justice - L`1dex

Transcription

justice - L`1dex
“ “VENDREDI 15 JANVIER 2016
4
Ce notaire
a fermé
son étude
DOSSIER
Faut-il mieux
surveiller
la profession?
jcz - jcp
JUSTICE
Suite à plusieurs
plaintes de clients
contre un officier
public du Valais
central, le Ministère
public enquête sur
la disparition de
millions de francs.
«Un
notaire
m’a fait
perdre
ma villa»
Nicolas Darbellay fait partie des plaignants. Il déclare avoir vendu sa villa, via le notaire incriminé, mais n’avoir jamais touché l’argent versé par l’acheteur à l’officier public. LOUIS DASSELBORNE
ENQUÊTE Un Chablaisien reproche à un notaire de ne lui
avoir jamais versé l’argent de la
vente d’une villa. L’affaire est
grave puisque le Ministère public valaisan confirme avoir ouvert une instruction pénale pour
infraction au patrimoine à l’encontre de ce notaire du Valais
central. Ce dernier est soupçonné d’avoir fait perdre des millions
à plusieurs clients.
Ce scandale fait beaucoup de
bruit dans l’univers feutré du notariat, ce d’autant plus qu’un autre notaire bas-valaisan est aussi
inquiété par la justice pour le
même type d’infraction. Cette
seconde affaire, elle aussi confirmée par le Ministère public, concerne des montants bien moins
élevés, réclamés par plusieurs
plaignants.
Témoignage d’une victime
Mais l’affaire la plus importante
concerne un officier public du
Valais central. L’un des plaignants, Nicolas Darbellay, raconte: «Il y a un an, j’ai vendu ma
villa de Muraz (Collombey). L’acheteur a choisi ce notaire et versé l’argent sur le compte de ce dernier. Soit
environ un demi-million de francs.»
«Jusque-là, tout semblait aller
pour le mieux. L’acte a été enregistré
au registre foncier et l’acheteur a
pris possession des lieux. Mais je
n’ai jamais reçu l’argent sur mon
compte», explique ce contremaître qui, depuis, a quitté le
Chablais pour habiter à Saxon.
Nicolas Darbellay dit avoir multiplié les mails et les appels téléphoniques auprès du notaire.
«Lorsqu’il répondait finalement, il
C’EST UNE CATASTROPHE POUR L’ASSOCIATION DES NOTAIRES
«C’est une véritable catastrophe!»
confie Jean-Paul Salamin. Pour le président de l’Association des notaires
valaisans, ces deux affaires sont des
cas isolés. Selon lui, elles ne signifient
pas pour autant que les contrôles effectués présentent des lacunes. «Le
système mis en place par l’Etat du Valais est suffisant. Mais vous n’empêcherez pas une personne ayant une
volonté délictueuse de commettre un
Cette affaire va ternir
«l’image
z
de la profession
et nous le regrettons.»
JEAN-PAUL SALAMIN PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES NOTAIRES VALAISANS
délit.» De son côté, la Chambre de surveillance des notaires n’est pas encore
intervenue dans ce dossier, la justice
devant d’abord faire son travail. «Nous
exerçons une surveillance dans les
cas d’atteinte au code de déontologie
de la profession, mais pas à ce stade
de l’instruction», indique son président
Pierre Siegenthaler. «Cette affaire va
ternir l’image de la profession et nous
le regrettons.» } GB
LES VICTIMES PEUVENT DEMANDER UNE GARANTIE FINANCIÈRE
«Les victimes de cette affaire peuvent faire appel à la garantie financière offerte par l’Association valaisanne des notaires. Mais cette
caution (ndlr: limitée à 200 000
francs en Valais), pourrait ne pas être
suffisante dans le cas du notaire du
Valais central, si les montants réclamés devaient être confirmés par
l‘enquête pénale et la justice. Et ce
serait une première», selon Me
Pierre Siegenthaler de la Chambre
temporisait à chaque fois, sous des
prétextes divers, me disant que c’était
en cours. Moi je lui faisais confiance,
c’est un notaire tout de même.»
Le fisc sur le dos
Près d’un an plus tard, l’affaire a
pris une tournure judiciaire. «J’ai
déposé plainte pénale dans l’espoir
de récupérer mon argent.» Nicolas
Darbellay vit une situation difficile à admettre. «Quand on
s’adresse à un notaire, c’est pour que
les choses soient faites dans les rè-
Une garantie
«financière
z
existe.
Sera-t-elle suffisante?»
PIERRE SIEGENTHALER PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE DE SURVEILLANCE
gles de l’art. Pas pour se faire voler.
Les gens doivent savoir qu’il ne faut
pas avoir une confiance aveugle en
un notaire.»
Le Valaisan est d’autant plus remonté que l’Etat du Valais est en
passe de lui porter l’estocade. «Le
comble, c’est que le fisc me court
après pour que je paie l’impôt sur le
gain immobilier que j’aurai réalisé.
Or, non seulement je n’ai pas gagné
un rond, mais on m’a volé! Je risque
d’être mis aux poursuites, car je n’ai
pas cet argent.»
Etude fermée
Ce notaire a fermé son étude depuis plusieurs mois, suite à plusieurs plaintes de particuliers.
Certaines sources avancent un
montant oscillant entre dix et
douze millions de francs.
Selon
nos
informations,
l’homme, un Valaisan, aurait passé une nuit en prison préventive.
L’instruction devra déterminer
les sommes réellement en jeu et
qualifier plus précisément la ou
les infraction(s). Le Ministère pu-
de surveillance des notaires. La justice retiendra-t-elle un seul ou plusieurs sinistres pour l’ensemble des
éventuels lésés. Dans le premier cas,
les 200 000 francs seront partagés
équitablement entre les victimes qui
ne reverraient alors qu’une petite
partie de leur argent. Dans le second, chaque lésé sera théoriquement couvert à concurrence de
200 000 francs. Reste à savoir qui
paiera… } GB
blic valaisan devra notamment
déterminer s’il y a eu abus de confiance ou encore faux dans les titres. Et définir ce qu’il est advenu
de ces millions.
Le notaire concerné souligne le
principe de la présomption d’innocence. «Suite à cette enquête,
tous mes comptes ont été bloqués et
certains problèmes découlent de ce
blocage.» Le Valaisan ne souhaite
pas faire d’autre commentaire en
l’état de la procédure.}
GILLES BERREAU
COMMENTAIRE
GILLES BERREAU
JOURNALISTE
Renforcer
la surveillance
De l’avis de plusieurs observateurs du milieu notarial valaisan,
la surveillance exercée sur l’activité de ces officiers publics ne serait pas suffisante. Des garde-fous
existent mais, parmi les notaires
eux-mêmes, on trouve des personnalités qui demandent que les
mailles du filet soient resserrées.
Cependant, une autre frange de la
profession craint qu’un accroissement des contrôles complique le
travail des études, sans pour autant garantir qu’il n’y ait pas de
dérapage.
Mais si la profession veut redorer
son blason, elle pourra difficilement faire l’économie d’un renforcement de sa surveillance. Il en va
de sa crédibilité. Car de source judiciaire, on ne cache pas que l’activité notariale est à haut risque.
En effet, un problème financier
dans une comptabilité qui n’est
pas tenue avec la plus grande rigueur peut vite déclencher une
spirale infernale, qui aboutit au
genre d’affaires révélées aujourd’hui dans nos colonnes. }