceptabilité sociale des projets de développement.
Le Québec bénéficie d’une géographie riche en ressources naturelles. Son potentiel énergétique lui confère une
position enviable à l’échelle mondiale. À l’ère de l’énergie chère et de l’économie verte, disposer de sources
majeures d’énergie hydroélectrique propre et renouvelable représente un atout considérable. Le Québec est
aussi très riche en ressources minérales. On retrouve dans le Nord québécois d’importants gisements de
minerais mais aussi des éléments de terres rares de plus en plus utilisés dans les industries de haute
technologie. Le développement de nos ressources naturelles constitue donc un enjeu névralgique pour le
Québec, la relance du Plan Nord en faisant foi.
Or depuis quelques années, nous observons que la concrétisation de projets est de plus en plus difficile. Des
projets hydroélectriques à ceux d’exploitation minière ou dans une plus vaste mesure des projets d’exploration,
d’exploitation ou de transport d’hydrocarbures sont contestés ou systématiquement remis en question. À notre
avis, cette situation s’explique par :
1.
L’absence de processus clair qui encadre les projets de développement;
2.
L’absence de prise en considération de l’ensemble des variables économiques dans les
débats sur les projets de développement.
Dans ce mémoire, nous entendons expliquer pourquoi l’insertion de certains projets est problématique et
proposer des solutions. Si l’acceptabilité sociale des projets de mise en valeur du territoire et des ressources
naturelles est au cœur des préoccupations des communautés qui sont situées à proximité, il en est de même de
la communauté des affaires et des investisseurs qui, voyant le climat en voie de s’installer au Québec sont de
plus en plus méfiants de l’environnement d’affaires imprévisible voire aléatoire, qui y prévaut actuellement.
4
2. L’absence de processus clair qui encadre les projets de développement
Un des facteurs essentiel au développement économique est la prévisibilité des processus.
Si nous
reconnaissons depuis toujours qu’il doit exister des règles environnementales et sociales d’encadrement des
processus d’acceptation des projets au Québec, nous sommes d’avis que celles-ci doivent être connues,
standardisées, cohérentes et surtout prévisibles dans le temps. Il est impératif pour une entreprise de mesurer
ses risques et l’influence de ceux-ci sur ses investissements afin de prendre des décisions d’affaires éclairées.
La difficulté que rencontrent des promoteurs d’ici à mener à bien leurs projets est décuplée quand il s’agit de
promoteurs étrangers qui possèdent de nombreuses options de relocalisation. Il est illusoire de penser que ces
derniers ont l’énergie, voire même le goût d’entreprendre des projets au Québec dans un contexte où règnent
l’incertitude, l’arbitraire ou la confusion.
Actuellement, les processus d’approbation et d’émission de permis sont nombreux, complexes et très longs.
Plusieurs de nos membres déplorent ces lenteurs ainsi que le manque de soutien des ministères en vue de leur
obtention.
À titre illustratif, le projet Matoush opéré par l’entreprise Strateco qui constituait le principal projet uranifère au
Québec a du obtenir, de 2006 à 2013, plus d’une trentaine de permis de toutes sortes en plus de devoir se
soumettre à quatre audiences publiques. Après sept années de travail et des investissements de 145 millions $
le gouvernement a bloqué le projet de mine au motif d’une « absence d’acceptabilité sociale suffisante ».1
Il était normal que dans ce cas, l’entreprise soit assujettie à un processus d’examen des plus rigoureux de
l’industrie minière. Il illustre néanmoins une situation aberrante où ayant complété avec succès l’ensemble des
étapes relatives à sa demande de certificat d’autorisation, le promoteur s’est vu refuser son projet sur la base
d’un concept qui n’est pas défini dans une loi. Si l’expression « acceptabilité sociale » est largement répandue
dans le débat public, nous n’en connaissons pas les paramètres.
Le gouvernement est en droit de poser des exigences importantes aux entreprises. La FCCQ le reconnaît
d’emblée, notamment dans sa Vision économique.2 Mais autant les exigences que le processus qui conduit à
l’autorisation d’un projet majeur doivent être clairs. Les règles du jeu doivent être connues et ne devraient pas
Ressources Strateco, Observations de Strateco suivant l’avis préalable au refus de délivrer le certificat d’autorisation à l’égard du projet
d’exploration souterraine à la propriété Matoush, p.6.
2 FCCQ, Entreprendre et innover, Vision économique 2012-2020, p.30-31.
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être changées en fonction de certains aléas que les investisseurs ont de la difficulté à comprendre. Il n’y a rien
de plus néfaste aux investissements que l’incertitude.
Il est proprement inadmissible qu’une entreprise qui s’est soumise à toutes les procédures officielles et qui a
démontré avec succès auprès des autorités que son projet respecte les exigences environnementales se voie
refuser son permis d’autorisation par une décision arbitraire.
