L`art contemporain extrême. Une mise en perspective

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L`art contemporain extrême. Une mise en perspective
PROGRAMME LA CREATION :
Projet « ART EXTREME »
PROCESSUS, ACTEURS, OBJETS,
DOCUMENT SCIENTIFIQUE
CONTEXTES
EDITION 2010
Acronyme
ART EXTREME
Titre du projet en français
L’art contemporain extrême. Une mise en perspective sociologique
et esthétique internationale au regard des contextes nationaux
Titre du projet en anglais
Extreme contemporary art. A sociological and
international perspective based on national contexts.
Aide
demandée
totale
120 721 €
Durée du projet
aesthetic
36 mois
CONTEXTE ET POSITIONNEMENT DU PROJET
La question des limites en art, quand l’art devient-il « extrême » ?
« Il me semble que les œuvres d’art sont réalistes, dans la mesure où les réactions subjectives
qu’elles provoquent ressemblent à celles qu’évoque en nous la réalité. Par conséquent – et c’est
là ce qui est essentiel et décisif – il n’est aucunement nécessaire qu’il y ait une similitude
extérieure entre les choses et l’œuvre d’art. Bien plus, il peut se faire que l’œuvre d’art arrive au
même résultat avec des moyens tout différents, avec un tout autre contenu. L’imitation aussi
exacte que possible des choses du monde réel, est évidemment le moyen le plus proche de
parvenir à cette similitude des réactions psychologiques ; seulement cela peut s’obtenir aussi
d’une autre manière par des détours et des métaphores, par des symboles et des analogies. »
Georg Simmel, « Du réalisme en art », dans Mélanges de philosophie relativiste, Paris, Félix Alcan,
1912, p. 97-98.
Alors qu’une artiste chinoise Siu-lan Ko voit son installation décrochée en 2010 de la façade de l’Ecole
nationale supérieure des beaux-arts de Paris1 (des banderoles reprenant l’un des slogans du président
Nicolas Sarkozy), ces compatriotes Sun Yuan et Peng Yu exposaient sans émoi particulier en 2007 à Berne la
photographie d’une installation mettant en scène deux enfants mort-nés. Joël Peter Witkin, photographe
de renommée internationale, a quant à lui passé l’annonce qui suit : « Cherche têtes d’épingles, nains,
géants […] quelqu’un né sans bras, pieds, yeux, seins, organes génitaux, oreilles, nez, lèvres,
hermaphrodites et teratoïds vivant ou mort2 », autant de matériaux nécessaires à la réalisation de ses
compositions photographiques dans lesquelles il mêle des morceaux de cadavre, des individus
« difformes », sexe, religion, etc., particulièrement apprécié son travail est exposé dans les lieux les plus
prestigieux de la scène internationale de l’art, quand dans un même temps son compatriote Richard Prince,
lui aussi photographe, voit en 2009 l’une de ces photographies de Brooke Shields (nue à une dizaine
d’année) décrochée lors de l’exposition « Pop Life » à la Tate Gallerie de Londres et remplacée par une
photographie de la même Brooke Shields (adulte en maillot de bain) au motif que le climat actuel autour de
la pédophilie impliquait une lecture tendancieuse et malsaine de la photographie de la fillette3. Face à ces
exemples, où des mots parce qu’ils réfèrent à des slogans politiques créent le scandale, ou un corps dénudé
(mais dont ne voit pas les parties intimes) parce qu’on y projette une grille de lecture « voyeuriste » est
censuré, alors que la mise en scène de la mort la plus insupportable qui soit, tabou ultime, celle des bébés,
1
« Travailler moins… cendurer plus », Libération, le 11/02/2010, source : http://www.liberation.fr/culture/0101618760-uneartiste-censuree-pour-avoir-brocarde-sarkozy
2 Source site Internet Hérésie (http://www.heresie.com/witkin.htm, consulté en janvier 2010).
3 A noter que la photographie originale que l’on doit à Garry Gross a été exposée en France quelques mois auparavant à la
Bibliothèque François Mitterrand dans l’indifférence générale.
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ou que des morceaux de cadavres deviennent les matériaux même de la création, il y a bien de quoi
s’interroger sur la question des limites en art, et sur les processus de reconnaissance et de valorisation des
œuvres et des artistes contemporains aujourd’hui. On pourrait multiplier les exemples et mettre en regard
les réceptions contrastées dont les œuvres peuvent faire l’objet selon les lieux, les contextes et les époques
et non seulement au motif de leur forme et contenu spécifique, de leurs propriétés artistiques. Le contenu
explicitement et ostensiblement border line, hors-limites de certaines ne suffit en effet pas à les faire
basculer dans la catégorie de celles considérées comme « extrêmes », quand, par ailleurs d’autres dont on
ne pouvait s’attendre à ce qu’elles « dérangent » font l’objet de censure aussi inattendue que radicale.
Partant de ce constat et de l’état de l’art sur les formes de création dans les arts visuels contemporains, il
apparait pertinent et nécessaire d’interroger ces paradoxes et contradictions, de mettre en perspective des
objets intéressants en eux-mêmes, en tant qu’œuvres d’art, faits artistiques, mais tout autant comme des
« analyseurs » de la compréhension de notre rapport contemporain à l’art, et plus généralement comme
« documents » sur nos sociétés contemporaines.
Contexte et enjeux économiques et sociétaux
Les travaux sur l’art contemporain, portant sur ces formes de création qualifiées ou considérées comme
extrêmes (dans le sens « de la limite ultime des choses, de ce qui excède la mesure ordinaire, qui est audelà des autres, au point de comporter des risques ») sont divers, épars, et en font un domaine peu ou pas
exploré dans une perspective transversale, pluri et interdisciplinaire, particulièrement pour certains pays,
et encore moins s’il s’agit de produire une analyse empirique et comparative à l’échelle internationale.
La rencontre et l’échange entre des jeunes chercheurs, spécialistes de l’art contemporain, originaires de ces
pays ou travaillant dans le cadre de leur recherches sur divers pays (Canada, Chine, Etats-Unis, France, Iran,
Mexique, Russie, Thaïlande, Tunisie, Yemen, etc.) se présentent aujourd’hui comme une opportunité de
construire un programme de recherche commun sur : « L’art contemporain extrême. Une mise en
perspective sociologique et esthétique internationale au regard des contextes nationaux. »
En travaillant sur l’« art contemporain extrême », il s’agit de favoriser l’émergence d’un nouveau concept,
de le rendre opératoire, afin de permettre de mesurer et d’appréhender des formes de créations actuelles
et contemporaines pour lesquelles les catégorisations et classifications existantes qu’elles soient
sociologiques et/ou esthétiques ne correspondent pas et ne permettent pas, de ce fait, de produire des
connaissances différentes et nouvelles, mais surtout des connaissances appropriées, congruentes par
rapport à la spécificité de ces créations et de leurs conditions d’émergence : dans bien des cas et
notamment pour certaines oeuvres et/ou pour des contextes artistiques particuliers, il s’agit plus souvent
de rabattre l’analyse sur des catégories créées et valides dans d’autres contextes, pour d’autres pays,
d’autres types de création, conduisant inévitablement à une forme d’ethnocentrisme qui entretient,
reproduit et fait perdurer une forme de méconnaissance de la diversité, de la variabilité et de la
réversibilité des points de vue et valeurs qui constituent l'art et qu'il génère.
L’ensemble du collectif de jeunes chercheurs au départ de ce projet se compose de spécialistes, nous
appartenons de fait et par nos recherches au public habituel d’habitués4, il est dès lors utile de faire ici une
parenthèse, pour préciser que la posture sociologique et esthétique que nous proposons de développer,
implique une mise à distance de questions qui relèveraient du gout (ou du dégout), et ne renvoie pas
seulement à l’expérience esthétique envisagée sous l’angle de la qualité et de la légitimité artistique (bien
qu’il en sera nécessairement question), mais interroge la dimension anthropologique de l’expérience de
l’art5. Face à certaines des œuvres qui vont constituer nos corpus et que nous allons étudier, comme le
laisse présager les exemples évoqués, il ne sera pas question de s’interroger sur leur beauté, leur
4
Voir dans la bibliographie des membres de l’équipe les publications de Girel S. sur les publics et non-publics des arts visuels
contemporains.
5 Dans le sens que lui accorde J.-M. Schaeffer, pour qui l’expérience esthétique est une expérience cognitive, une activité de
discernement chargée affectivement, et qu’il peut s’agir d’une expérience de plaisir, de contemplation mais aussi d’une expérience de
« dissatisfaction », de déplaisir (« La conduite esthétique comme fait anthropologique », dans Yves MICHAUD (dir.) Qu’est-ce que la
culture ?, Université de tous les savoirs, vol. 6, Paris, Ed. Odile Jacob, 2001, p. 782-784.)
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esthétique formelle, leur valeur artistique, elles ne sont assurément et pour une bonne partie pas
« belles », encore moins « agréables » à regarder, et il ne sera pas question non plus de s’interroger
seulement sur leur capacité à plaire ou à déplaire. C’est leur manière d’être ou non, de devenir ou non de
l’art reconnu, légitimé, et comment ce processus de reconnaissance artistique se décline selon les
contextes et l’état de l’art qui nous intéressera.
