AOUISSI Khalil Bachir. Le Clivage ville-port. Le cas d`Alger
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AOUISSI Khalil Bachir. Le Clivage ville-port. Le cas d`Alger
REPUBLIQUE ALGERIENNE DEMOCRATIQUE ET POPULAIRE MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ECOLE POLYTECHNIQUE D’ARCHITECURE ET D’URBANISME EPAU Mémoire de magister Post graduation : Urbanisme et Développement Durable Laboratoire : Ville, Urbanisme et Développement Durable (VUDD) Le Clivage ville/port Le cas d’Alger Présenté par : - AOUISSI Khalil Bachir. Devant le jury composé de : Président : - Monsieur BAOUNI Tahar : Professeur - Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU) - Alger. Examinateurs : - Monsieur BOUKHEMIS Kaddour : Professeur – Université BADJI MOKHTAR - Annaba. Madame CHABOU OTHMANI Meriem: Maître de conférences - Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU) - Alger. Rapporteur : - Madame DJELAL Nadia : Professeur - Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme (EPAU) - Alger. Soutenu le : Jeudi 12 décembre 2013. Ce modeste travail est dédié : À la mémoire de mon grand-père À Toute ma famille et spécialement; mes parents et ma grand-mère À ma chère sœur Lyna et ma chère fiancée Yasmine À mes amis : Nadir, Rami, Ibrahim, Haitem, Mohamed, Tahar, Amine, Cherif… Et à toute l’équipe Archi-Style. Les villes portuaires : «Ayant assez en commun pour se distinguer des autres villes » (MURPHEY R. 1989). Remerciements : J'exprime toute ma gratitude aux membres du jury d'avoir bien voulu accepter de juger ce travail. Je tiens à exprimer toute ma gratitude à ma directrice de mémoire, Nadia DJELAL, pour m’avoir fait profiter de ses conseils et de ses connaissances ainsi que pour le soutien dont elle m’a témoigné durant tout ce travail. Je souhaite également témoigner toute ma reconnaissance à Karima SNOUCI, Youcef ICHEBOUBENE, Mohamed THABTI, Francesca MORUCCI et Béatrice BRIAND dont les orientations, les conseils et le soutien m’ont toujours été précieux. Mes remerciements vont, également, à toutes les personnes qui, à Alger comme au port d’Alger, m’ont accordé un peu de leur temps et qui m’ont permis d’avancer dans ma réflexion. Un grand merci à mes amis et à mes collègues qui, par leurs relectures, leurs encouragements et leur soutien moral, m’ont permis de tenir bon dans les moments difficiles. Enfin mon ultime reconnaissance va à mes parents. Je voudrais leur témoigner ici toute ma gratitude pour leur aide et leur soutien indéfectible. Ce mémoire leur doit énormément et moi encore d’avantage. I Résumé : Le clivage ville/port : Le cas d’Alger Depuis les années 50, les villes portuaires ont connu un mouvement de réaménagement de leurs fronts d’eau et qui s’est propagé à partir des villes nord-américaines sous l’intitulé de; ‘waterfronts revitalizations’. Ce mouvement est venu à la suite de la délocalisation des anciens sites portuaires jugés inaptes et insuffisant par les tirants d’eau et les surfaces limitées qu’ils offrent face aux nouvelles exigences du ‘gigantisme naval’ qui repose principalement sur la conteneurisation, le transport en vrac (solide et notamment liquide pour le gaz et le pétrole) et le volume d’échange en expansion sous l’ère de la ‘mondialisation’. Ce mouvement de réaménagement des fronts d’eau est également appelé ‘la recomposition villeport’, car il vient après une période de distanciation entre ville et port, ‘un clivage’ enclenché par la révolution industrielle. Certaines villes notamment les villes portuaires du tiers monde et à cause de leur retard accumulé dans le passé, continuent à vivre ce clivage ville/port comme c’est le cas pour Alger. Le clivage ville/port est considéré comme un effet pervers qui dégrade la ville portuaire. Dans cette recherche, l’objectif est de mettre la lumière sur la problématique du clivage ville/port dans le cas d’Alger. Antonyme de nature dans les temps modernes, l’activité portuaire et l’activité urbaine ne cohabitent plus en juxtaposition sur le même territoire, le port est considéré comme une source de nuisances, de risques majeurs et de pollution qui nuit à la qualité de vie de la ville. En contrepartie, la ville par son partage des infrastructures routières et sa juxtaposition spatiale, est considérée comme étouffante pour le port et nuit à ses performances économiques. À vrai dire, Alger actuellement est le terrain de bataille entre la ville et le port, la préférence de l’un se faisant toujours au détriment de l’autre. Mais d’un autre côté, il faut admettre que le port d’Alger est caduc face aux nouvelles exigences du gigantisme naval car il est resté inchangé depuis plus de 50ans et son remplacement est devenu plus que nécessaire au vue des pertes économiques qu’il cause au pays. Face à cette délocalisation envisagée du port d’Alger, et ce clivage que vivent ville et port, la recomposition ville/port sera-t-elle le destin d’Alger à l’image des autres villes portuaires qui lui ont précédé? Aujourd’hui et plus que jamais « l’Alger rêve », face aux ambitions de cette ‘métropole inachevée’ (SAFAR-ZITOUN M. 2001) et les problèmes qu’elle vit, la recomposition ville-port demeure comme l’opportunité ultime pour ‘sa montée en gamme’, pour réaliser ses rêves et dépasser ses problèmes, comme en témoignent plusieurs exemples ainés de réaménagement ‘waterfront ’ à l’instar de Lisbonne, Marseille, Dunkerque, Hambourg, etc. Mots clés : Villes portuaires, Alger, port d’Alger, clivage ville/port, recomposition ville/port, Opération waterfront. II Abstract: The cleavage city/port: The case of Algiers Since the 50s, port cities have experienced a movement to redevelop their waterfronts and have spread from North-American cities under the heading of; 'waterfronts revitalizations'. This move came after the relocation of former port sites deemed unsuitable and insufficient drafts. also, the limited surfaces that they offer facing the new demands of the 'mega-vessels’, which is mainly based on containerization, transportation bulk (solid and liquid including gas and oil) and the trade volume growing in the era of 'globalization'. This movement of waterfronts’ redevelopment is also called 'the recomposition port-city'. It is called so because it came after a period of estrangement between city and port, ‘a cleavage’ initiated by the Industrial Revolution. Because of their backlog of the past, some cities even port cities of the Third World continue to live this split city/port as is the case for Algiers. Cleavage city/port is considered as a perverse effect that degrades the port city. The objective of this research is to shed the light on the problem of split city/port in the case of Algiers. Antonym of nature in our area, port and urban activities are no longer cohabiting in juxtaposition on the same territory, the port is considered as a nuisance, and major risks of pollution that affects the quality of life, in the opposite side, the city, by its share of road infrastructure and its spatial juxtaposition, it is seen as stifling night for the port and its economic performance. In real words, Algiers is currently in the field of battalions between the city and port, the preference of one will always be at the expense of another. But on the other hand, it must be admitted that the port of Algiers is obsolete in front of the new demands of megavessels, it remained unchanged for over 50 years, and its replacement has become more than necessary for economic losses that issue in the country. Faced with this proposed relocation of the port of Algiers, and that this cleavage atrocious living city and port, the recomposition city/port will Algiers have the same fate as of other port cities that have preceded it? Today more than ever Algiers 'dream', and deal with the ambitions of the 'unfinished metropolis' (SAFAR-ZITOUN M. 2001) and the problems she lives, redial port city as it remains the ultimate opportunity for 'its upmarket', realising their dreams and overcome its problems, as illustrated by several examples of redevelopment 'waterfront' as Lisbon, Marseille, Dunkerque, Hamburg, etc. Keywords: Port cities, Algiers, Algiers port, cleavage city /port, recomposition city /port, Waterfront operation. III الملخص: االنشقاق بين المدينة و الميناء :حالة الجزائر. منذ خمسٌنٌات القرن الماضً عرفت المدن المٌنائٌة حركة إعادة تهٌئة واجهاتها البحرٌة .حٌث انتشرت هذه الحركة من مدن شمال أمرٌكا بعنوان ‘تنشٌط الواجهات البحرٌة‘ ،هذه الحركة نتجت عن إزاحة المواقع المٌنائٌة القدٌمة المتسمة بنقص الغمق و نقص المساحات الممنوحة أمام االحتٌاجات الجدٌدة ‘للعملقة البحرٌة‘ التً تعتمد أساسا على النقل بواسطة الحاوٌات و النقل عن طرٌق الحجم (الصلب و خاصة السوائل مثل الغاز الطبٌعً و النفط) و حجم المعامالت التجارٌة الذي هو فً تزاٌد كبٌر تحت ظل ‘العولمة‘. هذه الحركة إلعادة تهٌئة الواجهات المائٌة تسمى أٌضا بـ‘:إعادة التركٌب بٌن المدٌنة و المٌناء‘ ،ألنها تأتً بعد مدة من االنشقاق بٌن هذٌن األخٌرٌن ،هذا االفتراق ما هو إال احد النتائج السلبٌة للثورة الصناعٌة .بعض مدن العالم النامٌة المٌنائٌة ال زالت تعانً من االفتراق بٌن المدٌنة و المٌناء على غرار مدٌنة الجزائرٌ .عتبر هذا االفتراق بٌن المدٌنة و المٌناء سلبً و مدهور للمدٌنة المٌنائٌة. الهدف من هذا البحث ،هو تسلٌط الضوء على إشكالٌة االفتراق بٌن المدٌنة و المٌناء بالنسبة للجزائر .متعاكسان بالطبع ،النشاط العمرانً و النشاط المٌنائً ال ٌنسجمان بالتجاور على نفس اإلقلٌم ،حٌث أن المٌناء ٌعتبر كمصدر إزعاج للمدٌنة و سكانها ،بسبب التلوث الجوي و الصوتً و كذا األخطار التكنولوجٌة الناجمة عن طبٌعة النشاط المٌنائً ،كل هذا ٌعتبر مقهقر للنوعٌة المعاشٌة للمدٌنة .و من جهة أخرى ،مشاركة المدٌنة فً البنٌة التحتٌة و مجاورتها الفضائٌة للمٌناء تعد خانقة له و هذا ما ٌعود سلبا على أدائه االقتصادي .فً الوقت الحالً ،الجزائر هً أشبه بأرض معركة بٌن المدٌنة و المٌناء ،حٌث أن ،إعطاء األفضلٌة ألحدهما ستكون دوما على حساب اآلخر .لكن و من جهة أخرى ،مٌناء الجزائر ٌشهد عجزا كبٌرا أمام المتطلبات البحرٌة الحدٌثة ،و هذا بسبب الركود الذي شهده منذ خمسٌن سنة .استبدال مٌناء الجزائر لٌس باألمر المستبعد ،بل أصبح ضرورة أكثر منه اختٌار نظرا للخسائر االقتصادٌة الهامة الناجمة عنه. أمام االستبدال المتوقع لمٌناء الجزائر و االنشقاق الذي تعٌشه المدٌنة مع المٌناء ،فهل إعادة التركٌب بٌن المدٌنة و المٌناء سٌكون قدر الجزائر على غرار سابقاتها من المدن المٌنائٌة؟ الٌوم و أكثر من أي وقت مضى الجزائر ‘تحلم‘. أمام طموح هذه ‘المتروبول الغٌر منتهٌة‘ (صفار زٌتون م )1002 .و المشاكل العالقة فٌها ،إعادة التركٌب بٌن المدٌنة و المٌناء تعد كفرصة نهائٌة ٌجب انتهازها لتحقٌق طموحات الجزائر و تخطً مشاكلها العمرانٌة كما تشهد لذلك عدة أمثلة إلعادة تهٌئة الواجهات البحرٌة لمدن مٌنائٌة مماثلة لها و سبقتها فً إعادة التركٌب بٌن المدٌنة و المٌناء كـ: لشبونة ،مرسٌلٌا ،دونكٌرك ،هامبورج ،الخ. كلمات البحث :المدن المٌنائٌة ،الجزائر ،مٌناء الجزائر ،االنشقاق ببن المدٌنة و المٌناء ،اعادة التركٌب بٌن المدٌنة و المٌناء ،تنشٌط الواجهات البحرٌة. IV Table des matières : Remerciements : ....................................................................................................................... I Résumé : .................................................................................................................................. II Abstract: ................................................................................................................................. III ملخص................................................................................................................................... VII Table des matières : ................................................................................................................. V Introduction générale: 1. Introduction : Intérêt du thème étudié, délimitation et cadrage du champ d’étude. ........... 1 2. Problématique : ................................................................................................................ 3 2.1. Problèmatiques de la recherche : ............................................................................................ 3 2.2. Les hypothèses : ....................................................................................................................... 4 2.3. Les objectifs de la recherche : .................................................................................................. 5 3. Démarche méthodologique : ............................................................................................. 6 Première partie: Concepts, définitions, et mutations des villes portuaires. Introduction : La ville portuaire, une extrémité nerveuse en permanente mutation. ................ 12 Chapitre 1 : La ville portuaire, définitions et typologies. .......................................................... 13 Introduction : ..................................................................................................................................... 13 1.1. Ville portuaire; définition terminologique et typologique :................................................... 14 1.1.1. Définition terminologique : ............................................................................................ 14 1.1.2. Définition typologique : ................................................................................................. 15 1.1.3. Typologie spatio-fonctionnelle des villes portuaires : ................................................... 16 1.2. Un système ville-port : ........................................................................................................... 18 1.2.1. Les activités spécifiques du système ville-port : ............................................................ 18 1.2.2. Inscription spatiale du système ville-port. ..................................................................... 19 Conclusion :........................................................................................................................................ 21 V Chapitre 2 : Le clivage ville/port. ............................................................................................ 22 Introduction : ..................................................................................................................................... 22 2.1. Les causalités du clivage ville/port : ....................................................................................... 23 2.1.1. Changement de base économique et éclatement des marchés :.................................. 24 2.1.2. Evolution technologique des transports : ...................................................................... 25 2.1.2.1. Le transport maritime : .......................................................................................... 25 2.1.2.2. Le transport terrestre : ........................................................................................... 25 2.1.3. Le nouveau statut du port :............................................................................................ 26 2.1.4. Synthèse du développement de la ville portuaire jusqu’au 19e siècle : ........................ 28 2.2. Les modalités du clivage ville/port :....................................................................................... 29 2.2.1. Une rupture spatiale : .................................................................................................... 29 2.2.2. Une division institutionnelle : ........................................................................................ 29 2.2.3. Une déracinassions sociale et imaginaire : .................................................................... 30 2.3. Les conséquences du clivage ville/port :................................................................................ 30 2.3.1. L’apparition d’une interface en décalage :.................................................................... 30 2.3.2. La non-cohabitation ville/port : ..................................................................................... 31 2.3.2.1. Un Port condamné par sa ville : ............................................................................. 32 2.3.2.2. Une Ville dégradée par son port : .......................................................................... 32 2.3.3. Déphasage entre centralités : ........................................................................................ 33 2.3.4. La perte d’identité : ........................................................................................................ 33 Conclusion :........................................................................................................................................ 34 Chapitre 3 : La recomposition ville-port. ................................................................................. 35 Introduction : ..................................................................................................................................... 35 3.1. Les incitations des reconversions portuaires : ....................................................................... 36 3.1.1. 3.1.1.1. Les nouveaux moyens de manutention : ............................................................... 37 3.1.1.2. La mondialisation des échanges et l’implication des ports :.................................. 39 3.1.1.3. Les nouvelles infrastructures portuaires :.............................................................. 40 3.1.2. 3.2. Le gigantisme naval et la délocalisation portuaire :....................................................... 36 Le phénomène de délaissement : .................................................................................. 41 3.1.2.1. La génération des friches portuaires :.................................................................... 42 3.1.2.2. La distanciation ville/port et la perte d’identité portuaire : .................................. 43 3.1.2.3. Une crise sociale et démographique : .................................................................... 43 Les mouvements de ‘waterfronts revitalizations’ :................................................................ 44 3.2.1. ‘La reconquête’ ; une nécessité plus qu’un choix : ........................................................ 44 VI 3.2.2. Les atouts des reconversions portuaires : ..................................................................... 45 3.2.2.1. Recentrage de la ville et recyclage du foncier : ..................................................... 46 3.2.2.2. Revalorisation, Modernisation, Mondialisation et Métropolisation de la ville : ... 46 3.2.2.3. Redéfinition de la vitrine maritime et remaritimisation de la ville : ...................... 47 Conclusion :........................................................................................................................................ 49 Chapitre 4 : Analyse d’exemples de réaménagement waterfront. ............................................ 50 Introduction : ..................................................................................................................................... 50 4.1. Dunkerque : ‘la née’ de ses cendres : .................................................................................... 51 4.1.1. Les incitations de la reconversion portuaire : ................................................................ 52 4.1.2. ‘Neptune’ réconcilier la ville avec son front d’eau: ....................................................... 53 4.1.3. Bilan de l’opération ‘waterfront’ :.................................................................................. 57 4.2. Lisbonne : ‘tabula rasa’ : ........................................................................................................ 58 4.2.1. Les incitations de la reconversion portuaire : ................................................................ 58 4.2.2. Parque EXPO 98’; Objectif ‘waterfront revitalization’ : ................................................. 59 4.2.3. Le bilan de l’EXPO 98’ : ................................................................................................... 62 4.3. Marseille ; ‘ l’Est pour la ville, l’Ouest pour le port’ : ............................................................. 63 4.3.1. Les incitations de la reconversion portuaire : ................................................................ 63 4.3.2. Le projet EUROMED : Mission EURO pour la ville, mission MED pour le port. .............. 65 4.3.3. Bilan d’EUROMED: ......................................................................................................... 68 4.4. Récapitulatif de l’analyse des exemples : .............................................................................. 69 Conclusion :........................................................................................................................................ 70 Conclusion de la première partie : .......................................................................................... 72 VII Deuxième partie: Ville, Port, et Mer; le paradoxe d'Alger. Introduction : Alger une ville portuaire en crise. ...................................................................... 76 Chapitre 5 : Alger ; l’histoire d’une ville et d’un port................................................................ 77 Introduction : ..................................................................................................................................... 77 5.1. Ikosim; la née d’un comptoir : ............................................................................................... 78 5.1.1. Alger et son port dans l’antiquité: ................................................................................. 78 5.1.2. La Casbah et son port durant la période ottomane (1516-1830) : ................................ 79 5.2. Alger; la ville et le port durant la colonisation française : ..................................................... 83 5.2.1. 5.2.1.1. De 1830 à 1848 :..................................................................................................... 84 5.2.1.2. De 1848 à 1870 :..................................................................................................... 85 5.2.2. 5.3. Alger et son port à l’ère militaire : ................................................................................. 84 Alger à partir de 1884; du militaire au tertiaire : ........................................................... 87 5.2.2.1. Évolution spatio-fonctionnelle de la ville et le port d’Alger :................................. 87 5.2.2.2. L’éclatement du système urbano-portuaire à Alger : ............................................ 89 Alger et son port après l’indépendance : ............................................................................... 91 5.3.1. La ville d’Alger, une capitale nationale : ........................................................................ 91 5.3.2. Le port d’Alger, ‘l’affaire’ de tout le pays :..................................................................... 92 Conclusion :........................................................................................................................................ 95 Chapitre 6 : Alger et son port ; clivage, affrontement, et ignorance.......................................... 96 Introduction : ..................................................................................................................................... 96 6.1. Les formes du clivage ville/port d’Alger :............................................................................... 97 6.1.1. Une rupture spatiale : .................................................................................................... 97 6.1.2. Une rupture institutionnelle : ...................................................................................... 100 6.1.2.1. Une division de gestion entre ville et port : ......................................................... 100 6.1.2.2. La non-implication du port dans la planification urbaine de la ville : .................. 101 6.1.3. Une rupture culturelle et sociale : ............................................................................... 101 6.2. Déphasage entre centralités : .............................................................................................. 103 6.3. Alger ; une ville dégradée par son port : .............................................................................. 104 6.3.1. Port ; inconfort pour les habitants : ............................................................................. 104 6.3.1.1. Port et les problèmes de circulation routière : .................................................... 104 6.3.1.2. Port et pollution atmosphérique :........................................................................ 106 VIII 6.3.1.3. Port et pollution sonore : ..................................................................................... 107 6.3.2. Port ; source de risques majeurs :................................................................................ 107 6.3.3. Port ; une empreinte tragique sur le paysage urbain de la ville : ................................ 110 6.4. Le port d’Alger ; un port étouffé par sa ville : ...................................................................... 112 Conclusion :...................................................................................................................................... 113 Chapitre 7 : Le port d’Alger, un port dépassé par son statut. .................................................. 114 Introduction : ................................................................................................................................... 114 7.1. Le port d’Alger; un port caduc et au bout de ses limites : ................................................... 116 7.1.1. Le port d’Alger; le premier port national : ................................................................... 116 7.1.2. Le port d’Alger; un port en déficit et sans atouts pour l’avenir : ................................. 118 7.2. 7.1.2.1. Le port d’Alger; un port qui déprime: .................................................................. 118 7.1.2.2. Le port d’Alger face aux nouvelles tendances portuaires : .................................. 119 Le port d’Alger dans son contexte : ..................................................................................... 122 7.2.1. La compétitivité portuaire :.......................................................................................... 122 7.2.2. Le port d’Alger face à la concurrence nationale : ........................................................ 122 7.2.3. Le port d’Alger face à ses concurrents méditerranéens : ............................................ 124 7.3. Le devenir du port d’Alger face à ses problèmes: ................................................................ 126 Conclusion :...................................................................................................................................... 127 Chapitre 8 : Alger et son port; vers une recomposition : ........................................................ 128 Introduction : ................................................................................................................................... 128 8.1. Les avantages de la recomposition ville-port pour le cas d’Alger :...................................... 129 8.1.1. La recomposition ville-port ; une opportunité de métropolisation : ........................... 129 8.1.2. Une recomposition ville-port pour une ville durable :................................................. 131 8.2. 8.1.2.1. Sur le plan social : ................................................................................................. 131 8.1.2.2. Sur le plan environnemental : .............................................................................. 131 8.1.2.3. Sur le plan économique :...................................................................................... 132 Alger; une recomposition déjà prévue? ............................................................................... 133 8.2.1. La proposition du GPU 1997 : ...................................................................................... 133 8.2.2. La proposition du projet de la baie d’Alger : ................................................................ 135 Conclusion :...................................................................................................................................... 137 Conclusion de la deuxième partie : ....................................................................................... 138 IX Conclusion générale: 1. Synthèse de la recherche : ................................................................................................... 140 2. Résultats de la recherche : ................................................................................................... 143 3. 2.1. Résultats généraux de la recherche : ........................................................................... 143 2.2. Résultats spécifiques de la recherche : ........................................................................ 144 Perspective et pistes de recherches futures: ....................................................................... 146 Abréviations :....................................................................................................................... 147 Bibliographie :...................................................................................................................... 148 Table des illustrations :......................................................................................................... 160 Annexes: Annexe 1 : Article de presse; Grave pollution au port d’Alger : .......................................................... ii Annexe 2 : Article de presse; Produit Pyrotechnique au port d’Alger 275 tonnes saisies en 2012: .. iii Annexe 3 : Article de presse; Le port d’Alger connaît toujours une situation de congestion malgré les efforts déployés récemment par les pouvoirs publics. ..................................................... iv Annexe 4 : Port d’Alger 70% des conteneurs ne sont pas contrôlés. .................................................. v Annexe 5 : Carte détaillée du développement du port d’Alger avant 1942 :..................................... vi Annexe 6 : Informations pratiques sur le port d’Alger : .................................................................... vii Annexe 7 : DP World gérera deux ports en Algérie Le groupe émirati DP World va gérer deux ports en Algérie à savoir celui d’Alger et de Djen-Djen à Jijel. ............................................................ x Annexe 8 : Analogie; Alger – Marseille / Projets urbains : ................................................................. xi X Introduction generale: 1. Introduction : Intérêt du thème étudié, délimitation et cadrage du champ d’étude. « La toile d'araignée qui s'est lentement tissée entre les territoires a été filée à travers mers et océans avec comme unique point d'accroche ce qui est capable de devenir port. Ces ancrages, lieux de rupture entre les terres et les mers, ont été les fondations de comptoirs, puis de villes .Ces places d'échanges, lieux de rencontre des hommes et des produits, confidents des langues et de l'écrit. Il n'est que de "bons ports", fortune des marins, des marchands et des voyageurs. Les cités qui en profitent ne peuvent être que fenêtres ouvertes et si elles s'embastionnent, c'est la conséquence d'une perversion de l'histoire ». (CANTAL DUPART Michel. 1993. p.7). Ces dernières années les villes portuaires deviennent un sujet d’importance particulière chez les géographes, les urbanistes, les économistes et les historiens (DUCRUET, C. 2004) Par leurs importances et complexités, villes et ports « entretiennent des relations parmi les plus complexes, les plus diversifiées et les plus déterminantes que l’urbanisme contemporain ait à traiter » (PRELORENZO Claude. 2010). Ces relations qui parfois convergent ou à l’inverse s’opposent engagent des enjeux d’ordre régional voir international. Comme il est constaté, la ville portuaire n’est pas un élément homogène, mais elle présente une imbrication spatiale de deux entités distinctes et en interdépendance : ville et port. Les rythmes de la ville portuaire sont ceux du port, car non seulement il constitue son élément caractéristique mais il se présente comme son organe vital. Comme le note J.L. BONILLO (1992) le destin du port engage celui de sa ville. L’essor de cette dernière ou son déclin est aussi bien souvent celui de son port. La révolution industrielle comme événement du millénaire, bouleverse la ville portuaire. Une ville considérée comme espace d’échange et de relais de produits, notamment avec les mouvements de colonisation, une des conséquences historiques de la révolution industrielle. Le transport maritime comme unique moyen d’échange intercontinental entre pays, accentua le rôle des ports comme points d’accrochages entre continents et guidera à des bouleversements spatiauxfonctionnels dans la structure du port, induisant une nouvelle définition conceptuelle, passant de notion « le port et sa ville » vers celle de « le port et sa région ». Ce bouleversement et ce passage entre notions et fonctions, n’est pas passé inaperçu et sans impact sur les villes-ports. Bien au contraire, il bouleverse les relations urbano-portuaire au sein de ces villes en les guidant vers une dissociation et un éclatement spatio-fonctionnel entre ville et port. D’ailleurs on parle de moins en moins de port mais plutôt d’une infrastructure portuaire. 1 Introduction générale. Cela a inféré la ville portuaire à vivre un phénomène appelé par les spécialistes de la question: le clivage ville/port. Actuellement, le progrès technologique de l’homme continue à déterminer les relations ville/port, mais cette fois-ci comme sauveteur et espoir de réconciliation pour le couple ville-port. L’avance technologique après les années 50 (CHALINE Claude. 1994) a permis de construire des navires plus grands et plus performants, un progrès appelé le gigantisme naval. Dépassés par ce progrès et inaptes à la réception de ce type de navires, les ports classiques s’éteignent en laissant place aux mégas-ports. Ce délaissement1 des ports classiques sera bénéfique pour la relation ville/port et automatiquement au profit de la ville portuaire, car on parle de mouvement de ‘reconquête’ également dit ‘waterfront revitalisation’ qui vise à une recomposition ville/port. Ce mouvement ne vise pas uniquement au recyclage du foncier des territoires portuaires délaissés, mais aussi comme moyen de recentrage, de remodelage et pour moderniser la ville portuaire. Qu’en est-il d’Alger? Alger, une ville portuaire et comme toutes les villes ports son destin était rattaché à celui de son port, d’abord comme comptoir créateur de la ville, point d’échange et d’ouverture sur la Méditerranée ‘berceau des civilisations’, ensuite ville relais durant la colonisation française et atout pour lui donner un statut de capitale d’un pays après son indépendance. Le port a gravé l’histoire de la ville et l’a même guidé à travers le temps. Actuellement ville et port témoignent d’un clivage flagrant et visible, exprimé par de multiples ruptures. Les intérêts de la ville et celles du port se chevauchent, s’affrontent et s’ignorent, ce qui devient une source de sérieux problèmes pour les deux entités, la préférence d’une fonction (urbaine ou portuaire) sera toujours au détriment de l’autre, car elles ne cohabitent plus. Ajouter à cela, le port d’Alger témoigne actuellement d’un handicap et de déficits flagrants à cause de son dépassement technique, il est jugé caduc, et il est décrit comme une faille économique importante pour le Trésor National. Son remplacement et sa délocalisation se montrent proches et comme un avantage pour les futures relations urbano-portuaires pour Alger « l’ambitieuse ». Le but de cette recherche c’est de montrer comment le clivage ville/port influe négativement et sur différents plans sur la ville d’Alger, puis montrer la nécessité de la recomposition ville-port et un éventuel réaménagement waterfront pour Alger comme solution aux problèmes qu’elle vit et comme réponse à ses ambitions de mondialisation, de métropolisation, d’équilibrage territorial et de promotion pour son cadre environnemental, annoncé comme les principaux piliers de son PDAU (2009-2029) (Parque Expo. 2011). 1 Un délaissement physique ou un délaissement technique, car le réaménagement n’est pas contraint par les friches comme témoignent les cas de Baltimore, Londres, Osaka etc. 2 Introduction générale. 2. Problématique : Le choix d’un sujet de recherche ne vient pas d’une manière hypothétique, La problématique de notre recherche est le fruit de constatations et de comparaisons entre le mondial et le local. La ville portuaire, unique par son emplacement, en interface entre deux sphères de transports (maritime et terrestre), entre terre et mer, entre solide et liquide, une philosophie qui la rend assez spécifique et la laisse comme un lieu de contraste continuel. Cosmopolite, une ville diva, extravertie solennelle, laboratoire d’architecture et d’urbanisme, ville en permanentes évolutions et mutations, etc. Ce sont les termes et les spécificités qui caractérisent la ville portuaire plus que toutes autres villes. D’emblée, ce qui nous étonne et nous incite à traiter ce sujet, c’est ce qui fait de ces villes des polémiques émergentes, des villes en poste avancé pour la mondialisation, et qui par leurs tendances à s’exposer et à s’ouvrir par leur front d’eau deviennent des vitrines symboliques1 et des villes ‘stars’ à l’instar de New York, Sydney, Osaka, Lisbonne, Boston, Rotterdam, Hong Kong, Seoul, etc. toutes des villes portuaires de premier ordre pour leurs pays. d’où est notre étonnement ; Pourquoi ne serait-ce pas le cas et l’image d’Alger qui est aussi une ville portuaire de première importance pour son pays ? cette constatation problématique et comparative entre local et mondial formera le point de départ pour formuler notre problématique de la recherche. 2.1. Problématique de la recherche : Hier Boston, Londres, Singapour, Montréal, demain Marseille, Bordeaux, Trieste, Tunis, et un jour Alger. Toutes les villes portuaires dans le monde sont confrontées à la délocalisation de leurs installations et activités maritimes en faveur de sites suburbains plus performants (CHALINE Claude. 1994). Cela vient après une étape de déclin dû à un décrochage ville/port. D’une manière plus spécifique et à une échelle micro, Alger et son port ne font pas exception. Actuellement ils souffrent d’un décrochage flagrant, exprimé par une distanciation spatiale croissante entre espace urbain et infrastructure portuaire. Le décrochage entre la fonction portuaire et la fonction urbaine met l’ensemble en difficulté de cohabitation ou en désarticulation, souvent même en confrontation, entre un intérêt d’efficacité économique pour le port, et le souci de la qualité de vie pour la ville. Ce clivage nous amène à nous demander : 1/ Comment le clivage ville/port se manifeste-t-il dans le cas d’Alger ? 2/ Comment le port présente-t-il un malaise pour la qualité de vie en ville et comment la ville présente-t-elle un obstacle aux performances économiques du port ? 1 Symbole d’architecture, d’urbanisme de richesse, de progrès technologique, de modernité et de confort. 3 Introduction générale. Nous parlons de clivage et d’insuffisance technique qui ont guidé a une délocalisation des installations portuaires classiques depuis les années 50, au profit de nouveaux ports modernes aux spécificités différentes et nouvelles pour plus d’efficacité, et afin de faire face aux nouvelles tendances du transport maritime (le gigantisme naval, la containerisation, le transport en vrac, etc.). Face à ces besoins techniques, les ports classiques inaptes sont délaissés au profit de nouveaux ports plus compétitifs, construits aux normes nouvelles et dans des nouveaux sites suburbains (CHALINE Claude. 1994) qui répondent parfaitement aux nouvelles exigences techniques. Face à cela, le port d’Alger reste inchangé depuis l’époque coloniale, ce qui nous incite à nous interroger : 3/ Est- ce que le port d’Alger répond aux nouvelles tendances portuaires d’une manière efficace en tant que premier port national de commerce? Ces trois premières questions nous conduisent à une autre question importante et qui s’impose : 4/ Le clivage ville/port vécu actuellement et l’insuffisance technique du port, guideront-t-ils forcément à une recomposition ville-port à l’image des autres villes portuaires des pays développés qui ont subi ce processus avant Alger? 2.2. Les hypothèses : Partant d’un ensemble de consensus qu’on rappelle : 1. Le clivage ville/port, est une séquence historique que la ville portuaire a subie comme étant une synergie de la révolution industrielle vers la fin du 19e siècle et qui s’est propagé avec cette dernière, un phénomène qui a affecté négativement la ville portuaire et dont certaines villes où le port est très actif continuent à le vivre à l’instar d’Alger. 2. Après les années 50-60, les anciens ports jugés inaptes et caducs étaient délocalisés au profit de nouveaux sites suburbains et en mer profonde afin de mieux répondre aux nouvelles exigences portuaires du gigantisme naval, cette délocalisation a engendré un délaissement des anciens sites portuaires, fort d’atout (en plein front de mer et en plein centre-ville) cela a enclenché un mouvement de réaménagement des anciens ports au profit d’une recomposition ville-port, un phénomène baptisé waterfronts revitalizations. Entamé par les villes nord-américaines, ce mouvement sera vite propagé dans le temps et dans l’espace pour le reste des villes portuaires dans le monde. Dans une recherche empirique qualitative, les hypothèses concerneront un ensemble de rapports entre différents phénomènes, donc, on supposera qu’un certain phénomène est la cause d'un autre, ou qu'il en est une conséquence, ou encore que certains rapports combinés entre eux ont des effets particuliers entre ville et port. 4 Introduction générale. Ainsi, nos hypothèses de travail sont basées sur quatre constats que nous allons essayer de lier par la logique susmentionnée : - - - D’abord, Alger met tout le monde en accord que c’est une ville dégradée et dont son image ne reflète pas son statut iconique (Le point de départ de notre recherche). Puis, le port d’Alger est le premier port national de commerce et qui ne cesse pas de faire couler beaucoup d’encre sur ses performances en retrait comme étant caduc et dépassé. Ensuite, Alger est une ville fortement séparée de son port, elle se montre comme un bon exemple d’étude sur le phénomène du clivage ville/port qu’elle vit. Enfin, il faut dire que la ville d’Alger est comblée d’atouts qu’elle compte exploiter, et c’est une ville qui ambitionne comme il est montré dans son PDAU (2009-2029). Donc, en lient nos constatations susmentionnées nos hypothèses de travail s’ordonnent comme suit : - Le clivage ville/port vécu par Alger et son port et leur juxtaposition sont supposés être les sources principales de la dégradation de la ville et de l’inefficacité du port. Donc le port dégrade la qualité de vie en ville, et la ville rabaisse les performances économiques du port. - La réconciliation de la ville avec son port, demeure inévitable et l’élément clef pour dépasser la situation de crise dont Alger souffre, donc la recomposition ville-port sur de nouvelles bases à l’image de toutes les autres villes portuaires recomposées dans le monde, ce qui permettra à Alger de réaliser ses ambitions soulignées par son PDAU 2009-2029 et dépasser sa situation de clivage et de crise actuelle. 