Création et développement d`une maison d`accueil pour femmes
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Création et développement d`une maison d`accueil pour femmes
SUJET D’ETUDE : SOUTENANCE DU 21 OCTOBRE 2006 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté Bérénice Vanhaecke Raphaël de la Croix CHOISIR Édité par www.choisirlavie.com LA VIE Merci à notre marraine, Cécile EDEL-RAOULT, d’avoir accepté de nous soutenir et de croire en notre projet. Édité par www.choisirlavie.com 6 square du Trocadéro, 75116 PARIS 01 47 51 60 04 [email protected] www.choisirlavie.org « Il n’est pas possible de réaliser le bien commun sans reconnaître et protéger le droit à la vie, sur lequel se fondent et se développent tous les autres droits inaliénables de l’être humain » Evangelium Vitae, § 101, 25 mars 1995 Plan Liste des personnes auditionnées Introduction : une société qui banalise l’avortement Chapitre I L’insuffisance législative et matérielle de l’aide aux femmes enceintes en détresse entraîne le recours aux initiatives privées 1) Les extraits des textes de loi concernés et leur application sur le terrain 1. d’une loi d’exception à une loi de banalisation 2. des aides prévues qui n’ont jamais été mises en place 3. les centres maternels : une réponse insuffisante 2) La nécessaire émergence d’initiatives privées 1. La liberté de choix de la femme enceinte n’est pas respectée 2. Les blessures liées à l’avortement 3. Les orientations choisies par les gouvernements et les responsables de la santé publique Chapitre II Les écueils et les succès rencontrés dans la création de maisons d’accueil pour les femmes enceintes en détresse 1) Une mise en route longue et parfois dissuasive 1. Etat des lieux des structures existantes 2. les embûches de l’administration sanitaire et sociale 3. Une mission qui s’étoffe avec le temps 2) le fonctionnement des maisons d’accueil 1. Les salariés et les bénévoles 2. L’hébergement 3. La réinsertion des jeunes femmes 4. La relation mère/enfant, la place du père 3) Les écueils rencontrés 1. Un financement aléatoire 2. Un déficit de communication 3. Un recrutement difficile 4. Un hébergement élargi – Des pressions des mouvements pro-IVG Chapitre III Les principales étapes du montage d’une maison d’accueil 1) Les ingrédients de la réussite 1. La solidité d’une équipe 2. Rechercher des appuis politiques solides 3. bénéficier de l’appui de l’Eglise 4. Faire preuve de capacité de dialogue 5. S’inspirer de ce qui se fait ailleurs 6. Une maîtrise parfaite des rouages administratifs et des textes 7. Trouver un lieu adapté 2) La création et le lancement 1. Création d’une association 2. La formalisation de son projet 3. Les démarches auprès du CROSS, DDASS, et PMI 4. Qui accueille-t-on ? 5. Recrutement du personnel, formé à l’accueil de la vie 3) La pérennité d’un tel projet 1. L’argent, le nerf de la guerre 2. Une communication indispensable 3. Savoir s’entourer d’un réseau CONCLUSION ANNEXES Liste des personnes auditionnées Amiral Michel Berger, président de l’Union Pour la Vie Cécile Edel-Raoult, présidente de l’association « Choisir La Vie » Sabine Faivre, auteur d’un mémoire intitulé « La pratique de l’avortement aujourd’hui : enjeux et conséquences » Bernard Faivre, président de l’association « maison Béthléem » à Toulon Jean-Bernard Grenouilleau, président de l’association « Comité pour sauver l’enfant à naître », 2 avenue Foch, 94120 Fontenay sous Bois Mr Deligeot, directeur du centre maternel de la croix rouge, à Nantes Mme Chapelain, chef de service du centre maternel pour majeures de Rennes Mme Denis, conseillère conjugale aux centres de planification maternel de Vitré et Fougères Mireille Clauzure, secrétaire de Laissez-les vivre/Sos futures mères Caroline Roux, secrétaire générale de l’Alliance pour les Droits de la Vie Monique Bourdais, directrice de la maison Magnificat à Ligueuil Jean-Marie Andres, vice-président des AFC Aude Dugas, vice-présidente de la Fondation Jérôme Lejeune Antoine Chéreau, maire de Montaigu Yannick Moreau, directeur de cabinet de Philippe de Villiers Jeanne Morellec, médecin-chef départementale de la PMI en Ille-et-Vilaine Anne de Villette, ancienne responsable de la maison mère de miséricorde à Lyon Mr Raymond, responsable de la maison Cécile et Marianne à Poitiers Une bénévole de Sos La Vie à Nancy Introduction Existe-t-il un désir plus citoyen que celui de voir la loi de son pays s’appliquer purement et simplement ? Y a-t-il une cause plus belle que celle de venir au secours des plus fragiles ? Pourtant, dans la France du 21 siècle, il est un domaine fondamental dans lequel la loi est impunément inappliquée et le plus fragile d’entre tous anéanti : celui de la vie. Lorsque l’on est animé par le combat pour la vie, dans une société qui refuse de reconnaître dans l’embryon un être humain, on est à la fois saisi par la révolte, le dégoût, la compassion et malgré tout l’espérance. Il existe de multiples manières de se battre pour protéger envers et contre tout l’embryon et sa mère, et chacune a sa raison d’être. Parmi elles, il en est une qui concilie à la fois l’action concrète, l’engagement politique (dans le sens premier du terme), la compassion et même l’application stricte de la loi : offrir à toute femme enceinte en situation de détresse, l’alternative de l’accueil de l’enfant à naître plutôt que sa suppression. Offrir à l’embryon, l’alternative de la vie plutôt que celle de la mort. La loi d’expérimentation de 1975, puis celles de 1979 et 2001 ont inclus la nécessité d’offrir à la femme enceinte en détresse ce libre choix. Mais aujourd’hui, le constat est sans appel : les dispositifs d’accueil sont ridiculement peu nombreux. La communication sur l’existence de ces centres quasi nulle. Comment penser que sur les 220 000 femmes qui avortent chaque année, seules quelques dizaines choisissent de garder leur enfant et sont hébergées en maison d’accueil ? L’IVG serait le seul moyen de répondre à la détresse de ces femmes ? Que de vies seraient sauvées si on prenait conscience de l’urgente nécessité de favoriser le développement de maisons d’accueil. Mais la création de telles maisons est souvent une aventure difficile. Les fonds manquent quand on veut se payer le prix de l’indépendance et les professionnels des administrations sociales regardent souvent d’un mauvais œil voire condamnent avec véhémence ce type d’initiative jugée une « entrave à l’IVG ». Il faut donc que la loi soit appliquée, que la liberté de la femme soit reconnue, que l’enfant soit respecté. Ce travail cherche à mettre en lumière au travers de son constat, les chemins à prendre pour développer l’émergence de nouvelles maisons d’accueil. Il analyse les heureuses et moins heureuses aventures menées par des hommes et des femmes, animés d’un courage qu’il faut saluer, de création de maisons où la vie et l’espérance l’emportent contre la fatalité et la mort. 8 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté Chapitre I L’insuffisance législative concernant l’aide aux femmes enceintes en détresse entraîne le recours aux initiatives privées Extrait des textes de loi concernés et leur application sur le terrain Une analyse des textes de loi concernant l’avortement et la contraception en France nous a permis de faire le constat suivant : la loi ne protège pas les jeunes femmes enceintes en détresse autant qu’elle protège les jeunes femmes qui désirent avorter. Cette situation résulte à la fois de la légèreté des dispositions mises en place par le législateur, et d’une application très limitée de ces dispositions. D’une loi d’exception à une loi de banalisation La loi Veil de 1975, que l’on cite en référence pour parler de l’avortement, n’a en fait plus de véritable portée juridique, et ne comporte plus qu’un aspect historique. En effet, la loi de 1975 prévoyait sa révision dans les cinq ans. C’est la loi de 1979 qu’il faut prendre en compte aujourd’hui, avec les ajouts de 1982 et 2001, créant un véritable droit à l’avortement. Dans un dossier datant de l’an 2000, les AFC, (Associations Familiales Catholiques), reviennent sur le sens premier de la loi de 1975 : « Selon le sens de la loi Veil de 1975 (annexe 1), l’avortement constitue une exception face à : • une situation de détresse de la mère, • ou l’affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable (avortement thérapeutique). L’avortement n’est considéré que comme un ultime recours. La règle de base est avant tout d’inciter les futures mères à « garder leur enfant », et de mettre en œuvre les moyens pour cela, la loi soulignant elle-même « la gravité biologique de l’intervention ». Ce que l’on a également passé sous silence depuis, c’est l’affirmation de l’article 1, qui stipule : « La loi garantit le respect de tout être humain, dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi. » . Par ailleurs, l’article 317 du code pénal, qui condamne l’avortement, reste en vigueur. Comme le rappelle le « Livre blanc de l’avortement en France », publié par le collectif 30 ans ça suffit ! : « Le Conseil Constitutionnel avait, le 15 janvier, déclaré que cette loi n’était pas contraire à la Constitution, considérant que les dispositions dérogatoires à son article 1 étaient suffisamment encadrées pour ne pas détruire le principe énoncé dans cet article. Il soulignait que la loi respectait la liberté des personnes appelées à recourir ou à participer à une interruption de grossesse, et qu’ainsi elle ne portait pas atteinte au principe de liberté posé dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. » Force est de constater que progressivement, l’exception est devenue la règle. La loi de 1975 devant être révisée au bout de cinq années, elle fut modifiée en 1979 par le législateur, par la loi dite loi Pelletier, loi de reconduction dite « définitive » de la loi Veil. Le « livre blanc de l’avortement en France »1 , analyse l’évolution de la législation française dans l’un de ses chapitres, et décrypte l’évolution de la 1 Réalisé par le collectif « 30 ans ça suffit ! », décembre 2005, éd.Téqui Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 9 loi et ses dérives : « Le 31 décembre 1979, la loi dite loi Pelletier pérennise la loi de 1975 en apportant une restriction à la clause de conscience, en précisant le devoir d’information : le médecin est tenu de relayer des informations sur les moyens de réaliser un acte qu’il réprouve. Par ailleurs, cette loi tend à faire du centre IVG une obligation de service public, non détachable du service hospitalier. Le Conseil Constitutionnel n’a pas été saisi, alors que ces restrictions apportées à l’exercice de la clause de la conscience modifiaient les conditions de sa décision de 1975. La loi du 31 décembre 1982, dite loi Roudy, autorise le remboursement de l’IVG par le budget de l’Etat. L’avortement se trouve pratiquement traité comme un acte médical parmi d’autres, alors que par son objet elle est tout le contraire.» En janvier 1993, la loi Neiertz crée un délit d’entrave à l’avortement, qui sera renforcé par la loi Aubry du 4 juillet 2001, comme l’explique le Livre blanc de l’avortement : « L’entrave à l’IVG voit son domaine étendu : elle recouvre les perturbations commises dans les établissements concernés, les menaces, actes d’intimidation, pressions morales et psychologiques commises contre la femme concernée, son entourage et le personnel médical (passible de 2 ans de prison et de 200 000 francs d’amende, soit 30 000 euros). »Le législateur n’avait sans doute pas imaginé que la mise à mort de centaines de milliers d’enfants chaque année soulèverait des levées de boucliers de part et d’autre. En effet, certaines associations pro-vie tentent d’empêcher des avortements dans des cliniques, de sauver la vie d’enfants à naître, et des plaintes sont déposées. Ainsi, « le 30 septembre 1992, pour la première fois, un tribunal correctionnel, celui de Pau, condamne quatre sauveteurs à quatre mois de prison avec sursis et 3000 f d’amende pour violation de domicile »2. Deux autres mesures sont adoptées par la loi Aubry du 4 juillet 2001 : - l’entretien pré-IVG devient facultatif pour les jeunes femmes majeures, ce qui réduit les délais d’attente pour subir une IVG, et prive la femme enceinte de journées de réflexion précieuses. - le délai légal pour subir un avortement passe de dix à douze semaines. Depuis l’été 2005, une loi permet aux jeunes femmes d’avorter à domicile, par l’absorption d’une substance chimique appelée Myfugène, provoquant une fausse couche ; cette mesure est autorisée jusqu’à six semaines de grossesse. Seule, dans sa salle de bain, sans personne à qui se confier, la jeune femme va tuer son enfant, en absorbant un produit aussi facilement que l’on se sert une aspirine ! Des aides prévues qui n’ont jamais été mises en place De nombreux articles concernent le recours légal à l’avortement et à la contraception. Dans le même temps, quels articles suggèrent une aide pour accueillir l’enfant à naître ? Dans le texte de 1975, Titre III, section I, l’extrait de l’article L. 162-3. est suffisamment