Art ou non-art ? La question est récurrente et si l’on a répondu à celle de savoir « Quand y a-t-il art6 ? », il
est question dans notre recherche de savoir jusqu’où y a-t-il et peut-il y avoir art ?
A l’occasion des interventions au congrès de l’Association française de sociologie en avril 2009 sur le thème
des violences extrêmes, cette question a été posée frontalement, avec Abram de Swaan et Qian He lors
d’une session sur la question des violences extrêmes, et à propos de la contribution du premier sur la
sociologie des massacres et la dimension esthétique de l’horreur et de la seconde sur les artistes chinois du
Groupe Cadavre. Il était difficile, même pour des sociologues pourtant habitués à l’exercice, à une forme de
mise à distance de l’objet de recherche, de se départir du « jugement de valeur » et d’une réflexion en
termes d’opposition « art » et « non-art 7» qui laisse définitivement de coté la question de la contemplation
esthétique et ses corollaires (liés au concept de beauté). Il est certain (et peut-être plus que jamais8) que
des créations heurtent la sensibilité et choquent, et ce serait bien d’ailleurs un problème si ces formes d'art
là étaient acceptées sans débats, polémiques et procès. L'enjeu du travail sur ces œuvres qui sont
réellement (ou seulement considérées comme) « extrêmes » et sur le procès artistique qui les voit émerger
n'est pas pour nous de confirmer ou d’infirmer si c'est de l'art ou non, mais bien de nous interroger sur ce
que cela signifie aujourd'hui de faire de telles oeuvres et comment elles deviennent (ou non) des œuvres,
cela sous l’angle des limites et des frontières entre les différents mondes qui composent le social (art, vie
quotidienne, et pour les œuvres les plus « hors limites » monde de la folie, déviance, monde de la
criminalité...). Ce n'est pas l'artiste seul qui décide que l'évènement devient art, il y a un processus en jeu
qui implique différents acteurs, un contexte, comment ce processus est devenu possible pour des œuvres
extrêmes, c'est bien la question. On touche ici à des problématiques spécifiques de l’art contemporain, qui
alimentent régulièrement les débats (de sens commun, médiatiques, au sein des groupes d’experts) et plus
que pour des formes de créations antérieures pour lesquelles on dispose de grille de lecture éprouvées et
partagées. Il faut pour engager cette recherche prendre pour acquis que la nature du travail artistique a
changé et les artistes aujourd’hui à défaut de plaire cherchent à faire réagir, réfléchir, à choquer parfois, les
réactions de rejet, de dégout font partie intégrante des mondes de l’art. En travaillant sur des thèmes qui
sont loin de nous laisser indifférents (mort, racisme, violence, etc.) c’est bien si les créations laissaient les
spectateurs indifférents qu’il faudrait s’inquiéter.
La situation de l’art contemporain, vu sous l’angle de l’extrême, révèle ainsi nombre de paradoxes face à la
variabilité de la construction du sens des œuvres et eu égard l’accueil qui en est fait. Dans cette
perspective, tout l’enjeu de notre recherche sera dans un premier temps et à partir de l’observation de
terrain, de donner un contenu à la notion d’art extrême, in situ et en contexte. Travail exploratoire s’il en
est dans la mesure où la désignation et la qualification des créations ne se posent pas en ces termes pour
certains pays, dans la mesure aussi où si l’on observe bien dans tous les pays un franchissement des limites,
les limites sont loin d’être les mêmes partout et pour tous. Parce que l’art se construit, se diffuse et se
reçoit socialement (au regard du contexte historique, politique, culturel, religieux, économique, etc.) et non
6
Voir les recherches en esthétique et notamment de N. Goodman, G. Dickie, G. Genette, Y. Michaud… pour n’en citer que quelques
uns.
7 Nous montrerons que loin de relever d’une opposition, d’une dichotomie claire c’est un processus (ce qui implique les notion de
variation et de réversibilité) qui se joue de différents registres (temporels, cognitifs…) et qui est à l’oeuvre dans la qualification de
ce qui est art ou non.
8 Encore faut-il comparer ce qui est comparable et la mise en regard des Têtes suppliciées de Géricault (1818) avec les têtes
décapités de la série Requiem de la rue Morgue de Tsurisaki Kiyotaka (2006), nous montre que si l’horreur le dispute à l’effroyable
dans ces deux créations, on observe que l’acte de peindre crée une distance symbolique plus grande, « plus acceptable » (Géricault
propose une représentation de la réalité) que l’acte de photographier (Kiyotaka propose une « simple restitution » de la même
réalité), la nature des effets esthétiques et esthésiques produits en est modifiée.
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seulement esthétiquement et artistiquement dans des mondes de l’art déconnectés de la réalité, il
convient pour comprendre les formes de création actuelles et considérées comme « extrêmes » de partir
d’une approche qualitative de théorisation à partir des observations de terrain et afin de parvenir
progressivement à une conceptualisation de l’objet en adéquation avec la diversité et les caractéristiques
de chaque terrain d’étude. Il s’agit aussi de se « décentrer » et de situer l’étude et l’analyse des formes de
création, de diffusion et des expériences réceptives de l’art contemporain à l’échelle des contextes sociaux
de leur émergence et non seulement à l’échelle des mondes de l’art qui constituent les lieux de leur
diffusion. Partant d’objets spécifiques, parfois bien singuliers, il s’agit de les intégrer dans une explication
de portée plus générale.
Positionnement du projet
Il est à noter que le projet qui nous réunit autour de cette recherche proposé à l’ANR a émergé avant
même la publication de l’appel à projet « La création » (2010), à l’automne 2009. Le collectif s’est construit
au fil de rencontres et de colloques et a pris forme à partir des travaux des uns et des autres et sur la base
d’un questionnement général que j’ai élaboré eu égard à un certain nombre de points de convergence dans
nos analyses. J’ai proposé à six jeunes chercheurs qui soit, sont étrangers et finissent leur thèse en France
(mais ils ont précédemment conduits des recherches sur l’art contemporain dans leur pays d’origine), soit
sont français et poursuivent leurs recherches sur l’art contemporain à l’étranger, de s’associer à un projet
sur l’art extrême qui devait donner lieu à la publication d’un ouvrage collectif. L’opportunité offerte par
l’ANR avec cet appel, nous a amené à élaborer un programme de recherche plus ambitieux, innovant,
d’envergure et articulé autour d’un travail d’investigation à l’échelle internationale. La nature même du
projet, la contemporanéité du sujet et son caractère inédit explique que le collectif soit essentiellement
constitué de doctorants, c’est un thème qui est en train d’émerger et qui n’est pas encore constitué comme
objet de recherche à part entière et si l’on commence à s’y intéresser sous cet angle on commence
seulement à avoir le recul nécessaire pour une approche documentée. Etant donné qu’il s’agit de conduire
une recherche fondamentale, exploratoire et avant tout empirique (qui croise plusieurs axes de l’appel à
projet) et qu’il est impératif de pouvoir avoir des matériaux de première main et de pourvoir conduire des
enquêtes de terrain, il est nécessaire que les chercheurs aient une bonne connaissance par leur origine ou
leur travaux sur des pays choisis pour le démarrage de l’étude, qui plus est, ils maitrisent tous parfaitement
le français (à l’oral et à l’écrit), ce qui en fait notre langue de travail. L’affiliation des chercheurs et
l’inscription de leur travaux dans des universités et laboratoires diversifiés (en France et à l’étranger)
permet en outre de mettre en place, à partir de l’équipe d’accueil de la coordinatrice (Habiter Pips,
Processus Identitaires, Processus Sociaux, université de Picardie Jules Verne, Amiens) un réseau de
partenaires nationaux et internationaux (voir détail plus loin).
Si la recherche permettra d’affiner et de définir ce concept, on peut toutefois avancer qu’il est question de
ces créations qui dérangent, dépassent les limites et font concrètement l’objet de réactions allant de celles
les plus « soft » (absence de reconnaissance, débats, polémiques) à celles les plus virulentes (procès,
iconoclasme, destruction d’œuvre, censure, etc.). Il est certain qu’en l’état, aux prémices de ce travail
empirique, théorique et comparatif, le concept est provisoirement à prendre avec les précautions d’usages
car s’il est assez évident pour tous et dans tous les pays concernés par l’étude de qualifier « d’extrêmes »
certaines créations qui mettent en scène le cannibalisme (Zhu Yu, Chine), la nécrophilie (John Duncan,
Etats-Unis), qui utilisent les eaux usées ou la graisse humaine prélevés dans les morgues (Teresa Margolles,
Mexique), qui composent avec des fœtus (Jubal Brown, Canada), qui montrent des corps martyrisés (Kaveh
Golestan, Iran), un artiste se masturbant en public (Alexander Brener, Russie), une exécution au pistolet
(Manit Sriwanichpoom, Thaïlande), etc., en revanche il est loin d’être évident que selon les époques, les
contextes historiques et politiques, sociaux et culturels, les mêmes œuvres pour un même contenu soient
considérées comme extrêmes, elles le sont plus ou moins, et différemment. Comment est-on arrivé au
point que des « créations » qui, malgré tout ce qu’elles comportent d’insupportable, d’intolérable soient
reconnues au moins provisoirement comme de l’art ? Plus encore comment expliquer qu’une œuvre puisse
être extrême dans un pays et non dans un autre (Serrano, un artiste américain, a fait l’objet de vandalisme
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en Suède et non en France pour des œuvres de la même série exposée dans le même type de lieu, une
galerie), l’être à un moment donné et être dépréciée, critiquée pour cela, et ne plus l’être quelques années
plus tard (ce même artiste a été critiqué pour la dimension provocatrice des ses créations dans les années
90, c’est aujourd’hui devenu un argument de promotion de son travail9). A l’inverse comment des œuvres,
légitimes et valorisées, basculent du coté de celles illégitimes et désapprouvées. C’est parfois même et
pour certains pays en particulier le label « art contemporain » et la qualification d’une œuvre par un
vocable qui lui est spécifique qui font en eux-mêmes figure d’extrême comme le montre la réception de
« l’installation » de d’Amna al Nassiri au Yemen.
