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Vendredi 26 août 2016 // No 286 // 7e année
UBS
Malaise en Malaisie P. 5
CHF 3.50 // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch
INTRUM
Dettes et méchants P. 6
ESPIONNAGE
Ce sera vite Regli
P. 16
FRANCE
Chirac candidat ! P. 17
JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA
2
C ’ E S T P A S P O U R D I R E !
Niqab ni soumises
Séverine André
N
os sociétés modernes ont contracté la fâcheuse
habitude de prendre le corps des femmes pour
un baromètre. Baromètre servant à indiquer,
à une période donnée, le degré de libertinage
ou de pudibonderie admis dans l’atmosphère
locale. Non que les femmes, par leur accoutrement,
donnent le « la » en matière de mœurs : il s’agit surtout que
ces dernières, en fonction des contextes, maîtrisent l’attrait
que leur corps suscite.
L’exemple de la minijupe est emblématique : que ce (petit)
bout de tissu révolte les bigots, c’était un peu l’idée ; qu’il
excite les hommes de pouvoir et le voilà promu au rang
d’objet-symbole de l’émancipation féminine !
Aujourd’hui en Suisse, le monde politique et derrière lui le
peuple se déchirent sur l’éventualité d’arracher leur burqa
aux musulmanes. Comme si notre rapport au corps était
neutre et juste, et qu’il serait de bon ton que les étrangers
s’y conforment. Que les enfants cachent leurs fesses sur
les plages, que les Femen remettent leur T-shirt et que les
Algériennes dévoilent leurs tifs : on est en Suisse, tonnerre !
« Personne ne peut être obligé en Suisse, le pays de la liberté,
à se dissimuler le visage », clame l’UDC dans le communiqué
accompagnant son initiative. C’est au nom de cette
« liberté » que les Helvètes seront invités à promulguer une
nouvelle interdiction. L’ironie de la chose…
Habiller et déshabiller les femmes au gré des humeurs
politiques et morales : les dirigeants jouent à la poupée.
L’UDC, pas plus que les fondamentalistes, ne se préoccupe
au fond de celles dont il s’agit de réglementer la tenue.
Mais a-t-on jamais fait un homme d’un enfant en lui
arrachant son ours ou transformé un cheval en Basque en
lui mettant un béret ? Le voile n’est qu’un symbole.
Ces jours derniers, à la surprise de certains, des socialistes
emboîtaient le pas à l’UDC, sous le prétexte commun de
libérer les femmes en question. Mais attention, seulement
dans l’espace public. Qu’elles soient recluses à la maison,
soumises à des principes religieux absurdes et avilissants,
peu importe. L’essentiel, c’est que ces sombres fantômes
désertent nos trottoirs pour que triomphe l’image d’une
démocratie laïque, aussi factice soit-elle.
Lire également en pages 7, 10 et 11.
Vigousse vendredi 26 août 2016
QUELLE SEMAINE!
3
AFFAIRES EN COURT
LE CHIFFRE
Pan foireux
Toute la Suisse
a congratulé Heidi
Diethelm Gerber
pour sa médaille
de bronze à l’épreuve
du tir au pistolet
à 25 mètres. Enfin
presque : disqualifié
à l’épreuve des
2 mètres pour les
Jeux paralympiques,
l’avocat Dominique
Warluzel n’a pas dit
un mot. Jaloux !
1.40
En francs, c’est le chiffre
d’affaires annuel de l’unique
cabine téléphonique de Braggio,
village des Grisons peuplé de
70 habitants. Swisscom relaie
cette information afin de démontrer
l’inutilité de cette prestation
obsolète. De fait, avec cette
camelote il n’y a aucun moyen
de soutirer des frais de roaming
exorbitants aux utilisateurs.
Robopost
La Poste annonce tester des robots de livraison. Ces petits
droïdes à six roues, bardés de caméras et de capteurs,
pourront rouler à 6 km/h pendant deux heures
et résisteront à la neige. On ignore pour le moment
si ces bijoux de technologie auront le droit de grimper
les escaliers et de bavarder cinq minutes avec les
personnes âgées.
Procédé rotor
Les « parents hélicoptères » : c’est
ainsi, d’après Le Matin Dimanche
(21.8), qu’on appelle désormais les
parents qui pratiquent le recours
abusif auprès des écoles accueillant
leur progéniture. Le terme est rigolo
mais, nulle part dans le texte, le
rapport entre des parents pénibles et
un aéronef n’est explicité. Quelques
pistes se dessinent cependant. Soit
c’est en raison du coût généré par
toutes ces démarches, auquel cas
le terme « parents Bugatti Chiron »
aurait aussi fonctionné. Soit c’est en
raison du vacarme produit par les
quérulents, et là le terme de « parents
tondeuses » était tout aussi cohérent.
L’hypothèse la plus probable étant
que l’appellation, vouée à être utilisée
devant les enfants, devait rester
courtoise et que « ces foutus casseburnes », ça ne passait décidément
pas bien.
Il chiale comme
un veau pour
son cheval
Ratant de peu le podium aux
JO, Steve Guerdat a déclaré
au Matin (20.8) être très
triste pour son cheval Ninodes-Buissonnets. Il a même
abondamment pleuré pour
lui, car il aurait tant voulu
offrir une médaille à son
canasson. Choqué par ces
allégations, Nino s’est confié
à Vigousse : il dément être
obnubilé par les médailles
et affirme pour sa part être
très satisfait d’avoir privé
Guerdat d’un nouveau titre
en faisant tomber une barre.
Sale bête !
Vigousse vendredi 26 août 2016
4
FAITS DIVERS ET VARIÉS
FAITS DIVERS ET VARIÉS
Constantin en panne à Chillon
Pataugeoire
LUXE EN RADE Le promoteur immobilier et président du FC Sion a un projet grandiose à proximité
du château de Chillon. Mais le chantier est bloqué depuis quatre ans et la bataille juridique va durer.
A Düsseldorf en Allemagne, « la
police constate une énorme augmentation des agressions sexuelles », en
particulier « le viol et l’abus d’enfants
dans les piscines ». Et cette vague-là,
évidemment provoquée par l’afflux
des migrants, « envahit » la Suisse.
Telle est « l’information » publiée sur
le site de l’association Sicherheit für
alle (SIFA, « sécurité pour tous »),
présidée par le conseiller national
Andreas Glarner (UDC/AG). Diable :
nos piscines sont dangereuses pour
les bambins. Et la SIFA de conseiller
« aux femmes et aux enfants de ne pas
se trouver seuls, surtout le soir, aux
endroits reculés des piscines ».
5
AGENTS SALES En blanchissant
des millions issus de la
corruption, des banquiers suisses
contribuent à détruire la forêt
primaire de Bornéo. Dans leur
branche, on se fout des arbres.
Or il appert que la calamité alle-
Christian Constantin, président
omnipotent et entraîneur intérimaire du FC Sion, est également un
grand bâtisseur. En Valais, quand une
grue surgit dans le ciel, on brûle un
cierge pour lui. Mais dans le canton
de Vaud, le promoteur peine parfois
à convaincre. C’est le cas au Clos de
Chillon, juste à côté du château.
Sur les rives du Léman, les pieds dans
l’eau, Constantin a acquis, en 2011,
une parcelle de plus de 4000 m2 (soit
la moitié du stade de Tourbillon) pour
y construire trois résidences de très
grand luxe.
Les travaux de terrassement ont
démarré rapidement, mais en août
2012 le chantier s’est arrêté et les
machines en ont été retirées. A ce
jour, les travaux n’ont toujours pas
repris. C’est que de nombreux opposants s’étaient manifestés à l’époque
et que Constantin 1er a dû revoir sa
copie.
En janvier 2015, il est revenu avec
une nouvelle mise à l’enquête qui
enterre les places de parking. « Au
départ, les boxes pour les voitures
étaient prévus au bord du lac, c’était
dégueulasse, une bricolerie. Une nuisance visuelle depuis le lac et ça je n’en
voulais pas », déclarait le dessinateur
en bâtiment à Vigousse (31.10.14).