Il n’existe pas actuellement de processus clair par lequel un projet peut voir ou non le jour. Nous assistons plutôt
actuellement à une fragmentation des processus et des demandes faites aux entreprises qui changent d’une
région à l’autre ou d’une situation à une autre. Il est devenu très difficile pour les promoteurs de connaître les
différentes étapes d’approbation de leurs projets. Cette absence de ligne directrice claire alimente un climat de
méfiance à l’égard des projets de développement.
Un processus d’encadrement clair du développement des ressources naturelles devrait faire l’objet d’un cadre
cohérent comportant une vision d’ensemble.
6
3. Le rôle du Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles
Le MERN, en vertu d’un ensemble de lois et de règlements, a la responsabilité de mettre en valeur les terres du
domaine de l’État, les ressources énergétiques ainsi que les ressources minérales. C’est par ces lois et ces
règlements que le ministre accorde et gère des droits d’usage des ressources énergétiques et minérales ainsi
que des droits fonciers pour l’utilisation de terre du domaine de l’État.3
On résume ses principaux rôles à ceux de connaître le territoire et les ressources, développer des orientations et
des politiques, à mettre en place des conditions favorables à la mise en valeur du territoire public, à octroyer des
droits et attribuer des statuts, à assurer les services de première ligne aux citoyens en région, à concilier les
divers usages quant à la mise en valeur du territoire et finalement à assurer le suivi et le contrôle de l’occupation
de celui-ci.
Or, le MERN n’est pas seul maître à bord. Plusieurs conditions relatives à la faisabilité de projets dépendent
d’autorisations provenant d’autres ministères nommément ceux du Développement durable, de l’Environnement
et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) et des Affaires municipales et de l’Organisation
du territoire (MAMOT), ainsi que d’autres instances comme le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement
(BAPE).
La présence de plusieurs acteurs gouvernementaux rend complexe la compréhension du rôle du MERN. Un des
irritants pour les promoteurs de développement des ressources naturelles au Québec est le nombre important
d’interlocuteurs dans les divers ministères et organismes qu’ils doivent contacter.
Cette situation nous amène à réfléchir sur le rôle que devrait jouer le MERN dans les différentes étapes du cycle
de vie d’un projet. La Fédération est d’avis que le MERN a la responsabilité d’accompagner les projets par la
mise en place d’un processus ordonné. Cet accompagnement doit se faire à toutes les étapes du cycle de vie du
projet. En sa qualité de « chef d’orchestre » des projets, le MERN doit situer les projets qui font l’objet de débat
avec les besoins énergétiques et économiques de la province. Il doit défendre les intérêts supérieurs du Québec
dont celui du développement économique. Le MERN doit être l’organisme central duquel les décisions se
prennent.
À titre d’exemple, en Colombie-Britannique, l’encadrement de l’industrie gazière se fait de façon centralisée par
un organisme gouvernemental relevant du ministre des Ressources naturelles. L’expertise environnementale
MERN, Favoriser l’acceptabilité sociale des projets de mise en valeur du territoire public ainsi que des ressources énergétiques et
minérales, Document de réflexion, p. 6.
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ainsi que l’expertise gazière et pétrolière y sont regroupées. La British Columbia Oil and Gaz management gère
les diverses demandes d’autorisation pour l’exploration et l’exploitation gazière. Aux États-Unis, le Bureau of Oil
and Gas Management du Pennsylvania Department of Environmental Protection assure le suivi et le contrôle des
opérations pétrolières et gazières, assumées par près de 200 personnes du Bureau, sans compter les autres
employés affectés à des divisions de surveillance environnementale qui relèvent eux aussi du même
département.4
Ces deux modèles sont fondés sur une seule et même approche qui mérite d’être examinée. Il s’agit
d’organismes gouvernementaux, indépendants des ministères sectoriels, et qui ont comme mandat de concilier
les considérations environnementales, économiques et sociales. Grâce à sa transparence, l’existence de cette
structure au sein de leur gouvernement respectif assurer une très grande prévisibilité au processus décisionnel.
Évoluant dans un système administratif plus proche du nôtre, le cas de la Colombie-Britannique nous apparait
des plus intéressants. La British Columbia Oil and Gas Commission est un organisme indépendant de
réglementation à guichet unique chargé de surveiller les opérations pétrolières et gazières dans cette province.
Son mandat couvre autant l’exploration, le développement, le transport que la remise en état des lieux.
Le MERN pourrait s’inspirer de ce modèle de régulation qui est conçu pour fournir une procédure simplifiée et un
guichet unique de réglementation. Dans le cas de la Colombie-Britannique, la responsabilité réglementaire est
déléguée à la Commission par diverses lois ayant un impact sur le développement des ressources naturelles,
telle que la Loi sur les activités pétrolières et gazières, la Loi sur les forêts, la Loi sur la conservation du
patrimoine, la Loi sur les terres, la Loi sur l’environnement et la Loi sur l’eau. La Commission est financée par
l’application des droits industriels et des prélèvements sur une base de recouvrement des coûts. Mais surtout, la
Commission a pour responsabilité d’équilibrer les considérations environnementales, économiques et sociales.