2.3. Les objectifs de la recherche : Les objectifs de cette recherche sont multiples: D’une manière générale, comprendre la genèse et les facteurs du clivage ville/port et saisir le phénomène des ‘waterfronts revitalizations’. Montrer aussi que le clivage ville/port est une séquence temporelle et un phénomène mondial pour toutes les villes portuaires et qu’il est toujours suivi par un mouvement de réaménagement visant à une recomposition. D’une manière spécifique, mettre l’accent sur une problématique négligée pour Alger et qui présente son vrai malaise, et montrer comment le clivage ville/port se manifeste dans son cas, puis analyser sa genèse, et voir ses symptômes. Pour cela il nous faudra déceler les problèmes de la ville d’Alger dus à son port et comprendre comment ce dernier dégrade sa qualité de vie et nuit au confort de ses habitants. Parallèlement, nous nous attèlerons à déceler les problèmes du port 5 Introduction générale. d’Alger dus à la ville et verrons les impacts sur ses performances techniques et les répercussions sur l’économie nationale. Cela nous permettra de voir les faiblesses et les limites du port d’Alger, qui le rendent inefficace et inapte en tant qu’infrastructure portuaire nationale majeure et non compétitive dans son contexte maghrébin et méditerranéen, et montrer la nécessité de son remplacement. De là, nous prospecterons les relations urbano-portuaires au futur, face à ces problèmes et verrons les possibilités de recomposition ville-port pour Alger et les futurs atouts apportés par cette recomposition d’une manière analogique en se basant sur l’étude d’exemples étrangers. 3. Démarche méthodologique : Une géographie ou un urbanisme spécifique aux villes portuaires n’existe pas, car on ne sait pas s’il s’agit d’une catégorie scientifique particulière, ou un objet d’étude spécifique au sein des sciences humaines comme le souligne Claude Chaline (1994). Les villes portuaires par leurs traditions d’ouverture, se comportent comme des lieux particulièrement propices à l’innovation venue d’ailleurs (Claude CHALINE. 1994). Ce que nous pouvons retenir, c’est que la ville portuaire par cette ouverture et par son insertion en réseau, a une double polarité (maritime avec l’extérieur, et terrestre avec l’intérieur), en tant que territoire d’échanges, de convergences, de centralité urbaine, de réticularité (terrestre et maritime) et de nodalité (DUCRUET César. 2004) qui lui confère des particularités spécifiques. Elle nécessite dans son étude des approches pluridisciplinaires en raison de sa richesse et de sa complexité comme territoire. Toutes ces notions montrent la complexité d’approche pour une recherche sur la ville portuaire. La ville portuaire se montre complexe du fait de sa composition en trois entités distinctes, ville comme espace de vie (relative à l’homme), port comme outil technique (relatif à l’entreprise) et interface physique constituée de tout l’espace linéaire entre les deux. Pour le cas d’étude, notre motivation s’est portée sur Alger, une ville iconique pour le pays comblée d’atouts mais qui témoigne de multiples difficultés. Nous avons considéré le port comme contrainte et source de la majorité de ses problèmes vécus au quotidien de la ville. Alger, en tant que métropole et ville côtière, a été rarement appréhendée à travers sa véritable particularité et sa véritable essence, c’est-à-dire une ville-port. Alger une ville portuaire nationale, née d’un port et qui continue à évoluer avec lui, son destin est étroitement liée à ce dernier. Capital d’un pays avec un port qui assure plus du tiers des échanges nationaux (EPAL. 2011), des chiffres qui le positionnent comme le port le plus important du pays. Asphyxié par son port, la ville d’Alger continue de souffrir au quotidien de ses effets pervers. Par sa situation actuelle, elle présente un bon cas d’étude sur le phénomène du clivage ville/port. 6 Introduction générale. Notre disposition d’informations offertes par l’AIVP (Association Internationale Ville et Port basée au Havre en France) et leur accessibilité sur son site internet1, nous a permis non seulement d’avoir de la documentation en ce qui concerne ce sujet, mais elle nous a aussi permis d’avoir une prise de conscience sur une problématique longtemps négligée en Algérie. Plus de 1200km de côte et une présence de six grandes villes portuaires ; (Alger, Oran, Annaba, Bejaia, Skikda et Mostaganem) qui vivent un véritable calvaire à cause de la non cohabitation entre portuaire et urbain sur le même territoire. Le problème n’a encore jamais été pris en considération par nos outils d’urbanisme2, malgré la pertinence de la question pour l’urbanisme moderne (KONVITZ J. 1982). Notre travail se balance dans une logique comparative entre le mondial et le local, comme le décrit le poète portugais Miguel TORGA (1990) : « L’universel, c’est le local moins les murs » cette citation nous montre bien la forte influence et les similarités entre le modèle mondial et le modèle local. Cette recherche consiste à déduire le modèle local à partir du modèle mondial, et cela par la compréhension de la ville portuaire d’une manière générale et ses phénomènes générateurs jugés comme des articulateurs dans son processus d’évolution afin d’identifier et prospecter ces phénomènes pour notre modèle local. Suivant cette logique déductive et comparative entre mondial et local, d’emblée nous allons décortiquer cette recherche en deux parties en utilisant des approches différentes principalement déductives et analytiques en raison de la complexité et de la nature des relations ville/port. Ces deux parties se présenteront comme suit: 1. Première partie : Echelle mondiale : Le but de cette partie, c’est de nous initier au sujet et de nous familiariser avec les concepts par un aperçu théorique d’abord. Puis par une étude diachronique et synchronique, de nous intéresser à l’évolution jugée authentique des villes portuaires et cela par l’étude d’un certain nombre de phénomènes. a. une approche théorique: Nous allons chercher à comprendre et à définir les concepts clés à travers des lectures, des études et des analyses classiques qui portent sur le sujet, et d’une manière déductive, afin de mieux cerner la problématique générale de la ville portuaire dans le monde. b. une méthodologie d’approche mondiale : comme mentionne César Ducruet (2004. p. 73) : «Puisque c’est au niveau mondial que l’on se réfère pour comprendre les mutations auxquelles font face les villes-ports ». Dans ce travail nous allons identifier les facteurs de mutation et de composition de cette symbiose entre ville et port d’une manière analogique, générale et globale, afin de comprendre la problématique de la ville portuaire à travers le monde. Pour 1 Site web AIVP : http://www.aivp.org/ Ni le PAC ‘La zone côtière algéroise’ (2002), ni les POS des zones limitrophes, ni les PDAU (à l’exception du PDAU d’Alger). 2 7 Introduction générale. une clarification conceptuelle et son application, nous nous appuyons sur l’étude de trois phénomènes qui s’avèrent comme des moments clés pour comprendre la ville portuaire d’aujourd’hui : le clivage, le délaissement, et la recomposition. Cette méthodologie d’approche mondiale, ne permet pas uniquement la classification des villes portuaires selon ces moments clés (ville et port en clivage, port délaissé ou en voie de délaissement, front d’eau recomposé) mais aussi de généraliser les modèles et les phénomènes afin de déduire les typologies de villes portuaires dans le monde et prospecter leurs évolutions futures. Selon Claude Chaline (1994) nous pouvons classer les villes portuaires actuellement dans le monde en trois grandes catégories selon des séquences temporelles, et cela en se référant aux phénomènes ostentatoire qui l’ont largement marqué, il s’agit ; du clivage, le délaissement, et la recomposition. Ces trois phénomènes feront l’objet d’étude pour dans notre recherche par compréhension dans une première partie ou soit par identification et prospection dans la deuxième partie. Ainsi les villes portuaires peuvent être classées comme suit (CHALINE C. 1994) : - Ville en clivage : Exemple : Rabat-Salé, Alger, Tripoli. - Port délaissé ou en voie de délaissement : Exemple : Tunis, Naples, Nantes. - Front d’eau réaménagé et en cours de réaménagement : Réaménagement achevé: Boston, Baltimore, New-York, San Francisco, Londres, Glasgow, Anvers, Rotterdam, Amsterdam, Barcelone, Lisbonne, Dunkerque. Réaménagement en cours de réalisation ou au stade initial : Bordeaux, Copenhague, Istanbul, Kobé. En projet : Tunis, Tanger, Porto Alegre, Rio de Janeiro, Sète, Rouen. Cette approche ne permet pas uniquement la classification typologique des villes portuaires selon leurs modes de rapport ville/port, mais elle permet aussi de prévoir leurs évolutions. Cette approche constituera une référence pour notre travail sur le cas d’Alger. Cette partie sera clôturée par une présentation d’exemples mondiaux comparables au cas algérois, c’est-à-dire ; des exemples de réaménagement waterfront récents et proches de point de vue géographique, chronologique et socio-économique. Le but de cet partie du travail est d’illustrer la succession de phénomènes qui guident à une recomposition ville-port qui vient après une étape de déclin et de clivage ville/port, et montrer les options de réaménagements choisis, afin de mieux expliquer et illustrer la logique diachronique et synchronique d’enchainement de ces phénomènes et montrer les moment articulateurs et leurs déterminantes pour préparer le champ 8 Introduction générale. ultérieurement à une approche analogique et de prospection urbaine pour Alger et son port et qui sera présenté à la fin de la deuxième partie. 2. Une deuxième partie : Echelle locale : Elle consiste à établir un état des lieux pour notre cas d’étude, Alger, et déduire dans le principe de la méthodologie d’approche mondiale les futures relations entre ville et port. Elle sera abordée par trois approches différentes : a. Une approche géo-historique : Cette approche revient à analyser de façon croisée les échelles de temps et d’espaces qui expliquent la composition des territoires dans la durée (BRAUDEL F. 1949). Cette partie du travail présente d’une manière succincte et descriptive l’histoire urbaine d’Alger et de son port. D’abord, nous commençons par faire un aperçu historique sur Alger et son port avant la colonisation et comment ce dernier était son élément fondateur; puis à partir du milieu du 19e siècle après la colonisation, période jugée comme point des grands bouleversements, mutations et transformations de l’interface ville/port; et enfin nous allons voir l’évolution des relations entre Alger et son port après l’indépendance. Cette étude historique nous semble importante parce qu’elle permet de mettre l’accent sur les moments clés de l’évolution urbaine de la ville et l’impact de ses relations avec le port. Ainsi nous allons rechercher l’origine de cette dichotomie et sa genèse aux fils des périodes critiques citées. b. Une approche analytique du territoire : nous nous intéresserons dans cette partie à l’interface entre ville et port et le décrochage entre les deux entités. Basée sur l’analyse des statistiques et le travail de terrain en premier lieu, nous nous intéresserons au clivage ville/port et verrons comment il se concrétise d’une manière matérielle ou immatérielle. Entre un intérêt de qualité de vie pour la ville et un intérêt d’efficacité économique pour le port, nous allons voir comment ils s’influencent réciproquement comme un système en corrélation négative. Cela se fera par des analyses de données géographiques, sociales, économiques, environnementales, culturelles, paysagères, les faits réels et le vécu quotidien des habitants. Après un constat sur l’état de clivage et ses impacts sur la ville et le port, nous allons nous intéresser au port, pour saisir pourquoi il fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps, et pourquoi il est considéré comme dépassé et caduc tel que relaté par les quotidiens nationaux. Ainsi nous allons voir sa place dans son contexte national et dans son contexte méditerranéen, face à ses principaux rivaux avec une brève évaluation. 9 Introduction générale. c. Une approche analogique et de prospective urbaine : Afin de se préparer aujourd’hui pour demain, et par déduction, nous allons proposer une action qui vise à construire un scénario et une image future du développement de la ville de demain et d’envisager une future symbiose entre ville et port dans un cadre de développement durable pour Alger. Après avoir mis en évidence un constat sur l’état de clivage ville/port à Alger et les limites et les handicaps de son port, nous allons tenter de construire un scénario futur basé sur une analogie avec des exemples de recomposition de ville portuaire contemporains déjà présentés dans la première partie. Cette dernière partie du mémoire se présente comme un croisement des deux parties de l’étude du mondial et du local, c’est-à-dire voir l’applicabilité des études munies en première partie sur Alger comme solution à ses problèmes et ceux de son port présentés dans la deuxième partie. Cette partie du travail consiste à montrer des solutions au clivage ville/port d’Alger. Figure 1: Schéma de la démarche méthodologique de la recherche. Source : Schéma réalisé par l’auteur (AOUISSI. K B). 10 Première partie : Concepts, definitions, et mutations des villes portuaires. 11 Première partie. Introduction : La ville portuaire, une extrémité nerveuse en permanente mutation. Selon une étude dans de nombreux pays, la ville principale est en bordure de mer. Les villes dominantes s’étant très souvent développées à partir de ports, ce rapport a été mesuré par M. DOGAN (RIBBECK Eckhart. 2000. p.95) : « sur les 285 villes du monde de plus d’un million d’habitants qu’il étudie, 190 à 210 d’entre elles sont, selon lui, des ports maritimes ou fluviaux ‘actifs’ ». Entre terre et mer, un emplacement délicat, une responsabilité lourde, un destin paradoxal d’une ville amphibienne. La proximité de l’eau pour une ville lui confère des particularités multiples entre atouts et risques. L’eau comme le premier moyen de transport, hors transport terrestre pour l’homme, les voies maritimes ont été notre premier moyen d’échange, de conquête, de découverte et de brassage entre civilisations. Si la mobilité était le facteur principal des mutations et de la création des villes, la ville portuaire ne fait pas exception, mais présente un cas particulier vu qu’elle est le produit d’une double inscription au sein d’un réseau à la fois nautique et terrestre, une ville à double polarité et qui est marquée par une forte centralité. Les villes portuaires, portes ouvertes, sur le monde, ont constitué de tout temps des lieux de brassage, de négoce et d’intermédiation. Cosmopolite, elles ont été les premières à tisser des relations en réseaux et occupent aujourd’hui des places stratégiques dans les réseaux internationaux (CLAUDE Chaline. 1994). « Déjà un regard furtif sur une mappemonde démontre qu’un grand nombre de villes importantes est situé en bord de mer ou, du moins, sur un grand fleuve. Bien évidemment, l’urbanisation à ici toujours été influencé par la mer et l’est encore » (RIBBECK Eckhart. 2000 p.95) L'avantage de l'accessibilité des transports par la combinaison de différents modes, est censé favoriser la croissance économique et spatiale. En réalité le port a même sculpté la physionomie de sa ville à travers le temps. Source : NASA. 27-28 novembre 2000. Figure 2: Mappemonde, vue nocturne. 12 Première partie. Chapitre 1 : La ville portuaire, définitions et typologies. Introduction : L’objectif de ce chapitre c’est d’essayer de donner une définition consensuelle de la ville portuaire et les éléments déterminants de sa classification. Pour cela, une approche théorique basée sur les différentes études menées par les spécialistes géographes ou urbanistes de la question sera utilisée. Quoi que son rôle soit clair dans l’espace géographique « Un nœud de circulation à l’interface des réseaux maritimes et terrestres » (BROCARD. M. 1994. In. Ces ports qui créèrent des villes. p.22), il reste difficile de faire une définition consensuelle de la ville portuaire, malgré le nombre de travaux important sur le sujet. Pour Roger Brunet (1994 in. Ces ports qui créèrent des villes. p.24) il s’agit ; « de traiter d’un objet réel non identifié ». Les spécialistes de la question se sont même demandé s’il s’agissait d’une « catégorie scientifique particulière » (CHALINE, C. 1994. p.13). Évoquer la ville portuaire, nous heurte à sa diversité. Spatialement la ville portuaire se présente comme une simple juxtaposition d’une ville sur la partie terre et un port sur la partie eau, mais en réalité elle est plus complexe. Elle peut être appréhendée comme un produit scalaire entre les deux notions « ville et port ». Sa typologie est définie par la résultante de ce produit (DUCRUET C. 2004) et traiter la ville portuaire comme objet homogène peut s’avérer faux, car elle se présente comme un objet complexe qui imbrique deux entités distinctes liées par un ensemble de liens divers. Les spécialistes du sujet le qualifient comme un écosystème nommé système ville-port. 13 Première partie. 1.1. Ville portuaire; typologique : définition terminologique et Aborder la ville portuaire comme thème de recherche est complexe, le concept même de « ville portuaire » serait apparu au Japon (D. SCHIRMANN-DUCLOS. 1994 in. Ces ports qui créèrent des villes), dans un contexte unissant étroitement l’activité portuaire. La définition précise du concept de ville portuaire n’existe pourtant pas en tant que telle, variant selon les disciplines et même selon les approches différentes au sein d’une même discipline. C’est pourquoi C. CHALINE (1994. p.13) pose la question suivante : « La ville-port est-elle une catégorie particulière, un objet d’étude spécifique au sein des sciences humaines ? S’agit-il d’un sujet suffisamment autonome pour justifier des approches conceptuelles spécifiques, des méthodologies originales et pour esquisser une théorisation ? ». Ce qui peut être dit, c’est que la ville portuaire se présente comme imbrication spatiale entre un espace de vie qui est la ville, et un espace plus au moins particulier qui la caractérise créé pour des fins économiques et de transport qui est le port. Cette dernière trouve sa particularité de sa situation géographique au bord de l’eau ou de mer comme cas général qui présente un moyen de transport depuis que l’homme a su comment attacher deux troncs de bois. Cela a fait de la ville portuaire, une baie ouverte fréquentée des deux côtés; du côté eau, via un transport nautique, du côté terre, via un transport terrestre. Cela lui a renforcé sa position comme un nœud d’accrochage entre continents ce qui favorise son développement plus que toutes les autres villes. 1.1.1. Définition terminologique : Du point de vue terminologique, la ville portuaire, c’est une ville dotée d’un port1. Et si nous essayons de décortiquer le concept, nous trouvons qu’il est composé de deux termes essentiels, ‘ville’ et ‘port’ que nous allons tenter de définir : Ville : Donner une définition pour la ville a toujours posé problème, car elle présente un milieu physique de vie et d’activités pour l’homme. Dans Larousse (1996) la ville est : « agglomérations relativement importantes dont les habitants ont des activités professionnelles diversifiées, notamment dans le secteur tertiaire. ». Certains urbanistes la présente et la compare à un organisme vivant doté d’une morphologie (structurelle, formelle, fonctionnelle), d’une physiologie (métabolisme urbain) et d’une forme d’intelligence urbaine que constituent sa capacité de gouvernance et l’efficacité de portage politique de son développement (BEREZOWSKA-AZZAG Ewa. 2008). 1 Définition selon l’encyclopédie libre Wiképedia (Consulté le 11/12/2011). 14 Première partie. « La ville – que l’acception du terme soit strictement géographique et fonctionnelle ou largement économique et culturelle - a une territorialité, cette dimension lui vient de ce que son système et ses effets s’inscrivent dans l’espace et le temps ». (RONCAYOLO, M. 1990. p.218). Selon l’ONU (Organisation des Nations Unis), une ville est une unité urbaine étendue et fortement peuplée (dont les habitations doivent être à moins de 200m chacune par opposition aux villages) dans laquelle se concentrent la plupart des activités humaines : habitat, commerce, industrie, éducation, politique, culture… Les principes qui gouvernent la structure et l'organisation de la ville sont étudiés par la sociologie urbaine, l'urbanisme ou encore l'économie urbaine. Par définition juridique et typologique dans la loi algérienne1, nous distinguons : Ville moyenne : l’agglomération urbaine dont la population est comprise entre cinquante mille (50.000) et cent mille (100.000) habitants. Petite ville : l’agglomération urbaine dont la population est comprise entre vingt mille(20.000) et cinquante mille (50.000) habitants. Port : le grand mot est dit, le port est l’élément caractéristique de la ville portuaire. Dans l’étymologie grecque, port est un mot dérivé du mot latin « portus » qui signifie « passage ». Dans le domaine marin, un port est un endroit situé sur le littoral maritime, sur les berges d'un lac ou sur un cours d'eau, il est destiné à accueillir des bateaux et navires. Un port peut remplir plusieurs fonctions, mais doit avant tout permettre d'abriter les navires, en particulier pendant les opérations de chargement et de déchargement. Il facilite aussi les opérations de ravitaillement et de réparation. Il est un lieu de séjour2. 1.1.2. Définition typologique : Les géographes ont défini la ville portuaire de façon très simple : « comme point clé de l’organisation de l’espace » (CHALINE C. 1994) avant d’y trouver matière à alimenter des réflexions novatrices. Les multiples apports que l’on peut considérer comme ‘classiques’ font davantage ressortir les permanences, ou structures, dont font état les villes-ports, que les dynamiques de leur développement. D’une manière très descriptive la ville portuaire est définie en géographie urbaine par les spécialistes de la question dont nous retenons que c’est un : « peuplement urbain aux caractéristiques spécifiques dérivées de ses fonctions maritimes d’échange, d’initiative, de transport (…) ces fonctions différencient la ville-port des autres peuplements urbains régionaux et déterminent sa configuration physique, économique et sociale » (REEVES P. 1994 in. Ces ports qui créèrent des villes). 1 2 JORA n°15 du 12 mars 2006 loi n° 06-06 du 20 février 2006 portant loi d’orientation de la ville. Définition selon l’encyclopédie libre Wiképedia, Ibid. 15 Première partie. Selon l’exemple de P. BRUYELLE (1994 in. Ces ports qui créèrent des villes. p.115), la ville-port associe « le port, organisme technique qui doit répondre à des conditions précises pour l’accès, l’évolution, le stationnement des navires, pour la manutention, le stockage et le transport des marchandises (…), des activités plus ou moins liées à la fonction portuaire, à la localisation littorale, comme des industries ou des commerces, (…) la ville proprement dite qui se greffe dessus, avec ses morphologies, ses habitants, ses activités ». Et R. BORRUEY (1994 in. Ces ports qui créèrent des villes. p.116) définit la ville-port comme une « cité dont l’essentiel de l’activité économique repose sur l’exploitation du trafic maritime, le port assurant l’interface technique indispensable à cette relation ». Dans son ouvrage sur les modèles graphiques en géographie, R. FERRAS (1993 in. Port cadre de ville. p.93) mentionne la ville portuaire : « elle est unique par son port ; double par ses activités maritimes et terrestres, triple entre le village de pêcheurs maintenu, les activités liées au port et à l’échange, et celles qui découlent de la gestion et des services offerts ». La ville portuaire donc, est une ville qui tire son nom, son importance et ses particularités de son port. Dissemblable des autres villes, elle présente une imbrication de deux entités distinctes (ville et port) par leurs morphologies, fonctions, et intérêts et qui forment un système nommé système ville-port. La mobilité comme facteur principal de créations et de mutations des villes a fait de la ville portuaire un cas particulier et cela par sa double inscription au sein d’un réseau à la fois nautique et terrestre, un point de nodalité dans l’espace géographique qui lui confère une forte centralité caractérisée par une double réticularité maritime et terrestre. Trois concepts forment les critères de classification typologique des villes portuaire selon C.DUCRUET (2010). 1.1.3. Typologie spatio-fonctionnelle des villes portuaires : Entre fonction portuaire et autres urbaines, les villes portuaires se distinguent avec un ensemble de concepts (DUCRUET César. 2010) qui déterminent leur typologie spatio-fonctionnelle : La centralité : est en général comprise comme la mesure de la situation d’un nœud dans un réseau (A. Bailly. 1994 in. Ces port qui créèrent des villes), tandis que le centre est un point autour duquel se distribuent d’autre objets dans l’espace, ou encore « une agglomération de taille quelconque rendant des services à un espace environnant » (R. Brunet. 1993 in. Port cadre de ville). En termes d’activités économiques, la centralité exprime un « degré de complexité fonctionnelle acquis par un centre, qui lui confère une puissance d’attraction sur une région » (BAUDOUIN T, COLLIN M, PRÉLORENZO C. 1997). James BIRD (1963) distingue trois types de centralité : 16 Première partie. a. Endogène : qui exprime une centralité interne par exemple les places centrales. b. Interne : centre économique à l’échelle d’une agglomération. c. Exogène :‘Gateway’ ou porte d’entrée. Dans le cas des ports, la combinaison de ces trois aspects exprime un pouvoir de génération de flux (D. Fleming et Y. Hayuth, 1982). La nodalité : elle se définit par une « situation carrefour dans un réseau de relation » (A. Bailly, 1994 in. Ces ports qui créèrent des villes). Par extension, c’est « l’ensemble des propriétés qui caractérisent les nœud de transport » et les points de jonctions de toute nature (J.J. BAVOUX et al. 2005). Dans le cas des villes portuaires, la nodalité se rapporte aux infrastructures portuaires, principalement à leur taille et leur degré d’accessibilité nautique et terrestre. La réticularité : terme utilisé en chimie, il vient de réseau, qui donne l’adjectif réticulaire, et peut être interprétée comme la propriété d’un lieu ou d’un espace à créer du réseau ou à être une partie d’un réseau. Pour les villes portuaires, la réticularité ou «intermediacy » correspond à leur niveau d’insertion dans les réseaux des opérateurs de transport (D. Fleming et Y. Hayuth. 1982). Cette qualité d’insertion n’est pas forcément liée à la centralité ou à la nodalité, même si la plupart des ports considèrent qu’améliorer leur nodalité va accélérer leur élection par les compagnies maritimes. Dans la ville portuaire on parle d’une double réticularité, une réticularité maritime et une autre terrestre. Figure 3: Typologie spatio-fonctionnelle des villes portuaires. Source : DUCRUET. C. 2010. 17 Première partie. La typologie des villes portuaires est obtenue par le croisement des deux fonctions susmentionnées ; « Les deux grandes fonctions des villes portuaires (urbaine et portuaire) se combinent de façon variable, chacune pouvant être interprétée en termes d’emplois, de consommation d’espace, d’importance économique. L’avantage est de permettre une lecture à la fois en termes relatifs (spécialisation) et absolus (taille) On obtient tout d’abord deux gradients symbolisés par les diagonales. (…). Cette clarification basée sur un principe de symbiose et un principe d’opposition n’est cependant pas suffisante pour bâtir un corpus théorique durable » (DUCRUET C. 2008). Ainsi, même si «l’on dispose aujourd’hui de nombreux exemples de relations ville-port, mais on n’a pas beaucoup avancé sur les concepts sous-jacents, sur leur validité dans le temps » (SHIRMAN-DUCLOS .D et LAFORGE .F. 1999. p.128). 1.2. Un système ville-port : Entre fonction portuaire et fonction urbaine, nous pouvons qualifier les deux entités distinctes de fonction et de forme (la ville et le port), donc de système. « Le système ville-port, a atteint son degré maximal de complexité durant la Révolution Industrielle et ses prolongements, jusqu’aux premières décennies du 20e siècle » (CHALINE Claude. 1994. p.25). Mais cette complexité existe toujours pour certaines villes portuaires, dont la fonction du port persiste à exister, comme dans les cas d’Alger, Tunis, Naples, Nantes. 1.2.1. Les activités spécifiques du système ville-port : Selon Claude Chaline, Le système ville-port est basé fonctionnellement sur un ensemble d’activités spécifiques que nous pouvons grouper comme suit (CLAUDE Chaline. 1994. p.26) : - Navigation et activités directement associées : transport, maintenance et entretien des navires, éventuellement construction navale. - Manutention des marchandises, stockage, redistribution par voie fluviale, cabotage, chemin de fer, et par route. - Activités manufacturières, fonctionnant pour traiter des produits importés, notamment agro-alimentaires, ou pour alimenter l’exportation. - Trafic de passagers à courte, moyenne et longue destinations, même si ce dernier s‘est fortement réduit après les années 50 à cause du développement du transport aérien des passagers. - Activités de port de pêche. 18 Première partie. - Services et activités tertiaires aux effectifs soit peu spécialisés (restauration, hôtellerie, commerce), soit très spécialisés, notamment dans les sièges de compagnies de navigation, d’import/export, de négoces d’assurances et de finances. 1.2.2. Inscription spatiale du système ville-port. Selon Claude CHALINE, « le système ville-port se matérialisait par une très importante consommation d’espaces généralement linéaires sur la zone d’interface entre Ville et Eau (…) Si la fonction de stockage était représentée, elle pouvait atteindre des dimensions considérables, dans certains cas comme à Amsterdam et à Londres, avec la construction de milliers de mètres carrés d’entrepôts pouvant dépasser une dizaine de niveaux, indépendamment de l’existence de sous-sols non moins développés » (CLAUDE Chaline. 1994. p.26). Actuellement pour accroitre les capacités de stockage notamment avec la conteneurisation d’autres équipements s’ajoutent comme les ports à sec; définis comme des emplacements terrestres destinés à accueillir des conteneurs, des marchandises en vracs, ou les bateaux en dehors de leur période de navigation. Avec la spécialisation des ports durant le 19e siècle, il se place entre la ville et la mer comme étant une coupure physique, visuelle, psychologique entre la Ville et l’Eau (CHALINE Claude, 1994), et plus récemment ajouter à ça et pour des raison de sécurité ; « des clôtures en continu, comme cela est encore en parfait fonctionnement à Casablanca » (CLAUDE Chaline. 1994. p.26) et Alger par exemple. Ce qui rend les ports, comme espace répulsif pour les habitants et la ville. 19 Première partie. e e Figure 4: Système ville port fin du 20 /21 siècles. Source : CHALINE Claude. 1994. p. 27. 20 Première partie. Conclusion : Pour conclure ce chapitre, il faut dire que le développement de la ville portuaire a toujours été contraint et s’est même présenté comme un processus et non pas comme un résultat du fonctionnement du système ville-port, sa définition n’est autre que la compréhension du fonctionnement de ce mécanisme. Entre intérêts urbains pour la ville et intérêts économiques pour le port, la ville portuaire a tracé son chemin à travers le temps, souvent restreint entre les deux choix. Ces derniers entre convergences et confrontations ont conditionné la ville portuaire dans son développement et ses mutations à travers l’histoire, influencé principalement par les progrès technologiques, les ressources économiques et la mobilité comme facteurs de mutations et de développements de sa structure spatiale. Le système ville port a été toujours contraint dans son fonctionnement par un ensemble de déterminantes notamment d’ordre technique (les transports) et d’ordre économique. La révolution industrielle comme évènement marquant et qui a touché principalement ces deux aspects (progrès technique important « machinisme » et le passage d’une économie agricole à une économie industrielle) a bouleversé le fonctionnement du système ville port en le guidant même vers un « éclatement urbano-portuaire » (DJEDOUAN RAKEM. S. 2004), cette rupture entre la ville et le port est connue sous le concept du Clivage ville/port synonyme de ruptures et de dichotomie spatio-fonctionnelle entre ville et port. 21 Première partie. Chapitre 2 : Le clivage ville/port. Introduction : Dans le présent chapitre et sous l’ombre de la méthodologie d’approche mondiale, l’étude sera menée sur le premier phénomène ostentatoire de l’histoire des villes-ports, il s’agit du clivage ville/port. Traité comme une synergie de la révolution industrielle, le clivage ville/port bouleverse l’histoire économique, sociale, et urbaine de la ville portuaire. Avec la révolution industrielle, le port devient un outil dont l’intérêt est régional voire national, sa ville n’est plus l’unique bénéficiaire. De ce fait, le port n’est plus une entité urbaine avec une fonction portuaire, mais devient un outil ou une infrastructure portuaire. Les ports ne cessent d’augmenter en taille, de nouveaux quais et jetées se construisent, et le passage à une « marine de fer » à la place d’une « marine en bois » a même guidé la construction d’infrastructures gagnantes en profondeur afin de répondre aux exigences techniques de la marine de fer dotée d’un tirant d’eau de plus en plus important, passant de quelques mètres (2-4m) à 8 mètres. Pour faire face à ces échanges volumineux et rapides dans leurs processus, une nouvelle aire s’organise à l’interface entre la ville et le port. Des hangars et des docks de stockage se construisent sur cette dernière qui permet d’être tout près des bateaux et non loin du train. L’intérêt fonctionnel de s’y installer sur cette interface s’éclaire, mais elle creuse une faille spatiale entre ville et port qui va longtemps isoler la ville de la mer, et autonomiser le port de sa ville, l’éclatement urbanoportuaire est née. 22 Première partie. 2.1. Les causalités du clivage ville/port : La révolution industrielle s’agit bien de « l’événement le plus marquant de l’histoire urbaine moderne » (RAGON Michel. 1991), toutes les villes durant cette période ont connues de profondes mutations, la ville portuaire plus que toutes a vécu un ensemble de phénomènes qui l’ont profondément changée sur le plan morphologique ou sur le plan fonctionnel. Auparavant1, le port n’été qu’une extension amphibienne de la ville sur la mer, l’activité portuaire été complémentaire à l’activité urbaine ; « Le port était un centre de négoce en même temps que le lieu où l’on chargeait et déchargeait les navires, où l’on entreposait les marchandises, ou l’on construisait et réparait les embarcations et où l’on réunissait l’équipage. Armateurs, négociants, marin et dockers constituaient la population des villes portuaires » (MICHAUD J.J. 1981. p.93). De point de vue relation ville-port, ville et port se développaient d’une manière très attachée cela se montre dans le développement linéaire au long des côtes circonvenant directement sur la morphologie de la ville, les frontières entre ville et port n’existaient pas puisque l’activité portuaire s’agit d’une activité complémentaire et principale de l’activité urbaine de la ville, le port constituait l’axe de vie de la ville. Cela peut être vu sur les tableaux qui représentaient les villes portuaires durant cette époque (Avant le début du 19e siècle) et qui montrent bien les places publiques de cette dernière qui s’orientent vers la mer en libérant toujours une paroi sur le port ce qui montre le contact quotidien et primordial pour ces villes avec leurs ports (RIBBECK Eckhart. 2000). A cette époque nous pouvons bien parler de la ville et son port. Figure 5: Tableau maritime de Lisbonne : patrimoine méditerranéen, façade maritime du 17e siècle. Source : In. Alger métropole. 2000. p. 95. 1 e Avant le début la révolution industrielle (début du 19 siècle). 23 Première partie. Avec la révolution industrielle et en vue de ces besoins en terme des échanges commerciaux, la ville portuaire a connu de profondes mutations qui ont touché principalement sa morphologie, les ports comme principaux (voir unique) moyen d’échange et point d’accrochage entre continent ont pris une place de plus en plus prépondérante dans leurs territoires, la conception de l’activité portuaire a profondément changé, elle est devenue dominante et a nécessité une transformation structurelle du port et par la suite son retranchement de sa ville afin d’assurer une meilleure fluidité nodale de transition entre le transport nautique et terrestre. Le progrès technique ainsi que les bassins d’influence des ports deviennent de plus en plus importants en élargissant son ‘hinterland’ qui touche toute une région voir toute une nation une chose qui est devenue possible grâce aux nouveaux moyens de transport à l’instar du chemin de fer, ainsi on passe de la notion de la ville et son port à le port et sa région. Les causalités du clivage ville/port peuvent être liées à trois aspects principaux de la révolution industrielle : l’évolution technologique des transports (le terrestre et le maritime), la rationalisation des marchés (séparation entre les lieux de production et de consommation), et la nouvelle place qu’occupe le port dans cette nouvelle économie. 2.1.1. Changement de base économique et éclatement des marchés : Tous les textes qui traitent le sujet du clivage ville/port accusent les changements économiques engendrés par la révolution industrielle comme les principales causes de cet éclatement urbanoportuaire, d’abord le changement de la base économique de l’agriculture vers l’industrie a engendré « un phénomène de distribution de masse » (PASQUERA M. A et RUIZ J.R. 1996) qui signifie la séparation entre les lieux de consommation et de production, l’importation et l’exportation de marchandises (matière finie, semi finie, ou brute) est devenue une notion fondamentale pour cette nouvelle économie qui repose principalement sur la production en série qui est synonyme de production en grande masse et à moindre cout une chose qui est devenue possible grâce à la mécanisation et la spécialisation (MICHAUD Jean-Luc. 1981). Cette rationalisation des marchés qui ont connu une expansion accélérée sur le plan quantitatif ou géographique nécessitait des mécanismes de distribution de plus en plus efficace de point de vu rapidité, sécurité et à moindre coût, une chose qui est devenue possible avec le progrès technique que l’homme a pu réaliser durant cette époque, vite, les bateaux en bois et à voile seront remplacés par des bateaux en fer et à vapeur, les caravanes qui transportaient jadis les marchandise à travers les déserts et les montagnes seront remplacées par le chemin de fer et l’automobile. Ainsi les nouveaux moyens de transports vont révolutionner les notions de temps et d’espace pour la ville et le port en la guidant vers de nouvelles transformations spatiofonctionnelles. 24 Première partie. 2.1.2. Evolution technologique des transports : La mobilité est un facteur très influant sur la mutation de la ville, il faut savoir que l’évolution de cette dernière comme il était le cas durant la révolution industrielle influe d’une manière très ponctuée sur la morphologie de la ville. 2.1.2.1. Le transport maritime : Grace au progrès technique que l’homme a pu réaliser, la voile a cédé place à la vapeur, le premier bateau à vapeur a vu le jour en France par Jouffroy d’ABBANS en 1783, la coque des bateaux a changé du bois au fer, delà en parle de la marine de fer qui prend le relai de la marine en bois, ainsi les bateaux grâce à ces nouvelles techniques deviennent de plus en plus efficace en termes de contrôle de temps (plus rapide) et en termes de seuil de chargement et de manutention. Tous ces besoins nautiques se traduisent par la création de nouveaux quais et de nouvelles zones de stockage pour répondre à ces flux en accroissement exponentiel. L’importance du transport maritime a pris de l’ampleur comme étant le moyen prédominant dans les transports continentaux, preuve à l’appui ; durant cette période de nombreux canaux ‘Transocéaniques’ qui permettent de raccourcir les grandes routes maritimes tel que le canal du Suez (1869), le canal de Kiel (1895) ou le canal de Panama (1914) voient le jour1. Ainsi de nombreux ports ont subi d’importants travaux d’aménagement afin de répondre convenablement à cette demande en accrue. 2.1.2.2. Le transport terrestre : Le développement du chemin de fer au 19e siècle (l’apparition des premières locomotives à vapeur remonte à 1829), la vitesse et les capacités (une moyenne de 60km/h et plus de 13 tonnes par voyage)2 du chemin de fer ont permis de lier le port avec des zones intérieures du territoire considéré comme source importante de marchandise pour importation ou exportation via le port. Aussi l’apparition de l’automobile vers la fin du 19e siècle a renforcé la connexion du port avec l’arrière-pays ce qui nécessité la création de nouvelles infrastructures et des routes qui tentaient à rendre le port de plus en plus accessible de la partie terrestre ce qui engendra la création d’une zone tampon ou une interface (voir figure 6) entre les deux camps formé principalement d’infrastructure routière et ferroviaire et des zone de stockage de marchandise afin de faciliter la 1 Source des données : L'âge industriel : la révolution des transports et du commerce, texte publié sur; http://www.assistancescolaire.com/eleve/4e/histoire/reviser-une-notion/la-revolution-des-transports-etdu-commerce-4hai02. (Consulté le : 06/04/2012). 2 Source des données : L'âge industriel : la révolution des transports et du commerce, texte publié sur; http://www.assistancescolaire.com/eleve/4e/histoire/reviser-une-notion/la-revolution-des-transports-etdu-commerce-4hai02. (Consulté le : 06/04/2012). Ibid. 25 Première partie. transition entre les deux sphère de transport sa distanciation de sa ville, cette zone tampon entre ville et port va agrandir en corrélation positive avec le développement des transports terrestres et prend de plus en plus d’importance. Figure 6: Schéma qui montre la distanciation entre ville et port et l’apparition de l’interface sur la zone e tampon par l'emprise des voies de transport terrestre vers la fin du 19 siècle. Source : Schéma réalisé par l’auteur (AOUISSI K.B). 2.1.3. Le nouveau statut du port : Le rôle des ports s’est accentué avec cet âge de distribution en masse et de rationalisation entre les lieux de production et de consommation et devient un élément attirant pour l’implantation d’industrie dans la ville portuaire qui a vécu « une redistribution dans son espace » (CLAVAL P. 1980. p.229). notamment par l’apparition d’une interface dynamique qui a pour but de relier les deux sphères de transport (nautique et terrestre) d’une manière fluide afin de faciliter l’échange entre les deux, ce qui a creusé la faille entre ville et port sur le plan spatial. Du point de vu intérêt, le port étale son bassin d’influence pour couvrir toute une région. Cette tendance à se développer sur eux-mêmes a conduit les ports à se constituer en unités autonomes et isolées de la ville, on parle d’infrastructure portuaire, ainsi on passe de la notion du port et sa ville au port et sa région. 