Aujourd’hui, une seule opposition est
levée, celle d’Helvetia Nostra. Anne
Bachmann, au nom de l’association,
Vigousse vendredi 26 août 2016
rappelle que suite à la modification
du permis de construire, Helvetia
Nostra avait déposé une opposition,
en raison de la destruction antérieure
des murs de vigne et de la suppression de la grille. « Mais nos exigences
de reconstruction des murs de vigne
et de la grille ont été acceptées par
Christian Constantin », se réjouit
Anne Bachmann.
MATCH
À PROLONGATION
De plus, la convention, signée fin juin,
garantit qu’Helvetia Nostra participera
au suivi du chantier, afin de s’assurer
que l’intégralité des conditions soit
appliquée. « Pas de souci, il y a en Valais
des équipes qui savent reconstruire des
murs de vigne », assure Constantin. La
grille d’entrée à l’ancienne, digne du
patrimoine montreusien, retrouvera
également sa place.
Syndique de la commune de Veytaux,
Christine Chevalley confirme que le
chantier est stoppé, « mais pas bloqué. Christian Constantin est toujours au bénéfice du premier permis
de construire. »
Après de nombreuses démarches, la
Municipalité « a appris juste avant les
vacances que malgré les discussions
entre le voisin qui a fait opposition et
Christian Constantin, aucun accord n’a
pu être conclu. Regrettant cette situation, nous appelons de nos vœux la
reprise des travaux. »
Si, et c’est fort probable, la Commune
autorise les travaux, l’opposant
pourra faire recours auprès du
Conseil d’Etat dans les 30 jours. Car
le voisin le plus proche du Clos de
Chillon ne baissera pas les bras et ira
jusqu’au bout de la procédure juridique. « Je me fais déjà racketter par les
arbitres, maintenant c’est les voisins »,
lâche l’ancien gardien de but valaisan,
qui affirme que le voisin lui réclamait
une jolie somme.
« C’est faux, nous étions prêts à signer
une convention avec lui, mais il n’est
pas venu au rendez-vous… », se défend
celui qui restera comme le dernier
opposant. Il rappelle que le permis de construire a été attribué par
jugement et qu’à l’heure actuelle, il
n’existe toujours pas de plan définitif
pour le sous-sol.
Comme les autres oppositions
viennent d’habitants situés à plus
de 1200 mètres du chantier, elles
ne seraient pas valables, selon
Constantin. Lui, il a assez de projets
en cours pour ne pas s’ennuyer. « Et
puis, le magnifique terrain est là, en
zone à bâtir, je peux attendre. »
Tout comme il attend patiemment
que le FC Sion devienne un grand
d’Europe. Jean-Luc Wenger
mande dépeinte par Glarner et
consorts relève du ragot, né d’un
article fangeux du journal de caniveau Bild. La police de Düsseldorf,
elle, a déclaré : « Il n’y a définitivement
aucune annonce de viol d’enfants dans
des piscines. » Et les médias sérieux
d’outre-Rhin ont démoli les bobards
de Bild.
Quant à l’idée que l’horreur gagne
l’Helvétie, elle repose sur un cas
relaté avec effroi par la SIFA : le
19 juillet, dans une piscine bernoise, « un Nigérien de 25 ans a été
conduit à la sortie après avoir, selon
des témoins, harcelé sexuellement
trois jeunes filles de catégorie « teen­
agers » [donc jusqu’à 19 ans] dans un
bassin non-nageurs ». Ce que la SIFA
traduit ensuite par une « aggression
brutale de la part d’un Nigérien ».
Si brutale que malgré les témoins,
le coupable n’a pas été arrêté mais
éloigné… Au demeurant, les polices
cantonales, les services sportifs et les
gérants de bains certifient qu’aucun
abus caractérisé n’est à signaler dans
les piscines suisses.
Glarner et la SIFA effraient donc
le bon peuple à coups de mensonges. De quoi motiver une
plainte du conseiller national Carlo
Sommaruga (PS/GE) pour menaces
alarmant la population. Et une autre
plainte pour escroquerie, car la SIFA
se finance en vendant des dispositifs
de sécurité contre la vague d’agressions sexuelles qu’elle invente…
Décidément, Glarner nage en eaux
troubles. Laurent Flutsch
Actes contre nature
Dans les provinces malaisiennes
du Sarawak et de Sabah, sur l’île
de Bornéo, le désastre écologique
et humain provoqué par la déforestation sévit depuis longtemps.
Mystérieusement disparu là-bas en
2000, le Bâlois Bruno Manser avait
alerté l’opinion internationale dès
la fin des années 1980, prenant la
défense des chasseurs-cueilleurs
penan dont il avait partagé l’existence : traqués et brutalisés par les
milices armées à la solde des compagnies de bûcheronnage, acculés par
les bulldozers, privés de leur jungle
nourricière, ces autochtones ne survivent désormais qu’en de rares secteurs encore préservés. Créée en
1991, la Fondation Bruno Manser
se démène pour eux et pour la sauvegarde de quelques lambeaux de forêt
pluviale, riche d’une incroyable biodiversité. Et ce n’est pas gagné.
Depuis quelques années en effet,
les choses empirent en se compliquant. Au simple tronçonnage des
grumes, déjà destructeur, s’ajoutent
de multiples projets de barrages
pharaoniques et inutiles, sauf
pour les entreprises mandataires.
Lesquelles, curieusement, sont
souvent aux mains de proches du
pouvoir politique… Idem pour les
immenses monocultures de palmiers
à huile qui remplacent la jungle déjà
lacérée par les pistes de chantiers et
de bûcheronnage, légal et illégal. Le
tout génère des milliards de profits,
en partie liés à un vaste système de
corruption : concessions contre potsde-vin, ministres cumulant politique
et intérêts privés, tout y passe. Or
qui dit « corruption » dit « blanchiment d’argent ». Et qui dit « blanchiment d’argent » dit quoi ? « Banques
suisses », bien sûr.
sans moufter au transfert, depuis
le fonds étatique en question, d’un
« don » de 681 millions de dollars au
Premier ministre malaisien. Sympa.
Les petits cadeaux entretiennent
l’amitié, c’est bien connu.
La Fondation Bruno Manser, qui
a contribué à révéler le scandale
et à faire épingler la banque BSI,
demande désormais au Conseil
fédéral que les 95 millions saisis par
la FINMA ne soient pas versés à la
caisse fédérale, mais affectés à un
En mai 2016, la banque tessinoise
LA PALME
DE LA MAGOUILLE
BSI (ex-Banca della Svizzera italiana)
a été sévèrement fessée par l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA), qui a saisi
la bagatelle de 95 millions de francs.
De son côté, le Ministère public de la
Confédération a engagé une action
judiciaire contre l’établissement.
Motif ? La banque BSI a prêté son
aimable concours au pillage d’un
fonds étatique malaisien, en principe
voué au développement économique
et social, par des politiciens malaisiens qui ont préféré y pomper de
l’argent de poche personnel. C’est
ainsi que la banque tessinoise, avec
d’autres officines suisses, a procédé
fonds de développement durable.
A ce stade, il peut sembler étrange
qu’UBS n’ait pas encore été mentionnée. Voilà qui est fait. La grande
banque aurait en effet, entre 2006
et 2007, blanchi 90 millions de dollars de pots-de-vin liés à la déforestation dans la province de Sabah.
Via des comptes établis à Singapour,
Hong Kong et Zurich, l’argent a été
généreusement offert par des entreprises de bûcheronnage au chef
du Gouvernement de Sabah, Musa
Aman (frère du ministre malaisien
des Affaires étrangères, la famille
c’est sacré). Selon la Fondation
Manser, les virements bancaires
portaient la mention « deposit for
logging concession », dépôt pour des
concessions d’exploitation forestière : ça a le mérite d’être limpide, et
dès lors on doute que les gens d’UBS
soient candides au point de n’avoir
pas suspecté un graissage de patte.
Manifestement, le Ministère public
de la Confédération en doute aussi,
puisqu’il a intenté une action contre
la banque en 2012. La procédure est
encore en cours, les deux parties se
querellant au Tribunal fédéral autour
d’un document qu’UBS, allez savoir
pourquoi, refuse de fournir.
