TEMOIGNAGE : HANDICAP MENTAL DE GRANDE DEPENDANCE
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TEMOIGNAGE : HANDICAP MENTAL DE GRANDE DEPENDANCE
TEMOIGNAGE : HANDICAP MENTAL DE GRANDE DEPENDANCE Je suis la maman de trois enfants et voudrais vous transmettre mon témoignage de la vie d’une cellule familiale dont l’un des enfants souffre d’un handicap mental de grande dépendance. Il s’agit donc de l’histoire de Nathanaël, mon fils aîné, qui aura 11 ans cet été. Comme beaucoup de parents, le jour de sa naissance fut l’un des événements les plus heureux de notre vie. Nous ne savions pas les difficultés auxquelles nous allions être confrontés tant sur le plan de son handicap, du vécu au quotidien mais aussi sur le plan de notre place dans la société et des choix qui s’imposeraient à nous. Jusqu’à l’âge de 15 mois, Nathanaël évoluait de manière « normale » ; c’est à ce moment qu’un « décrochage » se produisit. Après nous être entretenus avec le personnel de la crèche et au vu de certains éléments inquiétants dans son comportement et d’autres signes sur lesquels je ne m’étendrai pas ici, nous prîmes la décision de consulter divers médecins, psychologues, centres de santé mentale, hôpitaux etc. C’est alors que le parcours du combattant, que beaucoup de parents dans notre situation connaissent malheureusement si bien, débuta. De tests en examens, d’examens en tests, la réponse tardait à venir, cette quête pour connaître, pour savoir pour comprendre ce qui se passait fut très lourde et douloureuse. Et puis cette remise en question sur nos aptitudes de parents, la culpabilité qui finit par vous étreindre : « qu’avons-nous fait pour que notre enfant ne se développe pas normalement ? ». Notre remise en question est toujours présente aujourd’hui mais s’est déplacée sur la problématique de la rééducation et des « choix » pédagogiques. Après des recherches acharnées et une ténacité dont nous ne nous croyions pas toujours capables, nous avons conscience d’avoir eu de la « chance », nous avons pu trouver une première institution qui pris en charge Nathanaël à l’âge de 3 ans, ce qui est très exceptionnel. Ce n’était hélas pas à Bruxelles, ce qui entraînait des trajets de plus de 3 heures par jour, pour un enfant bien jeune. Nous faisions progressivement le deuil de la « normalité » et nous apprenions à éduquer en composant avec sa différence. Des réponses arrivaient sur ses troubles. D’abord qualifiés de « troubles envahissants du développement » et ensuite, ce que nous pressentions, le mot AUTISME arriva dans la bouche des professionnels. Beaucoup de choses vous traversent l’esprit à ce moment-là car il était flagrant que Nathanaël souffrait d’un autisme « déficitaire » avec troubles associés. Il ne parle toujours pas à ce jour, n’a pas acquis complètement la propreté et présente de gros troubles d’intégration sociale. Son monde n’est pas le même que le nôtre et il est difficile pour le monde extérieur d’entrer en contact avec lui, comme pour lui de communiquer. L’amour que nous lui portons nous a permis de trouver des pistes mais le chemin est long et infini… Je n’entrerai pas ici dans l’histoire complète de la famille, mais avant de découvrir la gravité du handicap de Nathanaël, nous avons eu deux autres enfants : Raphaël (9ans) et Michaël (6 ans). Il s’avère qu’eux aussi souffrent de troubles mentaux : Raphaël a évolué mais présente encore un retard mental dans l’apprentissage. Michaël souffre de dysphasie : dans son cas des troubles très importants du langage nécessitant une pédagogie adaptée. Tous deux fréquentent l’enseignement spécialisé. Ces éléments ont entraîné des choix de vie très particuliers et certainement différents de ceux que nous aurions fait sans les contraintes auxquelles nous étions confrontés. Nathanaël grandissait et ses troubles s’accentuaient et petit à petit, nous découvrions l’envahissement, les difficultés dans la vie au quotidien, les amis et relations qui s’éloignent tant vous êtes pris dans cette problématique, même si vous en parlez peu. Etions-nous un peu honteux ou pas prêts à partager une souffrance qui nous touchait dans notre chair ? Je n’ai pas de réponse… En tous cas nous ne parvenions plus à gérer l’ensemble de la famille tant les débordements étaient grands : hyper activités, troubles du comportement, dysharmonie du développement. Comme je le disais à cette époque : Nathanaël est sourd dans sa tête. Il fallait trouver une solution rapidement pour la survie de cette famille en souffrance et en « état de siège ». Après ce combat intérieur d’acceptation et de lutte pour trouver des solutions, vient le combat des décisions et choix de vie. Lorsque vous réalisez que votre vie ne sera plus jamais pareille et qu’il faut lutter pour donner à votre enfant qui doit vous survivre des perspectives d’avenir correctes en fonction de son handicap, vous cherchez des solutions, de l’aide parfois… Votre souffrance s’exacerbe quand vous réalisez que la société dans laquelle