Le MERN peut très bien remplir son mandat si un mode d’accompagnement des projets est clairement défini. Il
possède l’expertise nécessaire pour établir une vision stratégique des ressources naturelles et de façon
responsable, encadrer leur gestion.
4Rapport
no. 273 du BAPE sur le développement durable de l’industrie des gaz de schiste au Québec, p. 241-242. La mission du Bureau
des ressources minérales de gestion de Pennsylvanie est de minimiser les impacts sur l’environnement tout en offrant un climat qui
encourage la croissance économique, de fournir un environnement de travail sain et sécuritaire pour les mineurs, et d’informer la
population afin qu’elle puisse participer de façon éclairée au débat.
8
4. L’absence de prise de considération de l’ensemble des variables économiques
La mise en valeur de notre territoire ainsi que de nos ressources énergétiques et minérales doit se faire dans une
perspective de développement durable. Nous avons toujours souligné cet enjeu. Enjeu d’avenir s’il en est un,
puisqu’il est au cœur de notre Vision économique.5
Nous croyons au développement durable. Nous croyons aussi que si ses fondements reposent d’abord sur le
respect de la nature, son application ne suppose pas qu’elle se fasse au prix de la croissance économique. C’est
d’ailleurs dans l’activité économique que doit se concrétiser le respect de l’environnement. Entrer dans une
dynamique de développement durable, c’est d’abord permettre aux entreprises d’accéder à une croissance
vigoureuse et d’adhérer à une dynamique d’innovation.
Or, l’opinion publique a tendance à oublier qu’il y a trois piliers au développement durable : 1) maintenir l’intégrité
de l’environnement, 2) assurer l’équité sociale et 3) viser l’efficience économique.6 En plus des aspects sociaux
et environnementaux, il est donc nécessaire de prendre en considération l’impact économique des projets. À
notre avis, il y a débalancement en faveur des considérations environnementales, de santé publique et sociale.
Cela s’explique par le fait qu’il n’existe aucune organisation au gouvernement qui ne soit en mesure de donner
un avis indépendant sur l’impact économique. Les entreprises doivent elles seules défendre l’opportunité
économique de leurs projets. Cette défense est le plus souvent qualifiée de partiale par des groupes opposés
aux projets qui n’y voient que des arguments de vente.
Si, par son mandat, le BAPE doit se pencher sur les questions économiques, la Fédération est d’avis qu’il ne
possède ni les ressources nécessaires ni l’expertise pour mener à bien cette analyse comme nous en avons été
témoins dans le dossier des gaz de schiste.7
À ce propos, nous avons déjà exprimé notre inquiétude face à la tournure prise par certains événements de
l’actualité économique québécoise des dernières années. Dès 2007, nous faisions remarquer que l’opinion
publique avait tendance à opposer les intérêts sociaux et les intérêts économiques. Nous soutenions alors que
FCCQ, Ibid. p. 31.
MERN, A propos du développement durable, http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/developpement/definition.htm
7 Dans ce dossier, le BAPE a bien couvert les aspects environnementaux et sociétaux mais il en est autrement pour les aspects
économiques. Le BAPE a analysé et défini les orientations du volet environnemental dans les chapitres 7 à 9, 12 et 14 (74 pages ou
52,9% des parties 2 et 3 du rapport), l’aspect sociétal aux chapitres 10 et 13 (37 pages ou 26,4 % des parties 2 et 3 du rapport) et le volet
économique aux chapitres 6 et 11 (29 pages ou 20,7% des parties 2 et 3 du rapport). On ne doit pas se surprendre du peu de poids
accordé au volet économique puisque 3,8% des effectifs du BAPE sont associés à l’étude économique.
5
6
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les intérêts sociaux sont largement dépendants des intérêts économiques et qu’il nous fallait trouver le moyen de
tirer profit de nos richesses naturelles dans le respect de nos valeurs sociales et environnementales.8
Nous sommes d’accords avec les trois piliers sur lesquels repose le développement durable soit d’être
socialement acceptable, respectueux de l’environnement et économiquement viable. Or, il semble aujourd’hui
que le moindre projet de développement économique se bute trop souvent à une opposition, voire une hostilité
de certains groupes ce qui aboutit à des débats et des délais insensés et même à l’abandon de projets.