explicite : « 2° Remettre à l’intéressée un dossier-guide comportant : a) L’énumération des droits, aides et avantages garantis par la loi aux familles, aux mères, célibataires ou non, et à leurs enfants, ainsi que des possibilités offertes par l’adoption d’un enfant à naître ». Cet article demeure assez évasif, et se borne à citer des aides pour la plupart matérielles. Or les femmes confrontées à une grossesse imprévue ne se contenteront pas d’une allocation de parent isolé et d’une allocation logement pour éviter le recours à l’avortement. Beaucoup ont besoin d’être écoutées, soutenues psychologiquement, et les aides financières ne s’avèrent pas suffisantes pour les rassurer quant à leur avenir et celui de leur enfant. C’est d’ailleurs ce qui ressort de la loi de 1979, qui éclaire davantage sur l’intention des politiciens : ils sont conscients que les textes de 1975 ont entraîné de nombreuses dérives, en ne protégeant pas les mères en détresse souhaitant garder leur enfant. C’est pourquoi deux articles sont fort intéressants pour notre propos : 2 « Le monde politique et le respect de la vie », publié par AOCPA-CHOISIR LA VIE le 14 février 2003 10 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté Ainsi : l’article 12 de la loi du 13 décembre 1979 stipule que « des commissions d’aide à la maternité sont mises en place sur l’ensemble du territoire, notamment auprès des centres médico-sociaux ou des bureaux d’aide sociale des grandes villes ». . Les commissions d’aide à la maternité n’ont jamais vu le jour, la loi de décentralisation de 1982 et de 1986 relative au volet aide sociale et à l’enfance réservant ces prérogatives aux seuls départements. Cependant, il existe dans certains départements des structures bien spécifiques, tel le SAFED d’Ille et Vilaine, service d’aide aux femmes enceintes en détresse, qui est dirigé par le médecin-chef départemental de la PMI. C’est elle qui l’a créé, au début des années 80, consciente que les services proposés par les seuls partenaires sociaux s’avéraient limités pour répondre à la détresse de jeunes femmes. Cet organisme fonctionne en plus des centres maternels et des centres de planification, qui sont les seuls organismes existant dans la plupart des autres départements français. l’article 4 de la loi du 13 décembre 1979 stipule que le médecin sollicité par la jeune femme doit lui remettre un dossier guide comportant notamment « la liste et les adresses des associations et organismes susceptibles d’apporter une aide morale ou matérielle aux intéressées ». Or ce dossier-guide n’existe pas, nous avons interrogé de nombreux médecins à ce sujet, ils n’en ont jamais entendu parler. Ils se contentent donc de recommander aux jeunes femmes enceintes en détresse d’aller voir une assistante sociale… Le constat de « Choisir La Vie » apparaît sans appel : « Que personne ne s’ y trompe. En France pas plus que dans les autres pays occidentaux, l’avortement n’a été légalisé pour venir réellement en aide aux futures mères en détresse. Les vrais motifs sont d’une toute autre nature. Ce sont ceux d’une idéologie matérialiste, malthusienne et eugéniste pour qui « la vie est un matériau qui se gère ».3 Les centres maternels : une réponse insuffisante pour aider les femmes enceintes à choisir librement Les centres maternels sont le résultat de la fusion des Hôtels maternels, qui accueillaient les femmes enceintes, et des maisons maternelles, accueillant les mères avec enfants en bas âge. Leur statut est régi par la loi des associations de 1901, donc ce sont des établissements privés, mais ils sont financés à 100% par le conseil général, au titre de la protection de l’enfance. Le financement du Conseil général a débuté en 1986, date de la mise en place de la loi de décentralisation relative à l’aide sociale et à l’enfance. Ces centres sont donc pour la plupart gérés par des associations, dont certaines ont un projet éducatif chrétien, ouvert à toutes les confessions. C’est le cas du centre maternel Saint Raphaël, à Antony (92), géré par l’association Saint Raphaël, du centre maternel Samarie à Jouarre (77), géré par les Orphelins Apprentis d’Auteuil et de la maison La Nouvelle Etoile(93), et le centre maternel nantais géré par la Croix Rouge. Cette liste n’est pas exhaustive, mais il nous a été impossible de recenser tous les centres maternels gérées par des associations d’inspiration chrétienne. Ces centres existent dans tous les départements français, certains sont spécifiques aux mineures. Ils sont financés totalement par les collectivités territoriales. Les conditions d’accueil sont les suivantes : • être une femme enceinte • ou avoir un enfant de moins de trois ans, • être seule et en difficulté La durée du séjour est variable, de quelques semaines à plusieurs mois jusqu’à ce que l’enfant ait trois ans. Les droits sont les suivants : 3 cité dans « De la vie avant toute chose », ouvrage du gynécologue-accoucheur Pierre Simon, ancien Grand Maître de la Grande Loge de France, éd.Mazarine 1979 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 11 • le logement • l’aide pour élever son enfant et pour faciliter la recherche d’emploi ou de formation. • Des frais de séjour sont demandés, en fonction des ressources de la personne. Si la maman demande le secret pour accoucher, il ne lui est demandé aucune pièce d’identité et aucune enquête n’est effectuée. Dans ce cas bien précis de l’accouchement sous X, lors de l’admission dans un établissement public ou privé, les frais d’hébergement et d’accouchement sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance du département. Le remboursement de ces frais peut cependant être demandé lorsque l’enfant est reconnu par son père ou par sa mère dans les trois jours qui suivent la naissance. Fonctionnement du centre maternel de l’ASFED, à Rennes Entretien avec la chef de service du centre maternel ASFED (Association pour les Familles en Difficulté), situé à Rennes. L’accueil au centre maternel de la résidence Brocéliande s’effectue à partir du sixième mois de grossesse, mais la liste d’attente étant très longue, les mamans arrivent bien souvent après l’accouchement. Or leur situation précaire ne leur permet bien souvent pas d’attendre l’arrivée au centre maternel pour être aidée. Des situations d’urgence sont dès lors mises en place pour le logement et l’accompagnement de ces jeunes femmes, dans l’attente qu’une place se libère au centre maternel, dans les familles d’accueil… L’accueil y est réservée aux jeunes femmes majeures, les mineures étant accueillies au centre maternel « La rose des vents » à Rennes. C’est le SAFED qui oriente les femmes enceintes vers les trois centres maternels du département L’hébergement n’intervient qu’à partir du septième mois de grossesse en théorie, mais dans la réalité les jeunes femmes arrivent quelquefois après l’accouchement, faute de place. Ces centres ne représentent donc pas une alternative à l’avortement, car ils accueillent les jeunes femmes enceintes après les délais légaux d’IVG. Selon Caroline Roux, secrétaire générale de l’ADV (Alliance pour les Droits de la Vie) : « pour des filles peu sûres d’elles, l’IVG est souvent au bout du chemin ; tout dépend de l’assistante sociale rencontrée par cette jeune femme, et de sa propre détermination à poursuivre sa grossesse. Une fille assez déterminée va pouvoir cheminer vers l’accueil de son enfant, aidée par une assistante sociale. Une fille plus hésitante aura davantage de pressions en faveur de l’avortement, que d’encouragements à garder son enfant. » La nécessaire émergence d’initiative privées La volonté de mettre en place de telles structures résulte d’un triple constat : l’accueil de la vie semble réservé aux jeunes femmes vivant dans des conditions décentes, majeures et responsables ; les blessures liées aux avortements existent mais sont passées sous silence par la société toute entière, qui rechigne à parler ouvertement d’un sujet sensible ; enfin les pouvoirs publics, conscients de la gravité de la situation, se contentent de soutenir les campagnes de contraception et d’avortement à domicile, jugés moins traumatisants ! La liberté de choix de la femme enceinte n’est pas respectée Une grossesse, désirée ou non, bouleverse la vie d’une femme. Certaines sont en situation de l’accepter, la question ne se pose quasiment pas ; d’autres, de part leur jeune âge ou leur situation matérielle et matrimoniale, se retrouvent totalement désemparées face à cet imprévu de taille. - Les pressions des services sociaux : il nous est apparu que les services sociaux orientaient facilement les jeunes femmes en détresse vers l’avortement, surtout quand il s’agit de mineures ou de sans domicile 12 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté fixe. Nos nombreuses auditions et lectures sur la qualité des professionnels de l’aide sociale quant au respect de la vie fait ressortir le constat suivant : la formation de ces corps de métier ne se fait pas toujours autour du respect inconditionnel de toute vie humaine. Le bébé attendu apparaît comme un « problème », plutôt que comme une joie. Mr Faivre, des maisons Bethléem, expliquait ceci : « Mme X est rarement présente au conseil d’administration, mais cette infirmière de la clinique Y est un contact qui s’est révélée utile à deux reprises lorsque nous avons dû faire prendre en charge en urgence des SDF à deux semaines du terme de leur grossesse. » Il fallait en effet cacher ces deux jeunes filles, poursuivies par des assistantes sociales voulant les obliger à avorter. Malheureusement, au lieu de protéger les plus faibles d’entre nous, l’enfant à naître, une jeune fille à la rue, les services sociaux émettent des critères : celle qui est trop pauvre, qui se drogue, qui vit dans la rue, ne peut pas avoir d’enfant. Le verdict est sans appel. Pourquoi ne pas aider ces jeunes femmes à se réinsérer et accueillir leur enfant si elles le souhaitent, au nom de quoi la société les condamne-t-elle ? Elles sont doublement condamnées, car elles vivent dans une grande détresse matérielle, et vont vivre désormais la détresse d’avoir laissé tuer un petit être qu’elles portaient en elles et qu’elles désiraient. - Les pressions familiales : parmi les plus fragiles, on trouve aussi les jeunes filles qui habitent encore chez leurs parents, et dans ce cas précis ce sont bien souvent les mères qui accompagnent leurs filles vers l’avortement, comme nous l’expliquait Mireille Clauzure, secrétaire de l’association « Laissez-les Vivre/ Sos Futures Mères » et directrice nationale de Sos Futures Mères. Un témoignage illustre cette situation : « Je crois que nous, les jeunes filles, on est poussées à avorter. Mes parents m’ont toujours aidée mais, là, ils m’ont dit qu’ils ne se voyaient pas avec moi et un enfant à la maison. Il aurait fallu que je me débrouille toute seule… Pourtant je me sens mal, je me trouve horrible d’avoir fait ça, je souffre. Si j’avais un enfant, je serais la plus heureuse de la terre. » Nina, 20 ans.4 Abandonnées par le père: une femme seule qui atteint un enfant sera bien entendu plus vulnérable que la mère de famille mariée, car elle ne bénéficie pas de l’appui du père. Certaines vont inévitablement se résoudre à l’avortement, écrasée par la venue d’un petit être dont elles seront seules responsables. La plupart des jeunes femmes accueillies en maison d’accueil ont été abandonnées par leur compagnon, leur partenaire d’un soir, qui a fui devant ses responsabilités paternelles. Certaines ont cependant désiré ce bébé pour ne plus être seules, comme nous l’a démontré madame Chapelain, chef de service au centre maternel de Rennes. Elles ont idéalisé leur bébé, imaginant que sa naissance allait d’un coup de baguette magique effacer leurs blessures. Ces jeunes femmes n’ont jamais envisagé l’avortement, c’est au bout de plusieurs mois de grossesse qu’elles ont pris conscience de l’importance d’être soutenues. Les centres maternels répondent à leur détresse, puisqu’ils accueillent les jeunes femmes enceintes à partir du septième mois de grossesse, mais n’aident pas la femme seule à éviter le recours à l’avortement, car l’hébergement intervient trop tardivement. « L’avortement, loin d’être une avancée pour la femme s’est retourné contre elle. En la laissant seule maîtresse de sa décision, celle-ci se retrouve la plupart du temps très isolée face à une grossesse imprévue et difficile. Ce que l’on ne prend pas en compte, c’est que dans bien des cas, les femmes n’auraient pas recours à l’IVG si leur environnement était favorable », témoignage de Françoise Guirriec.5 Comment une société peut-elle être favorable à l’accueil de la vie, quand celle-ci est instrumentalisée, quand l’embryon humain devient un rat de laboratoire sans que personne ne s’en offusque ou si peu ? Les blessures liées à l’avortement Les conséquences de l’avortement, particulièrement le SPA, ou Syndrome post-abortif, sont encore 4 in le magazine 20 ans, n°162, mars 2000 5 cité dans la revue Panoramiques du 3ème trimestre 2002, éd.Corlet/Marianne, dans le chapitre intitulé « Promouvoir une véritable alternative à l’avortement » Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 13 mal évaluées en France, sauf par les associations militants pour l’accueil de la vie et certains médecins. Ce SPA demeure encore quantité négligeable pour le système public et la société. Outre-Atlantique, ce phénomène est mieux connu, car étudié depuis de nombreuses années par des chercheurs américains, ce qui permet d’ailleurs aux lobbies favorables à la vie de faire pression sur les hommes politiques, car leurs arguments sont étayés par des thèses scientifiques solides. Ainsi, le Dr Ph. Mango, psychiatre américain spécialisé dans la prise en charge du SPA, affirme-t-il : « Toutes souffrent objectivement, mais subjectivement elles vont réagir différemment car elles ne sont pas toutes conscientes du lien qui existe entre leurs troubles et l’avortement. Immédiatement, elles sont généralement soulagées d’avoir trouvé une solution à la crise qu’elles viennent de traverser. Peu à peu ce sont des troubles insidieux : perte de l’estime de soi, culpabilité, perte de l’appétit, anxiété, insomnie, cauchemars sur le bébé qui les hait ou les appelle au secours, parfois dépression, une moindre capacité à aimer, à se soucier des autres, une sorte de détachement qui commence à un niveau inconscient. Cela provoque une distanciation de la personne par rapport à sa nature humaine. C’est une expérience très aliénante »6. Les orientations choisies par les gouvernements et les responsables de la santé publique Après nous être plongés dans cette étude durant plusieurs mois, nous pouvons affirmer qu’une idéologie gangrène tout le système de santé publique concerné par l’accueil des jeunes femmes, des conseillères conjugales aux assistantes sociales. Celles qui tentent de favoriser l’accueil de la vie plutôt que le recours à l’avortement risquent des sanctions de la part de leur hiérarchie. Bien courageuses sont celles qui osent dénoncer le système ! Le monopole des centres de planification Ces organismes sont aujourd’hui les chevilles ouvrières du système public. Ils sont présents en grand nombre dans chaque département, et sont financés en totalité par des fonds publics. Les centres de planification regroupent une équipe de professionnels, composées d’assistantes sociales et de conseillères conjugales, dont certaines sont issues du MFPF (Mouvement Français pour le Planning Familial). Nous avons contacté certaines de ces personnes. Toutes se sont bien sûr défendues d’orienter les femmes enceintes en détresse vers l’avortement. Mais des rencontres auprès de personnes ayant enquêté dans ces centres de planification nous montrent le contraire. Ainsi, Madame Bouchot, conseillère conjugale au C.LE.R , à Nantes, fait part de son expérience vécue lors d’un stage d’une semaine au centre de planification du CHU de Nantes, en l’an 2000. Elle assistait à des entretiens pré-IVG, dans le cadre d’une formation de conseillère conjugale. Les entretiens n’étaient pas menés afin d’aider la jeune femme à garder son enfant, à trouver avec elle des solutions alternatives à l’avortement, ce qui est encore possible dans les entretiens pré-IVG, puisque l’inévitable n’est pas encore arrivé. Les entretiens portaient sur la compréhension de la femme qui veut avorter, on se met à sa place, on comprend ses raisons, on admet qu’elles sont insurmontables et que le seul recours est bien l’IVG. Puis on explique que l’on va voir un médecin, comment va se passer l’avortement, combien de temps cela va durer, et qu’après la jeune femme pourra rentrer chez elle, ce sera fini. Aucune indication sur les risques médicaux liés à la santé de la jeune femme ou aux grossesses futures, sur les blessures psychologiques ultérieures… Marie-Noëlle Couderc, directrice de la première maison Tom Pouce, en Seine et Marne, explique : « Quand des jeunes femmes viennent trouver une assistante sociale pour avoir des informations sur la maison Tom Pouce, elles se sentent obligées en premier lieu de rappeler la possibilité de l’avortement. Elles considèrent commettre une faute professionnelle si elles ne parlent pas de l’IVG ». Sabine Faivre, auteur du livre « La vérité sur l’avortement aujourd’hui »7 affirme : « La difficulté pour les assistantes sociales est de pouvoir concilier la conscience qu’elles-mêmes ont de l’avortement, avec une forme de discours officiel qui, contre toute évidence, tend à le dédramatiser. Même si elles ne 6 7 » cf Panoramiques opus cité éditions téqui 2006 14 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté l’avouent pas, explicitement, elles se sentent prises dans un étau. De même , on peut citer ce médecin qui pratique quotidiennement des avortements : « Je ne veux pas m’impliquer, c’est déjà suffisamment dur comme ça ». D’une façon générale, personne ne veut parler de la réalité de l’avortement et de ses conséquences, par crainte de vouloir dissuader la femme d’avorter, démarche qui tombe sous le coup d’une poursuite pénale. Cette difficulté d’information s’accroît encore avec la loi de 2001 qui rend facultatif l’entretien pré-avortement pour les femmes majeures. » Les campagnes d’information autour du Norlevo Une véritable entreprise de manipulation des consciences : « Depuis sa mise sur le marché il y a six ans, le Norlevo, dite « pilule du lendemain » connaît une utilisation accrue chez les jeunes filles. Un million de boîtes furent en effet distribuées en 2005. Il faut savoir que : ce produit est accessible gratuitement en pharmacie, à toutes les femmes, mineures ou majeures, et donné par les infirmières en milieu scolaire, sans qu’aucune prescription médicale ou autorisation parentale ne soit nécessaire ; un comprimé contient l’équivalent en progestatifs de 25 pilules classiques ; ce produit engendre un mécanisme de type antinidatoire (altération de la paroi de l’utérus), faisant obstacle à toute implantation du jeune embryon sur la paroi de l’utérus ; il n’y a pas d’objection de conscience pour les pharmaciens, auxiliaires de pharmacie et infirmières. Leur refus de délivrer ce produit constitue un fait répréhensible (cf arrêt de la cour de cassation de 1998), passible du conseil de discipline et d’un retrait du droit d’exercer variant de plusieurs semaines à plusieurs mois selon les juridictions. Les autorités sanitaires et politiques soutiennent sans discontinuer la promotion de ce produit ; à titre d’exemple, l’OMS a inscrit le Norlevo dans la liste des médicaments à fournir à toutes les pharmacies, et les pays du tiers-monde bénéficient, pour ce faire, d’aides financières conséquentes. Choisir la Vie récuse ainsi : l’usage abusif et volontaire d’un langage entraînant la confusion dans les esprits et la perte de conscience de la gravité des actes commis. Il ne s’agit pas d’une pilule du lendemain, encore moins d’une contraception d’urgence mais, dans la plupart des cas, d’un abortif et donc d’une destruction d’un jeune enfant au stade embryonnaire. » 8 Des pressions sont exercées par ailleurs sur la DGAS, direction générale des affaires sociales, par des « sociétés savantes », pour reprendre le terme utilisé par Antoine Chéreau, maire de Montaigu en Vendée. Ces organismes font des prescriptions, financent des études concernant la contraception et l’IVG, orientées vers un déni de l’inviolabilité de toute vie humaine. Ils soumettent également la direction générale des hôpitaux à de semblables pressions, c’est pourquoi l’on trouve aujourd’hui dans tous les hôpitaux de France et de Navarre des brochures concernant la contraception dite du lendemain et l’avortement. Pour conclure ce chapitre, nous pouvons dire ceci : l’administration publique ne prend pas en charge les jeunes femmes enceintes en détresse avant le septième mois de grossesse, sauf pour les accompagner vers l’avortement. Notre pays n’offre donc pas d’alternative à l’avortement, puisque les conditions matérielles, humaines ne sont pas réunies pour permettre à une jeune femme seule, à la rue, malade ou rejetée par sa famille d’accueillir l’enfant qu’elle porte. Que se passe-t-il alors pour la jeune femme enceinte en détresse entre le début de sa grossesse et le septième mois ? Ce sont bien souvent des mois très difficiles qui commencent, l’attente d’une place dans un centre maternel ou un CHRS (Centre d’Hébergement et de Réadaptation Sociale), le placement en catastrophe dans une famille d’accueil pour les mineures… Quant aux associations pro-vie qui oeuvrent au quotidien pour sauver des vies, celle de l’enfant à naître mais également celle de sa maman, les choix offerts sont des hébergements d’urgence chez des amis proches de l’association. Ces maisons d’accueil que nous vous présentons constituent donc le seul recours pour des jeunes femmes ayant besoin d’aide dès le début de leur grossesse. 8 , cf choisir la vie, septembre 2006 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 15 Quelques semaines à peine suffisent pour faire basculer deux vies, celle de la maman et celle de son enfant. La mère se retrouve incomprise dans sa famille hostile à la grossesse, sans logement pour accueillir son enfant, sans aide psychologique ou matérielle pour réfléchir librement sur son avenir sur une décision à prendre qui sera irrémédiable, dans un sens comme dans l’autre… Voilà pourquoi des hommes et des femmes courageux, qui ont refusé ce système, ont créé ces maisons d’accueil. 16 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté CHAPITRE II Les écueils et les succès rencontrés dans la création de maisons d’accueil pour les femmes enceintes en difficulté Ces structures d’accueil existent sur quelques départements, mais elles demeurent en nombre insuffisant. A la date d’aujourd’hui, et à notre connaissance, existent : • trois Maisons Tom Pouce, deux dans la Sarthe (une à côté du Mans et une à côté d’Alençon) et une en Seine et Marne • une maison Magnificat/Accueillir la Vie, à Ligueil, en Indre-et-Loire • les Maisons Bethléem à Toulon, dans le Var • l’association Sos Future Maman, à Nancy, possède deux studios d’hébergement pour les femmes enceintes en détresse • la maison Cécile et Marianne, à Poitiers, pour toutes les femmes en détresse, accueille 4 à 5 femmes enceintes par an. • la maison mère de miséricorde à Lyon a été reprise par un autre organisme en 2005, Habitat et Humanisme,qui a changé le projet de départ • la maison Samarie, à Jouarre, en Seine et Marne, devenue centre maternel depuis le 1er janvier 2006, n’accueille plus les femmes enceintes avant sept mois de grossesse • la maison d’Ariane en Vendée a fermé ses portes définitivement en septembre 2005 La liste de ces maisons est reproduite en annexe, avec leurs coordonnées. Certaines maisons bénéficient de subventions publiques, d’autres vivent uniquement de dons et de legs. Elles fonctionnent davantage sur l’accueil précoce des jeunes femmes enceintes, qui peuvent y être hébergées avant le délai légal de recours à l’IVG fixé à douze semaines dans notre pays. Par ailleurs, ces structures s’avèrent, dans la majorité des cas, plus humaines que les centres maternels, du fait de leurs nombres de places limitées, dix ou douze suivant les maisons, ce qui leur procure un caractère plus familial. Les personnes responsables ainsi que le personnel encadrant sont en grande majorité pour un respect de la vie « de sa conception à sa mort naturelle », aussi les mamans y trouvent-elles un regard bienveillant sur leur enfant à naître , et sur l’accueil de la vie en général. Ces maisons ont toutes été créées par des personnes sensibles au drame de l’avortement, et à la détresse de jeunes femmes que le milieu médical, les services sociaux, la famille ont poussées vers l’avortement Une mise en route longue et parfois dissuasive Ce type de structures ne se met pas en place en un jour. Les créateurs de ces maisons se sont en effet attelés aux « douze travaux d’Hercule » pour que leurs projets respectifs voient le jour. Mais, appuyés par des bénévoles tout dévoués à la cause de la vie, ils ont su faire face aux multiples démarches, aux retards, au découragement bien souvent devant l’ampleur de la tâche. Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 17 Etat des lieux des structures existantes a) Une volonté diocésaine Ce fut le cas des maisons Bethléem à Toulon et de la maison Cécile et Marianne à Poitiers. Les Maisons Bethléem 2002 : l’Aumônier général des Armées, Mgr Le Gall, met à la disposition du diocèse de Toulon-Fréjus l’immeuble des Riaux. Sabine et Bernard Faivre y sont alors délégués à la Pastorale de la Vie, et à ce titre Mgr Rey leur demande de créer une structure d’aide aux futures mères et mères de jeunes enfants en difficulté. Le projet mit un certain temps à se développer, le bail étant notamment difficile à déterminer avec le diocèse aux Armées, et certains logements encore occupés s’avérant difficiles à récupérer à court terme. L’hébergement est passé de cinq appartements fonctionnels en 2003 à sept aujourd’hui, deux dans l’immeuble des Riaux, et deux à l’extérieur pour des mamans plus autonomes. La maison Cécile et Marianne 2001 : ouverture de cette maison pour femmes en détresse, qui accueille entre quatre et cinq femmes enceintes par an. C’est une maison aconfessionnelle, mais l’initiative de départ est conjointe à l’Evêque de Poitiers et à Mr Raymond, ancien président de l’association gérant le foyer, l’association Adifas/ Poitou. Nous nous contentons d’évoquer ici cette maison, car elle ne rentre pas dans l’objet de notre étude. b) Une initiative associative Des maisons créées par des associations anciennes : on peut recenser dans cette catégorie la maison magnificat, les maisons Tom Pouce et la maison mère de miséricorde à Lyon La Maison Magnificat L’association Magnificat/Accueillir la Vie est une association fondée en 1974 par André Mignot, ancien conseiller d’Etat et maire d’Eaubonne. La Maison Magnificat est une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté quel que soit l’état d’avancement de la grossesse qui a ouvert ses portes en 1990 après de nombreuses années de réflexion. Elle est située en bordure d’un village de Touraine, Ligueil. C’est une grande maison ancienne, au cœur d’un écrin de verdure. Elle accueille également les demandes d’accouchement anonyme en vue de l’adoption. La prise en charge des femmes enceintes est de durée variable mais s’arrête généralement aux 4 mois de l’enfants environ et après avoir trouvé une opportunité de réinsertion sociale ou professionnelle pour la maman. La capacité d’accueil de la maison est de 8 femmes maximum. Portée par une association confessionnelle « Magnificat, accueillir la vie », le règlement intérieur ne propose pas communautairement de vie spirituelle dans la maison. Cela lui permet notamment d’accueillir des femmes de religion différente. L’association a fait une demande pour être reconnue « œuvre de bienfaisance » pouvant ainsi bénéficier de dons et de legs. L’association magnificat a défini une pédagogie basée sur le regard humain et non « social ». Il s’agit de porter un regard d’amour sur la mère en détresse (et pas seulement offrir un accompagnement social et matériel) prenant en considération toute la personne et sa dignité, seul moyen de parvenir à un équilibre « social ». 18 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté Les Maisons Tom Pouce 1984 : création de l’association « Les femmes et les enfants d’abord- Secours aux futures mères », par le Professeur Jérôme Lejeune et Geneviève Poullot. 1987 : Marie-Noëlle Couderc, après des études de philosophie et une formation d’assistante sociale, rejoint l’association et participe à la création de la première maison Tom Pouce. Elle s’installe dans cette maison d’un petit village de Seine et Marne, dotée d’un grand parc et donnée vide et toute équipée par un ami de l’association. La maison ouvre ses portes la même année et peut accueillir aujourd’hui douze femmes enceintes. La moyenne d’âge est très jeune : 16 ans. Aujourd’hui « Les maisons Tom Pouce travaillent en lien étroit avec les juges pour mineures, avec les assistantes sociales. Il a fallu une dizaine d’années pour que le processus initié par le professeur Lejeune et par Geneviève Poullot soit véritablement reconnu par les instances publiques. Beaucoup de diplomatie, d’ouverture dans le dialogue ont été nécessaires pour qu’aujourd’hui tout ce monde travaille main dans la main pour offrir une véritable alternative à l’avortement pour les femmes enceintes en difficulté. Les maisons Tom Pouce ont bénéficié de l’action militante des lobbies pro-vie, lobbies que MarieNoëlle Couderc juge utiles à la société pour permettre une prise de conscience de ce fléau qu’est l’avortement. » Marie-Noëlle Couderc Les trois maisons Tom Pouce existant aujourd’hui sont régies par trois associations différentes : La Maison de Tom Pouce/Secours aux futures mères en Seine et Marne, La Maison Sarthoise de Tom Pouce près du Mans et La Maison Tom Pouce du Maine près d’Alençon ;chaque maison est indépendante, le point commun est l’accueil de femmes enceintes dès les premières semaines de grossesse. Pour la Seine et Marne actuellement le séjour ne peut excéder la date de l’accouchement. Pour la Maison sarthoise, l’ accueil concerne les femmes enceintes accompagnées ou non d’enfants de moins de trois ans, venant uniquement du département de la Sarthe. Pour la Maison du Maine, l’accueil est réservée aux femmes enceintes accompagnées ou non d’enfants de moins de trois ans, venant uniquement de la région parisienne. La Maison Mère de Miséricorde à Lyon L’association Mère de Miséricorde a été crée en 1982 1988/1992 : familles d’accueil 1992 : Mr et Mme de Villette, responsables de la région sud-est, reçoivent une proposition de squat, donné par la ville de Lyon durant l’été. Tout s’enchaîne au cours de cette période estivale : avec leurs six enfants, ils emménagent au dernier étage de cet immeuble situé sur trois niveaux, et font appel à toutes les bonnes volontés pour donner un minimum de décence à cet immeuble. L’évêché aide au financement des premiers travaux, avec une enveloppe de 100 000 francs, tandis que la mairie de Lyon débloque 120 000 francs. Les travaux d’aménagement dureront un an, mais des jeunes femmes sont accueillies dès le mois d’août 1992. Anne de Villette, en tant qu’infirmière, a l’agrément pour gérer cette maison. Composition de la maison d’accueil : un étage avec un bureau pour le secrétariat et l’accueil, une pièce transformée en oratoire ; sept studios sur un étage ; la famille de Villette habite au sein de l’immeuble. Sos Future Maman à Nancy Une importante somme d’argent a été donné à cette association qui milite en faveur de la vie. Cela leur a permis de financer l’achat d’un studio d’hébergement avec local, et d’un appartement de type F1 bis indépendant. Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 19 Les embûches de l’administration sanitaire et sociale Quand on écoute tous les témoignages des créateurs et des responsables de maisons d’accueil, on découvre un véritable parcours du combattant mené pour avoir la reconnaissance des hautes autorités en la matière, notamment la DDASS. Tout agrément est en fait suspendu à sa décision. L’expérience de Monique Bourdais de la Maison Magnificat est à ce titre édifiante : Lors de sa création, l’association a fait une demande auprès de la DDASS et au service Protection maternelle et infantile du Conseil général afin de répondre à loi d’expérimentation de 1975 et la loi de 1979 qui demande l’accueil des femmes enceintes en détresse et la possibilité d’adoption (ce qui a été supprimé dans la loi de 2001). La demande de Magnificat contenait plusieurs aspects : une demande d’autorisation d’ouverture, un dossier pédagogique,un projet financier. La demande a été refusée en raison des motifs suivants : pas de besoins sur le Département, « vous êtes des militants du Professeur Lejeune », « vous avez une étiquette catho, vous êtes contre l’IVG »… Face à ce refus, le Président de l’association écrit au Président du Conseil général : pas de réponse. Un nouveau courrier pour annoncer l’ouverture de la maison sans autorisation reste sans réponse. La DDASS et la PMI feront un contrôle de la maison un an et demi après constatant la totale régularité de la maison mais sans délivrer pour autant un agrément quelconque. Les instances sociales continuent leur pression en évitant la publicité pour la maison, et la calomnie. Les équipes médicales lèveront leur méfiance au bout d’un patient travail d’information des professionnelles de Magnificat auprès du personnel médical. Une visite de la commission de sécurité reconnaîtra la qualité du respect des normes (les chambres sont équipées de détecteurs de fumée, il y a une douche pour deux mamans,…). A Toulon, les premières demandes de subvention pour les Maisons Bethléem ont failli être repoussées aux calendes grecques : « un courrier destiné aux donateurs et membres de l’association, manifestant sans esprit polémique l’engagement chrétien de notre association au service de la vie passa début 2004 dans les mains de personnes de la DDASS, et certains fonctionnaires effectuèrent une enquête sur les maisons Bethléem sur Internet, laquelle leur permit de lire un certain nombre d’articles qu’ils jugèrent polémiques (articles que nous avions rédigés du temps où, délégués à la Pastorale de la Vie, nous avions entamé notre réflexion préparatoire à la création de la structure demandée par Monseigneur Rey, et qui étaient parus sur des sites internet en lien avec le diocèse). Une campagne se développa alors au sein des services administratifs toulonnais contre notre association dénoncée comme « provie ». Nos dossiers de subvention furent retardés, le temps de prouver que nous n’étions pas une bande de militants anti-avortement qui voulaient détourner les fonds publics. Nous fûmes heureusement solidement soutenus par la PMI qui s’engagea dès le départ à nos côtés en reconnaissant officiellement l’intérêt de notre démarche. », Bernard Faivre. Une mission qui s’étoffe avec le temps Les maisons d’accueil ne se contentent pas d’héberger et d’aider à la réinsertion. Elles procurent également une aide à des jeunes femmes venant à la permanence pour chercher des vêtements, des conseils pour un logement autonome, ou pour parler de leur détresse avec les salariés et les bénévoles. Ces diversités dans l’aide aux jeunes femmes se mettent en place progressivement, selon les disponibilités et les compétences des salariés et des bénévoles. L’accueil Cette fonction primordiale est généralement dévolue aux bénévoles de l’association qui gère la maison. Certaines maisons bénéficient d’une permanence d’accueil ouverte au public, comme SOS La Vie à 20 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté Nancy, mère de miséricorde à Lyon ou encore les maisons Bethléem à Toulon. Les bénévoles et les salariés de ces maisons ont tous une grande expérience de l’écoute, c’est la première qualité à avoir pour travailler avec des jeunes femmes désorientées. Il ne faut pas condamner, heurter, juger. La fragilité de ces femmes est à fleur de peau, la moindre parole blessante risque de les braquer et de les entraîner vers une décision fatale pour leur enfant. Les formations à l’écoute sont la plupart du temps dispensées par les équipes du CLER. Ainsi, en 2004, les dix bénévoles recrutés par l’association « Les Maisons Bethléem » ont tous suivi le stage écoute 1 du CLER. La permanence téléphonique est également un des piliers de l’organisation de ces maisons :, elle reçoit des appels téléphoniques divers et variés, des renseignements sur l’activité, aux appels de détresse, comme celui de cette jeune fille qui contactait Monique Bourdais un soir, il y a 9 ans, désemparée face à cette grossesse imprévue ; après deux heures de conversation avec la responsable de la maison Magnificat, la jeune fille, en pleurs, annonçait son arrivée à Ligueil pour le lendemain ! Aujourd’hui, elle s’est mariée, sa petite fille a neuf ans, elle est heureuse… A Nancy, une jeune femme, Violette, appelle un matin : elle a déjà pris son RV pour subir une IVG, mais elle a trouvé le n° de l’association trouvé dans les pages d’urgence, et elle appelle. La dame bénévole lui explique avec beaucoup de bienveillance que sa décision doit être personnelle, si elle se sent prête à accueillir son enfant, elle ne doit pas écouter les autres. Dans la foulée, Violette annule son avortement, et vient s’installer dans le studio loué par Sos La Vie. L’aide matérielle Il s’agit essentiellement de matériel de puériculture et de vêtements de bébé, certaines associations se lançant également dans un système de banque alimentaire. Une solidarité se crée, car les personnes n’hésitent pas à rapporter ce dont elles n’ont plus besoin, de manière à en faire profiter d’autres personnes en difficulté. L’aide au relogement, grâce à des partenaires Les années de fonctionnement aidant, des passerelles se mettent en place entre les maisons d’accueil et des partenaires spécialisés dans la réinsertion. Des personnes adressées par d’autres associations bénéficient grâce au réseau de partenaires d’un petit logement en entrée directe c’est-à-dire sans passer par l’hébergement en maison d’accueil. Il s’agit de jeunes femmes enceintes ou avec des enfants en bas âge, qui peuvent ainsi être installées avant la naissance de leur bébé, et ce de manière durable. « Nous avons reçu une maman de deux enfants enceinte du 3ème, qui vit avec son mari handicapé dans un F2 humide. Face à cette situation de précarité et du fait de l’arrivée prochaine du bébé, nous essayons de l’aider auprès des bailleurs que nous connaissons pour trouver une solution de relogement. Une personne enceinte de 6 mois ½ et mère d’un petit garçon est venue rencontrer la coordinatrice dans l’espoir d’un relogement. Cette personne vit chez sa mère dans un trop petit appartement pour une famille qui va s’agrandir. Nous l’avons aidée dans ses démarches auprès de la CAF, mais il s’est alors avéré que cette personne n’était jamais présente aux contrôles effectués par cet organisme. Une petite conversation avec cette dame a permis de