DISTRICT de ST LOUIS - SENEGAL

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DISTRICT de ST LOUIS - SENEGAL
ETAT NUTRITIONNEL DES FEMMES ET DES ENFANTS
DANS LA COMMUNAUTE RURALE DE MPAL
(DISTRICT de ST LOUIS - SENEGAL)
B. CAMARA*, S. DIOUF*, A. T. DIA*, I. DIAGNE*, EL HADJ OUSSEYNOU FAYE**,
G. SALL*, M. BA*,, D. SOW*, F. NIOUKY***, P. COUMBA FAYE****
RESUME
Cette enquête transversale, effectuée en avril 1995, avait
pour but d’évaluer l’état nutritionnel des femmes en âge
de procréer, et des enfants de moins de 5 ans dans la
communauté rurale de Mpal (région de St Louis). La
technique d’échantillonnage utilisée est la méthode de
sondage en grappe. L’évaluation de l’état nutritionnel
est effectuée chez les femmes par la mesure du périmètre brachial et de l’indice de masse corporelle. Chez les
enfants, les indicateurs utilisés sont les rapports : poids
par âge, taille par âge, poids par taille et le périmètre
brachial. Les résultats montrent un taux de malnutrition très élevé par rapport aux moyennes nationales
aussi bien chez les femmes en âge de procréer (31 %
contre 17,4 %) que chez les enfants (11 % de malnutrition aiguë contre 8,7 % et 24,4 % de cas de malnutrition
c h ronique contre 21,7 %). Les jeunes mères et les
enfants de plus de 3 ans sont les plus fréquemment
atteints. Il est urgent de mettre en place un programme
de lutte contre la malnutrition dans cette localité, basé
sur une intégration des activités économiques des groupements communautaires à leurs activités de santé.
Mots clés : Malnutrition, femmes en âge de procréer,
enfants.
ABSTRACT
Nutritional status of women and children in the rural
community of Mpal (district of St Louis, Senegal)
This cross sectional survey carried in April 1995 aimed
to assess the nutritional status of the women old enough
to procreate and the children less than 5 years old in the
community of Mpal (District of St Louis). The method
of sampling used is the method of stratified poll. The
assessment of the nutritional statuses carried among the
* Chaire de pédiatrie Université Cheikh Anta Diop de Dakar
** Clinique gynécologique et obstétricale de l’hôpital Aristide Le Dantec,
Dakar
women by measuring the brachial circumference and
the corporal mass index. Among the children, the
indicators used are the ratios: weight-age, height-age,
weight-height and the brachial cir c u m f e rence. The
results show a rate of malnutrition very high in comparison at the national averages as well in the women old
enough to pro c reate (31 % versus 17.4%) as in the
children (11% of acute malnutrition versus 8.7 % and
24.4 % of chronic malnutrition versus 21.7 %). The
young mothers and the children more than 3 years old
are the more frequently reached. It urges to set up in
this locality a programme of struggling against malnutrition based on the integration of the economics activities of the communitary groups to their health activities.
Key-words : Malnutrition, women enough old to
procreate, children
I - INTRODUCTION
En 1991, l’organisation du système de santé au Sénégal a
abouti à la création du district sanitaire, élément central du
dispositif de soins de santé primaire et dont les plans
d’action doivent s’appuyer sur les besoins des populations
dans chaque localité. Ces plans d’action doivent être élaborés sur la base de résultats d’enquête sur le terrain. C’est
ainsi que le district sanitaire de St Louis (dans le nord du
Sénégal) avec l’aide de l’organisme non gouvernemental
appelé Conseil National pour l’autosuffisance alimentaire
et le bien être des Populations Rurales (CONAPOR) a
sollicité une enquête nutritionnelle dans la communauté
rurale de Mpal. Cette communauté rurale est la plus vulnérable du district car particulièrement touchée par la sécheresse et la désertification et sans contact direct avec le fleuve Sénégal qui irrigue la région. Sa population était estimée
en 1996 à 17 687 habitants et était composée essentiellement de wolof et de hal pular. Cette localité a bénéficié
d’ouvrages hydrauliques et de financements d’activités
*** Conapor, 3e étage Immeuble Kébé, avenue Georges Pompidou Dakar
**** District médical de St Louis
Médecine d'Afrique Noire : 1999, 46 (11)
B. CAMARA, S. DIOUF, A. T. DIA, I. DIAGNE, EL HADJ OUSSEYNOU FAYE,
G. SALL, M. BA,, D. SOW, F. NIOUKY, P. COUMBA FAYE
521
d’intérêts économiques des populations réalisées par
l’organisme non gouvernemental CONAPOR.