La disproportion des voix qui s’expriment en faveur et contre un projet de développement économique se mesure
aussi dans le traitement médiatique. Un constat partagé par le chroniqueur à La Presse Alain Dubuc. Il écrit :
« Ma question est la suivante. Qu’est-ce que l’acceptabilité sociale ? Comment la mesure-t-on ? Dans
bien des cas, ce sera l’opinion des groupes militants qui monopolisent l’espace médiatique, ou qui auront
réussi à terroriser l’opinion publique, comme sur la Côte-Nord. Et non pas le fruit du dialogue et de la
recherche de la vérité. »9
Dans une note économique préparée pour la FCCQ et intitulée Le développement économique durable, vers un
recadrage de la discussion, la firme E & B Data indique :
« Entre la Loi sur le Développement durable et la réalité économique des grands projets
d’investissement, entre les rapports du BAPE et autres institutions gouvernementales et la complexité
des problématiques socio-économiques reliées à des projets d’envergure, il semble y avoir un maillon
manquant, voire un vide conceptuel et peut-être institutionnel dans le processus de débats et de prise de
décision. Ce vide correspond à une absence de prise en considération de l’ensemble des variables
économiques dans les débats sur la durabilité des investissements proposés. »10
À ce manque de connaissance des variables économiques s’ajoute habituellement une opposition de la part de
groupes organisés ou non, de vedettes sans expertise particulière dans un domaine, des médias ou de politiciens
eux-mêmes aux projets d’envergure en influençant l’opinion publique. Cette situation fait dire au professeur Yves
Rabeau dans une étude commandée par la FCCQ que :
« Face à ces multiples opposants, la communauté d’affaires doit savoir s’organiser pour faire
contrepoids à cette forme d’opposition qui débouche sur un immobilisme dans plusieurs industries et
donne une image très négative des entrepreneurs ouvrant dans les industries visées et ce, même si
certains de ces chefs d’entreprise sont à l’avant-garde en matière de protection de l’environnement et de
l’utilisation responsable des ressources naturelles. »11
FCCQ, Lettre à Line Beauchamp, Ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, 31 octobre 2007.
DUBUC, A. L’acceptabilité sociale. La Presse, 27 mai 2013.
10 E & B DATA, Le développement économique durable. Vers un recadrage de la discussion. Note économique.
11 FCCQ, Échec aux projets créateurs de richesse au Québec. (sous la dir. de Yves Rabeau), UQAM, Septembre 2006, p. 78.
8
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10
Il ajoute :
« Notre analyse fait ressortir un point dont la communauté d’affaires peut prendre avantage :
généralement, c’est lorsque le projet est bien connu et en voie d’être accepté que les opposants se
manifestent avec force. Le sachant, la diffusion de l’information peut être ajustée en conséquence pour
faire contrepoids au moment le plus opportun. »12
Actuellement, de nombreux projets ne voient pas le jour et ce, malgré des années d’études, de consultations et
de débats. Nous verrons plus loin qu’il y a coût à renoncer aux projets de développement.
La FCCQ croit que le Québec doit miser une exploitation judicieuse de ses ressources naturelles. Il s’agit d’un
des principaux constats de la Vision économique 2012-2020. Le développement durable, les mines et le
développement nordique sont des priorités constantes pour la FCCQ comme en témoignent les trois comités de
travail qu’elle a mis en place et qui regroupent les joueurs les plus importants de l’industrie. Le ministre de
l’Énergie et des Ressources naturelles a lancé ce chantier sur l’acceptabilité sociale dans un contexte où, dit-il,
les terres du domaine public et les ressources minérales et énergétiques sont de plus en plus sollicitées.13
Le ministre a insisté sur l’importance pour le Québec de développer son territoire et que ceci ne peut être
dissocié de l’acceptabilité sociale des projets de mise en valeur. En lançant le chantier sur l’acceptabilité sociale,
le MERN reconnaissait que les processus d’intégration des différentes dimensions de l’acceptabilité sociale et la
conciliation des usages demeurent complexes et requièrent une expertise particulière. 14
Par le passé, le gouvernement a produit des données et des études qui ont apporté un éclairage et alimenté les
débats nationaux particulièrement dans les dossiers de l’hydroélectricité et de l’éolien. C’est dans cet esprit que
nous souhaitons que le gouvernement s’implique, qu’il prenne part au débat sur l’acceptabilité sociale. C’est de
cette façon que nous parviendrons à établir une définition opérationnelle du développement économique qui
pourrait servir de « cadre de discussion » au développement économique. À l’instar de ce que notait la firme E &
B Data, ce cadre de discussion « pourrait permettre de structurer et d’approfondir les débats impliquant
l’environnement et l’économie, tant de façon générale qu’appliquée à des projets précis, quelles que soient
l’industrie, l’entreprise ou la région.15 »
Idem.
MERN, http://www.mern.gouv.qc.ca/presse/communiques-detail.jsp?id=10961
14 MERN, « Projets liés à l'exploitation des ressources naturelles - Le ministre Pierre Arcand annonce la mise sur pied d'un chantier portant
sur l'acceptabilité sociale », 18 novembre 2014, http://www.mern.gouv.qc.ca/presse/communiques-detail.jsp?id=10961
15 E &B DATA, Le développement économique durable. Vers un recadrage de la discussion. Note économique.
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11
Dès 2006, nous lancions une réflexion sur la place et le rôle qu’occuperait une Agence d’Analyse économique qui
aurait pour mandat de documenter et de clarifier les aspects économiques de certains grands projets de
développement, de programmes ou d’activités économiques. Nous croyons que la diffusion de l’information
demeure le principal outil pour expliquer clairement les enjeux à la population et se positionner adéquatement
dans le débat public. Encore faut-il être en mesure de produire cette information. Nous croyons que l’Agence
d’Analyse économique serait en mesure remplir ce mandat.