clarifier la situation en la mettant face à ses responsabilités. Une assistante sociale vient de nous faire une demande d’accueil pour elle. Nous la recevrons ensemble en entretien pour vraiment cerner sa motivation ».9 9 in « Maisons Bethléem, rapport d’activités 2005 » Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 21 Le fonctionnement des maisons d’accueil Les salariés et les bénévoles Magnificat : une éducatrice spécialisée accompagnée de 4 autres professionnels s’assurent de l’accueil, de l’accompagnement psychologique, matériel, humain des mamans. Une personne s’occupe des tâches ménagères (avec les résidentes) et 2 personnes sont au secrétariat de l’association. L’interface avec les équipes médicales de gynécologie et de maternités est assurée également par l’équipe de Magnificat. Cette équipe prend en charge le suivi administratif des dossiers avec la CAF, la CPAM, … Elle est en lien avec les ANPE et les CIO pour préparer l’après accouchement et la réinsertion des mamans. Enfin, l’équipe essaye de renouer les liens avec la famille de la femme accueillie quand c’est possible. De nombreux bénévoles viennent apporter leur concours. L’hébergement Il est variable, et dépend des statuts et du règlement intérieur de chaque maison. Certaines maisons accueillent uniquement des jeunes femmes majeures, comme la maison Cécile et Marianne de Poitiers. L’ancien responsable, Mr Raymond, expliquait q’un contrat signé avec la DDE, direction départementale de l’équipement, qui avait financé d’importants travaux de remise aux normes de la maison, les empêchait d’ouvrir leur foyer à des jeunes filles majeures. Madame Chapelain, chef de service du centre maternel résidence Brocéliande à Rennes, expliquait qu’il existe pour les jeunes femmes enceintes sans papier des places prioritaires dans les CHRS, Centre d’Hébergement et de réinsertion Sociale, qui fonctionne dans une autre optique que les centres maternels, centré sur l’accueil de la vie, sur le lien mère/enfant. Pour elles, l’aide à procurer à ces jeunes femmes désemparées est déjà très lourde en terme de moyens humains et financiers, elle ne trouve pas judicieux d’y ajouter les tracasseries administratives liées aux statut des sans papiers. Cependant, certaines maisons aujourd’hui ouvrent leurs portes à des jeunes filles sans-papiers, telles les maisons Tom Pouce. Marie-Noëlle Couderc justifie ainsi ce choix : « Nous accueillons toutes les femmes enceintes en difficulté, même des sans papiers. Le petit enfant à naître n’est pas responsable des errements de sa mère, il ne demande qu’à venir au monde. C’est l’être humain le plus faible, le plus fragile, il a donc besoin de toute notre attention, et le personnels des maisons Tom pouce est là pour pallier aux difficultés momentanées de sa maman. Le droit de vivre n’est pas réservé aux enfants dont les mamans mènent une vie décente, responsable, légale, ce droit est un droit inaliénable qu’aucune situation de détresse ne peut abroger. » Exemple d’hébergement des Maisons Bethléem : « Au 1er étage, la maman et sa fille ont été relogés dans un F2 refait à neuf au petit cours Lafayette. Elles sont restées 8 mois ½ car le premier logement proposé avait été refusé par madame pour raison de sécurité (chambre en mezzanine). - Fin janvier, nous avons relogé une jeune femme et son bébé de 8 mois après un court séjour de trois mois. - Une jeune femme enceinte de cinq mois lui a succédée dans l’appartement. - Mi mars une maman qui a commencé une seconde grossesse durant son séjour chez nous, et son petit garçon ont intégré un F2 rénové à St Jean du Var après 6 mois de séjour. - Fin mars une jeune femme et son fils ont trouvé un appartement à La Seyne, où ils se sont installés après 6 mois de séjour. - Une jeune femme et sa fille sont arrivées de Toulouse en urgence et ont intégré le logement. Malheureusement cette personne n’est pas restée et est partie sans payer son loyer. 22 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté - Une autre maman et son bébé ont pris la suite juste après ; elles étaient dans un logement insalubre et le bail arrivait à expiration. - Au 1er mars, la personne du 5ème qui a pu exercer chez nous son droit de visite auprès de ses deux filles est partie s’installer dans un petit duplex du centre ville après 7 mois1/2 de présence. Elle a vécu un parcours difficile du fait de son état physique et psychologique. - Une autre maman et ses deux enfants ont pris la suite dans l’appartement, et ce de manière progressive car les enfants bénéficiaient d’une mesure de placement décidée par le juge pour enfant. La levée de cette mesure vient d’avoir lieu. » Les listes d’attente Chaque maison doit gérer les situations d’urgence, lorsque la maison est pleine et qu’il faut trouver des solutions d’hébergement en attendant l’entrée dans la maison. Mais aucune jeune femme enceinte ou jeune mère de famille n’est laissée à la rue, les équipes se démènent pour trouver un hébergement temporaire. Ainsi à la maison Tom Pouce de Seine et Marne : « nous répondons aux demandes en fonction des places disponibles et autant que faire se peut une solution relais le temps qu’une place se libère. S’il n’y a aucune solution dans un avenir proche nous proposons le financement d’une chambre d’hôtel avec un petit déjeuner afin que la maman ne soit pas à la rue sans rien; nous proposons aussi l’envoi d’un trousseau complet pour le bébé afin d’aider et soutenir la maman mais également le travailleur social qui se trouve lui aussi en difficulté de ne pouvoir répondre de façon satisfaisante à une demande qui lui est formulée. Nous prenons toutes les demandes et nous répondons prioritairement aux demandes de femmes en début de grossesse. » Enfin, toutes les situations de détresse ne conviennent pas à un hébergement en maison d’accueil. Ainsi, certaines de ces demandes n’aboutissent pas car les personnes ont soit: - trouvé une autre solution, - pas acquis une autonomie suffisante, - ne correspondent pas à l’accueil (famille trop grande, enfant trop âgé…), - ne sont pas encore déterminées dans leur choix. La réinsertion des jeunes femmes Quand les jeunes femmes intègrent la maison d’accueil, elles sont prises en charge par une équipe de professionnelles, qui leur apprennent à gérer un budget, et à préparer leur départ. Ainsi, à la Maison Tom pouce, dix jours après l’arrivée d’une jeune femme, on choisit parmi les éducatrices celle qui sera sa référente, c’est-à-dire son interlocutrice privilégiée dans la maison. Apprendre la gestion d’un budget Selon l’importance des subventions publiques, et la nature du logement, la jeune femme devra ou non gérer un budget location. Dans les appartements des maisons Bethléem ainsi qu’à Nancy et à Lyon, les jeunes femmes perçoivent une allocation logement, qui est versée directement sur le compte de l’association en tant que propriétaire ou locataire des appartements. Les jeunes femmes sous-louent leur studio. Dans les maisons Tom Pouce, les frais relatifs au logement sont pris en charge par le conseil général, Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 23 les jeunes femmes n’ont pas à débourser d’argent, le logement est pris en charge en totalité par les subventions publiques. Chacune perçoit l’allocation de parent isolé ou la prestation d’accueil du jeune enfant, une conseillère en économie sociale et familiale occupe généralement un rôle prépondérant dans ses maisons. Ainsi, à Toulon, Odile Jolivet, coordinatrice des maisons Bethléem, accompagne les jeunes femmes en ville, où elle leur apprend à modérer leurs dépenses, qui pourraient être effrénées si elle ne les retenait pas. L’allocation logement est versée par la CAF directement sur le compte de l’association, mais il subsiste un différentiel de 72,54 euros pour un loyer de 300 euros par mois pour une jeune maman avec un enfant. La consommation d’eau et d’électricité y est calculée tous les deux mois, elles peuvent ainsi suivre régulièrement leur propre consommation et maîtriser leurs dépenses. Occuper ses journées à la maison Les journées sont bien remplies dans les maisons d’accueil : démarches diverses auprès des services administratifs, sécurité sociale, CAF ; visites auprès des médecins, cabinets d’échographie, laboratoires, pour tous les soins nécessaires au bon déroulement de la grossesse ; entretien de sa chambre ; préparation de la venue du bébé, sorties, travaux manuels, cuisine, entretien des locaux, courses… Mais les jeunes femmes préparent aussi l’après-maison, car les conditions sont strictes, leur séjour ne doit pas excéder quelques mois, d’autres jeunes femmes attendent… A la maison Tom Pouce de Seine et Marne et à Magnificat, la durée d’hébergement est non négociable : elle prend fin le jour de l’accouchement, car rien n’est prévu pour accueillir des bébés ; c’est le choix de ces maisons de privilégier les jeunes femmes en début de grossesse, d’autres maisons n’ont pas cette date butoir. Extrait du rapport d’activités des maisons Bethléem pour l’année 2005, qui résume l’état d’esprit qui préside à la réinsertion des jeunes femmes enceintes ou jeunes mères de famille dans les maisons d’accueil : « Face à une crise avérée du logement et à la fragilité de certaines situations, l’accueil au sein de notre hébergement a permis aux jeunes mamans, à présent installées à l’extérieur, de se réapproprier la gestion de leur quotidien, de reprendre confiance en elles et de se fixer de nouveaux repères. Nous organisons avec elles leur relogement c’est-à-dire les recherches, les visites d’appartements, la constitution des dossiers HLM, AIVS (Agence Immobilière à Vocation Sociale), assurance… Les dossiers FSL (Fond Solidarité Logement) sont préparés à leur entrée par le travailleur social à l’origine de la demande. Si ce n’est pas le cas, nous orientons les personnes vers le RCVM (Relais Culturel Var Méditerranée) ou CHV (Collectif Hébergement Varois) qui sont des organismes accompagnant l’accès et l’insertion dans le logement. Ils assurent un suivi régulier durant une période déterminée. Pour les solliciter il est nécessaire de rédiger un rapport social de situation et de l’envoyer à l’inspectrice du conseil général qui doit valider la demande. Nous assurons une écoute permanente, nous sommes attentifs à leurs demandes et essayons d’y répondre du mieux possible. Elles recommencent à dialoguer avec nous et avec l’entourage dans lequel elles évoluent. Elles s’épanouissent en reprenant confiance en elles, en assurant l’éducation de leur tout petit et en se projetant dans un avenir plus serein. » Les organismes de réinsertion partenaires Maisons Bethléem : « Au 1er janvier 2006, nous avions 11 personnes dans l’immeuble et 3 au Mourillon. Nous avons rencontré un nouveau partenaire que nous connaissions déjà, ALINEA (Association pour 24 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté le Logement Individuel et Autonome). Grâce à cet organisme, nous avons pu recevoir des femmes enceintes et nos hébergées ont pu solliciter leur service de déménagement au départ de l’association pour un prix très intéressant. ». La relation mère/enfant, la place du père Cette dimension est fondamentale. Les jeunes femmes qui ont pris la décision de garder leur enfant, envers et contre tout, savent que c’est un être vivant, un être humain. Elles prennent conscience du rôle qu’elles ont vis-à-vis de ce bébé, soit comme futures mères qui doivent se préparer à imaginer pour lui un avenir, soit comme futures accouchées qui doivent conduire cette grossesse à son terme en vue d’une adoption. Elles sentent qu’elles doivent se préparer à s’engager. A Tom Pouce, le bébé est roi. Tout est centré sur lui. « Toutes ces mamans qui parlent de leur bébé, ça finit par faire aimer le sien », confie Amina, une jeune algérienne de 27 ans. Souvent, quand une maman arrive, même à six mois de grossesse, on ne voit pas qu’elle est enceinte. « C’est presque une constante, remarque Marie-Noëlle. Les bébés arrivent ici atrophiques : ils se cachent, on dirait qu’ils essaient de se faire oublier tellement leur venue au monde cause de tracas à leur mère. Au bout de trois semaines au calme, dans l’amour et dans la paix, tout à coup on voit le ventre qui commence à pointer. Le bébé se sent en sécurité et il prend sa place. » Les animatrices apprennent aux futures mères à parler à leur bébé, à prendre soin d’elles, pour le bien-être de leur enfant. Une grande activité : le trousseau. Cela change les idées, constate Pélagie, une ivoirienne de 18 ans, et puis ça apprend à penser au bébé. « Avec elles nous discutons de l’éducation de l’enfant, des soins à lui donner, des choses dont on ne nous a jamais parlé » raconte Claire, une jeune Française de 17 ans. Le moment de l’accouchement est extrêmement valorisé également. Extrait d’un article paru dans Famille chrétienne, n°817, écrit par Florence Brière-Loth « Le père n’a pas de place particulière à tenir au sein des maisons, car elles accueillent la jeune femme seule, mais bien plus dans la vie des mamans; il a la place qu’il veut bien prendre ou qu’il