Contenu archivé - Affaires mondiales Canada
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Bon nombre de ces groupes ne trouvent pas leur compte dans les reportages des journaux ou dans l’information gouvernementale disponible par Internet et souhaitent participer plus directement aux poursuites en tant qu’amici curiae. Ces requérants ont ainsi mis au premier plan la question de savoir s’il convient d’autoriser la participation des amici curiae dans les poursuites engagées en vertu du chapitre 11 de l’ALENA1. Une réponse affirmative à cette question soulève à son tour plusieurs autres questions, dont celle des règles et procédures appelées à régir la participation des amici curiae et celle de l’incidence, le cas échéant, de cette participation sur la confidentialité de l’arbitrage. Les tribunaux constitués en vertu du chapitre 11 peuvent-ils autoriser la participation d’amici curiae? Deux tribunaux constitués en vertu du chapitre 11 de l’ALENA et convoqués en vertu des règles de la CNUDCI ont examiné les demandes du statut d’amicus curiae faites par des ONG2. Bien que l’ALENA et les règles d’arbitrage applicables ne donnent aucune précision au sujet de la participation d’amici curiae, les deux tribunaux ont établi qu’il avait le pouvoir discrétionnaire d’accepter des mémoires écrits d’amici curiae, mais que ceux-ci n’avaient aucun droit de participation. Ces décisions étaient fondées sur le paragraphe 15(1) du Règlement d’arbitrage de la CNUDCI, lequel confère au tribunal le pouvoir « de procéder à l’arbitrage comme il le juge approprié, pourvu que les parties soient traitées sur un pied d’égalité ou qu’à tout stade de la procédure chaque partie ait toute possibilité de faire valoir ses droits et proposer ses moyens ». Comme l’a dit le tribunal dans l’affaire Methanex, * Bigelow Fellow et Lecturer in Law, University of Chicago Law School. 1 Dans le présent document, j’utiliserai le terme ONG pour désigner de façon générale les parties qui souhaitent participer comme amici curiae; dans certains cas, ces parties peuvent ne pas correspondre à la conception traditionnelle d’une organisation non gouvernementale. 2 Dans l’affaire UPS, les ONG demandaient l’autorisation d’intervenir comme parties et subsidiairement à titre d’amici curiae. Le tribunal de l’affaire UPS a décidé qu’il n’avait pas compétence pour permettre leur intervention comme parties à part entière. United Parcel Service of America Inc. v. Government of Canada, Decision of the Tribunal on Petitions for Intervention and participation as Amici curiae (le 17 octobre 2001) ¶¶ 35-43 [ci-après « décision UPS »]. Cette décision était probablement bien fondée, mais elle dépasse le cadre du présent document et n’y sera pas examinée. En outre, le Sierra Club, le Conseil des Canadiens et Greenpeace ont cherché à intervenir à l’instance engagée par le Canada devant un tribunal fédéral canadien pour faire annuler la sentence prononcée selon les dispositions du chapitre 11 dans l’affaire S.D. Myers, Inc. v. Government of Canada. La Section de première instance et la Cour d’appel fédérale ont toutes deux rejeté les requêtes. Canada (Procureur général) c. S.D. Myers, Inc., [2001] CFPI 317 (11 avril 2001); Canada (Procureur général) c. S.D. Myers, Inc., [2002] CAF 39 (28 janvier 2002). Le 22 mars 2002 [TRADUCTION] « le paragraphe 15(1) a pour but de procurer la plus grande souplesse en matière de procédure dans le respect des garanties fondamentales, que le tribunal d’arbitrage appliquera en fonction des besoins particuliers d’un arbitrage particulier3. » Le tribunal dans l’affaire UPS a également estimé que le pouvoir conféré par le paragraphe 15(1) [TRADUCTION] « doit servir non seulement à protéger les droits des parties, mais aussi à faire des enquêtes et à trancher la question soumise à l’arbitrage d’une manière juste, efficace et rapide4 ». Dans la décision Crevettes-Tortues, l’Organe d’appel de l’OMC, qui a d’abord établi qu’il avait le pouvoir discrétionnaire d’examiner les observations présentées par des amici curiae, a également assis cette compétence sur le pouvoir du tribunal de conduire les procédures qui lui sont soumises5, bien qu’il ait aussi renvoyé à l’article 13.2, lequel permet à des groupes spéciaux de « demander des renseignements à toute source qu’ils jugeront appropriée et [de] consulter des experts pour obtenir leur avis sur certains aspects de la question6 ». De nombreux membres de l’OMC ont critiqué l’interprétation large ainsi donnée au terme « demander », mais des groupes spéciaux et des organes d’appel ultérieurs ont suivi en substance l’exemple de l’organe d’appel dans la décision Crevettes-Tortues7. Ni le tribunal 3 Methanex Corp. v. United States of America, Decision of the Tribunal on Petitions from Third Persons to Intervene as “Amici curiae” (15 janvier 2001) ¶ 27 [ci-après « décision Methanex »]. Dans cette affaire, le tribunal s’est aussi fondé sur la note 5 des notes du Tribunal d’indemnisation Iran-EtatsUnis concernant le paragraphe 15(1). [TRADUCTION] « Le tribunal d’arbitrage peut, s’étant assuré que l’observation de l’un des deux gouvernements – ou, dans des circonstances spéciales, de toute autre personne – qui n’est pas partie à l’arbitrage dans un cas particulier, est susceptible de l’aider à exercer ses fonctions, permettre à ce gouvernement ou à cette personne de prêter assistance au tribunal d’arbitrage en présentant des observations écrites ou orales. » Ibid. ¶ 32. 4 Décision UPS ¶ 69. 5 L’organe d’appel dans l’affaire Crevettes-Tortues a cité plusieurs sources pour ce pouvoir, dont les articles 11 (« un groupe spécial devrait procéder à une évaluation objective de la question dont il est saisi, y compris une évaluation objective des faits de la cause ») et 12 (« La procédure des groupes spéciaux devrait offrir une flexibilité suffisante pour que des rapports des groupes soient de haute qualité, sans toutefois retarder indûment les travaux des groupes »). Rapport de l’Organe d’appel, États-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, WT/DS58/AB/R (12 octobre 1998) ¶¶ 103-07 [ci-après rapport de l’Organe d’appel « Crevettes-tortues »]. 6 Rapport de l’Organe d’appel « Crevettes-tortues » ¶¶ 103-04. Le groupe spécial dans l’affaire Crevettes-tortues a rejeté cette interprétation. Rapport du groupe spécial, États-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, WT/DS58/R (15 mai 1998) ¶ 3.129 [ci-après rapport du Groupe spécial « Crevettes-tortues »]. 