L’enjeu est donc bien pour ce projet de montrer comment les formes extrêmes de l’art contemporain se
manifestent et sont façonnées en fonction de l’histoire et de la culture d’un pays, comment les limites
(éthiques, morales, culturelles, juridiques, etc.) sont aussi fonction du contexte d’émergence des œuvres.
En arrière plan il s’agit aussi d’interroger ce qu’il y a de commun et par ailleurs de spécifique dans les
différents pays en termes de formes, de contenus, d’effets esthétiques et esthésiques recherchés par les
artistes et ceux réellement produits, de réactions individuelles et collectives (de l’adhésion à la censure, en
passant par les différentes formes d’appréciation, de résistances et de rejets) ; de voir s’il existe des
moments de passage, et avec quels événements et processus les mettre en lien. Parmi ces processus, on
peut en distinguer d’emblée deux, celui qui voit l’art contemporain émerger dans des pays où il était
absent, et celui qui voit l’art contemporain là où il était déjà développé prendre des formes
particulièrement extrêmes au cours des dernières décennies. Mais quels que soient les contextes et le
processus qui prévaut, on observe des incidences au regard de la valorisation des artistes et de leurs
œuvres, de leur positionnement sur la scène internationale, leur carrière et le niveau (local, national,
international) de leur reconnaissance.
Des mutations sont en cours au travers desquelles la notion de limite si elle a pu correspondre à un curseur
entre le possible, l’acceptable et ce qui ne l’était pas, est devenue peu a peu une notion difficile, voir
impossible, à cerner. Ainsi, à une extrême et pour certains pays, mais différemment dans chacun, il existe
des œuvres qui au-delà d’être provocantes (dans « un sens positif, provoquer, c’est réveiller l’esprit10 »),
sont sciemment illégales et reconnues simultanément 1/comme déviantes dans le monde social (faisant
l’objet de procédure juridiques à l’encontre des artistes), et 2/comme esthétiques (quand bien même il
s’agit d’une esthétique de l’horreur, de la contestation11…) dans les mondes de l’art. Ce fait est récent, et
pose des problèmes autres qu’artistiques et cognitifs puisque des œuvres sont à la fois et simultanément
hors la loi et artistique, l’artiste assumant d’ailleurs pleinement les risques encourus non seulement ceux
de choquer son public en termes de réception, mais bien aussi ceux d’être jugé et puni par la loi. Face à ce
processus très extrême, dans d’autres pays les modalités de transgression paraissent bien « modestes »,
peu visibles, et pourtant les effets produits par certaines créations n’en sont pas moins redoutables, les
réactions observées pas moins contrastées, ainsi des œuvres qui paraitraient tout à fait « convenables »
ailleurs, et qui ne transgressent concrètement aucune loi, vont faire l’objet de rejets particulièrement
marqués pour des motifs divers et variés. La question de fonds n’est donc plus de montrer que des limites
ont été franchis, que les artistes sont dans une logique de transgression pour la transgression (approche qui
a montré ses limites et qui suppose que l’artiste, son oeuvre sont seuls « responsables » des réceptions
contrastées dont ils font l’objet) mais que le contexte de création, de diffusion et de réception, au regard
de la position que chaque pays et ses artistes occupent sur la scène internationale de l’art tout autant que
par la spécificité de sa propre scène artistique, sont déterminants. Il ne s’agit plus de s’interroger le plaisir
du déplaisir en art mais la question est bien sociologique, anthropologique et non seulement esthétique : si
le caractère extrême d’une œuvre ou du processus qui a conduit à sa création, ne constitue plus une limite
infranchissable, la question est bien de savoir comment ce processus prend forme et jusqu’où peut-il aller ?
9
En témoigne l’accueil positif en France lors de la rétrospective qui lui a été consacrée à la Collection Lambert (Avignon, 2007).
Entretien de Jan Fabre, dans Virginie Luc, Art à mort, Paris, Léo Scheer, 2002, p. 145.
11 Voir Clair J., De Immundo : Apophatisme et apocatastase dans l'art d'aujourd'hui, Paris, Galilée, 2004 ; Eco U., Histoire de la
laideur, Paris, Flammarion, 2007.
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Comment diffère-t-il d’un pays à l’autre, à l’appui de quels arguments une œuvre y-est-elle qualifiée
d’extrême ? Comment l’espace public – des medias, du politique, en passant par les « citoyens » lambdas »
ou des instances tiers - perçoit-il et compose-t-il avec ces œuvres qualifiées ou considérées comme
extrêmes ? Plus généralement, quelles sont les frontières de l’art (du point de vue de la création, de la
diffusion et de la réception) et comment se construisent-elles, se déplacent-elles, au regard des contextes
spécifiques à chacun des pays et en regard de la scène internationale de l’art ?
DESCRIPTION SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
Des contextes nationaux et une mise en perspective internationale
« Si je proclame mon système de valeurs – religieuses, esthétiques, politiques, ethniques –
dans ce monde de cultures multiples, je prendrai clairement conscience de l’historicité, de la
contingence, de l’étroitesse de tous les systèmes, et du mien en premier lieu ».
Gianni Vattimo, La Société transparente, Paris, Désclée de Brouwer, 1990, p. 19.
Afin d’amorcer la recherche et de comprendre les enjeux sociaux et esthétiques du phénomène étudié, et
de répondre aux questions posées, il convient tout d’abord d’explorer la situation particulière de différents
pays, choisis pour leur différence et pour lesquels on dispose d’un certain nombre de résultats. La suite de
ce point propose de développer certains des exemples évoqués ci-dessus, de les situer dans leur contexte,
et de montrer comment notre travail sur ce thème a déjà pris forme à partir des extraits des recherches de
chacun(e).
Les formes de l’art extrême en Russie par Nathalia Filatova : Les formes extrêmes de l’art et du rejet en
Russie
Pour répondre à la question « Qu’est-ce que l’art extrême en Russie ? », le premier reflexe évident et
justifié est d’évoquer la tendance centrale de l’art russe des années 90 : l’actionnisme de Moscou qui était
l’art de performance réalisé souvent par des gestes violents, radicaux et provocateurs.
Parmi les actions les plus caractéristiques de ce mouvement on peut citer l’égorgement d’un cochon par
Oleg Kulik au sein d’une galerie suivi par la distribution de morceaux de viande fraiche au public, ou encore
sa transformation en chien qui agressait et mordait des gens, la masturbation effectuée par Alexander
Brener sur la tour de plongeon de la piscine Moscou érigée à la place du cathédrale Christ-Sauveur, le défit
qu’il lançait au Président Boris Eltsin en se trouvant sur l’échafaud historique sur la Place Rouge, sa
défécation devant un tableau de Van-Gogh au musée des beaux arts de Moscou, le signe de dollar vert que
cet artiste a dessiné sur le tableau Suprématisme de Malevitch au musée Stedilijk à Amsterdam, le texte
complet de la Constitution de la Russie que Oleg Mavromatti écrit avec son sang, etc. Le radicalisme
artistique s’inscrivait bien dans la réalité de l’époque marquée par l’absence d’institutions suite à
l’effondrement de l’URSS en 1991, par une dévalorisation d’idées et de notions structurantes suite à la
dénationalisation, et par la mise en évidence de « barrières culturelles » entre l’Ouest et l’Est qui
persistaient malgré l’ouverture des frontières d’état. Dans cette ambiance révolutionnaire où la
transgression devenait la norme dans la vie politique et quotidienne du pays, la violence, la dureté et la
raideur des expressions artistiques semblaient très actuels et organiques. L’œuvre de ces artistes ne
trouvait pas de réactions fortes ni chez le pouvoir qui ne les prenait pas au sérieux faute du système
institutionnel qui pourrait donner du poids à leurs actions, ni chez le public désorienté par la dévalorisation
d’anciennes normes éthiques, esthétiques, morales et idéologiques. La voix des critiques peu nombreux
restait très faible faute du système de médias développé. Par contre, les actions de ces artistes en
Occident, considérées comme des actes de vandalisme ou d’offense, ont provoqué des scandales et même
des procédures judiciaires.