26 Première partie. Par cela, la ville n’est plus le principal bénéficiaire du port mais avec ce nouveau statut qui devient un enjeu capital qui engage la vie économique de toute une région voire d’un pays, sa primauté économique est devenu primordiale. Cette autonomisation du port a continué à se développer même durant le 20e siècle, « Les ports ont tendance à devenir des portes nationales, alors que les villes orientent plutôt leur développement vers des fonctions locales et régionales » (HOYLE, B.S. 1988. p.53). Le nouveau statut du port qui est principalement économique et ‘un concentré de technicité’ dont la mission principale est de « traiter le maximum de marchandise en un minimum de temps », ce nouveau statut révoque tout lien avec sa ville considérée comme une surcharge non utile, il devient d’ailleurs un symbole économique et un outil stratégique pour toute une région voire tout un pays, « Le port moderne fonctionne plus comme une porte que comme un centre d'activités, et les évolutions technologiques dans le secteur maritime ont comme principal effet d'affaiblir les traditionnels liens fonctionnels entre le port et la ville » (HOYL B.S.1988. p.3). Avec ce nouveau statut le port devient officiellement une entité distincte de sa ville, car d’un côté le port oriente son développement comme étant une porte de transite nationale et dont le rôle économique prime, et d’un autre côté la ville détachée de son port oriente son développement séparément vers des activités urbaines sans aucun lien avec sa nature ‘portuaire’, son port qui était sa raison d’être devient un vecteur de flux parmi d’autres (HOYLE B.S. 1988). Figure 7: Photo 1 et 2 ; Port de Gênes en Italie au 19e siècle. Source : http://www.circololuigirum.genova.it/Le_port_Reconstruction.htm 27 Première partie. 2.1.4. Synthèse du développement de la ville portuaire jusqu’au 19e siècle : Tableau 1 : Évolution temporelle du système ville-port. Époque historique Préindustrielle≤ 1700. Moteur économique et source énergétique : Économie de base : L’agriculture. Sources énergétiques : Énergies Renouvelables (vents, musculaires, force animale, etc.). Moyens de transports : Transport maritime : Bateaux à rames et à voiles. Transport terrestre : Les caravanes. Économie de base : L’industrie. La ville été le port et le port a été la ville. Il n’y avait pas de limite ou contrainte physique entre les deux entités. La fonction portuaire a fait partie de la fonction urbaine de la ville. - Ville et port sont imbriqués, avec faible spécialisation fonctionnelle du territoire. - La fonction portuaire a été une fonction urbaine pour la ville. - Le port appartient à sa ville. - L’intérêt économique du port va en faveur de l’intérêt urbain de la ville (corrélation positive). Transport nautique : Navire à vapeur et à propulsion. Gravure du 16ème siècle, reconstitution de la cité portuaire de la Rome antique. Source : www.ostia-antica.org/past/braun.htm Transport terrestre : Chemin de fer, automobiles, voies rapides plus tard. - La fonction portuaire - - Et plu tard à gasoil. Les aires de stockage et l’interface ville/port matérialisent une rupture spatiale entre la ville et le port et ainsi d’isoler la ville de la mer. est autonome de la fonction urbaine, mis à part une jonction spatiale, y a aucune relation entre les deux entités. Le port appartient à une région qui peut désigner tout un pays, il n’appartient plus à sa ville. Une corrélation négative entre l’intérêt urbain de la ville et l’intérêt économique du port guide vers une dissociation et une rupture spatiofonctionnelle. Clivage ville/port. Sources énergétiques : Énergies non renouvelables (charbon, vapeur, plu tard les hydrocarbures etc.). Fonctionnement du système ville port : Depuis l’antiquité… À la renaissance. Industrielle 1760 à 1950. interface ville port : 28 Première partie. 2.2. Les modalités du clivage ville/port : La distanciation entre la ville et le port engendrée directement ou indirectement par la révolution industrielle, or des impératifs d’ordre technologique (CHALINE C. 1994) durant le 19e siècle, qui se sont répercutés avec un ensemble de ruptures matérielles, ou immatérielles, qui ont devisé la ville et le port sur des différents plans, ce clivage a continué à s’accentuer avec le développement des moyens de transport, certaines villes continuent à le vivre jusqu’à nos jours. La réalité sur terrain montre que ce décrochage se présente principalement sur trois formes : 2.2.1. Une rupture spatiale : Une distanciation spatiale se crée entre l’avant pays (milieu maritime) et l’arrière-pays (milieu terrestre). La transformation du port en outil et infrastructure portuaire a nécessité et a engendré des mutations physiques à l’instar des clôtures douanières, des lignes de transport, etc. Cela rend le port inaccessible pour la ville ou accessible d’une manière réduite et précise (pour le personnel, les moyens de transport, etc.). Non seulement la ville perd tous contacts physiques avec le port, mais ce dernier lui coupe tout contact avec la mer, ce qui a mis la ville dans l’obligation de tourner le dos à la mer dans son processus d’urbanisation. Les villes portuaires souffrant de clivage, perdent leurs relations avec la mer et la valeur de leurs fronts d’eau qui ont constitué une interface figée en contact spatial avec leurs ports. 2.2.2. Une division institutionnelle : La rupture entre ville et port ne s’est pas uniquement résumée par une distanciation spatiale, mais également sur le plan institutionnel, ‘la rationalisation’ des ports (HOYLE B.S. 1988) s’est répercutée sur le plan institutionnel par une autonomisation de gestion des port la ville n’a plus aucun contrôle sur le port ni de point de vue planification ni de point de vue gestion, par exemple en France, cette autonomisation a fait l’objet d’une loi qui a été carrément créée (la loi Laval 1965) pour transformer les grands ports français en ports autonomes et dont la gestion est assurée directement par l’état, donc la ville n’a plus aucun pouvoir de gestion sur son port. 29 Première partie. 2.2.3. Une déracinassions sociale et imaginaire : L’isolation du port de sa ville n’a pas seulement déraciné cette dernière de son identité, mais également cette distanciation a symbolisé pour la population urbaine le déclin, voire même la mort de leur port (BIRD. J. 1963), une autre rupture plus prononcée est apparue comme résultat de la dilatation de l’espace portuaire sur le front de mer, il s’agit de la « démaritimisation » (HAYUTH Y. 1988), la mer qui a formé toujours la source identitaire de la ville perd tout contact avec elle et devient prisonnière derrière les barreaux et les clôtures du port ce qui prive généralement les habitants du front de mer de leurs villes, un véritable patrimoine immatériel perdu, « la nouvelle physionomie de l’infrastructure portuaire constitue un véritable traumatisme identitaire pour les villes portuaires, dont les habitants, en percevant dans l’espace autrefois si actif une image de désolation. » (COLLIN. M. 1991. p.187). 2.3. Les conséquences du clivage ville/port : Ces ruptures spatio-fonctionnelles et cette ségrégation entre ville et port auront des répercussions négatives sur l’ensemble ville et port qui ne cohabitent plus à cause du contraste entre les deux natures de leurs activités. 2.3.1. L’apparition d’une interface en décalage : Comme il est déjà montré, les nouveaux besoins du port moderne en termes de mobilité ont généré la création et l’implantation des infrastructures de transport terrestre (voie mécanique, des hangars d’entreposage (abandonnés par la suite) voies ferrée, plus tard les autoroutes et les voies expresses) (voir figure 6), ces dernières et pour des raisons techniques viennent s’installer dans l’espace tampon entre la ville et le port créant ainsi une interface située à l’aire de contact des deux systèmes (ville et port) devenant ainsi le ‘pignon médian’ entre ces deux dernières. Cette interface est partagée dans son utilisation entre la ville et le port, elle est usée principalement comme support des infrastructures de transports terrestres, elle se distingue du tissu urbain et également du port, elle se trouve entre les deux entités mais sans appartenance claire et ne peut s’y intégrer facilement car elle est sans vocation précise, elle entre donc dans une phase de ‘dysfonctionnement’ (CHALINE C. 1994). Ce double décalage avec le système urbain et portuaire laisse cette partie de la ville portuaire délaissée et non exploitable (BOUBACHA E .D, DALVOULT, et al. 1997). Cette interface est considérée comme le terrain d’affrontement entre la ville et le port, elle les sépare et décale principalement la ville de son front d’eau, elle est également considérée comme le moyen principal d’identification du clivage ville/port dans une ville portuaire car elle le matérialise spatialement. 30 Première partie. Figure 8: Peinture de la ville de New York durant le 19e Siecle, organisation bien distincte port, interface, ville (de gache à droite). Source : http://fr.123rf.com/photo_256741_le-voilier-wavertree-historique-du-19e-siecle-dans-le-vieuxport-de-new-york.html (Modifiée par l’auteur AOUISSI K.B). 2.3.2. La non-cohabitation ville/port : Le clivage ville/port en fait, est lourdement conséquent, non seulement sur l’interface mais également sur les deux camps, et il se traduit par : Figure 9: Ville portuaire; affrontement et ignorance entre fonction urbaine et fonction portuaire / qualité de vie et efficacité économique. Source : image de l’AIVP (www.aivp.org). 31 Première partie. 2.3.2.1. Un Port condamné par sa ville : Étouffés par les tissus urbains, les ports se voient gênés par leurs villes, avec lesquelles ils partagent les infrastructures routières, ce qui se répercute négativement sur la fluidité et la rapidité des transports par voie terrestre. Cela cause des pertes économiques importantes, via le péage de taxes supplémentaires aux bateaux accostés qui subissent des retards de déchargement. Ceci va nuire à l’économie du transport maritime par un effet de boule de neige, les bateaux seront forcément en retard par rapport à leurs temps prévu d’arrivage aux autres ports, un retard qui sera chèrement payé. Ce problème laisse les ports très vulnérables et se répercutent défavorablement sur l’économie et l’efficacité des ports. La juxtaposition du port à la ville se présente comme une servitude pour le port et limite toute extension, ce qui emprisonne le port dans sa morphologie et le fait entrer en stagnation totale face aux tailles de plus en plus grandes de bateaux et aux volumes d’échanges en accroissement et qui nécessitent jour après jour de nouveaux espaces de stockage (avec la conteneurisation), des quais pour accostage, des espaces de réparations pour les bateaux, et d’autres infrastructures techniques. 2.3.2.2. Une Ville dégradée par son port : Abandonnée par son port, la ville apprend à vivre sans son espace portuaire historique, autre fois considéré comme son moteur économique et son billet d’ouverture sur le monde. La ville pour sa part n’a pas arrêté de subir les effets pervers provoqués par son port. Le port, de par sa fermeture derrière ses clôtures lui fait oublier sa juxtaposition à sa ville, ainsi que la nature de ses activités. Il devient une source de nuisance sonore et visuelle pour le paysage urbain de la ville, notamment historique, mais qui se défigure car il commence à prendre la silhouette d’une usine industrielle dans son front d’eau avec les silos, les conteneurs et les grues qui dominent le paysage urbain de la ville. Les nouvelles utilisations du port avec le sur-flux qu’elles apportent, étouffent la ville et ses réseaux routiers. Les moyens de transports et les marchandises transportées, exposent la ville à des sérieux problèmes de pollutions aériennes et marines ce qui dégradent son environnement naturel. Ainsi, actuellement, le port devient une vaste zone de stockage et d’échange de différentes marchandises et devient même une zone industrielle de transformation de certaines matières premières, etc. Ce qui rend sa ville très vulnérable aux différents aléas de risques majeurs technologiques, industriels ou de transport de matières dangereuse (TMD) par voie maritime, routière, ferroviaire et par canalisation (pipeline de pétrole, de gazoduc, etc.). 32 Première partie. 2.3.3. Déphasage entre centralités : Le clivage ville/port s’est accompagné d’une dissociation dans la centralité (BAUDOUIN T., COLLIN M. 1990). Le port qui constituait auparavant une centralité principale pour sa ville, prend une nouvelle échelle de centralité, influencée principalement par la réticularité maritime qu’il exerce sur son foreland, la réticularité terrestre exercée sur son hinterland et la nodalité entre les deux réticularités qui prennent de l’ampleur avec les échanges commerciaux en accroissement. La notion de centralité du port dépasse sa ville en adoptant une échelle régionale, voire nationale et/ou internationale. Face à ce déséquilibre, la ville adopte de nouveaux centres à caractère indépendant de la vocation portuaire. Dernièrement, depuis les années 1970, nous observons une tendance générale en faveur d’un retour vers les centres, une centralité caractérisée par un tertiaire qui donne une nouvelle force et une nouvelle nature de centralité à vocation principalement tertiaire et en indépendance de l’activité portuaire, les villes qui profitaient de leur statut, de leurs tailles, et de leur importance historique, deviennent des métropoles de grande importance à l’image de Londres, Rotterdam, Marseille, Alger, Boston, Barcelone, Lisbonne, etc. La ville portuaire devient ainsi le synonyme de doubles centralités autonomes (urbaines et portuaires) qui ne concordent pas entre elle et qui les mets généralement en affrontement transversal directe et en conflit d'intérêts (urbain et économique) car elles partagent le même territoire et les mêmes infrastructures (BAUDOUIN T., COLLIN M. 1999). 2.3.4. La perte d’identité : L’eau a toujours formé une source identitaire pour les villes portuaires. Les priver de cette source, comme le clivage l’a fait, c’est les déraciner de leurs identités. La nouvelle nature du port non seulement lui coupe tout lien avec la ville, mais aussi lui fait subir l’effet de ‘« la démaritimisation » des villes portuaires’ (HAYUTH. Y. 1988). Ainsi elle perd tous contacts avec son front d’eau ce qui la dévalorise sur le plan urbanistique, social et même culturel, en laissant un vide identitaire flagrant exprimé par une crise d’identité de ces villes qui ne trouvent plus leur vraie vocation, mis à part une appellation héritée et répliquée au fil du temps « ville portuaire ». 33 Première partie. Conclusion : Ce qu’il peut être conclu de ce chapitre c’est que le clivage ville/port ne se présente pas seulement comme étant un phénomène dont l’apparition est liée directement ou indirectement à la révolution industrielle, mais il se présente comme une étape chronique imposée dans le cycle de vie de toutes les villes portuaires. Certains spécialistes de la question n’hésitent pas à utiliser des termes vigoureux pour exprimer l’ampleur et les répercussions importantes du phénomène (sur les plans environnemental, social et économique) qui a modifié profondément la ville portuaire, certains le qualifient de ‘décrochage’ (HAYUTH. A, RONCAYOLO. M) d’autre de ‘divorce’ (VIGARIE. A, CHARLIER. J). La ségrégation spatiale et l’évolution fonctionnelle des ports ont en effet eu comme résultat direct une « inadaptation du système à l’interface ville/port » (BOUBACHA E .D, DALVOULT, et al. 1997) ainsi la nature de l’activité portuaire ne cohabite plus avec la nature urbaine de la ville, par cela la ville portuaire devient un terrain d’affrontement entre les deux entités ; primo la ville avec sa fonction urbaine qui a comme principal intérêt la qualité de vie, deuzio le port avec sa fonction portuaire qui a comme principal intérêt l’efficacité économique (minimum de temps, maximum de marchandise traitée) . Synonyme de décadence pour la ville portuaire certaines entre elles continuent à vivre ce clivage ville/port à l’instar d’Alger comme il sera présenté (Cf. 2e Partie) tandis que d’autres ont réussi à le dépasser et subiront d’autres phénomènes qui vont les guider vers une recomposition ville-port qui apportera une bonification à la ville portuaire car il se présentera comme un antonyme au clivage ville/port et à ces effets néfastes. 34 Première partie. Chapitre 3 : La recomposition ville-port. Introduction : Dans le présent chapitre, et toujours sous l’ombre de la méthodologie d’approche mondiale, deux autres phénomènes majeurs seront évoqués, il s’agit du délaissement et de la recomposition villeport qui en suivra par la suite. Parler du port, évoque un point très sensible en économie, qui peut toucher l’économie de toute une nation, voire d’un continent ou même l’économie mondiale à l’instar du port de Rotterdam ou de Singapour. Depuis les années 50 et avec les nouvelles tendances portuaires comme nous avons vu dans le troisième chapitre, les grandes évolutions du transport nautique et des activités portuaires, accentuées par le gigantisme naval et ‘la révolution du conteneur’ (VIGARIE, A. 1991), ont fait que les anciens ports deviennent inadaptés face à ces nouveaux besoins et à ces changements, et inaptes pour accomplir leurs taches. Devenant inefficaces dans leurs fonctions, le temps des ports classiques se fût dépassé, cédant place aux nouvelles infrastructures portuaires, l’âge des Z.I.P, des Hub et des mégas ports commencent. Les anciens ports sont abandonnés et les activités portuaires sont délocalisées au profit des nouvelles infrastructures portuaires. L’abandon des anciens territoires portuaires au profit des nouveaux sites, est appelé le Délaissement par les spécialistes de la question comme Baudouin, Bird, Collin, Charlier, Chaline, Ducruet, Hayuth, Hoyle, Vigarié,… . Ce phénomène constitue une phase importante dans les mutations des rapports ville-port, car comme conséquence, il sera suivi par des opérations de réaménagement également appelées ‘la reconquête’ qui vise à une Recomposition ville/port, et qui vient comme réponse à la rupture fissurée par le Clivage ville/port depuis le 19e siècle. De nouvelles perspectives s’ouvrent pour la ville portuaire qui va connaitre un nouveau bouleversement, mais cette fois-ci il se fera et depuis bien longtemps, au profit de la ville et de la fonction urbaine. L’activité portuaire qui avait du mal à cohabiter avec la fonction urbaine sur le même territoire, s’est résiliée en fin de compte de son espace, un espace doté d’un potentiel précieux, qui va faire l’objet d’un réaménagement depuis les années 50 avec les villes Nord-Américaines comme Boston, Baltimore, San Francisco,… Ce qui va permettre à la ville portuaire d’exploiter une nouvelle jeunesse, d’affirmer son identité, de se relier à la mer, et de trouver une nouvelle fonction tendue vers le tertiaire ce qui lui va permettre une nouvelle place mondiale de plus en plus émergente. 35 Première partie. 3.1. Les incitations des reconversions portuaires : 3.1.1. Le gigantisme naval et la délocalisation portuaire : Après les années 50 et grâce aux acquis technologiques de la deuxième guerre mondiale (19391945) de la construction navale et avec le passage d’une marine de fer à une marine d’acier les navires de transport ont évolué d’une manière très signifiante surtout de point de vue taille : « Le transport maritime est souvent une affaire d’échelle : de longueurs, de largeurs, de tirant d’eau... Si les échanges des années 1960 à 1980 ont été marqué par le gigantisme naval des pétroliers et des vraquiers, c’est désormais autour des porte-conteneurs de s’engager dans cette voie en même temps que les routes maritimes commencent à s’encombrer et que les points de passages névralgiques du commerce international arrivent progressivement à saturation. Changement d’échelle dans les navires utilisés donc, mais aussi dans les routes empruntées, ce qui se traduit par des approfondissements de chenaux ou de nouveaux jeux d’écluses : rien ne doit venir freiner l’exceptionnel développement des échanges, surtout pas les ports qui s’engagent dans de coûteux aménagements en eaux profondes pour recevoir des navires toujours plus grands. Ce mémento se propose donc de prendre la mesure des nouvelles références en matière de transport maritime tout en donnant au lecteur des chiffres de base pour mieux cerner la réalité du commerce maritime » (ROMUALD L. 2007). Ce gigantisme naval a permis aux navires modernes de devenir très efficace de point de vue chargement (on a passé de 500 EVP par bateau à 15500 EVP en moins de 30ans soit 30 fois) et à moindre coût de point de vue consommation énergétique et de staff technique. Figure 10: Evolution de la taille des navires (1968-1995). Source : A. MIOSSEC, les littoraux. 36 Première partie. Le gigantisme naval a apporté un ensemble de changements à la filiale portuaire, la vulgarisation de la conteneurisation et les nouvelles matières premières stratégiques qui sont devenues les principales marchandises d’échange via les ports à l’instar de pétrole et le gaz ont imposé de nouveaux moyens de manutention et une nouvelle dimension d’échange ‘globale’ dans l’ère de la mondialisation, cette nouvelle dimension d’échange portuaire a nécessité l’adoption de nouvelles plateformes logistique plus spacieuse, profonde et en site suburbain pour une meilleur efficacité (meilleur intermodalité et nodalité plus fluide) cette délocalisation est devenue la tendance de l’époque (après les années 50), Caduc et dépassé les anciens ports cèdent place aux nouveaux ports en mer profonde. 3.1.1.1. Les nouveaux moyens de manutention : La vulgarisation des transports par conteneurs en vrac ont permis l’augmentation des trafics maritimes d’une manière très signifiante, car non seulement ils permettent de réduire les coûts des transports, mais également ils facilitent les processus de manutention (EWART, W. D. 1983). a. La conteneurisation : La conteneurisation est définie comme le processus qui a généralisé l’usage du conteneur dans le transport maritime, il est apparu dans les années 1950 aux États-Unis et s’est mondialisé entre les années 1960-1980 (ROMUALD L. 2007), car non seulement il a entrainé une baisse des coûts en diminuant la manutention, mais également par la facilité et la flexibilité de son usage. Il existe plusieurs tailles de conteneurs en fonction de l’usage (on parle alors d'équivalent vingt pieds ou EVP ‘20 pieds = 6,09600 mètres’ en anglais Twenty-foot Equivalent Unit ou TEU ce qui est devenu une nouvelle unité de mesure), les conteneurs sont principalement destinés aux transports des produits manufacturés mais peuvent aussi transporter d'autres produits : fruits et légumes, produits alimentaires finis, liquides ou voitures en utilisant alors des conteneurs spécialisés citernes, réfrigérées ou autres - mais toujours aux dimensions standards (ROMUALD L. 2007). La conteneurisation a influencé très significativement le transport maritime : « elle participe à l'augmentation du trafic maritime mondial puisqu'elle rend plus facile le transport des marchandises de tous types en permettant des transports de petites quantités à moindre coût. La conteneurisation a entrainé la construction de bateaux spécifiques, les porte-conteneurs. La quasitotalité du transport maritime des biens manufacturés est transportée désormais par ce type de navires, qui peuvent aussi transporter d'autres produits en moindre quantité avec des conteneurs de fruits et des légumes, de produits alimentaires, de liquides (hors carburant) voire de voiture grâce aux conteneurs spécialisés. Cette polyvalence est l'un des principaux avantages de ces navires. Ils peuvent charger, transporter ensemble et décharger facilement différents types de produits. Les années 1990 et 2000 ont vu un accroissement de la taille de ces navires avec l'arrivée 37 Première partie. de bateaux d'une capacité de plus de 11 000 EVP. En 2005, plus de 116 millions de conteneurs ont ainsi voyagé sur les mers du globe »1. Figure 11: Porte-conteneurs, longueur: 278m, largeur: 42m, tirant d'eau: 15m. Source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Nedlloyd.Barentsz.jpg. b. Le transport en vrac : Le transport en vrac prend une grande partie du transport maritime actuel, et devient ainsi un véritable transport logistique de marchandises très stratégiques à l’instar du pétrole et du gaz naturel. Les navires qui transportent les vrac s’appellent vraquiers. Les vraquiers, un des géants de la mer sont apparus dans la seconde moitié du 19éme siècle et ont progressivement évolué vers une automatisation accrue. Leur taille varie entre les caboteurs côtiers et les géants de 350 000 tonnes2. Ils sont parfois décrits comme étant les « chevaux de trait des mers» (EWART, W. D. 1983), en raison de la quantité de marchandises qu'ils transportent mais aussi de leur peu de médiatisation. En termes de tonnage, ils forment 33 % de la flotte du commerce mondial. Par définition, les vracs : « correspondent aux produits transportés directement dans la cale du navire ou dans les aménagements prévus à cet effet. On distingue dans ce cas les vracs des marchandises diverses »3. Il existe deux principaux types de vracs (Pratic-Expot. 2004): Les vracs solides : « ils correspondent à des matières telles que le charbon, les minerais ferreux et non ferreux, les engrais, le ciment, la bauxite, le sable, ou bien des produits alimentaires (céréales, sucre brut), l'aliment du bétail (tourteaux), des farines etc. Les vracs solides sont transportés par des navires de charge, destinés au transport de marchandises solides en vrac. Il peut s'agir de sable, de granulats, de céréales mais aussi de matériaux denses comme les minéraux » (PraticExpot. 2004. p.24). 1 Source de données : Wikipedia l’encyclopédie libre sur son site : <http://fr.wikipedia.org/wiki/Conteneurisation> (Consulté le : 16/04/2012). 2 Source de données : Wikipedia l’encyclopédie libre sur son site : < http://fr.wikipedia.org/wiki/Vrac> (Consulté le : 16/04/2012). 3 Dictionnaire encyclopédique Larousse (Edition 2009). 38 Première partie. Les vracs liquides : « ils sont notamment composés par les hydrocarbures (pétrole et produits pétroliers), le GNL, les produits chimiques et alimentaires (vins, huiles, mélasse). Les vracs liquides sont transportés par des vraquiers spéciaux, qu’on appelle ‘les navires citernes’ comme; les pétroliers, les pinardiers, les méthaniers, ou les chimiquiers… » (Pratic-Expot. 2004. p.24). Figure 12: Le Sabrina I, vraquier moderne de taille Handymax (dépasse 190m de longueur, 30m de largeur et un tirant d’eau de plus de 16m) à Astoria. Source : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sabrina_I_cropped.jpg. 3.1.1.2. La mondialisation des échanges et l’implication des ports : La production de masse a permis une sur- production des marchandises notamment pour les pays développés à l’instar de l’Amérique du nord, l’Asie, et l’Europe, ce qui a favorisé les échanges internationaux qui ont connu un essor considérable depuis 1945, progressant plus vite que la production mondiale. Ainsi, entre 1950 et 1963, les échanges de marchandises ont augmenté chaque année en moyenne de près de 8%, contre 5 % pour la production mondiale sur la même période. Le constat est identique sur les périodes suivantes, avec même un accroissement de l’écart sur la période 1990-20031. On parle aussi de spécialisation des pays pour la production de certains produits, comme la Chine qui devient un producteur à moindre coût d’où on importe tout, les pays tropicaux avec leurs fruits exotiques qui arrivent partout sur terre, ou les pays qui vivent sur leurs exportations de matière première comme les pays du Golf, l’Algérie ou la Libye qui se comptent comme des pays principaux exportateurs de pétrole. Cette expansion des échanges est à mettre en parallèle avec la création de plusieurs organisations ou accords internationaux (GATT puis OMC, FMI, Banque mondiale…) qui ont créé un climat très favorable au développement des échanges. Il faut noter que le transport maritime est d'une importance primordiale pour l’économie mondiale : « Environ 70 % des échanges commerciaux dans le monde sont réalisés par navire. Ce pourcentage 1 Source des données : OMC (Organisation Mondiale du Commerce). 2004. 39 Première partie. augmente à 90 % si nous considérons les échanges intercontinentaux.»1.Nous vivons dans un contexte où la libéralisation des marchés mène à une expansion importante des échanges entre les différentes régions du globe. Le transport maritime est donc appelé à jouer un rôle encore plus prépondérant dans l’économie mondiale et forcément les ports aussi qui deviennent des enjeux stratégiques et à une échelle universelle. 3.1.1.3. Les nouvelles infrastructures portuaires : Pour répondre aux nouvelles exigences d’échanges mondiaux en accroissement, les nouveaux modes de transports (conteneurisation, les vracs notamment), et la nouvelle échelle de transport maritime (les nouveaux bateaux de plus en plus grands; les pétrolier, les ULCC, VLCC, tankers, etc.), la conception et l’adoption de nouvelles infrastructures portuaires devient nécessaire dans un domaine où l’efficacité économique prime. Dotées d’une nouvelle échelle plus grande, synonyme d’efficacité et d’efficience, le gigantisme de ces infrastructures se manifeste par des superficies qui dépassent les 10.000ha (10.570ha pour le port de Rotterdam qui est le 4éme plus grand port du monde) (MANDOUL T et ROUSEAU S. 2009) afin d’accroitre les capacités de stockages, des quais de plus en plus grands et qui atteignent les 100kms de périmètre, et des profondeurs qui atteignent les 30m, comme dans le cas du port de Rotterdam (28m) qui se compte comme le port le plus profond du monde. Pour répondre aux nouvelles exigences de nouvelles infrastructures portuaires prennent le relais des anciens ports jugés comme caducs et inadaptés aux nouveaux besoins susmentionnés, l’âge de nouvelles infrastructures portuaires commence. Comme principales infrastructures portuaires qui vont dominer les temps modernes, il y a les hubs portuaires, les ZIP (Zone Industrialoportuaire) et les ports Offshore où le concept d’efficience portuaire prend la place de l’efficacité portuaire prise comme cible par les anciens ports qui prennent retraite, ces nouvelles infrastructures portuaires partagent tous un dominateur en commun ; ils occupent tous des sites suburbains et en eau profonde. 1 Source des données : Revue du transport maritime 2004, Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement. 2005. 40 Première partie. Figure 13: Image 1, 2,3; Les nouvelles infrastructures portuaires du gigantisme naval. 3.1.2. Le phénomène de délaissement : Conséquence de la délocalisation et de l’inadaptation des anciens ports, ces derniers se voient abandonné et délaissé au profit des nouvelles plates-formes portuaires suburbaines plus performantes, « la mort des ports » (CHALINE C. 1994) a engendré l’inutilité de leurs espaces qui deviennent des « no man’s land » (HAYUTH Y. 1982), des terrains désertés et dégradés qui abritent quai délabrés et des coques de navires rouillés. 41 Première partie. Figure 14: Modèle Anyport de J. BIRD qui illustre le processus de délocalisation et le délaissement des anciens ports. Source : Schéma réalisé sur la base des études de J. BIRD. 1963. Le délaissement et la délocalisation des activités portuaires des anciens ports ont engendré un ensemble d’effets néfaste à la ville qui altère son bon fonctionnement et qui dégrade son image et son environnement. 3.1.2.1. La génération des friches portuaires : Abondant des anciens ports a engendré une dégradation et une apparition des ‘friche portuaires’ non seulement sur les anciens sites portuaires mais également aux espaces urbains dont la fonction est liée avec l’activité portuaire, ainsi les anciens ports deviennent des espaces délabré qui traumatisent l’image et la façade maritime leurs villes. Comme le souligne BOUBACHA E dans son texte : « Pourtant, il faut souligner qu’à l’interface de la ville et du port, les friches sont très rarement le reflet d’un déclin, mais plutôt l’expression ponctuelle d’une inadaptation à laquelle la ville et le port, par leur séparation, n’ont pas eu les moyens de répondre. Cette situation apparait aujourd’hui dommageable aussi bien pour la ville que pour le port, car elle symbolise une situation de crise et de traumatisme peu compatible avec la promotion d’un dynamisme et d’une image de développement. » (BOUBACHA, E .D, DAVOULT, et al. 1997. p.15). 42 Première partie. Figure 15: Les friches portuaires à Lisbonne. 20e siècle. Source : In. Alger métropole.2000. p.111. 3.1.2.2. La distanciation ville/port et la perte d’identité portuaire : La délocalisation de l’activité portuaire des anciens ports au profit des nouveaux sites suburbains se résulte avec un effacement portuaire (CHALINE Claude. 1994), comme il est montré dans la figure 15, le modèle de J. Bird est complété par une phase ‘retrait portuaire des villes’ (HOYLE B.S. 1988) ou ‘délaissement’ (CHARLIER J. 1989), après un clivage qui se résulte de la révolution industrielle, ville et port éprouveront une distinction et une distanciation à cause du délaissement. La mort des ports (CHALINE C. 1994) à cause du délaissement engendra un vide imaginaire au sein de la société de la ville portuaire, dépourvu de toutes activités portuaires les anciens ports deviennent des enclaves qui ‘démaritimise’ (Hayuth Y. 1988) leurs villes, elles deviennent dépourvu de leur tampon qui est portuaire, ainsi elles perdent leur identité comme le relève VERHOEVEN P (1997) ; « ordinary citizens don’t feel at home anymore in the port ; the port has become a foreign world » qu’on traduit par; « les citoyens ordinaires ne se sentent plus chez eux dans leurs ports, le port est devenu un monde étrange » (VERHOVEN. 1997. In. Ville et port ; mutation et recomposition. p.15.). 3.1.2.3. Une crise sociale et démographique : La perte identitaire de la ville à cause du délaissement de son port s’est répercutée avec un vide imaginaire pour sa population qui désormais ne trouve plus sa particularité portuaire, idem sur le plan socio-économique, la délocalisation portuaire s’est accompagnée avec une crise sociale à cause des pertes d’emplois. Car et comme il est montré, le port malgré son clivage avec sa ville il a continué à générer des postes d’emplois pour ses habitants, « Un port ancien signifiait beaucoup 43 Première partie. d’emplois sur peu d’espace (…). Un port moderne a besoin de beaucoup d’espace pour peu d’emplois. » (CHALINE C. 1993). Ainsi la perte d’emplois comme conséquence de la délocalisation des anciens sites portuaire s’est répercutée par une crise démographique, la ville portuaire est devenue répulsive comme l’explique FABRE (1997) : « Liverpool a perdu la moitié de sa population en quarante ans, Gênes 120.000 habitants en vingt ans, Hambourg 200 000 habitants, Marseille 100 000 et Barcelone 50 000 habitants depuis 1975 » (FABRE. 1997 In. Ville et port ; mutation et recomposition. p.17.). 3.2. Les mouvements de ‘waterfronts revitalizations’ : Comme il est montré, le délaissement des anciens sites portuaires a engendré de lourdes conséquences négatives pour les villes portuaires sur différents plans (dévalorisation de l’espace, pollution, baisse d’emplois et de population, génération de friches etc.), ces conséquences n’ont pas tardé pour devenir des incitations pour la réorganisation et le réaménagement de ces espaces dans un contexte de valorisation nouvelle et qui répond mieux aux nouveaux besoin de la ville portuaire afin de tisser les liens perdus entre ville et port. Ainsi un mouvement de réaménagement dont les villes nord-américaines demeuraient pionnières intitulé ‘waterfronts revitalizations’ est né pour l’exploitation de ce potentiel et initier ces transformation. 3.2.1. ‘La reconquête’ ; une nécessité plus qu’un choix : Suite aux retombées négatives du délaissement ou également appelé le retrait portuaire, dès les années 1950 les grandes villes portuaires nord-américaines qui étaient les premières villes qui ont subi le phénomène de délaissement en vue du statut économique important de leurs ports, des villes à l’instar de Baltimore, San Francisco, Boston et New York ont initié un mouvement de transformation des espaces portuaires (à Boston, le secteur d’Union Wharf fait l’objet d’un projet de reconversion dès 1956) (CHALINE C. 1999). Les espaces portuaires délaissés seront récupérés par la ville et transformés pour contenir de nouvelles activités tout en prolongeant l’activité urbaine de la ville sur ces derniers. Les espaces portuaires délaissés attractifs par leurs emplacements en bord d’eau profiteront de réaménagement valeureux et de programmes riches dans leurs utilisations et deviennent vite des parties attractives et d’image de haut de gamme forte, ainsi ils deviennent un lieu privilégié pour l’implantation de tertiaire de bureau, commerces, activité touristique, habitat de standing… (BOUBACHE E et DENIS D, et al. 1997). Profitant de ces reconversions, les villes portuaires galopent vers une recomposition ville-port, les liens perdus entre ville et port sont retrouvés, la ville reprend son port et tisse de nouveau lien avec ce dernier et regagne son front d’eau ce qui lui rehausse l’image et lui offert de nouvelles activités susceptibles d’attirer de nouveaux flux, fort d’atout, ce mouvement qualifié de waterfront revitalization (BOUBACHE E et DENIS D. et al. 1997) sera progressivement propagé en Amérique du Nord, puis à travers le monde « où il va être considéré comme un modèle efficace 44 Première partie. pour valoriser les anciens espaces portuaires délabrés » (BOUBACHE E et DENIS D. et al. 1997. p.18). 1 2 3 Figure 16: Photo 1, 2, 3 ; Waterfront de Baltimore. Source : Google earth et Google panoramio. 2010, mosaïque réalisée par l’auteur (AOUISSI K.B). 3.2.2. Les atouts des reconversions portuaires : Comblées d’atouts et d’avantages, les reconversions portuaires ne vont pas tarder à être adaptées par d’autres villes hors nord-américaine, les villes portuaires britanniques étaient les âtres des d’une deuxième vague de reconversions portuaires dans les années 1960-1980, les villes australiennes et japonaises comme Sydney Brisbane en Australie et Osaka et Tokyo en Japon les ont aussi suivi, et plus récemment une troisième vague de reconversion portuaires a affecté les villes européennes à l’instar d’Hambourg, Marseille, Dunkerque… La propagation de ce mouvement de waterfront revitalization à travers tout le globe montre son importance et sa nécessité comme solution au délaissement portuaires (BAUDOUIN T., COLLIN M. 1992), il montre aussi ses avantages qui ont permis aux villes recomposées de rayonnais comme des villes mondiales de premières importances. Les reconversions portuaires ont permis aux villes portuaires de revaloriser leurs fronts d’eau et de recoudre les liens perdus avec leurs ports et la 45 Première partie. mer, cela leur apportera de nombreux avantages sur les plans environnemental, social et économique. 3.2.2.1. Recentrage de la ville et recyclage du foncier : Les mouvements de réaménagement non pas seulement permis un recyclage de fonciers des anciens territoires portuaires qui s’étendaient sur d’importantes surface de point de vue qualitatif c’est-à-dire emplacement (en front d’eau) mais également de point de vue quantitatif car elles occupaient des centaines d’hectares, mais également ces opérations ont permis un recentrage et un rééquilibrage pour la centralité urbaine de la ville, car les opérations waterfronts ne se résument pas seulement à recomposer un espace délaissé, mais il s’agit bien de remanier une partie de la ville et de la réorienter vers de nouvelles fonctions (à caractère scientifique, commercial, culturelle, de récréatives et loisir) qui concorde mieux avec l’époque de la ville et qui tourne principalement vers de nouvelles fonction de tertiarisation (CLAUDE Chaline. 1994). La reconquête ville-port exprime une recomposition spatio-fonctionnelle pour le système villeport et non pas comme unique récupération de friches (BOUBACHE E et DENIS D. et al. 1997). Figure 17: Projet EuroMed à Marseille, France ; réaménagement des anciens sites portuaires comme nouveau centre tertiaire pour la ville. Source : projets-architecte-urbanisme.fr 3.2.2.2. Revalorisation, Modernisation, Mondialisation et Métropolisation de la ville : Les opérations waterfront ne consistent pas seulement au réaménagement des espaces portuaires délaissés, mais elle consiste également à une transformation économique et fonctionnelle afin de répondre au nouveau contexte socio-économique (la société de l’information) qui repose principalement sur le tertiaire et les services. Les nouvelles fonctions adopté pars les mouvements de réaménagement waterfront pivotent essentiellement sur quatre axes ; l’environnement et les loisirs, la recherche et la technologie, les fonctions tertiaires et la culture (BOUBACHE E et DENIS D. et al. 1997). L’activité portuaire auparavant très liée à la mer, se voit remplacer par de nouvelle fonction ‘not-sea oriented fonctions’ (VALLEGA, A. 1997. In. Ville 46 Première partie. et port ; mutation et recomposition. p.17) qui n’ont pas de relation directe avec la proximité de l’eau, l’eau devient un élément essentiellement de décor urbain. Cette nouvelle utilisation des fronts d’eau a permis à la ville de se revaloriser par de nouvelles vitrines maritimes modernes et qui embellissent son paysage urbain, aussi l’adoption de nouvelles fonctions à caractère tertiaire et qui concordent mieux avec le nouveau contexte socioéconomique de la ville lui a permis de se moderniser, son port demeura un moteur de métropolisation et de mondialisation grâce aux nouvelles fonctions d’attractivité de flux économique et professionnels qu’assurent à travers les nouveaux centre de décision (les World trades centers…), ou des flux scientifiques et touristiques. Les réaménagements waterfront ont permis aux villes portuaires de s’assurer une place mondiale et d’accéder au mouvement urbain du siècle grâce aux nouvelles fonctions adoptées, à s’avoir ; ‘la métropolisation’ (HADJIEDJ Ali. 1994). Figure 18: Des exemples de type de réaménagement waterfront à travers le monde ; (1 : Musé à Rio De Janeiro, 2 : des activités de loisir à Baltimore, 3 : Londres (Waterharf) un centre de tertiaire, 4 : Téléport à Osaka). 3.2.2.3. Redéfinition de la vitrine maritime et remaritimisation de la ville : Longtemps éloignée de son front d’eau à cause du port, les mouvements waterfront revitalization ont permis aux villes de reconquérir solennellement leur front d’eau avec des vitrines urbaines moderne (FOUILLAND B. 2003) ce qui a littéralement muté leur paysage urbain et leurs façades urbaines jusqu’au là composées de grues et de conteneurs, un aspect d’industrialisation qui clochardisait les paysages urbains des villes portuaires comme il est toujours le cas d’Alger. Grace 47 Première partie. aux nouvelles fonctions attribuées par les mouvements de réaménagement waterfronts axées principalement sur le tertiaire l’environnement et le loisir, les villes portuaires se sont dotées de vitrines maritimes qui traduisent un retour de la ville portuaire à la mer et les nouvelles orientations pour de nouveaux mode de valorisation d’actualité (CHALINE C. 1994). Ce nouvel exploit maritime des villes portuaires a permis la ré-identification de cette dernière et de reprendre son front d’eau longtemps accaparé par son port, un front d’eau ré-exploitable par la ville et ses habitants, il s’agit de la ‘remaritimisation’ de la ville portuaire (Hayuth Y. 1988). Fort d’atouts et ré-exploitée grâce aux mouvements de réaménagements, les villes portuaires ont repris le dessus de leurs ports au profit d’une recomposition qui vise à une montée en gamme pour la ville portuaire et retrouver leur statut de ville poste avancé pour la mondialisation et la métropolisation. Figure 19: L'opéra de Sydney (Australie) sur l’ancien port, un monument architectural d'identité symbolique et de revalorisation du front d’eau de la ville. Source : familyadventuretravelworks.com 48 Première partie. Conclusion : Le nouveau contexte économique des villes portuaires, axé sur les services et le tertiaire, fait des villes des espaces productifs privilégiés à travers une concentration de flux, et une polarisation des activités et des richesses liées à la ‘métropolisation’. Parallèlement, chaque ville s’inscrit dans des réseaux globaux où elle est directement mise en concurrence avec ses semblables et donc en ‘compétitivité’. Ainsi pour assurer leur développement, les villes vont chercher à attirer, concentrer et dynamiser le maximum de flux afin de se positionner solidement à une échelle régionale, nationale, ou internationale de ‘mondialisation’. Ces trois concepts (métropolisation, mondialisation et compétitivité), donne la nouvelle identité des villes portuaires ou ce qu’elles doivent être; ‘des métropoles mondiales en compétition’. Ainsi l’enjeu va être de redonner aux villes portuaires ce rôle d’interface international, donc de rétablir localement une certaine synergie entre fonction portuaire et urbaine afin d’accompagner et stimuler le processus de métropolisation à travers les fonctions d’intermédiation et d’échanges et ainsi permettre une meilleur insertion et intégration de la ville portuaire dans sa toile avec le monde. Au final, il faut dire que la reconquête des waterfronts, ne se présente pas comme une simple transformation et recyclage des territoires portuaires délaissés, mais comme un recentrage et un remodelage qui va ouvrir à la ville portuaire de nouvelles perspectives de mondialisation et de métropolisation. Ainsi le couple ville et port ont compris que la rupture n’apporte aucun intérêt bien au contraire, et qu’ils doivent s’allier et se compléter afin de brasser fonction portuaire et fonction urbaine. Leurs forces se trouvent dans cette complémentarité qui a fait leurs gloires et leurs grandeurs historiques. 