7 Le groupe spécial Acier britannique a fondé ses pouvoirs sur l’article 17.9 du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends, lequel autorise le groupe spécial à établir des procédures de travail. Rapport de l’organe d’appel, États-Unis – Imposition de droits compensateurs sur certains produits en acier au carbone, plomb et bismuth laminés à chaud originaires du Royaume-Uni, WT/DS138/AB/R (10 mai 2000) ¶¶ 39-40 [ci-après rapport de l’Organe d’appel « Acier britannique »]. À ce propos, le tribunal dans l’affaire Methanex a considéré que ces pouvoirs étaient « considérablement moins larges » que ceux accordés en vertu du paragraphe 15(1). Décision Methanex ¶ 33. L’article 16.1 du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends précise que Le 22 mars 2002 dans l’affaire Methanex ni celui dans l’affaire UPS n’ont fondé leur compétence sur l’article 1133, lequel permet à un tribunal de nommer des experts, avec le consentement des parties, si ceux-ci peuvent aider le tribunal à rendre sa décision. Permettre à des amici curiae de présenter des observations est compatible avec la pratique d’autres tribunaux internationaux. Plusieurs de ces tribunaux internationaux, notamment la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et la Cour interaméricaine des droits de l’homme, ont souvent exercé leur pouvoir d’accepter des mémoires d’amici curiae8. En revanche, la Cour internationale de Justice (CIJ) ne permet pas aux ONG de soumettre des mémoires d’amicus curiae dans des affaires litigieuses, bien que des États tiers puissent demander à intervenir9. La CIJ a accepté les observations d’un amicus curiae dans une procédure consultative, mais ne l’a pas fait depuis 195010. Les tribunaux dans les affaires Methanex et USP ont été convoqués en vertu des règles de la CNUDCI. Leurs décisions ne permettent pas de répondre directement à la question de savoir si les tribunaux de la Convention CIRDI ou du Mécanisme supplémentaire du CIRDI auraient des pouvoirs similaires11. Chacun de ces régimes est également muet au sujet de la présentation de mémoires d’amicus curiae. Toutefois, l’article 35 du Règlement du mécanisme supplémentaire prévoit que « [s]i une question de procédure non prévue par le présent Règlement ou tout autre règlement adopté par les parties se pose, elle est tranchée par le Tribunal. » L’article 44 de la Convention CIRDI est pratiquement identique. Cette disposition est suffisamment semblable au paragraphe 15(1) du Règlement de la CNUDCI pour justifier la même interprétation. Les règles d’arbitrage applicables, ainsi qu’une pratique similaire dans la plupart des autres organismes internationaux, viennent étayer le pouvoir discrétionnaire des tribunaux constitués en vertu du chapitre 11 d’accepter et d’examiner des mémoires d’amicus curiae12. Ce pouvoir discrétionnaire est toutefois limité. toute décision prise selon cette disposition ne vaut que pour cette poursuite; les membres de l’OMC doivent encore acquiescer à la majorité aux décisions du Groupe spécial et de l’Organe d’appel permettant la présentation d’observations par des amici curiae. Compte rendu de la réunion du Conseil général (22 novembre 2000), WT/GC/M/60. 8 Voir Dinah Shelton, « The Participation of Nongovernmental Organizations in International Judicial Proceedings », AM. J. INT’L L., vol. 88 (1994), p. 611, 629 et 630, 632 à 637. 9 Ibid., p. 620 à 624. 10 Steve Charnovitz, « Two Centuries of Participation: NGOs and International Governance », MICH. J. INT’L L., vol. 18 (1997), p. 183, 279. 11 Théoriquement, l’ALENA permet l’arbitrage en vertu de la Convention CIRDI, mais comme ni le Mexique ni le Canada ne sont signataires, cette option n’est pas possible actuellement. Toutefois, par souci de rigueur, j’examinerai si la Convention ou le Règlement du mécanisme supplémentaire d’arbitrage (très semblables à certains égards) permettent la participation d’amicus curiae. 12 Il serait difficile de ne plus permettre la présentation de mémoires d’amicus curiae; pendant les négociations du Cycle de l’Uruguay, les membres ont discuté, sans s’entendre, de la question de savoir Le 22 mars 2002 Limites à l’exercice de la compétence Les décisions des tribunaux de l’ALENA, des groupes spéciaux et des organes d’appel de l’OMC permettant la présentation de mémoires d’amicus curiae étaient fondées sur le postulat (explicite ou implicite) qu’il s’agissait d’une décision purement procédurale qui n’affectait pas les droits fondamentaux des parties. Or les membres de l’OMC qui ont critiqué les décisions d’accepter des mémoires d’amicus curiae ont principalement fait valoir qu’il s’agissait d’une décision sur le fond qui affectait l’équilibre des pouvoirs au sein de l’organisation et qu’elle ne relevait donc pas du tribunal13. Le Mexique a fait valoir un argument semblable devant les deux tribunaux de l’ALENA lorsqu’il a prétendu que le fait de permettre la présentation d’observations par des amicus curiae aurait pour résultat de favoriser les processus judiciaires du Canada et des É.-U. par rapport au Mexique, parce que les tribunaux mexicains ne permettent pas la présentation d’observations par des amicus curiae et que le chapitre 11 était le fruit d’un délicat compromis entre le système civiliste mexicain et les systèmes de common law du Canada et des États-Unis14. À bien des égards, le chapitre 11 est semblable aux traités bilatéraux conclus par les États-Unis, le Canada et bien d’autres pays en matière d’investissement, dans le cadre desquels on a pu s’efforcer de concilier les facettes concurrentes du droit civil et de la common law. Un argument distinct, bien que connexe, a encore plus de poids. Comme les tribunaux mexicains ne connaissent pas la pratique de l’amicus curiae, les ONG mexicaines sont probablement moins au fait des procédures et des stratégies concernant le dépôt de tels documents. Cela rejoint l’argument souvent invoqué par les pays en développement à l’OMC, voulant que permettre une plus grande participation des ONG désavantage dans les faits les pays en développement parce que le monde développé dispose d’ONG mieux organisées, plus expérimentées et mieux financées15. Même si, jusqu’à présent dans les affaires de l’ALENA, si les ONG devraient avoir l’autorisation de participer au règlement de différends (Compte rendu de la réunion du Conseil général (22 novembre 2000), WT/GC/M/60, ¶ 38). Malgré ce revers diplomatique, les groupes spéciaux et les organes d’appel ont permis ces observations. « Les Membres ne se trouvaient pas face à une situation à propos de laquelle ils avaient créé accidentellement une lacune juridique en ne prévoyant pas que ce type de problème pourrait se poser à l’avenir. » Ibid. ¶ 50 (commentaires du Mexique). Les tribunaux de l’ALENA ne font pas face à un tel revers diplomatique. 