Dans les années 2000, les formes extrêmes propres à l’actionnisme ne sont plus d’actualité en Russie. En
revanche, ce sont les réactions qui sont paradoxalement devenues plus violentes et agressives. Il est
devenu dangereux pour les artistes de s’exprimer sur certains sujets, surtout ceux liés à la religion
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orthodoxe ou aux idées nationalistes. Le premier artiste qui était poursuivi pour « Incitation à la haine et
atteinte à la dignité humaine », Avdeï Ter-Oganian, est actuellement refugié politique à Prague, suite à sa
performance où il brisait des reproductions d’icônes à la foire « Art-Manège » en 1998. Il a ouvert une
longue liste de procès judiciaires contre des artistes (Oleg Mavromatti – refugié en Bulgarie), galeristes
(Marat Guelman) et commissaires d’expositions (Youri Samodourov, Andreï Erofeïev pour les expositions
Attention : Réligion ! et Art interdit 2006), ainsi que d’agressions physiques d’artistes (Kirill Miller, Igor
Bystrov, Oleg Yanushevski, Marat Guelman), de ravages d’expositions et des vandalisassions d’œuvres. Les
protagonistes de ces réactions sont des membres d’associations qualifiées de réactionnaires proches de
l’église orthodoxe russe ou d’ultranationalistes.
De fait, la scène de l’art contemporain russe présente de « bons » exemples qui permettent de voir et de
comprendre comment la notion de l’extrême dans l’art peut varier en fonction des conditions historiques
et politiques ou du degré des réactions des publics.
Les formes de l’art extrême en Chine par Qian He : La représentation occidentale de la cruauté dans l’art
contemporain chinois
L’art extrême apparaît vers la fin des années 1990 en Chine, à Pékin, chez un petit groupe de jeunes
artistes. Trois expositions européennes illustrent cette tendance de l’art : l'exposition Hors Limites en 1994,
la Se Biennale d'art contemporain de Lyon en 2000, et l'exposition Mahjong en 2005 à Berne (Suisse). Dans
les trois expositions, la mise en scène de la cruauté par les artistes chinois a suscité débats et controverses,
et dans certains cas, l'intervention des tribunaux. Les oeuvres litigieuses chinoises ont toutes été censurées
: soit interdites d'exposition, soit remplacées par des photographies. Au motif qu’ils ont utilisé des cadavres
d’humains et d’animaux pour réaliser des performances ou des installations radicales les artistes chinois
provoquent des réactions de rejets très fortes. Zhu Yu, qui a entamé une performance en « mangeant » un
bébé mort-né cuit, a sans doute poussé au bout de ce qu’on pourrait nommer « extrême ». Il amène à
s’interroger sur les conditions socioculturelles de l’émergence de l’art extrême en Chine : pour quels motifs,
ces artistes sont arrivés à explorer des matières radicales et dans quelle mesure le facteur culturel a joué un
rôle dans le processus de création et la diffusion de l’art extrême chinois ? Il est évident que dans le cas
chinois, le terme « extrême » n’a plus besoin d’être explicité parce que la radicalité des matières et des
modalités d’expression atteint déjà la limite du supportable et n’a pas manqué de susciter des procès et
des controverses dans la société occidentale. Mais c’est surtout l’origine de l’idée d’extrême chez ces
artistes chinois qui attire notre attention. La dimension politique est intéressante dans la mesure où elle
dévoile un fait que l’on peut énoncer ainsi : « Plus l’art est politique moins son caractère politique est
reconnu12 ». La difficulté est bien alors de définir les frontières de l’infranchissable, de questionner ce que
cela revendique sur le rôle ambivalent de l’Etat dans la création artistique, cela constitue la spécificité et le
point de départ de l’étude du cas chinois. Notre problématique porte sur le « déséquilibre implicite » (Sally
Price) qui caractérise le traitement et la représentation de l'art contemporain chinois dans les expositions
occidentales. Alors que les pratiques extrêmes occidentales (actionnisme viennois, body art...) font l'objet
de controverses essentiellement esthétiques, on assiste à un glissement du registre esthétique au registre
juridique lorsqu'il s'agit de l'art contemporain extrême chinois. En effet, les oeuvres chinoises ne semblent
pas, à l'instar des oeuvres occidentales, jouir de la même autonomie artistique et leur sort ne dépend pas
des commissaires et des critiques mais plutôt des avocats et des juges. Ce traitement juridique des oeuvres
litigieuses chinoises renverse les principes esthétiques que l'Occident a établis depuis le XIXè siècle : la
liberté artistique, l'autonomie de l'oeuvre, la possible transgression de la mimésis. L'universalité de la
notion d'art se heurte ici au caractère prétendument extraordinaire de la culture chinoise. En fait, ces cas
12
Jean-Philippe Uzel, L’exposition dans l’art contemporain : critique sémiotique des fondements politiques de l’esthétique moderne,
thèse de science politique, Université Pierre Mendès France – Grenoble II, Institut D’Etudes politiques de Grenoble, 1995, p. 11.
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de censure révèlent les fantasmes que l'Occident n'a cessé de nourrir au cours de son histoire sur la Chine,
et sur le lien consubstantiel que la culture chinoise entretiendrait avec la cruauté13.
Les formes de l’art extrême au Yemen par Anahi Alviso-Marino
L’art contemporain yéménite commence à se développer à partir des années 1970, quand un groupe
d’environ sept hommes s’intéresse à la peinture réaliste, quelques-uns d’entre eux autodidactes, et
quelques autres qui feront des études à l’étranger. Cette première génération enseigne et influence une
partie de la deuxième génération qui profitera de bourses pour étudier les beaux-arts notamment dans
l’Union Soviétique pendant les années 1980 et 1990. Finalement, cette deuxième génération reviendra
dans un Yémen unifié (République du Yémen, 1990) et commencera à constituer un mouvement plus
diversifié d’arts plastiques modernes (notamment peinture, photographie et sculpture) en explorant autres
styles artistiques comme le surréalisme et l’art abstrait. La troisième et dernière génération de ce jeune
mouvement est celle des années 2000, dont la majorité a suivi des formations au Yémen. Le mouvement
yéménite, qui est encore en train de se construire, est aussi marqué par un contexte dans lequel les
institutions qui ont traditionnellement accompagné les arts plastiques contemporains dans d’autres pays
(musées d’art contemporains, galeries, formations universitaires spécialisées, marché de l’art, etc.) ne se
trouvent pas sous la même forme. Pourtant, des institutions alternatives se sont constituées à travers les
années.
En partant de ce contexte, les artistes plasticiens signalent qu’effectivement l’art au Yémen est confronté à
de nombreuses limites, non seulement au niveau logistique mais aussi des limites subjectives liées aux
sujets des œuvres qui posent des problèmes lorsqu’ils sont représentés, c’est le cas pour le corps de la
femme, la nudité, la religion et les sujets politiques quand il s’agit de critiquer le gouvernement. Ces
extrêmes qui marquent ici les limites pour l’art contemporain, vont main dans la main avec une restriction
qui semble être encore plus marquée : l’autocensure. Des artistes comme Amal Fadhel produisent ainsi des
œuvres critiques contre le gouvernement mais en le faisant à travers de peintures surréalistes où le sens
politique et contestataire n’est pas directement saisissable. Le dernier travail d’Amna al Nassiri, une
installation qui a été la première de son genre à avoir lieu au Yémen, traite du sujet des « sièges » (titre de
l’exposition) qui enserrent les gens de l’intérieur et de l’extérieur. Le corps de la femme est par exemple
représenté comme attrapé à l’intérieur de cages d’oiseaux, complètement couvert de tissus blancs (couleur
qui, dans les pays islamiques, évoquent la mort) ou avec la tête couverte et des clous à la place du visage.
Accompagné d’un discours qui se définit contre les fondamentalismes sociaux et politiques, ce travail, qui
s’approche des extrêmes signalés, a provoqué des réactions contradictoires de rejet par rapport au sujet,
d’acceptation et de rejet d’une nouvelle forme d’art, et surtout de surprise. Pourtant la prise de risque
n’est pas allée jusqu’au bout, car al-Nassiri ne déshabille pas les femmes, et son installation n’a pas eu lieu
dans un espace d’exposition yéménite mais dans un centre culturel étranger. Les artistes semblent ainsi
contribuer à délimiter ces extrêmes en les approchant mais sans les dépasser complètement, en les
signalant mais en restant prudents pour ne pas « trop déranger ». Dans ce cas, il est nécessaire de
demander quel est le sens des « extrêmes » au Yémen ? Pour quels motifs ces artistes semblent ne pas
créer des œuvres extrêmes ? Le font-ils « autrement » ? Dans un pays où le gouvernement ne s’intéresse
pas à l’art ni en termes de soutien économique ou logistique, ni dans le sens de le censurer, quels
mécanismes amènent les artistes à s’arrêter devant des limites qu’eux mêmes délimitent et décident de ne
pas dépasser ? Les extrêmes dans l’art yéménite, sont-ils les artistes eux-mêmes ?
Les formes de l’art extrême au Mexique par Sylvia Girel : la vie du cadavre dans l’art, quand les morts
deviennent des matériaux de création
13
Qian He, « La représentation occidentale de la cruauté dans l’art contemporain chinois », sous la direction de Jean-Philippe Uzel,
mémoire de master, département d’histoire de l’art, Université du Québec à Montréal, mai 2008
(http://www.archipel.uqam.ca/1026/1/M10480.pdf)
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La contemporanéité du traitement de la mort et du cadavre dans les arts et la culture, la production
d’œuvres parfois d’une rare violence (réelle et symbolique), constituent des analyseurs sociologiques
pertinents pour aborder par une entrée originale notre rapport à la mort et au cadavre, mais aussi pour
poser les limites sociales et esthétiques de l’acceptable en art. Pour ne prendre ici que deux exemples afin
d’illustrer mon propos, exemples qui diffèrent de ceux proposés pour les autres pays, j’ai choisi des artistes
mexicains : un collectif SEMEFO (1989-1999) et une artiste Teresa Margolles.
