COMMENTAIRE

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COMMENTAIRE
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Services économiques TD
30 janvier 2014
L’APPEL DU HUARD
Faits saillants
•
Le dollar canadien perdait discrètement de la valeur depuis un certain temps, mais sa descente s’est
accélérée jusqu’à maintenant en 2014. Si les données économiques fondamentales émettaient déjà
des signaux d’alerte pour le huard, la teneur plutôt accommodante des messages de la Banque du
Canada a donné le feu vert aux marchés pour entraîner la devise à son plus bas niveau en quatre
ans.
• Nous nous attendons à ce que le huard se déprécie encore légèrement, possiblement jusqu’à 0,85
$ US vers le milieu de l’année. Cependant, lorsque l’inflation reprendra au Canada et que la hausse
des taux d’intérêt se fera plus imminente, le huard devrait remonter autour de 0,90 $ US, vers le
milieu de 2015.
• La faiblesse du dollar a des conséquences mixtes sur l’économie canadienne. Mais étant données
les réalités économiques actuelles, soit une très faible inflation et des difficultés en matière de compétitivité dans le secteur des exportations, cette tendance est souhaitable.
La dépréciation rapide du dollar canadien est l’un des faits saillants sur les marchés financiers depuis
le début de l’année. En réalité, le huard perd des plumes depuis environ un an, ayant reculé de 0,06 $
par rapport au dollar américain en 2013 (de la parité à 0,94 $). Cette tendance s’est accélérée en janvier,
et le dollar canadien a perdu 0,03 $ en quelques semaines seulement. Pourquoi les marchés financiers
ont-ils tourné le dos au dollar canadien? Et quelle sera la suite probable des choses?
Pour commencer, il faut noter que la faiblesse du dollar canadien n’est pas inattendue. Plusieurs prévisions avaient, depuis un certain temps déjà, fait état de facteurs
fondamentaux pointant vers une devise plus faible. Les principes
LE DOLLAR CANADIEN POURSUIVRA
macroéconomiques de base nous apprennent que la devise d’un
SA DESCENTE
pays aux prises avec un déficit courant comme celui du Canada
$USpour1$CA
1.10
– une situation où les importations de biens et services sont plus
Prév.
importantes que les exportations – tend à se déprécier. Avant la 1.00
récession, le Canada affichait un bon excédent courant (graphique
de la page suivante), ce qui avait un effet positif sur son dollar. 0.90
Cependant, la baisse relativement plus prononcée des exporta- 0.80
tions par rapport à celle des importations durant la récession a fait
basculer le Canada en position de déficit. Il est demeuré dans cette 0.70
position au cours de la reprise, puisque la croissance relativement
0.60
bonne de l’économie intérieure a maintenu les importations supérieures aux exportations. La croissance des exportations canadiennes 0.50
90
93
96
99
02
05
08
11
14
a été décevante depuis la récession en raison des défis posés par le
Sources:BanqueduCanada,prévisionsdelaTDendatedejanvier2014
manque de compétitivité.
Craig Alexander, premier vice-président et économiste en chef 416-982-8064
Leslie Preston, économiste 416-983-7053
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LE DÉFICIT COURANT DU CANADA NE
DIMINUE PAS
5
INVESTISSEMENTS NETS DE
PORTEFEUILLE AU CANADA
SoldecourantduCanadaexpriméen%duPIB
3
10
2
8
1
0
6
-1
4
-2
-3
2
-4
0
-5
-6
Achatsétrangersdetitrescan. – Achatscan.detitresétrangers
(enmilliardsde$CA- moyennemobilesur6mois)
12
4
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92
94
96
98
00
02
04
06
08
10
12
Source:StatistiqueCanada
Dans les pays comme le Canada ou l’Australie, qui ont
tous deux un déficit courant de longue date, la devise est
souvent protégée de la dépréciation par les très importants
flux financiers qui entrent dans le pays, et qui contrebalancent le déficit courant – du moins, tant que le pays continue
d’attirer les investissements étrangers. Comme le montre
l’expérience du Canada plus tôt dans la reprise économique,
le dollar est resté solide en dépit d’un déficit courant, et ce,
grâce à de très bons flux financiers.