Ces deux cas ne sont que des
exemples de combines courantes à
vaste échelle. Concessions, corruption, blanchiment : des groupes privés obtiennent des droits d’exploitation en arrosant copieusement des
politiciens véreux, avec la bienveillante assistance de banques suisses.
Ainsi disparaît la forêt vierge, victime de financiers cravatés qui ne
connaissent que la loi de la jungle.
Laurent Flutsch
Vigousse vendredi 26 août 2016
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FAITS DIVERS ET VARIÉS
Un bon coup de racket
Jusqu’à pudeur
QUI ABUS BOIRA N’écoutant que son courtage, la société de recouvrement Intrum Justitia, qui aurait mieux fait de s’appeler juste
Intrum, se targue de faire payer aux gens leurs écarts de conduite. De préférence deux fois.
Les méthodes douteuses des sociétés de recouvrement, tout le monde
les connaît : lettres frisant la menace,
frais de poursuite exorbitants (entre
16 et 40 % de la créance pour Intrum
Justitia) et un acharnement à faire
passer Donald Trump pour un
moine zen. Depuis des années, les
associations de défense des consommateurs encouragent les débiteurs à
ne pas céder à la pression et à s’engager dans des procédures sans fin permettant, dans le meilleur des cas, de
s’épargner ces frais abusifs.
DÉSHABILLÉ DE SOI
tocards qui n’ont pas la clairvoyance
de suivre religieusement « A bon
entendeur » auront bêtement cru
acheter leur tranquillité en s’acquittant sans rechigner de ces frais abusifs. Ce qui revient en fait à se fourrer
le doigt dans l’oreille d’un sourd et
bien pire encore.
LA POURSUITE
INFERNALE
La société Intrum, pour qui « le
maintien de la relation client et de la
réputation » n’est pas un vain mot, a
accepté de répondre à nos questions
(quelques-unes, en tout cas). Pour
son porte-parole Michael Loss, « le
Vigousse vendredi 26 août 2016
À POIL ! Les bipèdes à fort coefficient cérébral ont découvert un jour
la pudeur : reste à dévoiler en quoi cela consiste.
A l’heure où tout se dit, se montre
et se sait immédiatement sur des
réseaux sociaux où des centaines de
millions d’individus se connectent
volontairement, on pourrait penser
que notre époque est celle de l’impudeur. De fait, personne n’a probablement jamais autant dévoilé
sur soi-même et à autant de monde
dans l’histoire de l’humanité qu’aujourd’hui. Mais le diagnostic est
Les naïfs, les flemmards et les
Certes, dans un premier temps, le
problème semble réglé. La dette
est soldée, l’opprobre est effacé, et
l’ex-mauvais payeur retrouve la
paix. Sauf qu’une nouvelle déconvenue l’attend. Si, afin de contracter
un crédit ou de louer un appartement, il souhaite se refaire une virginité administrative en radiant de
son extrait de registre l’infamante
poursuite désormais caduque, il
apprend que c’est parfaitement possible. Alors, de quoi se plaint-on ?
C’est parfaitement possible, mais ça
coûte 100 francs. Voilà de quoi on
se plaint.
La plupart des sociétés effectuent
pourtant cette démarche à titre gracieux. Et ce pour la bonne raison
que, comme nous le confirme monsieur Romano, préposé à l’Office des
poursuites de Lausanne, elle ne leur
coûte rien.
montant de 100 francs n’est ni excessif
ni inhabituel ». « D’autres font pire » et
« la radiation est un service » (pas de
ceux qu’on vous rend ; de ceux qui
se paient, évidemment).
Mais quelles lourdes démarches
administratives ces 100 francs
sont-ils censés financer ? Réponse :
« Ecrire une lettre à l’office concerné,
aviser le débiteur que c’est fait et fermer le dossier. » Un véritable parcours du combattant, en effet.
Exploitant une béance de la loi suisse
concernant le montant qu’un créancier est en droit de demander pour
la radiation d’une poursuite, Intrum,
qui cherche toujours à développer
« des solutions clients innovantes », a
dû juger que 100 francs, ça faisait
« innovant ». Même si ce n’est pas
exactement le mot qu’emploierait
la juriste de la Fédération romande
des consommateurs Valérie Muster,
qui aurait penché davantage pour
des termes comme « excessif » ou
« abusif ». Mais loin de nous l’idée
de pinailler sur les mots.
7
FAITS DIVERS ET VARIÉS
Quant à connaître le bénéfice annuel
généré par cette pratique contestable,
Michael Loss nous « remercie de comprendre que l’entreprise ne révèle pas
des détails d’une telle granularité ». Il
n’y a pas de quoi, voyons. D’autant
qu’il n’y a qu’à aller sur le site internet
d’Intrum pour obtenir des éléments
de réponse. Intrum Suisse se vante
de gérer pas moins de 2 millions de
dossiers de recouvrement par année.
A supposer que 10 % des débiteurs
casquent puis réclament une radiation, il suffirait de savoir multiplier
200 000 par 100 pour évaluer le degré
de « granularité » avec lequel Intrum
se sucre. Séverine André
peut-être un peu rapide : on montre
ce qu’on veut bien montrer, et la
transparence globale pourrait bien
avoir pour corollaire une prudence et
une défiance exacerbées envers l’exhibitionnisme du moi triomphant.
Paradoxe, c’est la pudeur qu’on
remarque : ce burkini qui attire
davantage le regard que les lassantes
bimbos siliconées, bien sûr, mais également, apprend-on dans Le Matin
(20.8), ces morveux qui refusent la
douche collective après la gym ou
s’y résignent sans quitter leurs sousvêtements… Pourquoi de telles préoccupations ? On y verrait plus clair
si le concept de « pudeur » avait été
élucidé une fois pour toutes, mais
comme souvent, l’animal humain ne
se met pas facilement à nu.
Ce n’est pas faute d’avoir essayé.
La psychologie de la pudeur a suscité d’innombrables spéculations à
la toute fin du XIXe siècle. Charles
Darwin la définissait, avec la timidité et la honte, comme un processus d’« auto-attention dirigée
vers l’apparence personnelle, en lien
avec l’opinion d’autrui ». En gros, la
pudeur émerge quand la conscience
de soi permet de se comparer aux
autres. Le fondateur de la psychologie moderne William James proposait un mécanisme plus précis. Pour
lui, la pudeur c’est « l’application en
seconde instance à nous-mêmes des
jugements que nous exerçons en premier lieu sur nos congénères ». En
gros, c’est le fait de critiquer les
autres qui conduit à ressentir de la
pudeur lorsqu’on fait la même chose
qu’eux.
Le pionnier de la sexologie Havellock
Ellis situait l’origine de la pudeur
dans l’émotion du dégoût : l’expérience du dégoût aurait conduit à la
peur de dégoûter autrui, qui aurait
évolué en la peur de décevoir, de
choquer et d’être exclu du groupe.
Ellis faisait grand cas de notre tendance à rougir, racine biologique et
signal irrépressible de la pudeur, avec
cette hypothèse mémorable : « Les
gens ne rougissent pas parce qu’ils
sont pudiques, ils sont pudiques parce
qu’ils rougissent. » Dans le même
ordre d’idées, le sociologue William
Thomas disait que l’homme n’a pas
inventé l’habillage par pudeur, mais
qu’il est devenu pudique parce qu’il
s’habille. Pour lui, la pudeur n’est
pas un sentiment individuel, mais
une défense collective contre toute
transgression susceptible d’attirer
l’attention ou de perturber l’équilibre social.
Ce débat assez sophistiqué a eu lieu
autour de 1899, et on ne semble pas
plus avancé aujourd’hui. Mais ce bref
florilège indique bien comment la
pudeur constitue une interface entre,
d’une part, les racines biologiques
des émotions et de la conscience de
soi, et d’autre part notre expérience
d’animal social, indissociable du
groupe dans lequel il évolue. A ce
compte, la pudeur, sentiment viscéral et individuel, a rapidement pu
être récupérée comme outil pour
signaler sa vertu et devenir un message exagéré, socialisé, et même politisé. A tel point que la pudeur a fini
par devenir impudique. Notre espèce
est décidément pleine de surprises…
Sebastian Dieguez
« The evolution of modesty », H. Ellis,
Psychological Review, vol. 6, pp. 134-145, 1899.
