Tribune de Genève 11 août 2015
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Tribune de Genève 11 août 2015
Evénement 3 Tribune de Genève | Mardi 11 août 2015 Vieillesse Les appartements pour seniors, résidences du futur Genève mise sur la construction d’immeubles avec encadrement pour personnes âgées (IEPA). Quitte à redéfinir le rôle des établissements médico-sociaux (EMS), de plus en plus médicalisés L’essentiel U Soins De plus en plus de personnes âgées en EMS ont des problèmes de santé. Du coup, ces établissements deviennent de plus en plus médicalisés. U Structures A l’avenir, Genève mise sur des immeubles avec un encadrement pour les gens âgés, offrant davantage d’autonomie. U Vieillissement D’ici à 2040, le nombre de personnes de plus de 80 ans aura doublé, passant de 20 000 à 40 000 environ. Laure Gabus Isolement et argent D’ici à 2022, l’Etat envisage la construction de 500 nouveaux logements de type IEPA. Ces «zones tampons» entre le domicile et les établissements médico-sociaux (EMS) présentent le double avantage de libérer les grands appartements et de sortir les personnes âgées de l’isolement, explique le directeur général de l’Action sociale, Jean-Christophe Bretton. La motivation est également économique. D’ici à quinze ans, le nombre de personnes de plus de 80 ans va doubler (lire ci-contre). Cette évolution ira de pair avec un besoin croissant de places en EMS. Or aucune nouvelle construction n’est prévue après 2017 et le fonctionnement des EMS est aujourd’hui financé pour plus de moitié par l’Etat. En 2014, celui-ci leur a versé 280 millions de francs sous forme de subventions ou de prestations sociales aux résidents. Jean-Christophe Bretton précise qu’«une place en EMS coûte 10 000 francs par mois, un montant que peu de personnes peuvent assumer». Selon son calcul, le nombre de lits en EMS «ne peut pas doubler (ndlr: de près de 3800 aujourd’hui à plus de 5000), car les finances publiques ne le permettent pas». Genève réfléchit donc à des solutions Contrôle qualité STEEVE IUNCKER-GOMEZ E n s’installant dans son appartement de deux pièces et demie aux Avanchets, il y a huit ans, Eugène Schircks, 84 ans, a trouvé «une grande sécurité» et de la «fraternité». Son logement se trouve dans l’un des vingt immeubles avec encadrement pour personnes âgées (IEPA) que compte Genève, gérés par l’Institution genevoise de maintien à domicile (Imad). «Même si demain je gagne à l’Euro Millions ou si une dame m’invite, je resterai ici», confie cet ancien humanitaire, qui a déménagé plus d’une trentaine de fois dans sa vie. Comme la majorité des 127 autres locataires de l’IEPA, l’octogénaire vit seul; et ce, bien que des appartements plus spacieux existent pour les couples. L’immeuble offre une palette de prestations allant des repas aux soins infirmiers, mais Eugène ne ressent pas le besoin d’en bénéficier. En revanche, il participe volontiers aux animations et s’est pris de passion pour les cours de football en marchant organisés par le Servette FC. En cas de problème, il sait qu’il peut actionner l’un des trois déclencheurs d’alarme disposés dans son logement. Il sait aussi qu’une alerte s’enclenchera s’il n’ouvre ni ne ferme la porte de son appartement durant vingt-quatre heures. Marie-Louise Séchaud, 99 ans, vit depuis quinze ans dans son appartement situé dans un immeuble avec encadrement pour personnes âgées (IEPA), aux Avanchets. pour maintenir les personnes âgées à domicile ou, au mieux, pour retarder leur entrée en EMS. «Pour y parvenir, il faut que l’on fasse preuve de créativité et d’imagination afin d’aller vers un système où les personnes âgées sont prises en charge dans des structures intermédiaires plus légères, en fonction de leur état de santé», insiste Jean-Christophe Bretton. En attendant, les IEPA apparaissent comme une solution idéale. A ce titre, le cas de Marie-Louise Séchaud, 99 ans, est exemplaire. Elle a emménagé à l’IEPA des Avanchets il y a quinze ans. Malgré son âge avancé, elle n’a jamais eu besoin d’entrer en EMS. MarieLouise craint particulièrement les chutes, elle obtient donc de l’aide pour se dou- cher. Elle reçoit aussi des soins infirmiers et une aide au ménage à domicile, va chez le coiffeur dans l’immeuble et mange chaque midi de la semaine avec les autres locataires, dans la salle commune. «Pour l’instant, je ne suis pas malade et Dieu m’en préserve», se félicite-t-elle, confortablement installée dans son canapé, face à la télévision et entourée de ses souvenirs. «Les IEPA contribuent au maintien de l’autonomie des personnes, à reculer la date d’entrée en EMS, voire à l’éviter, résume Samuel Tschümperlin, gérant social Imad. Les améliorations médicales et architecturales leur permettent de vieillir chez elles. Certains voient le grand