Interview de Jean Monney, CEO de Laurastar, GO!

Transcription

Interview de Jean Monney, CEO de Laurastar, GO!
INTERVIEW JEAN MONNEY
«Nous avons d’abord répondu
à un besoin non exprimé.»
LE NEC PLUS
ULTRA DU FER
À REPASSER
Jean Monney, président et CEO de Laurastar
Quelques questions à Jean Monney, CEO de Laurastar,
sur les raisons du succès à l’international de son fer
à repasser révolutionnaire. Son secret? L’innovation,
encore et toujours, et une forte présence sur Internet.
TEXTE Sylvain Jaccard | PHOTOS Peter Rauch, Corpmedia
Vous avez créé Laurastar il y a plus
de 30 ans, quels ont été les principaux
défis auxquels vous avez dû faire face?
De nombreux défis! Dès le départ, il a fallu trouver le bon business model. Notre
challenge était le suivant: comment avoir
du succès avec un produit qui coûte
dix fois plus cher qu’un fer à repasser
traditionnel? J’ai découvert ce système
professionnel avec générateur de vapeur
sur une foire en Italie. Une amie m’a
persuadé de développer ce concept pour
le grand public, car elle était certaine de
l’intérêt de ceux qui repassaient. Nous
avons fait un test au centre commercial
d’Avry (FR); le succès a été phénoménal:
en deux semaines, nous avons vendu 31
produits. Ce fut le début de l’aventure.
Revenons sur cette capacité à faire
entrer dans les ménages privés des
solutions de repassage professionnelles, plus chères que des produits
standards. Comment arrive-t-on à
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convaincre d’investir dans un système
de repassage? Nous avons d’abord
répondu à un besoin non exprimé. C’est
souvent dans ces détails que se cachent
le succès et l’innovation. Nous n’avons
pas créé le besoin. De nombreuses personnes utilisaient des fers traditionnels et
repassaient avec peine. La technologie de
la vapeur sous pression, issue du monde
professionnel, a été mise à disposition des
ménages dans cette période. Ce fut une
révolution. Pourquoi? Le repassage en
devenait facile et rapide grâce à la vapeur
ultrafine tout en soignant les tissus.
Vous êtes actifs maintenant dans de
nombreux pays, est-ce que vous avez
les mêmes arguments de vente dans
tous les pays, en Europe et ailleurs? En
Europe, nous avons d’abord mis en avant
l’efficacité, la rapidité, car c’est la problématique de notre monde moderne.
Quand nous sommes allés dans des pays
comme la Malaisie, la Chine et la Russie,
nous nous sommes aperçus que les gens
PORTRAIT
«Jean Monney est président et CEO
de Laurastar, leader mondial de
systèmes de repassage novateurs et haut de gamme. A l’âge
de 30 ans, il cofonde sa première
entreprise dans la création et la
commercialisation de
bijoux et accessoires de mode. En
1986, il rencontre l'inventeur d’un
système de repassage révolutionnaire et saisit immédiatement le
potentiel de cette nouvelle technologie. A partir de là, il va tout mettre
en œuvre pour démocratiser les
systèmes de repassage professionnels et les rendre accessibles au
plus grand nombre.
qui achetaient nos produits n’étaient
pas ceux qui les utilisaient, la plupart ne
faisant pas le repassage eux-mêmes. Ils
étaient cependant très intéressés à nos
produits qui répondaient à un besoin:
l’élégance, l’importance de beaux vêtements et le soin de tissus nobles. Dans
le repassage traditionnel, beaucoup de
tissus sont mis à rude épreuve. Grâce à
nos technologies de pointe, nos produits
offrent une réponse adaptée, raison pour
laquelle les mots d’ordre de Laurastar
sont: beauté du vêtement et perfection
technologique avec l’objectif de les
rendre accessibles au plus grand nombre.
À PROPOS DE L’ENTREPRISE
Fondée en 1980, la société Laurastar est aujourd’hui leader mondial
des systèmes de repassage haut
de gamme. La société emploie
230 personnes à travers le monde,
possède des filiales en Allemagne,
en France, en Belgique et aux
Pays-Bas et exporte dans plus
de 40 pays. Signe particulier: elle
a vendu 2,2 millions de produits
dans le monde.
Vous être présent dans plus de 40
pays dans le monde, mais pas encore
en Afrique. Qu’est-ce qui différencie ce
continent des autres? Stratégiquement,
nous avons choisi de nous renforcer en
Amérique du Nord, de nous développer
en Amérique latine et en Asie dans les 3 à
5 prochaines années. Nous avons abordé
le marché chinois avec un grand distri-
buteur depuis plus d’un an et les premiers tests sont très positifs. En Afrique,
nous avons des projets dont certains sont
en cours en Afrique du Sud, ainsi qu’en
Angola. Sur ce continent, nous visons en
premier lieu les grandes villes équipées
d’infrastructures adéquates à nos produits.
Un de vos canaux de communication passe par la démonstration des
produits sur les points de vente ou les
salons. Est-ce le cas dans tous les pays
dans lesquels vous êtes présents, ou
voyez-vous des différences liées à la
culture locale? Avez-vous une autre
stratégie de communication? La dé-
monstration a été depuis le début notre
grande force. Parce que notre produit est
relativement cher, il fallait l’expliquer, en
faire comprendre les technologies et les
avantages. Ensuite, nous avons mis cette
compétence au service de la distribution
en Europe et pour nous développer dans
le reste du monde. Actuellement, nous
continuons à utiliser cet outil essentiel à
notre mix-marketing.