13 Voir, par exemple, Compte rendu de la réunion du Conseil général (22 novembre 2000), WT/GC/M/60, ¶ 7 (« ...cette procédure [permettre la présentation de mémoires d’amicus curiae] avait concrètement pour effet d’accorder à des personnes et à des institutions extérieures à l’OMC un droit que les Membres eux-mêmes ne possédaient pas) (commentaires de l’Uruguay); ¶ 12 (la décision prise par l’Organe d’appel dans l’affaire de l’amiante « allait bien au-delà du mandat et des pouvoirs conférés à l’Organe d’appel » (commentaires d’un groupe informel de pays en développement); ¶ 52 (« les groupes spéciaux et l’Organe d’appel ne pouvaient pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés » (commentaire du Mexique). 14 Methanex Corp. v. United States of America, 1128 Submission of the Government of Mexico (11 octobre 2000) ¶¶ 11 à 14; décision UPS ¶¶ 56 et 57. 15 Voir, par exemple, Charnovitz, supra, note 10, à la p. 275 ([TRADUCTION] « Les ONG des pays en développement peuvent être aussi moins bien financées que leurs homologues des pays industrialisés et Le 22 mars 2002 les aspirants amici curiae auraient vraisemblablement soutenu les gouvernements intimés, permettre leur participation formelle galvaniserait aussi probablement les groupes favorables aux investisseurs, de sorte qu’il n’y aura pas toujours iniquité. Dans l’affaire Acier britannique à l’OMC, deux groupes industriels américains ont déposé des mémoires distincts des observations du gouvernement des É.-U.16. En outre, si les ONG du monde développé présentaient des arguments en faveur des pays en développement et donnaient ainsi lieu à des accusations de paternalisme et d’intervention injustifiée dans les affaires intérieure de ces pays, les critiques ne manqueraient probablement pas17. Une autre préoccupation fondamentale tient à la possibilité que les amici tentent, avec ou sans l’autorisation de la cour, d’élargir le différend entre les parties. Les tribunaux canadiens saisis de demandes d’intervention, ont souligné à plusieurs reprises que l’intervention ne devait pas servir à élargir le lis entre les parties18. Cette préoccupation sous-tend aussi certains commentaires de membres de l’OMC concernant les amici, bien que la majorité des commentaires soient axés sur l’équilibre des pouvoirs entre les organes du gouvernement de l’OMC. Il est donc essentiel de limiter l’intervention des amici aux questions donc moins aptes à participer efficacement. »); cf. Philip M. Nichols, « Participation of Nongovernmental Parties in the World Trade Organization: Extension of Standing In World Trade Organization Disputes to Nongovernment Parties », U. PA. J. INT’L ECON. L., vol. 17 (1996), p. 295, 318 et 319 (parce que les ONG sont enclines à consacrer du temps et de l’argent pour exercer des pressions sur leur gouvernement, seules les ONG dont les ressources n’ont pas été épuisées au niveau national pourraient s’engager dans l’élaboration de politiques internationales; donc, [TRADUCTION] « l’extension de la qualité pour agir [devant des tribunaux de l’OMC] peut plutôt être une aubaine pour une catégorie sélecte de groupes d’intérêts solidement financés »); OMC, Compte rendu de la réunion du Conseil général (22 novembre 2000) , WT/GC/M/60, ¶ 38 (« ...l’approche de l’Organe d’appel aurait aussi pour effet de désavantager encore plus les pays en développement du fait que leurs ONG étaient assez mal préparées puisqu’elles avaient beaucoup moins de ressources et d’argent pour envoyer des mémoires sans y avoir été invitées ou pour répondre à l’invitation qui leur serait faite d’en envoyer ») (commentaires de l’Inde). 16 Rapport de l’Organe d’appel « Acier britannique » ¶ 36. Même si l’Organe d’appel a estimé qu’il avait le pouvoir d’accepter les mémoires, il n’a finalement pas considéré nécessaire de prendre en compte les deux mémoires pour rendre sa décision. Ibid. ¶ 42. En outre, le groupe spécial de l’Australian Salmon a accepté des mémoires de deux pêcheurs australiens. Rapport du groupe spécial : Australie – Mesures visant les importations de saumons, WT/DS18/R (12 juin 1998), cité dans Andrea Kupfer Schneider. « Institutional Concerns of an Expanded Trade Regime: Where Should Global Social and Regulatory Policy Be Made?: Unfriendly Actions: The Amicus Brief Battle at the WTO », WID. L. SYMP. J., vol. 7 (2001), p. 97. 17 Voir Charnovitz, supra, note 10, à la p. 275 ([TRADUCTION] « ...parce que bien des ONG proviennent de pays industrialisés, elles amplifient certains points de vue – par exemple, sur les droits de la personne ou l’environnement – ce qui peut ne pas traduire les vues des pays en développement »). 18 Clark v. Attorney General of Canada, 81 D.L.R. 3d 33, p. 38 (Haute Cour de justice de l’Ontario, 1977) (« Lorsque l’intervention servirait seulement à étendre la portée du litige entre les parties ou à introduire une nouvelle cause d’action, elle ne devrait pas être accueillie. ») Le 22 mars 2002 dont on peut présumer qu’ils ont une connaissance spécialisée, mais uniquement dans le contexte de la cause telle que présentée par les parties19. Permettre le dépôt de mémoires d’amicus curiae ajoutera au fardeau des parties, en temps et en honoraires d’avocats. Les échéances serrées dans les affaires liées à l’ALENA obèrent déjà le temps des avocats et les ressources, surtout pour les parties étatiques dont les arguments doivent recueillir l’aval de différentes instances gouvernementales. Au seul chapitre des coûts, il faudra payer le temps que les arbitres consacrent à la lecture des mémoires et des réponses des parties. Même si l’on voulait transférer les coûts aux ONG cherchant à déposer des mémoires, l’ALENA ne confère pas aux tribunaux constitués en vertu du chapitre 11 le pouvoir de fixer ces dépens, de sorte que ce seront fort probablement les parties qui paieront ce temps des arbitres20. En outre, du moins jusqu’à présent, les amici curiae ont eu tendance à appuyer une partie. Bien que ce déséquilibre puisse s’atténuer, les tribunaux devront tenir compte de l’inégalité inhérente introduite dans les procédures s’ils permettaient à plusieurs amici curiae de soumettre des mémoires, qui s’ajouteront aux arguments auxquels une partie doit répondre. Ainsi, toute procédure élaborée pour régir l’acceptation des mémoires d’amicus curiae devra viser à atténuer ces fardeaux et à faire en sorte que le différend entre les parties ne s’en trouve pas élargi. Élaborer des procédures pour régir la participation des amici curiae Toute procédure que les Parties à l’ALENA voudraient institutionnaliser pour encadrer la participation d’amici curiae doit tenir compte des limites exposées ci-dessus. Les Parties à l’ALENA pourraient vraisemblablement établir de telles procédures en vertu du pouvoir d’« interprétation » conféré à l’article 1131, bien que l’on ne voie pas clairement quelle disposition pourrait ainsi faire l’objet de l’« interprétation ». Un renvoi général à la section B du chapitre 11 pourrait peut-être suffire à saisir les règles de procédure éparpillées dans cette section, sans qu’il soit nécessaire d’identifier avec trop de précision les dispositions particulières pouvant ne pas prêter à « interprétation » en vertu de l’article 1131. 