Les mandats qui pourraient être confiés à l’Agence d’Analyse économique sont :
-
Documenter et élucider les aspects économiques de certains grands projets de développement ou
d’activités de production qui font l’objet d’importants débats publics;
-
Analyser les retombées d’un projet ou d’une activité importante de production notamment en termes
d’emplois, de diversification économique d’une région, de développement des marchés, d’avancées
technologiques, de sous-traitance, de rentrées fiscales et de revenus d’impôts locaux et régionaux;
-
Analyser les coûts directs pour le gouvernement associés à la réalisation du projet économique :
avantages fiscaux et autres consentis au promoteur, aménagement d’infrastructures reliées directement
au projet, coût réel d’éventuel avantages énergétiques, etc.;
-
Documenter l’ordre de grandeur des pertes résultant du renoncement au projet, de la cessation de
l’activité de production ou du refus d’accorder l’expansion projetée de l’activité de production;
-
Produire, à l’intention du gouvernement et de la population, des données objectives, des faits et les
conclusions qui se dégagent des études et analyses réalisées. L’information produite dans une optique
d’éclaire complémentaire dans des débats relatifs aux enjeux économiques associés à certains grands
projets ou à la poursuite d’activités de production.
Nous sommes d’avis que la création d’une agence chargée de l’analyse économique des projets contribuerait au
débat public. Si nous la réclamons depuis plusieurs années, nous sommes conscients que le contexte
économique actuel ne favorise pas sa création. Si nous insistons à en rappeler l’idée et le concept, c’est que
nous considérons fondamental que la population et le gouvernement puissent avoir accès à des informations
neutres et objectives sur la nature des projets liés à l’exploitation des ressources naturelles.
12
Nous considérons tout aussi fondamental de mettre en lumière des affirmations qui reposent sur des faits et des
données crédibles. Il importe de fournir au gouvernement des arguments qui ne proviennent pas de l’industrie ce
qui lui permettra d’avoir le recul nécessaire pour se prononcer sur les retombées économiques des projets.
Le Québec s’est doté d’une expertise rigoureuse avec la Régie de l’énergie pour les questions énergétiques. Il
nous apparaît tout à fait normal et essentiel que les projets de développement économique bénéficient de la
même expertise.
Les avantages de mieux documenter les aspects économiques des projets sont multiples. Ils permettent :
-
De contrecarrer indirectement certaines prises de position exprimées à l’encontre de projets et faciliter,
par la production d’informations inédites au plan économique, la participation dans le débat public des
membres du gouvernement et des porte-parole des organismes voués au développement économique;
-
De fournir au gouvernement, une fois les analyses complétées, des données et des faits sur lesquels il
pourrait s’appuyer pour contrer les oppositions purement idéologiques ou largement minoritaires en
faisant valoir les retombées positives d’un projet. Si au contraire, l’analyse conclut à la non-rentabilité
économique d’un projet, le gouvernement serait mieux équipé pour refuser d’y donner suite.
Fort de cela, il sera réellement possible de déterminer si un projet possède l’acceptabilité sociale. Ce n’est qu’en
renforçant notre connaissance des aspects économiques de certains projets de développement qui font l’objet
d’importants débats publics que le souhait du ministre d’établir un processus de détermination de l’acceptabilité
sociale sera rempli.
En se dotant d’un pareil outil, le gouvernement pourra reprendre son rôle d’accompagnateur des divers projets
économiques durables et ainsi éviter que les entreprises ne soient laissées à elles-mêmes pour faire la
démonstration de l’acceptabilité sociale d’un projet.
5. La prise en compte des répercussions sociales, environnementales et économiques des projets
Notre souhait de voir s’implanter un processus cohérent d’approbation des projets de gestion des ressources
naturelles s’inscrit dans une volonté de voir révisée la structure administrative et consultative en place
actuellement. Il vise un rééquilibrage du processus de consultation publique et du traitement administratif d’un
13
projet avec une meilleure prise en compte des aspects économiques des grands projets. Il insiste finalement sur
notre souhait de voir le gouvernement faire preuve de leadership en définissant à quel niveau les instances
locales et régionales doivent être consultées, en tenant compte des particularités des projets.
Pour y parvenir, la Fédération propose que le gouvernement crée un Bureau des grands projets. Inspiré des
modèles de l’Alberta et de la Colombie-Britannique16 et s’inscrivant dans la nécessité de contrebalancer le poids
des analyses environnementales et sociales, cet organisme apporterait un complément d’information objectif sur
les projets dans le débat public.
Le Bureau des grands projets serait en sorte le point focal de toutes les dimensions inhérentes à un projet dans
une perspective complète de développement durable. Il permettrait en outre au gouvernement de pouvoir
prendre du recul et faire valoir la nécessité d’un éclairage non partisan sur des enjeux importants. Une fois les
analyses complétées, les travaux du Bureau des grands projets fourniraient au gouvernement des données et
des faits sur lesquels il pourrait avantageusement s’appuyer pour offrir un tableau complet, sans idées ou
opinions préconçues. Le gouvernement aurait ainsi en main les données pertinentes pour donner son aval au
projet en faisant valoir ses retombées positives pour la région concernée, ou refuser d’y donner suite si l’analyse
conclut à sa non-rentabilité économique. En fin de compte, il convient de rappeler que c’est au gouvernement
que revient la décision d’accorder ou de refuser un projet. L’apport du Bureau des grands projets, conjugué aux
travaux du BAPE par exemple, permettrait au gouvernement d’avoir en main les éléments essentiels à une prise
de position éclairée, à l’abri des critique des groupes de pression.