Le travail de Teresa Margolles, fondatrice et membre du groupe SEMEFO (Servizio medico forense, Service
médico-légal), est particulièrement intéressant dans une perspective de recherche qui croise les points de
vue esthétique et sociologique. Son parcours professionnel personnel est singulier : parallèlement à ses
activités d’artiste, Teresa Margolles a passé le diplôme du département de médecin légiste de la ville de
Mexico et occupé les fonctions de technicienne légale dans une morgue ; le point de vue esthétique de
l’artiste se double du point de vue de la professionnelle en thanatologie. Son parcours artistique se
construit autour de deux périodes bien distinctes : la première, avec le groupe SEMEFO, correspond à la
production d’œuvres souvent collectives, très violentes et agressives, qui montrent ou mettent en scène
l’horreur de la mort à l’état brut ; la seconde période correspond à un travail plus personnel et conceptuel
qui suggère la mort au travers d’installations minimalistes plus qu’il ne la montre. Créé en 1990 par Teresa
Margolles, Arturo Angulo Gallardo, Juan Luis Garcia Zavaleta, Carlos Lopez Orozco, le collectif SEMEFO
rassemblera des artistes issus de plusieurs formes de création. Leur moyen d’expression privilégié sera dans
un premier temps la performance, leur thématique de création, la vie du cadavre. Réalisées en direct ou
filmées puis diffusées au public, ces performances transgressent les interdits, imposent aux spectateurs des
images et des représentations violentes de la mort, parfois insoutenables. Le projet artistique cherche
délibérément à choquer, à interpeller les spectateurs : « Les performances se succèdent dans des lieux
publics, exhibant sans pudeur le processus de décomposition de la matière organique humaine, comme
pour bousculer une société judéo-chrétienne qui préfère enfouir cette réalité sacrée, la rendre taboue et
ne pas l’affronter14. » SEMEFO montre et met en scène ce qu’il y a de plus abject dans la mort mais pas
n’importe quelle mort, celles des oubliés de la société, celle des SDF, des drogués, des victimes de meurtre,
ceux que personne ne pleure, ceux que personne ne vient identifier, ceux auxquels les familles trop pauvres
ne peuvent payer de sépulture. Le support et la forme des créations évolueront (photographies, vidéos,
etc.), mais l’esprit et les intentions resteront les mêmes. Alors que la mort est banalisée, dépersonnalisée
dans les medias par l’effet de saturation qu’implique la profusion d’images, c’est au travers de l’art que
SEMEFO cherche à faire réagir le public sur cette barbarie quotidienne générée par la corruption et par les
inégalités (sociales, économiques, ethniques…), visant à ce que le public éprouve au travers de l’expérience
esthétique ce qu’il devrait ressentir face à la réalité. La violence figurée dans les œuvres n’a d’égale que
l’indifférence pour ces milliers de morts marginalisés, désocialisés. On mesure les effets produits par de
telles œuvres dans une société où existe un ensemble de rituels festifs autour de la mort et des manières
d’en parler plus souvent ironiques que dramatiques. Le décalage entre la manière dont on rend hommage
aux morts socialement reconnus et l’absence de toute reconnaissance pour les autres est manifeste, et à
défaut d’être commémorés dans la « société historico-réelle15 », ces morts parias le sont dans les mondes
de l’art grâce à SEMEFO. Teresa Margolles participe au collectif jusqu’en 1999. Conformément au
programme artistique du groupe, elle fera dans un premier temps des œuvres résolument morbides qui
jouent sur l’impact visuel provoqué par un certain effet de réalité mais elle s'éloigne progressivement de
ces visions d'horreur pour travailler dans une perspective plus conceptuelle et minimaliste, imaginaire et
symbolique. Son matériau privilégié reste les matières organiques provenant de personnes assassinées,
notamment les eaux usées de laboratoires médicaux et la graisse humaine, mais elle compose aujourd’hui
des installations où la mort et le mort ne sont présents qu’implicitement, silencieusement. C’est bien
14
15
Ixchel Delaporte, « Dire la violence avec le minimum », L’Humanité, 26 avril 2005.
Vattimo Gianni, La Société transparente, Paris, Désclée de Brouwer, 1990, p. 32.
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souvent à la lecture des indications figurant sur les cartels que l’on comprend tout le sens de chacune de
ces installations.
En arrière-plan du travail de Teresa Margolles se pose la question des frontières de l’acceptabilité en art
dès lors que les artistes investissent des sujets particulièrement tabous. S’il est possible pour des œuvres
trash, gore, de poser des limites parce qu’il existe des dispositifs et/ou un cadre législatif pour le faire, la
question se pose différemment avec des œuvres qui ne montrent « presque rien » et qui sont pourtant
d’une redoutable efficacité dans les effets qu’elles produisent. Les artistes repoussent les frontières de l’art
et sont parfois à la limite de la légalité (en témoignent les scandales, procès, censures et interdictions dont
font l’objet certaines œuvres16), mais comme tout un chacun ils sont soumis à la législation en vigueur et
s’exposent aux mêmes sanctions dès lors qu’ils transgressent les lois et notamment celles qui sont relatives
à l’intégrité physique et psychique, à la dignité et au respect des êtres vivants, ce qui ne manque pas de se
présenter lorsque le cadavre lui-même devient matériau de création. Mais encore faut-il, pour les mettre
en cause, pouvoir s’appuyer sur des éléments tangibles et qui justifient une interdiction, une mise à l’écart
de l’œuvre incriminée. Qu’en est-il de ces œuvres qui suggèrent plus qu’elles ne montrent, qui infèrent plus
qu’elles n’exhibent ? Doit-on se protéger de ce que l’on voit réellement, du contenu manifeste des œuvres
ou de leurs effets ? Que dire de Burial (1999) qui se présente dans le plus pur esprit de l’art minimaliste
comme un simple cube de béton mais, au centre duquel – on l’apprend par le texte qui accompagne
l’œuvre – une cavité abrite un enfant mort-né, tabou ultime, et qui se trouve là parce que sa mère en a fait
la demande à Teresa Margolles, évitant ainsi qu’il ne soit traité, cela aurait été le cas à l’hôpital, en « simple
déchet ».
Les formes de l’art extrême en Thaïlande et en Tunisie par Annabelle O. Boissier
Dans le but d’interroger le statut accordé aux œuvres d’artistes non occidentaux par la scène internationale
de l’art contemporain, mes recherches ont porté sur trois contextes : leur réception en France à travers
l’analyse de la revue de presse de l’exposition Partage d’Exotismes (Biennale de Lyon, 2000) ; les conditions
d’émergence d’une scène artistique contemporaine en Thaïlande ; ainsi qu’en Tunisie. La description des
discours rendant compte de ces œuvres à l’occasion de Partage d’Exotismes montre qu’elles ne bénéficient
pas d’une pleine intégration à « l’histoire universelle » de l’art. Bien que l’exposition ait été louée pour la
mise à distance des critères esthétiques occidentaux, elle fut néanmoins considérée comme un échec en
raison des catégories proposées qui n’ont pas permis de renouveler la définition de l’art contemporain. Ces
catégories (telles manger, souffrir ou sexuer) ont isolé plus encore ces artistes dans un ordre descriptif lié à
l’espace géographique. La majorité des œuvres ont donc paru demeurer exogènes au monde de l’art
contemporain international. Afin d’explorer cette spécificité, j’étudiais l’un de ces contextes bénéficiant
d’une certaine réputation : la Thaïlande. L’enquête avait alors pour but d’analyser les relations entretenues
entre la scène locale de l’art contemporain et la scène internationale. Elle fit ressortir qu’une pleine
intégration des artistes à l’histoire de l’art dépend de la participation du monde de l’art dont ils sont issus à
la scène internationale de l’art contemporain. L’extériorité repérée par les critiques de l’exposition Partage
d’Exotismes n’est donc pas « culturelle » (défaut de compréhension des us et coutumes) tels qu’ils en ont
fait l’hypothèse, mais organisationnelle (absence de visibilité des mondes de l’art producteurs des œuvres).
Cette même spécificité ressort de l’enquête actuelle en Tunisie dont les premiers résultats indiquent que
l’absence d’une scène artistique contemporaine organisée entraine l’absence de visibilité ou même le rejet
par le monde de l’art contemporain international d’une pratique belle et bien présente nationalement.
Ainsi, je poursuivrai mon exploration de l’hypothèse selon laquelle la participation des œuvres non
occidentales à l’histoire universelle de l’art dépend d’un mouvement parallèle d’internationalisation et de
légitimation nationale des mondes de l’art dont elles sont issues nécessitant un partage de valeurs
esthétiques et organisationnelles restant encore aujourd’hui largement déterminées par l’Occident.
16
Voir à ce sujet l’entretien de Marc Jimenez dans L’Observatoire de la génétique (n° 27, avril-mai 2006) à propos de l’œuvre du
Chinois Xiao Yu intitulée Ruan (la tête d’un véritable fœtus humain collée au corps d’une mouette), qui a suscité une polémique.