19 Par exemple, le tribunal dans l’affaire UPS a refusé de permettre aux amici curiae de participer à la phase juridictionnelle des procédures, parce qu’on ne pouvait présumer qu’ils détenaient une expertise sur les questions juridictionnelles. Voir la décision UPS ¶ 71. 20 L’article 1135 de l’ALENA ne donne aux tribunaux que le pouvoir d’accorder des dommages pécuniaires et tout intérêt applicable, ou la restitution de biens, si les Parties ont la possibilité de payer des dommages pécuniaires et l’intérêt applicable en remplacement de la restitution. Les règles d’arbitrage applicables traitent de la question des coûts eux-mêmes. Le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI prévoit que « les frais d’arbitrage sont en principe à la charge de la partie qui succombe. Toutefois, le tribunal arbitral peut les répartir entre les parties, dans la mesure où il le juge approprié dans les circonstances de l’espèce ». Règlement d’arbitrage de la CNUDCI, par. 40(1). Le Règlement d’arbitrage CIRDI (Mécanisme supplémentaire) et le Règlement d’arbitrage de la Convention CIRDI présument que les coûts seront divisés de quelque manière entre les parties, sans toutefois le dire explicitement. Voir CIRDI Règlement d’arbitrage, par. 59(1); Convention CIRDI, Règlement d’arbitrage, art. 28. Le 22 mars 2002 L’adoption du modèle de l’OMC conférerait aux tribunaux d’arbitrage le pouvoir discrétionnaire de permettre ou non la participation des amici curiae. Leur décision serait toutefois fondée sur des principes uniformes. Dans la jurisprudence municipale comme dans la jurisprudence internationale, le droit d’intervention dépend en grande partie de l’appréciation de deux facteurs : l’intérêt qu’a l’aspirant amicus curiae à l’instance et l’expertise dont cette organisation peut se réclamer et que ne possèdent pas déjà les parties21. Les Parties pourraient suivre la pratique des tribunaux américains, qui veut que les amici curiae s’efforcent d’abord d’obtenir le consentement des parties, lequel consentement les dispense ensuite de l’autorisation du tribunal22. En règle générale, particulièrement devant la Cour suprême des États-Unis, le consentement est accordé23. Cette pratique supprime effectivement le pouvoir discrétionnaire des tribunaux d’accepter ou de rejeter des mémoires, bien que dans les faits, les juges puissent leur accorder une attention plus ou moins grande. Au Canada, les règles ne permettent pas aux parties souhaitant intervenir de se soustraire à l’obligation de demander l’autorisation de la cour24. Pour les affaires engagées en vertu de l’ALENA, le modèle de l’OMC est probablement le meilleur. Si l’on ne fixe pas de règles précises, les États parties aux procédures feraient l’objet de pressions politiques pour les inciter à accepter ou rejeter des requêtes particulières chaque fois que des amici curiae proposés chercheraient à déposer des mémoires. Appréciation de l’intérêt de l’amicus curiae La première question que le tribunal doit prendre en compte est celle de la bonne foi de l’éventuel amicus curiae. Souvent, l’amicus proposé sera une ONG bien connue. Par exemple, dans l’affaire Methanex, les amici proposés étaient l’Institut international pour le développement durable, les Communities for a Better Environment et le Earth Island Institute (ces deux derniers organismes étant corequérants représentés par le Earthjustice Legal Defense Fund). Les ONG traditionnelles ne sont pas les seuls aspirants au statut d’amicus; dans deux 21 On présume que les amici rempliront le rôle moderne traditionnel d’avocat de leurs propres intérêts; dans les affaires de l’ALENA, on ne verra vraisemblablement pas les amici s’adresser au tribunal pour l’informer des lois ou des affaires qu’il connaît mal ou pour faire valoir des arguments pour un tiers absent ou non représenté. Voir, par exemple, Samuel Krislov. « The Amicus curiae Brief: From Friendship to Advocacy », YALE L. J., vol. 72 (1963), p. 694. 22 U.S. Supreme Court Rule 37(3)(a); Fed. R. App. P. 29(a). 23 Au cours des 50 dernières années, la pratique de la Cour suprême a été d’accueillir presque toutes les requêtes en autorisation de déposer un mémoire dans les cas où les parties avaient refusé leur consentement; habituellement, les parties consentent à ces requêtes [TRADUCTION] « pour éviter de surcharger le tribunal en l’obligeant à trancher la requête ». Joseph D. Kearney et Thomas W. Merrill. « The Influence of Amicus curiae Briefs on the Supreme Court », U. PA. L. REV., vol. 148 (2000), p. 743, 762. 24 Règles de la Cour fédérale (1998), par. 109(1). Le 22 mars 2002 affaires de l’OMC, des groupes industriels ont tenté d’intervenir à ce titre25. Dans certains cas, l’amicus peut être une personne physique. Toute règle énoncée devrait prendre en compte toute la gamme des amici proposés et aider à apprécier l’intérêt de toutes les catégories possibles d’intervenants. Aux É.-U., les règles des cours fédérales, soit la Cour suprême et les cours d’appel, exigent que la requête en intervention en qualité d’amicus énonce [TRADUCTION] « la nature de l’intérêt du requérant26 ». Au Canada, les règles de pratique prescrivent seulement que l’intervenant proposé s’identifie et identifie tout avocat agissant en son nom, mais les tribunaux exigent que le requérant démontre qu’il a un intérêt dans l’issue du litige, qu’il risque une atteinte grave à ses droits et qu’il apportera au tribunal un point de vue différent de ceux des parties27. Dans l’affaire Methanex, le tribunal a aussi examiné les titres de compétences des requérants (décrits comme « impressionnants »)28. Dans l’affaire de l’amiante, l’Organe d’appel a adopté des règles pour régir la présentation des mémoires en appel, aux termes desquelles les amici proposés devaient divulguer leur adresse et d’autres détails relationnels, « y compris une déclaration sur la composition et le statut juridique du requérant, les objectifs généraux qu’il poursuit, la nature de ses activités et ses sources de financement », et spécifier « spécifiera la nature de l’intérêt que le requérant a dans le présent appel29 ». Quelle valeur les amici proposés peuvent-ils ajouter? La question de l’intérêt du requérant est inévitablement liée à la connaissance ou à l’expertise que les amici proposés peuvent offrir dans une affaire particulière. Les observations des amici peuvent porter sur des questions de fait ou de droit, pour lesquelles les amici peuvent ajouter des renseignements dont ne disposent pas les parties. Dénonçant sans détour le dédoublement et la nature partisane de la plupart des mémoires d’amici, le juge Richard Posner a suggéré que l’intervention de l’amicus curiae ne soit autorisée que dans trois cas : [TRADUCTION] « lorsqu’une partie n’est pas adéquatement représentée ou ne l’est pas du tout, lorsque l’amicus a un intérêt dans une autre affaire auquel la décision en l’espèce risque de porter atteinte [...] ou lorsque l’amicus a des renseignements ou une perspective uniques susceptibles d’éclairer la cour plus que ne peuvent les avocats des parties30 ». C’est ce dernier 25 Voir supra, la note 16 et le texte qui l’accompagne. 