Notre enquête avait pour but d’évaluer l’état nutritionnel
des enfants de moins de 5 ans et des femmes en âge de
procréer, d’identifier les facteurs favorisant la malnutrition,
et proposer un programme adapté de lutte contre ce fléau.
II - MATERIEL ET METHODES
qu’il est inférieur à 13,5 cm et celle-ci est considérée
comme sévère si le PB est inférieur à 12,5 cm.
Pour les femmes en âge de procréer, nous avons utilisé la
mesure du PB et l’indice de masse corporelle ou indice de
Quetelet : poids/(taille)2. Il existe un déficit énergétique
pour un PB inférieur de 23,5 cm ou un indice de masse
corporelle inférieur à 18,5 kg / m2. Il y a obésité si l’indice
de masse corporelle est supérieur à 25 kg / m2.
a) Méthode d’échantillonnage
c) Méthodes d’analyse statistique
Nous avons effectué une enquête transversale dans la
période du 5 au 11 mai 1996 portant sur un échantillon
représentatif de la population d’étude. Notre méthode
d’échantillonnage consiste en un sondage en grappe avec
tirage au sort des villages de la zone concernée par la
méthode des totaux cumulés. Pour une prévalence de la
malnutrition de 21 % chez les enfants de moins de 5 ans
(5), nous avons estimé la taille de l’échantillon représentatif des enfants de cette tranche d’âge à 510 sujets
selon la formule :
N = 1,96 x P x Q / (0,005) 2 x 2
N = taille de l’échantillon,
P = fréquence de la malnutrition = 0,21, Q = 1 - P = 0,79
En l’absence de données sur la prévalence de la malnutrition chez les femmes en âge de procréer dans cette localité,
nous avons estimé que la taille de l’échantillon représentatif peut être égale à celle des enfants de moins de 5 ans.
Les échantillons ont été sélectionnés à partir de 30 grappes
sur un total de 17 villages tirés au sort.
Ainsi l’enquête a porté sur 554 enfants de moins de 5 ans
et 504 femmes en âge de procréer.
b) Méthodes d’évaluation de l’état nutritionnel
Pour les enfants, nous avons utilisé les rapports :
Taille/âge, poids/âge et poids/taille ainsi que le périmètre
brachial. Il y a malnutrition lorsque les valeurs obtenues
pour les rapports ci-dessus sont inférieures à la moyenne
moins 2 écarts-types (ou Z score) de la population de référence du National Center Health Statistic ( NCHS). Cette
malnutrition est dite sévère lorsque les valeurs sont inférieures à la moyenne moins 3 Z scores. Pour le périmètre
brachial (PB) nous considérons qu’il y a malnutrition, lors-
Médecine d'Afrique Noire : 1999, 46 (11)
La saisie et l’exploitation des données ont été faites sur le
logiciel Epi Info version 6. Une analyse comparative des
données a été faite selon l’ethnie, l’âge, le sexe. Le test
utilisé est le khi2 : la différence est dite significative si p
est inférieur à 0,05.