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L’émergence de l’art contemporain est ainsi bien souvent considérée comme une aliénation (titre d’une
exposition ayant eu lieu en Thaïlande) expliquant peut être pourquoi de nombreuses œuvres thaïlandaises
dénoncent la consommation de masse (M. Sriwanichpoom, 1997 ; M. Toemsombat, 2002) faisant oublier
des épisodes parfois dramatiques de l’histoire du pays (M. Sriwanichpoom, 2001) ; alors que d’autres
critiquent directement le mode d’organisation de la scène internationale (N. Rawanchaikul, 2002) ou les
stéréotypes qu’elle véhicule sur les pays d’origine des artistes (P. Triki, 2008). Le contexte des œuvres ne
peut être limité au pays d’origine des artistes. Les œuvres contemporaines sont inscrites dans des
dynamiques tout autant nationales qu’internationales et sont en cela un espace privilégié d’étude de la
transformation des cultures dans la mondialisation. Si elles sont extrêmes ce n’est pas toujours en raison de
leur caractère engagé, obscène ou immoral, mais parfois simplement par contraste à ce que le public a
l’habitude de voir et l’amateur d’acheter comme ce fut le cas de la première installation présentée en
Tunisie par P. Triki en 2001 : « à l’époque beaucoup de gens s’intéressaient à mon travail [décoratif],
lorsqu’ils sont venus pour Vortex bien sûr ça a été un peu un choc (…) ce genre d’installation ça ne se faisait
pas, je me rends compte que même jusqu’à aujourd’hui c’est quand même l’exposition la plus osée que j’ai
faite ».
Les formes de l’art extrême en Amérique du nord : Tania Perlini, Les arts extrêmes en Amérique du Nord
C’est à partir des années 70 que plusieurs artistes en Amérique du Nord ont choisi d’œuvrer à la frontière
de l’intolérable et du moralement inadmissible. Rappelons notamment la célèbre performance Shoot de
Chris Burden, datant de 1971, où un ami tire à l’aide d’une carabine dans le bras de l’artiste. À la même
époque, alors que Burden cherche à brouiller la limite entre l’art et la vie, puis à affirmer son existence par
l’entremise de la douleur, un nombre important d’artistes féministes mettent aussi leur corps à l’épreuve,
physiquement et psychologiquement. Cette fois, le but recherché est de dénoncer et de contester
l’oppression d’une société qui repose sur un système de valeurs patriarcal. S’inscrivant dans le bassin plus
large des arts émergeant dans les années 70, la performance extrême se positionne à l’encontre de
« l’establishment » et des institutions artistiques en place. Paradoxalement, ces pratiques artistiques ont
depuis, été récupérées par une histoire de l’art, dite « conventionnelle » en Amérique du Nord, à l’intérieur
de laquelle ces œuvres bénéficient d’une certaine notoriété.
Depuis, le choquant, l’inconcevable et l’horreur semblent effectivement avoir gagné en popularité en
Amérique du Nord comme nous le signale notamment le succès des émissions de télévisions Jackass où l’on
peut voir des jeunes exécuter des cascades dangereuses et ridicules et celle de Fear Factor, qui met à
l’épreuve des participants en les invitant à effectuer des tâches dégoûtantes ou effrayantes. Malgré
l’engouement incontestable pour tous produits à sensations fortes, il n’en demeure pas moins que
l’extrême semble, tantôt ici, tantôt là, toucher les limites de la tolérance. Rappelons le procès intenté
contre Dennis Barrie en 1990, directeur du Centre d'art contemporain de Cincinnati, accusé d'obscénité
pour avoir chapeauté l’exposition The Perfect Moment, qui rassemblait des photographies érotiques
homosexuelles de Robert Mapplethorpe. Ceci sans oublier le scandale entourant l’œuvre d’Andres Serrano,
Piss Christ (1989) : une photographie recouverte d’urine représentant Jésus sur la croix. Neuf ans plus tard,
Serrano ne manquera pas de choquer de nouveau avec sa série, A History Of Sex (1998), qui explore
différents pans de la sexualité, incluant une femme qui masturbe un cheval. Au Canada, c’est la galerie Saw
à Ottawa qui fait scandale en 2003 pour avoir mis sur pied une exposition, SCATALOGUE: 30 ans de merde
en art contemporain, sur le thème de l’excrément. Aucun artiste, par contre, ne met mieux en lumière les
réelles limites de l’acceptable que John Duncan qui, en 1980, se procure un cadavre avec lequel il a des
relations sexuelles. Cette performance, que l’artiste intitule Blind Date, choque la communauté artistique à
Los Angeles et amène l’artiste à quitter son pays natal, les États-Unis.
Ainsi, les artistes qui travaillent aujourd’hui dans le cadre de ce qui peut, à un moment ou un autre, être
considéré « extrême », sont, malgré eux, les dépositaires d’une culture ambiguë du hors-limite où la
relation entre l’esthétique et l’éthique est constamment revisitée et réévaluée. Ce qui est particulier aux
arts extrêmes en Amérique du Nord est justement l’absence d’une vision ou d’une esthétique commune.
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Les pratiques extrêmes se retrouvent dans toutes les sphères de la scène artistique. Elles touchent à
différents thèmes, de la religion à la notion d’identité, aux questions portant sur le corps et l’imagerie
populaire. Pour citer quelques exemples, pensons par exemple à l’artiste américain Ron Athey qui, dans
Self-Obliteration #1: Ecstatic de 2008, évacue de son corps une quantité importante de sang enfin
d’exorciser symboliquement le VIH. De son côté, l’artiste canadien Mikiki utilise la violence dans ses
performances (en s’insérant des bouteilles de champagne dans le rectum en 2008), ainsi que le grotesque
pour parodier l’identité gay superficielle représentée dans les médias populaires. Nous pourrions
également citer le célèbre artiste américain Paul McCarthy, lequel, dans sa vidéo WGG, simule l’amputation
d’une jambe dans un bain de sang par un hommage pour le moins morbide aux célèbres vidéos Girls Gone
Wild. Ajoutons à notre liste l’artiste canadien Rick Gibson qui, en 1987, avait transformé des fœtus en
boucles d’oreilles ainsi qu’Aliza Shvarts, une étudiante à l’université de Yale qui, sur une période de neuf
mois en 2008, s’est inséminée artificiellement pour ensuite provoquer des fausses couches à répétition.
Finalement, en 1987, à Toronto, le canadien Jubal Brown se fait littéralement vomir au MOMA puis, à la
Galerie d’art de l’Ontario pour protester contre les tableaux de Piet Mondrian et de Raoul Dufy qu’il
considère sans vie. À la lumière de ces pratiques, deux questions s’imposent : L’extrême fait-il obstacle au
mérite artistique? Est-il efficace en tant qu’expression créative de résistance?
Les formes de l’art extrême en Iran par Shahab Afsharan : Enjeux entre la photo et la violence à travers
les œuvres photographes iraniens
"La violence est très fortement liée au corps. C'est pourquoi on la trouve au sein de nombreuses pratiques
performatives… Voir un corps en souffrance est une violence en soi. La violence de l'autre est une violence
faite à soi. Ce mouvement passe par l'image. Apprendre à voir l'image et à percevoir ses mécanismes de
mise en œuvre nourrit et développe la pensée…" Chantal PONTBRLAND
"L'art extrême se propose une saisie à la fois mentale et sensible du fond des choses… La photographie
répond remarquablement à ce propos". Henri VAN LIER
Il est évident que la compréhension de différents aspects de l’art, des approches, des techniques et au-delà
de tout cela des pensées et des réflexions est le langage de l’art. Sans comprendre les hypothèses critiques
influentes mais indépendantes et émanées elles-mêmes de la réflexion théorique sur la vérité et le
cheminement d’art on ne peut pas comprendre les œuvres d’art. Aujourd’hui la photographie nous donne
la possibilité de créer quelque chose tout à fait nouveau au plan de visualité. La photo en tant qu’une
œuvre d’art créée par artiste peut évoquer la joie esthétique du visiteur. Les images sont importantes pour
ce que l’on fait avec elles et pour le sens qu’elles portent pour nous. Il parait nécessaire de faire remarquer
que les photos resteront influentes- vu « la révolution de technologie»- car elles sont d’une manière
efficace et souvent très évoquantes le lien entre les réalités internes et externes. Bref, la photo a procuré
une approche qui nous lie - non seulement sur le plan cognitive, mais aussi sur le plan affectif, esthétique,
social, moral et politique - au monde. D'ailleurs, étant donné que, de nos jours, les photos, nous parlent, il
ne serait peut-être pas inutile de connaître les relations présentes entre les signes d'une photo ainsi que
leur fonction sociale qui nous permettent de nous orienter vers les divers sens des phénomènes culturels et
historiques dans une société donnée. Effectivement, on pourrait peut-être considérer la photographie ou la
photo comme l’œil vigilent de notre époque ; un œil perçant et révélateur, à part son influence profonde et
fondamentale sur la vie de l’homme contemporain, qui est à la fois le témoin et le gardien des valeurs
variées ainsi que le moyen de sauvegarder les événements et les faits scientifiques, historiques et
artistiques. La photographie contemporaine, par sa technique et ses possibilités, sur le plan esthétique et la
stylistique artistique couvre un large domaine. Cette sorte de révélation en tant que descripteur majeur de
la présente société iranienne s’y est aussi fait un statut particulier.