« The psychology of modesty and
clothing », W. Thomas, American Journal
of Sociology, vol. 5, 246-262, 1899.
PUB
Je pustule pour un appartement
Plutôt que de payer 100 balles pour faire effacer une ancienne
poursuite, peut-on simplement la laisser figurer dans son dossier ?
Pour obtenir un bail à loyer, par exemple, ce vestige est-il un
handicap ? Nous avons posé la question à la régie lausannoise
Galland : le patron en personne nous a assuré qu’une poursuite
payée mais non effacée du registre n’a aucun poids dans la
décision d’attribution d’un logement. Bonne nouvelle. Insistons
tout de même : entre deux dossiers parfaitement égaux par
ailleurs, une poursuite, toute payée fût-elle, ne ferait-elle pas
pencher la balance ? Monsieur Galland, dont nous allons voir
à l’instant qu’il ne porte pas ce nom par hasard, concède texto :
« C’est comme quand vous avez deux jolies femmes en face de vous
et qu’y en a une qui a un bouton sur le nez. »
Vigousse vendredi 26 août 2016
8
FAITS DIVERS ET VARIÉS
Les voix de
la gare de Côme
ÉCRIT DU CŒUR Les migrants bloqués à la frontière entre l’Italie et
la Suisse ont décrit leur souffrance dans une lettre ouverte à la Ville.
Aux portes de la Suisse, près de
500 migrants campent depuis un
mois dans des conditions indignes
près de la gare San Giovanni à Côme
(I). Africains en majorité, ils ont été
refoulés de Suisse ou tentent de
rejoindre des proches dans le nord
de l’Europe. Ce camp improvisé
ressemble à la « jungle » de Calais,
estiment les médias.
Le silence de la Suisse officielle,
d’abord assourdissant, devient dis­
cours discordants. Ueli Maurer
prône un respect strict de la loi :
les garde-frontière doivent renvoyer immédiatement les migrants
qui veulent transiter par la Suisse.
En juillet, plus de 3500 personnes
se sont ainsi vues refoulées à
Chiasso. Lundi, pourtant, Didier
Burkhalter intervenait à la radio
alémanique pour défendre l’idée
que « dans l’application de la loi, il
doit y avoir aussi la question de la
marge d’appréciation humanitaire
qui joue un rôle, surtout pour tout
ce qui concerne les cas qui ont un
impact sur les êtres humains ».
Le 10 août dernier, une centaine de
migrants présents à la gare et une
trentaine d’Européens solidaires ont
écrit une lettre ouverte à la Municipalité de Côme et, par ricochet, aux
autorités helvétiques pour qu’elles
créent un corridor humanitaire.
Pour réaliser la difficulté de cet exercice exceptionnel, il faut savoir que
les rencontres se sont tenues en anglais et en français, avec traduction
simultanée en arabe, oromo, tigrigna et amharique. La lettre a ensuite
été traduite de l’anglais en italien
pour la Commune de Côme. Voici
sept extraits de ce texte qui n’a pas
vraiment été repris dans la presse,
afin de donner une voix à ceux qui
n’en ont pas. Vigousse
QUELLE SEMAINE!
9
AFFAIRES EN COURT
On est pneu
de chose
Tout le plaisir
est pour toi !
Un homme retrouvé mort, poignardé, dans une mare de sang,
au milieu de voitures stationnées dont les pneus ont été crevés ? L’assassin ne peut être que
le vandale qui, surpris la main
dans le sac, aura éliminé le seul
témoin de ses méfaits. Ou alors,
et c’est ce qu’a conclu, non
sans un certain « cluedisme »,
la police de Nynäshamn, en
Suède, le coupable et la victime
ne sont qu’une seule et même
personne. Occupé à percer les
pneus de ses voisins, le malheureux quinquagénaire a vu son
couteau se retourner contre lui
quand l’un des pneumatiques a
malencontreusement explosé.
La probabilité était infime. La
roue du destin a encore frappé.
« Il faut exciser toutes les
femmes afin que la débauche
n’existe plus sur Terre. » Tels sont
les propos qu’un certain Ismaïl
Berdiev, mufti du Daguestan,
tenait la semaine dernière à
l’agence de presse russe Interfax.
Par chance, le conseiller du
Premier ministre Medvedev, un
certain Guennadi Onitchenko, a
modéré ces propos en suggérant
qu’« une bonne éducation peut
être une alternative à l’excision,
permettant de préserver la
chasteté des jeunes filles et
d’empêcher des femmes de
céder à l’adultère ». Le support
pédagogique, intitulé « Le plaisir,
non merci, ma cousine a essayé
et elle s’en mord encore les
doigts », devrait être bientôt
disponible dans toutes les
bonnes boucheries soviétiques.
1. « Nous sommes des personnes originaires de divers continents et de divers
Etats ; nous provenons de divers parcours, cultures, groupes ethniques et
religieux... mais nous sommes tous ici : nous sommes simplement réfugiés.
Nous avons dû abandonner nos pays parce que nos droits humains ont été
violés, ou parce que nous avons été persécutés. »
2. « Nous avons perdu de nombreux amis ou parents. Nous avons dû saigner, mourir de faim, supporter la douleur. Pour tout cela, nous souffrons
encore : tant de cauchemars et de tristes souvenirs. Nous devrons vivre avec
cela pendant le reste de notre vie. » 3. « Quand nous avons débarqué sur les côtes italiennes, on ne nous a pas
expliqué les lois sur le droit d’asile en Europe. Nous avons été obligés de
donner nos empreintes digitales. Cela nous empêche de faire des demandes
d’asile ailleurs. Maintenant, nous sommes bloqués à la frontière suisse.
Chaque fois que nous essayons de la franchir, la police nous repousse. »
4. « Nous ne sommes pas des animaux mais des êtres humains et nous
demandons que l’on nous respecte. Nous avons tenté tant de fois de passer
la frontière en train, dans des bus ou en passant par la forêt, mais les gardefrontière nous ont rassemblés comme des bêtes. »
5. « Lors des contrôles, on nous soumet constamment aux humiliations,
nous sommes obligés de nous dévêtir, sans séparation des genres. On nous
a gardés dans de petites pièces pendant plus d’une journée, sans nourriture,
ni eau, ni soutien juridique. A la fin, ils nous ont renvoyés au point zéro,
dans le sud de l’Italie, séparant des familles, des amis... »
AVIS DE RECHERCHE
Avez-vous vu cet homme ?
Agé de 64 ans, taille
et corpulence moyenne,
signes particulier néant.
Portait au moment de
sa disparition un costume
gris pas du tout voyant.
Selon certaines indications,
l’individu exercerait
la fonction de président
de la Confédération
helvétique.
6. « Nous nous demandons pourquoi l’on criminalise la tentative de passer
la frontière, alors que fouler aux pieds nos droits humains est devenu une
pratique systématique. »
7. « Nous demandons que soit ouvert un corridor humanitaire à travers
la Suisse pour rejoindre nos familles. »
Vigousse vendredi 26 août 2016
Vigousse vendredi 26 août 2016
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BIEN PROFOND DANS L'ACTU
LE FIN MOT DE L'HISTOIRE
Pitch
Cohabitation virtuelle
LE COURRIER
DU CHIEUR
LES PUBLICITÉS DU PROFESSEUR JUNGE Cette semaine :
je présente quelques produits innovants permettant de régler
tous les problèmes religieux dans l’espace public.
Vous en avez assez des débats stériles sur le port de la burqa dans la
rue, sur la présence du burkini sur
les plages, sur le voile à l’école, sur
les crucifix dans les classes, et mille
autres sujets religieux bien trop compliqués pour qu’on puisse statuer
dessus sans fâcher tout le monde ?
Alors les produits de la maison
Kompromis Demokratik sont pour
vous ! Nous en avons pour tous
les goûts, toutes les confessions et
toutes les idéologies.