III - RESULTATS
A) Paramètres relatifs aux femmes en âge de procréer
1) Données sociales et obstétricales
Les femmes en âge de procréer de notre échantillon appartiennent uniquement à deux groupes ethniques : les hal
pular et les wolof. Ces dernières représentent la plus
grande proportion avec 58 %. Ces femmes sont jeunes et
sans instruction pour la plupart : l’âge moyen est de 25 ans
et 72,6 % d’entre elles n’ont jamais été à l’école. Pour ces
paramètres, il n’y a pas de différence significative selon les
groupes ethniques.
* La majorité des femmes (79,3 %) est mariée. Pour les
hal pular c’est pratiquement toutes les femmes qui sont
concernées avec 91,1 % contre 74,1 % pour les wolof.
La différence est significative (p = 0,002).
* Le passé obstétrical des femmes est très riche : 23,4 %
d’entre elles ont eu plus de 6 grossesses et 26,6 % ont
perdu au moins un enfant avant l’âge de 5 ans. L’indice
synthétique de fécondité est de 8,7.
* Les chefs de famille sont le plus souvent des agriculteurs ou des éleveurs (90,3 %), plus rarement ce sont
des artisans ou des commerçants (6,5 %) ou des salariés
(3,2 %).
* Les équipements sociaux sont insuffisants : le puits est
la principale source d’eau et pour 41,4 % des familles il
s’agit d’un puits communautaire situé hors du village
ETAT NUTRITIONNEL…
522
dans 43 % des cas. Les puits sont généralement très
anciens. Avec une moyenne de 50 mètres de profondeur,
ils nécessitent régulièrement un fonçage. Le forage n’est
accessible qu’à 1,6 % des familles. La situation est
meilleure pour ce qui concerne la disponibilité en
latrines, car 59,7 % des foyers en sont équipés.
Pour tous ces paramètres, nous n’avons pas retrouvé de
différence statistiquement significative selon les groupes
ethniques.
Selon l’âge des femmes (voir tableau III), ce sont les moins
de 18 ans qui présentent les plus fortes proportions de
sujets malnutris, quel que soit l’indice utilisé : 56,6 %
selon l’indice de Quetelet et 54,2 % selon le périmètre
brachial. Pour celles qui sont plus âgées, les prévalences
sont deux fois moins élevées (autour de 26 %) selon
l’indice de Quetelet. Par contre il y a au moins 6 fois plus
de cas d’obésité chez les femmes de plus de 35 ans (20 %)
que chez les plus jeunes (2,4 à 3,6 %).
2) Données anthropométriques
Le poids moyen des femmes est de 54,86 kg pour une taille
moyenne de 165,14 cm. La taille est supérieure à 1,50 m
pour la quasi-totalité des femmes (503 sur 504).
Selon l’indice de Quetelet (voir tableau I), le taux de
malnutrition chez les femmes est de 31 %. Cette prévalence est plus élevée chez les hal pular (40,5 %) que chez
les wolof (24,1 %). Par ailleurs, 5,5 % des femmes sont
obèses avec un taux plus élevé chez les wolof (8,5 %) que
chez les hal pular (1,9 %). Les différences notées sont
statistiquement significatives (p =0,004).
Tableau III : état nutritionnel des femmes
selon la classe d’âge
Tableau I : état nutritionnel des femmes
selon l’indice de Quetelet
Statut
nutritionnel
Classes d’age
Malnutrition
%
Maigreur
%
< 18 ans *
56,6
25,3
2,4
54,2
18 à 35 ans
26
23,9
3,6
23,6
26,7
11,6
20
11,9
31
21,7
5,5
27,1
>35 ans*
Prévalence dans la
population totale
* = différence significative
Obésité Malnutrition
%
%
p= 0,000001
b) Paramètres relatifs aux enfants
Statut
nutritionnel
Malnutrition
%
Marginal
%
Bon
%
Obésité
%
Wolof*
24,1
24,5
42,9
8,5
Hal pular*
40,5
19,2
38,4
1,9
31
21,7
40,9
5,5
Populations
Total
* = différence significative p= 0,004
Selon le périmètre brachial (voir tableau II), le taux de
malnutrition est plus faible (27 %) que celui donné par
l’indice de Quetelet et il n’y a pas de différence statistiquement significative selon les groupes ethniques.