49 Première partie. Chapitre 4 : Analyse d’exemples de réaménagement waterfront. Introduction : Les premières opérations waterfronts revitalizations remontent à la fin des années 1950 aux villes portuaires principalement nord-américaines, elles se sont propagées au fils du temps vers d’autres villes dans d’autres continents, où le contexte socio-économique varie. Dans le présent chapitre l’étude sera focalisée sur des exemples récents car aux fils du temps le concept de waterfronts revitalizations a évolué, on parle plus des rénovations ‘bulldozer’ synonyme de ‘tabula rasa’ des années 50-60- 1970 (DJEDOUANI RAKEM S. 2004), de nouvelles notions apparaissent notamment de renouvellement urbain, d’écologie et de développement durable. D’autre point de vue, les exemples voués (européens) se trouvent géographiquement proche d’Alger car généralement la proximité géographique est synonyme de similarité et de ‘comparabilité’. Dans le présent chapitre, l’objectif n’est pas seulement de montrer la succession des phénomènes qui ont guidé vers la recomposition ville-port (clivage, délaissement, recomposition) d’une manière concrète, mais également les facteurs de réaménagement et les incitations (sociales, économiques, environnementales et même politiques) qui ont guidé vers les reconversions portuaires ainsi que les choix de réaménagements adoptés par les villes. Les critères du choix des exemples sont basés sur; la proximité géographique par rapport à Alger, la proximité chronique des opérations de réaménagement (des réaménagements en cours ou qui datent des années 1990) ainsi que l’équivalence des villes choisies (Dunkerque, Marseille et Lisbonne) de point de vue statuaire (importance de la ville dans son territoire et l’importance de son port pour le pays), et les ambitions futures de la ville. Figure 20: Situation géographique des exemples européens analysés. Source : image du fond : Statistique-mondiales.com, carte modifiée par l’auteur. 50 Première partie. 4.1. Dunkerque : ‘la née’ de ses cendres : Dunkerque une ville portuaire française sur la mer du nord, durant les années 1970-1980 elle semblait être condamnée à la réussite grâce à son port spécialisé principalement dans la construction navale (les chantiers de la Normed) classé troisième en terme d’importance et de grandeur en France et le deuxième en terme d’échange avec la Grande-Bretagne, cette situation propice se transforme en crise durant la fin des années 80, «avec plus de 14,3% de chômage soit 4,5 point au-dessus de la moyenne française… Les carnets de commande sont vides, Usinor, fonctionne à 50% de ses capacités l’usine des Dunes voit lui échapper l’usinage, désormais concentré sur Valenciennes, les petites entreprises de sous-traitance qui gravitent autour des activités maritimes subissent le ‘contrecoup des défaillances’ ». (MARTIN D. 1984). Figure 21: Photo 1, 2, 3 ; l'état du port durant les années 80 ; sur les photos 1 et 2 ; Les Chantiers de France (Normed) à l'époque où la construction navale occupait l'ensemble du site, c’était la période du summum du clivage ville/port, dans la photo 3 le site d’intervention du projet Neptune. Source : Magazine Écologie n° 356 de 1984. p.17 (Mosaïque réalisée par l’auteur AOUISSI K.B). 51 Première partie. 4.1.1. Les incitations de la reconversion portuaire : À l’aube des années 90, la majorité des activités portuaires ont été délocalisées vers le nouveau port de l’Ouest, construit pour mieux répondre aux exigences d’échanges commerciaux notamment avec la Grande-Bretagne, un nouveau port en site suburbain et qui gagne en profondeur. Ce délaissement libère 150 hectares de docks, môles et bassins, plus ou moins désertés et pollués à proximité de la ville-centre (AUCAME. 2008). Ces anciens territoires portuaires délaissés « deviennent alors une opportunité foncière pour le centre-ville jusqu’alors limité dans son extension, peu attractif, peu représentatif d’une agglomération de plus de 20.000 habitants et qui affiche un déficit global de surfaces commerciales d’environ 25.000m² » (AUCAME. 2008). La reconquête des territoires portuaires Est délaissés notamment les chantiers navals de la Normed en faillite commence d’être envisagée, la ville commence à se rendre compte du potentiel qui peut lui être offert par sa recomposition avec son port. 180ha de friche portuaire à exploiter en front d’eau, un port inactif voire abandonné et une ville en difficulté, l’alternative du réaménagement waterfront semblait plus qu’évidente, le projet Neptune est lancé en 1991 afin de reconquérir l’ancien port délabré et de réconcilier la ville avec la mer tout en la rendant durable en répondant à son agenda 21 local qui reprend des aspects sociaux (mixité et diversité), environnementaux (gestion des eaux de pluies, énergie renouvelable…) et économiques (flexibilité des produits et phasage opérationnel). (MASBOUNGI et al. 2002. p.72.). Figure 22: À gauche de l'image le nouveau port de Dunkerque, à droite la ville de Dunkerque et l'ancien port délaissé. Source : Google earth ©. Image modifiée par l’auteur (AOUISSI K.B). 52 Première partie. 4.1.2. ‘Neptune’ réconcilier la ville avec son front d’eau: Pour initier le projet de réaménagement waterfront un syndicat mixte fut créé en 1988 (il regroupe les autorités portuaires, et les différents acteurs de la ville), l’objectif était d’établir un projet visant la reconquête urbaine de la ville en la reliant au port et à la mer dans une perspective qui s’engageait pour 20 – 30ans (AUCAME. 2008). Un premier masterplan pour le réaménagement portuaire établi par l’équipe de l’architecte Richard ROGERS (1991) ou le tampon tertiaire sera prédominant. Légende : En bleu : Projet du Grand large. / En vert : Le site balnéaire. / En rouge : Les places. / En jaune : Les cœurs de l’agglomération. Source : http://fabien.devos.perso.sfr.fr/auj.html Figure 23: Photoplan du périmètre d'intervention du projet Neptune et les différentes typologies d'interventions. 53 Première partie. L’équipe de Richard ROGERS et Mike DAVIES chargé de l’intervention décide de ne pas opté pour ‘un centre bis qui aurait accentué la crise’ (MASBOUNGI et al. 2002. p.72.), car selon eux, dans un tel contexte en crise, la récupération de friches portuaires et industrielles ne résoudra pas le problème, mais plutôt il faut opter pour un ‘processus de mutation urbaine’ (BARBET-MASSIN Olivia et al. 2002. p.72.), donc une opération de waterfront revitalization s’impose. Le plan directeur conçu pour 30ans, a pour objectif (MASBOUNGI et al. 2002. p.72.); - De restructurer et reconnecter les fragments de la ville en réorganisant sa circulation (4 secteurs à relier, voir la figure 23). Mixité fonctionnelle du site (divertissement des fonctions). De revitaliser les bassins abandonnés. De requalifier les espaces publics (voir la figure 23). Réconcilier la ville avec la mer. Polariser et élargir l’influence de la ville au-delà de son propre territoire par des projets d’envergure. Rendre la ville durable et plus conviviale. Aussi il faut noter que le projet n’a pas fait l’impasse des utilisateurs (les citoyens), plusieurs concertations ont été faites avec des représentants de la société civile sous la forme d’atelier et de workshops, tout en engageant les différents acteurs, publics et privés, afin d’établir un cahier des charges commun qui fera référence réglementaire pour le projet. Pour atteindre les objectifs susmentionnés, un ensemble de projet sera réalisé selon des démarches bien définies (AUCAME. 2008), on note trois démarches principales qui résultent des trois principaux piliers du développement durable ; Environnement : Des mesures écologiques feront l’objet d’études approfondies, comme la gestion des eaux pluviales, des déchets ou la favorisation des déplacements piétonniers ainsi, les bâtiments utilisent des techniques HQE (Haute Qualité Environnementale) (AUCAME. 2008), il faut noter aussi que le plan directeur réalisé par l’équipe ROGERS s’articule autour d’une trame verte bien définie et omniprésente dans tout le projet. Économie : L’attractivité et la compétitivité fera l’objet dès le premier coup de crayon de la planification, la ville a pour ambition de promouvoir la qualité de vie de ses habitant en leur offrant de nouveaux équipements qui renforcent le statut économique de la ville, le caractère tertiaire sera d’ordre premier dans les futurs équipements du projet. Aussi la planification d’une université dans le projet contribuera à l’attractivité de la ville ainsi de renforcer son statut dans la région. Social : La mixité sociale est un mot clé dans le projet Neptune, le projet de l’université contribuera à diversifier la composition de la société dunkerquoise, aussi un projet important de logements est prévu par le plan directeur (dans le quai du Nord) ou il sera partagé entre des logements sociaux (à 40%), des studios pour étudiants, ainsi que des habitats haut standing (MASBOUNGI et al. 2002. p.73.), cela a pour objectif d’assurer une mixité sociale de point de vue 54 Première partie. tranche d’âge, aussi de point de vue de couches sociétaire afin d’éviter le problème de gentrification1, car les projets waterfronts sont connus comme un retour au centre. Les fonctions qu’abrite aujourd’hui la zone d’après une étude réalisée par l’agence d’urbanisme de Caen Métropole (AUCAME. 2008. p.4) : - - Tertiaire (premier immeuble de bureaux livré en 1996). Habitat (premiers logements privés livrés en 1997). Commerce et loisirs avec la création du pôle marine. Enseignement supérieur et de recherche avec l’ouverture de l’université et du restaurant universitaire en 1992. Maison de la recherche sur l’Environnement Industriel du Dunkerquois, Bâtiment des Sciences humaines, Bâtiment des Sciences et Techniques des activités physiques et sportives. Services publics (Hôtel de la communauté urbaine). Équipement culturel (musée portuaire). Activités portuaires (pêche, terminal croisière, plaisance). L’opération waterfront à Dunkerque est fractionnée en deux étapes; après une première étape étendue de 1991/2000, une deuxième étape toujours le cadre du projet Neptune viendra accomplir ce dernier, il s’agit de l’opération du Grand Large une ZAC constituée principalement d’un quartier d’habitat (plus de 1530 logements + équipements de proximités) un projet qui s’étale sur une durée de 11ans (première étape 2000/2003, et une deuxième 2003/2011) (CUD. 2005) ce projet a pour objectif de transformer les friches portuaires en un éco-quartier exemplaire en répondant aux normes HQE et l’agenda 21 local établie par la communauté de la ville. Cette flexibilité et ce fractionnement du projet Neptune sur plusieurs étapes de réalisation a permis de répondre aux attentes des habitants de la ville à travers les différentes époques, il a su évoluer et s’adapter aux besoins de la ville et ses habitants en s’actualisant et en s’évoluant au fur et à mesure des attentes des habitants, cela a beaucoup contribué dans la réussite de cette ‘greffe’; c’est-à-dire assurer ‘le transfert’ du port à la ville sans que cette dernière le rejette. 1 Gentrification : Tendance à l’embourgeoisement d’un quartier populaire. (Définition selon le dictionnaire Larousse 2013). 55 Première partie. Figure 24: Photos 1, 2, 3, 4; Des illustrations de quelques réalisations du projet Neptune. Source : voir dans les photos, mosaïque réalisée par l’auteur (AOUISSI K.B). 56 Première partie. 4.1.3. Bilan de l’opération ‘waterfront’ : Le projet Neptune laisse tout le monde unanime qu’il s’agit d’un bon exemple d’opération Waterfront revitalization, grâce à ce projet, la ville de Dunkerque a décroché en 1996 le prix européen de la ville durable (Cyria EMELIANOFF et Ruth STEGASSY. 2010), et cela grâce à cette initiative qui ne s’est pas résumée uniquement à la récupération et la restauration des friches industrielles par de simples opérations ponctuelles de renouvellement urbain, mais l’objectif était plus ambitieux ; revitaliser toute la ville en la reliant avec son front d’eau afin de rendre durable, conviviale et cohérente dans son ensemble. La ville de Dunkerque a profité pleinement de sa recomposition avec son port autre fois source de déficit et de nuisance pour la ville, maintenant et grâce à ce projet Neptune qui vise principalement à une recomposition ville/port et à la revitalisation du front d’eau de la ville, le port même s’il a renoncé complètement à son activité portuaire en adoptant de nouvelles fonctions principalement tertiaires, actuellement il participe au développement de sa ville qui commence à prendre place émergente dans son contexte local régional et même suprarégionale avec les pays voisins. Grace à la recomposition ville/port établie par le projet Neptune, la ville de Dunkerque a su vivre un essor économique, social, et environnemental, on note ; - - - - Un ‘Boost’ dans l’économie locale, en rendant la ville plus attractive grâce aux nouveaux équipements notamment l’université et ce qui a permis à la ville de devenir plus compétitive dans son territoire suprarégional. Réduction du taux de chômage, qui a passé de 20% durant les années 80 à moins de 14% en 20091. Embellissement et une modernisation du paysage urbain et l’image de la ville grâce à la nouvelle vitrine composée d’édifice avec une architecture remarquable (notamment les logements sur les quais du nord). La ré-identification maritime de la ville, liaison physique entre la ville et la mer et la restructuration de cette dernière grâce au plan directeur qui a pris dans son périmètre d’étude l’intégralité de la ville. Après une période de crise causée par le clivage ville/port et le délaissement après, la ville s’est en sortie de cette situation épouvantable grâce à sa recomposition ville-port visé par le projet Neptune. 1 Source des statistiques : <http://www.linternaute.com/ville/dunkerque/ville-59183> (consulté le 27/05/2012). 57 Première partie. 4.2. Lisbonne : ‘tabula rasa’ : Lisbonne ville portuaire antique, la plus grande ville et la capitale du Portugal, elle sera choisie pour accueillir l’exposition universelle de 1998 sous le thème de « les océans, un patrimoine pour le futur », un évènement si important qu’il nécessitera toute une transformation morphologique d’une ville souffrante de multiples problèmes et déficit à cause d’un clivage ville/port cruel et d’un port pollué et voué à l’abondant depuis les années 1970. 4.2.1. Les incitations de la reconversion portuaire : Choisie en 1989 Pour accueillir l’exposition universelle de 1998 cet événement tombait comme un rayon de soleil pour la ville de Lisbonne, un évènement qui nécessite dans sa programmation un arsenal de nouveaux équipements et de bâtiments et surtout une nouvelle image moderne et digne d’une ville ‘internationale’. Un ensemble d’exigences et de besoins dont la ville ne dispose pas, bien au contraire la ville de Lisbonne vivait une période de stagnation et de déficit à cause de son ancienne ZIP utilisée beaucoup plus comme un espace d’entreposage sans grande utilité et déserté des principales activités portuaires au profit de la nouvelle construite en zone suburbaine et en mer profonde pour répondre aux nouvelles exigences maritimes (voir figure 24). Le choix pour accueillir l’exposition universelle est devenu le prétexte principal pour le décret d’une loi (23 mars 1993) déterminante la zone d’intervention sur l’assiette foncière de l’ancienne ZIP délaissée jugé « zone critique de récupération » (AUCAME. 2008). Plus de 155ha seront transformés pour l’EXPO 98, un évènement supposé de relancer la dynamique urbaine de la ville en stagnation. L’EXPO 98 devient un véritable détonateur pour une opération waterfront revitalization pour la ville et le port de Lisbonne, car le plan directeur appelé (Plan Régional d’Aménagement du Territoire de l’Aire Métropolitaine de Lisbonne) n’englobe pas uniquement la zone censée de recevoir l’EXPO 98 qui est sur l’ancienne ZIP en front de mer mais il englobe une bonne partie de la ville afin d’assurer la continuité, la cohérence de l’ensemble de reconquérir le port et de le redonner à sa ville afin de reconnecter la ville avec la mer. À cet évènement une société à capitaux publics est créée sous le nom Parque EXPO 98’ et sera chargée du projet de réaménagement (AUCAME. 2008). 58 Première partie. Figure 25: Photo 1; la nouvelle zone industrialo-portuaire qui accueille les porte-conteneurs, Photo 2 ; Le début du chantier sur l’ancienne zone industrialo-portuaire en voie d’abandon (voir la photo 3). Source : http://www.photaki.fr. Mosaïque réalisée par l’auteur (AOUISSI K.B). 4.2.2. Parque EXPO 98’; Objectif ‘waterfront revitalization’ : Chargée du réaménagement, la société Parque EXPO a fixé un objectif; réaménager l’ancienne ZIP non seulement pour l’évènement de l’exposition universelle mais également pour répondre aux besoins et aux déficits de la ville de Lisbonne, pour atteindre cela un ensemble d’objectif sera souligné pour le réaménagement waterfront; - - - Donner une image forte moderne et iconique pour la ville non seulement pour accueillir l’exposition universelle mais également pour revaloriser la ville qui est considérée comme la capitale atlantique de l’Europe. Rééquilibrer la ville; car sa partie Est s’avère pauvre par rapport à l’Ouest qui est plus développée, cet appauvrissement est expliqué par la présence de l’ancienne ZIP considérée jusque-là répulsive. Repousser l’économie locale et la tertiarisation de la ville. 59 Première partie. - Couvrir les insuffisances et répondre aux besoins de la ville en termes de logements d’équipements et d’infrastructures. Rendre la ville plus durable en fixant un certain nombre d’exigence d’équité sociale de mixité fonctionnelle et de protection pour l’environnement. Figure 26: Photoplan du périmètre d'intervention du projet Parc des Nations et la situation des différentes réalisations importantes. Source : Image de fond prise de Google earth©, photo modifiée par l’auteur (AOUISSI K.B). Pour répondre aux besoins de la ville et de l’exposition deux types de réalisation seront distingués; a. Pour l’exposition universelle (Réalisation temporaire): Il s’agit de réalisations temporaires qui ont pour but d’accueillir l’exposition universelle, et qui seront transformées après pour répondre aux besoins de la ville, il s’agit de (AUCAME. 2008); - Pavillon d’exposition transformé en foire internationale. L’entrée principale de l’exposition transformée en centre commercial ‘Vasco de Gamma’ (voir figure 26). Ainsi que les autres pavillons sont transformés en musé, centre de congrès ou encore des équipements de loisir pour les habitants. 60 Première partie. b. Pour la ville (Réalisations permanentes) : Ces réalisations ont pour objectif de répondre aux besoins de la ville et atteindre les objectifs soulignés par Parque Expo, et cela par la réalisation des équipements dont la ville a besoin (équipements sanitaires, équipements scolaires, équipements de loisir, front d’eau) et des aires commerciales ainsi que le logement qui aura la tranche la plus importante du programme et cela par la réalisation de plus de 10.000 logements soit plus de 53% de la surface foncière réservée au projet (340ha) (J.P. Carrière, S. Farthing. 2000). D’autres infrastructures à une échelle métropolitaine seront réalisées à l’instar du pont de Vasco de Gama considéré comme le pont le plus long en Europe, ou la gare multimodale de l’Orient l’ouvre de l’architecte Santiago CALATRAVA. Tous les œuvres mentionnées ont pour but de moderniser la ville et lui donner une image digne de son statut et cela par un paysage urbain moderne dans son architecture aussi cohérent et complet dans sa structure urbaine afin de réaliser une montée de gamme pour Lisbonne (AUCAME. 2008). Figure 27: Photo 1, 2, 3, 4, 5, 6 ; Les réalisations principales du projet ‘le parc des nations’ de Lisbonne. Source ; Photoway.com, mosaïque réalisée par l’auteur (AOUISSI K.B). 61 Première partie. 4.2.3. Le bilan de l’EXPO 98’ : Lisbonne et grâce à son opération waterfront intitulée EXPO 98’ profite aujourd’hui d’une image positive, elle est devenue même dans son contexte sud-Européen une icône de modernisation et un symbole prospère de l’expérience urbaine contemporaine portugaise. Aujourd’hui et grâce à l’expérience réussite du parc des nations, Parque Expo est devenue un acteur de consulting de réputation mondiale en terme d’urbanisme et d’aménagement de territoire (Parque EXPO. 2012), il participe aujourd’hui en plusieurs projets d’urbanisme d’autres villes à travers le monde à l’instar d’Alger dont il est chargé de la réalisation de son PDAU 2009-2029. Profitante de son image moderne et sa qualité prospère, aujourd’hui Lisbonne compte 18 millions de touristes par an, un chiffre qui la rend suffisamment attractive et compétitive dans le cercle des villes internationales. Aujourd’hui 340ha sont récupérés par la ville en front d’eau, cette enclave libérée par le port accueille aujourd’hui et grâce à l’opération waterfront la ville compte 25.000 nouveaux habitants, 10.000 logements et plus de 50.000 nouveaux emplois (Parque EXPO. 2012), aujourd’hui Lisbonne profite d’une image digne de son statut au contrario de ce de ce qu’elle était durant les années 1990 où elle vivait le summum du clivage ville/port à cause de sa ZIP délabrée, la recomposition ville-port a porté ses fruits pour Lisbonne qui est devenue un bon exemple de la métropole portuaire européenne. Dans le chapitre de durabilité, Lisbonne et grâce au projet du parc des nations fait épreuve du bon exemple d’urbanisme durable, et cela grâce aux mesures prises dès les premiers coups de crayon du projet, sous le volet d’environnement les bâtiments réalisés respectent tous des normes HQE, le recours aux énergies renouvelables est remarquable, le privilège des transports publics verts à l’instar de la nouvelle ligne de tramway, aussi l’adoption de nouvelles fonctions urbaines en front d’eau assure un environnement plus propre et sain. De point de vue économique, le projet parc des nations a assuré un ‘boost’ économique pour la ville grâce au tourisme urbain, peau neuve que Lisbonne a réussi à faire lui a rendu une destination mondiale privilégiée, une attractivité de 18 millions de touristes par an ne peut être que bénéfique pour l’économie locale de la ville. Les réussites sur les plans environnemental et économique ne se reflètent pas vraiment sur le plan social malgré les efforts soulignés dès le début de mixité sociale et fonctionnelle, aujourd’hui un phénomène de gentrification caractérise la partie réaménagée de la ville, le parc des nations devient un quartier chic (AUCAME. 2008) qui se dissemble de toute la ville, un phénomène qu’on justifie par le manque de cohérence et l’avance marquée en terme de qualité de vie qu’offre le nouveau quartier et qui reste absente et en retrait sur le reste de la ville, cela le rend un espace privilégié et attirant pour les gens les plus aisés de Lisbonne et qui souhaitent un milieu urbain plus alléchant. 62 Première partie. 4.3. Marseille ; ‘ l’Est pour la ville, l’Ouest pour le port’ : Le port de Marseille, le frère jumeau du port d’Alger, la ressemblance entre les deux villes après la colonisation française (1830) était très frappante, l’essor des deux villes était si similaire au point que certains n’ont pas hésité à dire; « Alger veut copier Paris, il parviendra tout au plus à se transformer en un vilain Marseille » (FEYDAU.1862. in. Le credo de l'homme blanc: regards coloniaux français XIXe-XXe siècles. p.161). Alger n’est devenue; ‘un vilain Marseille’, loin de là, mais cette expression rappelle le destin partagé de ces deux villes qui se sont développées simultanément à partir du milieu du 19e siècle. Comme le note DJEDOUAN RAKEM (2004. p.112) : « Elles ont toutes deux subi l’influence des mêmes idées en ce qui concerne l’aménagement, et ont profité de la spéculation et de l’essor économique engendré par les échanges commerciaux entre leurs deux ports ». 4.3.1. Les incitations de la reconversion portuaire : Le port de Marseille est considéré comme une des clés de voûte dans l’économie française, non seulement par son emplacement sur la mare nostrum la seconde voie maritime la plus importante au monde, mais également de son statut Devenue caduc, fragile et peu compétitif face à ses rivaux européen et nord méditerranéen, les autorités françaises n’ont pas tardé à répondre à ce déficit, la délocalisation des activités portuaires au profit de la ZIP Ouest récemment construite en site suburbain (la Fos) sera établie dès les années 1970. En 1980, le trafic des bassins Ouest à Fos était si important que les marseillais ne percevaient plus l’intérêt de garder le port dans le centre-ville et ils le voyaient comme une tâche dans la ville ou un spectacle désolant. Un délaissement total de l’ancien port Est sera encouragé par cette nouvelle ZIP durant les années 1990. Figure 28: Photo 1; Le vieux port de Marseille (Bassin Est), Photo 2 et 3; Le nouveau port et la ZIP de Fos (Bassin Ouest). Source : meretmarine.com 63 Première partie. Figure 29: La délocalisation des principales activités portuaire de l'Est (le Vieux Port) vers les nouveaux bassins et la Z.I.P de L'Ouest (Fos). Source : AUCAME. 2008. Figure 30: Photo1; Les bassins Est du vieux port commencent à être désertés (fin des années 1990) au profit des bassins Ouest (ZIP de Fos) plus favorable et apte techniquement. Source : http://www.euromediterranee.fr/ 64 Première partie. 4.3.2. Le projet EUROMED : Mission EURO pour la ville, mission MED pour le port. Déserté et inutile, les autorités locales n’ont pas tardé à trouver une solution pour revitaliser le port et la ville, l’objectif d’EuroMed lancé en 1995 est plus ambitieux qu’une simple opération de réaménagement portuaire par un renouvellement urbain au profit des friches portuaires, la cible d’EuroMed est de revitaliser, restructurer et de ré-identifier la ville de Marseille qui a longtemps souffert à cause du clivage ville/port qui remonte à la révolution industrielle. Les objectifs visés par le projet EuroMed fondés toujours sur les trois piliers du développement durable, c’est-à-dire ; le développement du projet est fondé sur des principes économique, social, et environnemental et cela par (Selon une étude réalisée par l’agence d’urbanisme AUCAM1. 2008. p.3) ; - - Redynamiser l’économie locale afin de créer un centre tertiaire au rayonnement international. Améliorer l’habitat en réhabilitant certains quartiers et en construisant de nouveaux logements et équipements de proximité, en favorisant la mixité sociale. Renouveler l’interface urbano-portuaire. Renforcer les infrastructures de transport. Améliorer le paysage urbain de la ville et notamment sa vitrine maritime. Recréer des espaces publics Élargir le centre. Rééquilibrage territorial de la ville; Procéder au rééquilibrage Nord-Sud de la ville. Implanter de nouvelles structures à vocation culturelle. Comme tout bon projet waterfront, l’assiette du projet visé ne comprend pas uniquement l’aire du port, mais également une vaste zone de la ville, ceci a pour objectif d’assurer une cohérence dans l’aménagement et également un bassin d’influence vaste afin de rattacher et assurer une relation forte entre la ville et le port. Ainsi pour le projet EuroMed trois ZAC seront déterminées pour le réaménagement ; la ZAC de la Joliette, la ZAC Saint-Charles, la ZAC Cité de la Méditerranée. 1 AUCAM : agence d’urbanisme de Caen Métropole 65 Première partie. Figure 31: Les ZAC d'Euroméditerranée. Source : http://www.linternaute.com Dans le projet d’EuroMed comme à Neptune à Dunkerque, le projet est fractionné en 2 étapes ; Euroméditerranée 1 et 2 qui sont complémentaires dans leurs phases chroniques et cela afin de garder un aspect flexible du projet, d’amortir les coûts et développer le projet au fur et à mesure des besoins qui évolue durant la durée de réalisation du projet (1995-2012). Aujourd’hui une grande partie du projet EuroMed est achevée il s’étend sur une superficie de 480ha (350ha pour EuroMed 1 et 180ha pour EuroMed 2), comme principales réalisations il compte1; - Des centres pour tertiaire; création de plus d’un million de mètres carrés de bureau aux normes internationales. 540.000m² de logements. Rénovation, réhabilitation, restauration des anciennes bâtisses en état vétuste. 400.000m² dédiés aux activités de proximité et des équipements publics. Réalisation d’activité de plaisance et de loisir à l’instar de port de plaisance sur les anciens quais. 1 Récapitulative faite sur la base des données de Wikipédia sur son site; <http://fr.wikipedia.org/wiki/Eurom%C3%A9diterran%C3%A9e>. 66 Première partie. - - De nouveaux équipements métropolitains qui affirment le statut de la ville dans son bassin métropolitain et suprarégional (européen et méditerranéen). Réalisation d’infrastructures de transport pour renforcer les transports dans la ville (à l’instar de lignes de tramway, ligne TGV, tunnel SaintCharles). Figure 32: Photo 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 ; Quelques projets pour la recomposition ville-port à Marseille dans le cadre du projet Euroméditerranée. Source : Source photo http://www.euromediterranee.fr/ Mosaïque réalisée par l’auteur (AOUISSI K.B). 67 Première partie. 4.3.3. Bilan d’EUROMED: La recomposition ville-port rétablie grâce au projet d’EuroMed a permis à la ville de Marseille de monter en gamme comme il est déjà montré à Dunkerque et à Lisbonne et cela grâce à une image plus moderne et forte, le projet de recomposition ville-port EuroMed a aussi permis à la ville de surpasser une situation de crise et de stagnation causée par le clivage ville/port et l’inefficacité de son port, d’abord par la création de logements (plus de 6000 logements créés), d’emploi 57.000 postes d’emploi permanents créés par EuroMed, Marseille compte aujourd’hui un taux de chômage de 17,4% contre 19% en 1990 (SIMONET Églantine. 2000) et cela grâce à la tertiarisation de la ville. L’adoption de nouvelles fonctions pour le port plus cohérente avec la fonction urbaine de la ville a permis pour cette dernière un environnement plus sain et un paysage urbain plus homogène, moderne et identifiable comme étant une métropole européenne de première importance. L’attractivité prescrite par le projet d’EuroMed a permis un rééquilibrage territorial Nord-Sud (un équilibre très souhaité auparavant et qui s’est rendu possible grâce à EuroMed), en vue de l’importance stratégique de la ville obtenue grâce aux nouveaux équipements réalisés dans le cadre du projet EuroMed. EuroMed a évité pour la ville de Marseille une muséification de son port également il était le moyen déterminant pour éradiquer la situation de clivage ville/port dont la ville souffre, il a permis l’articulation de la ville avec la mer en l’ouvrant sur son port, le projet EuroMed s’affirme comme un bon exemple de reconversion portuaire en construisant la ville sur la ville et dont la durabilité prime dans la planification (AUCAME. 2008). 68 Première partie. 4.4. Récapitulatif de l’analyse des exemples : La ville Données techniques du projet Dunkerque Pays : France. Opération : Neptune + Le Grand Large. Superficie : 180 hectares. Début de l’opération : 1991. Les incitations du réaménagement et les acteurs Les nouvelles fonctions attribuées au port - Projet proposé suite au - Des activités tertiaires délaissement des chantiers navals de la Normed. - Projet lancé par la création d’un syndicat mixte entre les autorités portuaires et les autorités de la ville. (commerces, bureaux, etc.) et l’habitat. - Culture, enseignement supérieur et la recherche, Technologie (Université, musé, etc.). - Loisir et plaisance. Lisbonne - Des activités temporaires - Polarisation des gens et pour l’accueil de l’exposition internationale. - Un décret de loi (23 mars 1993) détermine la zone d’intervention sur l’ancienne ZIP délaissée jugé en état critique. pour l’exposition transformées par la suite. - L’Habitat et le transport public. - Des équipements tertiaires de proximités et des équipements métropolitains. - Loisir et plaisance. des activités. - La métropolisation de la ville et son émergence internationale. - Nouvelle image forte moderne et valorisante. - Ancrage de l’identité portuaire. - Projet proposé sous - Création de centres - Redynamisation de tertiaire à rayonnement international. - L’habitat et le renforcement des transports public. - Des activités de loisir, de culture et de plaisance. - Recréation des espaces publics. l’économie locale par de nouvelles activités tertiaires. - La métropolisation de la ville et son émergence internationale. - Le rééquilibrage du territoire français entre le nord et le sud. - Le choix de Lisbonne Pays : Portugal. Opération : Parc des Nations. Superficie : 340 hectares. Début de l’opération : 1993. Marseille Pays : France. Opération : Euroméditerranée. Superficie : 480 hectares. Début de l’opération : 1995. L’impact de la recomposition ville-port - Rééquilibrage territorial du local au suprarégional (avec les pays voisins). - Polarisation des gens et des activités. - Nouvelle image forte moderne et valorisante. - Ancrage de l’identité portuaire. l’impulsion de l’État et des collectivités locales par un décret suite à la dévalorisation des anciens territoires portuaires délaissés et délocalisés au profit du nouveau site de Fos. Tableau 2: Récapitulatif de l’analyse des trois exemples. 69 Première partie. Conclusion : L’objectif de cette partie de travail n’est pas d’établir ‘un benchmarking’ avec le cas d’Alger et son port mais, de prospecter son futur en montrant les incitations de la reconversion, ses étapes, et ses avantages. Pour cela les exemples choisis ce sont des exemples proches de point de vue géographique, ainsi de point de vue chronologique ; c'est-à-dire, des reconversions récentes (entamées entre 1991-1995 et achevées très récemment 1998-2012), aussi un certain nombre de similarités se montre, d’abord Dunkerque qui compte 180ha de superficie pour l’opération de réaménagement un chiffre équivalent à la surface actuelle du port d’Alger ce qui montre les possibilités de programmation, puis Marseille avec son port qui partage toute une histoire avec le port d’Alger ce qui montre la fatalité de son délaissement et son réaménagement, puis Lisbonne réaménagée par la société Parque Expo la même société de réaménagement appelée à réaliser le PDAU d’Alger (2009-2029) un ensemble de déterminants en commun entre Alger et les exemples analysés à retenir car il sera évoqué par la suite dans la prospection de réaménagement waterfront pour Alger dans la deuxième partie de notre recherche. À travers cette analyse les opérations de reconversions susmentionnées montrent plusieurs points en communs ; a. Les incitations de la recomposition : Les reconversions viennent après une période de clivage ville/port, elles sont le produit d’une transformation dans la filière portuaire, les anciens ports inaptes techniquement aux nouvelles tendances de transport maritime exprimées principalement par le gigantisme naval, la création de nouvelles infrastructures portuaires modernes et loin de l’ancien site du port s’est répercuté par une délocalisation de l’activité portuaire, cette dernière entrainant l’ancien port au délaissement. Ces terrains désertés par la délocalisation feront l’objet de réaménagements waterfront poussés par une volonté politique afin de répondre à des besoins et à des déficits de ces villes portuaires. Ces opérations waterfronts ont toutes guidé vers une recomposition ville-port. b. Les principes de la planification : Les exemples étudiés partagent entre eux un ensemble de points communs concernant la planification de l’opération waterfront, dont on cite ; - - L’intégralité du plan d’aménagement ; la planification du plan de réaménagement dépasse dans son aire d’étude l’espace portuaire et touche généralement de bonnes parties de la ville afin d’assurer la cohérence et La recomposition ville-port. La flexibilité du projet urbain ; les projets urbain de réaménagement waterfront se caractérisent par une flexibilité et reste ouvert tout au long de sa réalisation et reste ouvert aux différentes mise à jours afin de répondre parfaitement aux attentes et aux besoins de la ville. 70 Première partie. - - Tertiarisation ; comme il est montré à travers l’étude des exemples, le programme du projet prévoit dans une grande partie des équipements pour le tertiaire afin de combler le manque et booster l’économie locale de la ville. Durabilité ; les projets waterfront étudiés visent tous à la durabilité de la ville, et cela par la création d’un agenda 21 local (ou de répondre à ce dernier s’il existe) ainsi en répondant aux directives du développement durable à savoir ; l’adoption de mesure HQE, assurer la mixité sociale et fonctionnelle, le recours aux nouvelles solutions écologique et d’énergie renouvelable, etc. c. Les avantages de la reconversion portuaire : Toutes les reconversions présentées ont permis à leurs villes de gagner en durabilité après une période de clivage caractérisée par une certaine fragilité et de nombreux déficits de la ville sur le point social, environnemental et économique. La recomposition ville-port a permis aux villes de surpasser leurs manques sur les domaines susmentionnés et cela; Sur le plan environnemental : le nouveau caractère urbain pour le port a permis à la ville d’avoir un aspect plus cohérent et un environnement plus propre grâce à l’amélioration et le renouvellement des infrastructures de transport et l’absence de toutes sortes d’activités portuaires ou industrielles au profit de nouvelles activités de plaisance et de loisir. Ainsi l’adoption d’une nouvelle vitrine maritime moderne et qui devient vite iconique grâce à une architecture spécifique et pittoresque qualifiée même de ‘portuaire’ (CHALINE C. 1994) comme il est le cas pour de nombreuses villes à l’instar de Sydney ou Osaka, participe à l’embellissement de la ville ainsi à sa ré-identification. Sur le plan social : Sur ce plan, la création de logements dans le cadre des projets waterfronts comme il est le cas dans les trois projets présentés, a permis à ces villes de surpasser la crise de logement, il participe même à la polarisation des gens tout en assurant une mixité sociale et l’amélioration de la qualité de vie et l’ergonomie de la ville grâce aux nouvelles activités. Ainsi l’ouverture de la ville sur la mer et son port permet à la population locale de retrouvé une identité perdue celle de portuaire et littorale. Sur le plan économie : l’adoption de nouvelles activités d’actualité à caractère tertiaire redynamise la ville et la transforme vite en un pôle économique attractif et compétitif dans sa région, en conséquence une réduction sensible des taux de chômage est aperçue dans les villes qui ont subi un mouvement de réaménagement portuaire comme il est montré à travers les exemples étudiés. 71 Première partie. Conclusion de la première partie : Riche de son histoire, la ville portuaire imbrique des relations plus complexes qu’une simple juxtaposition spatiale, ces relations se sont développées au fil du temps et guider l’histoire des villes portuaires entre déclin et progrès. La ville et le port ont développé un système par leurs liens et leurs interdépendances, un système dynamisé temporellement par un ensemble de déterminantes de nature technologique et économique et qui s’impriment spatialement et socialement sur les traits de la ville portuaire et sa population. L’image du port, de même que sa nature ont énormément changé au cours des siècles. La première image du port, selon Jan GRIETEN (1998), « est une image religieuse. Le port était alors perçu comme l’antipode de la mer; cette dernière représentait l’image du Déluge, la tentation et le péché, alors que le port était lieu d’espoir et de refuge ». Avec la découverte du Nouveau Monde, l’image du port change, durant le 16e et 17e siècle, on le considérait comme symbole de richesse et de prospérité. Comme l’a relevé Patrick VERHOEVEN (2005)1, l’importance du port se ressent à la simple vue des tableaux de l’époque, le port apparaît au premier plan des peintures alors que la ville reste en arrière-plan. Avec la période des Lumières, à partir du 18e siècle, le port devient de surcroît un outil didactique, il devient la vitrine du progrès technologique et artistique de sa ville, il est perçu comme moderne, dynamique et exotique. Les habitants de la ville-port ont gardé jusqu’au 19e siècle une image toujours positive de leur port comme un lieu de négoce et une articulation entre la ville et la mer. Cela sera bouleversé dès la fin du 19e siècle, lorsque le port se séparera peu à peu du grouillement de la vie urbaine pour se concentrer sur son expansion. Comme il est montré, les villes portuaires présentent un objet transcalaire (DUCRUET, C. 2004), tellement authentique dans leurs évolutions et liées entres elles au sein d’un réseau nautique fort. Elles font l’objet d’étude par une approche spécifique à elles, analytique et déductive dans son principe, et qui vise à étudier la ville portuaire par un ensemble de phénomènes historiques, en se référant à la révolution industrielle comme point historique de bouleversant des rapports ville-port. Une série de changements et de phénomènes vont apparaitre, d’abord par un éclatement urbano-portuaire (DJEDOUANI RAKEM, S. 2004), baptisé Le clivage ville/port, une étape de déclin caractérisera la ville portuaire durant cette ère. Ensuite durant les 1950 et grâce aux progrès techniques de construction navale acquise durant la 2e guerre mondiale (1939-1945) le concept de gigantisme naval fera loi comme le relève Claude CHALINE (1994. p.56), « le système intégré ville-port est définitivement brisé par le gigantisme naval de la deuxième moitié du 20e siècle, qui fait du port non plus un moteur de développement économique local mais un vecteur de flux parmi d’autres ». Ainsi pour répondre aux nouveaux besoins, le port abandonne son site historique au profit de sites suburbains plus performants, accessibles et aptes techniquement, ce phénomène est nommé la délocalisation portuaire, qui engendrera par la 1 VERHOEVEN Patrick, ESPO (European Sea Port Organisation), conférence du 2 décembre 2005 à Rotterdam. 