Votre religion vous impose de cacher
votre corps plein de courbes tentatrices des yeux des mâles ? Mais vous
ne supportez plus les regards désapprobateurs des passants qui jugent
que vous êtes enfermée dans une
« prison mobile » ? Alors essayez
notre large gamme de déguisements
à enfiler par-dessus burqa, niqab et
autres voiles. Notre accoutrement de
momie amusera tous les cinéphiles
amateurs des classiques de l’horreur.
Et nos costumes de super-héros au
visage masqué (Batman, SpiderMan, Iron Man et autres Captain
America) raviront les enfants tout
en préservant votre anatomie des
regards inquisiteurs. Quant à notre
collection de tueurs psychopathes
issus de Vendredi 13, Scream ou
Massacre à la tronçonneuse, elle fera
s’écarter craintivement les gens dans
la rue. Fonctionne aussi très bien
pour les nonnes, prêtres, moines
boud­dhistes, rabbins, raéliens, etc.
Si vous n’êtes pas directement
concerné par le port de vêtements
contraignants mais que vous n’aimez
pas le spectacle qui s’offre à vous dans
les lieux publics, alors adoptez nos
lunettes VivrEnsemble™ ! Basées
sur la même technologie de réalité augmentée que le jeu Pokémon
Go, les lunettes VivrEnsemble™ ne
vous montrent que ce que vous voulez voir. Elles analysent en direct ce
qui se trouve dans votre champ de
vision et le réinterprètent selon vos
souhaits. De nombreux réglages sont
disponibles.
Sur « intégrisme », toutes les femmes
que vous croisez se retrouvent affublées électroniquement de vêtements
couvrant l’entier du corps. L’ajout de
barbes aux hommes est en option.
Sur « démocratie », les femmes apparaissent toutes habillées de robes
A Jean-Marie
Cleusix
Donneur de leçons
Cher Monsieur Cleusix,
et le visage libre. Sur « féminisme
attardé », c’est minijupe pour les
dames. Avec « féminisme dur », pantalons pour tout le monde. Et pour
les plus déterminées, « féminisme
hystérique » gomme tous les tissus
qui recouvrent les seins et ajoute des
slogans sur la poitrine et une couronne de fleurs sur la tête.
Les plus pointilleux aimeront le
réglage « laïcité intraitable », qui fait
disparaître tout signe religieux ostensible, y compris croix, croissants
et étoiles. « Piscine convenable »
transforme les burkinis en maillots une pièce, tandis qu’« alerte à
Malibu » rajoute des fortes poitrines.
Pour les connaisseurs, « naturisme »
met tout le monde sur un pied d’égalité (option bloquée sur les modèles
VivrEnsemble™ pour enfants).
Alors ne perdez plus votre temps en
arguties interminables : adoptez les
produits Kompromis Demokratik,
les seuls qui permettent le multiculturalisme sans douleur. Professeur
Junge, phare de la pensée contemporaine
Décidément, personne ne vous
aime. Démissionné de la direction de l’Enseignement valaisan
après trois ans de polémique,
vous deviez vous dire qu’on allait
enfin vous laisser en paix. C’était
compter sans la hargne inextinguible du corps enseignant à votre
égard. Vos futurs collègues du
Collège de Saint-Maurice s’opposent à votre parachutage dans
leur établissement, imposé par
Oskar Freysinger, en tant que professeur de philosophie. Et ce au
prétexte qu’un haut fonctionnaire
qui ne payait pas ses impôts est
mal placé pour donner des cours
de morale aux élèves.
C’est faire preuve d’une bien
courte vue de leur part. Ainsi,
Jean-Jacques Rousseau a fait longtemps autorité dans le domaine
de l’éducation alors qu’il avait
abandonné ses enfants. Et JeanPaul Sartre a prôné l’action sans
jamais lever le derrière de son
fauteuil rembourré. On ne voit
donc pas en quoi avoir cherché
à truander le fisc vous handicaperait pour enseigner les bases
du civisme.
11
L’amour à l’état brute
La nature est mal faite. Prenons pour
seul exemple les processus de reproduction en usage chez les espèces
animales prétendument « évoluées » :
dans un monde régi par le bon sens,
sachant que les mâles et les femelles
sont en nombre à peu près égal, la
chose se ferait tout simplement, sans
histoires, en toute spontanéité, dans
l’harmonie et la volupté. Or tel n’est
pas le cas. Dans cette existence moisie, il faut au contraire que le sexe
implique des tracas à n’en plus finir.
Ainsi observe-t-on régulièrement des
situations pénibles, triangulaires, avec
deux mâles pour une femelle. C’est
énervant.
Lourde de conséquences malsaines,
cette déplorable tendance de la nature
à ne pas faire simple quand elle peut
faire compliqué finit par affecter
jusqu’à l’anatomie des victimes. Des
cervidés mâles sont dès lors contraints
de trimballer une ramure ridicule et
malcommode qui s’accroche dans
toutes les branches basses, aux seules
fins de frimer et de se télescoper violemment en duel pour séduire une
biche. Des oiseaux doivent renoncer
à toute dignité en arborant des jabots
bariolés du plus mauvais goût ou des
plumes caudales du pire style tapeà-l’œil, en vue de convoler aver une
dame oiselle. Et des primates sont forcés de rivaliser en exhibant un cabriolet, en apprenant à danser le tango, en
s’efforçant d’être drôles ou en pratiquant la musculation dans l’espoir
d’évincer la concurrence.
C’est ainsi qu’une loi naturelle
dévoyée a engendré la pratique trop
friandes de boucheries rigolotes. « Tue,
frappe, brûle ! », beuglaient-elles sur les
gradins, selon le témoignage vécu du
philosophe Sénèque ; « pourquoi celuici est-il si mou à foncer contre le fer ?
Pourquoi rechigne-t-il à tuer ?
Il met de la mauvaise volonté à
mourir ! » Un passe-temps très
distrayant, donc. Quant aux
acteurs du spectacle, ils pouvaient en alignant les victoires
devenir de grandes vedettes,
qui affolaient les sens de la
gent féminine : un gladiateur
de Pompéi était surnommé
Suspirium Puellarum, « le soupir des jeunes filles ». C’est bien
Fig. 1. Dindon de la farce (à gauche).
ce qu’on disait : entre le duel
entre cerfs et les sports de combat, le fondement demeure.
Rien d’étonnant donc à ce que les
civilisations humaines aient prolongé Il n’y a guère qu’en Suisse, et surdans leur culture cette dérive de la tout en Suisse allemande, que la lutte
nature ; d’où toutes sortes d’affronte- traditionnelle entre mâles dominants
ments virils en public, sous forme de semble investie d’un rôle légèrement
pugilat, de pancrace, de boxe berri- différent. Celui qui triomphe n’obchonne et autres démonstrations de tient pas les faveurs d’une créature
force, la plus aboutie étant sans doute féminine apte à la reproduction : il
obtient un taureau (apte à la reprole combat de gladiateurs.
duction lui aussi, mais là n’est pas la
Dans l’Antiquité romaine, cet aimable question). Dans cette variante assez
divertissement faisait fureur, comme saugrenue, des mastards se mesurent
chacun sait. Affublés de panoplies à mains nues, en cherchant par tous
diverses selon leur catégorie (filet, les moyens à s’empoigner par le bastrident et poignard pour les rétiaires, sin. Toutefois, leur silhouette massive
grand bouclier, casque et épée pour
et trapue n’offre guère de prise, faute
les mirmillons, petit bouclier, dague de stéatopygie (ou fessier rebondi) : ils
recourbée et jambières pour les doivent donc y remédier en s’équipant
thraces…), ou alors nus comme des d’une culotte de jute.
vers avec un glaive, les combattants Réflexion faite, les bois des cerfs ne
s’étripaient gaiement dans l’arène, sont pas si ridicules, finalement.
Laurent Flutsch
à la grande joie des foules toujours
répandue du combat singulier entre
prétendants. Un combat qui forcément
consiste aussi à se donner en spectacle,
puisqu’il s’agit d’impressionner favorablement la femelle en jeu.