Pour les entreprises, l’avantage de ce guichet unique réside dans le fait que celles-ci peuvent compter sur un
cadre prévisible et uniforme pour l’ensemble des projets de développement au Québec et évaluer à l’avance le
temps et la difficulté d’approbation. De plus, l’existence d’un guichet unique permettrait au gouvernement de
mieux coordonner ses demandes aux entreprises et assurerait de cette façon un lien de confiance avec les
collectivités concernées.
Enfin, le Bureau des grands projets permettrait d’assurer une meilleure prise en considération des répercussions
positives et négatives des projets sur les communautés.
En Alberta, suivant le Participant Involvement Program, le promoteur doit tenir une consultation auprès de personnes déterminées dans
un périmètre également défini, consultation dont il fait rapport à l’organisme gouvernemental, en appui à sa demande de permis. Il en est
de même en Colombie-Britannique selon le règlement Consultation and Notification Regulation.
16
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6. Les approches participatives
Au Québec, les promoteurs n’ont pas l’obligation de soumettre leurs projets à une consultation préalable avec les
citoyens. Or, de plus en plus d’entreprises qui développent des projets liés aux ressources naturelles ont
compris que des démarches d’information avec les communautés d’accueil des projets étaient le plus souvent
liées à l’amélioration de l’acceptabilité sociale de leur projet. Il existe malgré tout des groupes, qu’ils soient
locaux ou nationaux, qui militent pour diverses raisons contre les entreprises et le développement de projets.
Nous savons que l’acceptabilité sociale ne signifie pas l’unanimité sociale. Nous attribuons néanmoins cette
situation au fait qu’il n’existe pas encore ici de processus qui encadre ces consultations. Chaque entreprise y va
à sa manière, certaines collectivités craignent d’être laissées pour compte.
D’emblée, notre réflexion sur les approches participatives questionne la décentralisation de certains pouvoirs
vers les municipalités que l’on observe depuis quelques temps et qui va, à notre avis, à l’encontre de la notion de
propriété collective des ressources naturelles.
La FCCQ croit que la recherche du bien commun doit prévaloir sur les aspects locaux puisque les aides
gouvernementales pour développer nos ressources proviennent de tous les Québécois et que le gouvernement
doit gérer ces dernières en leur nom.
Nous croyons que dans un processus clair et préalablement défini, le promoteur doit avoir pris conscience de ses
obligations. Il importe de rappeler que ce processus concerne également toutes les collectivités qui doivent y
adhérer et s’y conformer. Dans la mesure où l’on parle des faits, qu’un processus indiquant avec clarté les
étapes de mise en œuvre d’un projet, nous sommes d’avis que les collectivités touchées par un projet devraient
être interpellées dès le commencement de celui-ci. Entreprendre un dialogue ouvert et transparent avec les
collectivités touchées par un projet nous apparaît être une condition de base à l’acceptabilité sociale.
Or, un des problèmes lié à la décentralisation des pouvoirs est qu’un investisseur pourrait développer un projet
qui passe tous les critères dans une municipalité et qu’un projet identique ne passe pas la rampe dans une autre.
Nous nous devons de rappeler qu’il est difficile pour les entreprises d’investir lorsque l’environnement d’affaires
est incertain. La prévisibilité réglementaire est primordiale.
C’est pour cette raison que nous croyons que l’encadrement des approches participatives doit se faire avec la
volonté d’instaurer des mécanismes adéquats d’information et de consultation de la population.
Ces
mécanismes clairement définis au départ, en particulier dans les régions visées par les éventuels projets de
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développement doivent faire connaître les avantages du projet, les retombées économiques régionales, les
inconvénients de celui-ci, ses impacts sur le milieu naturel et humain ainsi que les mesures d’atténuation de ces
impacts.
Nous croyons qu’à l’intérieur d’un cadre proposé par le gouvernement, les instances régionales pourraient
adapter le processus de consultation aux réalités régionales. Le promoteur, les élus ainsi que la population
pourront compter sur une structure transparente qui mènera à une consultation harmonieuse.
Doit-on pour autant privilégier un cadre uniforme de consultation des communautés d’accueil sans égard à la
nature des projets ? Certainement pas. Les récents débats sur l’exploitation des ressources naturelles dans
plusieurs communautés ont démontré hors de tout doute qu’aucun projet ne peut aujourd’hui voir le jour sans
une certaine approbation. L’accueil favorable du milieu local est une composante incontournable de la réussite
d’un projet. Or, il semble l’on mélange les concepts d’accueil favorable du milieu local et d’acceptabilité sociale.
