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«Roger Federer nous a propulsés dans un autre monde»
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TENNIS | Rencontre avec le créateur et patron des Davidoff Swiss Indoors
depuis quarante ans.
© | Roger Brennwald, patron qui fréquente les stars. Comme Andre Agassi en 2001,
Roger Federer aujourd’hui et tant d’autres. Son sérieux et son flair lui ont permis aux
Swiss Indoors d’atteindre des sommets.
OLIVIER BREISACHER / BÂLE | 05.11.2009 | 20:30
Ecouter Roger Brennwald, c’est revivre en compagnie d’un expert quatre décennies
de sport et d’anecdotes. En voici quelques morceaux choisis.
Roger Brennwald, comment vivez-vous cette cuvée après la montée en grade de
Bâle dans la catégorie «ATP 500»?…
Nos efforts ont été récompensés. Nous récoltons le fruit d’un intense travail en
coulisses, dès que nous avons su que le système de l’ATP allait subir des
changements. J’ai dû gérer la pression en 2007 et en 2008, chaque membre de
l’organisation a été mis à contribution pour que nous rejoignions ce cercle fermé des
11 meilleurs tournois, juste après les Grands Chelems et les ATP 1000. Maintenant, il
faut faire nos preuves.
Vous avez saisi la bonne opportunité au bon moment?
Je n’ai jamais perdu la notion de la réalité. D’autres organisateurs en Suisse ont
longtemps espéré faire partie des Masters Series (ndlr: les tournois les plus relevés
après les Grands Chelems, avant la refonte du système ATP en 2009). C’était
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inconcevable en Suisse, pour de multiples raisons, autant financières que
géographiques ou stratégiques liées au milieu du tennis. Mais avec la nouvelle donne
et la séparation entre les «ATP 500» et les «ATP 250» (ndlr: comme Gstaad), il fallait
oser ce pas en avant. Le budget du tournoi a passé de 14 à 18 millions de francs, le
prize money de 850’000 euros à 1,75 million euros
En dehors de l’aspect financier, quels sont les principaux changements
inhérents à la promotion de Bâle dans les Formules 500?
Il faut tenir compte des deux côtés de la médaille. L’aspect agréable, c’est la possibilité
d’avoir des joueurs de tout premier plan, dans un tournoi qui pèse de tout son poids
pour le classement ATP. Jamais n’avions-nous accueilli de stars simultanément! Mais
cela a un prix. Depuis 2007, j’ai bien plus sué pour me mettre à niveau que durant les
37 premières éditions. Pas seulement parce que je soigne les détails et que je suis un
perfectionniste.
Concrètement…
Nous vivons une crise économique sans précédent. Le sport d’élite est lui aussi
touché, l’argent ne tombe pas du ciel. Travailler avec les sponsors est plus difficile,
chaque franc obtenu l’est plus douloureusement que par le passé. Et dans ce
contexte, nous sommes forcés d’augmenter notre budget et le prize money. Sans
parler des autres exigences de l’ATP…
Comme la perte d’autonomie des Swiss Indoors?
D’une certaine manière, oui. Nous ne pouvons plus tout décider seuls, nous devons
nous plier à des règles bien précises qui concernent tous les autres «ATP 500» (ndlr:
Acapulco, Barcelone, Pékin, Dubaï, Hambourg, Memphis, Rotterdam, Tokyo, Valence,
Washington). Je vous épargne les détails imposés, par des exigences de qualité du
matériel utilisé, des infrastructures, des conditions d’accueil et des exigences
médiatiques. Mais l’exemple le plus important est la gestion des droits TV non
nationaux, gérée directement par l’ATP. A quelques exceptions près, puisque j’ai pu
négocier personnellement une collaboration avec la chaîne allemande DSF, vu
l’importance de ce marché pour nos partenaires… Bâle fait partie du paquet des 11
tournois «ATP 500», avec des règles bien édictées. Je ne suis pas mécontent, car ce
domaine si complexe de droits de diffusion est mieux géré par de véritables
professionnels en la matière.
Eurosport, en revanche, a été écartée…
Cela faisait partie des exigences de l’ATP. Leur stratégie internationale répond à
d’autres critères pour diffuser dans le monde entier. J’ai essayé de rester fidèle à
Eurosport, mais l’ATP ne m’a absolument pas laissé le choix. Eurosport ne diffuse plus
des «Formules 500». Mais nous ne sommes pas perdants. Les Davidoff Swiss Indoors
sont diffusés dans 185 pays, même aux Etats-Unis, sur The Tennis Channel, qui leur
consacrent trois heures quotidiennes.
