Le français en République du Congo sous l`ère pluripartiste

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Le français en République du Congo sous l`ère pluripartiste
Le français en République du Congo sous l’ère
pluripartiste (1991-2006)
MASSOUMOU, Omer ; QUEFFELEC, Ambroise, Le français en République du Congo sous l’ère
pluripartiste (1991-2006), Paris, Editions des Archives contemporaines – AUF, 2007, ISBN 2-978914610-42-1, 451 p.
C’est avec plaisir que la communauté scientifique accueille ce nouveau dictionnaire consacré aux
particularités lexicales du français d’un pays d’Afrique subsaharienne, la République du Congo.
L’ouvrage a été rédigé par Omer Massoumou, directeur du département de langue et littérature
françaises de l’Université Marien Ngouabi (Brazzaville), et Ambroise Queffélec, qu’on ne présente
plus – rappelons seulement qu’il a rédigé, à titre d’auteur ou de co-auteur, une bonne dizaine de
dictionnaires différentiels francophones (Maghreb et Afrique noire). Comme l’explique le préambule,
O. Massoumou est l’auteur principal de la première partie de l’ouvrage (« Le français et la dynamique
de langues » pp. 9-75), alors que la seconde partie (l’inventaire lexical proprement dit, pp. 77-448) est
essentiellement l’œuvre d’A. Queffélec, les deux co-auteurs ayant bénéficié de leurs relectures
respectives.
Plusieurs années se sont écoulées depuis la parution, en 1990, de Le français au Congo (R.P.C.), Aixen-Provence, A.E.L.I.A.-Publications de l’Université de Provence, d’Augustin Niangouna et A.
Queffélec (dont le contenu est disponible dans le sous-ensemble de la BDLP – Banque de données
lexicales panfrancophones – consacré au Congo : www.bdlp.org/). La période a été marquée entre
autres par la diffusion croissante du français au sein de la population congolaise, d’où sa
vernacularisation et son appropriation par les locuteurs. Ces phénomènes rendaient bien sûr nécessaire
une nouvelle description des particularités lexicales du pays, présentées ici dans des articles (au nombre
de 1 398) dont la microstructure reprend le modèle bien connu, et satisfaisant, que l’on peut retrouver
dans la grande majorité des dictionnaires consacrés aux français d’Afrique. Parmi les points forts de ce
programme microstructurel, rappelons la place considérable qui a été faite aux exemples réels, dûment
référencés, classés par ordre chronologique (à l’intérieur de chaque acception), et qui seuls peuvent
garantir que l’ouvrage soit reçu par les locuteurs comme un miroir fidèle de leurs pratiques langagières.
Quant aux lecteurs exogènes, les citations tirées de la presse et de la littérature congolaises (on trouvera
en fin d’ouvrage la bibliographie des nombreuses sources dépouillées, pp. 449-451) leur offriront un
portrait vivant de cette communauté linguistique francophone où le français, comme c’est souvent le
cas en Afrique, se caractérise par une abondance de néologismes, souvent ludiques, dont il faut se
réjouir. En outre, les exemples ont parfois la fonction d’une rubrique encyclopédique, apportant au
lecteur une richesse de données culturelles qui ne sauraient être prises en charge par la seule définition
(v. par exemple le long article consacré au mot dot). Autre point fort de cette lexicographie qui a su ne
pas rester sourde aux appels de la sociolinguistique, les mots sont accompagnés de marques d’usage qui
permettent de préciser leur fréquence (‘fréquent’, ‘disponible’, ‘rare’) et leurs affinités diasystémiques
(‘oral’, ‘écrit’, ‘journalistique’, ‘jeunes’, ‘scolarisés’, ‘intellectuels’), voire leurs valeurs stylistiques et
pragmatiques (‘péjoratif’, ‘ironique’). Au chapitre du passif, des premières attestations, des renvois à
l’usage d’autres pays francophones, un commentaire lexicologique explicite sur l’origine et la nature du
particularisme, ainsi qu’un bilan bibliographique aussi exhaustif que possible pour chaque mot traité,
auraient pu venir compléter cette microstructure déjà très riche (on se permettra de rappeler ici que le
Dictionnaire des régionalismes de France de Pierre Rézeau propose à la communauté des chercheurs le
modèle le plus achevé de dictionnaire différentiel francophone et mériterait d’être davantage suivi).
La présentation d’Omer Massoumou est structurée en une douzaine de subdivisions, qui nous
présentent successivement : la « Situation générale de la République du Congo » (pp. 11-15), un
« Aperçu historique » (pp. 15-25), « Les évolutions dans la société congolaise depuis 1990 » (pp. 2534), « La dynamique linguistique, le français et les langues congolaises » (pp. 34-38), « L’exposition au
français : status et corpus » (pp. 38-52), « La discontinuité fonctionnelle » (pp. 52-54), « Les variétés
de français » (pp. 54-59), « L’enracinement dans la francophonie » (pp. 59-61), « Les opinions des
locuteurs » (pp. 61-62), « La description des congolismes » (pp. 62-66), la « Structuration de
l’inventaire » (pp. 66-69), puis une bibliographie (pp. 70-75). On aurait aimé trouver lingalaphone (p.
14) et congolisme (pp. 59, 62) à la nomenclature.
Cet inventaire est d’une grande richesse et nous fait espérer avec encore plus d’impatience la parution
d’ouvrages équivalents consacrés au français de grands pays voisins, tels le Cameroun et la République
démocratique du Congo, qui regroupent des millions de francophones. Il sera possible, à terme, de
cartographier avec précision l’extension géographique de plusieurs africanismes qui se jouent des
frontières, comme l’inventaire ici recensé le démontre une nouvelle fois de façon indéniable. La
légitimation définitive des lexies les plus répandues dans l’espace francophone africain pourrait être
l’une des conséquences de nos activités lexicographiques a priori purement descriptives, mais que
plusieurs aimeraient instrumentaliser dans une optique d’aménagement linguistique.
André Thibault