La FCCQ croit que l’on ne doit pas se mettre la tête dans le sable : tous les projets ont des impacts. Nous
devons toutefois nous questionner tous ensemble sur ces impacts, les documenter et analyser les mesures
possibles d’atténuation et de compensation.
Pour être en mesure de rejoindre un maximum de citoyens, la FCCQ croit que l’industrie ou l’entreprise doit aussi
participer, de façon encadrée, à des comités avec les collectivités présentes et favoriser une participation du
public centrée sur l’information en utilisant divers moyens de communication dont, des conférences devant les
chambres de commerce, des tables d’information, des rencontres personnalisées, des correspondances etc.
Aucune industrie ne peut garantir qu’il n’y aura jamais d’accidents. Tout est une question de gestion du risque et
de propositions de mesures d’atténuation. Une industrie intéressée à développer une ressource naturelle doit
donc bien expliquer les risques potentiels et proposer des mesures d’atténuation en cas de problèmes.
La FCCQ recommande donc que, pour chacun des projets de développement, le MERN mette en place une liste
de critères à respecter (check list) pour les promoteurs avant le lancement d’un projet afin de maximiser l’accueil
favorable du milieu local, puisque certains promoteurs n’ont pas nécessairement une connaissance fine du
contexte d’affaires québécois.
La FCCQ reconnaît enfin la particularité des projets situés en territoire autochtone au Québec. Pour des raisons
historiques qui puisent leurs racines dans leur dynamique politique et culturelle, l’information auprès des
Premières Nations doit être davantage apparentée à une consultation, voire même à une approbation de la part
du Conseil de bande. Les institutions et pratiques propres aux Premières Nations font en sorte qu’il est essentiel
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de différencier le processus d’information que nous proposons à celui qui serait applicable auprès des
Autochtones. Avec l’arrivée de nombreux projets liés au Plan Nord, nous croyons que cette avenue est
souhaitable.
17
7. Le partage des bénéfices
Quels types de bénéfices pour les populations concernées par un projet favorisent le mieux l’acceptabilité sociale
? Depuis toujours, nous sommes en faveur de règles claires. Les redevances ne sont pas les seules retombées
issues des activités de mise en valeur des ressources énergétiques et minérales. D’entrée de jeu, la Fédération
rappelle avec insistance le fait que les ressources naturelles appartiennent à l’État, donc à l’ensemble de la
collectivité. Il revient à l’État d’en assurer l’exploitation pour le bien commun des générations actuelles et futures.
Les retombées pour les administrations publiques et pour la collectivité sont ainsi bien plus importantes que les
perceptions que l’on peut en avoir.
Lors d’une étude coûts-bénéfices, nous devons nous demander si les avantages d’un projet en surpassent les
inconvénients, une fois les trois aspects de développement durable pris en considération, soit les volets
économique, environnemental et celui de l’accueil favorable du milieu local.
Les emplois créés, le développement des infrastructures et d’une expertise sectorielle sont autant d’exemples
des avantages que le Québec retire de l’exploitation de ses ressources. Outre les taxes et impôts versés au
Trésor public, cette plus-value se manifeste concrètement dans les finances publiques par le versement de
redevances à l’État.
Nous sommes conscients que nul projet ne peut se faire sans qu’il y ait des inconvénients, lesquels sont
essentiellement locaux. Dans le cas des petites collectivités, les modifications apportées au tissu social peuvent
même être importantes. C’est pourquoi nous favorisons le versement d’une compensation dans la ou les localités
affectées par le projet.
Une approche globale serait de lier le versement de la compensation à l’État au prix de la ressource, en tenant
compte des coûts de production, ainsi qu’au potentiel et à la productivité du site où est la ressource est
développée.
La FCCQ croit qu’une partie de la compensation versée au gouvernement devrait être accordée aux autorités
locales où un projet sera développé afin de les compenser pour les inconvénients subis. Il est raisonnable de
croire que, outre les retombées liées à l’emploi local et aux retombées économiques directes, la communauté
puisse jouir d’un dédommagement qui bénéficiera à l’ensemble des résidants. L’exemple des compensations
versées aux municipalités où sont érigées des éoliennes est certainement à suivre en cette matière. Une somme
18
forfaitaire ou étalée sur un court laps de temps permettrait aux collectivités de profiter directement des retombées
des projets.
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8. Le coût de renonciation aux projets de développement
De l’aveu même du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, le Québec a perdu des opportunités de
développement économique sans pouvoir les chiffrer.17 Avons-nous les moyens, en tant que société, de laisser
passer des projets porteurs de développement économique ? Pourquoi, lorsqu’il s’agit d’économie et de
développement, le blocage semble instantané ? Nous l’affirmons depuis longtemps et nous le répétons : le
Québec paie un prix important pour les choses qui ne se font pas.