Tableau II : taux de malnutrition chez les femmes
selon le périmètre brachial
Populations
Taux de malnutrition
Wolof+
20,1
Hal pular+
19,9
Total
27,1
1) Données sociales
Notre échantillon comporte 55,1 % de wolof et 44,9 % de
hal pular. La répartition selon le sexe donne 305 garçons
pour 249 filles soit un sex-ratio de 1,2.
L’âge moyen est de 30 mois :
* 19,2 % ont moins de 12 mois,
* 23,7 % sont âgés de 12 à 23 mois, 21 % de 24 à 35 mois,
* 21,1 % de 36 à 47 mois, 15 % de 48 à 59 mois.
Les différences de fréquence entre les classes d’âge sont
significatives (p = 0,02)
2) Données anthropométriques
Selonles indicateurs (voir tableau IV),
ce sont l’insuffisance pondérale (mesurée par le rapport
poids /âge) et la malnutrition chronique (mesurée par le
rapport taille/âge) qui sont les formes de malnutrition les
plus fréquentes, avec des prévalences respectives de 24,9
% et 24,4 %.
La malnutrition aiguë (dépistée par le rapport poids/taille)
quant à elle, est notée chez 11 % des enfants.
+ = différence non significative p = 0,86
Médecine d'Afrique Noire : 1999, 46 (11)
B. CAMARA, S. DIOUF, A. T. DIA, I. DIAGNE, EL HADJ OUSSEYNOU FAYE,
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Tableau IV : Taux de malnutrition chez les enfants
selon les différents indicateurs
Tableau VI : taux de malnutrition chez les enfants
selon le sexe
Indicateurs
Statut nutritionnel
T/A
%
P/T
%
P/A
%
PB
%
Sexe
T/A
%
P/T
%
P/A
%
Malnutrition sévère
8,5
2
5,1
1,1
Garçons++
25,2
12,5
25,2
Total malnutris
24,4
11
24,9
15,4
Filles++
23,4
l2,5
24,6
Prévalence dans la
population totale
24,4
11
24,9
Selon les classes d’âge ( voir tableau V)
- les enfants des classes d’âge de 36 à 47 mois et de 48 à
59 mois ont les taux de malnutrition chronique les plus
élevés avec 24,4 % dans chaque groupe, alors que les
moins de 12 mois sont peu concernés ;
- pour la malnutrition aiguë ce sont les enfants de 48 à
59 mois qui sont les plus atteints (44,4 %) ;
- selon le rapport poids/âge, la prévalence de la malnutrition est trois fois moins élevée chez les enfants âgés
de moins de 12 mois que chez les plus âgés, quelle que
soit la tranche d’âge considérée. Les enfants de 48 à
59 mois sont les plus atteints par l’insuffisance pondérale (26,8 %).
Les différences observées sont significatives (p = 0,0021).
Tableau V : Taux de malnutrition selon la classe d’âge
Indicateurs
Classes d’age
T/A
%
P/T
%
P/A
%
< 12 mois **
10,3
7,9
7,9
12 à 23 mois**
21,4
19,04
21
24 à 35 mois **
19,2
14,2
20,2
36 à 47 mois**
24,4
14,2
23,9
48 à 59 mois**
24,4
44,4
26,8
prévalence dans la
population totale
24,4
11
24,9
** = différence significative p = 0,0021
Selon le sexe (voir tableau VII), il n’y a pas de différence
statistiquement significative selon le sexe quel que soit
l’indicateur utilisé.
Médecine d'Afrique Noire : 1999, 46 (11)
Indicateurs
++ = différence non significative
p = 0,75
IV - COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
Il y a une relation très étroite entre la nutrition, la santé et
les conditions socio-économiques. En milieu rural sénégalais, l’état nutritionnel des populations varie en fonction des
saisons. Depuis les années 70, avec l’installation d’un cycle
de sécheresse, la soudure est observée très tôt, en moyenne
6 mois après les récoltes. Ces populations sont ainsi en permanence dans une situation de précarité et d’insécurité
alimentaire. Notre enquête montre l’ampleur de la
malnutrition dans la localité de Mpal comparativement à
d’autres communautés rurales (5).