26 U.S. Supreme Court Rule 37(3)(b); Fed. R. App. P. 29(b)(1). 27 Voir, par exemple, Abbott c. Canada, [2002] 3 C.F. 482 ¶ 5; Procureur général du Canada c. S.D. Myers, Inc., [2001] F.C.T. 317 ¶ 18 (11 avril 2001); voir aussi Procureur général du Canada c. S.D. Myers, Inc., [2002] C.A.F. 39 ¶ 5 (28 janvier 2002) (un intérêt purement jurisprudentiels sont insuffisants pour justifier l’autorisation d’intervenir). 28 Décision Methanex ¶ 48. 29 Communautés européennes – Mesures affectant l’amiante et les produits en contenant, 8 novembre 2000 (Procédure supplémentaire en vertu de la règle 16(1) des Procédures de travail pour l’examen en appel) ¶ 3(a-c). 30 Ryan v. Commodity Futures Trading Comm’n, 125 F.3d 1062, 1063 (7th Cir. 1997). Le 22 mars 2002 cas et peut-être parfois le deuxième qu’on invoquera probablement le plus souvent pour appuyer la participation d’un amicus dans des poursuites fondées sur le chapitre 11. Le tribunal dans l’affaire Methanex a énoncé un facteur supplémentaire qui peut être en jeu dans plusieurs affaires engagées dans le cadre de l’ALENA : l’intérêt public dans l’arbitrage, y compris les questions de fond inhérentes à l’objet de l’arbitrage et l’avantage que comporte, pour l’ensemble du processus, la perception publique d’une plus grande ouverture et transparence. Si une lecture trop générale de ce critère pourrait justifier d’ouvrir tous les tribunaux de l’ALENA à l’intervention des amici, « les questions de fond inhérentes à l’objet de l’arbitrage » peuvent commander une plus grande ouverture à leur intervention dans des affaires concernant des mesures environnementales, susceptibles d’avoir une grande incidence sur le bien public. Les tribunaux canadiens ont aussi mis en garde contre l’adoption d’un critère généralisé de l’intérêt public pour fonder une intervention : [TRADUCTION] « Il y a peu de poursuites, s’il en est, qui ne touchent dans une certaine mesure l’intérêt public. Le souhait d’encourager cet intérêt ne justifie pas une intervention dans une poursuite entre d’autres personnes31. » Le tribunal devrait aussi tenir compte des fardeaux et des coûts supplémentaires pour les deux parties à l’instance et, dans les cas où ceux-ci retomberaient plus lourdement sur une seule partie, adopter des procédures pour atténuer ce problème, en demandant par exemple à tous les amici de déposer un mémoire conjoint. 31 Borowski v. Minister for Justice of Canada, 1983 A.C.W.S.J. LEXIS 20168, **45 (24 février 1983) (citant TAS Comm. Sys. Ltd. v. Newfoundland Tel. Co., 22 C.P.C. 97, 99 (1981)). Le 22 mars 2002 Exigences procédurales diverses Toute procédure de l’ALENA appelée à régir la présentation de mémoires devrait généralement suivre le modèle utilisé par les tribunaux canadiens ou américains. Les amici proposés devraient s’identifier, divulguer leur intérêt dans l’instance et l’expertise factuelle ou juridique qu’ils peuvent offrir, pour aider le tribunal à résoudre l’affaire. Ces renseignements devraient être inclus dans la requête en intervention à titre d’amicus, si une telle requête est requise. Si les règles permettaient l’intervention sur simple consentement des parties sans la permission du tribunal, les renseignements devraient être inclus dans la requête elle-même. Toute procédure élaborée par les parties devraient aussi exiger que les amici divulguent les affiliations qu’ils peuvent avoir avec des parties en l’espèce ou avec d’autres entités qui financent leur tentative de participer à un arbitrage particulier. Enfin, même si elles peuvent ne pas souhaiter utiliser ce privilège, les parties à l’instance devraient avoir la faculté de contester les titres de compétences de l’amicus proposé. Les règles devraient fixer des étapes prévisibles pour la présentation des mémoires d’amicus curiae, p. ex. 10 ou 20 jours suivant le dépôt des mémoires des parties dans les affaires comprenant une réponse et une réplique. Cela donnerait à chaque partie l’occasion de répondre aux questions soulevées par les amici dans sa réponse ou sa réplique, sans lui imposer le fardeau supplémentaire de déposer des observations additionnelles. Les procédures pourraient obliger chaque tribunal à établir un calendrier des dépôts, qui serait communiqué au public par des médias facilement disponibles, comme les pages Web des secrétariats de l’ALENA32. Les observations devraient inclure un précis exposant l’intérêt du requérant dans l’affaire et la raison pour laquelle les observations proposées complètent les arguments des parties à l’instance, sans les dédoubler. Cela suppose que les amici auront accès aux mémoires des parties (voir accès aux renseignements, plus loin). Sinon la stricte application de l’exigence de non-dédoublement soulèverait probablement des protestations. En outre, il conviendrait de limiter la longueur des mémoires des amici. Au pays, devant les tribunaux qui limitent le nombre de pages des mémoires, les amici collaborent parfois avec la partie qu’ils appuient pour augmenter le nombre de pages de l’argumentation soumise. Dans les arbitrages de l’ALENA, où le nombre de pages n’est généralement pas limité, il est peu probable qu’il y ait collaboration pour cette raison. Toutefois, les parties peuvent néanmoins vouloir collaborer avec les amici pour maximiser l’efficacité de leurs arguments; certaines positions peuvent paraître plus acceptables aux yeux des arbitres si elles proviennent d’un tiers manifestement neutre ou ayant un intérêt personnel, plutôt que d’une des parties à l’arbitrage. Pour faire en sorte que les amici ne soient pas des alliés recrutés, ou du moins pour veiller à ce que leur statut soit clair, il serait utile d’imposer des exigences de divulgation comme celles que prévoient les règles de pratique des tribunaux américains. Ainsi, les règles de la Cour suprême des États-Unis demandent que les amici 32 L’Organe d’appel dans l’affaire de l’amiante a établi des procédures invitant à la présentation de mémoires d’amicus curiae, mais cette invitation n’a été transmise qu’aux ONG inscrites auprès de l’OMC. Pour prévenir la critique, il faudrait que ces « invitations » soient transmises plus largement. On pourrait se servir à cette fin des sites Web des parties à l’ALENA. Le 22 mars 2002 indiquent [TRADUCTION] « si un avocat d’une partie est l’auteur du mémoire, en tout ou en partie, et divulguant l’identité de toute personne ou entité, autre que l’amicus curiae, ses membres ou son avocat, ayant fait une contribution pécuniaire pour la préparation ou la présentation du mémoire33 ». Une question plus difficile est de savoir si le tribunal qui autorise la présentation de mémoires d’amicus curiae34doit être tenu de prendre en compte les arguments et les positions qui y sont exposés. Aux États-Unis, les tribunaux qui acceptent ces mémoires en l’absence d’objection des parties, ne tiennent pas nécessairement compte des positions qui y sont défendues. Dans les instances engagées en vertu de l’ALENA, permettre aux tribunaux d’arbitrage d’accepter des mémoires d’amicus curiae sans les obliger à prendre en compte leur contenu donnerait probablement l’impression qu’il s’agit d’un processus vide ne prenant pas réellement en compte les intérêts des aspirants amici dans l’arbitrage. Les parties ne sauraient pas non plus si elles doivent prendre en considération les arguments présentés dans ces mémoires. Les parties contestantes, les Parties à l’ALENA et l’intérêt public seraient mieux servis si les tribunaux n’acceptaient qu’un nombre limité de mémoires qui répondent à des critères rigoureux tout en étant tenus de les examiner soigneusement. Si un groupe spécial refusait d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’accepter des mémoires d’amici curiae, les parties contestantes pourraient envisager d’annexer les observations rejetées à leurs propres mémoires35. Les États-Unis l’ont fait devant le groupe spécial saisi de l’affaire Crevettes-Tortues. L’organe d’appel, qui avait décidé d’examiner les mémoires à cette étape de l’instance, a demandé que les États-Unis précisent quelles parties des mémoires, s’il en était, ils avaient annexées à leur présentation devant le groupe spécial. Les États-Unis ont refusé d’adopter des parties précises des mémoires, déclarant seulement qu’ils partageaient les vues qui y étaient exprimées dans la mesure où celles-ci concordaient avec l’argumentation développée dans les observations principales36. Cependant, l’Organe d’appel a considéré que le fait de joindre des documents [TRADUCTION] « faisait de ces 33 Sup. Ct. R. 37(6). 34 Selon le Règlement d’arbitrage du CIRDI, les tribunaux doivent se prononcer sur tous les arguments qui leur sont présentés, mais la règle vise les arguments des Parties, non ceux des amici. CIRDI Règlement d’arbitrage (Mécanisme supplémentaire), par. 53(1); Convention CIRDI Règlement d’arbitrage, par. 47(1)(i). Le Règlement de la CNUDCI ne comporte pas de prescription en ce sens. 35 Même si cette procédure peut être une solution souhaitable, établir un régime qui permettrait aux Parties à l’ALENA de joindre, à leur choix, certains mémoires d’amicus curiae à leurs observations serait problématique. Les Parties subiraient des pressions pour les inciter à adopter tous les mémoires soumis à leur examen et pourraient faire face à des conséquences négatives sur le plan politique si elles choisissaient de ne pas présenter le mémoire d’une certaine ONG. En outre, les Parties pourraient être obligées d’expliciter leurs points de vue sur les arguments exposés dans les mémoires, afin de répondre aux questions du groupe spécial qui voudrait savoir si, du fait que les mémoires sont joints à la présentation de la Partie, on peut présumer de facto qu’ils représentent son opinion. 36 Rapport de l’Organe d’appel « Crevettes-Tortues » ¶ 86. Le 22 mars 2002 documents, au moins prima facie, une partie intégrante de les observations de ce participant37 ». Modalités de participation des amici curiae En plus de déterminer qui peut être autorisé à intervenir en qualité d’amicus curiae, les règles de procédure devraient prévoir le niveau de participation. Dans les affaires liées à l’ALENA, les amici chercheront probablement à obtenir divers niveaux d’accès aux tribunaux et aux renseignements concernant l’instance. Dans l’affaire Methanex, les parties demandant le statut d’amicus ont sollicité la permission 1) de déposer un mémoire à titre d’amicus curiae, 2) de lire les plaidoiries écrites des parties, 3) de présenter des observations de vive voix et 4) d’avoir le statut d’observateur aux audiences38. Dans d’autres instances, les amici peuvent chercher aussi à présenter des preuves ou des témoins et/ou à procéder à des contre-interrogatoires39. Comme nous l’avons vu plus haut, la requête en dépôt de mémoire à titre d’amicus curiae peut être accueillie assez facilement, sous réserve de certaines procédures limitatives. Ces procédures fonctionneraient de façon optimale si les amici avaient la possibilité de lire les mémoires des parties. Présenter des observations verbales et assister aux audiences vont de pair et accorder l’un ou l’autre de ces privilèges, même de façon ponctuelle, peut poser certains problèmes. Tout d’abord, les règles d’arbitrage applicables prévoient expressément que les audiences se tiennent à huis clos, sauf convention contraire des Parties. Même si, en vertu de l’ALENA, les parties peuvent déroger aux règles d’arbitrage applicables, il serait difficile de faire passer une telle modification explicite pour une « interprétation ». Dans les affaires Methanex et UPS, les amici ont aussi demandé la permission d’assister aux audiences, ce qui leur a été refusé. Le tribunal dans l’affaire Methanex a reconnu que la règle 25(4) du Règlement d’arbitrage de la CNUDCI exigeait que les audiences se tiennent à huis clos et donc que des tiers ne pouvaient y assister40. Il a rejeté implicitement l’argument voulant que l’attribution à une partie du statut d’amicus l’excluait de la catégorie des « tiers »41. 37 Ibid. ¶ 89. 38 Décision Methanex ¶ 5. 39 En Cour fédérale du Canada, les intervenants proposés ont demandé 1) de recevoir signification de tous les documents et éléments de preuve pertinents à l’instance, 2) de produire une preuve, 3) de procéder à des contre-interrogatoires, 4) de présenter des observations par écrit et de vive voix et 5) de bénéficier d’un droit d’appel contre toute décision définitive. Canada (Procureur général) c. S.D. Myers, Inc., [2001] F.C.T. 317 ¶ 1 (11 avril 2001). 40 Décison Methanex ¶ 42; décision UPS ¶ 67 (sans examen). Le Règlement de la Convention CIRDI et le Règlement du mécanisme supplémentaire CIRDI limitent aussi la présence aux audiences. Règlement d’arbitrage (Mécanisme supplémentaire) CIRDI, par. 39(2); Règlement d’arbitrage de la Convention CIRDI, par. 32(2). 