Le chevreau de lait, une viande à découvrir. Des marchés qui se

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Le chevreau de lait, une viande à découvrir. Des marchés qui se
Filière Ovine et Caprine n°13, juillet 2005
Le chevreau de lait, une viande à découvrir.
Extrait de Viande Magazine – N° 9 – Mars 2005
Présentation et adaptation : Ph. Vandiest - FICOW
Nos tables se garnissent souvent de fromages de chèvre en tous genres : crottins de
Chavignol, pyramides de Pouligny Saint-Pierre, palets de pelardons des Cévennes, briques à
pâte molle ou petits carrés frais enveloppés d’aluminium. Mais rarement d’un cuissot de
chevreau aux épices, d’un chevreau braisé sauce Chabichou ou d’un carré de chevreau au miel
et à la moutarde. L’oubli est à réparer d’urgence.
Des marchés qui se cherchent
Avec un petit million de chèvres et chevrettes saillies l’an dernier, la France (troisième
troupeau européen en effectif derrière la Grèce et l’Espagne mais premier producteur de lait
avec 500 millions de litres) a produit 850.000 chevreaux de boucherie et réformé 140.000
chèvres, soit 4.700 tonnes de viande de chevreau et 3.000 tonnes de viande de chèvre. Sur les
800.000 carcasses vendues par les abatteurs français, une sur deux prend la route de l’Italie,
de la Suisse, de l’Espagne, du Portugal ou de l’Allemagne. L’Italie est le premier solliciteur
de l’offre française à Noël et à Pâques.
Les principaux opérateurs français en viande caprine reviennent un peu des marchés
étrangers, qui pour certains occupent 90 % du volume traité, avec des demandes en poids de
carcasses diverses : de 4.5 kg dans la Péninsule ibérique (où le chevreau se rôtit entier)
jusqu’à 7 kg en Allemagne, avec des demandes spécifiques de carcasses lourdes (9 kg).
Les pouvoirs d’achat s’érodent en Italie comme en Allemagne, les carcasses congelées se
bradent dans le Nord transalpin (40 % des exportations s’y font en congelé), les grossistes
solvables sont parfois difficiles à trouver sur la péninsule ibérique …et la législation limite à 8
heures la durée des transports de chevreaux.
Ces opérateurs tentent de susciter un regain d’engouement parmi les distributeurs et
consommateurs français, pour qui le chevreau, outre son manque de tradition gastronomique,
a une connotation trop festive et trop saisonnière. La ruée sur le marché italien à partir de
1975, quand la lire était forte, n’a pas non plus contribué à familiariser le produit sur le
marché français. L’encouragement des laiteries à désaisonnaliser la production et la demande
croissante pour des fromages fermiers de contre saison conduit peu à peu à un étirement des
mises bas du 15 août à la fin mai. Cette timide désaisonnalisation devrait aider les principaux
opérateurs-exportateurs à se positionner davantage sur le marché intérieur.
Face à eux, les opérateurs de taille moyenne se maintiennent en entretenant une fidèle
clientèle de restaurateurs et de bouchers et, pour certains, en entretenant aussi une autre
spécificité comme le lapin. Eux estiment que le chevreau de lait doit demeurer un produit
saisonnier haut de gamme.
Le mythe du chevreau sous la mère
« Le bon chevreau est un chevreau de Pâques élevé sous la mère ! » … un mythe dans un pays
d’élevage laitier. Les chevreaux ne tètent presque jamais leurs mères. Certaines ont d’ailleurs
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la mamelle trop lourde et les tétines trop basses pour que les petits puissent y boire sans se
tordre le cou. Quoi qu’il en soit, les mères retournent à leur production laitière une semaine
après leur mise bas.
Les chevreaux sont confiés à la « louve », dont ils apprécient le lait reconstitué. Ils n’en
deviennent pas moins d’exquis chevreaux de boucherie, tendres en bouche et au goût subtil,
riches en protéines et en vitamine B12 et présentant un profil en acides gras recommandable à
tous.
Leur amie la louve
La louve est bonne mère : ses tétines sont à bonne hauteur et elle régale à volonté. Les cabris
élevés dans de bonnes conditions atteignent 8 à 12 kg en quatre ou cinq semaines. Au-delà, le
gain quotidien se réduit et des maladies peuvent se déclarer. C’est pourquoi peu d’élevages les
poussent jusqu’à 17 kg, qui était le poids traditionnel des chevreaux sous la mère (une espèce
en voie de disparition). Il y a aussi des échéances à ne pas manquer : Noël et Pâques, des pics
de consommation.