La prévalence de la malnutrition chez les femmes en âge de
procréer est deux fois supérieure au taux national en milieu
rural qui est de 17,2 %, la moyenne nationale toute résidence confondue étant de 15 % ( 5). La mesure du périmètre brachial donne une prévalence moins élevée avec un
sujet malnutri sur quatre, cependant ce taux est plus important que celui d’un groupe à risque représenté par des femmes enceintes en milieu suburbain à Guédiawaye, groupe
dans lequel la prévalence est d’une femme sur cinq (1).
L’ampleur de ce phénomène n’a pas échappé aux autorités
administratives, car depuis 1990, cette localité, classée
zone à risque alimentaire, est l’objet d’une attention
particulière dans le cadre de la politique agricole avec
l’appui du Programme Alimentaire Mondial. La principale
cause de la malnutrition c’est l’absence de ressources. La
vulnérabilité des femmes dans cette zone semi-désertique
est liée à l’importance des tâches domestiques qui occasionnent d’immenses dépenses d’énergie non compensées.
En plus des facteurs alimentaires, l’état nutritionnel des
femmes est influencé par les facteurs gynéco-obstétricaux.
La succession de grossesses, avec un espace inter génési-
ETAT NUTRITIONNEL…
que court et des apports nutritionnels insuffisants, conduit à
des états de malnutrition et de mortalité périnatale (2). En
effet, comme partout ailleurs en zone rurale sénégalaise,
ces femmes ont un indice synthétique de fécondité (ISF)
supérieur à la moyenne nationale qui est de 7,1 (5). Les
principaux facteurs expliquant un ISF plus élevé en zone
rurale par rapport au milieu urbain sont le mariage précoce
et le faible niveau d’instruction (5). Cela se traduit dans la
réalité par un taux de malnutrition deux fois plus élevé chez
les Jeunes femmes que chez celles qui sont en fin d’activité
génitale. Cependant, la multiparité, les bouleversements
hormonaux observés autour de la ménopause et la relative
oisiveté des femmes âgées sont des facteurs non négligeables d’obésité dont il faut tenir compte dans l’analyse de la
situation nutritionnelle des différents groupes de femmes en
âge de procréer (2).
L’âge moyen des femmes et la répartition des sujets dans
les différentes classes d’âge est le même dans les deux
groupes ethniques, il en est de même du niveau d’instruction. Mais il y a une différence statistiquement significative
pour ce qui concerne le statut matrimonial, car contrairement aux femmes wolof, les hal pular sont presque toutes
mariées dans notre échantillon. La précocité du mariage
dans ce groupe ethnique est une donnée constante au Sénégal : le mariage a lieu vers l’âge de 14 ans (5). C’est dans
ce groupe également que les femmes dépensent le plus
d’énergie en parcourant à pieds de longues distances pour
trouver des points de pâturage pour les petits ruminants
dont elles ont traditionnellement la charge. Leur alimentation comparée à celle des wolof est plus pauvre. Le lait,
l’aliment de base, perd malheureusement ses valeurs nutritionnelles du fait d’un coupage excessif ou lorsqu’il est
caillé, par le recueil du beurre qui est vendu. Ainsi, on note
un taux de malnutrition deux fois plus élevé chez les hal
pular, selon l’indice de masse corporelle. Ces données sont
superposables aux résultats d’une enquête nationale effectuée en 1993 (5) et à ceux observés dans une communauté
rurale voisine présentant les mêmes caractéristiques démographiques (4). Avec la mesure du périmètre brachial par
contre, il n’y a pas de différence significative entre les deux
groupes. L’indicateur se rapportant au tour de bras est peu
sensible chez les adultes, la disparition du pannicule adipeux et la fonte musculaire dans cette partie du corps sont
notées très tard dans le cadre du processus d’auto- consommation observé au cours de la malnutrition sévère. Pour les
chercheurs, la mesure du périmètre brachial est destinée à
apprécier le risque de décès des sujets malnutris au cours
524
d’une intervention d’urgence dans une zone sinistrée, il est
inutile dans le cadre d’une enquête de base (6).