Comme l’écrivait justement Alain Dubuc en parlant de l’impressionnant bond en avant que fut la Révolution
tranquille, « (…) si le premier ministre Jean Lesage avait dû faire face au conservatisme et à la culture
d’opposition systématique au changement qui s’expriment maintenant, il aurait sans doute été politiquement
incapable d’amorcer la Révolution tranquille et encore moins de la mener à bien ».18
Dans de multiples dossiers à caractère économique, les promoteurs sont les seuls à défendre non seulement le
bien-fondé de leur projet spécifique, mais celui de la filière toute entière. À titre d’exemple, plusieurs projets
miniers semblent actuellement enfermés dans cette forme d’antagonisme. Les opposants ne s’en prennent pas
seulement à des projets spécifiques mais à l’ensemble de la filière.
Le refus systématique de tout projet créateur de richesse comporte un coût économique de renonciation
significatif. Il faut comprendre que le Québec souffre d’un sous-investissement chronique depuis des décennies
ce qui explique notre niveau de vie inférieure à celui du reste du Canada. Si nos entreprises ne sont pas
rentables, elles ne peuvent pas investir et donc améliorer leur productivité. Nous devons collectivement réfléchir
au coût de la renonciation aux projets d’envergure.
Le gouvernement a, d'un point de vue économique, avantage à ce que des projets d’exploitation des ressources
se réalisent parce qu’ils vont générer des retombées bénéfiques pour tout le Québec. L’intérêt supérieur du
Québec doit conjuguer mais dépasser celui des intérêts locaux.
Le gouvernement du Québec doit revoir certains des processus d’évaluation des projets et se doter d’une
stratégie cohérente de communication face aux projets d’envergure. Nous l’invitons à revoir le rôle et les critères
de décision d’organismes d’évaluation de projet, comme le BAPE, de façon à les mettre à jour face aux nouvelles
réalités de l’économie. Une telle révision devrait être l’occasion de resserrer les critères qui déterminent qui peut
faire une intervention dans une instance. Cette mise à jour vise à rendre transparent le processus d’évaluation
17
18
http://argent.canoe.ca/nouvelles/ressources-lacceptabilite-sociale-decortiquee-et-analysee-18112014
DUBUC, A. Éloge de la richesse, p.335.
20
de façon à rendre les coûts de conformité et les délais imposés à des promoteurs de projets d’investissement.
Cette rationalisation du processus d’évaluation réduirait le risque de l’investissement et serait favorable à la
croissance économique.
La mise à jour des processus d’évaluation des projets d’investissement devrait aussi être l’occasion pour le
gouvernement de limiter de façon rigoureuse le pouvoir du gouvernement ou de l’opposition à retarder les
décisions, pouvoir qui crée de l’incertitude et accroît le risque des investisseurs. Tout processus d’évaluation
devrait suivre un échéancier précis avec des délais de rigueur de façon à minimiser de telles incertitudes. Un tel
changement permettrait de fournir des garanties aux investisseurs qui seraient plus enclins à engager les
ressources appropriées pour des projets de développement économique.
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9. Conclusion
Si nous avons salué le lancement de ce chantier sur l’acceptabilité sociale, c’est que nous souhaitons que les
exigences et les processus qui conduisent à l’autorisation d’un projet majeur soient clarifiés. Si le chantier sur
l’acceptabilité sociale avait pour but de permettre au gouvernement de mieux prendre en compte les attentes des
parties prenantes lors de la planification et la réalisation de projets, nous avons fait la démonstration des
avantages à mieux documenter les aspects économiques de ceux-ci.
Or, cette meilleure connaissance doit surtout s’inscrire dans la mise en place d’un processus défini, clair et
allégé. Les processus d’approbation et d’émission de permis sont nombreux, complexes et très longs. Plusieurs
de nos membres déplorent ces lenteurs ainsi que le manque de soutien des ministères en vue de leur obtention.
Depuis toujours, nous reconnaissons le droit au gouvernement de poser des exigences importantes aux
entreprises. Mais aucun projet de développement ne saurait voir le jour sereinement dans le contexte
d’affrontement idéologique actuel si l’on ne met pas sur pied des processus consultatifs et décisionnels clairs et
transparents dont les règles et les échéances sont équitables, connues et respectées par tous.
Par les propositions que nous avons présentées dans ce mémoire, nous ne prétendons pas détenir la clé qui
permettrait à tous les projets de voir le jour sans obstacle. Or voyant plusieurs indicateurs passer au rouge ces
dernières années, nous avons jugé urgent de nous impliquer dans la discussion sur l’acceptabilité sociale pour
explorer des pistes de solution possibles et porteuses de résultats.
L’acceptabilité sociale d’un projet ne peut se limiter au point de vue d’une seule partie prenante.
Le
gouvernement doit défendre les intérêts supérieurs du Québec, dont celui du développement économique. Le
gouvernement a donc une responsabilité au chapitre de l’acceptabilité sociale et particulièrement dans un
contexte où notre économie a un pressant besoin de stimulation.
La Fédération continuera donc de suivre attentivement la suite de ce dossier pour s’assurer que ses propositions
ne demeurent pas vaines et que tous les efforts soient déployés pour que le développement harmonieux de nos
ressources naturelles puisse se faire et ce, au profit de toute la collectivité québécoise.
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