72 Première partie. suite le délaissement. La volonté des villes portuaires à se recomposer, afin de profiter pleinement du potentiel que présentent les espaces portuaires délaissés, cela ne sera possible que par des projets de transformations qui visent à un changement radical dans leurs majorités de fonctions et de vocations, comme nous l’avons vu dans les premiers mouvements de waterfronts. Sous l’ombre de cette méthodologie d’approche mondiale (DUCRUET, C. 2004), et comme le souligne Claude CHALINE (1994), la transformation des villes portuaires sous l’effet de ces phénomènes n’est qu’une question de temps et de volonté politique des villes, comme en témoigne les exemples présentés dans le quatrième chapitre. Depuis les premières opérations waterfronts aux États-Unis, ce mouvement ne s’est pas arrêté et se propage, touchant toutes villes portuaires dans le monde. Nous distinguons trois vagues principales de waterfront revitalization (BONILLO, 1992, CHALINE, 1994, RODRIGUES-MALTA, 1997). Une première vague, ou la vague pionnière, entre les années 1950 et 1960, qui va toucher les villes nord-américaines, La deuxième vague de waterfronts, dans les années 1970-1980, apparaît en Europe, mais aussi en Australie à Sydney et Brisbane. Londres est sans conteste la référence majeure en termes de reconversion des friches portuaires en Europe. A partir des années 1990, une troisième génération se dessine à qui appartiennent les exemples analysés dans le dernier chapitre (Cf. Chapitre 4). Les pays nouvellement industrialisés et les pays en voie de développement suivent actuellement dans une quatrième vague comme il est le cas de Tanger, Rio De Janeiro, et Durban. Alger, en tant que ville portuaire, tôt ou tard sera obligée de rejoindre ce mouvement dans cette quatrième vague, cela ne devient qu’une question de temps. Alger se veut une métropole influente dans son contexte euro-méditerranéen 1 , sa transformation se montre comme l’opportunité ultime, comme le montre GALLANTI Giuliano (2003) dans son texte (in. Ville portuaire, acteur du développement durable. p.31.); « que le port et la transformation portuaire ont un rôle déterminant dans l’aménagement du territoire métropolitain ». Après cette partie de recherche qui s’intéresse à la ville portuaire mondiale, l’objet sera de l’appliquer sur le cas local et cela par ; - L’identification du clivage ville/port dans le cas de la ville et du port d’Alger. - Evaluation d’efficacité et prévision d’un délaissement du port d’Alger. - Prospection d’un réaménagement waterfront et d’une recomposition ville-port à Alger comme il est montré dans le 4e chapitre. 1 Objectif visé par le P.D.A.U d’Alger 2009. 73 Première partie. Carte 1: Diffusion mondiale de la revitalisation des waterfronts avec quelques exemples. Source : HOYLE. B.S. 1988. p.95. 74 Deuxième partie : Ville, port et mer; Le paradoxe d’Alger. 75 Deuxième partie. Introduction : Alger une ville portuaire en crise. A Alger et comme dans toutes les villes portuaires, le port a joué, dès le départ, un rôle déterminant dans le développement urbain. Il est l’élément moteur de son dynamisme et le ‘déclencheur’ de sa croissance urbaine (DJEDOUANI RAKEM, S. 2004). Aujourd’hui encore, il continue à déterminer le destin de sa ville. L'histoire de la ville n'a pas cessé d'être influencée par le port, une alliance forte marque l'histoire des deux entités, le port a toujours présenté pour la ville et après pour le pays un moteur économique efficace, une interface d'échanges et de mondialisation. Après la colonisation (1830) l’éclatement du système urbano-portuaire commence (DJEDOUANI RAKEM, S. 2004), une période où toutes les villes-ports ont connu un processus de découplage dû à l’industrialisation, mais l’exception du cas algérois se fait par le fait que le clivage ville/port n’était pas le résultat de la révolution industrielle (car la ville ne l’a pas connu), mais son clivage a été voulu et planifié par les colons. Isoler le port de sa ville avait des fins militaires au début, et d'exportations massives au pays colonisateur1 par la suite. Ce clivage sera accentué après l’indépendance (1962) par l’importance et le statut qu’a hérité le port de la période coloniale (en tant que point important d’échanges entre l’Algérie et la France). Ainsi, il devient une porte d'échange pour tout un pays, avec une économie basée principalement sur l’importation des biens et l’exportation des hydrocarbures. Alger vît un clivage ville/port depuis sa colonisation, un clivage qui se manifeste par de sérieux problèmes et qui dégrade le confort de la ville par la présence de risques majeurs potentiels. Son port est devenu un outil purement technique et inadaptable au sein du tissu urbain. Ce que nous pouvons dire c’est que Alger est une ville portuaire en crise par son clivage et qui ne se rend pas compte que c’est la source principale d’un tas de problèmes. Alger et à force d’être ignorée par son port, elle s’est déracinée de ses origines, et fait oublier aux habitants et urbanistes sa vraie nature et son véritable essence: une ville portuaire. Figure 33: Alger et son port, des images qui matérialisent le clivage et le contraste entre urbain et portuaire. Source : Mosaïque d’images faite par l’auteur (AOUISSI K.B), source des photos : alger50.org 1 L'Algérie a constitué un pays exportateur de matières premières pour la France qui été considérée comme le pays mère. 76 Deuxième partie. Chapitre 5 : Alger ; l’histoire d’une ville et d’un port. Introduction : Alger, une ville antique de plus de mille ans, créée par un comptoir phénicien, nous pouvons bien parler d'un port qui créa une ville et demeura son vecteur déterminant de croissance et de mutations au fil du temps, un destin d’une ville qui se rattache d'une façon forte et signifiante à celui de son port. « La ville d'Alger domine la baie et ouvre ses bras sur la Méditerranée d'un geste fraternel. Port phénicien d'abord, un des lieux marquants du commerce maritime carthaginois; ville romaine, berbère, arabe, ottomane, française ensuite; algérienne enfin. Qui dit mieux ? Un tel "mille-feuille" culturel, lisible encore dans les strates urbaines judicieusement disposées dans l'amphithéâtre de la baie, ne laisse personne indifférent. » (BEREZOWSKA-AZZAG, E. 2008). Ses multiples noms au fil du temps passant ; d'Icosim, Icosium, Djezaïr, Béni Mezghenna, et enfin Alger actuellement, tout cela témoigne de son destin fort lié à son port qui lui a donné sa vraie vocation et son importance. À vrai dire, le port est le fer de lance de la ville, et son déclin actuel n’est que le produit d’une dichotomie entre ville et port. Dans ce chapitre, et avec une approche géo-historique, nous nous intéressons aux mutations et aux évolutions de la ville et du port à travers les différentes époques, et voir comment cela s’est traduit spatialement sur son territoire à travers la lecture des témoignages historique et des cartes d’archives pour décortiquer l’évolution des relations ville-port à travers les moments forts dans l’histoire de la ville, et chercher les origines et la genèse du clivage ville/port d’Alger. 77 Deuxième partie. 5.1. Ikosim; la née d’un comptoir : 5.1.1. Alger et son port dans l’antiquité: « Alger n’est rien moins qu’un port naturel. C’était l’opinion du capitaine de corvette Bérard, à qui l’on doit la première description nautique des côtes de l’Algérie. » (BERARD, A. 1837)1. Alger est une ville créée par l’atout de son site, un site qui combinait tous les éléments nécessaires et accomplissait tous les besoins des phéniciens en vue de créer leur comptoir. Carte 2: Le plan de la ville Romaine (Icosium). A l’origine, Alger est un Source : wanadoo.fr comptoir phénicien d’importance au nom d’IKOSIM, et qui est latinisé (ICOSIUM) durant la période romaine (présumée en 202 avant J.-C.) suivie par la civilisation vandale et byzantine. Nous parlons bien d’une ville créée par un port, un port qui présentait une étendue naturelle de la ville sur la mer par ce qu’on appelle aujourd’hui ‘l’amirauté’. Le port n’était rien qu’un organe amphibien primitif de la ville sur la mer, et qui abritait les premiers bateaux de bois ‘fragiles’, avec un geste protecteur grâce à ces îlots de rochers en forme d’archipel qui ont donné l’appellation Icosium à la ville « l'île aux mouettes ». Ils brisaient les houles violentes et les vents dominants Nord-Ouest par leur emplacement naturel. Il est impossible de juger sa vraie forme première car nous parlons bien d’une ville stratifiée, où chaque civilisation venait se superposer sur la précédente, mais à l’image de Carthage durant la période phénicienne ou de Marseille et d’autres villes méditerranéennes, le port d’Alger été un lieu riche, cosmopolite, d’échanges et de négoce entre ce qui venait d’outre-mer et ce qui venait d’outre terre et sûrement une base navale pour les bateaux de guerres. Le port est à l’image de toutes les villes portuaires dans le monde et à cette époque, il n’était rien qu’une partie spécifique de la ville, une petite partie qui allait pied dans l’eau et qui assurait une fonction portuaire et défensive, enrichissant et protégeant sa ville. 1 In. LESPÈS R. 1921. Le port d'Alger. In: Annales de Géographie. t. 30, n° 165. pp. 195-222. 78 Deuxième partie. Figure 34: Comptoirs Phéniciens dans l'Afrique du Nord et le Sud d'Europe. Source : jahiliyyah.wordpress.com/tag/siphax/, Carte modifiée par l’auteur (AOUISSI K.B). Figure 35: Reconstitution de la Carthage punique. Au premier plan, le port circulaire destiné aux navires de guerre, à gauche le port de commerce. Source : hist-europe.fr/Rome/rome.html 5.1.2. La Casbah et son port durant la période ottomane (1516-1830) : La destruction de la partie basse de la Casbah par les français a effacé toute trace de ce que la ville pouvait constituer avec son port. Les recherches portent encore sur des indices faibles, notre 79 Deuxième partie. étude sera basée principalement sur des descriptions stéréotypées trouvées dans les archives et les tableaux descriptifs de l’époque. « Du 10e au 15e siècle Alger subit la domination de tous les prétendants qui se sont disputés le pouvoir au Maghreb central. Vers la fin du 15e siècle, Alger comme les autres villes du littoral maghrébin subit le contre coup de la ‘Reconquista’ espagnole » (HOCINE U. 2003). La population s’accroît avec l’arrivée de nombreux émigrés andalous et la ville s’agrandit. Face à la persistance de la croisade chrétienne, la population d’Alger sollicite la protection des frères Barberousse qui s’installent à Alger en 1516. Figure 36: La ville, le port et le môle d'Alger, 1690. Source : Nederland Scheepvaart Museum Amsterdam, tableau peint par : Gerard Van Keulen (mort 1726). Une ère de bouleversements spatio-fonctionnels pour la ville et le port va commencer, ‘une ère de tension et de régence’ (LESPÈS R. 1921) va dominer les deux rives Nord et Sud de la méditerranée, un air électrifié, chargé de différentes batailles navales et de bombardements des villes côtière 80 Deuxième partie. comme c’était le cas d’Alger. Ainsi les villes se virent transformées en ‘Cité-État pirate’ (LESPÈS R. 1921), le port, sera appelé à fortifier et protéger sa ville. Dotée d’une flotte maritime redoutable (la Taïfa) et qui terrifiait les Européens, Alger se transforme avec son port beaucoup plus comme une base navale, les activités commerciales se placent en second plan. Figure 37: (Tableaux 1, 2,3) ; Alger et son port durant la période ottomane. Source : (Source mentionnée en bas-gauche de chaque tableau). Mosaïque faite par l’auteur. Comme la décrit J.J DELUZ (1988) dans son livre1; « L’homogénéité de la ville qui formait un triangle fortifié entre la Casbah elle-même et le port », ville et port ont constitués une typologie homogène dans sa forme. Une autre description stéréotypée à l’arrivée des Français imaginée par Jule Roy (1830)2 « Sous tous les ponts des navires, les hommes se précipitaient, regardant le nid des corsaires, enfin découverte entre ses murailles, sur la butte triangulaire dont la base baignait dans le rivage et dont le sommet très effilé s’accrochait au poing de la Casbah. Tout à coup, 1 2 DELUZ, J.J. L’urbanisme et l’Architecture d’Alger. Pierre Margada. 1988. p10. In. DELUZ, J.J. L’urbanisme et l’Architecture d’Alger. Pierre Margada. 1988. Ibid. 81 Deuxième partie. l’armée oubliait un mois de navigation éprouvante, d’odeur de roulis, d’entassement, et s’ébrouait. C’était ça, Alger, cette cité moyenâgeuse entre ses remparts que le monde n’osait plus attaquer, ce port minuscule ou les mâts se pressaient derrière une toue et une courte jetée... ». Toutes les descriptions décrivaient le port d’Alger comme une forteresse minuscule dans sa taille, un organe de protection fortifié par des murailles dotées de meurtrière et des hublots pour canons. Sa fonction était principalement militaire. Par sa forme naturelle ‘un ressac terrible’ (R. P. Fr. Dan. 1649)1, le port constituait un véritable organe défensif pour sa ville. Il l’embastionnait et la protégeait contre toutes menaces venant d’outre-mer, et même, les français quand ils ont voulu prendre Alger, ne se sont pas risqué à l’envahir par son port, mais ils ont pris la ville en la contournant par derrière depuis ‘Sidi Ferruch’. Cela montre bien la fonction du port comme antidote et organe défensif pour la ville. Une autre description de Lespés que nous pouvons trouver dans les archives, décrit le port d’Alger le jour de sa prise par les français; « Lorsque nous nous somme établis à Alger, en 1830, on peut dire que le port n’existait pas, à vraiment parler, et que tout était à créer. Le vieux ‘Peňon’, construit par Pedro Navarro en 1510, sur l’un des flots de l’Amirauté actuelle, avait été rattaché à la terre par Kheir-ed-Din, en 1530, au moyen d’une digue jetée sur les écueils intermédiaires, et , plus tard, les Turcs avaient constitué, en reliant tous les rochers situés au Sud et au Sud-ouest de l’ancien fort espagnol, un petit port, la darse, où s’abritent aujourd’hui les torpilleurs de la défense mobile. » (LESPES. R, 1921). Comme témoignent les tableaux de la figure 37 (voir les photos 1, 2,3) le tirant d’eau du port d’Alger ne permettait pas aux grands bateaux d’accoster sur ses bords. Il ont été obligés d’accoster loin du rivage, et c’est aux petits canaux de rejoindre le port, ce qui va pousser les français après la colonisation à détruire toute la partie basse de la Casbah et gagner une bonne partie sur la mer pour la modernisation du port et permettre l’accostage de leurs bateaux sur ce dernier. Cependant, le commerce et ces échanges n’étaient pas les premiers soucis du port d’Alger, un autre type de marchandise l’intéressait. Du port d'Alger, partent les galères sur les rivages méditerranéens pour capturer les esclaves chrétiens et à l’époque Alger va devenir un marché très important du trafic de l'esclavage2. Alger rentabilise sa flotte navale ‘Taïfa’ puissante et redoutable comme source économique pour la ville et c’est pour ça que le commerce et ses échanges n’étaient pas le souci du port. Elle imposait aux différentes flottes pénétrant en mer Méditerranée des impôts, avec protection contre toutes attaques de pirate ou de pays tiers. La liste des pays ayant souscrit à cet impôt sont : Suède : 25 000 livres (tous les 10 ans), Venise : 50 000 barres d’or, Espagne : 120 000 francs, 1 In. LESPÈS R. 1921. Le port d'Alger. In: Annales de Géographie. t. 30, n° 165. pp. 195-222. Diego DE HAEDO, prêtre et ancien captif, a écrit La Captivité en Alger. HAEDO s'est vu reprocher d'en avoir rajouté dans l'horreur. Mais peut-être a-t-il simplement décrit l'époque particulière à laquelle il a vécu. Ses observations se déroulent vers 1580. 2 82 Deuxième partie. Danemark: 120 000 francs (tous les 2 ans), Royaume-Uni : 267 500 francs, France : 200 000 francs, États-Unis : 125 000 dollars par mois1. A part la fonction militaire dominante à l’époque, le port était un moyen d’échange et d’ouverture pour sa ville dans son contexte méditerranéen, la ville s’ouvrît sur son port (voir figure 37, tableau n°3), même si les échanges commerciaux étaient maigres et se limitaient à l’importation de matières exotiques et chères comme le marbre italien pour les palais de la Casbah par exemple. La pêche était une source vitale pour les habitants et caractérisait une bonne partie de la population qui était des pêcheurs. Cette fonction a été gardée jusqu'à ce jour dans le port d’Alger dans sa partie Nord (la pêcherie). L’importance économique du port à l’époque se montre aussi par la localisation de noyaux administratif, financier et commercial de la ville que nous pouvons trouver dans la basse Casbah et le quartier de la marine qui donnaient directement sur le port et qui ont formé une articulation entre la ville et le port. L’important axe commercial reliant Bab el Oued et Bab Azzoun passait tangentiellement tout au long du port (voir figure 37, photo n°3). En conclusion, Alger et son port ont formé une entité homogène durant l’époque turque. Le port a suivi l’essor de sa ville, même si sa vocation était beaucoup plus tournée vers le militaire, mais sa liaison forte avec sa ville était marquante et signifiante. Comme preuve, les français quand ils ont voulu restructurer le port pour leurs besoins de commerce et de navigation (1830), ont été obligés de détruire toute la partie basse de la ville et le quartier de la marine. Cela montre bien la forte symbiose et l’attachement de la ville à son port et que la restructuration du port nécessite forcément l’intervention sur la ville. 5.2. Alger; la ville et le port durant la colonisation française : L’arrivé des français en 1830, a marqué la fin de la période turque (1516-1830) et le début d’une longue période de bouleversements urbains qui ont modifié le paysage de la ville en profondeur comme le note M. COTE (1988. p.35) : « L’espace algérien, tel un gant, est littéralement retourné (…) une société exogène se superpose à la précédente suivant une logique radicalement différente ». C’est en effet, à coup de démolitions et de percées, et au moyen des matériaux des maisons détruites, que la ville européenne s’est installée ‘brutalement’ dans la partie basse de la Casbah, avant de sortir des remparts et de s’étendre au fil des années pour former l’Alger actuelle (DJEDOUANI RAKEM, S. 2004). Ainsi l’histoire du port peut se détacher de l’histoire de la cité. Nous distinguons deux périodes majeurs de transformations dans le système urbano-portuaire pendant la colonisation française : la première de 1830 jusqu’à 1884, l’année des mutations de la 1 Données obtenues de la Marine National Algérienne; http://www.algaf.bravehost.com/histoiremarine01.htm 83 Deuxième partie. ville et le passage du port d’Alger du militaire au tertiaire selon LESPES1 (1921); et une deuxièmes de 1884 jusqu'à l’indépendance (1962). 5.2.1. 5.2.1.1. Alger et son port à l’ère militaire : De 1830 à 1848 : Les français ont voulu garder la vocation principalement militaire pour le port d’Alger. Il était voulu comme une base navale française comparable à celle de Toulon afin de renforcer la présence de l’empire Français en Sud méditerranée (CAPOT-REY Robert. 1952). La vision du port comme élément séparé de sa ville vient d’être perçu et la dichotomie entre ville et port commence; « A partir de 1830, l’histoire du port peut se détacher de l’histoire de la cité » (LAYE Yves. 1951), mis à part quelques extensions pour répondre aux besoins nautiques militaires et afin que le port puisse contenir plus de bateaux militaires, les français ont hésité à faire les extensions du port vers le côté Nord ou vers le Sud. Mais comme des études ont montré que l’on disposait plus de tirant d’eau vers le côté Sud à une distance assez grande du rivage, ce choix été retenu pour des besoins purement nautique et technique, sans tenir compte de la ville et de son développement comme le souligne Capot Rey Robert; « il ne semble pas que personne ait clairement aperçu que le développement de la ville ne pouvait se faire que vers le sud. » (CAPOTREY Robert. 1952. p.287). Carte 3: Alger et son port en 1830. C: La casbah / 1: Bab Djedid / 2: Bab Azoun / 3: Bab Bahr / 4: Bab El Jazira / 5: Bab El Oued. Source : Alger Métropole. p48. 1 Les intervalles temporels sont faits sur les études du Dr LESPES, René : Professeur agrée au lycée et à l’école Supérieur de commerce d’Alger, a fait plusieurs études géographiques sur Alger et son histoire urbaine durant la colonisation française au début du 20éme siècle. 84 Deuxième partie. 5.2.1.2. De 1848 à 1870 : « La première ville extra muros tracée par GUIAUCHAIN en 1846, n’a pas donné une importance particulière au port. A cette date, le port n’a pas d’impact réel sur le développement de la ville et il s’est simplement agrandi par la création du bassin du vieux port (1848-1867) et jusque-là toujours pour des fins militaires. Puis le port a pris peu à peu de l’importance avec le progrès de la colonisation française dans l’arrière-pays et l’essor économique suscité. Le champ d’influence du port s’est étendu, faisant d’Alger un pôle économique grâce notamment à la diffusion des voies de communication vers l’intérieur du pays » (DJEDOUANI RAKEM, S. 2004. p.30). L’échappée du port à sa ville commence, la notion port-ville-région vient d’être affirmée comme une nouvelle échelle d’appartenance pour le port après sa dichotomie avec sa ville. Le port devient la destination des produits agricoles de la Mitidja afin de les exporter vers la France et l’Europe. La notion de réticularité terrestre est créée avec la polarisation de la ville d’Alger (grâce à son port) sur de nouveaux territoires de la région algéroise formé par des sous-régions ou « des villes satellites; (Blida, Médéa, Miliana, Boufarik, etc.) » (DJEDOUANI RAKEM, S. 2004). De là, nous pouvons vraiment parler d’une étape transitoire dans la fonction portuaire et des nouveaux rapports ville/port. La perception de la ville et du port change dans la vision des colonisateurs et on commence à se rendre compte des atouts plus importants et plus intéressants du militaire. Une nouvelle vocation pour Alger et son port qui feront dorénavant l’objet de tous aménagements. Très vite le port d’Alger est devenu le point d’intérêt pour le colonisateur. Le rôle d’Alger comme ville relais (DJEDOUANI RAKEM, S. 2004) entre la France et sa colonie algérienne s’accentue par un ensemble d’événements; - La destruction complète du vignoble français par le Phylloxéra1 en 1878. La crise qui en découle à contribuer à accroitre les exportations de vins algériens par la mise en valeur de la riche plaine de la Mitidja favorisée par la loi douanière du 17 juillet 1867, vers le continent européen via le port d’Alger. Cela a accéléré le développement de ce dernier et celui de la ville grâce à l’enrichissement qui en a résulté et qui s’est traduit en investissements dans l’industrie du bâtiment (LESPES R, 1921). Cela montre que l’essor du port a continué d’influencer celui de la ville. - L’ouverture du canal du Suez en 1869 a rendu Alger une ville relais incontournable pour les paquebots arrivant de la mer du Nord ou de l’Atlantique. Cela avait accru très fortement le trafic du port qui devint insuffisant face à ce trafic important. Aussi la loi du 25 juin 1897 concéda à la chambre de commerce d’Alger d’accroitre les capacités du port par un ensemble de projets d’extensions. 1 Le phylloxéra vastatrix (du grec phyllon, "feuille" et xeros, "sec" et du latin vastatrix, "dévastateur"), ou phylloxéra de la vigne, est une espèce d'insecte homoptère, sorte de puceron ravageur de la vigne. Le terme désigne aussi, par métonymie, la maladie de la vigne causée par cet insecte. Définition selon l’encyclopédie libre Wikipédia. 85 Deuxième partie. Carte 4: Alger et son port en 1846. C : Casbah / P : Place publique / hachuré en noir : les nouvelles bâtisses coloniales. Source : Alger Métropole. p48. Carte 5: Alger et son port en 1880. C : Casbah / P : Place publique / hachuré en noir : les nouvelles bâtisses coloniales / En pointillés les anciennes limites du port (pour montrer la partie gagnée sur la mer). Source : Alger Métropole. p48. 86 Deuxième partie. 5.2.2. 5.2.2.1. Alger à partir de 1884; du militaire au tertiaire : Évolution spatio-fonctionnelle de la ville et le port d’Alger : Cet ensemble d’événements économiques a ouvert de nouvelles perspectives pour la ville d’Alger et son port, changeant sa vocation d’une ville militaire à une ville tertiaire. Ainsi le port s’est agrandi : au bassin du vieux port (1848-1867) sont venus s’ajouter ceux de l’Agha (1898-1905) et de Mustapha (1927-1940). Le développement du port a stimulé, dans le même temps, la croissance urbaine de la ville (DJEDOUANI RAKEM, S. 2004). Selon LESPES, c’est en effet, à cette époque, vers 1884, qu’il faut situer la mutation d’Alger de ville militaire en centre tertiaire important notamment grâce au développement du chemin de fer : Alger – Constantine (1887); Alger – Tizi-Ouzou – Bougie, (1890); Alger – Blida – Berrouaghia, (1892). Une réticularité terrestre forte vient d’être développée pour le port grâce à ces connexions de chemin de fer. Ainsi le développement linéaire du port vers l’Est va étendre le développement de la ville Figure 38:Alger-Paris; liaison rapide par Marseille. vers l’Est (Hamma – Hussein-Dey) où s’est Source : FALCCUCI. Compagnie générale formé un tissu mixte d’habitat et de petites transatlantique, vers 1930. industries liées à l’activité portuaire. L’Algérie était perçue pour la France comme une colonie et fournisseur principal de matières premières, une France en pleine révolution industrielle, et dont les besoins en matières premières ne cessaient pas de s’accroitre. Les français n’ont pas cherché à industrialiser l’Algérie, mais ils se sont limités à l’exploiter et profiter de ses richesses en les exportant au pays ‘colonisateur’ qui est la France, des exportations qui n’étaient possibles que par voie nautique. Cela va créer une relation forte entre Alger et Marseille, et accentuer son rôle comme ville-relais (elle reliait toute l’Algérie avec la France via la liaison Port d’Alger - Port de Marseille). 87 Deuxième partie. Carte 6: Plan du port d'Alger pour son projet d’extension de 1912 ; la vocation commerciale a effacé celle militaire. Source : Annales de Géographie. 1921, t. 30, n°165. p199. 88 Deuxième partie. 5.2.2.2. L’éclatement du système urbano-portuaire à Alger : L’essor économique du port s’est traduit par une croissance urbaine pour la ville, entre 1880 et 1914, et le développement de la ville s’est fait d’une manière intensive, sans aucun tracé, au coup par coup, sur la base de plans partiels inspirés de l’urbanisme d’alignement du 19e siècle1. Des axes structurants, ponctués par des places, partent du noyau historique et affirment la progression de la ville vers l’Est. Le plan géométrique de la ville s’est ainsi dessinée parallèlement à la mer (DJEDOUANI RAKEM, S. 2004). La rupture de la ville avec son port s’est aggravée par la façon dont la ville coloniale a été conçue. Ils ont voulu, en effet, faire d’Alger et de son port un véritable camp retranché, d’abord comme une base navale comparable à celle de Toulon. La nouvelle ville dite ‘tertiaire est érigée’ (DJEDOUANI RAKEM, S. 2004), de ce fait, comme un rempart et les soutènements du front de mer (les arcades de Chassériau 1860-1865 qui dessinent la façade du Boulevard de l'Impératrice) la coupe définitivement de son port. Ces transformations qui ont marqué une première séparation physique entre la ville et le port sont relatées dans un article du Monde illustré : « Quand on se trouvait en 36 heure d’Europe en Afrique, du quai de la Canebière au débarcadère de la marine à Alger, et cela autre transition pour l’œil que l’aspect du ciel et de la mer, l’étonnement était grand à la vue des constructions étrangement pittoresques qui bordaient les quais de la rade et s’étageaient les unes sur les autres jusqu’à la Casbah. Le marchand était surpris, l’artiste émerveillé. A l’avenir la surprise sera moins grande. On débarquera à Alger comme on débarque au Havre ou à Marseille, sur de larges quais, vis-à-vis d’immenses magasins de denrées coloniales à l’abri du soleil, sous les arcades, pareilles à la rue de Rivoli… La prospérité commerciale, ses exigences et les préférences artistiques doivent céder le pas aux nécessités de l’important trafic algérien »2. Cette dichotomie entre ville et port sera accentué par le développement des voies de communication, d’abord avec l’empilement des voies ferrées dans l’interface ville-port, afin d’assurer la connexion du port avec sa région pour acheminer les marchandises, ensuite par la voie mécanique ‘la moutonnière’ et les installations techniques annexées au port, comme les hangars de stockage et des petites industries notamment du côté de Hamma et Hussein-Dey (figure 39 et figure 40). L’aménagement du front de mer de la ville coloniale s’est limité à assurer la liaison visuelle de la ville avec la mer par un étagement mais qui a mis la ville en rupture avec son port. Donc le clivage ville/port d’Alger était voulu, car le port avait pour souci sa liaison avec sa région et non pas avec sa ville, afin d’assurer une efficacité optimale en tant que nœud transitoire entre transport terrestre et transport maritime, entre Alger et Marseille, et entre toute une colonie (l’Algérie), source de richesse et de matières premières et le colonisateur (la France), pays consommateur. 1 Entre 1907 et 1914, on dénombre 1200 immeubles nouveaux, Cf. DELUZ J.J., L’urbanisme et l’architecture d’Alger ‘aperçu critique’. Pierre Margada. OPU. 1988. p.15. 2 Le Monde illustré, année 1862, in PICARD MALVERTI A, Ville et colonisation. Algérie 1830-1870. Thèse de e 3 cycle aménagement. Institut d’Urbanisme de Paris. Université Paris 12. 1987. p.323. 89 Deuxième partie. Figure 39: Le port d'Alger vers 1910, les immeubles haussmanniens s'érigent comme un rempart entre la vielle ville (la Casbah en arrière-plan) et la mer. On peut également voir la digue de l’Amirauté, le vieux port, et les voûtes du front de mer. Figure 40: Le port d'Alger vers 1911, l'emprise ferroviaire avec les hangars accentuent la séparation entre la ville et le port. Source figure 37 et 38 : Archive de l’Algérie. Édition Michèle Trinckvel. 1995. 90 Deuxième partie. 5.3. Alger et son port après l’indépendance : L’indépendance de l’Algérie en 1962 va apporter à la ville et au port d’Alger une nouvelle ère de bouleversements, un tournant dans l’histoire urbaine de la ville qui se manifestait par un changement de statut, un boom démographique, un booste urbain comme jamais vu, ainsi qu’un changement radical de fonction et d’économie de base. Face à ces nouvelles déterminantes, les relations ville/port s’affaiblissent et tracent un nouveau chemin, souligné par un passage d’échelle, chargé de nouveaux objectifs autonomes et sans liens entre la ville et le port. Ville et port vont entrer en clivage flagrant exprimé par une multitude de ruptures dans différents domaines. 5.3.1. La ville d’Alger, une capitale nationale : A partir de 1962, Alger, connaît l’une des plus spectaculaires mutations urbaines et s’en trouve profondément bouleversée (DELUZ J.J. 1988). La fin de la colonisation entraîne le départ brusque de la presque quasi-totalité de la population européenne, c'est-à-dire près de 300.000 personnes, remplacées aussitôt par des algériens (DJEDOUANI RAKEM S. 2004). Le géographe MARTHELOT (1962) décrit ce phénomène comme ‘une véritable transfusion’ qui a substitué une structure nouvelle à une structure coloniale. Ainsi, la ville d’Alger est subitement propulsée au rang de capitale, la ville supposée d’être un chef lieux provincial conçue pour accueillie 700.000 individus environ, est devenue la capitale d’un pays indépendant se devant d’accueillir tous les symboles du pouvoir. Très vite, les infrastructures de la ville sont débordées. Face à l’urgence de la situation, les anciennes structures d’urbanisme (CADAT, Pont et Chaussées)1 sont réactivées pour terminer les nombreux chantiers laissés à l’abandon (dans le cadre du plan de Constantine 1959) et répondre, en même temps, aux nouveaux besoins des populations qui affluaient massivement de l’intérieur du pays. Cette ‘transfusion’ (MARTHELOT. 1962) de population exprimée par un exode rural intense, les déplacements de populations des régions voisines pour augmenter leurs chances de travail, une croissance démographique naturelle sans précédent, tous ces facteurs ont favorisé une urbanisation intense et moindrement réfléchie. Nous pouvons dire qu’Alger est une ville qui s’est construite dans l’urgence, sans aucune planification, ce qui fera apparaitre de nouveaux problèmes qui vont persister et se répercuter sur l’avenir de la ville. En concentrant de la sorte toutes les institutions politiques, financières et de gestion, Alger est devenue le centre névralgique de tout le pays. Au total, la région algéroise regroupe 1/5 des activités économiques et le 1/8 de la population algérienne (HADJIEDJ A. 1994). 1 Ne possédant pas d’expérience en matière d’urbanisme, l’Algérie fait appel aux urbanistes et architectes étrangers. 91 Deuxième partie. Alger durant la période coloniale étant une simple ville-relais manquait d’équipements, d’infrastructures routières et d’industries. Après l’indépendance et pour réponde à ces nouveaux besoins, Alger s’étale sur sa périphérie et développe de nouvelles centralités en réalisant un certain nombre d’équipements de prestige dans le cadre de grands projets urbains à l’instar de l’Université de Bab Ezzouar (USTHB) ou le centre commercial et de loisir de Riad El-Feth, la nouvelle Faculté de droit, l’École d’Architecture, etc. Ceci reflète son nouveau statut comme capitale nationale (HAMMACHE Seddik, 2000)1. Mais comme nous pouvons le noter, Alger, comme toute métropole du tiers monde, souffre d’un développement démographique très audelà de son développement économique. Pour M. Santos (1975), les métropoles des pays du tiers monde sont des ‘métropoles incomplètes’ : « Ce sont des villes qui concentrent les instruments de la macro-organisation de l’espace, elles rayonnent sur un vaste territoire, mais elles sont incapables d’assurer par elles-mêmes l’intégralité des besoins économique et sociaux de ce dernier et doivent recourir à des apport externes ».Ce qui est très vrai pour Alger. Ce développement intensif de la périphérie d’Alger a généré de nombreux inconvénients dont les conséquences se répercutent encore de nos jours sur le fonctionnement de la ville. Mais ce n’est pas tout le problème, car le véritable problème réside dans la modification du statut qui l’a faite passer brusquement et sans transition, du statut ville-port à celui de ville-port-territoire. Ces changements, parce qu’ils n’ont pas été maitrisés, ont eu pour conséquences, non seulement la déconnexion de la ville par rapport à son territoire régional mais également par rapport à son espace portuaire (DJEDOUANI RAKEM S. 2004). Désormais Alger passe d’une ville-relais française ‘Hinterland’2, à un ‘forelands’3national de l’Algérie l’indépendante. 5.3.2. Le port d’Alger, ‘l’affaire’ de tout le pays : Dès son indépendance, l’Algérie s’est rendu compte de l’importance de ses ports, notamment les plus grands, à l’instar du port d’Oran, d’Alger ou d’Annaba, ce qui a fait que ces villes ont profité pleinement des programmes économiques, d’infrastructures d’envergure, de développement et d’industrialisation. Alger en tant que la capitale de la nouvelle Algérie et ville portuaire de premier ordre, s’est taillé la plus grande part de ces programmes. Ainsi le grand Alger, en continuel développement abrite plus de trois millions d'habitants. Alger devient capitale économique, politique et intellectuelle. Alger aussi devient un important centre industriel avec le premier port commercial du pays. Les travaux d’extensions du port n’ont pas arrêté avec le départ des français. L’Algérie a continué de jouer le pays exportateur de matières premières et importateur de biens puisqu’elle ne 1 In. Alger métropole. 2000. Arrière-pays d'un littoral, connecté par des voies de transport terrestre. 3 Un avant-pays ; il désigne plus précisément la zone d'influence et les relations économiques d'un port avec des territoires situés au-delà des mers. 2 92 Deuxième partie. dispose pas d’une base industrielle forte, et en produit peu pour répondre aux besoins de la population. Le port profite pleinement de cette situation, et voit de nouvelles extensions comme la construction du môle Skikda (1961-1963), et par la suite avec la nationalisation des hydrocarbures (Février 1971), l’Algérie a renforcée sa vocation en tant que pays dont les échanges commerciaux sont vitaux, avec l’exportation des hydrocarbures (à plus de 98% des recettes des exportations en 1973) et l’importation de tous types de biens pour la population (produits pharmaceutiques, moyens de transport, matières de base pour l’industrie nationale, etc.). Ainsi le port voit son importance s’amplifier de jour en jour, comme organe vital de toute la nation, comme un lieu de provenance de tous biens. Ainsi ses travaux d’extensions continuent, avec les remblayages de la darse de Calvi. Ensuite pour renforcer son rôle face à la conteneurisation avec la construction du terminal à conteneurs d'une superficie de 17.5 ha et d'une capacité de plus de 250.000 EVP (1994-1998), ce qui présente plus de 33% de l’ensemble des importations nationales. Le port d’Alger, devient une ‘affaire de tout un pays’ (DJEDOUANI RAKEM S. 2004), et non plus l’affaire de sa ville. Des travaux de renforcement de ses connexions avec le territoire national voient le jour, comme l’élargissement de la voie mécanique dite ‘moutonnière’ et qui devient une route nationale (RN.11) dénommée actuellement ‘route de l’Armée de Libération Nationale’. Actuellement le port continue à être sollicité, malgré que nous puissions dire qu’il soit à bout de ses limites. Le port est appelé dans les prochaines années à prendre une place de plus en plus prépondérante: en effet, 15 à 18 millions de tonnes de marchandises ont transité en 2010 dont 7 millions de tonnes conteneurisées par environ 750.000 unités de 20 pieds (E.V.P)1 ce qui est l’équivalent de plus du tiers du total national (EPAL. 2011). 1 Données du port d’Alger, disponible sur http://www.portalger.com.dz/description_signaletique.php. 93 Deuxième partie. Carte 7: Développement diachronique et synchronique de la ville et le port d'Alger. Source : Carte de synthèse réalisée par l’auteur (AOUISSI K.B). Une concordassions très visible entre le développement de la ville et le développement du port. 94 Deuxième partie. Conclusion : Le cas d’Alger reste un cas un peu particulier dans l’évolution des rapports ville-port, car nous pouvons bien parler d’un clivage voulu et planifié. Alger, c’est une ville victime de son succès. Son emplacement géographique et par la suite politique lui ont confié des atouts qui vont la laisser comme une ville dépassée par son statut, une métropole inachevée. Son port est devenu le point focal de toute la région centre, principalement ‘la Mitidja’ pour ensuite devenir après l’indépendance le point focal de toute la nation. Le port a retranché tout lien avec sa ville depuis 1830, avec l’arrivée des français qui ont voulu faire d’abord une base navale, ensuite un point de départ de marchandises pour le pays mère et l’Europe via le port de Marseille (1884-1962). Et à chaque fois, la rupture avec sa ville était un élément souligné dans la planification, pour des raisons de sécurité ensuite pour des raisons d’efficacité économique. Actuellement, nous parlons bien d’une infrastructure portuaire d’ordre national, port et ville ne partage que l’espace géographique entre eux, le lien entre les deux camps se résume dans une simple juxtaposition spatiale délimitée par une interface linéaire qui se présente comme une servitude de développement physique. D’un côté il y a la ville qui polarise des activités et des flux humains importants, de l’autre un port qui polarise des flux d’outre-mer et de tout un territoire national. Mais par cette juxtaposition spatiale de deux importantes centralités qui s’ignorent les met dans une situation d’antagonisme qui laisse le port et la ville en affrontement continue directe ou indirecte. Aujourd’hui le clivage ville/port se manifeste sous de multiples formes, qui dégradent la qualité de vie de la ville, et qui nuisent aux performances économiques du port. Aucun camp n’est gagnant de ce clivage ville/port, et le privilège de l’un sera toujours au détriment de l’autre. 95 Deuxième partie. Chapitre 6 : Alger et son port ; clivage, affrontement, et ignorance. Introduction : La ville d’Alger s’est développée après l’indépendance d’une manière forte et spectaculaire. Parallèlement, le port d’Alger, lui aussi a connu le même sort, si cela ne se manifeste pas d’une manière très signifiante sur le plan physique au contrario de la ville, il s’impose actuellement par son statut comme étant le premier port national de commerce. Face à cet essor, la faille se creuse de plus en plus entre ville et port ou plutôt, entre la capitale et le premier port national, cette dernière expression montre mieux le poids de ce clivage. Certes le clivage d’Alger se présente comme étant stratifié, comme un ensemble de ruptures additionnées au fil du temps. On a voulu faire de la ville et du port deux camps séparés pour des raisons défensives, économiques, techniques, etc. Mais actuellement et comme dans toutes villes portuaires, on se rend compte que cette dichotomie ne sert l’intérêt d’aucun des deux camps, la distanciation entre ville et port s’agrandie au fur et à mesure du temps et en corrélation positive avec leur développement qui ne cesse guère d’amender. On demande à Alger de devenir une métropole d’envergure dans un contexte euro-méditerranéen, et on demande toujours plus de rendement au port par de nouveaux investissement1 afin d’affirmer sa place dans son contexte comme un port d’envergure. Mais la confrontation entre le port et la ville et leurs intérêts qui chevauchent, les empêche de réaliser leurs ambitions. Le clivage ville/port s’exprime par des problèmes au quotidien car le tissu urbain et l'activité portuaire n'arrive pas à cohabiter sur le même territoire. Le privilège d’une fonction se fera toujours au détriment de l’autre, la balance est délicate à équilibrer car, d’une part nous avons la qualité de vie en ville qui ne cesse de se dégrader à cause de la présence du port, de l’autre part, l’efficacité économique du port qui est mise en jeux à cause de la ville qui lèse sa fluidité et l’étouffe par son tissu urbain et les besoins de ses habitants. 1 Le dernier investissement avec DP World (Dubaï Port World) une société Émiratie spécialisée dans la gestion des ports, qui a signé un accord avec l’EPAL (Entreprise Portuaire d’Alger) pour une gestion de 30ans à partir de 2010, et qui vise à développer le port d’Alger et d’affirmer sa place comme premier port national. 96 Deuxième partie. 