est capable de prendre tout dépend de la situation du couple; des relations que la maman entretient avec lui ; il y a beaucoup de cas de figure et chaque situation est unique, dans la façon de la vivre ou de l’aborder. »Marie-Noëlle Couderc « Elles ont toutes maintenu des liens familiaux et/ou amicaux qui leur apportent le soutien et la garantie d’une socialisation réussie durant leur séjour et dans leur installation future . Les liens avec les papas sont maintenus même si l’on ne peut pas établir la fréquence des rencontres, et ils portent pour la majorité le nom de leur père », Maisons Bethléem Les écueils rencontrés Un financement aléatoire Le budget des maisons d’accueil est très difficile à équilibrer, mais par souci de confidentialité nous ne pouvons en produire ici in extenso.. Le financement privé Initiative privée, la maison Magnificat ne vit que de dons, des cotisations versées à l’association, des fruits de la quête annuelle « Pour la mère et l’enfant », le jour de la fête des mères. Sos La Vie a renoncé à quémander l’argent public, évoquant des situations humiliantes lors du dépôt des demandes de subventions … Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 25 Pour survivre et pallier à l’insuffisance des aides publiques, les Maisons Bethléem recherchent les dons ; 6000 euros leur ont déjà été versés par la fondation Emmaüs fin 2005, à titre non renouvelable. Le financement public Les Maisons Tom Pouce : le financement public, à savoir les prises en charge par le conseil général du département de la résidence, couvre uniquement les frais de fonctionnement de l’établissement et parfois le montant des investissements faits par l’association. Ces questions sont discutées avec les services de contrôle des établissements des lieux d’implantation. Les rapports sont bons car étant de nature peu exigeants financièrement et nos maisons répondent à un réel besoin de nos départements d’implantation. Les maisons Bethléem : elles dépendent elles aussi du financement public pour payer la partie du loyer qui n’est pas prise en charge par la CAF, et pour payer la coordinatrice Odile Jolivet, salariée à plein temps. Cependant les subventions, renouvelables d’une année sur l’autre, arrivent à l’association réduites comme peau de chagrin, en novembre… Or les subventions étant reconduites sur les bases financières de l’année d’avant, cette association reçoit en tout et pour tout deux mois de subventions. Le conseil d’administration des maisons Bethléem, présidé aujourd’hui par l’Amiral Ducléon, envisage le pire, et l’Amiral nous a demandé de prier pour eux ! La maison Mère de Miséricorde a bénéficié durant dix ans d’une aide de la ville de Lyon, de 1994 à 2004 ; cette année-là, une ancienne pensionnaire a porté plainte contre l’association, manipulée par son nouveau compagnon et le journal Libération, pour des faits inventés de toute pièce. La mairie nouvellement socialiste et mise en cause, a préféré étouffé l’affaire en confiant la gestion de l’immeuble à Habitat et Humanisme, en accord avec l’Evêché. Les responsables de la maison d’accueil ont déménagé, et l’hébergement aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté ! Un déficit de communication Les maisons d’accueil souffrent aujourd’hui d’un grave problème de communication. C’est bien souvent le bouche à oreille qui oriente les jeunes femmes vers les maisons, surtout dans les premières années de leur création. Ainsi, selon Antoine Chéreau, maire de Montaigu, la maison d’Ariane en Vendée, qui a fermé ses portes en septembre 2005, n’était pas connue hors du département, et les logements disponibles n’étaient pas toujours occupés, car des jeunes filles enceintes en détresse d’autres départements ne connaissaient pas cette maison. En fait, surenchérit Yannick Moreau, directeur de cabinet de Philippe de Villiers, « ces maisons n’existent pas au regard de l’administration, qui ne veut pas en parler ; tout est fait pour cacher l’information, pour nier l’existence de ces maisons qui offrent une alternative à l’avortement. » Quelles sont les possibilités offertes aux associations pour se faire connaître malgré tout? Quelques témoignages : Mr Faivre, des maisons Bethléem : « Une grande diffusion de plaquettes et d’affiches s’est faite auprès des personnes susceptibles de nous orienter des situations (médecins, CAF, permanences sociales, associations…). En début d’année, Var Matin et France 3, intéressés par notre projet sont venus nous interviewer ; des mamans ont volontairement apporté leur témoignage » La Maison Magnificat distribue quant à elle des brochures dans les paroisses, quelquefois dans des centres de planification, et se repose sur un réseau d’associations amies. Le message est également difficile à transmettre, et la maison n’est pas toujours pleine. Les jeunes femmes enceintes sont orientées par des assistantes sociales, des paroisses, des structures 26 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté hospitalières, le bouche à oreille. Un recrutement difficile Un constat récurrent dans le témoignage des responsables de maisons d’accueil : il est très difficile aujourd’hui de trouver des personnes qualifiées sur le papier désireuses de s’investir dans de telles structures. La raison paraît assez simple : les emplois n’y sont pas garantis, d’une année sur l’autre la maison peut déposer le bilan, si le financement public s’arrête ; par ailleurs, il s’agit d’un travail lourd, avec des horaires de nuit, puisque les jeunes femmes enceintes ont besoin d’être épaulées également la nuit, et usant physiquement et moralement. Témoignage de Marie-Noëlle Couderc : « Je souffre d’un manque de personnel qualifié, et je me demande pourquoi ? les jeunes catholiques, que je rencontre lors de marches pour la vie ou pour la famille, ne s’investissent pas dans les structures comme les nôtres, qui sont étiquetés pro-vie ; le personnel est donc très difficile à recruter. Les jeunes catholiques qui font des études d’assistantes sociales ou d’éducateurs spécialisés refusent après de s’engager dans la voie de la défense de la vie : cela fait peur, est trop marqué. Des conseils généraux avec lesquels je suis en contact se sont montrés intéressés par notre démarche, le concept des maisons Tom Pouce rentre dans leurs objectifs pour leur département, ils m’ont proposé d’en ouvrir sur leurs départements, mais je ne peux pas. A la date d’aujourd’hui, je ne sais pas où recruter un personnel qualifié formé à l’accueil de la vie…» Les agressions physiques à l’égard des bénévoles et des salariés Quand vous regroupez dans une maison une dizaine de jeunes filles meurtries par la vie, révoltées, avec un bébé qui leur tombe dessus sans crier gare, il ne faut pas s’attendre à un calme de tous les instants ! Les violences physiques à l’égard du personnel ne sont pas rares, comme le rappelle Anne de Villette, de Mère de Miséricorde. Les bénévoles et les salariés doivent faire face aux crises des jeunes pensionnaires, certaines peuvent être également en manque de drogue. Lors de notre premier contact avec Marie-Noëlle Couderc, de Tom Pouce, une jeune fille de la maison avait cassé la veille au soir un four à micro-ondes en le jetant violemment par terre ! Un hébergement élargi, des pressions des mouvements pro-IVG Elargissement du projet d’origine Le versement des subventions publiques à certaines maisons d’accueil entraîne des contreparties : les maisons peuvent difficilement refuser la venue de jeunes femmes envoyées par les services sociaux, et le projet initial, qui est d’accueillir des jeunes femmes en début de grossesse pour leur procurer une alternative à l’avortement, n’est plus toujours d’actualité. Le fonctionnement finit par s’apparenter à celui d’un centre maternel, mais avec une dimension spirituelle supplémentaire. Cependant, ces maisons continuent malgré tout à accueillir des jeunes femmes enceintes en détresse, ou des jeunes mères de famille avec des enfants en bas âge, et leur permettent de se construire une vie avec leurs petits. Les pressions contre des mouvements étiquetés catholiques et pro-vie. Une réelle méfiance règne à l’égard de ce type d’initiative, car l’accueil de la jeune femme enceinte en difficulté dès les premiers mois de grossesse, c’est-à-dire avant la fin des délais légaux d’IVG, s’apparente à une tentative d’entrave à l’avortement pour tous les mouvements féministes, qui sont encore très actifs dans notre pays, et pour les assistantes sociales qui sont en grande majorité socialistes. Chaque création de maison d’accueil se fait donc systématiquement dans un climat très lourd. A sa création, la maison d’Ariane, à La Roche-Sur-Yon en Vendée (85), a souffert de ces attaques répétées, dès le lancement du projet. Une cabale fut menée contre cette maison d’autant que l’association créatrice de la maison et gérant cet établissement avait reçu dès le départ l’aval du conseil général de Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 27 Vendée. Or cet appui financier d’un conseil général résolument attaché au respect de la vie avait de quoi alimenter la cabale. Les plus grandes difficultés ont été rencontrées également par les maisons d’accueil de type confessionnel étiquetées pro-vie par les partenaires sociaux, les centres de planification, les mouvements en faveur de l’avortement. Puisque ces maisons portaient un nom à consonance catholique, elles ont été fragilisées dès le début, telles Mère de miséricorde à Lyon et les maisons Bethléem à Toulon. 28 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté CHAPITRE III Les principales étapes du montage d’une maison d’accueil Les ingrédients de la réussite La solidité d’une équipe Bien plus que les difficultés administratives et financières, pourtant réelles et nombreuses, la première condition à remplir pour réaliser ce type de projet est la constitution d’une équipe solide et déterminée. L’environnement est hostile, l’administration complexe, le domaine extrêmement sensible et l’investissement humain (on le voit pour toutes les maisons) extrêmement important. De nombreux projets n’ont pu voir le jour non à cause de problèmes d’argent, mais de solidité et de persévérance de l’équipe. Ainsi, Mr Peuchot, responsable local de l’association « les enfants d’abord/secours aux futures mères », a reçu en don il y a dix ans une grande maison bourgeoise dans Carpentras. Durant toutes ces années, il s’est battu avec l’administration pour ouvrir une maison d’accueil pour les femmes enceintes en détresse, sans succès. Aujourd’hui, il doit revendre la maison, et envisage d’acheter des appartements pour un fonctionnement du type Maisons Bethléem… Rechercher des appuis politiques solides La création de maison d’accueil relève notamment de la compétence des collectivités locales, dirigées par des hommes politiques. Les difficultés administratives s’aplanissent d’autant plus facilement qu’un homme politique appuie le dossier. Les conseillers généraux en charge des affaires sociales semblent être la cible incontournable à courtiser pour obtenir des résultats probants. La bonne connaissance des personnels administratifs, même s’ils sont ordinairement hostiles, peut permettre de changer le cours d’un agrément. Une fois par an, les conseils généraux doivent faire leur bilan annuel sur le volet « protection de la mère et de l’enfant ». C’est lors de ce bilan qu’il convient de saisir un élu de confiance qui saura trouver les mots justes pour appuyer la démarche. Bénéficier de l’appui de l’Eglise La maison d’accueil a pour vocation d’aider les jeunes femmes à garder leur enfant, à accueillir la vie. Le pape Jean-Paul II, dans son encyclique Centesimus Annus, rappelait ainsi ce droit fondamental : « le droit de fonder une famille, d’accueillir et d’élever des enfants » Dans son Encyclique Evangelium Vitae, Jean-Paul II dit : « on doit mettre en œuvre des formes raisonnables et efficaces d’accompagnement de la vie naissante, en étant spécialement proches des mères qui, même sans le soutien du père, ne craignent pas de mettre au monde leur enfant et de l’élever. » p.153 « Les centres d’aide à la vie et les maisons ou centres d’accueil de la vie se mettent aussi au service de Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 29 la vie naissante. Par leur action, de nombreuses mères célibataires et de nombreux couples en difficulté retrouvent des raisons de vivre et des convictions en obtenant aide et soutien pour surmonter leurs difficultés et leurs craintes devant l’accueil d’une vie à naître ou à peine venue au monde » p.154 Fort de l’appui du pape Jean-Paul II, nous conseillons vivement de rencontrer l’évêque, et les responsables diocésains délégués à la Pastorale de la vie, si tant est que l’initiative de la création d’une maison ne vient pas de votre évêque, comme ce fut le cas à Poitiers pour la maison « Cécile et Marianne » et à Toulon pour les « Maisons Bethléem ». Même si dans vos statuts votre association est aconfessionnelle, l’appui de l’Eglise locale nous semble indispensable. Sur le terrain aujourd’hui, l’Eglise œuvre