Ce qui m’intéresse et me frappe ici c’est la notion de la violence. En effet, la question qui se pose est
comment elle évoque des sensations, soit agréables, soit désagréables, chez les personnes qui nous
regardent ? Je voudrais montrer comment les iraniens pensent au terme violence lorsqu'ils sont confrontés
à des images qui parlent de la violence. Autrement dit, je voudrais vous parler et analyser des images
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photographié par les artistes iraniens comme Kaveh Golestan, Shadi Ghadirian et moi-même. Les photos de
guerre prises par Golestan, constituent un récit terrifiant et frappant d’où l’odeur de la mort, de la viande
brûlée émanent. Ces photos montrent bien comment la guerre vidait et détruisait le monde. Elles nous
demandent une attention supplémentaire pour bien concevoir comment la guerre se présente. Il nous
montre à la fois la violence, la beauté, la vengeance et le sacrifice. Les œuvres de GHADIRIAN en quelque
sorte, peuvent déchiffrer le concept de la violence féminine. D'une certaine manière, ses photos sont des
témoignages des femmes iraniennes qui sont peut-être oppressées, offensées, censurées, victimes, etc.
Mais justement, est-ce que l'artiste peut facilement exposer les photos, ces photos ? Existe-t-il des limites,
des censures, etc. Comment et pourquoi ? Quelles sont ses raisons ? Quel message portent-elles qui les
prive le droit d’être exposées ?
L'objectif et l'intention de ma contribution est de proposer et étudier une approche concrète de la question
de la violence à partir d'œuvres photographiées parmi les œuvres des artistes photographes iraniens et
d’interroger les limites qui empêchent la représentation de ces images. Avec un paradoxe, si en effet cette
représentation se fait à travers les images et essaie de faire ressentir une catastrophe par le message
sincère d'une photo, et que sans aucun doute, l’art de la photographie, peut révéler l’influence et l’effet de
la violence sur la mentalité des individus à des fins de compréhension de la réalité, il va de soi que l'on ne
peut le démontrer qu'en exposant les images sans aucune limitation et censure.
Les exemples et études de cas montrent bien que, malgré la diversité et les différences, ce sont d’ores et
déjà des questions communes qui émergent, et des points de convergence d’un pays à l’autre en termes de
problématique et au regard de l’interdépendance entre les formes de création, les modalités de leur
diffusion et les formes d’appropriation par les différents publics17. C’est d’ailleurs bien souvent les
« matériaux » utilisés, « trop réels », « trop différents », « trop nouveaux » qui posent la question des
limites et sont de nature à surprendre, ou encore la forme que prend le travail artistique dans ces
expressions contemporaines et non seulement les thèmes ou sujets que les artistes abordent. Il nous
faudra aussi débattre de ce que les artistes peuvent être considérés comme responsables de leur œuvres et
de ce qu’elles donnent à voir mais non de la réalité dont ils s’inspirent ou avec laquelle ils composent
quand bien même cette réalité est abjecte. Le type d’œuvre est ici déterminant, la photographie est un
« intermédiaire » et crée donc une distance réelle et symbolique que certaines installations ont
complètement gommée. Ajouté aux matériaux, le contexte dans lequel sont produites et reçues les œuvres
est décisif, contexte social et artistique, spatial et temporel qui façonne le regard, les gouts et les dégouts.
Socialement construit et contextuellement défini, le regard saisit et s’approprie l’œuvre en fonction
d’habitudes perceptives et cognitives qui évoluent et se modifient selon les époques et les contextes. C’est
ce qu’a montré de manière magistrale Michael Baxandall pour le Quattrocento (« les facteurs sociaux
favorisent la constitution de dispositions et d’habitudes visuelles caractéristiques18 ») ou dans une autre
perspective Anne Sauvageot dans Voirs et savoirs19, « Panofsky remarque lui-même que, dès le niveau le
plus naïf de la perception, celui où l’on croit identifier ce qu’une image représente "naturellement",
interviennent déjà connaissances, habitudes et conventions » et « un pacte iconique ne fonctionne qu’à
partir de l’identification par le récepteur de "marques" et des structures fonctionnelles capables de lui
désigner un registre d’interprétation et d’appréciation. »20
Reste que, pour la période récente, et dans une perspective comparative entre différents pays, le travail
d’identification et d’analyse de ces « habitudes et conventions » pour l’art dit contemporain et notamment
lorsqu’il prend des formes extrêmes reste à faire. L’idée d’un art qui fait choc (Paul Veyne) n’est pas
nouvelle, mais l’on peut voir qu’au cours des dernières décennies la provocation, la dénonciation, et une
17
Précisons ici que par publics nous entendons tous les récepteurs possibles, des plus profanes au plus experts,, des plus résistants
au plus réfractaires, et cela inclut aussi les professionnels de l’art (artistes, galeristes…).
18 L’Œil du quattrocento. L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Paris, Gallimard, 1985
19 Paris, PUF, 1994, p. 28.
20 Jean-Claude Passeron, Emmanuel Pedler, Le Temps donné aux tableaux, Marseille, Cercom, Imerec, 1991, p. XX et XXIV.
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Projet « ART EXTREME »
PROCESSUS, ACTEURS, OBJETS,
CONTEXTES
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forme d’art politique sont peut-être plus que jamais au cœur des préoccupations de nombreux artistes et
quelque que soit leur pays d’origine, posant des questions artistiques sur le social et des questions sociales
au procès artistique : « Qu’il la devance ou non , l’artiste traduit donc, dans un langage qui lui est propre et
qui se différencie radicalement de l’expression, une vision du monde, partagée ou partageable par
l’ensemble de la société dans laquelle il vit21. »
Objectifs et caractère ambitieux/novateur du projet
Une approche comparative à la croisée des disciplines, quelques hypothèses de départ
"L'interdisciplinaire, dont on parle beaucoup, ne consiste pas à confronter des disciplines déjà
constituées (dont, en fait, aucune ne consent à s'abandonner). Pour faire de l'interdisciplinaire, il
ne suffit pas de prendre un "sujet" (un thème) et de convoquer autour deux ou trois sciences.
L'interdisciplinaire consiste à créer un objet nouveau, qui n'appartienne à personne."
Roland Barthes, « Jeunes chercheurs », dans Le bruissement de la langue, Paris, Seuil, 1984.
C’est autour d’un certain nombre de contextes artistiques spécifiques que notre projet collectif prend
forme aujourd’hui, outre l’observation, la description, la définition et la conceptualisation de ce que
recouvre l’art contemporain extrême au regard des contextes nationaux, la qualification, l’interprétation et
l’analyse des différentes limites observées, nous serons amenés à explorer quelques hypothèses :
- Nous observons que les arguments qui étaient mis en avant pour dénoncer certaines formes de
création il y a quelques années sont aujourd’hui ceux là mêmes qui participent de la reconnaissance et de
la valorisation des œuvres et des artistes.
- Il apparait dans certaines des études que, plus la censure et la réprobation (morale, éthique, religieuse,
politique, etc.) sont fortes, plus les artistes qui produisent des œuvres subversives et extrêmes
outrepassent les frontières de l’acceptable en produisant des œuvres à la limite du supportable (les
exemples pris par Nathalia Filatova, Shahab Afsharan, Qian He en témoignent) ;
- Il semble aussi que les formes de l’appréciation et par effet de halo la reconnaissance artistique (ou
non), la simple légitimation des œuvres diffèrent d’un pays à l’autre parce que les effets esthétiques et
esthésiques22 produits renvoie aux « rapports au monde » et « aux tabous » de ceux qui les
appréhendent et les reçoivent : « Ce qui est supportable se définit par rapport à l’état relatif de celui qui
supporte. […] Ce que l’un supporte est insupportable à l’autre, et cette différences est liée à ce que l’un
ou l’autre on supporté auparavant23 », comprendre ces formes de création implique de tenir ensemble
les processus de création, de diffusion et de réception à l’œuvre à l’échelle de la scène artistique mais
plus généralement à l’échelle du social (Tania Perlini le montre avec une forme d’engouement pour la
dangerosité dans l’art mais aussi au travers d’autres pratiques ou de loisir) ;
- Il y a un accès différentiel à la reconnaissance sur les scènes artistiques nationales a fortiori sur celle
internationale pour ces formes de créations extrêmes.
- La sanction par la censure ou le rejet n’est pas toujours le fait des censeurs « habituels » ou
« supposés » et les motifs se déclinent selon des registres très divers, c’est parfois la qualification même
d’art contemporain qui est discriminatoire (comme le montre très justement Annabelle Boissier), ce sont
parfois les artistes qui s’autocensurent (hypothèse développée par Anahi Alviso) ;
- Face à certaines oeuvres et aux expériences réceptives auxquelles elles donnent lieu, la question du
contenu ou du thème se révèle au final et parfois assez marginale, pour expliquer la réception et les
réactions, en revanche la question des matériaux et de la plasticité de l’oeuvre, des effets esthétiques et
esthésiques produits, de ce qui accompagne l’oeuvre (cartels notamment), etc., se révèlent
déterminants.
21
Sauvageot Anne, Voirs et savoirs, Paris, PUF, 1994, p. 28.
Aptitude à percevoir des sensations.