6.1. Les formes du clivage ville/port d’Alger : Le clivage ville/port et comme nous l’avons vu en première partie, il est défini comme un ensemble de ruptures des liens entre les deux entités et qui touchent de différents aspects, Alger ne fait pas exception et présente un clivage avec son port par un ensemble de ruptures matérielles que nous pouvons discerner avec une simple visite de la ville, or, nous pouvons également les appeler ; ‘des ruptures tape-à-l’œil’, et d’autres ruptures plutôt immatérielles, qui présentent des symptômes abstraits, qui se cachent derrière les scènes, et qui touchent des domaines d’ordre institutionnel, culturel ou même spirituel. On peut distinguer quatre types de rupture pour le cas d’Alger : 6.1.1. Une rupture spatiale : La rupture spatiale est la rupture principale et la plus flagrante. A première vue, Alger et son port souffre d’une ségrégation spatiale bien distincte car nous avons d’un côté le port qui s’embastionne derrière ses clôtures douanières avec des accès bien précis et bien surveillés dédiés au transit des marchandises (généralement via des camions transporteurs de conteneurs ou de marchandise en vrac), et de l’autre côté nous avons la ville qui s’élève d’un cran sur les arcades de Chassériau qui ont formé la première forme de rupture spatiale planifiée par les français qui ont voulu les utiliser comme socle pour la ville et espace de stockage pour le port. Mais il faut avouer que la séparation été bien réfléchie et même appréciable dans sa forme pittoresque en formant un balcon urbain pour la ville qui s’est placée en gradin en regardant la mer et nous demandons même s’il s’agissait vraiment d’une rupture ? Dans sa description de la ville, George MERCIER (1960) écrit ; « Ces travaux furent une totale réussite compte tenu d'une dénivellation de plus de 20 m par rapport aux quais. Le boulevard était non seulement une voie majeure de front de mer, mais l'architecte l'avait bâtie en créant sous cette voie d'immenses entrepôts et magasins pour les compagnies maritimes et les commerces divers qui s'ouvraient face au port et sur le large. De plus les liaisons étaient directes avec les voies de chemin de fer. Les rampes (Chasseloup-Laubat et Magenta) construites en liaison avec le port n'avaient qu'une faible pente à 3% propre à être empruntées par les véhicules hippomobiles. Elles seront achevées en 1864 et 1866. ». Mais cette première fissure n’a pas tardé à se transformer en rupture flagrante avec l’évolution des moyens de transports et l’augmentation des besoins techniques à cause des volumes des échanges en accroissement, notamment après l’indépendance. Actuellement, pour beaucoup de chercheurs et à cause des évolutions techniques des transports et des échanges commerciaux, la fonction urbaine et la fonction portuaire deviennent deux fonctions qui s’opposent comme l’explique Ducruet César (2010); « La taille urbaine est à la fois une contrainte spatiale aux flux par l’indirecte saturation des espaces de transit (dont le port), et un atout économique pour l’implantation d’activités diversifiées dont le tertiaire décisionnel. C’est 97 Deuxième partie. l’ambiguïté essentielle entre le temps long des systèmes urbains et le temps court des flux. Les conséquences sont la distanciation physique de la ville et du port, pour des questions techniques (accessibilité) mais aussi environnementales, leurs liens subsistant sous des formes différentes, en rapport avec la dilution logistique et portuaire sur des espaces plus vastes que l’ancrage traditionnel. ». Alger actuellement dans son développement ignore son port qui lui tourne le dos, et l’espace entre les deux entités se trouve en décalage et sans vocation. Ainsi il devient plutôt informelle et chaotique, car et comme nous le savons bien, en Algérie, le témoin du dysfonctionnement d’un espace c’est sa transformation en parking. Nos quartiers témoignent bien de ce phénomène, et comme nous pouvons bien remarquer, l’interface entre ville et port qui est tout l’espace linéaire entre les deux entités (voir la figure 41, 42, 43 et 44) s’est agrandi, non seulement par les élargissements des voiries et l’implantation de chemin de fer notamment pour l’accessibilité au port, mais aussi par une absence de vocation précise, surtout après la fermeture et l’abandon des hangars qui se trouvent dans les arcades de Chassériau. Actuellement cet espace (l’interface) se voit transformer en aire de stationnement, de parking et de terminus Figure 41: Délimitation de l’interface entre la ville et le pour le transport public (voir la Figure 41). La port sur une photo satellite, avec détail de typologie rupture spatiale ne se manifeste pas sur un échantillon (1). seulement par une rupture typologique entre Source : Photo de fond prise de Google Earth©, modifications et montage faits par l’auteur (AOUISSI ville et port, mais aussi par cet espace K.B). médian qui s’est formé comme une paroi épaisse et qui matérialise la rupture entre ville et port, un espace où ces derniers s’ignorent et s’affrontent quotidiennement. Cette interface se trouve abandonnée par la ville et également par le port, mais partagée dans son utilisation, elle devient sans vocation précise et sans valeur, ce qui lui donne un aspect informel et dégradé, une image indigne pour la vitrine d’une capitale nationale et une métropole nord-africaine d’envergure. 98 Deuxième partie. Figure 42: Coupe schématique sur la ville et le port (côté Hamma).Ech : 1 /1000. Source : Schéma réalisé par l’auteur (AOUISSI K.B). Figure 43: Photo panoramique qui illustre dans l'ordre; le port, l'interface ville/port et la ville. Source : Photo prise par l’auteur (AOUISSI K.B). Figure 44: Photo 1, 2, 3, 4 ; Les ruptures spatiales du clivage ville/port en photos. Source : Photos prises par l’auteur (AOUISSI K.B). 99 Deuxième partie. 6.1.2. Une rupture institutionnelle : 6.1.2.1. Une division de gestion entre ville et port : Le clivage ville/port d’Alger, ne se résume pas uniquement par un découplage spatial, mais il est relayé par une division institutionnelle, la gestion du port est assurée par l’État à travers son entreprise EPAL (Entreprise Portuaire d’Alger), qui est une entreprise à caractère commercial, chargée de la gestion du port d’Alger. Dernièrement la gestion du port d’Alger (et également le port de Djen-Djen à Jijel), et pour les trente années à venir (à compter de 2010) est assurée en partenariat avec la société internationale émiratie de la gestion des ports DP World (Dubaï Port World) (EPAL. 2011), un opérateur portuaire mondial. Il participe surtout dans la gestion des flux et des terminaux de conteneurs, et également, la gestion des ports secs comme celui de Rouiba. La confidentialité des informations que nous n’avons pas pu avoir montre bien cette rupture institutionnelle, le port est considéré comme un enjeu stratégique, géré par une entreprise mixte qui n’a aucun lien avec la ville. De son côté, la ville n’a aucun pouvoir de gestion sur le port, même si le découpage administratif montre bien que le port se trouve presque entièrement dans l’aire de la commune d’Alger-centre et une petite partie nord dans la commune de la Casbah (mentionnées 01 pour Alger-centre et 07 pour la Casbah sur la carte 10) et qui comptent respectivement 75.541 et 36.762 habitants (ONS, 2011). Mais la commune d’Alger-centre qui était une des plus riches communes d’Alger grâce aux taxes du port, perd actuellement plus de 2 milliard de dinars annuellement (IDDIR Nadir, 2010) à cause de la soustraction par les autorités fiscales qui lui ont enlevé le droit de taxe des importations du port; « La commune d'Alger-Centre a une réputation usurpée. Elle a été déclassée depuis quelques années déjà. Elle s'est retrouvée au 10e rang derrière des communes comme Dar El Beida, avec ses 300 milliards de centimes, Hydra, Oued Smar, qui accueillent des zones industrielles mais n'engagent pourtant pas des projets aussi importants que nous » (IDDIR Nadir, 2010). La rupture institutionnelle s’est étendue après 2002 à une rupture économique entre la ville et le port. Figure 45:Découpage administratif de la Wilaya d'Alger. Source : ONS (Office National des Statistiques), http://www.ons.dz 100 Deuxième partie. 6.1.2.2. La non-implication du port dans la planification urbaine de la ville : Les instruments d’urbanisme actuels ne prennent pas la problématique du port en considération, ni les POS consultés (U17, U18, U20, U21, U22, U23) concernant les communes limitrophes avec le port, qui se délimitent dans leurs aires d’études à la ville sans toucher le port. De même le SDAAM d’Alger1 qui lui aussi ne mentionne pas et ne prévoit aucune solution pour le clivage ville/port d’Alger, malgré qu’il cite bien le problème de l’encombrement routier causé par le port2. Mis à part le PDAU dans sa version finale3 reprend la proposition du projet de la baie d’Alger réalisé par Arte-Charpentier qui prétend le réaménagement du port pour des activités culturelles et de loisirs, sans pour autant évoquer réellement la problématique du port d’une manière spécifique. L’exclusion du port des instruments d’urbanisme nous parait logique, car il est considéré comme un enjeu national omnipotent tandis que la ville oriente son développement à une échelle régionale et locale. Dans l’accord entre l’EPAL avec DPW, le port d’Alger sera appelé à se développer et à se moderniser d’ici 2040 pour émerger dans son contexte méditerranéen4, mais cela nous parait contradictoire avec la proposition du PDAU qui vise à son réaménagement d’ici 2030. Ce paradoxe montre bien la rupture et le décalage institutionnelle entre les collectivités locales de la ville et celle du port. 6.1.3. Une rupture culturelle et sociale : Un des effets secondaire du clivage ville/port, c’est l’embastionnement du port pour des exigences techniques et sécuritaire. Les habitants voient le port de loin, comme étant ; un espace clôturé, surveillé, inaccessible, et sans aucune activité en relation avec leur ville. Le port dans l’esprit des habitants, c’est une infrastructure, une usine dont la matière première est la marchandise. Mis à part les petits travaux manuels (chargement/déchargement de marchandise) qu’offre le port à une catégorie bien précise de population, dont le revenu est limité ou des petites activités de pêche gérées par EGPP d’Alger (Entreprise de Gestion des Ports et de Pêche). Le port reste dans l’imaginaire des habitants comme une source de nuisances, d’insalubrité, de pollution (sonore, visuelle, mauvaise odeur, etc.), et d’encombrement routier (BERKANI-BAZIZ A. 2002). La spécialisation du port pour l’activité portuaire et sa séparation avec sa ville traumatisent les habitants même si c’est d’une manière indirecte, car il déracine ces derniers de l’identité de leur ville qu’elle soit portuaire ou même littorale. La ville d’Alger est une ville qui est en rupture avec la 1 SDAAM d’Alger, version Avril 2009, réalisé par le CNERU. CNERU. SDAAM d’Alger : Mission 1; délimitation de l’aire métropolitaine. Février 2009. p.182. 3 PDAU d’Alger, version avril 2011, réalisé par ParquExpo. 4 Source : http://webapps.dpworld.com 2 101 Deuxième partie. mer, un réel paradoxe, un délaissement qui laisse son front d’eau dévalorisé et non exploité dans son usage (Voir Figure 46 et 47). C’est l’effet de ‘démaritimisation’ (HAYUTH Y. 1988) qui est causé par l’éloignement de la ville de la mer à cause du port. Il faut considérer cet aspect comme une crise patrimoniale immatérielle, car c’est l’identité de toute la ville et de ses habitants qui est en jeu. La répulsion du port, et l’absence de vocation pour l’interface, laisse cet espace de la ville que nous appelons ‘le front de mer’ un espace répulsif, un refuge pour les délinquants, un espace que les habitants n’osent pas fréquenter, un point noir dans leur ville. Le clivage ville/port ne se limite pas uniquement à des ruptures environnementales et économiques mais il affecte également des ruptures de dimensions sociales. Figure 46: Ville et port d’Alger, Une passerelle (au centre la photo) qui symbolise une rupture entre deux camps séparés par une rivière dynamique et profonde (l’interface). Source : Photo prise par l’auteur (AOUISSI K.B). Figure 47: Un front d'eau déserté même en plein saison estivale (photo prise en juillet 2010). Source : http://carhartt-93.blog.jeuxvideo.com/302493/le-front-de-mer-d-alger/ 102 Deuxième partie. 6.2. Déphasage entre centralités : A l’époque coloniale, Alger a joué le rôle d’une ville-relais et cette fonction assurée grâce à son port ne lui a pas permis de développer véritablement une base industrielle. La ville tirait sa centralité de l’hinterland de son port, formé par la plaine de la Mitidja qui fournissait les principaux produits pour l’exportation. A cette époque, la polarisation du port participait significativement à la centralité de la ville. Après l’indépendance, le port et la ville développaient chacun sa propre centralité. Alger profite de son nouveau statut de capitale nationale et se transforme en centre tertiaire et de décisions importantes. Le port aussi profite pleinement de son statut et de son expérience durant la colonisation comme premier port algérien d’importation de biens et exportation des richesses du pays, et affirme sa place après l’indépendance en tant que le premier port national en développant ainsi un hinterland de plus en plus vaste et influant qui touche tout le pays (DJEDOUANI RAKEM S. 2004). Après l’indépendance Alger et son port se sont présentés comme deux centralités d’envergure qui se juxtaposent, mais qui se développent d’une manière autonome. Cela met la centralité de la ville en défaillance, car la ville est privée du port qui est un atout important pour son rôle polarisant. La nature de l’activité portuaire hétérogène avec l’activité urbaine de la ville s’est exprimée par une répulsion du port et de l’interface à la ville. Cela a poussé cette dernière à s’élever vers les hauteurs vers les nouveaux espaces émergeants (Hydra, et El Biar), à la recherche de nouveaux terrains et d’un micro climat plus sain (DJELAL-ASSARI Nadia. 2004). Alger non seulement a perdu son port censé d’être la source de sa polarisation et la force de sa centralité, mais celui-ci l’a dégradé et l’a rendu moins confortable, et moins favorable pour recevoir des activités de son rang, assurant ainsi son émergence (le haut tertiaire). Alger perd ainsi de son attractivité à cause de son port. Encore plus grave, face à la concurrence des autres centres comme Bab Ezzouar et les nouveaux centres qui émergent à l’instar de Sidi Yahia, Chéraga, etc. le centre d’Alger subit une forte concurrence face à cette compétitivité urbaine aigüe, le port censé être son point fort, l’abandonne, et devient une source de problèmes en perturbant la centralité de sa ville, même s’il se présente comme un centre imposant et de rayonnement national. La ville d’Alger qui le jouxte, n’en profite guère à cause des ruptures entre les deux, ville et port. A vrais dire, il faut reconnaitre que la ville d’Alger est privée d’un fort atout et une forte source de polarisation pour sa centralité à cause de son clivage ville/port, « Alger fonctionne comme un conglomérat d’unités urbaines et autonomes et non comme un système hiérarchisé » (DJELALASSARI Nadia. 2004. p.208). Censé être un atout qui distingue la ville en tant que centre émergent et supérieur hiérarchiquement, le port constitue un handicap et une contrainte pour la ville dans son développement et pour son attractivité et sa compétitivité face aux autres centres de la métropole qui commence à la submerger comme Bab Ezzouar, Hydra, El Biar, etc. 103 Deuxième partie. 6.3. Alger ; une ville dégradée par son port : Le clivage ville/port (par l’ignorance et l’affrontement quotidien de la ville et du port) ont de sérieuses conséquences sur le bon fonctionnement du système urbano-portuaire. D’une part nous avons la qualité de vie en ville qui est en jeu, d’autre part les performances économiques du port qui sont en question. La qualité de vie et l’efficacité économique, deux concepts qui s’opposent dans la ville portuaire d’aujourd’hui au vu des exigences opposées par les deux entités. Actuellement il faut avouer que la ville d’Alger souffre d’une dégradation dans sa qualité de vie. Dans son dernier classement The Economist1, Alger est classée avec les 10 villes où la qualité de vie est médiocre. Alger est classée au même niveau que Harare, Dacca, Lagos, Abidjan, Tripoli, etc. Une situation désolante pour une ville historique et émergente comme Alger. Il faut aussi savoir que dans ce classement, Melbourne est élue la ville la plus agréable à vivre. Cette dernière qui est une ville portuaire australienne, a subit le mouvement des Waterfronts revitalizations à l’instar de Sydney, ce qui montre bien le potentiel dont les villes portuaires peuvent disposer. 6.3.1. Port ; inconfort pour les habitants : La présence du port auprès de la ville pose de véritables problèmes car l’infrastructure portuaire à des besoins techniques spécifiques pour son fonctionnement. Tout comme une unité industrielle, il y a le bruit des engins, les gaz d’échappements provenant des bateaux et des camions de transport, le sur-flux routier qu’apporte le port pour le transport de marchandises, gênant la ville et nuisant au confort de ses habitants. 6.3.1.1. Port et les problèmes de circulation routière : Le port d’Alger comprend le premier terminal conteneur du pays qui assure plus de 33% du trafic national des conteneurs (EPAL. 2011). De janvier à mai 2011 (EPAL. 2011), 107.818 conteneurs ont été réceptionné, sachant que le transport d’un seul conteneur nécessite un camion de type porte-conteneur ou semi-remorque. En raison des autres types de marchandises comme les marchandises en vrac solide ou liquide qui ont étés reprises par le port d’Alger (après leurs interdiction depuis octobre 2009), le port d’Alger est appelé depuis 2011 à assurer la réception de marchandises en vrac (bitumier, céréales, huiles, hydrocarbure, reefre) un équivalent de 541.798 tonnes et cela durant le mois d’octobre 2011 (EPAL. 2011). Cela signifie un apport de plus en plus important pour les camions de transit au port d’Alger. Ce dernier, par estimation moyenne, 1 The Economist intelligence unit ‘revue Londonienne’, classement 2011. Plusieurs critères entrent en ligne de compte pour ce classement : stabilité sociale et politique, taux de criminalité, accès à des soins médicaux de qualité, vie culturelle, environnement, scolarité et infrastructures. 104 Deuxième partie. participe à l’apport de plus de 1200 camions de transit de marchandises à la ville quotidiennement (AYADI Yasmine. 2012). Un chiffre qui est loin d’être négligeable surtout pour ville dont le parc automobile est en croissance continue et qui reçoit plus de 300.000 véhicules particuliers de provenance d’autres wilayas chaque jour1. Les infrastructures, insuffisantes pour la réception de ces sur-flux transforment la circulation routière en un véritable calvaire quotidien pour les habitants, une source d’inconfort et de stress. Figure 48: Embouteillage ‘monstre’ du côté du port d'Alger, la photo satellite montre bien le sur flux (03 juin 2009 à 12h45). Source : Google earth©. Figure 49: Photo 1 et 2; Des files d'attente de plus de 4Km sur la R.N. 11 des camions porte-conteneurs pour accéder au port d’Alger. Source : Photos prises par l’auteur (AOUISSI K.B). 1 Des chiffres valables pour le grand Alger, source : Le jour d’Algérie. 01 février 2012. 105 Deuxième partie. 6.3.1.2. Port et pollution atmosphérique : La présence du port est conséquente d’une pollution atmosphérique de la ville. Il faut noter que le transport maritime compte comme un grand polluant et producteur de gaz à effet de serre. « Dernièrement, des données confidentielles de l'industrie maritime ont émergé et démontré qu'en prenant en considération la taille des moteurs et la qualité du carburant utilisé, les 15 plus gros navires cargos du monde polluent autant que l'ensemble des 760 millions d'automobiles de la planète ...Un silence s'impose. » (GARCIA Patrick. 2009). Le port d’Alger, à titre comparatif, reçoit mensuellement plus de 170 bateaux avec une moyenne d’escale de 12,6 jours et d’attente d’accostage catastrophique qui peut atteindre les 3 semaines (EPAL. 2011). Cela est conséquent pour la qualité de l’air, sans oublier les 1200 camions de transit que reçoit le port quotidiennement. Les conséquences sont bien visibles, le périmètre de la ville d’Alger en contact avec le port se compte comme l’espace le plus pollué de toute la métropole (voir carte 11). Cette pollution se répercute négativement sur la santé des habitants avec des maladies respiratoires comme l’asthme, il faut noter que la ville d’Alger compte le plus grand nombre d’asthmatique dans toute la métropole (4% de la population adulte est concernée, contre une moyenne de 3.1% pour la métropole) (MAHI S et al. 2002). Le port d’Alger par sa présence pollue l’air de la ville et devient ainsi une source d’inconfort pour les habitants. Carte 8: Cadastre des émissions issues du trafic, émissions de NOx d’un jour ouvrable du mois de Mars 2006 dans la région du Grand Alger simulées avec le modèle EMISENS (Unité en g/h). Source : Farid RAHAL (Enseignant-Chercheur en thèse de doctorat) et Mohamed BOUDIAF (Département d’architecture d’Oran). 106 Deuxième partie. 6.3.1.3. Port et pollution sonore : Le trouble dans le confort de la ville à cause de la présence du port se ressent même acoustiquement. A notre passage à proximité du port, nous avons pu enregistrer 85dB (avec un pic qui dépasse de 122dB, lors des klaxons des véhicules des trains ou des navires) contre 78dB à Kouba par exemple ou 72dB à El-Biar1, sachant que le seuil dangereux est fixé à 90dB et le seuil de douleur est fixé à 120dB. Ce bruit est causé par la nature de certaines activités portuaires, la présence des navires, et surtout il ne faut pas oublier la forte présence des véhicules dans l’interface qui contient des voies ferrées et des voies routières d’importantes circulations quotidiennes. Le port demeure d’après nos constatations comme une source de nuisances sonores importantes pour la ville et dégrade sensiblement son confort, il faut noter que : « Dans certains pays, le bruit est la première source de plaintes et l'une des premières sources de conflits, au travail, entre voisins, entre collectivités et usagers. Du proche ultrason à l'infrason, une large gamme de longueurs d'onde peut être source de stress ou de conséquences pathologiques, selon l'intensité, la durée d'exposition et la sensibilité de la personne ou de l'animal exposé. » (Wikipédia. 2012), Les conséquences sur la santé, chez l'homme sont également variables et peuvent être plus ou moins graves comme : irritabilité, insomnie, hypertension, dépression pouvant conduire au suicide, problèmes d'audition allant jusqu'à la surdité passagère ou définitive (Wikipédia. 2012). 6.3.2. Port ; source de risques majeurs : La présence de certaines activités de stockage dans le port d’Alger, présente un danger potentiel pour la ville qui devient vulnérable pour certains risques majeurs technologiques. Le PDAU d’Alger délimite trois types de périmètres dus aux risques technologiques du port : - SELS : Seuil des Effets Létaux Significatifs : Extension à compter à partir de la limite du périmètre de la source du risque, où au-delà d’une concentration donnée, et pour une durée d'exposition donnée, qui peut provoquer une mortalité très importante au sein de la population exposée (PARQUE EXPO. 2011). - SEL : Seuil des Effets Latéraux : Extension à compter à partir de la limite du périmètre de la source du risque, où au-delà d’une concentration donnée, et pour une durée d'exposition donnée, qui peut provoquer une mortalité importante au sein de la population exposée (PARQUE EXPO. 2011). - SEI : Seuil des Effets irréversibles : Extension à compter à partir de la limite du périmètre de la source du risque, ou au-delà d’une concentration donnée, et pour une 1 Les données ont était mesurées par mes soins dans des conditions normales un jour de semaine entre 10h-11h (horaire locale). 107 Deuxième partie. durée d'exposition donnée, des effets irréversibles peuvent apparaître au sein de la population exposée (PARQUE EXPO. 2011). Pourtant, ces limites ne tiennent pas compte des effets dynamiques (action du vent, par exemple), ni des effets domino que l’occurrence effective d’un accident peut avoir auprès d’autres sources de risque technologique, local ou à la proximité (PARQUE EXPO. 2011). Comme risque majeurs technologique causé par les activités du port, nous notons d’abord les activités de stockage d’essence (7000m3) qui laissent toute la partie du front de mer et la partie Est de la commune de Sidi M’hamed courir un risque dans le cas d’explosion et d’incendie de ces réservoirs. Autre source de risque, l’entreposage des silos de céréale (capacité de 40.000m3) dans le môle de Skikda qui présente un risque d’explosion et d’incendie pour toute la partie nord de Hamma (voir carte 9). Autre risque même s’il n’est pas dû directement aux activités portuaires, mais la présence de la station de dessalement du Hamma qui assure l’alimentation en eau potable de plus de 200.000m3 par jour, par son emplacement près du port, expose la population algéroise au risque de contamination toxique dans le cas de fuite de produits toxiques des cargaisons des navires ou du port lui-même, comme les hydrocarbures ou le mercure, accidents déjà arrivées au port d’Alger en 20081. Il faut noter aussi que la station de désalinisation en elle-même, forme un risque technologique majeur d’explosion et d’incendie (voir carte 9). Il faut aussi souligner que l’insuffisance technique du port d’Alger met la ville sous de multiples risques inconnus, surtout le terminal conteneur qui ne possède qu’un seul scanner, ce qui le laisse en déficit de capacité de scanning, plus de 70% des conteneurs. Les contenances (EPAL. 2011) sont assez souvent ignorées, à l’image des conteneurs saisi en 2011 et qui contenaient plus de 225 tonnes de produits pyrotechniques provenant de la Chine, une quantité assez suffisante pour mettre en danger tout le périmètre de la ville en contact avec le port2. Autre risque négligé même par le PDAU, ce sont les risques majeurs technologiques dus au transport de matières dangereuses (TMD). L’interface entre ville et port est constituée de réseaux routiers et de voies de communications qui reçoivent quotidiennement plus de 1200 camions de transit de marchandise et de conteneurs, et qui peuvent contenir des matières dangereuses ce qui rend la ville vulnérable tout au long de son aire de contact avec l’interface. 1 Comme il est déjà arrivé en avril 2008 où d’importantes quantités de fioul lourd se sont déversées au niveau du port d’Alger et qui ont menacé la zone de captage de la station de dessalement de Hamma qui se trouve à proximité. 2 Comme il est publié dans le quotidien national (El Watan du 15/02/2011). 108 Deuxième partie. Carte 9: Alger une ville très vulnérable aux risques majeurs technologiques dus au port. Source : PDAU d’Alger. 2009. Carte modifiée par l’auteur (AOUISSI K.B). 109 Deuxième partie. 6.3.3. Port ; une empreinte tragique sur le paysage urbain de la ville : Alger ‘El Bahja’, une ville connue par son paysage urbain pittoresque, nommée aussi ‘Alger la blanche’, une ville organisée en amphithéâtre, Alger demeure une des rares villes présentant une façade urbaine assez homogène qui s’expose et s’appuie sur de grandes rampes sculptée par des arcades typiques. Des bâtiments haussmanniens constituent son front de mer d’une architecture de l’époque coloniale ; plus haut, la Casbah dans sa forme triangulaire qui fait le contraste avec sa massivité imposante ; des percées accentuées dans leurs extrémités par des espaces publics rythmés par des parois libres donnant sur la mer et ponctuant le paysage urbain de la ville ; des bâtiments ‘monuments’ d’architecture spécifique néo-mauresque (comme la grande poste ou le siège de la Wilaya d’Alger), moderne (comme l’hôtel El-Aurassi, l’Aéro-habitat ou le palais de gouvernement) ou même des mosquées joyeuses d’architecture ottomane viennent se placer comme des repères d’identité. Tout cela donne un aspect de mosaïque rare, de beauté originale. Non seulement le port isole la ville de tout contact avec la mer, mais également gâche ce beau paysage urbain et lui donne un aspect ‘d’industrie’ avec ses grues qui sortent et agressent le paysage de la ville ainsi que l’aspect des conteneurs empilés, les hangars et les silos de stockage clôturés derrière des murs qui cassent le paysage et le gâche avec un aspect industriel hétérogène, s’opposant aux façades urbaines travaillées et riches de la ville. Les friches industrielles du côté de Hamma et d’Hussein-Dey liées auparavant à l’activité portuaire constituent une autre sorte de défiguration même si elles sont Indirectement liées au port. Après l’indépendance, l’Algérie a changé d’économie de base et est passée de l’exportation des produits alimentaires (cf. Chapitre 5) à l’exportation des hydrocarbures qui forment 99% de ses recettes d’exportations. Ce changement économique va toucher les petites industries alimentaires et de détergents, et autres qui se sont installées auparavant auprès du port dans la région de Hamma et d’Hussein-Dey. Touchées par cette transition économique, actuellement elles se trouvent abandonnées, forment des friches au sein du tissu urbain et défigurent le paysage de ce dernier (voir photo 6 dans la Figure 51). Abandonnés petit à petit après l’indépendance, aujourd’hui ces hangars et ces petites usines se transforment en friches industrielles et qui dégradent l’image de toute la partie Est notamment le Hamma. Certes, ces friches ont fait l’objet d’un renouvellement urbain partiel comme le témoigne la construction de la bibliothèque nationale (1986) ou les tours jumelles et l’hôtel Sofitel. Mais tant que ces friches, crées par le port en plein tissu urbain persistent encore, elles constituent une autre défiguration pour le paysage urbain de la ville. 110 Deuxième partie. Figure 50: Analyse du paysage urbain de la ville et le port d'Alger. Source : Support de dessin ; DELUZ J.J. L’urbanisme et l’architecture d’Alger, op. Cit. p. 94-95. Analyse et modifications réalisées par l’auteur (AOUISSI K.B). Figure 51: Photo 1, 2, 3,4, 5, 6 ; L’impact paysager du port d'Alger sur la ville (un aspect d’industrie qui défigure et ‘clochardise’ la ville). Source : Google earth panoramio©, montage de mosaïque réalisé par l’auteur (AOUISSI K.B). 111 Deuxième partie. 6.4. Le port d’Alger ; un port étouffé par sa ville : Même si les conséquences du clivage sont moins apparentes sur le port au contrario de la ville, il faut savoir aussi que le port ne tire pas de bénéfices de ce clivage qui est une arme à double tranchant. Même si son activité portuaire parait comme la principale cause du clivage de par sa nature opposée à l’activité urbaine, la ville de sa part, cause au port de multiples difficultés dans ses fonctions portuaires. D’abord elle constitue un obstacle à l’efficacité des connexions du port avec son hinterland, puisque les voies de communication et de connexion se trouvent dans l’interface, un espace qui est partagé entre les deux fonctions urbaine et portuaire, ainsi que la présence physique en elle-même de la ville qui empêche le bon fonctionnement du port en le privant de toutes sortes de possibilités d’extension, sachant que les principales difficultés du port d’Alger sont la modicité de ses espaces et l’obsolescence de ses infrastructures. Comme nous avons vu pour la ville, le port est la source d’inconfort et de dégradation de sa qualité de vie, la ville elle aussi est la source de nocivité au bon fonctionnement du port, en perturbant ses performances économiques. Ainsi le port d’Alger est un port peu efficace à cause de la ville et de son clivage avec elle. Le fait de la présence du port en plein tissu urbain qui est déjà saturé, et la remise en cause de son statut, la nature et les circonstances du développement du port d’Alger depuis la colonisation témoignent des volontés politiques qui ont voulu faire du port d’Alger un simple port d’exportation. L’absence d’une ZIP à proximité pouvant accueillir une partie de son trafic, le laisse saturé, d’autant plus que les possibilités d’extension de son site sont limitées. Ce qui l’oblige à faire appel aux ports secs, dont un seul est réalisé près de Rouiba. La présence de la ville l’empêche de devenir un port de transbordement (DJEDOUANI RAKEM S. 2004). Un autre problème qui est dû à la ville, et qui est causé par la rupture institutionnelle entre gestion du port et gestion de la ville, se trouve au niveau des plans de circulations de la ville qui ne prennent pas en considération les transports du port, ce qui nuit significativement sur les performances économiques de ce dernier. Comme cela a été le cas de l’entrée en vigueur du plans de circulation de la capitale en 2005 et qui interdisait la circulation de véhicules lourds de plus de 2.5 tonnes entre 7h et 20h et qui touchait directement le transport terrestre du port. Ce qui lui a causé des pertes de plus de 10 milliards de centimes par jour, « depuis l'entrée en vigueur de cette nouvelle mesure, le port d'Alger accuse une perte de 10 milliards de centimes par jour, si cette situation venait à être maintenue, l'économie nationale accusera un préjudice important, d'où l'urgence de trouver une solution qui arrangera toutes les parties. En tant que partenaire social, nous sommes prêts à apporter notre contribution pour solutionner cette problématique » (BETTACHE Abder. 2005). 112 Deuxième partie. Conclusion : Actuellement, Alger et son port vivent un clivage aigu et qui a atteint son summum. Il se concrétise par un ensemble de ruptures matérielles et immatérielles qui sont le produit de la différence entre les deux natures de fonctions portuaire et urbaine, qui ne cohabitent plus et continuent de s’affronter et à s’ignorer. Les conséquences sont graves, et aucun des deux camps n’est gagnant de ce clivage. Le port est en train de mettre son efficacité économique en jeu, face à une forte compétitivité portuaire à l’échelle nationale ou méditerranéenne. La ville constitue pour lui un véritable obstacle. La ville de son côté, c’est son confort et sa qualité de vie qui sont mises en jeu à cause de la présence du port qui devient une source d’ennuis et d’inconfort. Alger actuellement se contente d’être classée en tête des villes les moins favorables pour vivre au monde, malgré ses potentialités et son riche passé. Le port contrairement à son statut national, concurrence difficilement les ports tunisiens et les ports marocains qui sont moins coûteux et mieux adapté au trafic international (DJEDOUANI RAKEM S. 2004). Comme nous l’avons montré dans ce chapitre, la première partie de l’équation est démontrée selon la méthodologie d’approche mondiale (Cf. Chapitre 2), c'est-à-dire, qu’Alger vit un clivage ville/port qui se manifeste par un ensemble de ruptures qui ont de multiples conséquences. Ce qui met les intérêts des deux camps en chevauchement, le port est la source d’inconfort pour la ville, et la ville est la source d’obstacles pour le bon fonctionnement du port. Maintenant ce qui reste à démontrer et c’est ce que nous allons voir dans le chapitre suivant, c’est la remise en question du port en lui-même en tant qu’infrastructure portuaire. Est- ce que le port d’Alger répond aux nouvelles tendances portuaires et aux transports maritimes d’une manière efficace en tant que premier port du point de vue importance pour le pays? 113 Deuxième partie. Chapitre 7 : Le port d’Alger, un port dépassé par son statut. Introduction : Le port d’Alger, le premier port national, assure la transition de 15 à 18 Millions de tonnes de marchandises, soit plus que le tiers des échanges nationaux (EPAL. 2011).Un port historique, stratégique et un point incontournable dans l’économie nationale. Ces dernières années, il fait couler beaucoup d’encre aux quotidiens nationaux qui n’arrêtent pas de le critiquer comme un port insuffisant, en déficit, mal organisé et surtout une source de perte pour le trésor national. Ce qui est marquant pour le cas du port d’Alger, c’est sa stagnation. C’est un port qui n’a pas ou qui a peu évolué depuis l’époque coloniale (les années 50) comme le montre ce montage photo (Figure 52) où nous pouvons voir que le port d’Alger après plus de 55ans n’a pas changé. Cela nous montre mieux la source de déficit du port qui devient caduc, mais qui continue à subir des pressions auxquelles il est incapable de répondre. Premièrement ; nous avons le volume d’exportation et surtout d’importation en forte augmentation pour répondre aux besoins de la population en croissance, deuxièmement ; le port d’Alger souffre face aux nouvelles exigences techniques de la filière portuaire contemporaine (après les années 50), avec le gigantisme naval et la conteneurisation (Cf. Chapitre 3) auxquels il est incapable de répondre. 114 Deuxième partie. Figure 52: 1 et 2 ; Montage par l’auteur (AOUISSI K.B) de photos aériennes du port d'Alger, de 1957 à 2012; après 55ans, nous remarquons à peine des changements qui sont minimes voire inexistants. 115 Deuxième partie. 7.1. Le port d’Alger; un port caduc et au bout de ses limites : 7.1.1. Le port d’Alger; le premier port national : Avec plus de 18millions de tonnes de trafic annuelle (EPAL. 2011), le port d’Alger occupe le premier rang dans le pays. En effet le port d’Alger assure à lui seul plus de 33% (+6% par rapport à 2002) (EPAL. 2011) du trafic maritime national hors hydrocarbure, 80% du trafic des conteneurs (EPAL. 2011) avec +5% par rapport à 2002, et 46% de celui des passagers (EPAL. 2011). En 2002 et à titre d’exemple, le tonnage de marchandise traitée par le port d’Alger a atteint 8.732.250 tonnes. En 2010 le tonnage était estimé à plus de 18millions (les hydrocarbures sont compris) soit une croissance de plus de 125% en moins de 10ans, un chiffre record rarement égalé et qui domine largement le trafic des autres ports algériens. Ports Port d’Alger Port d’Oran Port Annaba Répartition du trafic (Import/Export) hors hydrocarbures (tonnes) 7.470.363 Évolution par rapport à 2006 Trafic Conteneurs Évolution par rapport à 2006 Trafic passagers Évolution par rapport à 2006 (%) 27 (TEU) 530.526 (%) 20,31 373.538 (%) -5,93 3.822.812 13,81 124.380 75,24 311.074 1,89 5.085.580 18,37 33.694 74,92 34 564 5,99 Tableau 3: Répartition du trafic des marchandises sur les trois grands ports du pays. Source : Données publiées par le ministère des transports, direction des ports. 2007. Comme nous le voyons dans le tableau 2, le port d’Alger distance largement les autres grands ports du pays et dispose d’un hinterland qui dépasse ses limites géographiques naturelles, touchant l’ensemble du territoire national (voir Carte 11). Le port d’Alger dépasse dans son statut, un simple grand port qui occupe la région centre, à l’image de ses homologues comme ; le port de Annaba dans l’Est ou le port d’Oran dans l’Ouest. Il les dépasse hiérarchiquement comme le montrent les statistiques, et est considéré comme le port national de première importance, monopolisant le trafic portuaire de tout le pays. Il se confirme comme le port le plus stratégique et un acteur déterminant dans toute l’économie nationale. Ainsi il confirme son statut comme étant une infrastructure de dimension nationale. 116 Deuxième partie. Carte 10: L'infrastructure portuaire algérienne. Source : Ministère de l’équipement et de l’aménagement du territoire. Demain, l’Algérie. AT., 1995. p.64. Carte 11: Hinterland du port d'Alger. Source : BAZIZ A. 2002. 117 Deuxième partie. 7.1.2. Le port d’Alger; un port en déficit et sans atouts pour l’avenir : Le port d’Alger malgré son statut de premier port national de commerce ne reflète pas la situation d’indigence dans laquelle il se trouve. Il connait des problèmes qui entravent son bon fonctionnement, ce qui nuit à son image par rapport aux autres ports méditerranéens. 7.1.2.1. Le port d’Alger; un port qui déprime: Le port d’Alger fait le bon exemple d’un port dont le développement des activités ne s’est pas fait à la même cadence que son développement technique. Une absence de corrélation positive entre les deux développements est flagrante, car pratiquement le même port qui assurait le traitement de moins de 4 millions de tonnes dans les années 50, actuellement avec l’ajout de petites extensions négligeables dans leurs ensemble (voir la figure 52), assure le transit de plus de 18 millions de tonne, soit une croissance de plus de 450%1, tout cela avec des moindres extensions qui se sont limitées dans la construction du môle de Skikda (1961-1963), des petits travaux de remblayage et la construction d’un terminal conteneurs de 17,5ha (1994-1998). En tous, les extensions n’ont pas dépassé 2km de quai (le port compte 10km de quai) ce qui reste très insignifiant en vue du flux important que gère le port. Actuellement, la principale difficulté du port d’Alger est dans l’exigüité de ses espaces comme l’indique DJEDOUANI RAKEM; « Conçu à l’origine comme un port d’exportation, il n’a pas subi après l’indépendance de transformations majeures… » (DJEDOUANI RAKEM S. 2004. p.78). Le port d’Alger subit une grande pression en traitant davantage que ses propres capacités. A titre d’exemple, le terminal conteneurs construit à l’origine pour assurer le traitement de 100.000 TEU/an, assure le traitement de plus de 530.526 TEU/an (en 2007) soit 5 fois plus que prévu (BENACHOUR M. 2012). Autre problème, ce terminal n’est équipé que d’un seul scanner, et donc plus de 70% des conteneurs ne sont pas scannés, sans parler de l’entassement non réglementaire des conteneurs sur 4 étages2. Nous notons aussi la disponibilité que d’un seul quai pour les navires céréaliers (dans le môle de Skikda). Ce manque de moyens se traduit par des délais d’attentes importants. Le port d’Alger enregistre une moyenne d’attente pour le chargement/déchargement des marchandises de 2 à 3 jours (EPAL. 2011). A titre comparatif ce délai est de 1,5jours pour le port de Casablanca, et à plusieurs reprises, ce délai a dépassé les 15 ou 25 jours comme cela est arrivé en 2011, lorsque plusieurs navires ont débarqué au même temps. 1 Les chiffres sont approximatifs calculés par l’auteur (AOUISSI K.B) sur la base des données (EPAL.2011). Dans la réglementation internationale, les conteneurs de 20’ peuvent être empilés en 3étages. (Source : Wikipédia). 2 118 Deuxième partie. Ce manque et ce mauvais fonctionnement du port se répercutent mal sur l’économie nationale comme le révèle Issad REBRAB; « Aujourd'hui, l'Algérie perd chaque année plus de 2,6 milliards de dollars à cause de ses infrastructures portuaires dépassées. Depuis l'Indépendance à ce jour, on n'a pas construit un seul port de dimension mondiale. À l'Indépendance, l'Algérie comptait 8 à 9 millions d'habitants. Aujourd'hui, on compte 35 millions d'habitants. L'Algérie perd 2 500 dollars sur le fret avec l'Asie par rapport à l'Europe ou le Maroc. Avec l'Europe, notre pays perd près de 1350 dollars de compétitivité par container par rapport au Maroc vers la même destination.» (REBRAB Issad. 2010). Cela, explique bien la source des pertes qui sont causées par l'inaptitude des ports algériens et principalement le port d'Alger en vue de ses infrastructures dépassées, ses profondeurs limité (711m, d’autre source le situent entre 8-12m) et ses dimensions caduques (10km de quai seulement), car ce dernier et à titre d’exemple ne peut pas recevoir des bateaux modernes de grandes capacités1. Autre problème, la congestion des navires à cause du manque d'espace pour la réception et le stockage de marchandises, ce qui pénalise et laisse des navires en rade durant presque un mois d'attente, sachant qu'une journée d'attente coûte entre 1500 et 2500 dollars (SAMIR. 2009) arrivant même jusqu’à 7000 dollars par jour quand il s’agit d’un navire de moins de 150 conteneurs (REBRAB Issad. 2010), ce qui donne une charge importante pour le trésor algérien. Les nouvelles mesures prises par les autorités du port, comme l’interdiction de débarquement des véhicules par le port d’Alger depuis le 1e octobre 2009, montre bien que le seuil du port a atteint ses limites. D’autres mesures sont envisagées pour alléger le port qui étouffe, mais au vue des pressions qu’il continue à subir et comme l’annonce clairement l’EPAL (2011) : « Afin de muter le port d'Alger vers un stade structurellement supérieur, un plan de développement et de modernisation s'étalant jusqu'à 2015 initié par l'entreprise est en cours de mise en œuvre. ». Cela signifie, que nous sommes toujours en train de demander plus au port pour prendre une place de plus en plus prépondérante malgré qu’il soit au bout de son seuil de croissance comme le relève une étude élaborée par un bureau américain ‘Moffat-Nichole’ en 2008 (EL MANACH. 2008). 