Tôt au cours de la reprise, investir au Canada était très
attrayant. Les prix des produits de base étaient en hausse,
ce qui soutenait les marchés boursiers canadiens dominés
par les ressources. Les taux d’intérêt dépassaient ceux des
États-Unis et la solide cote de crédit du Canada attirait les
investisseurs à la recherche de sécurité. Les flux financiers
étaient assez solides pour contrebalancer le déficit courant,
et le dollar canadien était porté au-delà de la parité avec le
dollar américain. Il a continué d’osciller très près de la parité
durant la plus grande partie de 2011 et de 2012.
Mais la situation a commencé à se renverser au début de
2013. La croissance de l’économie canadienne s’est affaissée, les prix des produits de base stagnaient et la Banque
du Canada a commencé à mentionner que la majoration des
taux d’intérêt n’était plus si « imminente ». L’économie du
Canada se laissait distancer par celle de son voisin du Sud,
et les marchés boursiers canadiens étaient également à la
traîne de bon nombre des marchés internationaux. Tous ces
facteurs combinés ont rendu le Canada moins attrayant pour
les investisseurs, et les investissements nets de portefeuille
dans le pays ont décliné. Pendant ce temps, les difficultés
du secteur des exportations entraînaient un déficit courant
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-2
05/10
12/10
07/11
02/12
09/12
04/13
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Source:StatistiqueCanada
plus important que jamais. Ainsi, au cours de 2013, le déficit
commercial du Canada et la diminution des flux financiers
dans le pays ont préparé le terrain pour l’affaiblissement
du huard.
Il ne s’agit pas que du Canada
Le Canada n’est pas le seul à avoir vu sa devise perdre
de la valeur. La force du dollar américain a son rôle à jouer
dans la faiblesse du dollar canadien. Tous les taux de change
sont des cours relatifs. Lorsque les Canadiens parlent de
leur dollar, c’est en réalité de la valeur de ce dernier par
rapport au dollar américain dont ils parlent; ainsi, même si
les facteurs économiques fondamentaux du Canada demeurent inchangés, un dollar américain qui progresse signifie un
huard qui recule. Ce fut aussi le cas ces quelques dernières
années. En fait, au cours de la dernière année, plusieurs pays
RÉTRÉCISSEMENT DES ÉCARTS ENTRE LE
CANADA ET LES ÉTATS-UNIS
100
Tauxdesobligationsd'État(Canada–É.-U.,enpointsdebase)
Écartdesobligationsde5ans
80
Écartdesobligationsde10ans
60
40
20
0
-20
-40
-60
09/12
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04/13
06/13
08/13
10/13
01/14
Sources :RéservefédéraleetBanqueduCanada.
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ont vu leur devise reculer par rapport au dollar américain.
Certaines devises parmi les plus importantes à l’échelle
mondiale, comme le dollar australien, le yen japonais, le real
brésilien et le rand sud-africain, ont connu une dépréciation
encore plus marquée face au billet vert que le dollar canadien
au cours de la dernière année.
Le recul du huard en 2014 est néanmoins marquant.
Chaque fois qu’il en a eu l’occasion, le gouverneur de la
Banque du Canada, Stephen Poloz, a insisté sur la faiblesse
de l’inflation au Canada, et il a révisé à la baisse les prévisions à cet égard dans son dernier Rapport sur la politique
monétaire. Il a également décrit la faiblesse du dollar canadien comme « la cerise sur le gâteau » en ce qui a trait
à l’amélioration des perspectives pour les exportations
canadiennes. Ce message a porté les marchés à croire que
la Banque du Canada n’a pas l’intention de relever les taux
d’intérêt d’ici un bon moment, et qu’elle est tout à fait à
l’aise avec un huard plus faible. Ce fut un feu vert donné
aux marchés des devises pour entraîner le huard à son plus
bas niveau en plus de quatre ans en janvier.