Dans les pays matures comme la
Suisse où nous détenons 33% des parts
de marché du repassage, (1 foyer sur 4
possède une Laurastar), la démonstration n’est plus le facteur unique de notre
développement commercial.
D’autre part, pour répondre aux nouvelles tendances de consommation et
rajeunir notre gamme, nous avons développé des produits en mettant l’accent
sur le design, tout en conservant notre
technologie de pointe et ainsi cibler une
nouvelle clientèle. Pour ces produits-là,
la démonstration est moins importante.
Vous évoquez un public plus jeune.
Utilisez-vous Facebook, Youtube
ou Twitter comme nouveaux outils
pour votre stratégie de présentation?
Absolument, ces outils sont même très
importants pour parler à nos clients, les
écouter, les former à nos technologies
et les aider à utiliser nos produits. Ce
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«Nous suivons et anticipons
les tendances.»
Jean Monney, président et CEO de Laurastar
sont des plate-formes très simples, qui
permettent de communiquer rapidement. Elles engendrent une forme de
communauté d’utilisateurs qui aiment
communiquer et comprendre en allant
sur les forums.
Nous sommes présents sur Facebook,
Twitter, Instagram et Pinterest. Nous
y présentons nos évènements dans
le monde, les foires auxquelles nous
participons, les développements dans
certains pays, les nouveautés produits.
Sur Youtube, nous avons placé une série
de vidéos «how to iron»: comment repasser une chemise, un pantalon, de la soie.
Ces conseils sont très appréciés par nos
consommateurs. Dans les pays où nous
sommes peu présents, nous voulons
nous développer au travers de notre eshop que nous avons lancé récemment.
Il est important d’avoir un service
clientèle à la disposition de nos utilisateurs, capable de répondre à leurs questions. Ceci demande une organisation
performante.
Justement, par rapport à cette
organisation, vous êtes basés dans le
canton de Fribourg et vous avez des
filiales dans 4 pays européens. Pourquoi pas ailleurs? Est-ce que ce sera
le cas dans le futur? Il n’est pas exclu
d’ouvrir d’autres filiales dans le futur. Au
départ, nous avons commencé à nous
développer par ce moyen dans des pays
limitrophes à la Suisse. Puis nous avons
fait le choix de distributeurs exclusifs.
Concernant la Chine, où notre potentiel
est immense, nous prévoyons de nous
développer en partenariat avec notre
distributeur.
Parlons production. Vous faites
produire sous licence, principalement
au Portugal, donc dans l’Union Européenne. A l’heure où l’on délocalise en
Chine et vers des pays à coûts encore
plus bas, une production en Europe estelle tenable à long terme? Nous avons
un laboratoire à Châtel-Saint-Denis qui
occupent une dizaine d’ingénieurs de
développement. Nous développons le
design de nos produits en Suisse ainsi
que la composante industrielle de la
production. Depuis 2008, nous avons un
accord de production avec un partenaire suisse qui possède une usine au
Portugal.
«Facebook, Youtube, Twitter, Instagram
et Pinterest sont des outils simples qui permettent
de communiquer rapidement»
Jean Monney, président et CEO de Laurastar
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Si nous considérons le coût de la part
de la main d’œuvre dans la production de
produits actuels qui ont une forte composante technologique, nous pouvons
conserver notre production en Europe.
Nous avons également pu conserver la
production d’une très grande partie des
composants utilisés dans la production
de nos produits en Europe alors que la
majorité de nos principaux concurrents
produisent en Asie.
Dans le futur, suivant le succès obtenu
en Asie, il faudra songer à nous rapprocher des besoins de ces marchés. Je
ne vois pas cependant de changement
majeur dans les 5 prochaines années.
laires. Nous devons suivre cette évolution
technologique.
Nous avons un point de vue clair à cet
égard: nous pensons que les gens auront
toujours l’amour des beaux tissus naturels, et que ceux-ci seront de plus en plus
demandés. Nous avons une chance dans
ce domaine: suivre les tendances, voire les
devancer. Nos collaborateurs y travaillent
et développent déjà dans nos laboratoires
les technologies de demain. En ce qui me
concerne, je suis constamment en éveil
pour comprendre et répondre aux nouveaux besoins de nos clients au travers de
conférences, de lecture afin de prendre le
pouls de l’industrie du futur. Des produits
très intéressants sont en préparation en
réponse à ses nouveaux défis.
POUR EN SAVOIR PLUS:
www.laurastar.com
«Pour m’assurer, il faut
comprendre mon activité.»
Comme toute entreprise suisse, vous
investissez beaucoup dans la R&D afin
de créer de la valeur et rester compétitif. Où seront les principales nouveautés dans la façon de faire du repassage
dans 10, 15 ou 20 ans? Vous voulez dire:
«Est-ce que nous aurons encore besoin
d’un fer à repasser dans le futur?» C’est
la question fondamentale. Nous avons
une vision à long terme, mais les choses
avancent encore plus vite que prévu.
Le changement viendra des tissus: des
tissus intelligents que nous n’aurons plus
besoin de repasser d’ici 15 à 20 ans.
Dans la filière tissus, actuellement
il y a une évolution extraordinaire et la
Suisse est très en avance dans ce domaine: mélanges de coton, traitements
spécifiques, tissus «wearable». Tout ceci
exige une attention particulière. Généralement ces évolutions commencent
dans des produits de niches, puis sont
déployés dans des produits plus popu-
Plus d’une PME
suisse sur trois fait
confiance à AXA/
AXA.ch/pme
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