7.1.2.2. Le port d’Alger face aux nouvelles tendances portuaires : Le port d’Alger est limité naturellement par son site, son tirant d’eau et ses dimensions qui ne lui permettent pas la réception des bateaux modernes (voir Figure 53). Ce que nous pouvons aussi dire, c’est que le port d’Alger est le prisonnier de son site, non seulement à cause de sa juxtaposition spatiale avec la ville (cf. chapitre 6), mais aussi par les profondeurs réduites tout au long de la baie et qui ne dépassent pas les 12m2, ce qui lui limite les capacités même dans le cas 1 Jusqu'à 400m de long et 30m de tirant d'eau pour un ULCC (supertanker) d'une capacité de 500.000t. Même si le port d’Alger n’est pas couvert par des cartes bathymétriques selon l’INC (Institut National de Cartographie) qui la considère comme information confidentielle, mais les études menées par le bureau 2 119 Deuxième partie. d’extension, car il ne pourra pas recevoir les grands bateaux modernes comme les ULCC ou les VLCC qui nécessitent des tirants d’eau de plus de 15m voire même de 30m, ainsi que toutes possibilités d’extension du côté Ouest est une variante déjà éliminée par les français à cause de l’inaptitude et les contraintes que présente le site (cf. chapitre 5). Aussi, la réalisation de l’unité de dessalement de Hamma vient comme une contrainte forte contre toute extensions future du port vers son côté Est. Une étude, élaborée par un bureau américain ‘Moffat –Nichole’, portant sur le développement du transport maritime algérien à l’horizon 2025, présentée en 2008 dans le cadre du SNAT 2025, a montré que l’investissement est nécessaire pour les infrastructures portuaires algériennes afin qu’elles puissent répondre aux besoins croissants du trafic maritime à l’horizon 2012-2015, car cette étude mentionne bien que le port d’Alger n’a aucune possibilité d’extension surtout avec la mise en service de la station de désalinisation du Hamma, et comme solution le bureau américain propose la réalisation de port en mer profonde dans le site des Issers (coté Est d’Alger dans la Wilaya de Boumerdès) pour soutenir et désengorger le port d’Alger. Figure 53: Montage sur photo d'un bateau ULCC dans le port d'Alger. Source : Image de fond d’Alger et du navire prise de Google Earth©, montage réalisé par l’auteur (AOUISSI K.B). d’étude américain ‘Moffat-Nichole’ en 2008 démontrent que la baie d’Alger n’est pas profonde et ne dépasse pas les 12m dans son point le plus profond (information sur ; in. SNAT. 2025). 120 Deuxième partie. Actuellement le port d’Alger et pour combler son déficit, fait appel aux aires de dédouanement à l’extérieur de l’enceinte portuaire comme le port sec près de la zone industrielle de Rouiba. Cette aire de stockage de 12,8ha et à 15km du port d’Alger, est loin d’être comparée aux plates-formes logistique comme celle de Marseille. Ce port sec aménagé sommairement peut constituer une réponse provisoire (EPAL. 2011), mais l’inconvénient de cette solution, surtout si elle devient permanente comme il est déjà le cas, c’est qu’elle est en train de déplacer les problèmes de congestion et d’encombrement du port vers un autre lieu (DJEDOUANI RAKEM S. 2004), c'est-àdire que le problème n’est pas résolu, mais il est déplacé, quoi que le port d’Alger même avec ce port sec continue de souffrir des problèmes de congestion et d’encombrement surtout pour le terminal conteneurs. Figure 54: Port sec de Rouiba. Source : http://www.skyscrapercity.com/showthread.php?t=895702&page=10 121 Deuxième partie. 7.2. Le port d’Alger dans son contexte : 7.2.1. La compétitivité portuaire : La compétitivité portuaire se joue sur plusieurs niveaux. Mais tous ces niveaux reposent sur un seul et même principe: mieux servir les usagers du port. Les chargeurs semblent attacher le plus d'importance au respect des délais de livraison, de chargement et de déchargement de marchandises. D’autres paramètres interviennent, dont nous notons : - La situation géographique; c'est-à-dire être situé sur une route maritime importante, ainsi qu’être facilement accessible par l’hinterland. - Être situé à l'intérieur ou à proximité d'une zone de production et/ou de consommation; par exemple une ZIP. - Disposer de bassins naturels en eau profonde, de brise-lames concrets et d'importantes possibilités d'aménagement du front de mer et des terrains adjacents pour des futures extensions. 7.2.2. Le port d’Alger face à la concurrence nationale : La place du port d’Alger comme étant le premier port national de commerce, n’est pas le fruit du hasard. Sa présence dans la capitale nationale, sa position géographique qu’elle soit pour son accessibilité maritime ou terrestre, lui confère un fort atout, qui n’est d’ailleurs pas son unique atout. Les autres concurrents nationaux comme le port d’Oran ou le port de Annaba souffre des mêmes problèmes que le port d’Alger, mais à des degrés différents. Cette place du port d’Alger est menacée et risque de ne pas être préservée face à la présence du port de Djen-Djen qui dispose de profondeurs de plus de 18 mètres, pouvant ainsi accueillir des navires gros porteurs. Le port de Djen-Djen offre le plus important tirant d'eau du bassin méditerranéen. Avec 120 hectares de terre-pleins et une zone d'extension de 40 hectares environ, il constitue sans aucun doute la principale future plate-forme portuaire d'Algérie (EPJ. 2012) Par simple évaluation pour le port d’Alger face à son futur rival le port de Djen-Djen, et par rapport aux critères de compétitivités mentionnées en haut, nous pouvons avoir des résultats comme suit : 122 Deuxième partie. Critères Situation géographique; accessibilité maritime Situation géographique; accessibilité terrestre Disposition de ZIP Disposition de bassins en eau profonde Possibilité d’extension future Total Le port d’Alger ++ + 0 0 0 3+ Le port de DjenDjen ++ ++ + ++ ++ 9+ Tableau 4: Evaluation des atouts pour la compétitivité du port d'Alger et le port de Djen-Djen. Légende : ++ : Très favorable, + : favorable, 0 : nulle Source : l’auteur (AOUISSI K.B). Selon les résultats obtenus dans le tableau 3, nous voyons bien que le port d’Alger tire son unique atout de sa position géographique, d’abord; son accessibilité terrestre qui est bien connectée au différents réseaux routiers et autoroutiers (Nord-Sud et Est-Ouest) et qui se trouve en plein centre géographique du pays, ainsi son accessibilité maritime en vue de sa position médiane dans la méditerrané et qui est touché par la ‘Mare nostrum’ une des plus ancienne voie de navigation au monde et qui était empruntée depuis le temps des romains. Pour le port de Djen-Djen, il se trouve sur la même voie nautique que le port d’Alger ‘la Mare nostrum’ et distant de moins de 250km à vol d’oiseau. Et pour ce qui est de son accessibilité terrestre, le port de Djen-Djen profite d’un projet de liaison avec l’autoroute Est-Ouest. Pour sa disposition de ZIP, le port a fait l’objet de projets phares, comme l’installation d’industrie automobile (même si Renault dernièrement a refusé son implantation dans ce site mais il y a des négociations en cours avec d’autres groupes comme la firme allemande Volkswagen1). Autre atout important et dont le port d’Alger ne dispose pas, le port de Djen-Djen se trouve dans un site suburbain. Malgré tous ses atouts le port de Djen-Djen reste mal exploité. Il a traité en 2011, moins de 2 millions de tonnes de marchandises soit le 1/9 du port d’Alger, selon le bureau d’étude américain ‘Moffat –Nichole’. Dans le cadre de l’élaboration du SNAT 2025, il mentionne : « Selon l’étude, le transport maritime connaîtra une croissance supérieure à 6% jusqu’à 2015 et de 5% au-delà et il serait temps de penser à l’extension de l’ensemble des ports nationaux à l’exception du port de Djen-Djen qui représente de « formidables atouts » en matière de capacité de stockage. » (Moffat –Nichole. 2010)2. 1 2 Article publié par auto-Algérie sur ; http://www.autoalgerie.com/renault-refuse-d-implanter-son,4363 In. SNAT. 2010. 123 Deuxième partie. Figure 55: La situation du port de Djen-Djen. Source : Google earth©, image modifiée par l’auteur (AOUISSI K.B). 7.2.3. Le port d’Alger face à ses concurrents méditerranéens : Si le port d’Alger domine dans son contexte national en tant qu’infrastructure portuaire majeure, ce n’est pas son cas dans son contexte méditerranéen. Sans pourtant le comparer aux grands ports comme le port espagnol d’Algésiras, Valence , Barcelone, ou le port de Marseille (le 3e port européen) qui totalise un trafic annuel de marchandises de plus de 100 millions de tonnes (PAM. 2008), le port d’Alger face à ces géants et à titre d’exemple avec un trafic de 15 millions de tonnes en 2010, atteint à peine celui de bassin Est du port de Marseille (DJEDOUANI RAKEM S. 2004). Dans son contexte maghrébin, le port d’Alger ne fait pas mieux, notamment avec la présence récente du port marocain en eau profonde ‘Tanger Med’ le premier de son genre dans son contexte (Africo-méditerranéen), doté d’une superficie de 250 ha soit le double des 120ha du port de Djen-Djen. Il assurera la transition de plus de 100 millions de tonnes de marchandises par an et 3,5 millions de conteneurs (EVP) (TMPO. 2011). Sachant que le port d’Alger assure la transition que le 1/15e de ce chiffre et le port de Djen-Djen ne dépasse pas dans son trafic annuel les 0,07% de ce volume, même si la superficie de ce dernier atteint presque la moitié et sa profondeur 124 Deuxième partie. équivalente et même supérieure à celle de Tanger Med1, cela montre bien l’atout et la mauvaise exploitation du port de Djen-Djen, surtout quand nous savons que ce denier dispose encore de 40ha facilement extensible (EPJ. 2012). Il faut noter aussi que Tanger Med est un port fort en atouts, par la nature de son site qui lui assure des profondeurs importantes (de 15 à 18m) ainsi par son emplacement géographique qui vient sur la seconde route maritime la plus fréquentée au monde; le détroit de Gibraltar, qui enregistre le passage de plus de 100.000 navires de marchandises chaque année. Ainsi ce port a de grandes ambitions futures, car il est en contrat avec 50 grands ports mondiaux auxquels il est relié par des lignes régulières hebdomadaires. Il vise aussi à concurrencer les ports européens et devenir le premier port africain. Ses intentions ne s’arrêtent pas là, car il a aussi des ambitions autres que la fonction portuaire, les autorités visent par ce projet d’envergure le rééquilibrage territorial et le développement local. Face à ces chiffres, nous nous rendons compte d’une part, du potentiel du port de Djen-Djen, un port comblé d’atouts mais malheureusement mal exploité, et d’autre part, les handicapes du port d’Alger qui se montrent flagrants, un port vieux, dépassé et qui n’aura aucune chance en tant que le premier port national de commerce de concurrencer de telle plate-forme logistique moderne à l’instar de Tanger Med que cela soit dans le présent ou dans le futur. Figure 56: Photo aérienne du port marocain Tanger Med. Source: TMPO (Tanger Med Port Authority). 1 Des résultats déduits par l’auteur sur la base des chiffres donnés sur les sites des autorités des deux ports ; EPAL et EPJ. 125 Deuxième partie. Tanger Med, n’est pas seulement un fort concurrent, mais il constitue une véritable menace pour les ports algériens dépassés. A lui seul, ses capacités dépassent trois fois les capacités de tous les ports nationaux confondus, 100 millions de tonnes pour Tanger Med contre 27 millions de tonnes (hors hydrocarbures) pour tous les ports algériens de commerce confondus (en 2007). Avec l’absence de concurrence du côté algérien notamment, le port Tanger Med aura un rôle suprême et dominera toute la côte sud méditerranéenne. Nous nous demandons même, si nos échanges commerciaux de demain ne seront pas obligées de passer par ce port! Une véritable menace stratégique si nos pipelines seront obligés de se connecter à ce port pour l’exportation de nos hydrocarbures, une chose très envisageable à cause de nos infrastructures portuaires caduques et la compétitivité portuaire aiguë dans le monde et qui a comme unique souci l’efficacité économique. Avec l’appauvrissement de nos ports, il faut dire, que ce n’est pas uniquement nos ports qui courent un risque face au projet Tanger Med, mais c’est toute l’économie nationale qui en devient vulnérable. 7.3. Le devenir du port d’Alger face à ses problèmes: Comme réponse à ces problèmes que connait la première infrastructure portuaire nationale, et face à la compétitivité notamment la présence du port Tanger Med, les autorités algériennes préparent une réponse à travers le SNAT 2025. Le ministère des transports prévoit un investissement de plus de deux milliards de dollars pour la mise à niveau d’un grand port dans la région centre d’ici 2015 (BOUAKBA Amel. 2003), censé alléger la tâche du port d’Alger et prendre la relève comme futur premier port national. Ce port renforcera les infrastructures portuaires nationales à l’avenir, notamment avec le port de Djen-Djen qui connaitra une meilleure exploitation et un changement de statut pour devenir une infrastructure portuaire nationale d’envergure. Dernièrement, un appel d’offre restreint était lancé par le ministère des transports, et portait sur « l’étude de la recherche d’un site portuaire entre l’Ouest d’Alger et l’Est de Ténès ». Ce nouveau port; « sera une extension des activités des ports d'Alger, de Bejaia et de Ténès il ne peut être que bénéfique pour l'économie nationale » comme le relève le directeur général du port d’Alger GHETTAS Abdelaziz (2011). Une autre proposition a été lancée par Issad REBRAB un homme d'affaire algérien, PDG du groupe Cévital, qui compte investir dans le domaine portuaire par un investissement de plus de 30 milliards USD, cela par la construction d'un Hub portuaire baptisé sous le nom de "Cap 2015" concurrent directe de "Tanger-Med" (Maroc). Il sera composé de1: - Un port en eaux profondes (recevant tous types de bateaux) avec plus de 20km de quais et une superficie de 5000ha (ZIP incluse) et de 20 à 35m de profondeur. 1 Cévital. Présentation des projets du groupe Cévital. 2008. pp. 1-20. 126 Deuxième partie. - Une Z.I.P composée de: Complexe pétrochimique, complexe sidérurgique intégré, construction navale (tous types de bateaux), construction automobile, fabrication de containers, production d'électricité (centrale de 3200MWA), dessalement de l'eau de mer. Un véritable moteur économique pour le pays avec la création de plus de un millions d'emplois. Ainsi il permettra un chiffre d'exportation hors hydrocarbures de 15 milliards d’USD à l’horizon 2015, et 30 milliards d’USD avant 2025. Ce projet n’a pas encore vu le jour et connait même actuellement des difficultés, ce qu’il le met en attente. Conclusion : Pour conclure ce chapitre, il faut dire que le port d’Alger, face à ses problèmes et à ses projets, est appelé à se mettre en retrait dans les années à venir et sa délocalisation commence déjà à être envisagée. Après 1000ans de service, le port qui a répondu loyalement aux besoins de sa ville, de sa région et enfin de tout un pays, soufre actuellement de signes de vieillesse et est jugé inapte et insuffisant face à la concurrence et aux nouvelles tendances portuaires du gigantisme naval et de conteneurisation. Delà, la deuxième partie de l’équation vient d’être établie, et vient de s’ajouter à la première partie de l’équation qui démontre que le clivage entre ville et port est grave et altère les deux camps. Par déduction et suivant la logique de la méthodologie d’approche mondiale, cela n’a qu’un seul sens; une ville qui vit un clivage (ce qui est démontré en chapitre 6) avec un port jugé dépassé (ce qui est aussi démontré en chapitre 7) feront forcément l’objet d’une recomposition, sans pour autant être obligé de renoncer à l’activité portuaire. Cette recomposition sera assurée par la délocalisation de l’activité portuaire, pas forcément dans sa totalité, au profit de nouveaux ports dans des sites suburbains plus performants, et par la suite, un réaménagent du front d’eau de la ville s’impose (cf. Chapitre 4). Le port sera appelé à accomplir de nouvelles fonctions plus homogènes, moins lourdes et qui cohabiteront mieux avec la fonction urbaine de sa ville qui a longtemps souffert de la présence du port qui lui tournait le dos et l’isolait de son front d’eau. L’ouverture des barrières entre ville et port assurera le développement des deux camps au profit d’une ville plus conviviale et durable. Le port est la raison d’être de sa ville, et sera rappelé pour redevenir son atout majeur pour répondre aux nouveaux besoins modernes et lui ouvrir ainsi de nouvelles perspectives et de nouvelles alternatives de métropolisation et de développement durable dans un cadre de la mondialisation et de la concurrence entre métropoles. 127 Deuxième partie. Chapitre 8 : Alger et son port; vers une recomposition : Introduction : Dans le chapitre présent et suivant une logique déductive, analogique et de prospection urbaine et toujours sous l’ombre de la méthodologie d’approche mondiale, et comme il est montré dans les chapitres 4, 6 et 7, Alger actuellement se dispose de toutes les conditions pour penser à un réaménagement de son front d’eau. La délocalisation du port à cause de son dépassement technique n’est plus qu’une question de temps, ainsi que le clivage ville/port a atteint son summum dans le cas algérois comme il est montré dans le chapitre 6 ; ville et port ne cohabitent plus. Le réaménagement, à l’instar de tous les exemples des waterfronts dans le monde, lui permettra de reconquérir son port et d’assurer ainsi une recomposition ville/port salutaire pour recoudre les liens perdus depuis plus d’un siècle et demi entre ville et port. Faute de temps, Alger actuellement se trouve en retard par rapport aux autres villes portuaires, pour rappel, les premières opérations waterfronts Nord-Américaines remontent à plus de 60ans. Alger n’est pas l’unique retardataire dans ce mouvement, car comme le cite Claude CHALINE (1994), les villes portuaires du tiers monde à l’instar des villes africaines ou de l’Amérique latine rejoindront ce mouvement dans une quatrième vague après les vagues Nord-Américaine, britannique-australienne et enfin européenne comme il est expliqué dans la première partie du travail. Pour exemple, la ville de la côte Est de l’Afrique de Sud ‘Durban’ prétend un avenir commun pour la ville et le port par un projet phare de recomposition ville-port, aussi le cas de Rio De Janeiro qui a déjà planifié pour rejoindre ce mouvement. Une opération waterfront demeure une nécessité dans un futur proche pour Alger. 128 Deuxième partie. 8.1. Les avantages de la recomposition ville-port pour le cas d’Alger : 8.1.1. La recomposition ville-port ; une opportunité de métropolisation : A Alger, par son statut de capitale nationale, et par ses ambitions de mondialisation1 et de métropolisation2, la recomposition ville-port se montre non seulement comme une nécessité pour répondre à un délaissement futur des territoires portuaires et au clivage ville/port et ses problèmes qui en suivent, mais également, elle se montre comme l’opportunité ultime pour réaliser ‘les rêves’ de cette ‘métropole inachevée’, comme il est montré (cf. Chapitre 4) ; la recomposition ville-port apporte entre ses traits ‘une montée de gamme’ pour la ville, ainsi que des réponses aux problèmes d’actualités liés à la centralité, l’identité, l’image de la ville, les relations ville-mer, l’étalement urbain, la compétitivité urbain, etc. un tas de problèmes d’actualité dont Alger souffre. Comme il est noté ; « Les espaces délaissés représentent un potentiel susceptible de valorisations nouvelles, d'une recomposition en fonction des comportements, des goûts, des innovations techniques et du contexte socio-économique » (BOUBACHA, E .D, DAVOULT, et al. 1997. p.15). Pour autant, si les possibilités et les potentialités de redéveloppement sont souvent évidentes pour la ville, pour qui le réaménagement de l'interface peut représenter un moyen de renouveau 1 Mondialisation (ou globalisation selon le terme anglais); le mot globalisation est employé, depuis quelques années, par les économistes pour décrire les nouvelles formes d’internationalisation de l’économie. Mais l’expression a été utilisée il y a une trentaine d’année par MAC LUHAN qui annonçait l’émergence d’une ère électronique, la « galaxie Marconie », dans laquelle des messages « simplifiés » et « globaux », reconstitueront la famille humaine en une seule « tribu mondiale ». Il publiera, par la suite, en 1964, un ouvrage qui porte le titre de « The global village ». Cf. ASCHER François. Op. Cit. p.304. « La globalisation s’exprime par les phénomènes multiples. Les échanges internationaux croissent plus vite que les produit intérieurs bruts. Aux mouvements de marchandises s’ajoutent des mouvements de capitaux de plus en plus importants (Les investissements internationaux croissent au rythme de vingt pour cent par an. Les entreprises se développent à l’étranger de plus en plus par croissance externe (par l’achat d’entreprise), par franchise et par joint-venture. La nationalité de ces entreprises devient floue (…) les firmes globalisées s’organisent sur des bases nouvelles. Leur croissance et leur extension géographique, la nécessité de coordonner des activités dans des pays différents entraînent les recompositions marquées à la fois par des concentrations et des déconcentrations, des centralisations et des décentralisations. Il est difficile de repérer un seul mode d’organisation des entreprises globales… ».Cf. ASCHER François. Op. Cit. p.95. 2 Métropolisation; La métropolisation est une notion forgée par extension du terme « métropole » (étymologiquement : la ville-mère) pour désigner un processus de transformation qualitative, à la fois fonctionnel et morphologique des très grandes villes. Par rapport au processus classique de concentration que représente la ville en général, la métropolisation se caractérise par un accroissement du poids des plus grandes villes dans la répartition de certaines fonctions, ainsi que de la concentration de la population dans des aires métropolitaines. Contredisant certaines « prévisions » sur le déclin des grandes villes, le processus métropolitain s’appuie sur une mise en réseau des principales agglomérations dans laquelle les phénomènes de connectivité tendent à l’emporter sur les relations de proximité. (ASCHER François. 1995). « Le phénomène de la métropolisation ne concerne pas exclusivement les pays développés. Il se constate également dans les économies moins avancées sous des modalités différentes. Dans le monde arabe, touché tardivement par la mondialisation et de manière inégale, il se matérialise dans la constitution de vastes aires urbaines s’étirant sans fin, souvent au détriment des terres agricoles… » (PUISSANT S. 1999). 129 Deuxième partie. au cœur du territoire urbain, le port, souvent accaparé par l'adaptation de son outil, n'identifie généralement pas très bien quel bénéfice économique direct il pourrait tirer d'une valorisation de cet espace, qui constitue souvent une marge obsolète de son territoire (BAUDOUIN T., COLLIN M. 1994). Ainsi, les mouvements de ‘reconquête’ montré (cf. Chapitre 4) ont tous pour objectif d’adopter de nouvelles fonctions sur les anciens territoires portuaires généralement tertiaires et qui ont pour but d’améliorer et de répondre aux besoins de la ville. La situation généralement centrale de l'interface représente un potentiel de valorisation foncière à exploiter et elle est souvent envisagée comme l'occasion d'un « recentrage des tendances lourdes de l'agglomération, en contraste avec des stratégies antérieures qui favorisaient dispersion et suburbanisation » (CHALINE Claude.1999. p.29). Aussi le réaménagement portuaire se montre comme un moyen de recentrage et de rééquilibrage du territoire un objet visé voulu par le PDAU (2009-2029) d’Alger. Cela peut permettre l’émergement de nouvelle centralité (CHALINE Claude. 1994), concentrant de nouvelles fonctions et correspondant mieux aux nouvelles dimensions urbaines, les centres villes traditionnels n'étant plus adaptés pour jouer ce rôle de centre d'agglomération. La présence de l'eau représente un autre potentiel intéressant car elle « induit des espaces hautement valorisables dans une logique contemporaine des forces du marché, avec des effets de plus-values évidentes sur le prix des terrains bordant l'eau » (CHALINE Claude. 1994. p.15). De plus, ces dernières années, sont apparues des sensibilités collectives nouvelles sur les thèmes de l'environnement et de la qualité de vie. A cet égard, « l'eau représente un facteur potentiel d'embellissement et de valorisation urbaine permettant une aération du tissu urbain et pouvant bénéficier d'un traitement paysager de qualité » (BOUBACHA, E .D, DAVOULT, et al. 1997. p.17).Aussi comme il l’explique Claude CHALINE ; « Après avoir été vecteur de flux marchands, l'eau se prête à tous les jeux de miroir et de décor urbain » (CHALINE Claude. 1994. p.42). Ainsi, l'intégration de l'eau en tant qu'élément attractif de composition urbaine est souvent le principal moteur des opérations de recomposition ainsi que l'élément central et organisateur des nouveaux schémas d'aménagement. Cependant, les espaces portuaires délaissés ne doivent pas être considérés comme une unique opportunité d'urbanisme comme le souligne Jaque CHARLIER (1989); « certains des espaces convoités par les aménageurs et développeurs urbains ont un potentiel résiduel pour les activités maritimes ou, à défaut, fluviales, et qu'avant de soustraire définitivement ces plans d'eau et ces terres-pleines à leur vocation initiale, il importe d'envisager prioritairement l'option alternative de leur redéveloppement à but portuaire ». car l’intégration en certaine projet de réaménagement waterfront maintiennent un certain trafic compatible avec la structure urbaine de la ville, car ; « Le déclassement des anciens espaces portuaires ne doit donc pas être trop précipité, car la potentialité première de ces espaces est d'être un cadre propice au développement d'activités maritimes. » (In. Ville et port. 1997. p.18). 130 Deuxième partie. 8.1.2. Une recomposition ville-port pour une ville durable : Les exemples récents (des années 90 à nos jours) et comme en témoignent les dernières opérations de réaménagement des waterfronts comme c’est le cas de Dunkerque, Marseille, Lisbonne (cf. Chapitre 4) ou encore le plus récent de Hong Kong waterfront Ecocell, sont différents dans leurs principes aux exemples anciens de waterfronts revitalizations de la première vague des années 50-60 (cf. Chapitre 3), car ce sont des exemples qui ont un environnement de politique urbaine très différent et s’inscrivent dans un contexte socio-économique différent. Un aménagement durable pour le front d’eau algérois dans le cadre d’une recomposition villeport lui permettra de se développer et de réaliser des progrès sur les trois principes du développement durable (BAUDOUIN T., COLLIN M. 1999), c'est-à-dire; sur le plan environnemental, social et économique comme il est déjà confirmé dans les exemples présentés (cf. Chapitre 4) où on constate un ensemble de progrès en durabilité réalisé par la ville grâce à la recomposition ville/port et qu’on résume ; 8.1.2.1. - Sur le plan social : Assurer la mixité sociale : Les opérations les plus récentes de réaménagement des fronts d’eau, comme en témoignent notamment le cas de Dunkerque avec le projet ‘Neptune et Le grand large’, de Lisbonne avec son projet ‘Parc des nations’ ou de Marseille par son projet ‘EuroMed’, la mixité sociale est devenue un souci incontournable dans ce type d’opération qui visent à toucher le maximum de tranches sociales et cela par la variation de type d’activité ‘mixité fonctionnelle’, taille de logement et les niveaux de confort. - Ancrage de l’identité portuaire et maritime : L’identité portuaire est perçue comme un patrimoine immatériel pour la ville et ses habitants, longtemps perdue comme une conséquence pervers de la ‘démaritimisation’ causée par le clivage ville/port, la réouverture de la ville sur son port et sur la mer lui permettra ainsi qu’à ses habitants de retrouver cette identité qui la distingue des autres. 8.1.2.2. - Sur le plan environnemental : ‘La remaritimisation’ de la ville : La recomposition ville-port vise principalement à rouvrir la ville sur le port et également sur la mer, dans ces projets de réaménagement des fronts d’eau, l’extraverti solennel devient une règle, la vitrine 131 Deuxième partie. sur mer à une grande valeur symbolique, car elle exprime ‘le retour de la ville portuaire’ (CHALINE Claude. 1994), ainsi à exposer un certain savoir-faire et une forme de progrès d’embellissement et de développement de la ville. - Un environnement propre et sûr : L’activité portuaire comme principale source de risques majeurs, de nuisance et de pollution (cf. Chapitre 6) sa délocalisation engendra la suppression de ces derniers et rendra la ville un lieu plus sûr conviviale et sain à vivre ce qui améliora sa qualité de vie. 8.1.2.3. - Sur le plan économique : Nouvelles activités et tertiarisation : Le foncier portuaire constitue pour la ville d’Alger, les derniers terrains encore disponibles pour développer le centre-ville et donc mettre en valeur la ville (il s’agit de plus de 84ha). Alors tous leurs efforts seront concentrés pour attribuer des fonctions valorisantes à ce nouveau morceau de ville, fonctions qui participent à redonner une image à la ville toute entière, à son agglomération, voire même à toute une région. Ces fonctions peuvent être économiques (centre d’affaire international à Lisbonne) culturelles (cette vocation culturelle se retrouve dans les projets Euroméditerranée et Hafencity à Hambourg), universitaires (Dunkerque…), touristique. Les équipements vont participer à la symbolique de ces nouveaux quartiers, c’est le cas par exemple du pont ‘Vasco de Gama’ à Lisbonne ou de ‘l’Elbphilarmonie’ de Hambourg. L’animation du site est souvent recherchée; expositions, festivals sont régulièrement organisés. L’exemple le plus significatif est certainement le Parc des Nations à Lisbonne qui a accueilli l’Exposition Universelle de 1998.La promotion, la valorisation, l’animation doivent se poursuivre après la réalisation du projet pour en assurer sa pérennité. - Tourisme urbain : Forme ancienne de l’activité touristique, la pratique du tourisme urbain s’est renouvelée d’une manière spectaculaire depuis les années 1980. Ce renouveau a permis à la ville de régénérer son économie (après la crise économique industrielle des années 1970-1980) et d’accroître son attractivité. Par leurs nouvelles images et fonctions attractives et modernes, les villes portuaire ayant subi une reconversion de leurs anciens sites portuaires deviennent des destinations touristiques de premier ordre, comme c’est le cas pour Lisbonne qui a pu à travers son projet du ‘Parc des nations’ devenir une destination touristique mondiale favorite (18 millions de touristes par an), une chose bénéfique pour l’économie locale de la ville. 132 Deuxième partie. 8.2. Alger; une recomposition déjà prévue? 8.2.1. La proposition du GPU 1997 : Comme il a été démontré (cf. Chapitre 6), le port est intouchable par les plans d’urbanisme en vue de la rupture institutionnelle entre les autorités locales de la ville et l’entreprise responsable du port d’Alger (EPAL), même si auparavant, le GPU (Grand Projet Urbain - en 1997 -) d’Alger a intégré dans sa planification une partie du port dans son 1e pôle, loin d’être comparable aux grands projets de revitalisation et de reconquête des espaces portuaires, mais la volonté de recomposition de la ville avec le port existait. Un aménagement de l’interface entre ville et port était prévu, pour accueillir les différents sièges des autorités portuaires qui ne trouvent plus place sur les domaines intramuros du port. Qualifié d’espace économique et stratégique majeur de la ville, cette zone doit, également, recevoir des fonctions de type tertiaire supérieur à délocaliser éventuellement du centre-ville ou à créer et à développer dans le cadre de la métropolisation de la ville1. Le GPU, ainsi, visait à la valorisation de cette interface entre ville et port « un espace arrière portuaire très hétéroclite » (DJEDOUANI RAKEM S. 2004. p.182), il avait pour objectif l’articulation entre la ville et le port, concrétisé par l’opération du ‘carrefour du millénaire’ projet phare du GGA (Gouvernorat du Grand Alger), engagée 1997 et 2000 dont une petite partie était relancé en 2008. Il a concerné dans son aire d’aménagement le site historique de la ville et son périmètre d’opération comprend la Casbah, la place des Martyrs, les anciennes voûtes (situées au-dessous de la place des Martyrs), les voûte du front de mer, les ports de pêche et de plaisance, le quartier de la Marine et la promenade de Qâa Es-Sour. (DJEDOUANI RAKEM S. 2004). Même si ce projet ne couvrait qu’une petite partie du port et de l’interface, c’était une première alternative qui visait à recoudre les liens entre ville et port ; « Cependant, la force de la symbolique accordée à ce lieu se perd dès que l’on passe du discours à la réalité des aménagements. Le décalage se révèle d’abord dans l’imprécision de la délimitation de cet espace et se matérialise, ensuite, dans la programmation urbaine proposée, qui n’est pas bien définie et qui se décline en une série d’aménagements ponctuels qui font perdre à cet espace son caractère unitaire même si l’on a prévu de les articuler avec les projets déjà réalisés au niveau du Hamma (Hôtel international, Bibliothèque nationale, etc.) » (DJEDOUANI RAKEM S. 2004. p.179). Ce que nous constatons, c’est qu’à travers le GPU, (même s’il a été abandonné en 2000), il y a eu un changement de politique et d’outils d’urbanisme. Les intentions étaient bonnes, et touchaient à la souveraineté du port, mais les propositions n’étaient pas suffisantes par rapport à la taille du clivage et à la taille du problème. 1 e Rapport du GPU. Alger capitale du 21 siècle. URBANIS. 1997. p.62. 133 Deuxième partie. Figure 57: Pôle 1 du GPU, le parcours culturel et touristique du projet carrefour du millénaire. Source : Gouvernorat du Grand Alger, document de présentation, 1998. Figure 58: Restaurant ‘le Dauphin’ (mentionné R dans la figure 54), réalisé dans le cadre du projet du circuit du millénaire, mais comme la photo le montre, il se trouve isoler par rapport à la ville à cause de l’interface. Source : Photo prise par l’auteur (AOUISSI K.B). 134 Deuxième partie. 8.2.2. La proposition du projet de la baie d’Alger : Le projet de la baie d’Alger, présenté par le bureau d’étude français ‘Arte-Charpentier’ en 2006, prévoie un réaménagement du port d’Alger par « une reconversion du port en espace culturels et de loisirs » (Arte-Charpentier. 2006). Ce projet est financé par l’État et la Wilaya d’Alger dans un cadre de stratégie urbaine 2010-2029, qui a pour objectif de faire de la capitale de l’Algérie une grande métropole méditerranéenne. Le projet vise à réconcilier la ville avec la mer et s’étend sur toute la longueur de la baie (50km) avec une profondeur de 500m. Pour la ville d’Alger et selon Pierre Clément, le directeur d’Arte-Charpentier : « voir la mer et ne pas y accéder. C’est le paradoxe d’Alger » (CLEMENT Pierre. 2011). Dans ce projet de la baie d’Alger, la recomposition est plus prononcée grâce à l’échelle du projet, le port renoncera radicalement à son activité portuaire au profit de nouvelles activités qui répondent mieux aux besoins de la ville et de ses habitants, l’interface aussi sera réaménagé (voir photo 3 dans la figure 56) et permettra de ressouder la ville avec son port qui deviendra son intermédiaire avec la mer. Ainsi le port sera appelé à former une nouvelle vitrine pour la ville, exprimée par de nouveaux édifices d’une architecture remarquable, plus moderne et embellissante et qui reflètera mieux le statut de la ville. Carte 12:Schéma de cohérence prévu pour l'aménagement de la baie d'Alger. Source : Arte-Charpentier. 2006. 135 Deuxième partie. Figure 59: Photo 1, 2, 3 ; La reconversion du port d'Alger en espace culturel et de loisirs. Source : http://www.arte-charpentier.com/index.htm 136 Deuxième partie. Conclusion : Après ce petit survol des avantages du réaménagement du waterfront algérois, ce recyclage urbain s’avère incontournable pour Alger, car il ne se présente pas uniquement comme une opération exceptionnelle, ni une caractéristique propre au temps moderne mais plutôt une étape incontournable pour la ville portuaire. A vrais dire, c’est l’ampleur du phénomène et sa ‘banalisation’ qui lui confère aujourd’hui une nouvelle dimension (CHALINE Claude. 1993). Cette tendance des villes portuaires à s’imiter s’insère dans le contexte de globalisation et de mondialisation de ces dernières La tertiarisation du front d’eau et la mise en valeur de l’eau comme décor urbain constituent une sorte de ‘vitrine sur les quais’ dont l’enjeu principal ‘à ‘l’heure de la mondialisation’ (CHALINE Claude. 1994) aussi, elle permet la promotion de la ville-port auprès des investisseurs internationaux potentiels et du secteur touristique. Les villes-ports ayant toutes connu une période de crise due au clivage, le retournement à leur image leur semble nécessaire pour revaloriser leur économie et leur permettre d’entrer dans le « club des métropoles mondiales ». Alger, une ville portuaire en crise. A l’heure actuelle, elle dispose de toutes les conditions favorables pour penser à une recomposition ville-port. Primo, elle vit un clivage aigu avec son port, l’activité urbaine et l’activité portuaire se présente comme deux antonymes pour elle. Deuzio, le port d’Alger se révèle caduc, « une perte de temps et d’espace » son remplacement semble trop évident et dans un futur proche, La recomposition ville-port s’avère bénéfique pour Alger, elle est qualifiée comme un retour au centre après une période d’éclipse, c’est une grande étape à franchir et une grande opportunité pour sa métropolisation et son émergence internationale. Les circonstances actuelles nous heurtent à une réalité trop évidente; le réaménagement du front d’eau d’Alger n’est plus qu’une question de temps en vue de sa pertinence et les avantages qu’il offre pour Alger qui ‘rêve’ et qui souffre. 137 Deuxième partie. Conclusion de la deuxième partie : Alger et son port, une longue histoire basée sur la complémentarité, entre la grâce de l’alliance et la déchéance de la séparation. Dotée d’un atout d’un site exceptionnel et qui n’était rien qu’un port naturel, André RAVEREAU (2007) n’hésitait pas à risquer la formule heureuse; « et le site créa la ville » pour décrire et expliquer l’extraordinaire capacité de l’urbanisme vernaculaire algérois de s’intégrer et de se déployer sur le flanc raviné et chahuté de la magnifique baie d’Alger (SAFARZITOUN Madani. 2001). Alger par son emplacement et par sa morphologie accueillait les populations qui venaient d’outre-mer avec des bras ouverts, cela a fait d’elle, une strate de civilisations et de cultures, rien que grâce à son port qui faisait d’elle une fenêtre ouverte sur la méditerranée et le monde. Une forteresse et un organe défensif vénéneux durant l’ère de sa régence sous le suprême des ottomans (1516-1830), le port continuait de suivre l’essor de sa ville avec véracité. Jusqu’au là, il continuait d’être la partie ‘amphibienne’ de la ville sur la mer. Après la colonisation française (1830), la séparation de la ville de son port semblait trop évidente pour des raisons défensives au début, économique par la suite, Alger et son port n’ont jamais pu connaître la révolution industrielle à cette époque, pourtant ses symptômes s’imposent; la délocalisation et la séparation entre les lieux de production et de consommation. À cette époque, Le port d’Alger est en train de vivre son âge d’or (1884-) il devient bien plus qu’un simple port de commerce, mais il devient un point incontournable dans l’économie de toute la région notamment avec l’ouverture du canal de Suez (1869). Certes le port d’Alger vivait son âge d’or à cette époque mais au détriment de ses liens avec sa ville dont il a détérioré. Il est admis que cette séparation entre ville et port à cette époque est une singularité des villes portuaires, une période où ce découplage devient une règle et même une évidence (KONVITZ et al. 1993). Certes, mais l’exception de la ville d’Alger et son port, c’est que ce clivage était planifié et voulu, il s’avère pas comme unique synergie de la révolution industrielle et les besoins technique de transports. À l’aube de la libération (1962), le port et la ville héritaient de leur statut colonial deviennent les nouveaux symboles d’une nouvelle Algérie, la ville devient une capitale nationale, le port devient le premier port national de commerce, face à ce nouveau statut, la dichotomie entre ville et port se creuse jour après jour et en corrélation positive avec leur développement, le port d’Alger multiplie son tonnage annuel par 4 tout en restant pratiquement inchangé, la ville de sa part vie des bouleversement radicaux, un boom démographique, des extensions sans cesse elle devient « une ville dépassée par son statut », une ville en crise et en clivage avec son port, elle souffre de multiples problèmes dont l’origine et le port, il devient la première source de nuisance pour son confort, mais en contrepartie la ville aussi condamne son port et l’étouffe avec son tissu urbain, il devient handicapé à cause de sa ville qui l’oppose et met son efficacité économique en jeux. 138 Deuxième partie. Ce qu’il faut ajouter aussi à ce clivage qui débine ville et port, c’est que le port d’Alger ‘inchangé’ depuis plus d’une cinquantaine d’année s’avère caduc face aux nouvelles tendances de transport maritime exprimé par ‘le gigantisme naval’ des années 50, la continuité de son existence n’a plus d’alibi, son remplacement se montre très nécessaire dans un futur proche une chose qui est lancée déjà selon le ministre des transports Monsieur Amar TOU1. Les trois concepts clés de la méthodologie d’approche mondiale se montrent de plus en plus claire, en une phrase; la ville et le port d’Alger vivent un clivage qui met leur coexistence en paradoxe, le remplacement du port d’Alger qui devient caduc, non-compétitif et inefficace est prévu, son délaissement n’est plus qu’une question de temps, et comme dans une certitude mathématique, La fatalité de la recomposition devient primordiale pour Alger ‘la rêveuse’. Cependant ce que nous pouvons dire sur la future recomposition ville-port pour le cas d’Alger; comme le clivage lui était une indignation, la recomposition lui sera une grâce, comme il est montrée dans les trois exemples analysés, la reconversion constitue un réel défi pour les villesports. Promotion de la ville portuaire, valorisation économique, recentrage au bord de l’eau, nouvelle qualité de vie, souffle de renouveau, tels sont les crédos actuels des villes-ports. Alger, actuellement souffre de multiples problèmes et de multiples déficits; problème de centralité, de logement, qualité de vie médiocre, manque des espaces publics et de loisir, étalement urbain, système de transport public défaillant, etc. et d’un autre côté, Alger ‘rêve’, elle a d’importante ambitions; de mondialisation, de compétitivité, de métropolisation, et de rénovation, elle se veut une capital forte, une vitrine moderne et le symbole d’un pays en voie de développement. Alger mérite par son passé glorieux beaucoup mieux de ce qu’elle est aujourd’hui, comme nous avons vu à travers les différents exemples analysés, la recomposition ville-port porte entre ses traits une bonne part de réponses pour les problèmes et les ambitions d’Alger, non seulement la réponse pour son clivage ville/port, mais pour un tas de ses problèmes comme nous l’avons cité en haut. Ce que nous pouvons dire à la fin sur ce potentiel inexploité, c’est que; Alger dort sur une mine d’or, tous ce qu’elle cherche loin se trouve là au-dessous de ses pieds qui baignent dans l’eau, il lui suffit de retourner sa tête vers la mer, tout comme elle le faisait dans le bon vieux temps de la Casbah… En une simple équation, on peut dire que la recomposition ville/port pour Alger ; est le synonyme de résolution de problèmes dus au clivage ville/port et l’opportunité ultime de la réalisation de ces ambitions futures souligné par son PDAU (2009-2029). 