Chez les enfants, la prévalence de la malnutrition est très
élevée par rapport aux moyennes nationales observées qui
sont de 21,7 % pour la forme chronique, 20 % pour le
retard pondéral et 8,7 % pour l’émaciation (5).
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considère que
lorsque le taux d’émaciation dépasse 10 % dans une localité, comme c’est le cas dans la communauté rurale de
Mpal, il faut la classer zone à risque nutritionnel et intervenir. La malnutrition chronique demeure cependant la forme
la plus fréquente à Mpal comme pour le reste du pays, mais
la particularité de cette communauté, c’est qu’elle touche
les enfants de plus de trois ans, alors qu’habituellement le
pic de fréquence se situe entre 24 et 35 mois (5). Ici, il
s’agit non seulement de problèmes relatifs à la diversification du régime des enfants, mais surtout d’une difficulté à
assurer de façon régulière le plat familial, partagé, à partir
de l’âge de deux ans avec les autres membres de la famille.
A cette situation de manque, il faut ajouter les effets cumulés des différents épisodes morbides dont l’incidence est
favorisée par les mauvaises conditions d’hygiène. La proportion de garçons malnutris est un peu plus élevée que
celle des filles mais il n’y a pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes. Les récentes
enquêtes au niveau national font le même constat. Mais les
formes sévères de malnutrition sont surtout observée chez
les garçons quel que soit le type de malnutrition, mettant en
relief le rôle de facteurs morbides, tels que la diarrhée, dans
la dégradation de l’état nutritionnel des enfants. En effet
pour cette dernière pathologie, les garçons sont plus fréquemment atteints (3, 5).
Pour les différents indicateurs, il n’y a pas de différence
statistiquement significative selon les groupes ethniques
d’enfants sauf pour la mesure du périmètre brachial avec
des résultats favorables aux wolof. Cette différence pourrait
être liée au type de régime alimentaire plus gras et plus
diversifié chez ces derniers comme nous avons eu à le
constater au cours d’une enquête alimentaire faite parallèlement à cette étude.
V - CONCLUSION
La malnutrition protéino-énérgetique constitue dans la
communauté rurale de Mpal un véritable fléau touchant
dans des proportions importantes les jeunes femmes et les
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enfants de plus de trois ans. Sa prévalence est plus élevée
chez les femmes hal pular comparativement aux wolof
probablement du fait de dépenses énergétiques plus
importantes chez les premières, liées aux activités d’élevage et d’un régime alimentaire plus pauvre en graisse. Chez
les enfants, la malnutrition se présente surtout sous une
forme chronique, mais la forme aiguë a atteint des proportions dépassant le seuil critique préconisé par l’OMS pour
une intervention. Ainsi, les résultats de cette étude doivent
amener les autorités administratives et sanitaires à dépasser
la simple assistance alimentaire comme c’est le cas actuellement avec le Programme Alimentaire Mondial et propo-
ser un programme intégré de développement socio-économique et sanitaire de cette localité. Ce programme doit
englober des stratégies de lutte contre la malnutrition et
s’appuyer sur l’organisation communautaire réalisée par
les groupements d’intérêts économiques locaux. Il s’agira
alors de mobiliser des ressources pour le recrutement et la
formation de personnel de santé, surtout d’agents de santé
communautaire qui vont jouer le rôle de relais entre les
populations et les professionnels de santé, de réaliser des
unités de réhabilitation nutritionnelle et rendre disponibles
des produits maraîchers et d’élevage pour assurer une meilleure alimentation aux populations.
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