Le strip de Vincent
Certes, on pourrait admettre que
vous auriez davantage à apporter dans d’autres branches. En
cours d’économie, vous prodigueriez sans doute des conseils
fort utiles sur les mille et une
manières de ne pas se ruiner en
impôts. De même que vos trucs pour
durer professionnellement malgré
des casseroles ne pourraient que
passionner des étudiants sur le
point d’entrer dans la vie active.
Bref, vous avez encore beaucoup à
apporter à la jeunesse valaisanne.
Stéphane Babey
Vigousse vendredi 26 août 2016
Vigousse vendredi 26 août 2016
12
CULTURE
Des védés
CULTURE
Des bouquins
Des films
Colombes
et Faucons
L’assassinat de l’homme politique
israélien Yitzhak Rabin en 1995 reste
gravé comme un événement politique
majeur qui altéra drastiquement
l’ouverture esquissée par ce pays
envers la Palestine, car il permit l’accès
au pouvoir de personnalités qui ne
partageaient en rien les opinions de feu
le Premier ministre. Ardent défenseur
d’une solution pacifique, négociée et
donc, à terme, d’une reconnaissance
d’un Etat palestinien, Rabin a sans
doute réveillé des colères très profondes
et contrecarré de fins calculs politiques.
Amos Gitaï essaie de reconstituer cette
journée fatidique dans un docu-fiction
qui devient un thriller haletant. Si ses
opinions politiques sont connues, il
s’abstient de crier au complot mais
tente de proposer les faits en laissant
le public les interpréter. Le résultat
fait néanmoins froid dans le dos ;
jamais sans doute depuis Kennedy, un
assassinat politique n’aura eu autant de
répercussions sur la politique mondiale.
Michael Frei, Karloff, films culte, rares
et classiques, Lausanne
Le dernier jour
d’Yitzhak Rabin,
Amos Gitaï, 2015,
Blaq Out, vf et vost,
DVD, 153 min.
PUB
Statham, ça tatane !
À VOUS DE VOIR Toujours debout – c’est ce qu’il appelle Rester vertical –, Jason Statham dégomme
du vilain dans Mechanic : Resurrection. Pas le genre de type à avoir peur Dans le noir !
Pour ceux qui ont de la suite dans
les idées. Enfin plus de suite que
d’idées… A une époque il y eut
Stallone et Schwarzie, puis Bruce
Willis, Steven Seagal ou Tom Cruise.
Aujourd’hui, Jason Statham, acteur
britannique moins flegmatique que
d’autres, a fait main basse sur le film
d’action dans des longs métrages qui,
très souvent, permettent aux producteurs de se passer de scénariste.
Y a pas de petite économie. Dans
Mechanic : Resurrection, il retrouve
son personnage d’Arthur Bishop, le
tueur à gages du Flingueur, qui n’était
déjà pas très original puisqu’il s’agissait du remake d’un vieux Charles
Bronson. Bishop y reprend du service pour les beaux yeux d’un joli
petit lot. Comme c’est Jessica Alba,
on le comprend. Trois cibles a priori
inaccessibles doivent tomber sinon…
Pif, paf, boum, Statham connaît la
musique. C’est même un festival de
gnons à lui tout seul. Rien de nouveau sous le soleil, que ce soit celui
de Rio, Bangkok, Sydney ou Varna,
c’est amusant si on regarde ça au
deuxième degré, cerveau débranché. Notre Jason démantibule des
mâchoires sans les desserrer, démet
BROUILLON
DE CULTURE
LA PIEUVRE PAR TROIS
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Restauration tous les jours dès 5h
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Les 26 et 27 août, Meyrin-Village
accueille les amateurs de musique
dans son festival open air gratuit. Si le
26 c’est métal, on console ses oreilles
le 27 avec du punk, du rocksteady
« et même un peu de folk ». Octopode,
www.sub-session.ch/octopode
CORPS Du 1er au 11 septembre,
le Temple Allemand à La Chauxde-Fonds héberge le festival de
danse contemporaine Antilope.
La compagnie Objets-Fax y présentera
sa nouvelle création Camera Obscura.
www.facebook.com/ricrozoobjetsfax/home
Vigousse vendredi 26 août 2016
des épaules en haussant les siennes
et tire à tort et à travers. De balles,
Mechanic : Resurrection en vaut deux.
Pour ceux qui y voient clair. A coups
de portes qui grincent, de musique
angoissante et de créature flippante –
vu les ongles, le fantôme de Florence
Griffith-Joyner –, Dans le noir a la
folle prétention de nous foutre les
jetons. Mais entre ce petit film et un
grand film d’épouvante, c’est le jour
et la nuit.
Pour ceux qui trouvent que ça ne
tient pas debout. Léo cherche le loup
TEL ÉPRIS… Les 26 et 27 août,
plusieurs villes – dont Genève,
Fribourg et Sion – organisent une
nuit des chauves-souris. Dans cette
optique, les personnes intéressées
sont conviées à rejoindre l’un des
points de rencontre afin que les bêtes
volantes puissent contempler plus
avant les curieux mammifères que
nous sommes. www.chauves-souris.ch
TOUT ZORN Compositeur et
saxophoniste, le New-Yorkais John Zorn
est un habitué du Festival de jazz de
Willisau. Il revient samedi après-midi
dans la campagne lucernoise avec
son Masada Quartet (Dave Douglas,
Greg Cohen et Joey Baron). D’autres
formations lui rendent hommage ce
même jour. Du 31 août au 4 septembre,
www.jazzfestivalwillisau.ch
sur un causse de Lozère. Marie le
voit. Résultat : un enfant naît. A partir de là, accrochez-vous… Scénario
erratique, acteurs catastrophiques,
scènes éprouvantes (accouchement
en gros plan, euthanasie par sodomie (si, si)), Rester vertical, c’est
causse toujours, tu m’intéresses !
Bertrand Lesarmes
Mechanic : Resurrection, de Dennis
Gansel (1 h 39) ; Dans le noir, de
David F. Sandberg (1 h 21) ; Rester
vertical, d’Alain Guiraudie (1 h 40).
Tous en salles.
BORGNE IDÉE Une petite fille qui
détrousse des touristes pour s’acheter
une maman et qui finit par rencontrer
un guitariste aveugle ? C’est l’histoire
racontée par le film Blanka, programmé
par les Cinémas du Grütli. A Genève,
jusqu’au 28 août.
www.cinemas-du-grutli.ch
vomir, jusqu’à en mourir. Ou presque.
Conçu à travers le prisme de la corrida, le taureau par avance sacrifié au
pouvoir du matador, ce récit sulfureux, le plus souvent cruel, se veut
d’une terrifiante efficacité. L’auteure,
Genevoise aujourd’hui établie à Paris
et comme son héroïne « citoyenne du
monde », ne ménage ni le lecteur ni sa
peine quand il s’agit de décrire son
asservissement à un homme d’une
habileté diabolique et d’une perversité sans limites aucunes.
Il arrive pourtant que, même tradi-
tionnellement promis à la mort, le
taureau parvienne à sortir vainqueur
de l’inégal combat. Ce serait alors que
l’animal serait parvenu à comprendre
que la muleta n’était qu’un leurre,
que l’ennemi n’était pas tant le tissu
rouge agité sous son nez que le bras
qui l’agite.
Le chaos parfait
Nicole Kranz est-elle d’ores et déjà
à ranger sur le rayon des écrivains
« importants » d’aujourd’hui ? Il faut
se poser la question. Car même si le
récit se perd parfois dans d’inutiles
redites, même si l’écriture elle-même
gagnerait beaucoup à être simplifiée,
ce roman, sorte de huis clos étouffant,
a le mérite de maintenir le suspense de
la première à la dernière de ses lignes.
Simple « coup » d’éditeur habile ou
coup de maître, au lecteur de choisir.
Roger Jaunin
BullShit (Ceci n’est pas un roman
d’amour), de Nicole Kranz, Editions
Torticolis et frères. 408 pages.
Un dernier verre de Choron
Les Editions Wombat inaugurent
leur nouvelle collection de petits
formats, Poche comique, avec une
réédition de Je bois, je fume et je vous
emmerde, un opuscule du début
des années 1990 dans lequel JeanChristophe Florentin recueillait
quelques propos philosophiques
de bistrot du professeur Choron.
