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Les victimes mordent à l'hameçon d'internet
Liza MARIE-MAGDELEINE France-Antilles Martinique 30.04.2009
Fans des nouvelles technologies de communication, les jeunes sont
des proies faciles pour les mouvements sectaires. Internet devient
alors une arme redoutable, difficile à contrer.
Blog, SMS, petites annonces sur internet... Les organisations sectaires ont su s'adapter aux récentes évolutions
technologiques. En Martinique, l'ADFI (l'association de défense des familles et de l'individu, victimes de sectes)
recense déjà plusieurs affaires « louches » . Elles concernent souvent de jeunes gens, sensibles à ces modes de
communication modernes.
Sur la toile, les groupes sectaires deviennent quasiment insaisissables. Et leurs ramifications s'étendent désormais
sans limite de frontières. Pour les proches, l'expérience est particulièrement difficile : face à cet ennemi invisible,
seuls les changements de comportements soudains peuvent mettre la puce à l'oreille.
Une mère de famille martiniquaise raconte comment sa fille d'une vingtaine d'années a failli partir sur un coup de
tête en Amérique du Sud. « Elle voulait rejoindre des amis qu'elle a connus sur internet, d'abord pour de simples
vacances. Puis ses projets ont changé : elle voulait s'installer là-bas, reprendre ses études et monter une
entreprise » . Pas forcément inquiète au départ, cette maman relève ensuite plusieurs détails qui lui paraissent
suspects.
Hantée par le doute
« Lorsqu'elle nous a parlé de son projet, j'ai demandé qu'elle me présente les gens avec qui elle allait monter
cette affaire avec la webcam. Bizarrement, lorsque je posais des questions, il y avait des différences entre ce que
ma fille m'avait raconté et ce que l'on me répondait » .
Peu de temps après, elle apprend que sa fille a déjà envoyé 1 500 euros (placés sur un compte que ses parents
lui avaient interdit de prélever) pour l'entreprise qu'elle espère ouvrir. En échange, son billet d'avion est déjà à
moitié payé. « Elle n'a finalement pas pu partir car nous avons refusé de financer le reste » , explique sa mère.
Depuis, c'est le mutisme. La jeune fille refuse désormais qu'on fasse la moindre allusion à son projet. Sa mère
ignore même si elle continue de « tchatter » avec ses amis sud-américains : « Son ordinateur est verrouillé par
un code d'accès. C'est très difficile de savoir ce qu'elle fait avec. Quand je m'approche, elle se précipite pour
refermer les fenêtres de navigation. Et quand je pose des questions, soit elle ne répond pas, soit j'ai l'impression
qu'elle ment » .
Après en avoir parlé autour d'elle, cette maman a découvert qu'elle n'est pas la seule à être hantée par le doute.
D'autres ont vu leurs enfants partir pour l'Amérique du Sud, dans des groupes situés dans des lieux très isolés,
difficilement accessibles. Pour les faire revenir, l'opération s'avère très délicate et longue.
Dossier réalisé par Liza Marie-Magdeleine
- Les dix critères de dangerosité
Pour légiférer, les parlementaires français se sont appuyés sur les 10 critères suivants (utilisés par les
Renseignements généraux) :
1. La déstabilisation mentale
2. Le caractère exorbitant des exigences financières
3. La rupture induite avec l'environnement d'origine
4. Les atteintes à l'intégrité physique
5. L'embrigadement des enfants
6. Le discours plus ou moins antisocial
7. Les troubles à l'ordre public
8. L'importance des démêlés judiciaires
9. L'éventuel détournement des circuits économiques traditionnels
10. Les tentatives d'infiltration des pouvoirs publics
D'autres critères nous semblent également importants pour repérer un mouvement sectaire : par exemple le
mensonge, les contradictions.
Source : www.info-sectes.org
- « Guérisseuse » au Honduras depuis un an et demi
Bac + 5 en poche, C. est une brillante étudiante en langues étrangères. Originaire de la Martinique, elle a
brusquement décidé de rejoindre une communauté de missionnaires au Honduras, après un stage en médecine
naturelle aux Etats-Unis puis en Roumanie. Elle serait convaincue d'avoir des pouvoirs de guérison. Partie en
septembre 2007 pour six mois, C. vit encore là-bas, dans le plus grand dénuement. Dans l'un de ses derniers
mails, elle répond à ses parents qui projettent de lui rendre visite. Extrait du courrier à sa mère, au sujet des
conditions très strictes à respecter pour pouvoir venir dans la communauté.
Jupes longues et pantalons
« Il faut juste que je vous mette au parfum avant de venir, car ici je suis dans un institut chrétien et il y a
quelques règles à observer [...]. Première chose, la tenue vestimentaire : pour toi, ou les femmes en général,
seules les jupes qui arrivent au moins à hauteur des genoux sont permises et pas plus courtes, mieux encore les
jupes longues. Aucun débardeur ni décolleté n'est permis, si ce n'est au-dessus ou en dessous d'un t-shirt. ?[...]
Et pour papa, ou les hommes, les shorts ne sont pas permis, seuls les pantalons quels qu'ils soient. Ah et juste
une note, pour les chaussures, je vous conseille de prendre des bottes et des chaussures de marche, c'est la
broussaille ici!
Deuxième chose, ne pas amener et partager des aliments nocifs à la santé. Je ne pense pas que ce soit votre cas,
mais bon je le dis quand même, ne pas amener de la musique ou vidéo ou photo, images obscènes ou violentes.