41 Methanex Corp. v. United States of America, Final Submissions of The International Institute for Sustainable Development (16 octobre 2000) ¶ 24 (faisant valoir que [TRADUCTION] « la détermination Le 22 mars 2002 Ensuite, maintenir le huis clos peut aider à protéger les participants aux audiences. La Banque mondiale a instauré des mesures de sécurité qui protègent les participants aux instances se déroulant dans ses locaux, mais de nombreux arbitrages ont lieu dans des emplacements non protégés, comme des hôtels ou des cabinets d’avocats. Ces dernières options pourraient disparaître si les audiences étaient publiques. Enfin, permettre à des amici de présenter des observations orales lors des audiences pourrait fort bien affecter leur déroulement ordonné et ajouter aux coûts. L’une ou l’autre partie devrait accorder une partie de son temps aux amici, ce qui arrive souvent devant les tribunaux américains, ou bien le tribunal devrait prolonger l’audience pour examiner leurs arguments. Nonobstant ces préoccupations, si les Parties voulaient maintenir la règle du huis clos tout en laissant la porte ouverte aux témoignages des amici, les règles de procédure pourraient habiliter le tribunal à réserver une journée aux audiences publiques pour permettre aux ONG de témoigner42. Accès à l’information La participation des amici pose une question corollaire inéluctable, celle de leur niveau d’accès à l’information en l’instance. Permettre leur participation mais limiter du même souffle leur accès aux arguments des parties ne ferait pas taire ceux qui se plaignent du « secret » des procédures, ni ne favoriserait une participation efficace qui complète les efforts des parties au lieu de les dédoubler. L’accès à l’information constituera un élément essentiel de toute procédure institutionnalisée devant régir la participation des amici. Dans presque toutes les affaires récentes, les requêtes et les réponses étaient publiques ou du moins une version publique en était disponible. Toutefois, l’accès à ces documents ne sera probablement pas suffisant pour permettre une participation informée des amici. Tout d’abord, les requêtes et les réponses ne contiennent pas toujours des arguments juridiques. En outre, dans les affaires engagées sous le régime du Mécanisme supplémentaire CIRDI, il n’y a pas de réponse; de ce fait, les aspirants amici n’auraient même pas l’avantage de connaître les observations initiales du défendeur sur le litige. Ensuite, les arguments des parties changent souvent, parfois subtilement, parfois plus ouvertement, au cours des procédures. L’accès à la seule requête, rédigée probablement au moins six mois avant tout dépôt de mémoire, ne donnerait pas aux amici une connaissance à jour des questions juridiques et factuelles pertinentes pour l’arbitrage. de qui peut assister au huis clos dépend de qui a été autorisé par le tribunal à être dans la salle pendant la séance à huis clos »). 42 Voir Steve Charnovitz, « Participation of Nongovernmental Parties in the World Trade Organization », U. PA. J. INT’L ECON. L., VOL. 17 (1996P), p. 331, 355 (suggérant la même procédure qu’à l’OMC). Le 22 mars 2002 Les tribunaux de l’ALENA qui ont examiné la question de la participation des amici ne leur ont pas donner un accès spécial à l’information. Le tribunal dans l’affaire Methanex a estimé que les amici n’avaient pas droit à tous les documents produits dans l’arbitrage, sauf dans la mesure où un membre du public peut y avoir accès selon une ordonnance sur consentement concernant la divulgation et la confidentialité43. Le tribunal a reconnu que la question de savoir si le paragraphe 25(4) ou quelque obligation de confidentialité implicite dans l’arbitrage exigeait que les documents requis soient gardés à huis clos était une question difficile dont il n’avait pas à traiter, étant donné l’ordonnance sur consentement de confidentialité convenue par les parties en l’espèce44. De la même façon, le tribunal dans l’affaire UPS a refusé de traiter cette question au moment de son ordonnance sur la participation des amici, tout en reconnaissant que l’on pourrait faire une distinction entre [TRADUCTION] « la confidentialité des audiences et la « confidentialité ou la disponibilité des documents45 ». À l’exception de la règle du huis clos pour les audiences, examinée ci-dessus, ni la CNUDCI ni la Convention CIRDI ni le Règlement du mécanisme supplémentaire ne requièrent explicitement la confidentialité dans les procédures arbitrales46. L’existence ou non d’une obligation de confidentialité inhérente à l’arbitrage est une question des plus discutées dans les arbitrages internationaux. Comme les règles applicables ne disent rien à ce sujet et que la nouvelle tendance dans la pratique de l’arbitrage est qu’il n’existe généralement aucune obligation inhérente de confidentialité, surtout dans les arbitrages concernant des entités souveraines47, émettre une « interprétation » disant que les Parties à l’ALENA n’ont pas prévu que tous les mémoires restent secrets pendant toute l’instance des procédures serait plus facile à justifier que d’émettre une « interprétation » qui permet la présence aux audiences, devant une règle explicite contraire. 43 Le tribunal dans l’affaire Methanex n’a pas eu à débattre des ramifications de cette décision, presque tous les documents de l’affaire Methanex ayant rapidement été rendus publics. 44 Décision Methanex ¶¶ 43 à 46. 45 Décision UPS ¶ 68. 46 En fait, le commentaire qui accompagne le Règlement original du CIRDI indique clairement qu’aucune obligation de confidentialité n’est imposée aux parties, ce qui les distingue des arbitres. Voir le Règlement du CIRDI et la règle 30 cmt. F (1975) des Règles ([TRADUCTION] « Il n’est pas interdit aux parties de publier leur plaidoirie. Cependant, elles peuvent en arriver à une entente pour s’abstenir de le faire, surtout si elles pensent que cette publication peut exacerber le différend. »). Dans les dispositions parallèles actuelles à la règle 30 (Règlement sur l’arbitrage de la Convention CIRDI. art. 31 et Règlement sur l’arbitrage (Mécanisme supplémentaire), art. 38), le langage est identique à tous égards pertinents. 