23 Péquignot Bruno, Pour une sociologie esthétique, Paris, L’Harmattan, 2004, 144.
22
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Ces hypothèses seront affinées au cours de la recherche et d’autres émergeront à l’issue du travail
d’investigation, mais il apparait déjà qu’une mise en perspective sociologique, historique et esthétique de
l’art extrême selon différents contextes nationaux, mais dans une perspective de comparaison
internationale, permettra de montrer que si la désignation « d’art contemporain extrême » est un concept
opératoire, chaque pays, par son histoire, sa culture et ses traditions produit un art extrême spécifique.
Dans ce processus, les œuvres deviennent des analyseurs particulièrement intéressants de l’état de l’art,
tout autant que de l’état de la société dans laquelle elles s’inscrivent.
A la croisée de plusieurs disciplines, international, investiguant un domaine de recherche peu exploré sous
cet angle et dans cette perspective, ce projet est aussi une opportunité pour de jeunes chercheurs
originaires de différents pays, issus de formation non moins différentes, de confronter et de croiser leur
savoirs et savoir-faire sur l’art contemporain, et de contribuer à une cumulativité des connaissances.
L’enjeu étant aussi de produire une recherche qui fasse référence en la matière et qui permette à sa suite
d’aborder avec une plus grande cohérence et clarté des formes de créations contemporaines, qui
jusqu’alors, faute de catégorisations adaptées aux paradoxes et contradictions qu’elles posent rendaient
leur appréhension et compréhension particulièrement complexes.
L’intérêt et l’originalité du projet s’articulent ainsi autour de plusieurs éléments :
- la contemporanéité et le caractère inédit d’une recherche exploratoire et comparative de cette nature
et envergure sur le thème de l’art contemporain extrême et la possibilité de produire un travail qui fasse
date une thématique mal connue et/ou abordé sous des angles de recherches très ciblés, il s’agit de «
tenir ensemble » création, diffusion et dans un même temps d’interroger la réception, non parce qu’il
s’agit d’un continuum où la réception est la dernière étape du processus et subit mécaniquement les
effets des étapes qui la précèdent, mais parce que ces différentes étapes se façonnent et se coconstruisent les unes par rapport aux autres, et que la compréhension de l’une passe par la connaissance
des autres ;
- l’inter et la pluridisciplinarité du projet qui le situe à la croisée de plusieurs disciplines (sociologie,
anthropologie, sciences politiques, art plastiques, esthétique, histoire de l’art) et qui met en regard
différents champs ou domaine de recherche au sein de chacune d’entre elles ;
- la dimension transversale de l’approche, qui permet à la fois de focaliser l’attention sur des objets
spécifiques et de les intégrer dans une explication de portée plus générale par la dimension collective du
projet et la confrontation de nos résultats et analyses ;
- la capacité à appréhender l’art et les œuvres produites aujourd’hui comme des « documents sur le
social »
- la dimension internationale via les pays étudiés et les laboratoires de recherche associés au projet, tout
autant que par les différentes nationalités représentées ;
- en outre, l’équipe se compose de jeunes chercheurs, âgés de 29 à 38 ans.
PROGRAMME SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE, ORGANISATION DU PROJET
Programme scientifique et structuration du projet
La méthodologie mise en place sera à la fois rigoureuse et souple afin de garantir l’applicabilité et la
comparabilité de l’objet de la recherche dans les différents pays concernés par l’étude. L’approche
qualitative et ethnographique sera privilégiée afin de croiser les perspectives sociologiques et esthétiques.
A titre indicatif et provisoire (le travail de construction de l’objet permettra d’affiner les hypothèses
proposées ci-dessus et de bien définir les objectifs), il s’agira pour chaque pays concerné :
- d’identifier les œuvres considérées comme extrême, où que l’on peut qualifier, qui sont désignées
comme telles
- d’identifier ce qui permet de les qualifier comme telles : forme, contenu, matériaux, effets produits…
- d’identifier les motifs de censure, de décrochage invoqués et par qui
- d’identifier les thèmes, matériaux, modalités de création considérés comme extrêmes, subversifs, ceux
qui ne le sont pas ou plus
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- d’identifier les publics qui adhèrent tout autant que ceux « réfractaires »
- d’identifier les instances qui demandent la censure, portent plainte, et à l’inverse celles qui légitiment
des formes de création hors limites
- d’identifier pour chaque pays des moments clés (contexte d’apparition d’œuvres extrême, moment de
basculement où elles sont acceptées).
Management du projet
Le champ d’investigation concerne à ce jour les pays qui suivent (par ordre alphabétique), chaque membre
du collectif travaillera dans le cadre de la recherche sur un/des pays spécifiques. Chacun des chercheurs
(d’ailleurs pour la majorité des jeunes chercheuses) a été amené à proposer un éclairage à partir de ses
connaissances et travaux, chacun(e) aura (si nous obtenons le financement) à conduire sur la base d’un
protocole commun des investigations dans le(les) pays les intéressants ou d’autres pour lesquels il n’existe
pas de recherche, en vue d’une mise en perspective et d’une analyse comparative de l’ensemble des
terrains et des matériaux recueillis. La responsable scientifique veillera à la coordination et à la
synchronisation des travaux suivant le calendrier fixé.
Chine : Qian He
États-Unis et Canada : Tania Perlini
Iran : Shahab Afsharan
Russie : Natalia Filatova
Thaïlande et Tunisie : Annabelle O. Boissier
Yemen : Anahi Alviso-Marino
Scène artistique internationale, autres pays occidentaux (Allemagne, France, Angleterre, Mexique, etc.) :
Sylvia Girel (coordinatrice).
Le collectif pourra être complété lors de la première année pour inclure d’autres pays, les contacts sont
d’ores et déjà établis avec d’autres doctorants et post-doctorants travaillant sur ces thématiques.
STRATEGIE DE VALORISATION DES RESULTATS ET MODE DE PROTECTION ET D’EXPLOITATION DES
RESULTATS
Organisée autour d’investigations et d’études de terrain cette recherche a aussi vocation à créer une
dynamique d’échange et de rencontres entre chercheurs, pour atteindre cet objectif nous proposons :
-
-
-
La publication au terme de la recherche d’un ouvrage collectif, comportant un ensemble d’articles
pour chacun des pays étudié écrit par chaque membre, avec une partie introductive et une analyse
de synthèse de l’ensemble par la responsable scientifique. Cette publication aura vocation à faire
référence en la matière.
Deux journées d’étude (une en année 1 l’autre en année 3), format et modalités, pays d’accueil à
l’étranger définir au regard des opportunités, permettra de réunir les membres du collectif autour
de thématiques ciblés et d’inviter à participer des spécialistes (il sera notamment envisagé de faire
appel à des spécialistes de disciplines non représentées dans le collectif mais dont les
connaissances et compétences pourraient contribuer à une meilleure connaissance du sujet, on
pensera par exemple aux sciences juridiques).
Un colloque international, interdisciplinaire et pluridisciplinaire avec publication des actes réunira
après la mi-parcours les spécialistes des formes de création extrême, la sélection se fera via la
constitution d’un comité de sélection international sur la base d’un appel à contribution rédigé de
manière à questionner l’objet « Art extrême ». Le colloque permettra de croiser notre approche et
nos points de vue avec ceux d’autres spécialistes, de confronter les résultats, en débattre avec des
chercheurs invités, spécialistes des disciplines représentés dans le collectif et afin d’avoir un retour
critique sur les analyses et dans un même mouvement de diffuser et faire connaitre notre travail
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collectif, ses enjeux et l’opportunité qu’il offre d’inscrire des travaux jusque là épars dans un champ
de recherche aux contours définis.
Parallèlement, les activités habituelles de valorisation individuelles et collectives de la recherche
(participation à des colloques sur des thématiques en lien avec le thème de la recherche, rédaction
d’articles, conférences, séminaires…) seront mises en œuvre par chacun des membres du collectif.
ORGANISATION DU PARTENARIAT
Description, adéquation et complémentarité des partenaires
Par leur appartenance et l’inscription de leur travaux dans des universités et laboratoire diversifiés (en
France et à l’étranger) c’est un réseau de partenaires (universités, écoles, instituts, laboratoires) nationaux
et internationaux mais articulé autour de l’équipe d’accueil Habiter-Pips, université de Picardie, le
laboratoire d’appartenance de la coordinatrice du projet qui se met en place. La dimension exploratoire et
innovante du projet nous amené à privilégié un seul partenaire central, afin de ne pas disperser les taches
et les fonds entre de trop nombreux partenaires : si le projet est multipartenaires de fait et par le biais des
appartenances respectives et multiples des uns et des autres, il apparait opportun de fédérer les énergies
autour d’un seul et même porteur de projet par souci de cohérence autant que par souci de faisabilité.
Le réseau créé via l’ensemble des jeunes chercheurs associés au projet et déjà investis pour la plupart
depuis plusieurs mois sur ce sujet s’appuie sur les institutions suivantes :
- Centre français d’archéologie et de sciences Sociales à Sanaa
- Collège universitaire français de Moscou
- CRCP-ROMA
- Ecole des hautes études en sciences sociales
- GDR Opus
- Institut d’études politiques de Paris, Centre d’étude des relations internationales
- Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (CNRS, EHESS)
- Institut supérieur des beaux-arts de Tunis
- Littératures d'Extrême-Orient, textes et traduction (LEO2T, Aix en Provence)
- Université de Lausanne
- Université de Paris 4, Equipe de recherche Histoire de l’art contemporain
- Université du Québec à Montréal
- Université Paris 1
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