1 Le 04 Avril 2012 selon une conférence de presse télévisée sur l’ENTV. 139 Conclusion generale : 1. Synthèse de la recherche : « Ville-port », deux incontournables complices et tout un imaginaire, lié à une place marchande, destination finale d’une route de transport, lieu d’échanges, de négoces, centre de vie et de brassage culturel cosmopolite. Les villes portuaires sont traitées comme un des sujets les plus complexes et les plus polémiques de l’urbanisme contemporain. Pendant de nombreux siècles, ville et port ont formé un système dont leurs activités étaient quasi consubstantielles, créant ainsi une trame urbaine spécifique à cette logique d’interdépendance et de complémentarité. Dans son essence la ville portuaire est loin d’être une simple imbrication spatiale, le mot ‘Système’ est utilisé pour désigner l’intégrité d’un ensemble d’éléments constitutifs de la ville et du port en interaction et dans une aire bien définie. Le système ville-port a toujours fonctionné selon des déterminantes de nature techniques et économiques. Il faut aussi admettre que la mobilité est un facteur principal de mutation et de composition pour les villes, la ville portuaire plus que les autres s’applique à la règle, puisque elle se trouve entre deux sphères de transport (nautique et terrestre) ce qu’il l’a rend plus altérable et sensible aux mutations. La révolution industrielle comme évènement majeur des temps modernes a guidé vers un changement radical qui a touché tous les moyens de transport, nautique comme terrestre. La ville change de forme, de nouvelles logiques de production et de distribution prennent place, la standardisation, la grande quantité et le moindre coût deviennent les lois fondamentales de la nouvelle économie. La révolution industrielle ne laisse personne indifférent, et c’est l’événement le plus bouleversant de notre mode de vie durant le millénaire précédant. Face à cela, le port comme principal moyen d’échange sera confronté aux nouvelles exigences économiques, son adaptation et sa ‘spécialisation’ deviennent nécessaires, son souci devient l’adéquation aux nouvelles exigences de transport pour mieux assurer sa fonction. Le port devenant de plus en plus efficace et primordial pour l’économie moderne saute d’échelle et passe de la notion du ‘port et sa ville’ au ‘port et sa région’. Cette séparation fonctionnelle s’est manifestée par un ensemble de ruptures principalement spatiales. Des villes portuaires1 comme Alger continuent à souffrir de cette dichotomie qui altère ville et port dans leurs fonctions. Ce phénomène de distanciation des villes portuaires est appelé ‘le clivage ville/port’. 1 Notamment les villes portuaires du tiers monde comme les villes africaines ou Sud-Américaines. 140 Conclusion générale. Durant les années 50, et après une période de clivage qui s’est généralisée sur l’ensemble des villes portuaires dans le monde depuis leurs industrialisation, ces dernières ont connu un nouveau phénomène qui a commencé à se généraliser, il s’agit ‘du délaissement’ des anciens territoires portuaires au profit de nouveaux sites suburbain et en eau profonde plus performant et qui répondent mieux aux nouvelles exigences économique telle que ‘la mondialisation’ ou technique telle que ‘le gigantisme navale’. Les fronts d’eau délaissés, substitués par une valorisation nouvelle en vue du potentiel qu’ils offrent, vont subir un mouvement de ‘reconquête’ intitulé par les villes nord-américaines pionnières avec le concept ; ‘waterfronts revitalizations’. Une véritable faveur pour les villes portuaires qui ont longtemps souffert des effets néfastes du clivage ville/port. Grâce à ce mouvement, les villes-ports ont pu recoudre leurs liens perdus avec la mer et avec le port, profitant d’une image nouvelle et durable. Alger, subissant le clivage ville/port, continue à souffrir de la confrontation et de l’ignorance entre urbain et portuaire. Antonyme de nature, son port demeure caduc et inefficace, sa délocalisation est très envisageable et dans un futur proche. Malgré l’évidence de cette recomposition et les ambitions qui peuvent être réalisées, Alger reste une des villes portuaires très en retard et hésite à rejoindre ce mouvement, car d’une part, l’opérateur portuaire principal DP World avec le premier responsable du port d’Alger l’EPAL prétendent le développement et la modernisation du port d’ici 2040 (DP World. 2009). Cela signifie le maintien de l’activité portuaire d’ici les 30 années à venir, d’autre part, le PDAU d’Alger, via le projet de la baie d’Alger, vise le réaménagement du front d’eau algérois et la reconversion du port en activités culturelles et de loisir d’ici 2030. Delà, ce qui peut être constaté, c’est que la reconquête portuaire de la ville reste très floue à cause de ce paradoxe institutionnel (cf. annexe 7). 141 Conclusion générale. Figure 60: Synthèse du développement diachronique des territoires portuaires suivant la logique de la méthodologie d’approche mondiale. (Schéma par l’auteur AOUISSI K.B). 142 Conclusion générale. 2. Résultats de la recherche : L’objectif de cette recherche, est de répondre sur un certain nombre de problématiques ce qui permet l’infirmation ou l’affirmation des hypothèses données au début de la recherche. D’abord, il s’agit de répondre aux problématiques générales qui concernent la ville portuaire dans le monde, puis et plus spécifiquement, répondre aux problématiques du cas de la ville et du port d’Alger. 2.1. Résultats généraux de la recherche : 1/ Quelles sont les raisons de la séparation progressive de la ville et du port? Le clivage ville/port demeure comme un résultat et une synergie de la révolution industrielle qui a modifié profondément la base économique et les modes de transports nautique comme terrestre grâce aux progrès techniques qui ont permis la connexion du port avec un hinterland plus vaste. Ainsi, de nouvelles logiques de production et de distribution prennent place, la standardisation, la distribution en masse et le moindre coût deviennent les lois fondamentales de la nouvelle économie. Face à cela, le port comme principal moyen d’échange sera confronté aux nouvelles exigences économiques, son adaptation et sa ‘spécialisation’ deviennent nécessaires, son souci primordial devient l’adéquation aux nouvelles exigences de transport pour mieux assurer sa fonction, qui est devenue fondamentale notamment avec les mouvements de colonisation du 19e siècle. Donc le clivage ville/port est la synergie et le résultat de la révolution industrielle sur la ville portuaire. 2/ Et pourquoi cette vulgarisation de phénomène de réaménagement waterfront des villes portuaires ? Après les années 50 un mouvement de réaménagement des fronts d’eau sera observé, à commencer avec les villes nord-américaines. Ce phénomène va toucher par la suite de nombreuses villes portuaires dans le monde. Cette époque coïncide avec l’apparition de nouveau concept de l’après-guerre, il s’agit de ‘la mondialisation’ qui apporte un nouveau mode de vie établi sur l’expansion et l’harmonisation, à l’échelle mondiale, des liens d’interdépendance entre les nations principalement par les transferts et les échanges internationaux de biens. Les ports comme espaces d’échanges commerciaux entre les continents se trouvent dans l’obligation de se moderniser afin d’assurer ce trafic d’échange en expansion, ‘le gigantisme naval’ devient le nouveau enjeu, ainsi les limites des ports classiques sont apparues; primo, la juxtaposition de la ville au port se montre comme une contrainte physique qui lui interdit toutes extensions futures; deuzio, les profondeurs offertes par ces ports ne sont pas suffisantes aux nouveaux géants des mers qui nécessitent des tirants d’eau qui dépassent les capacités des ports classiques. La 143 Conclusion générale. délocalisation des ports au profit des sites suburbains et en mer profonde devient le choix ultime et la tendance de l’époque. Dépourvus, de leurs activités, les ports délaissés offrent des centaines d’hectares de terrains en plein centre-ville et en front d’eau, l’opportunité de la revalorisation semble trop évidente en vue du potentiel que ces terrains offrent. Les opérations de réaménagements sont lancées en même temps que la délocalisation. De nouvelles fonctions sont attribuées au ‘port’ notamment avec l’émergence du tertiaire, la ville s’est réconciliée et ‘recomposée’ avec son port, autrefois en décrochage à cause de la nature de ses activités. L’opportunité que présentent ces sites ont fait l’objet de revalorisations nouvelles, pas uniquement dans le cadre d’un recyclage du foncier, mais aussi de recentrage afin de donner une image symbolique de progrès et d’identité à la ‘nouvelle’ ville portuaire ‘maritimisée’. Cela affirme l’hypothèse du travail, car la cause principale des réaménagements ‘waterfronts’ c’est le délaissement des anciens sites portuaires engendrés par la délocalisation de l’activité portuaire au profit de nouveaux sites suburbains pour répondre à la nouvelle tendance de gigantisme naval. 2.2. Résultats spécifiques de la recherche : En ce qui concerne la problématique spécifique à Alger, il faut admettre qu’Alger, et comme toutes villes portuaires, est passée par cette étape où la spécialisation fonctionnelle du port était primordiale pour assurer efficacement son rôle de ‘relais’ entre le pays colonisateur (France) et sa colonie (l’Algérie), son clivage a été planifié et voulu. Le rôle du port et la nécessité de sa spécialisation loin de sa ville s’est montrée après l’indépendance comme majeure en vue de la place prépondérante que joue le port d’Alger dans l’économie nationale. Privée du réaménagement de son front d’eau, Alger et son port continuent de vivre un clivage très défavorable. 1/ Comment le clivage ville/port se manifeste-t-il dans le cas d’Alger ? Le clivage ville/port dans le cas d’Alger se manifeste par un ensemble de ruptures matérielles comme la ségrégation spatiale entre ville et port, divisé par une interface ‘rigide’ et ‘dynamique’, ou des ruptures immatérielles comme le déphasage de centralité (urbaine et portuaire) ou la division institutionnelle entre les autorités locales de la ville et les autorités portuaires, ainsi qu’une rupture culturelle qui déracine la ville et ses habitants de l’identité portuaire à cause de l’embastionnement du port. Cet ensemble de ruptures disgracieuses altèrent le bon fonctionnement du ‘système ville-port’ algérois, ce qui affirme l’hypothèse qui concerne ce point. 2/ Comment le port présente-t-il un malaise pour la qualité de vie en ville et comment la ville présente-t-elle un obstacle aux performances économiques du port ? La nature de l’activité portuaire ne cohabite pas avec la nature urbaine de la ville. La non cohabitation et le décrochage 144 Conclusion générale. entre les deux entités met l’ensemble entre affrontement et en ignorance. D’abord le port nuit à la qualité de vie de la ville, il est jugé comme source d’un tas de problèmes pour la ville et ses habitants ; problèmes de trafic routier, risques majeurs (Technologique et de transport de matières dangereuses), nuisance sonore et pollution atmosphérique ainsi qu’une défiguration qui clochardise le paysage urbain de la ville. De sa part la ville putréfie le bon fonctionnement des flux terrestres du port qui lui partage ses infrastructures routières. Aussi la juxtaposition de la ville au port l’étouffe et lui interdit toutes possibilités d’extensions futures. Tout cela se répercute mal sur les performances économiques du port d’Alger. Le clivage ville/port, ne se résume pas seulement par une dichotomie spatio-fonctionnelle entre ville et port, mais aussi par une altération qui touche la qualité de vie en ville et les performances économiques du port ce qui affirme notre hypothèse. 3/ Est- ce que le port d’Alger répond aux nouvelles tendances portuaires d’une manière efficace en tant que le premier port national de commerce? Sans aucun changement majeur depuis l’indépendance (1962), le port d’Alger témoigne d’un déficit flagrant. Il est jugé caduc et au bout du seuil de son développement. Sa stagnation cause d’importantes pertes pour l’économie du pays. Ainsi dans son contexte méditerranéen il est pris de course devant ses concurrents plus modernes et en mer profonde (notamment le port de Tanger-Med), ce qui met l’économie nationale sous une véritable menace à cause de ses infrastructures portuaires dépassées et étant le premier port national. Cela affirme l’hypothèse car le remplacement du port d’Alger demeure inévitable et dans un futur proche comme il est déclaré. 4/ Le clivage ville/port vécu actuellement et l’insuffisance technique du port, guideront-t-ils forcément à une recomposition ville-port à l’image des autres villes portuaires qui ont subi ce processus avant Alger? Comme il est montré, toutes les villes portuaires on subit des changements sur leurs fronts d’eau depuis les années 50, c’est leurs fatalités. Les villes américaines ont été les pionnières (Baltimore, Boston…) suivit par les villes asiatiques (Osaka, Hong Kong…) et les villes australiennes et européennes par la suite. Actuellement c’est le tour des villes sud-américaines et africaines (CHALINE C. 1994). Or, les villes portuaires du tiers monde comme c’est le cas d’Alger qui sont dans l’obligation de rejoindre ce mouvement comme il est montré à travers cette recherche. Ces changements ont pour but de recomposer et revitaliser les territoires portuaires dépassés par les exigences techniques des nouvelles tendances portuaires (BAUDOUIN T et COLLIN M. 1999). Cette recomposition ne s’avère pas uniquement comme un recyclage du foncier, mais comme solution aux problèmes de la ville portuaire enclenchés par le clivage. Autrement dit, Alger souffre d’une multitude de problèmes causés directement ou indirectement par son clivage ville/port. Sa recomposition parait comme la chance ultime pour dépasser ces problèmes, la moderniser et de lui donner une nouvelle image forte et digne de son statut et qui répond aux ambitions de cette ‘Métropole inachevée’ (SAFAR-ZITOUN M. 2001). Ce qui approuve l’hypothèse énoncée, car le réaménagement du front d’eau algérois devient une nécessité face aux ambitions de métropolisation, de mondialisation et d’embellissement de la ville et face aussi à un clivage pervers et un port insuffisant, la recomposition ville-port devient inévitable pour Alger, elle n’est plus qu’une question de temps. 145 Conclusion générale. 3. Perspective et pistes de recherches futures: Les projets de transformation ‘waterfronts’ témoignent de l’influence des modèles internationaux qui deviennent ‘des références’. Alger pour sa future recomposition, doit adopter un modèle urbain de réaménagement mais tout en respectant ses acquis socioculturels et économiques qui lui définissent son degré de perméabilité ‘aux références’ de réaménagement. Opter pour un choix précis se montre polémique en vue de l’importance et l’ampleur de l’opération. D’abord, les grandes questions pertinentes qui se posent sont : - Faut-il garder ou renoncer totalement à l’activité portuaire? Puis, quel type d’activité élire? Imiter ou innover ? Opter pour une activité complémentaire à celle de la ville comme des activités tertiaires, culturelles et de loisirs, création d’habitats, etc.? Ou opter pour la création d’une nouvelle activité à vocation différente et moderne comme ‘les technoports’ ou les ‘les téléports’, qui favorisent le développement, la modernisation et ‘l’internationalisation’ de la ville, afin de lui inspirer un label futur de rang international. Cela pourra faire l’objet d’un travail futur et complémentaire pour une future Alger ‘sur les quais’. En vue de l’importance et l’ampleur de ce type d’opération pour la ville et le territoire, la question qui s’impose en final c’est; Pour quelle option de réaménagement futur et durable opter pour le waterfront Algérois? Cette question formera la problématique et la piste de recherche d’un travail futur. Figure 61: Vision de l’auteur; ‘Alger sur les quais’ ; un nouveau souffle et une nouvelle image pour Alger, digne de son passé et de son statut. Source : Dessin par l’auteur (AOUISSI K.B). 146 Abréviations : AGUR : Agence d’Urbanisme (Dunkerque). AIVP : Association Internationale Ville et Port. APC : Assemblé Populaire Communal. AUCAME : L’Agence d’études d’Urbanisme de Caen Métropole. CIADT : Le Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire et d’attractivité régionale. (France). ONS : Organisation Nationale des Statistiques (Algérie). ONU : Organisation des Nations Unies PAC : Programme d’Aménagement Côtier (Algérie). PAM : Port Autonome de Marseille. PDAU : Plan Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (Algérie). POS : Plan d’Occupation des Sols (Algérie). CNERU : Centre National d’Études et Recherches en Urbanisme. (Algérie). PPP : Partenariat Public Privé. CUD : Communauté Urbaine de Dunkerque. RN : Route Nationale DPW : Dubaï Port World. S3D : Société de Développement du Dunkerquois EGPP : Entreprise de Gestion des Ports et de Pêche. EPAEM : Établissement Public d'Aménagement Euroméditerranée. EPAL : Entreprise Portuaire d’Alger. EPJ : Entreprise Portuaire de Djen Djen. EuroMed : Euroméditerranée (Marseille). SDAAM : Schéma d’Aménagement de l’Aire Métropolitaine d’Alger. SNAT : Schéma National d’Aménagement du Territoire (Algérie). TGV : Train à Grande Vitesse. TMD : Transport de Matière Dangereuse. TMPA: Tanger Med Port Authority. EVP : Equivalent de Vingt Pied (Unité de mesure des conteneurs également dit en anglais TEU). ULCC : Ultra Large Crude Carrier. (Type de navire de transport de marchandise). Expo : Exposition internationale de 1998 (Lisbonne). VLCC: Very Large Crude Carrier. (Type de navire de transport de marchandise plus petit que l’ULCC). GGA : Gouvernorat du Grand Alger. GPU : Grand Projet Urbain d’Alger. JORA : Journal Officiel de la République Algérienne. ZAC : Zone d’Aménagement Concerté. ZIP : Zone Industrialo-Portuaire. OMC : Organisation Mondiale de Commerce. 147 Bibliographie : Les ouvrages : ALEMANY Joan. 1984. Les ports espagnols. Paris. L’Harmattan. 230p. ASCHER François. 1995. Métapolis, ou l’avenir des villes. Paris. Ed. Odile Jacob. 371p. ATKINSON Adrian (Ed.), CHABOU Meriem (Ed.), KARSCH Daniel (Ed.). 2008. Stratégies pour un développement durable local ; renouvellement urbain et processus de transformations informelles. Berlin. Univerlagtuberlin. 223p. BAUDOUIN T, COLLIN M, PRÉLORENZO C. 1997. Urbanité des cités portuaires. Paris. L’Harmattan. 180p. BEAUD Michel. 1999. L’art de la thèse; comment préparer et rédiger une thèse de doctorat, de magistère ou un mémoire de fin de licence. Alger. Ed. Casbah. 172p. BIRD J. 1963. The majors seaports of United Kingdom. Londres. Hutchinson. 220p. BOUBACHA, E .D, DAVOULT, et al. 1997. 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Journal Officiel de la République Algérienne N° 61. 107p. 159 Table des illustrations : Liste des Tableau : Tableau 1 : Évolution temporelle du système ville-port. ................................................................. 28 Tableau 2: Récapitulatif de l’analyse des trois exemples. ............................................................... 69 Tableau 3: Répartition du trafic des marchandises sur les trois grands ports du pays. ................ 116 Tableau 4: Evaluation des atouts pour la compétitivité du port d'Alger et le port de Djen-Djen. 123 Liste des Figures : Figure 1: Schéma de la démarche méthodologique de la recherche. ............................................. 10 Figure 2: Mappemonde, vue nocturne. ........................................................................................... 12 Figure 3: Typologie spatio-fonctionnelle des villes portuaires. ....................................................... 17 Figure 4: Système ville port fin du 20e/21esiècles. ........................................................................... 20 Figure 5: Tableau maritime de Lisbonne : patrimoine méditerranéen, façade maritime du 17e siècle................................................................................................................................................. 23 Figure 6: Schéma qui montre la distanciation entre ville et port et l’apparition de l’interface sur la zone tampon par l'emprise des voies de transport terrestre vers la fin du 19e siècle. ................... 26 Figure 7: Photo 1 et 2 ; Port de Gênes en Italie au 19e siècle. ........................................................ 27 Figure 8: Peinture de la ville de New York durant le 19e Siecle, organisation bien distincte port, interface, ville (de gache à droite). .................................................................................................. 31 Figure 9: Ville portuaire; affrontement et ignorance entre fonction urbaine et fonction portuaire / qualité de vie et efficacité économique........................................................................................... 31 Figure 10: Evolution de la taille des navires (1968-1995). ............................................................... 36 Figure 11: Porte-conteneurs, longueur: 278m, largeur: 42m, tirant d'eau: 15m. ........................... 38 Figure 12: Le Sabrina I, vraquier moderne de taille Handymax (dépasse 190m de longueur, 30m de largeur et un tirant d’eau de plus de 16m) à Astoria. ...................................................................... 39 Figure 13: Image 1, 2,3; Les nouvelles infrastructures portuaires du gigantisme naval.................. 41 Figure 14: Modèle Anyport de J. BIRD qui illustre le processus de délocalisation et le délaissement des anciens ports. ............................................................................................................................ 42 Figure 15: Les friches portuaires à Lisbonne. 20e siècle. ................................................................. 43 Figure 16: Photo 1, 2, 3 ; Waterfront de Baltimore. ........................................................................ 45 Figure 17: Projet EuroMed à Marseille, France ; réaménagement des anciens sites portuaires comme nouveau centre tertiaire pour la ville. ................................................................................ 46 Figure 18: Des exemples de type de réaménagement waterfront à travers le monde ; (1 : Musé à Rio De Janeiro, 2 : des activités de loisir à Baltimore, 3 : Londres (Waterharf) un centre de tertiaire, 4 : Téléport à Osaka). ........................................................................................................ 47 Figure 19: L'opéra de Sydney (Australie) sur l’ancien port, un monument architectural d'identité symbolique et de revalorisation du front d’eau de la ville. ............................................................. 48 160 Figure 20: Situation géographique des exemples européens analysés. .......................................... 50 Figure 21: Photo 1, 2, 3 ; l'état du port durant les années 80 ; sur les photos 1 et 2 ; Les Chantiers de France (Normed) à l'époque où la construction navale occupait l'ensemble du site, c’était la période du summum du clivage ville/port, dans la photo 3 le site d’intervention du projet Neptune. .......................................................................................................................................... 51 Figure 22: À gauche de l'image le nouveau port de Dunkerque, à droite la ville de Dunkerque et l'ancien port délaissé. ...................................................................................................................... 52 Figure 23: Photoplan du périmètre d'intervention du projet Neptune et les différentes typologies d'interventions. ................................................................................................................................ 53 Figure 24: Photos 1, 2, 3, 4; Des illustrations de quelques réalisations du projet Neptune............ 56 Figure 25: Photo 1; la nouvelle zone industrialo-portuaire qui accueille les porte-conteneurs, Photo 2 ; Le début du chantier sur l’ancienne zone industrialo-portuaire en voie d’abandon (voir la photo 3). ........................................................................................................................................... 59 Figure 26: Photoplan du périmètre d'intervention du projet Parc des Nations et la situation des différentes réalisations importantes................................................................................................ 60 Figure 27: Photo 1, 2, 3, 4, 5, 6 ; Les réalisations principales du projet ‘le parc des nations’ de Lisbonne. .......................................................................................................................................... 61 Figure 28: Photo 1; Le vieux port de Marseille (Bassin Est), Photo 2 et 3; Le nouveau port et la ZIP de Fos (Bassin Ouest). ...................................................................................................................... 63 Figure 29: La délocalisation des principales activités portuaire de l'Est (le Vieux Port) vers les nouveaux bassins et la Z.I.P de L'Ouest (Fos)................................................................................... 64 Figure 30: Photo1; Les bassins Est du vieux port commencent à être désertés (fin des années 1990) au profit des bassins Ouest (ZIP de Fos) plus favorable et apte techniquement. ................. 64 Figure 31: Les ZAC d'Euroméditerranée. ......................................................................................... 66 Figure 32: Photo 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 ; Quelques projets pour la recomposition ville-port à Marseille dans le cadre du projet Euroméditerranée...................................................................................... 67 Figure 33: Alger et son port, des images qui matérialisent le clivage et le contraste entre urbain et portuaire. Source : Mosaïque d’images faite par l’auteur (AOUISSI K.B), source des photos : alger50.org ....................................................................................................................................... 76 Figure 34: Comptoirs Phéniciens dans l'Afrique du Nord et le Sud d'Europe. ................................. 79 Figure 35: Reconstitution de la Carthage punique. Au premier plan, le port circulaire destiné aux navires de guerre, à gauche le port de commerce. Source : hist-europe.fr/Rome/rome.html ...... 79 Figure 36: La ville, le port et le môle d'Alger, 1690. ........................................................................ 80 Figure 37: (Tableaux 1, 2,3) ; Alger et son port durant la période ottomane. ................................. 81 Figure 38:Alger-Paris; liaison rapide par Marseille. ......................................................................... 87 Figure 39: Le port d'Alger vers 1910, les immeubles haussmanniens s'érigent comme un rempart entre la vielle ville (la Casbah en arrière-plan) et la mer. On peut également voir la digue de l’Amirauté, le vieux port, et les voûtes du front de mer.................................................................. 90 Figure 40: Le port d'Alger vers 1911, l'emprise ferroviaire avec les hangars accentuent la séparation entre la ville et le port.................................................................................................... 90 Figure 41: Délimitation de l’interface entre la ville et le port sur une photo satellite, avec détail de typologie sur un échantillon (1). ...................................................................................................... 98 Figure 42: Coupe schématique sur la ville et le port (côté Hamma).Ech : 1 /1000. ........................ 99 Figure 43: Photo panoramique qui illustre dans l'ordre; le port, l'interface ville/port et la ville. ... 99 Figure 44: Photo 1, 2, 3, 4 ; Les ruptures spatiales du clivage ville/port en photos. ....................... 99 161 Figure 45:Découpage administratif de la Wilaya d'Alger. Source : ONS (Office National des Statistiques), http://www.ons.dz................................................................................................... 100 Figure 46: Ville et port d’Alger, Une passerelle (au centre la photo) qui symbolise une rupture entre deux camps séparés par une rivière dynamique et profonde (l’interface).......................... 102 Figure 47: Un front d'eau déserté même en plein saison estivale (photo prise en juillet 2010). . 102 Figure 48: Embouteillage ‘monstre’ du côté du port d'Alger, la photo satellite montre bien le sur flux (03 juin 2009 à 12h45). ........................................................................................................... 105 Figure 49: Photo 1 et 2; Des files d'attente de plus de 4Km sur la R.N. 11 des camions porteconteneurs pour accéder au port d’Alger. ..................................................................................... 105 Figure 50: Analyse du paysage urbain de la ville et le port d'Alger. .............................................. 111 Figure 51: Photo 1, 2, 3,4, 5, 6 ; L’impact paysager du port d'Alger sur la ville (un aspect d’industrie qui défigure et ‘clochardise’ la ville). ............................................................................................. 111 Figure 52: 1 et 2 ; Montage par l’auteur (AOUISSI K.B) de photos aériennes du port d'Alger, de 1957 à 2012; après 55ans, nous remarquons à peine des changements qui sont minimes voire inexistants. ..................................................................................................................................... 115 Figure 53: Montage sur photo d'un bateau ULCC dans le port d'Alger. ........................................ 120 Figure 54: Port sec de Rouiba. ....................................................................................................... 121 Figure 55: La situation du port de Djen-Djen. ................................................................................ 124 Figure 56: Photo aérienne du port marocain Tanger Med. ........................................................... 125 Figure 57: Pôle 1 du GPU, le parcours culturel et touristique du projet carrefour du millénaire. 134 Figure 58: Restaurant ‘le Dauphin’ (mentionné R dans la figure 54), réalisé dans le cadre du projet du circuit du millénaire, mais comme la photo le montre, il se trouve isoler par rapport à la ville à cause de l’interface. Source : Photo prise par l’auteur (AOUISSI K.B). .......................................... 134 Figure 59: Photo 1, 2, 3 ; La reconversion du port d'Alger en espace culturel et de loisirs. Source : http://www.arte-charpentier.com/index.htm .............................................................................. 136 Figure 60: Synthèse du développement diachronique des territoires portuaires suivant la logique de la méthodologie d’approche mondiale. (Schéma par l’auteur AOUISSI K.B)............................ 142 Figure 61: Vision de l’auteur; ‘Alger sur les quais’ ; un nouveau souffle et une nouvelle image pour Alger, digne de son passé et de son statut. ................................................................................... 146 162 Liste des Cartes : Carte 1: Diffusion mondiale de la revitalisation des waterfronts avec quelques exemples. ........... 74 Carte 2: Le plan de la ville Romaine (Icosium). ................................................................................ 78 Carte 3: Alger et son port en 1830. .................................................................................................. 84 Carte 4: Alger et son port en 1846. .................................................................................................. 86 Carte 5: Alger et son port en 1880. .................................................................................................. 86 Carte 6: Plan du port d'Alger pour son projet d’extension de 1912 ; la vocation commerciale a effacé celle militaire. ........................................................................................................................ 88 Carte 7: Développement diachronique et synchronique de la ville et le port d'Alger. ................... 94 Carte 8: Cadastre des émissions issues du trafic, émissions de NOx d’un jour ouvrable du mois de Mars 2006 dans la région du Grand Alger simulées avec le modèle EMISENS (Unité en g/h). ..... 106 Carte 9: Alger une ville très vulnérable aux risques majeurs technologiques dus au port............ 109 Carte 10: L'infrastructure portuaire algérienne. ............................................................................ 117 Carte 11: Hinterland du port d'Alger. ............................................................................................ 117 Carte 12:Schéma de cohérence prévu pour l'aménagement de la baie d'Alger. .......................... 135 163 Annexes : i Annexes. Annexe 1 : Article de presse; Grave pollution au port d’Alger : Lundi 21 Avril 2008. ii Annexes. Annexe 2 : Article de presse; Produit Pyrotechnique au port d’Alger 275 tonnes saisies en 2012: Lundi 30 Janvier 2012. Près de 275 tonnes de produits pyrotechniques ont été saisis par les services de contrôle de la direction régionale des Douanes du port d'Alger, a-t-on appris dimanche auprès d'une source douanière. Les opérations de contrôle se sont soldées durant janvier 2012, à l'approche de la fête du ‘Mawlid El Nabawi’, par la saisie de 11 conteneurs de produits prohibés d'une quantité globale de 275 tonnes contre seulement neuf conteneurs (225 tonnes) durant toute l'année 2011, précise la même source douanière au port d'Alger. Les produits pyrotechniques sont généralement importés de Chine avec des registres du commerce empruntés et sont souvent dissimulés dans des conteneurs de marchandises, objets de fausses déclarations, selon les explications de professionnels du transit maritime. Le renforcement du dispositif de lutte contre l'importation des produits pyrotechniques, qui se limitait au niveau du port d'Alger et à la seule période précédant la célébration de la naissance du prophète Mohammed (QSSL), est désormais étendu à toute l'année. D’après L’Expression. iii Annexes. Annexe 3 : Article de presse; Le port d’Alger connaît toujours une situation de congestion malgré les efforts déployés récemment par les pouvoirs publics. lundi 10 août 2009. Beaucoup reste à faire en matière de traitement de containers au port d’Alger, selon un cadre du port, qui ajoute qu’« on a ramené le nombre des bateaux en rade de 50 vers la fin juin à 30 navires au 15 juillet dernier. Il y a une certaine amélioration, mais beaucoup reste à faire ». En effet, la situation au port d’Alger reste tout de même pénalisante puisque des navires demeurent en rade pendant près d’un mois, voire plus. Et chaque journée d’attente coûte entre 1500 et 2500 dollars au Trésor public. Les pouvoirs publics ont récemment décidé de diriger tous les navires transportant du rond à béton, du bois, des produits alimentaires et divers non conteneurisés vers d’autres ports du pays. D’aucuns pensent que cette mesure risque de s’avérer comme un coup d’épée dans l’eau. D’ailleurs, cette décision a suscité l’inquiétude des opérateurs économiques. « Cette mesure va contribuer à l’allégement de la congestion au niveau du port, mais elle n’aura pas de conséquences considérables », apprend-on de la même source, qui révèle que les autorités portuaires ont entamé une opération d’extension pour dégager de nouveaux espaces pour le transit des containers, au même titre que l’éventualité d’aller vers l’ouverture d’un port sec pour l’évacuation de containers. Il est à signaler en revanche que les raisons structurelles de cet encombrement des plus pénalisants pour l’économie nationale, sont à chercher ailleurs. « Les moyens existants sont inadaptés. Nous sommes toujours au stade de transition. Notre rendement reste faible par rapport aux pays voisins », estime notre interlocuteur, en précisant que le port d’Alger souffre d’un problème « d’espace » pour accueillir le flux de marchandises. D’après lui, l’infrastructure portuaire n’a pas suivi le rythme du développement des importations et des exportations de l’Algérie. Expliquant le goulot d’étranglement au niveau du port d’Alger, notre interlocuteur impute cette situation aux mesures édictées par le ministère du Commerce, portant obligation de présenter un certificat de qualité phytosanitaire de tout produit entrant en Algérie. Synthèse de Samir, www.algerie-dz.com D’après El Watan. iv Annexes. Annexe 4 : Port d’Alger 70% des conteneurs ne sont pas contrôlés. Jeudi 4 août 2011. D’après El Watan. v Annexes. Annexe 5 : Carte détaillée du développement du port d’Alger avant 1942 : Carte fournie de la part de l’EPAL. vi Annexes. Annexe 6 : Informations pratiques sur le port d’Alger : Source : EPAL. http://www.portalger.com.dz/description_signaletique.php Carte détaillée sur l’état des lieux du port d’Alger. Source : Carte fournie de la part de l’EPAL. 2010. vii Annexes. De par sa situation géographique le port d'Alger dessert plusieurs wilayas et assure des prestations de service pour toutes les catégories de marchandises: vracs solides et liquides, conteneurs, véhicules et engins lourds, passagers et véhicules légers (gare maritime). Aussi pour répondre à une demande de plus en plus exigeante des usagers et clients en matière de qualité de service, l'EPAL consacre une part importante de son Chiffre d'Affaires aux opérations d'investissements dans le souci de moderniser ses infrastructures et équipements. Situation géographique : Le port d'Alger construit à l'Ouest de la baie d'Alger, est protégé des houles Nord-Ouest et Ouest par le cap Caxine et le mont de Bouzaréah. Ouvrages de protection Les ouvrages de protection sont constitués de 05 digues artificielles d'une longueur totale de 6 Km construites sur des fonds sablonneux dont (02) prennent racine perpendiculairement à la côte et 03 disposées en ligne brisée formant un brise-lame de 2,6 Km parallèle à la côte. Elles sont fondées en moyenne à des profondeurs de 20 m à l'exception de la jetée KhairEddine ou les fonds peuvent atteindre 36m vers le musoir. - Au Nord : La jetée Khair-Eddine de 200 ml; - Au Nord-est: La jetée Nord enracinée dans l'îlot de la marine de 700 ml, prolongée par une jetée de 600 ml; - A l'Est: La jetée de l'Agha de 600 ml; - Au Sud-Est: La jetée Mustapha de 1.300 ml; - Au Sud: La brise lame Est de Mustapha de 1.000 ml. Le plan d'eau abrité par ces ouvrages est de 184 hectares divisé en 03 bassins successifs: - Bassin du vieux port 75 ha; - Bassin de l'agha 35 ha; - Bassin de Mustapha 74 ha. Les quais d'accostage au nombre de 36, construits suivant des moles successifs allant d'Ouest en Est dont la profondeur varie de 5 m à 12 m. Le linéaire totale de ces quais est de 8.609m. L'entrée des navires au port se fait par: La passe Nord: Permet l'accès au vieux port, située entre la jetée nord et l'épi sud de la jetée Agha avec 176m de largeur et 22 m de profondeur. viii Annexes. La passe Sud: Permet l'accès au bassin Mustapha, située entre l'épi transversal de la jetée Mustapha et le brise-lames est avec 240 m de largeur et 16 m de profondeur. Les capacités d'entreposage Le port d'Alger dispose d'une surface totale d'entreposage de 282.000 m2, représentant 24% de la surface totale uniformément répartie entre les 3 zones géographiques du port et accueillant diverses marchandises: Terre-pleins de 232.000 m2 16 magasins de 50.000 m2 Cette capacité permet l'entreposage de 120.000 tonnes de marchandises, alors que le volume moyen débarqué mensuellement aujourd'hui est de 800.000 tonnes. Terminal à conteneurs Réceptionné en 1998, le Terminal à conteneurs s'étend sur une surface de 17 hectares. Il dispose de quatre (04) postes à quai de 600 ml avec un tirant d'eau de 9.00 à 11.00 mètres. Il dispose de: 01 Centre empotage et dépotage 4.800 m2 01 atelier de maintenance 2.000 m2 01 parc à engins 1.000 m2 01 bâtiment administratif 2.400 m2; 01 poste de contrôle. Installations spécialisées Gare maritime: située au quai 11; elle est dotée de conditions modernes pour le transit des passagers et auto-passagers. Réaménagée en 2003, elle peut faire transiter annuellement 350.000 passagers; Silo à céréales: Situé au quai 35; il a été réalisé en 1970, est dispose d'une capacité initiale de 30.000 tonnes, la vétusté des équipements a réduit sa capacité à 20.000 tonnes. Il est exploité par l'OAIC. Hangar à céréales situé au quai 26. Quai pétrolier: Situé au quai 37 (trois postes à quai) spécialisé pour le chargement et le déchargement des produits pétroliers. Il est exploité sous le régime de concession d'outillage public par NAFTEC. Un volume de voûtes de 245.000 m3, concédé, destiné à différentes activités. ix Annexes. Annexe 7 : DP World gérera deux ports en Algérie Le groupe émirati DP World va gérer deux ports en Algérie à savoir celui d’Alger et de Djen-Djen à Jijel. Source : Synthèse de Samir, www.algerie-dz.com d’après le Financier mercredi 12 novembre 2008: Deux accords ont été signés, avant-hier à Alger, entre chacune des deux entreprises des ports d’Alger et de Djen-Djen (Jijel) en Algérie et le groupe émirati DP World qui s’est engagé à développer et moderniser ces deux structures portuaires. Ces deux accords ont été paraphés entre le président du groupe DP world, Ahmed Ben Salem, et respectivement Abdelhak Bourouai, directeur général de l’entreprise du port d’Alger, et Mohamed Atman, directeur général du port de Djen-Djen en présence du ministre des Transports, Amar TOU et plusieurs responsables des deux pays. En vertu de ces accords, le groupe DP world bénéficiera, à parts égales avec chacune des deux entreprises algériennes, d’une concession de la gestion pour ces deux ports, et ce, pour une durée de trente (30) années. Ce groupe émirati va investir dans un premier temps 108 millions de dollars sur une durée allant de trois à quatre années. Le partenariat vise notamment la modernisation du terminal principal des conteneurs du port d’Alger et d’augmenter sa capacité qui passera de 500 conteneurs par an actuellement à 800 conteneurs. Il est question aussi d’investir dans la modernisation des équipements et dans la formation du personnel du port d’Alger pour un meilleur rendement. Le groupe DP world s’engage également à élargir le port de Djen-Djen pour lui permettre de recevoir les grands navires et en faire la plus grande station de conteneurs de l’Est du pays. Aux termes des deux accords, deux sociétés mixtes verront le jour avec un capital commun de 50% pour chaque partie. Le président du groupe DP World s’est dit satisfait de la « signature de ces deux accords » d’autant plus que l’Algérie « enregistre un essor économique sans précédent et dispose de tous les moyens matériels et humains ». Il a également mis en exergue la position géographique de l’Algérie qui fait d’elle un marché prometteur. Le groupe DP World, a-t-il ajouté, contribuera au développement du port d’Alger tout en optimisant la main d’œuvre locale. Pour sa part, le ministre des Transports a rappelé que les négociations entre les deux parties pour la réalisation de ce projet ont débuté en 2005. Pour sa part, M. Tou a indiqué que cette coopération visait à « développer les ports algériens et les hisser au niveau du réseau portuaire et commercial mondial l’Algérie constituant une zone de transit pour les pays africains et ceux de la rive nord de la Méditerranée ». x Annexes. Annexe 8 : Analogie; Alger – Marseille / Projets urbains : Source : GANGLER Anette. In. Alger – Marseille / Projets urbains in. Alger métropole. 2000. p 90 – 92. xi Annexes. xii Annexes. xiii