Présenté sous forme d’une conversation un peu artificielle, le texte
ne décontenancera pas ceux qui
connaissent déjà le misanthrope
fondateur de Hara-Kiri. Déclarations
tonitruantes, gauloiseries assénées
sur un ton péremptoire et délires
divers s’enchaînent sans trop d’ordonnancement. Tout cela n’ajoutera
pas grand-chose à la gloire posthume
du bonhomme, disparu en 2005,
mais comme il n’est justement pas
près de sortir de matériel neuf, ceci
fera office d’amuse-gueule en attendant sa résurrection. Pour autant que
Dieu lui ait pardonné d’ici là toutes
les horreurs qu’il a dites à son sujet.
Stéphane Babey
Je bois, je fume et je vous emmerde,
professeur Choron, Editions Wombat,
64 pages.
L’alchimiste sonore Larkian peaufine depuis longtemps la recette de
sa pierre philosophale. Elle consiste
à mettre en boucle de petites phrases
musicales réalisées à la guitare, à
les empiler les unes sur les autres
et à les triturer pour les faire évoluer progressivement. Ce processus minutieux prend du temps,
aussi chacun des quatre morceaux
du nouvel album du Lausannois
occupe-t-il une face complète de
ce double vinyle et dure-t-il entre
16 et 18 minutes. A force d’effets
et de superpositions, les compositions parties d’infimes détails se
transforment en maelströms planants et débordant d’électricité qui
engouffrent l’auditeur dans leurs
vagues hypnotiques. Larkian touche
à l’épique avec cette nouvelle sortie
et s’approche de plus en plus de la
perfection. S. Ba
Iterations : Alterations, Larkian, Cruel
Bones records, double vinyle et digital,
larkian.bandcamp.com/album/
iterations-alterations
PUB
SECRET BANCAIRE « Tout
citoyen digne de ce nom ferait bien
de voir Offshore – Elmer et le secret
bancaire suisse et de méditer », écrit
Le Temps (17.8). Or ce documentaire
sur le lanceur d’alerte Rudolf Elmer
ne passe que dans des petites salles
de Suisse romande. A l’ABC à La
Chaux-de-Fonds notamment, le mardi
30 août, en présence du réalisateur
Werner Schweizer. www.abc-culture.ch
Un disque
Dégoût et des douleurs
Nicole Kranz prévient d’entrée, « ceci
n’est pas une histoire d’amour ». Alors
quoi ? Une histoire « à la con », ainsi
que le titre de ce premier roman
semble vouloir l’indiquer ? BullShit,
donc : Chloé a quitté New York,
abandonné sa carrière, ses amis et
ses relations pour rejoindre Cédric,
à Genève. L’homme est riche, attentionné, Chloé s’abandonne à ce
qu’elle veut vivre comme un bel
amour. Les règles du jeu, cependant, vont très vite se modifier.
Cloîtrée dans ce qui ressemble à s’y
méprendre à un harcèlement moral,
elle va rapidement rayer le « non »
de son vocabulaire et céder, parfaitement consentante, à tous les fantasmes sexuels de son partenaire.
Clubs glauques, rencontres nocturnes sur les aires d’autoroutes, dialogues les plus malsains, sodomie de
groupe, elle accepte tout, jusqu’à en
13
Sortie début
septembre
272 pages,
format
12x18 cm.
L’actu à l’imparfait
du subjectif
Dans les pages de Vigousse, la chronique « Le fin mot de l’Histoire » ne recule devant
rien pour prendre du recul. Reliant une actualité quelconque à un passé choisi et vice
versa, elle fait preuve d’une grande rigueur scientifique, d’une objectivité scrupuleuse,
d’un souci constant de l’authenticité historique et d’une mauvaise foi crasse.
Plus de 60 nouvelles chroniques signées Laurent Flutsch et dans lesquelles tous les
faits historiques sont certifiés rigoureusement authentiques, sauf certains.
Vigousse vendredi 26 août 2016
14
15
REBUTS DE PRESSE
Attention
les yeux !
Dans le programme de la Braderie de
Porrentruy encarté dans Le Quotidien
Jurassien la semaine passée, deux
pages entières étaient consacrées au
fabuleux feu pyro-musical qui sera le
clou de la manifestation le samedi
27 août. Ce spectacle qui retracera
l’histoire de l’Humanité en 22 minutes
et 21 séquences (et juste au moyen de
fusées, il faut le faire !) sera diffusé en
direct sur RFJ. Pour ceux qui ne sont
pas du coin, rappelons que RFJ est une
radio… Nul doute que les auditeurs se
régaleront pendant 22 minutes avec
des bruits d’explosions et un petit
commentaire explicatif de temps en
temps, du genre « Oh la belle bleue ! »
ou « Oh la belle rouge ! » Quelques
suggestions de manifestations à suivre
en direct sur RFJ prochainement :
le record du monde du plus grand
nombre de dominos chutant les uns
sur les autres, une démonstration de
kaléidoscopes, ou encore une éclipse
de soleil. S. Ba.
LE CAHIER
On n’a pas osé
Le Matin entame une rubrique « On n’a pas osé »
dans son édition du 23.8. Il s’agit de présenter une
manchette du journal qui n’a finalement pas été
retenue. Parce que trop débile ou choquante ? On
l’ignore, mais heureusement il nous reste la manchette
« On a osé », celle de tous les jours. S. D.
Massimo au maximum
La fin des Jeux olympiques vous a laissé une sensation
de manque ? Heureusement, Massimo Lorenzi, rédacteur
en chef du département des sports de la RTS, était
là pour en remettre une couche, ce lundi au « 19:30 »
de Darius Rochebin sur RTS Un. Fidèle à l’esprit de
Coubertin, il semble penser que toutes les épreuves ont été
remportées haut la main. D’abord l’autocongratulation de
circonstance : « On est très contents, on a beaucoup travaillé
pour cette opération […] Le public était effectivement avec
nous […] On est contents d’avoir fait […] du bon boulot. »
C’est parti, go ! Ensuite le commentaire débile et vaguement
raciste : « Les Brésiliens ne sont pas des Londoniens, mais
enfin c’était pas non plus la corrida. » Allez, champion ! Et
enfin, la petite morale à deux balles : « Je suis plus sensible
à la défaite qu’à la victoire, quand les gens perdent, ils me
touchent plus que quand ils gagnent. » Waouw, quel finish !
Bravo Massimo, quand on pense qu’il y a des athlètes qui
se contentent bêtement de participer ! S. D.
PUB
DES SPORTS
ENSEIGNER
JO point final. Des médailles
par dizaines, quelques records
chronométrés au millième de seconde,
des rafales de chiffres, tout autant de
statistiques. On est là, les yeux rivés sur
l’écran de la RTS. Des journalistes qui
font, et dans l’ensemble plutôt bien,
leur boulot. Rien à redire : c’est propre,
sans bavure, calibré à la seconde près,
on ne saurait mieux estampillé « made
in Switzerland ». C’est que les chiffres,
c’est rassurant. Avec eux, impossible de
se tromper, c’est du solide, du factuel,
c’est sans risque d’erreur, ça fait vrai,
connaisseur, ça fait pro.
Se glisse une voix. Accent que l’on
dira du Jura bernois. Elle dit, cette voix,
on résume, que « lorsqu’on a la chance
de pouvoir transmettre ce que l’on
sait à des enfants de 8 à 10 ans venus
d’ailleurs, leurs sourires valent autant
qu’une médaille d’or ». Sur l’écran
défilent, en boucle, les images d’un
certain Nino, tout nouveau champion
olympique de VTT. La voix, c’est celle
de son entraîneur que Swiss Olympic
– ou Swiss Cycling, on s’en fiche –
n’a pas cru bon d’envoyer à Rio. Pas
d’amertume, pas de regrets, sinon qu’il
aurait « bien aimé partager ce moment
avec lui ».
Nicolas Siegenthaler travaille
avec Nino Schurter depuis plus de
quinze ans. Il est bardé de diplômes,
de brevets, a reçu de l’Aide sportive
suisse le prix d’entraîneur de l’année
2006, il est pour beaucoup, sinon pour
l’essentiel dans la réussite de Schurter.