Autre nouveauté: vos primes d’engagements de joueurs ne concernent plus que
les membres du top-10.
En effet, je ne peux plus me permettre d’exception. L’époque où nous pouvions
satisfaire les souhaits légitimes d’un No 18 ou No 22 mondial sont révolues. D’abord
en raison de la crise économique, mais surtout en raison du changement de statut du
tournoi, dont le «prizemoney» a sensiblement augmenté. J’estime que les joueurs
doivent être motivés par la compétition: plus ils seront efficaces, plus ils seront
récompensés financièrement et plus ils progresseront au classement ATP.
Et les Suisses? Stanislas Wawrinka ne touche aucune prime d’engagement…
Je le regrette, vu le respect que je porte à Stanislas Wawrinka. Mais je ne peux plus
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me permettre d’exception. Quant aux autres, j’estime que ces dernières décennies,
notre tournoi, avec ses wild-cards, leur a certainement ouvert des portes, au niveau de
leur notoriété et de leur publicité, bien plus importante à Bâle que s’ils évoluent à Halle
ou Rotterdam.
Roger Federer vous accorde-t-il un tarif de faveur pour sa prime d’engagement à
Bâle?
Il faudrait lui demander! (rires). Je ne pense pas qu’il évoluerait ailleurs qu’à Bâle avec
de telles conditions. Roger Federer nous a propulsés dans un autre monde. Ce qui
stimule toute l’organisation du tournoi, quand elle a le privilège d’accueillir non pas le
meilleur sportif bâlois ni même suisse ou meilleur tennisman du monde. Mais le plus
grand sportif de la planète.
Vos relations personnelles avec Roger Federer ne datent pas d’aujourd’hui…
C’est une belle histoire, je le reconnais. Hors de sa famille et de son entourage proche,
je dois être l’un de ceux qui l’a le mieux connu depuis son enfance. Nous habitions à
quelques centaines de mètres, lui à Münchenstein, moi à Binningen. Il s’entraînait au
Tennis Club Old Boys, à un kilomètre de ma maison. Sa mère travaillait dans
l’organisation du club, il venait dans notre bureau. Quand j’ai financé la première halle
gonflable de Suisse grâce à un crédit de 40'000 francs, Roger en profitait. A 12 ans, il
a débuté aux Swiss Indoors en tant que ramasseur de balles. Et vous connaissez la
suite… C’est vraiment une situation unique et formidable…
Roger Federer est aujourd’hui l’incarnation la plus forte des Swiss Indoors. Ne
craignez-vous pas une période difficile quand il aura quitté le devant de la
scène?
Le sport est en mouvement perpétuel, de nouvelles stars émergeront. Cela sera
forcément différent. Dans ce siècle, nous n’aurons certainement plus jamais pareille
constellation, avec Federer, No 1 mondial bâlois et suisse. Mais je ne m’inquiète pas.
N’a-t-il pas annoncé qu’il jouerait jusqu’en 2012, voire plus? Après, il faudra s’adapter,
mais c’est prématuré. Et personne ne me contredira si j’affirme que Bâle connaissait
déjà un énorme succès avant l’ère Federer. Borg, McEnroe, Connors, Agassi,
Sampras, Edberg, Becker, Noah: combien sont-ils à avoir fait vibrer notre public?
En quarante ans, quels sont les événements qui ont le plus marqué?
Il y en a tellement! A mes yeux, on peut parler de deux «révolutions». La première est
internationale et correspond à l’avènement de Björn Borg au sommet vers 17 ans. Il
est venu à Bâle à trois reprises, a gagné une fois, mais il a surtout popularisé et
démocratisé un sport jusque-là élitiste. Il faisait tourner la tête aux femmes et a créé un
boom. La seconde concerne le monde germanophone et donc Bâle aussi, avec
l’avènement de Boris Becker, qui a créé une vague d’euphorie comme jamais
auparavant.
Revenons à Bâle. Quels matches vous ont le plus ému?