Afin que l’hémoglobine ne gâte pas la blancheur de la chair, son précurseur, le fer, est banni
des bâtiments d’élevage de chevreaux. Les barrières des enclos sont en bois. La paille peut
être remplacée par de la sciure. Ainsi, le chevreau ne risque pas de démarrer une rumination
en suçotant sa litière. Et il se préserve des contaminations.
Suave chevreau, goûteux cabri
La viande de chevreau de lait, ou cabri, est moelleuse et d’un goût subtil. Ceux qui la
découvrent lui trouvent une saveur très douce, comparable à celle de l’agneau de lait. On la
prépare au four, en sauteuse ou à la broche. Elle nécessite une cuisson à coeur. C’est ainsi
qu’elle révèle sa saveur et sa tendreté. Ne jamais la servir rosée, toujours à point.
Ses qualités nutritionnelles sont remarquables. Elle offre un très bon apport en protéines,
renferme peu de matières grasses et parmi celles-ci, une faible proportion de cholestérol.
Enfin, cette viande est riche en calcium.
Certains l’apprécient « un peu plus faite ». Sur une carcasse de 7 à 10 kg, les muscles sont un
peu rebondis et les côtes plus charnues. Le moelleux et la finesse du goût demeurent, le
parfum est discret car on reste dans le domaine du chevreau de lait.
Un chevreau encore plus âgé, ayant déjà consommé de l’herbe ou du foin, a une chair plus
teintée et plus ferme et une flaveur plus pastorale.
La chèvre enfin, n’est pas celle qu’on croit. Rien à voir avec les vieilles carnes d’autrefois. La
voilà pourtant affublée d’une connotation « viande du pauvre ». La chèvre de réforme est
toute jeunette : quatre ans, cinq tout au plus. Les connaisseurs recherchent la jeune d’un an
qui n’a pas donné de chevreau.
Bien sûr, la chèvre n’aura pas la tendreté d’un chevreau de lait ni d’un jeune cabri élevé au
piquet ou sous la mère. Mais elle fera largement l’affaire de ceux qui savent la cuisiner, prix
modique aidant. Quelques jours de plongée dans une marinade de vin rouge lui sont
particulièrement bénéfiques. Le céleri, les carottes, les épices lui vont bien. Une préparation
mijotée en colombo (sorte de curry) est un délice.
La chèvre est particulièrement à son avantage en salaison. Le saucisson, surtout, est
remarquable. On en consomme sans complexe en Italie du Sud.
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Trois façons de l’aimer …
Carré au miel et moutarde à l’ancienne
Qualichevreau, en Poitou-Charentes, conseille de prélever et séparer le carré et l’épaule sur un
quart avant de chevreau. Ces morceaux entiers assaisonnés sont d’abord dorés dans une
cocotte avec un peu d’huile. Puis ils sont badigeonnés d’un mélange de moutarde (3 cuillères
à soupe) et de miel (1 cuillère à soupe). Ils sont ensuite passés au four préchauffé à 180 °C.
Une vingtaine de minutes pour le carré, une trentaine pour l’épaule.
(Recette élaborée au Lycée hôtelier de La Rochelle)
Gigot à la crème d’ail
Roland Chanliaud, chef du Jardin des Remparts à Beaune (Côte d’Or), accompagne son
« gigot de chevreau » de haricots verts parsemés de persil et d’une saucière de crème d’ail.
Pour réaliser celle-ci, éplucher et retirer le germe de deux gousses d’ail ; les mettre dans une
casserole, recouvrir d’eau, porter à ébullition puis égoutter. Renouveler une fois l’opération
puis cuire 30 minutes à feu doux avec 300 gr de crème liquide. Mixer et assaisonner.
Le chef cuit son gigot assaisonné, parsemé de thym et piqué de 2 gousses d’ail à 180 °C
pendant 25 minutes. Il l’enveloppe de papier aluminium à la sortie du four et le laisse ainsi
reposer 20 minutes avant de servir.
Epaule la Marocaine
Choisir une grosse épaule de cabri. La tartiner généreusement d’un mélange bien salé d’huile
d’olive (5 cuillères à soupe), de menthe fraîche mixée (6 feuilles), de citron (1 cuillère à
soupe), de cannelle (1 cuillère à café) sans oublier le poivre.
Masser le muscle pour faire pénétrer. Laisser reposer l’épaule 2 à 3 heures.
Au four préchauffé à 220 °C, arroser les 25 premières minutes du jus qui se forme. Au bout de
ce temps, humecter le fond du plat et laisser la cuisson se terminer.
Servir avec une semoule légère enrichie d’un mélange d’amandes grillées et concassées, de
miel et de raisins secs réhydratés, relevé d’un filet de citron et de poivre de Cayenne.