47 Voir Esso/BHP v. Plowman, 183 C.L.R. 10 (1993); Commonwealth of Australia v. Cockatoo Dockyard Pty. Ltd., 36 N.S.W. L.R. 662 (1995). Le 22 mars 2002 Avantages et inconvénients de permettre la présentation de mémoires d’amicus curiae Les avantages d’une structure plus institutionnalisée sont multiples. Les Parties à l’ALENA dissiperaient les critiques voulant qu’elles admettent des processus « non démocratiques » et « secrets » qui portent atteinte au bien-être public48. Les parties aux arbitrages n’auraient pas à plaider chaque fois l’admissibilité des requêtes des amici (bien que cet avantage puisse être tempéré dans le cas où les parties choisissent de s’opposer au dépôt d’une requête particulière). Enfin, les ONG pourraient faire bénéficier les tribunaux de perspectives et de renseignements utiles, auxquels ceux-ci n’auraient autrement pas accès, et pourraient être mieux placés pour faire valoir une argumentation forte, dégagée des considérations de politique interne ou de la nécessaire conciliation des intérêts49. Il peut aussi en résulter des répercussions négatives. Une fois ces procédures mises en place, il serait extrêmement difficile de les abolir. Les Parties pourraient aussi faire face à des pressions pour les inciter à accorder davantage de concessions. En outre, les possibilités d’inégalité, évoquées précédemment, entre ONG représentant des pays développés et ONG représentant des pays en développement sont très réelles. Une autre préoccupation éventuelle que peut poser l’octroi aux ONG du droit de participer comme amici est de savoir si, ce faisant, on leur accorde effectivement plus de droits qu’aux Parties. En un sens, ce n’est pas le cas. Les Parties à l’ALENA ont le droit de présenter des conclusions en vertu de l’article 1128 de l’ALENA, tandis que le droit des amici dépend de l‘autorisation du tribunal. Par ailleurs, permettre aux ONG de soumettre des mémoires d’amicus curiae sur le fond leur accorderait une voix plus importante dans l’arbitrage, puisque les conclusions déposées en vertu de l’article 1128 sont limitées aux « questions d’interprétation de l’ALENA ». Ainsi, si, dans ses conclusions, une Partie outrepasse la limite imposée par l’article 1128, en préconisant certaines interprétations du droit international ou encore un certain résultat, le tribunal est habilité à les rejeter. En outre, le droit de présenter des conclusions en vertu de l’article 1128 peut ne pas être absolu; il pourrait y avoir des limites inhérentes à l’article : par exemple, si un État partie soumettait un document tardivement, de sorte que les parties à l’instance n’auraient pas le temps d’y répondre, ou le soumettent après l’expiration du délai imparti, les arbitres pourraient rejeter les observations50. 48 Voir, par exemple, Dierk Ullrich, « No Need for Secrecy? -- Public Participation in the Dispute Settlement System of the World Trade Organization », U. BRITISH COLUM. L. REV., vol. 34 (2000), p. 55 (faisant remarquer les avantages de procédures plus ouvertes, y compris la confiance publique dans le système et l’appui à l’OMC et à ses activités en général). 49 Voir Charnovitz, supra, note 42, aux pages 352 et 353 (étudiant les avantages de la participation des ONG devant l’OMC). Charnovitz note aussi que, dans certains cas, étant donné la séparation des pouvoirs dans les États, la branche exécutive peut ne pas monter une solide défense d‘une loi qu’elle désapprouve. Ibid., p. 353. 50 Des critiques de la décision de groupes spéciaux de l’OMC d’accepter des mémoires d’amicus curiae ont soulevé une question semblable; les membres doivent dire au groupe spécial dans les dix jours de son établissement qu’ils veulent participer aux procédures comme tiers, et les membres qui n’ont pas participé à l’étape du groupe spécial ne peuvent pas participer aux procédures devant l’Organe d’appel. Compte rendu de la réunion de l’organe de règlement du différend (27 juillet 2000) ¶ 74. Le 22 mars 2002 Une façon de régler ce dilemme serait de permettre aux Parties à l’ALENA de demander aux tribunaux l’autorisation de présenter des observations à titre d’amici dans des affaires donnant lieu à des questions dans lesquelles les Parties ont un intérêt et une compétence particuliers au delà de l’interprétation de l’ALENA. Les Parties à l’ALENA seraient ainsi sur un pied d’égalité avec les ONG pour ce qui est de déposer des mémoires d’amicus curiae. Le problème est que cette solution peut permettre effectivement d’endosser une cause, ce qui s’ajouterait au droit des personnes de présenter leurs propres causes51. Un autre coût découlerait de cette participation : de nombreux amici tenteront d’exercer des pressions sur leur gouvernement pour les inciter à adopter certaines mesures ou positions sur le plan national. En cas d’échec, leur permettre de faire une autre tentative devant un tribunal différent impliquerait concrètement que le gouvernement réponde deux fois. En outre, on pourrait fort bien voir des groupes d’intérêt nationaux s’opposer publiquement aux positions de gouvernements censés représenter leurs intérêts52. C’est peut-être là une position anormale pour les gouvernements qui, en théorie, représentent l’intérêt public pour la majorité de leurs habitants. Enfin, les ONG souhaitant déposer des mémoires peuvent avoir des buts variés – elles peuvent vouloir influencer la décision d’un tribunal, être citées par le tribunal ou montrer à leurs membres qu’elles représentent bien leurs intérêts53. Permettre aux ONG de soumettre des mémoires à titre d’amicus curiae peut leur donner la possibilité d’influencer l’évolution de la jurisprudence de l’ALENA. Des ONG bien organisées auront probablement une position cohérente sur plusieurs questions récurrentes de l’ALENA. Dans des situations semblables sur le plan national, les mémoires d’amicus curiae sont souvent utilisés comme instrument d’élaboration de politiques par des organismes gouvernementaux et des groupes d’intérêt, comme la American Civil Liberties Union (ACLU) aux États-Unis54. Il reste un dernier point à considérer : comme je l’ai noté aux pages 2 et 3, la participation des amici est également à l’étude à l’Organisation mondiale du commerce, tant devant les groupes spéciaux de règlement des différends que devant l’organe d’appel. Toute approche adoptée à cet égard dans les affaires engagées sous le régime du chapitre 11 de l’ALENA devra être compatible avec les pratiques qui seront éventuellement adoptées par l’OMC. 51 En outre, dans la mesure où l’article 1128 était censé définir les moyens exclusifs par lesquels les États parties peuvent participer à des procédures comme tierces parties, permettre aux États d’assumer le statut d’amicus curiae aurait pour effet de contourner les limites de cette disposition. 52 Cf. Philip M. Nichols, supra, note 15, p. 317 ([TRADUCTION] « Permettre aux parties privées qui n’ont pas eu gain de cause dans la pondération des valeurs et des buts au niveau national de se présenter devant les parties au règlement d’un différend créerait une dissonance irréconciliable pour les pays engagés dans le délicat processus des négociations commerciales. »). 53 54 Kearney et Merrill, supra, note 23, aux pages 764 et 765. Voir, par exemple, David S. Ruder, « The Development of Legal Doctrine Through Amicus Participation: The SEC Experience », WISC. L. REV. (1989), p. 1167.