âge comme une succession de risques et de coûts, je me rends compte que c’est en réalité la conséquence de succès construits et obtenus.» L’EMS? Pour la fin de vie Si les IEPA deviennent la norme, qui résidera en EMS? «Les EMS vont devenir des structures de plus en plus médicalisées, avec des soins palliatifs pour les personnes concernées, répond Jean-Christophe Bretton. Aujourd’hui déjà, on ne va pas en EMS par plaisir, mais parce que l’on a épuisé toutes les solutions en amont.» Depuis son entrée en fonction il y a sept ans, le directeur des EMS de Lancy, Laurent Beausoleil, a déjà observé cette évolution: «Nos établissements dérivent malheureusement sur la médicalisation. Le côté social subsiste, mais on sent que Petites maisons de retraite: quel avenir? U La maison de retraite familiale et de petite taille appartiendra bientôt au passé. Il ne reste à Genève plus qu’un seul établissement médico-social (EMS) de moins de 20 lits et huit offrant entre 20 et 40 lits. En 1998, il y en avait encore six de moins de 20 places et seize de 20 à 40 places. Aujourd’hui, «si l’on examine les coûts par chambre et que l’on maintient une prise en charge humaine indispensable, la masse critique des nouvelles constructions est de 60 lits par EMS», estime Jean-Christophe Bretton, directeur général de l’Action sociale. Le Canton n’a donc pas prévu de construire de nouveaux établissements de petite taille. En revanche, ces maisons sont de plus en plus utilisées pour loger des cas très médicalisés: «Lorsque quelqu’un est bien physiquement mais pas psychologiquement, nous l’orientons vers ces structures», poursuit-il. A titre d’exemple, trois petits établissements accueillent déjà des patients atteints de l’alzheimer, un autre les personnes âgées sortant de l’Hôpital de psychiatrie de Belle-Idée. Autre exemple, à l’EMS du Nant-d’Avril, à Satigny, équipé de 38 lits, les pensionnaires et l’équipe s’apprêtent à déménager prochainement dans un nouvel établissement de 92 lits à La Plaine. L’Etat espère alors transformer la résidence en structure d’accueil pour les personnes en dérogation d’âge qui présentent des troubles cognitifs. La disparition progressive des petites maisons de retraite va de pair avec celle des chambres à deux lits. En 2009, plus d’un quart des EMS proposaient des chambres doubles (26,11%). Il n’y en aura plus que 10,4% d’ici à deux ans. Si l’intimité est une bonne chose en fin de vie, dormir avec quelqu’un à ses côtés peut s’avérer très sécurisant pour les personnes désorientées ou simplement pour s’entraider la nuit. Or, ce sont les familles qui choisissent le plus souvent l’EMS. «Elles regardent en priorité l’infrastructure, alors que ce qui compte, c’est la qualité des services et de l’accompagnement», observe Brigitte Mottet, directrice du Nant-d’Avril. Lorsqu’ils déménageront à La Plaine, ses pensionnaires auront tous une chambre individuelle de 28 m², contre 15 m² actuellement. «Pour un handicapé ou un grand malade, qu’est-ce que cela change?» questionne la directrice. «Il y a aussi un risque d’isolement, mais nous allons trouver des solutions pour les motiver et donner une vie à ce nouvel endroit. Je ne suis pas inquiète.» L.G. l’on doit revoir nos animations pour s’adapter. De plus en plus de gens souffrent de troubles cognitifs. Il est de plus en plus difficile d’organiser un loto ou un quiz. Il y a aussi toujours plus de personnes en chaise roulante.» Ce constat interpelle Nicolas Walder, président de la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux (Fegems). A son sens, si le rôle des EMS vient à changer, le financement de la partie hôtelière du séjour – à la charge du résident – devra être revu: «S’il ne reste en EMS que des cas très lourds, cela signifiera que l’on a transformé ces résidences en annexes des hôpitaux gériatriques, anticipe-t-il. Il faudra alors repenser les prestations ainsi que la prise en charge de la facture.» En chiffres Selon les projections de l’Office cantonal de la statistique, d’ici à 2040, le nombre de représentants du 4e âge (plus de 80 ans) doublera, passant de 20 000 en 2010 à plus de 40 000. Actuellement, 14% des plus de 80 ans (3744 personnes à la fin de 2012) résident dans l’un des 53 établissements médico-sociaux (EMS). D’ici à 2020, Genève prévoit de disposer de 4147 lits supplémentaires en EMS. En 2011, le budget de fonctionnement de l’ensemble des EMS s’élevait à 540 millions de francs; le Canton y contribuait à hauteur de 310 millions. Aujourd’hui, 1253 personnes ayant dépassé l’âge de l’AVS vivent dans les IEPA (immeubles avec encadrement pour personnes âgées). Le loyer moyen pour un 2,5 pièces s’élève à 1600 fr., incluant quelques services. D’ici à 2022, l’Etat envisage de créer 500 logements supplémentaires dans les IEPA. L.G.