beaucoup pour le service des pauvres, des malades, des vieillards, pour les œuvres sociales… Cependant, sa mission d’aide à l’accueil de la vie n’est pas toujours bien relayée sur le terrain, cette mission s’avérant délicate car sujette aux controverses. Rappelons-nous l’incompréhension et la polémique qui avaient entouré la diffusion de l’Encyclique « Evangelium Vitae », lettre du 25 mars 1995 ; Ce pape infatigable, admiré par beaucoup de non croyants pour son combat contre le communisme, avait osé rappeler « la valeur et l’inviolabilité de la vie humaine ». Vous serez bien sur en butte avec tous ceux qui revendiquent les libertés chèrement acquises par les femmes depuis plus de trente ans, qui revendiquent le droit à l’avortement et verront votre belle œuvre comme une entrave à leurs libertés. Il faut bien entendu faire preuve de beaucoup de patience avec ces gens qui vous traiteront d’intolérants, sans savoir ce que signifie ce mot puisqu’ils le sont eux-mêmes, sans se l’avouer ! Faire preuve de capacité de dialogue Si nous avons souvent indiqué la réticence voire l’agressivité de certains services administratifs, il faut noter que de nombreux témoignages rapportent que des professionnels des services ont pu encourager ces initiatives et même les soutenir. Souvent, c’est une explication claire de la mission qui balaye les étiquettes et montre le réel travail de secours qui est mené dans ces maisons. La capacité de convaincre, d’expliquer patiemment, de nouer des contacts cordiaux avec les services sociaux, d’écouter et de dialoguer se révèle être un atout indispensable pour qui évitera bien des ennuis inutiles. On peut à ce sujet rapporter dans ces lignes le témoignage de Monique Bourdais de Magnificat, dont la réputation était désastreuse à la maternité où les filles de la maison accouchent habituellement. Elle suscitait la méfiance en emmenant toutes ces femmes si jeunes pour des accouchements (parfois sous X). Grâce au soutien sans faille du gynécologue acquis à la cause, une réunion a réuni tout le personnel médical pour une séance d’information autour de Monique Bourdais. Depuis cette explication de texte, les « filles » sont accueillies avec chaleur et tout spécialement soignées… Un long discours vaut toujours mieux que de vaines querelles dont la mauvaise tournure peut être fatale au projet. S’inspirer de ce qui se fait ailleurs A notre connaissance, il n’existe pas de « fédération » des différentes initiatives. Ni rendez-vous annuel, ni « guide pratique de la création d’une maison d’accueil » ne sont à la disposition des associations désireuses de se lancer dans l’aventure. Le présent travail ambitionne d’initier ce mouvement en centralisant un certain nombre d’informations sur ces maisons. Mais la connaissance des expériences des autres se révèle indispensable pour un projet dont l’équilibre est souvent menacé. La moindre erreur peut entraîner la fermeture de la maison. La mise sur pied d’assises nationales des maisons d’accueil serait certainement un moment riche d’échange d’expérience. 30 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté Une maîtrise parfaite des rouages administratifs et des textes législatifs Les questions sociales en France sont accompagnées de dispositifs administratifs aussi complexes que lourds. Il est capital que dans les porteurs du projet se trouve un professionnel du secteur social. Les administrations auxquelles il faut faire appel sont - Pour l’agrément : les Directions départementales des affaires sanitaires et sociales (Etat), les services de protection maternelle et infantile (Conseil général) qui sont compétents à la fois sur les questions de difficultés sociales, et des questions liées à la famille, en particulier la mère et l’enfant. Les maisons d’accueil doivent faire face à des contraintes toujours plus lourdes comme la mise en application de la loi du 2 janvier 2002, reproduite en annexe, qui nécessitera par exemple d’établir pour chaque femme accueillie un dossier et un contrat d’accueil. Ce n’est pas sans conséquence sur l’accueil d’urgence. Les maisons qui choisissent l’indépendance et donc ne peuvent de ce fait bénéficier de fonds publics ne sont pas exonérées pour autant de devoir respecter un certain nombre de règles liées notamment à la sécurité et à la prise en charge de femmes en difficultés. - Pour les résidentes Les caisses d’allocations familiales : allocations parents isolés, allocations logement, … Les conseils généraux : nouveaux dispensateurs du RMI, gèrent à la fois l’allocation et les dispositifs d’insertion. Le service étranger des préfectures en cas de problèmes de papiers. Une parfaite connaissance de ces partenaires est indispensable. Ces organismes apportent des ressources financières aux femmes enceintes en détresse et offrent des perspectives de réinsertion sociale, essentielles pour que la maman puisse repartir après l’accouchement. Trouver un lieu et des bâtiments adaptés Cette recherche n’a pas été nécessaire pour toutes les créations de maisons d’accueil, car certaines maisons ou immeubles ont été loués voire donnés au début de l’aventure, ou bien des locaux ont pu être achetés grâce à des dons importants. La recherche d’un lieu adapté à cette activité est en fait secondaire par rapport à la solidité du projet pédagogique et à la détermination des porteurs de projet. Toutefois, il représente un investissement, d’autant que les mises aux normes de sécurité sont extrêmement coûteuses et que les commissions de sécurité ne plaisantent pas sur le sujet ! Détections d’incendie, sorties de secours, sanitaires adaptés, cuisines collectives,… tout cela est très coûteux. La création et le lancement Création d’une association Le préalable à la création d’une maison et au recrutement d’une équipe de professionnels est la création d’une association en déposant des statuts à la préfecture. Un exemple de statuts est joint en annexe de ce document. Si cela peut paraître anodin, les statuts de l’association n’en sont pas moins l’occasion d’affirmer clairement le projet avec des règles bien définies. Les maisons d’accueil se distinguent des autres centres d’hébergement notamment par l’originalité de leur approche humaine plus que par l’application de « schémas sociaux ! ». A noter ce détail qu’il est plus commode que le siège social de l’association soit domicilié au lieu même de la maison d’accueil, ce qui n’est pas toujours le cas. Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 31 La formalisation de son projet Il convient ensuite de définir clairement un projet pédagogique qui définit clairement la nature de l’accompagnement des femmes accueillies. Les femmes enceintes en situation de détresse sont certes souvent confrontées à des difficultés matérielles mais le constat a été maintes fois établi que c’est d’un réconfort psychologique, moral et humain dont elles ont besoin. Seul un projet pédagogique bien ficelé attestera de la prise en compte de cette dimension dans le projet. Il doit mettre noir sur blanc, au-delà de l’organisation matérielle et des activités de la maison, la « philosophie de l’accueil » qui sera réservé aux jeunes mamans. Accueillir une femme enceinte en difficulté ne s’improvise pas. Il faut prendre en compte sa détresse, sans la juger, et la préparer à devenir maman en créant un climat de confiance et d’amitié pour redonner confiance en la vie et préparer une jeune fille à devenir mère alors qu’elle ne s’y était pas préparée. La création d’un règlement intérieur est aussi obligatoire. Il est par ailleurs gage du respect d’un certain nombre de règles morales, de discipline ou simplement de vie en communauté que ces femmes en difficulté sociale n’ont pas toujours assimilées à leur arrivée. Démarches auprès du C.R.O.S.S10 puis de la D.D.A.S.S pour la reconnaissance de la maison Toute création d’une maison d’accueil à caractère social doit faire l’objet d’un examen du CROSS (Comité Régional de l’Organisation Sanitaire et Sociale). Le CROSS n’a qu’un avis consultatif, mais ses avis sont très généralement suivis par les administrations chargées de délivrer l’agrément et éventuellement des subventions. Si cette étape n’est pas franchie avec succès, l’aventure se termine-là, du moins pour l’agrément. Qui accueille-t-on ? Il existe deux types de foyer, pour les femmes majeures et pour les jeunes mineures. Les conditions à remplir pour ouvrir un foyer aux jeunes filles de moins de 18 ans sont extrêmement draconiennes, et nous déconseillons dans un premier temps d’envisager un tel accueil. Cependant, et encore dans un souci de prendre son temps et de faire les choses progressivement, sans rentrer dans des considérations sur l’immigration et les droits des étrangers, il vaut mieux se contenter d’accueillir des jeunes femmes de nationalité Française ou bénéficiant de permis de séjour régulier. Plus tard, quand votre maison aura fait ses preuves, aura été reconnue par les différents organismes déjà mentionnés, vous pourrez élargir votre accueil, si vos statuts le permettent. Recrutement du personnel, formé à l’accueil de la vie Au dire de tous nos interlocuteurs, c’est une mission impossible ! surtout ne pas se décourager… Des instituts se créent aujourd’hui ou tentent de se créer, pour former aux métiers d’assistante sociale, d’éducateur spécialisé… avec une approche résolument ouverte sur la défense de la vie de sa conception à sa mort naturelle. 10 Le Comité Régional de l’Organisation Sanitaire et Sociale (CROSS), institué par la loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, est chargé d’émettre un avis motivé au Préfet de région et au Directeur de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation qui le consultent obligatoirement sur, notamment : • • • les demandes d’autorisation de création, d’extension, de conversion ou de regroupement d’établissements de santé et médico-sociaux, ainsi que sur les demandes de renouvellement d’autorisation, les décisions de suspension ou de retrait d’autorisation de fonctionnement, les projets de carte sanitaire et de Schéma Régional d’Organisation Sanitaire (SROS). 32 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté Ainsi, en Vendée, le conseil général a favorisé la création d’un institut de formation pour les assistantes sociales, qui formeront à la responsabilisation leurs interlocutrices, et non à l’assistanat comme c’est encore trop souvent le cas aujourd’hui. Il est ouvert depuis deux ans. Par ailleurs, des structures comme l’IPLH, pour ne pas la nommer, a pour but d’offrir une alternative pour ce type de formation, basée sur une juste conception de la personne. Embaucher une responsable. Employer un homme comme responsable de maison d’accueil, est un risque à ne pas courir ; soit cela peut véritablement dégénérer comme ce fut le cas pour la maison d’Ariane, soit les mouvements mal intentionnés à votre égard s’empresseront de monter une cabale, parlant de harcèlement moral ou sexuel, comme ce fut le cas pour mère de miséricorde. C’est la directrice qui fait tourner la maison, elle doit bien sur être employée à plein temps, voire faire du bénévolat. Pour certains, comme Anne de Villette de Mère de Miséricorde, la responsable de la maison doit résider sur place, car les jeunes femmes en détresse ont besoin d’une écoute solide jour et nuit. Cependant, une telle présence peut nuire à sa vie familiale personnelle, et il parait nécessaire qu’elle puisse se détacher au moins quelques heures par jour de son travail. Trouver quelqu’un qui fait office de directeur de la communication Sson rôle s’avère primordial. Le bouche à oreille n’est bien sur pas suffisant, il faut notamment éditer des supports, et les proposer à la CAF, la PMI notamment, créer un site Internet, être présent au cœur des lieux où les détresses des femmes sont vécues. La pérennité d’un tel projet L’argent, le nerf de la guerre La contrainte financière est de taille. Sans aide publique, c’est un challenge périlleux mais qui fonctionne (cf. magnificat). Le reversement d’une partie des allocations des résidentes est presque symbolique par rapport aux coûts réels des hébergements et des frais. Les charges sociales des salaires, y compris pour du travail de nuit et le dimanche. Il faut alors compter sur la générosité des donateurs. Les conseils généraux peuvent donner des subventions. Une fois que le projet a fait ses preuves, il est plus facile de demander de l’aide financière, tout en gardant sa propre pédagogie et son règlement intérieur. Une communication indispensable C’est un point capital pour l’efficacité des maisons d’accueil. La publicité de ce type de structure, a fortiori si elles sont privées ou confessionnelles, est quasiment interdite. Les lieux comme les centres de planification ou les hôpitaux bannissent tout support qui pourrait mettre en valeur ces structures. On se souvient de la reculade fort peu courageuse de Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la santé, visant à supprimer des annuaires du ministère les coordonnées des maisons d’accueil « anti-IVG ». Savoir s’entourer d’un réseau Des conseils techniques au soutien financier en passant par l’aide bénévole : la maison ne peut fonctionner sans un tissu bien solide d’appuis et de soutien, anonymes ou politiques. A la date d’aujourd’hui, nous avons d’ores et déjà obtenu le partenariat de la CNAFC, en la personne de Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 33 Jean-Marie Andres, vice-président en charge du département civilisation de l’Amour, qui gère la quête pour la mère et l’enfant le jour de la fête des mères. Cécile Edel-Raoult, notre marraine de groupe, présidente de l’association Choisir La Vie, est également partante pour développer une dynamique aidant à la création de maisons d’accueil sur tout le territoire. Nous cherchons d’autres appuis. 