Haïm Korsia : "Pour Jérusalem, je ne me tairai point"

Transcription

Haïm Korsia : "Pour Jérusalem, je ne me tairai point"
lundi 9 mai 2016 LE FIGARO
« Pour Jérusalem, je ne me tairai point »
O
n ne peut être que
profondément choqué
lorsqu’on apprend que
notre pays, la France,
pays des Lumières
et de la laïcité, a apposé
sa signature au bas de la résolution
adoptée par le Conseil exécutif de
l’Unesco le 16 avril dernier, sur le point
intitulé « Palestine occupée ».
Il ne s’agit pas pour moi - ce n’est ni
mon rôle ni mon ambition - d’évoquer
les conflits politiques et territoriaux
qui occupent et déchirent les États
du Proche-Orient. Mais le responsable
religieux français que je suis, ne peut
demeurer silencieux devant une telle
atteinte à la foi de nombre de fidèles,
qui ont accompagné la destinée
du Temple de Jérusalem, de Salomon
le bâtisseur à Jésus chassant
les marchands ; je ne peux rester
indifférent devant une telle offense
à l’Histoire et à l’honneur.
Que l’Unesco, dont la mission est
de promouvoir la paix, la sécurité et les
libertés fondamentales en « resserrant
par l’éducation, la science et la culture,
la collaboration entre les nations »
s’inscrive dans une dénégation
aberrante, en adoptant une résolution
qui laisse entendre que les juifs
n’auraient aucun
droit de regard sur
le Mur occidental
(appelé dans
la résolution
Le grand rabbin de France* s’étonne que la France
de l’Unesco place
ait voté pour la résolution de l’Unesco
albraque), voire
qui condamne non seulement la politique
qu’ils n’auraient
de l’État hébreu à Jérusalem, mais qui, surtout,
pas construit
rebaptise le mur des Lamentations et les autres
le Temple
de Jérusalem,
lieux symboliques du judaïsme de noms arabes.
HAÏM KORSIA
A
GUILLAUME KLOSSA
Le fondateur d’EuropaNova, initiateur
de ce texte signé par d’éminents Européens*,
invite à un sursaut de l’UE à travers
six initiatives concrètes.
des lieux de culte exclusivement
musulmans.
Mais dénier aux juifs, ainsi
qu’aux chrétiens qui se sont appuyés
sur la construction du Temple
pour élever les cathédrales,
aux francs-maçons qui en ont fait
le symbole de leur humanisme,
et enfin aux non-croyants,
l’appartenance à ces lieux historiques
et inspirés est faire insulte à la mémoire
et à l’intelligence collectives
de l’humanité. C’est d’ailleurs aussi
faire insulte à l’islam, car cette foi
s’enracine dans celles qui l’ont
précédée. Or,
s’il n’y a pas
Si, en France, nos synagogues,
de Temple,
pourquoi ce lieu
nos églises, nos temples
particulier pour
et nos mosquées sont tournés
une mosquée ?
Il se trouve
vers l’Orient, c’est que ces lieux suivent
que si, en France,
l’appel de Jérusalem, celui du Temple
nos synagogues,
nos églises,
nos temples et nos mosquées
vont pleurer en un lieu spécial concédé
sont tournés vers l’Orient, c’est que
par les Turcs, sur les ruines de ce Temple
ces lieux suivent l’appel de Jérusalem,
de Salomon… » (Chateaubriand, 1811).
celui du Temple.
En citant ces écrivains, je ne fais
Une telle attitude est sans aucun
que me référer modestement
doute préoccupante pour l’avenir
aux Témoignages sur Israël dans
de l’Unesco, malgré tout le respect
la littérature française, ouvrage publié
qu’on peut avoir pour les objectifs
en 1938 par le grand rabbin Jacob
poursuivis par ses fondateurs et
Kaplan, qui a su souligner le rôle
l’estime portée à sa directrice générale.
exceptionnel de passeurs de mémoire
Que la France ajoute son paraphe
qu’ont joué les auteurs français
à ceux des pays qui approuvent cette
dans l’histoire du peuple juif.
position est proprement révoltant
Certes, on ne devrait être que
pour le patriote que je suis. Le principe
moyennement surpris par la position
de laïcité, inscrit dans notre
de l’Unesco, quand on sait que le
Constitution, aurait dû interdire
tombeau des Patriarches et la tombe
de prendre aussi ouvertement parti
de Rachel ont été récemment classés
pour des tenants extrémistes, aveuglés
par la même organisation comme
ne manque pas de laisser pantois
les honnêtes observateurs.
Il y a là injure à ce que nous
rapportent les textes sacrés, la Bible et
ses 867 mentions de Jérusalem, comme
les Évangiles, mais aussi à l’Histoire.
D’innombrables voyageurs aussi
érudits que Pierre Loti, qui n’était
pourtant pas un parangon de
philosémitisme, ou Chateaubriand,
pour ne citer qu’eux, témoignent,
s’il en était besoin, de l’enracinement
ancestral du judaïsme dans ces lieux :
« C’est vendredi soir, le moment
traditionnel où, chaque semaine, les juifs
«
»
par des considérations bien éloignées
de la miséricorde divine.
La France, l’une des nations
qui a le plus largement contribué
à la clairvoyance et à la mesure
de notre civilisation, ne peut pas ne pas
être offusquée par le déni de réalité
que constitue la résolution votée.
Elle ne peut pas ne pas voir, dans
la répétition, l’insistance, la litanie
maladive des termes « Israël, puissance
occupante » tout au long du texte,
le révélateur des vrais mobiles de ses
auteurs. Elle aurait dû, sans conteste,
retenir sa plume. Aussi est-il de ma
responsabilité de dénoncer cette avanie
comme un écho au prophète Isaïe
(LXII, 1) : « Pour Jérusalem, je ne me
tairai point. »
Le ministre des Affaires étrangères
m’a assuré de la constance de la
position de notre pays et de l’évidence
de la connaissance que possèdent
nos représentants et nos diplomates
des faits historiques incontestables.
Jean-Marc Ayrault, dont j’ai pu
mesurer la solidité des convictions,
devra le réaffirmer de façon forte
et claire lors de son prochain voyage
en Israël, mi-mai. Nous avons fait part
de notre souhait et réitérons notre
demande que cette position soit
également clairement réaffirmée
par notre pays, notamment lors
de la 40e session du Comité
du patrimoine mondial qui se tiendra
à Istanbul du 10 au 20 juillet prochain.
En restant vigilants, nous souhaitons
aussi aider l’Unesco à retrouver le sens
premier et profond de la charte
qui la fonde et de l’espoir qu’elle porte
pour tous.
* Membre de l’Institut.

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