vous avez cru jusque-là n’a rien prévu pour ce « malheur » (je n’aime pas ce mot qui induit la résignation) qui vous frappe. En effet, si des réponses existent, elles sont peu nombreuses et il s’agira de vous battre pour les trouver. Tous les parents, au nom desquels je voudrais m’exprimer, même si toutes les histoires ne sont pas exactement les mêmes ainsi que le vécu, n’ont pas la connaissance des institutions de notre pays et la faculté de trouver des solutions adaptées à leur situation respective. Le nombre de place pour des enfants (adultes et adultes vieillissants) notamment est bien en dessous des nécessités. J’ai visité nombre d’institutions pour trouver celle qui convient au mieux à mon enfant, que dis-je à mes trois enfants. Ce parcours je l’ai accompli seule ou avec très peu d’aide qui n’est jamais venue des structures administratives. Et pourtant cela économiserait tant d’énergie, de temps (ce temps si précieux pour une bonne prise en charge) et il faut aussi le dire, à force de bricolage peu efficace, d’argent à la collectivité !!! Mes recherches en Belgique francophone m’ont entraînée aux confins du royaume. Très peu d’institutions pouvaient accueillir mon fils techniquement et les listes d’attente dans celles qui convenaient étaient surréalistes. Après un passage dans un hôpital psychiatrique de jour à Bruxelles, j’ai enfin trouvé (après 2 années de recherche et d’inscription sur des listes d’attente) une école à une cinquantaine de kilomètres de la ville où je vis : Bruxelles la capitale de l’Europe. Vous aurez compris que l’option de placer mon fils Nathanaël en internat s’est imposée à nous. Il faut rester objectif cependant, cette décision était dictée par des nécessités pratiques mais aussi à cause de la situation familiale particulière : les autres enfants demandaient et demandent toujours une attention très particulière et soutenue et il ne nous était plus possible d’assumer le meilleur pour tous dans ce contexte. Le dilemme fut long mais le choix s’est imposé à nous à guidés par un instinct de survie, et je pèse mes mots. Notre fils nous revient chaque week-end heureux et nous avons pu retrouver ce fragile équilibre familial. Pourquoi vous parler de cette organisation ? Car la restriction des budgets dans ce secteur m’incite à penser que non seulement rien n’est prévu pour augmenter les places dans ces institutions bien au contraire qu’elles se réduisent, l’internat était ouvert 365 jours par an lors de l’inscription de mon fils, cette année il fermera ses portes un mois, ce qui ne permettra plus aux parents de gérer les congés au mieux des intérêts familiaux, et croyez-moi ce n’est pas du luxe. Il faut vous dire aussi que pour la fratrie d’un enfant autiste, la vie est difficile, tout tourne autour de ce handicap si envahissant. Pourtant les frères et les sœurs ont aussi le droit à une vie sans qu’elle soit hypothéquée : si les parents ne l’ont pas choisi, si l’enfant différent n’a pas choisi, ses frères et sœurs non plus, et ils ont le droit aussi d’avoir des parents un peu pour eux. La séparation au quotidien avec notre fils aîné fut difficile, elle l’est encore mais avons-nous un autre choix sans aide adaptée à la maison par exemple ? L’avenir est un peu sombre, trouverai-je une place pour mon fils après l’école-internat qu’il fréquente pour l’instant ? C’est à dire à ses 21 ans, trouverais-je des solutions pédagogiques pour mes autres enfants (certains ministres parlent de supprimer certains types d’enseignements spécialisés pourtant si bien adaptés aux problématiques d’enfants moins atteints mais qui pourraient devenir des cas plus lourds à terme s’ils ne sont pas pris en charge précocement). Je me pose enfin une question : qu’arrivera-t-il après notre mort ? Qui trouvera des solutions ? Qui s’occupera de mon fils quand nous ne serons plus là pour le garder à la maison où que nous n’en aurons plus la force ? Je n’ai pas choisi d’avoir un enfant souffrant d’un handicap mental de grande dépendance mais je l’assume comme je le peux, cependant je ne vous demanderai pas pardon pour se faire juste une réflexion peut-être ? Nous n’avons pas fait le choix d’une société élitiste, elle déclare accepter la différence, alors la société peut-elle participer juste avec nous pour intégrer la différence ? Il ne s’agit pas de charité mais juste une participation dans la prise en charge possible par la collectivité. Puis-je me permettre ici de rappeler que le droit à l’éducation est un droit inscrit dans notre constitution ? Mais il faut que cela soit adapté, bien sûr, et certains de nos enfants ont besoin d’adaptations différentes, cela va au-delà du pédagogique. Merci d’avoir écouté ce témoignage et si j’ai pris certaines parties de notre vie en exemple pour vous faire comprendre un peu, je reste consciente qu’il est des situations bien plus dramatiques que la mienne, j’ai eu la chance de trouver des solutions même si elles sont provisoires et imparfaites, d’autres n’en ont pas.