Les messages à teneur plutôt accommodante de la
Banque du Canada ont amené un réajustement des attentes
quant aux taux d’intérêt. L’incidence sur les écarts de taux
d’intérêt comparativement à ceux des obligations d’État
américaines a été importante. Tôt en 2013, les taux des obligations d’État canadiennes de cinq ans étaient supérieurs
de 60 points de base à ceux des obligations américaines,
mais cet écart s’est systématiquement rétréci au fur et à
mesure que l’inflation ralentissait et que la croissance de
l’économie perdait du terrain par rapport à celle des ÉtatsUnis. Puis, en octobre, la Banque du Canada a retiré de ses
communications toute référence à une éventuelle hausse des
taux d’intérêt, et l’écart s’est rétréci de façon spectaculaire.
À la fin janvier, il était pratiquement inexistant. Voilà qui
explique bien la raison pour laquelle les investisseurs se
montrent moins intéressés par les obligations canadiennes
que plus tôt dans la reprise : l’avantage procuré par les taux
s’est considérablement amoindri, ce qui a coïncidé presque
parfaitement avec la perte de confiance à l’égard du dollar
canadien.
PRÉVISIONS POUR LE DOLLAR CANADIEN
Taux de change
T1p
2014
T2p T3p
T4p
T1p
2015
T2p T3p
T4p
$ CA pour 1 $ US
1.12
1.18
1.15
1.15
1.15
1.14
1.11
1.11
$ US pour 1 $ CA
0.89
0.85
0.87
0.87
0.87
0.88
0.90
0.90
Source:PrévisionsdesServiceséconomiquesTDendatedejanvier2014.
30 janvier 2014
STAGNATION EN PERSPECTIVE DES PRIX
DES PRODUITS DE BASE
450
IndicedesproduitsdebaseTD
400
Prév.
350
300
250
200
150
100
50
0
97
00
03
06
09
12
15
Source:PrévisionsdelaTDendatedejanvier2014
Qu’est-ce qui attend le dollar canadien?
Les Services économiques TD sont d’avis qu’il est peu
probable que les facteurs ayant tiré le dollar canadien vers
le bas se renversent d’ici plus ou moins un an. L’économie
canadienne devrait afficher des rendements inférieurs à
celle des États-Unis, la hausse des taux d’intérêt n’est pas
encore à l’ordre du jour et les perspectives pour les prix des
produits de base demeurent assez stables, en moyenne. À
court terme, nous prévoyons que le huard devrait atteindre
un creux de 0,85 $ US d’ici le milieu de l’année. Cependant,
il devrait s’apprécier légèrement au moment où l’inflation
commencera à reprendre au Canada et que la hausse des taux
d’intérêt par la banque centrale se fera plus imminente. La
TD s’attend à ce que le dollar canadien atteigne à nouveau
les 0,90 $ US au cours de la seconde moitié de 2015, ce
qui coïncidera avec la prochaine majoration des taux de la
Banque.
Pour remettre tout cela en contexte, mentionnons qu’un
dollar canadien à 0,90 $ US est certes plus faible qu’il ne
l’était plus tôt dans la reprise économique, lorsque les voyageurs et les acheteurs aux États-Unis profitaient de la parité
des dollars. Mais il est aussi autrement plus fort que de 1993
à 2003, dix années pendant lesquelles le huard volait sous les
0,80 $ US, atteignant son pire niveau en 2002, à 0,62 $. Il
va sans dire qu’un dollar canadien faible fait des gagnants et
des perdants. De façon générale, il favorise les exportations,
mais gruge le pouvoir d’achat du Canada à l’étranger et entraînera vraisemblablement une hausse de l’inflation. Étant
donné la réalité actuelle du Canada, où une croissance plus
importante des exportations demeure la pièce manquante
de la croissance économique du Canada et où l’inflation est
très faible, il s’agit d’une situation économique favorable.
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