Ce sont quelques détails, mais bon, ils sont tout de même à prendre en compte. Mais j'espère bien que vous êtes
prêts à tous les efforts et sacrifices pour venir me voir! » Depuis octobre 2008, C. n'a pas donné de nouvelles.
Alertée par les parents, l'ADFI s'inquiète : « On ne peut pas être sûr à 100% qu'il s'agit d'une secte, mais l'on a
de fortes suspicions » . Il n'y a pas de délit, car elle reste de son plein gré. La loi ne peut rien faire.
- Par petits groupes dans les villas
Lucien Zecler et Philippe Bouvier militent au sein de l'ADFI Martinique, afin
de lutter contre les nouvelles méthodes des mouvements sectaires.
En novembre dernier, le Centre contre les manipulations mentales (CCMM de Roger Ikor) a tenu un colloque en
Guadeloupe. Bilan de cette rencontre : les sectes seraient en pleine expansion dans les DOM. Aux côtés du
président de la mission interministérielle de lutte contre les sectes, Georges Fenech, Lucien Zecler, président de
l'ADFI Martinique, a participé aux débats. Il fait le point pour nous.
« Désormais, les sectes n'apparaissent plus comme de grandes organisations, avec un gourou emblématique,
comme autrefois l'Ordre du Temple solaire ou l'Ordre uni des saints de la Guadeloupe. Aujourd'hui, on se réunit
dans les villas, où un leader donne des méthodes » .
Entrées filtrées
« C'est le début du conditionnement, car dès les premières réunions, on donne l'envie d'approfondir, de
persévérer au lieu de sortir du mouvement. » Groupes restreints, entrées filtrées. Les stratégies de recrutement
ont changé : elles passent par le bouche à oreille et internet.
Quant aux thèmes abordés, ils sont beaucoup plus concrets. Non plus tournés vers une recherche métaphysique
mais ancrés dans l'ici et maintenant, on recherche le bien-être physique et intellectuel. C'est ainsi que les
problématiques liées à la santé sont très prisées. Recherche d'un emploi, d'un compagnon de vie, la moindre de
nos aspirations peut aussi nous transformer en proie.
Les métiers intellectuels sont particulièrement ciblés, car on peut souvent être très instruit mais absolument pas
rationnel. Les jeunes représentent aussi un potentiel intéressant : main d'oeuvre gratuite, ils représentent une
garantie pour l'avenir, et ils maîtrisent le web. Chez les personnes âgées, ceux qui possèdent des biens mais pas
de descendance peuvent être victimes de tentative de captation d'héritage.
- La manipulation mentale punie par la loi
L'actualité récente a rappelé la puissance et l'organisation des sectes : le gourou de la secte « coeur douloureux et
immaculé de Marie » Juliano Verbard, s'est évadé par hélicoptère de la prison de Domenjod à Saint-Denis à la Réunion. Il était toujours
introuvable hier. Plusieurs de ses anciens disciples ont été placés en garde à vue. (AFP)
La manipulation mentale, difficile à prouver, est définie comme la création ou l'exploitation d'une dépendance
psychologique ou psychique au sein d'un groupement, dont les activités contribuent à accroître cette
dépendance. Elle consiste aussi à exercer sur l'une des personnes de ce groupe des pressions graves et réitérées,
ou d'utiliser des techniques propres à altérer son jugement afin de la conduire, contre son gré ou non, à un acte
ou une abstention qui lui est gravement préjudiciable. Ce délit est puni de trois ans d'emprisonnement et 43 000
euros d'amende.
- REPERES
Comment reconnaître une secte ?
- La séduction. Avec une approche attrayante, la secte exploite souvent des aspirations légitimes :
développement personnel, quête spirituelle, amélioration de la fraternité humaine.
- La présence d'un gourou. L'autorité réside en une personne, ou en une organisation, au pouvoir absolu.
- La rupture sociale. La fréquentation de la secte amène à s'isoler de ses amis, de ses voisins, de sa famille. Les
liens naturels se distendent, puis se coupent.
- La déstabilisation mentale. L'adepte, souvent coupé de ses repères, devient psychologiquement fragile. Il perd
son esprit critique et devient perméable à l'enseignement dispensé.
- Les exigences financières. Convenables au début, elles ne cessent de croître, jusqu'à l'inacceptable.
- L'asservissement. Dans la secte, les contraintes sont énormes. Elles sont souvent liées à la pression
psychologique du groupe. Il est aussi difficile de sortir d'une secte qu'il est facile d'y entrer.
Quelques conseils : si l'un de vos proches semble être pris par une secte, gardez le contact. Soyez à l'écoute, ne
jugez pas, ne critiquez pas, ne rejetez pas. Renseignez-vous. Ne dites pas « n'importe quoi » . Une mauvaise
information fera toujours beaucoup de mal. Prenez plutôt contact avec des personnes compétentes.
Source : www.info-sectes.org
Qui contacter ?
- L'ADFI Martinique, l'association de défense des familles et de l'individu victimes de sectes. Créée en 1984 par
Lucien Zecler, cette association réunit aujourd'hui une quarantaine de familles. Entretien sur rendez-vous au 05
96 71 67 07 ou par mail [email protected]
- Pour suivre l'actualité sur le sujet rendez-vous sur le site www.miviludes.gouv.fr.
En Martinique, le représentant de la Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les sectes)
est André Faure, conseiller d'éducation populaire et de jeunesse à la direction départementale Jeunesse et Sports
de la Martinique.
Contact : 05 96 59 03 27 ou andre.faure@jeunesse- sports.g

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