Il dit que lorsqu’ils ont décidé de
travailler ensemble, il ne connaissait
rien : « J’ai dû apprendre avant de lui
enseigner » son métier de coureur
professionnel. Il a tout vécu. Jeune,
il a milité dans les rangs de la Ligue
marxiste révolutionnaire, a travaillé
sur les chantiers, avant d’obtenir son
brevet d’instituteur. Il n’était pas du
voyage à Rio et, au lendemain de la
victoire de son élève, a repris le chemin
de sa classe.
L’humour
enfin à la portée de tous
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Cet homme-là, c’est de l’or.
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Vigousse vendredi 26 août 2016
t
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Et ce sera tout pour cette semaine.
Roger Jaunin
MAG
VOIX
Sebastian Dieguez
OFF
« J’ai amené toute
une génération à la
lecture ! Dommage que
personne ne se soit chargé
de l’écriture… »
SCANDALE
MÉDIAS
Une écologiste découvre un gros
OGM dans sa soupe
Ces femmes copines d’une
journaliste qui témoignent
« C’était dégoûtant ! » Armande Taglin ne s’en est toujours pas remise. Jeudi
matin, en dégustant sa soupe brocoli-fenouil qu’elle a faite elle-même avec
des produits naturels, qu’est-ce qu’elle y trouve ?
Rosalia Zünken-Li, amie d’une journaliste, n’en démord pas : « Je
suis libre de dire tout ce que mon amie journaliste juge utile que je
dise pour son sujet qu’elle doit écrire. » Mais qui sont ces femmes
amies d’une journaliste qui témoignent ? Anoÿsbelle Favre-Duss,
amie d’une journaliste, elle-même ancienne journaliste, a accepté de
nous éclairer : « Nous témoignons afin que notre voix soit entendue,
tout le temps. Nous ne nous tairons pas, aussi longtemps que nos
amies journalistes nous demanderont de témoigner pour leur papier
qu’elles doivent écrire. » A ce jour, le nombre exact de ces femmes
amies d’une journaliste qui témoignent est inconnu, mais selon
un ami dans la police et notre partenaire de squash chargé de la
communication dans l’administration, il semblerait que quelques
femmes journalistes envisagent de demander une estimation à leurs
amies. Si vous disposez d’informations sur ce sujet, ou n’importe quoi
d’autre, votre amie journaliste se fera une joie de les relayer, pour un
prochain sujet qu’elle devra faire.
« Sur le moment j’ai pensé que c’était un vilain gluten, mais
en fait c’était un gros méchant OGM, beurk ! » Elle
ne s’explique toujours pas comment une telle chose
est possible. « Il n’a pas pu entrer par la fenêtre
ou rentrer sous ma porte, mon appartement
est parfaitement hermétique pour me protéger
des ondes gravitationnelles. » Heureusement,
les invasions d’OGM restent relativement rares,
mais dans ces situations, les associations
écologistes
recommandent
de passer
immédiatement
son logement
à la chaux vive bio.
À LA LOUCHE
Progrès Un algorithme
ridiculement simple remplacera
enfin les experts en nouvelles
technologies.
Tweets
Djehmilamina Boutddjedhinn @djeboutdd
J’ai raison et pis c’est tout !
#Cestcommeça
Auguste Pince @véritévraie
Vous avez vu ?
Elle recommence !! #cestreparti
Venom Guy @Dieu&Tradition
Ben ça alors !
#Dequoionparleaujuste
ÇA SE COMPLIQUE
Nouveau dérapage
de Djehmilamina
Boutddjedhinn ?
La fameuse militante aurait dit quelque chose
à propos des juifs ou des musulmans, selon des
sources discordantes. La polémique s’est enflammée
hier soir sur Twitter, lorsque des représentants
des Frères Républicains ont déploré le manque
de clarté du débat et qu’ils ont immédiatement
été assaillis de messages interrogatifs du collectif
Femmes Modérées, tandis que le mouvement
populiste Race Supérieure lançait le hashtag
#DeQuoiOnParleAuJuste. On ignore pour l’heure si le
Gouvernement a pris position sur la controverse, mais
une tribune d’experts intitulée « Non aux méchants,
dès qu’on saura qui c’est » a déjà été partagée
3 millions de fois, et l’affaire promet de rebondir
avec la chronique très remarquée d’un psychanalyste
qui affirme : « Quoi qu’il en soit, c’est notre faute. »
Comment finira tout cela ? Gageons que le prochain
pseudo-séisme intellectuel à deux balles entre crétins
surexcités permettra d’y voir plus clair.
Succes story L’inventeur
de l’eau sans gluten est devenu
milliardaire en trois jours.
Médias Par mesure
d’économie, les chaînes
radio et télévision de la RTS
partageront désormais le
même dealer.
Science Selon une étude, les
personnes émotionnellement
hypersensibles sentiraient
vraiment mauvais des pieds.
Esotérisme Face aux
pressions, Satan se justifie :
« Non, le CERN n’est pas l’outil
qui prépare ma domination
mondiale. »
Révélation Il jette la
lumière sur une zone d’ombre,
mais dans sa cave.
SPAGNE : Le nouveau gouvernement sera constitué à la craie sur le zinc – FRANCE : Jean-Marc Morandini s’est mélangé les pinceaux et a enquêté sur lui-mê
Vigousse vendredi 26 août 2016
16
{
B É B E RT D E
PLONK & REPLONK
}
LA SUITE AU PROCHAIN NUMÉRO
Peter Regli, un retour
qui la fiche mal
« Nos adversaires sont armés de longues hallebardes alors que nous n’avons
que des couteaux militaires pour nous
défendre. » Winkelried des services
secrets, Peter Regli a gagné sa page
d’interview dans Le Temps (17.8)
pour qu’il puisse y développer son
argumentaire. Poussé dehors en
1999, le chef-espion reprend du service médiatique à 72 ans. Dans l’intervalle, il ne s’exprimait que dans
la Schweizerzeit, un magazine situé
juste à la droite de l’UDC.
Moustache brossée, le barbouze
vend la nouvelle loi sur le renseignement (LRens), qui est l’un des objets
du scrutin du 25 septembre. L’article
évoque, à peine, l’affaire des fiches ou
l’affaire Dino Bellasi, deux épisodes
tout à la gloire de la Nation et de Peter.
Mais c’est de l’histoire ancienne, bien
sûr. On glisse encore plus rapidement sur les douteux rapports que le
divisionnaire Regli entretenait avec
l’Afrique du Sud de l’apartheid.
Vigousse vendredi 26 août 2016
Né à Airolo, polyglotte,
l’officier se défend sur les
deux premières affaires.
« La population ne sait
pas toujours ce que fait un
service de renseignement.
Vingt-six ans se sont écoulés depuis l’affaire des fiches.
Les leçons ont été tirées et
le contexte a changé. »
C’est vrai, le citoyen est un
abruti à la mémoire courte.
La LRens, qui donne des moyens de
surveillance accrus à l’Etat, a prévu
des garde-fous et ils sont solides,
selon lui. L’accord du Conseil fédéral en est un. Mais c’est justement
ce contrôle qui n’a pas fonctionné
dans l’affaire des fiches, ni dans les
échanges avec Johannesburg, Regli
ayant passé outre les recommandations officielles sur l’Afrique du Sud
raciste.
Ingénieur en aéronautique et
pilote militaire, le divisionnaire
Regli l’a toujours dit : un service de
Il a dit
la semaine prochaine
(ou du moins ça se pourrait bien)
« JH 2 m 120 kg,
sciure et sueur,
culotte obligatoire,
discrétion assurée »
renseignement ne doit pas être transparent. Ça promet !
Graffiti lu dans les
toilettes de la gare
d’Estavayer.
Blanchi par un rapport parlemen-
taire en 2003, il avait moins goûté
au précédent qui relevait que des
documents importants avaient
passé à la broyeuse. Ceux, notamment, qui concernaient ses relations avec Wouter Basson, le responsable du programme secret d’armes
chimiques et biologiques sud-africain. Mais tout ça, c’est du passé, on
s’en fiche. Jean-Luc Wenger
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