Les succès de Yannick Noah sur Victor Pecci (ndlr: quart de finale 1982) et sur
Mansour Bahrami (ndlr: 1/8e de finale, 1992). Des matches fantastiques et
inoubliables, où les spectateurs envoûtés montaient sur leurs chaises. Compétition et
show étaient réunis pour proposer un spectacle fascinant. Avec les règlements bien
plus stricts, je ne sais plus si cela serait possible aujourd’hui. La demi-finale 2006,
Roger Federer-Paradorn Srichaphan (6-4 3-6 7-6), peut également se ranger dans
cette catégorie.
Le joueur qui vous a le plus impressionné?
Jimmy Connors! J’ai essayé pendant douze ans de le faire venir à Bâle, utilisant toutes
les astuces possibles et imaginables. Mais cela ne marchait pas. Puis il a enfin
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accepté (ndlr: 1988, 1989, 1991, à chaque fois demi-finaliste). Peu importe que
l’essentiel de sa carrière était alors derrière lui (ndlr: 36 ans en 1988), il incarnait tout
ce que l’on peut imaginer en le voyant jouer, se battre sur chaque point, ne rien lâcher.
Comme s’il savait de quoi il était redevable au public, aux sponsors et aux
organisateurs. Connors avait géré sa carrière avec tout le sérieux possible. Il a tenu
jusqu’au bout. Dans la gestion et l’organisation, Roger Federer me fait penser à lui: il
fait tout juste, garde les pieds sur terre et sait s’entourer des bonnes personnes.
Les organisations antitabac passent toujours plus activement à l’action. Les
Swiss Indoors peuvent-ils se passer de Davidoff comme sponsor principal?
Non, ce n’est pas envisageable. Davidoff Swiss Indoors est une marque déposée,
inscrite au Registre du commerce. Davidoff veut promouvoir une image de joie,
détente et goût, incarnée par le cigare. Je ne suis pas producteur de tabac, personne
ne distribue de cigarettes dans notre tournoi. Il ne faut pas tout mélanger. Je n’ai
encore jamais vu un jeune fumer un cigare en raison de notre tournoi.
Mais si la pression augmente?
Ecoutez, je suis quelqu’un qui respecte les lois. J’espère que la raison triomphera.
Mais si un jour, une majorité de Suisses ou de membres de l’Union européenne
pensent que ma politique est nuisible, alors je devrai tirer ma révérence.
Tout cela vous laisse-t-il de marbre?
Je n’y suis pas indifférent, mais cela ne m’inquiète pas outre mesure. Je pense qu’il y a
d’autres problèmes plus graves à régler dans notre univers…
«Monsieur Swiss Indoors»
❚ Roger Brennwald est à la tête du plus grand événement sportif de Suisse, fort d’un
budget de 18 millions de francs. Agé de 63 ans, il dirige une équipe de dix personnes
engagées à plein-temps ainsi que 900 collaborateurs, tous payés, sauf les ramasseurs
de balles.
❚ Après une première phase de 1970 à 1974 (avec huit Suisses seulement, qui se
disputent une montre-bracelet de 200 francs), le tournoi acquiert ses lettres de
noblesse dès 1975, avec les présences de Nastase, Kodes, Borg, McEnroe et Vilas.
❚ Ancien agent de change à la Banque des règlements internationaux, Roger
Brennwald se consacre depuis 1985 à 100% à l’organisation des Swiss Indoors.
Ancien handballeur et amateur d’athlétisme, il a aussi pratiqué le tennis, mais comme
hobby.
❚ Il lance en 1969, grâce à un crédit de 40 000 francs, la première halle gonflable de
Suisse.
❚ Innovateur, il sera aussi le premier à aménager en Suisse des loges dans une
compétition sportive puis un «village de tennis» pour les sponsors. Il a été nommé à
plusieurs reprises «Bâlois de l’année». L’ATP a récompensé à trois reprises son
tournoi pour son excellence.
❚ Polyglotte, réputé pour son sérieux, sa passion et son sens commercial, il a acquis
une notoriété indiscutable dans les instances tennistiques.
❚ Ses relations privilégiées avec la famille Federer, dont il fut le voisin à Binningen,
datent depuis bien avant l’éclosion internationale du Bâlois.
❚ Il est le vice-président de Swiss Top-Sport, association des plus importantes
manifestations sportives du pays. Derrière les Swiss Indoors se placent notamment
l’Open de golf de Crans-Montana, le meeting d’athlétisme de Zurich, le Tour de Suisse
cycliste et la Coupe Spengler de hockey.
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