34 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté Conclusion Le constat est sans ambiguïté : la loi relative à l’avortement n’est pas appliquée. La femme enceinte en situation de détresse ne bénéficie pas d’un accompagnement adapté pour faire face à sa détresse. Elle ne bénéficie pas d’information objective sur les possibilités qui lui sont offertes pour faire face à sa détresse. Elle ne dispose donc pas du minimum pour faire un choix libre sur l’issue à donner à sa grossesse. Des structures publiques existent, mais n’assurent une prise en charge qu’après le délai légal autorisant l’IVG soit passé. Ils n’offrent pas non plus l’accueil humain dont ont besoin les jeunes mères. D’autres maisons en revanche se sont frayées difficilement un chemin faisant face aux difficultés administratives, et financières. Chaque Directeur de maison s’accorde à dire que c’est une aventure qui exige un engagement total. Mais ces efforts portent des fruits inestimables : chaque femme accueillie, c’est un risque d’avortement écarté. Ce sont donc autant de dizaines d’enfants qui auront leur mot à dire. Les acteurs de ces projets peuvent dire avec fierté : « C’est peut-être Mozart qu’on a sauvé ! » Propositions : Face à ces différents constats, on peut dire que pour favoriser l’émergence de nouvelles maison d’accueil il pourrait être profitable de : • Favoriser la création de formations adaptées pour travailleur social • Renforcer puissamment la communication sur l’existence de ce type de structure • Réaliser un « Guide pratique » de la création d’une maison d’accueil sur la base d’un travail comme le présent mémoire • Renforcer le lobbying politique pour inciter les conseils généraux à soutenir ce type de projet • Organiser une assemblée générale des maisons d’accueil des femmes enceintes en détresse pour mutualiser les expériences Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 35 Annexes Annuaire des maisons d’accueil pour femmes enceintes en difficulté La maison Magnificat Gérée par l’association Magnificat/ Accueillir la Vie, présidée par Philippe Anthonioz ; responsable de la maison : Monique Bourdais 11 avenue des Martyrs 37240 Ligueil. Tel : 02/47/59/69/22 ; E-mail : [email protected] Les maisons Tom pouce - en Seine et Marne, maison gérée par l’association « La Maison de Tom Pouce/Secours aux futures mères» 91 allée Henri matisse 77190 Damarie-Les-Lys 01/64/06/66/22 Site : www.lamaisondetompouce.fr ; E-mail : contact@lamaisondetompouce - au Mans, maison gérée par l’association « La Maison sarthoise de Tom Pouce » ; contact : 02/43/82/64/37 dans le Maine et Loire, près d’Alençon, maison gérée par l’association « la Maison Tom Pouce du Maine » ; contact : 02/33/32/83/80 Les Maisons Bethléem à Toulon Président de l’association : Amiral Guilhem-Ducléon Permanence d’accueil et d’écoute 26 rue des Riaux, responsable Odile Jolivet www.diocèse-frejus-toulon.com Les appartements de Sos Future Maman à Nancy Tél : 03/83/56/22/22 La maison Cécile et Marianne à Poitiers Projet sur le site : 36 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté Proposition des Associations Familiales Catholiques Contenues dans un dossier de l’an 2000 intitulé « Avortement/Contraception » • Incitation du Gouvernement auprès des collectivités territoriales pour la mise en place de commissions d’aide à la maternité • Création d’une ligne budgétaire dans le budget du Ministère des Affaires Sociales pour permettre l’octroi de financements aux organismes et associations qui oeuvrent pour apporter un soutien matériel et moral aux futures mères en difficulté • Assouplissement des conditions fixées par les DDASS pour l’ouverture des maisons d’accueil des femmes enceintes en situation de détresse avant l’expiration du délai de 12 semaines de grossesse • Ne pas réserver l’usage des maisons d’accueil des femmes enceintes en situation de détresse aux seuls cas sociaux. Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 37 TEXTE ADOPTÉ n° 675 « Petite loi » ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001 30 mai 2001 PROJET DE LOI relatif à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. (Texte définitif.) L’Assemblée nationale a adopté, dans les conditions prévues à l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, le projet de loi dont la teneur suit : Voir les numéros : Assemblée nationale : 1re lecture : 2605, 2726 et T.A. 582.2966. Commisison mixte paritaire : 2973. Nouvelle lecture : 2966, 2977 et T.A. 655. Lecture définitive : 3050 et 3070. Sénat : 1re lecture : 120, 210 et T.A. 66 (2000-2001). Commission mixte paritaire : 253 (2000-2001). Nouvelle lecture : 273, 297 et T.A. 86 (2000-2001). Avortement. TITRE Ier INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE Article 1er L’intitulé du chapitre II du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Interruption pratiquée avant la fin de la douzième semaine de grossesse ». Article 2 Dans la deuxième phrase de l’article L. 2212-1 du même code, les mots : « avant la fin de la dixième semaine de grossesse » sont remplacés par les mots : « avant la fin de la douzième semaine de grossesse ». Article 3 Le deuxième alinéa de l’article L. 2212-2 du même code est complété par les mots : « ou, dans le cadre d’une convention conclue entre le praticien et un tel établissement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat ». Article 4 L’article L. 2212-3 du même code est ainsi rédigé : « Art. L. 2212-3. - Le médecin sollicité par une femme en vue de l’interruption de sa grossesse doit, dès la première visite, informer celle-ci des méthodes médicales et chirurgicales d’interruption de grossesse et des risques et des effets secondaires potentiels. 38 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté « Il doit lui remettre un dossier-guide, mis à jour au moins une fois par an, comportant notamment le rappel des dispositions des articles L. 2212-1 et L. 2212-2, la liste et les adresses des organismes mentionnés à l’article L. 2212-4 et des établissements où sont effectuées des interruptions volontaires de la grossesse. « Les directions départementales des affaires sanitaires et sociales assurent la réalisation et la diffusion des dossiers-guides destinés aux médecins. » Article 5 I. - Les deux premiers alinéas de l’article L. 2212-4 du même code sont ainsi rédigés : « Il est systématiquement proposé, avant et après l’interruption volontaire de grossesse, à la femme majeure une consultation avec une personne ayant satisfait à une formation qualifiante en conseil conjugal ou toute autre personne qualifiée dans un établissement d’information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d’éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé. Cette consultation préalable comporte un entretien particulier au cours duquel une assistance ou des conseils appropriés à la situation de l’intéressée lui sont apportés. « Pour la femme mineure non émancipée, cette consultation préalable est obligatoire et l’organisme concerné doit lui délivrer une attestation de consultation. Si elle exprime le désir de garder le secret à l’égard des titulaires de l’autorité parentale ou de son représentant légal, elle doit être conseillée sur le choix de la personne majeure mentionnée à l’article L. 2212-7 susceptible de l’accompagner dans sa démarche. » II. - Le troisième alinéa du même article est supprimé. Article 6 Dans l’article L. 2212-5 du même code, les mots : « sauf au cas où le terme des dix semaines risquerait d’être dépassé, le médecin étant seul juge de l’opportunité de sa décision » sont remplacés par les mots : « sauf dans le cas où le terme des douze semaines risquerait d’être dépassé ». Article 7 L’article L. 2212-7 du même code est ainsi rédigé : « Art. L. 2212-7. - Si la femme est mineure non émancipée, le consentement de l’un des titulaires de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal est recueilli. Ce consentement est joint à la demande qu’elle présente au médecin en dehors de la présence de toute autre personne. « Si la femme mineure non émancipée désire garder le secret, le médecin doit s’efforcer, dans l’intérêt de celle-ci, d’obtenir son consentement pour que le ou les titulaires de l’autorité parentale ou, le cas échéant, le représentant légal soient consultés ou doit vérifier que cette démarche a été faite lors de l’entretien mentionné à l’article L. 2212-4. « Si la mineure ne veut pas effectuer cette démarche ou si le consentement n’est pas obtenu, l’interruption volontaire de grossesse ainsi que les actes médicaux et les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l’intéressée, présentée dans les conditions prévues au premier alinéa. Dans ce cas, la mineure se fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix. « Après l’interventionl, une deuxième consultation, ayant notamment pour but une nouvelle information sur la contraception, est obligatoirement proposée aux mineures. » Article 8 L’article L. 2212-8 du même code est ainsi modifié : 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé : « Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l’article L. 2212-2. » ; 2° Les deux derniers alinéas sont supprimés. Article 9 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 39 I. - L’article L. 2322-4 du même code est abrogé. II. - L’article L. 2322-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Un décret fixe les installations autorisées dont les établissements de santé privés sont tenus de disposer lorsqu’ils souhaitent pratiquer des interruptions volontaires de grossesse. » Article 10 L’intitulé du chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du même code est ainsi rédigé : « Interruption de grossesse pratiquée pour motif médical ». Article 11 L’article L. 2213-1 du même code est ainsi rédigé : « Art. L. 2213-1. - L’interruption volontaire d’une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d’une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. « Lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme comprend au moins trois personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie obstétrique, un médecin choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. Les deux médecins précités doivent exercer leur activité dans un établissement public de santé ou dans un établissement de santé privé satisfaisant aux conditions de l’article L. 2322-1. « Lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Lorsque l’équipe du centre précité se réunit, un médecin choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation. « Dans les deux cas, préalablement à la réunion de l’équipe pluridisciplinaire compétente, la femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par tout ou partie des membres de ladite équipe. » Article 12 A l’article L. 2213-2 du même code, les mots : « pour motif thérapeutique » sont remplacés par les mots : « pour motif médical ». Article 13 I. - L’article L. 5135-1 du même code est ainsi modifié : 1° Les trois premiers alinéas sont supprimés ; 2° Au dernier alinéa, les mots : « lesdits appareils » sont remplacés par les mots : « des dispositifs médicaux utilisables pour une interruption volontaire de grossesse » et les mots : « comme commerçants patentés » sont supprimés. II. - L’article L. 5435-1 du même code est ainsi rédigé : « Art. L. 5435-1. - La vente, par les fabricants et négociants en appareils gynécologiques, de dispositifs médicaux utilisables pour une interruption volontaire de grossesse à des personnes n’appartenant pas au corps médical ou ne faisant pas elles-mêmes profession de vendre ces dispositifs est punie de deux ans d’emprisonnement et de 200000 F d’amende. « Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables des infractions, définies au présent article, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal. Elles encourent la peine d’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal. « Les personnes physiques et les personnes morales encourent également les peines suivantes : 40 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté « 1° La confiscation des dispositifs médicaux saisis ; « 2° L’interdiction d’exercer la profession ou l’activité à l’occasion de laquelle le délit a été commis, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. » Article 14 I. - L’article 223-11 du code pénal est abrogé. II. - L’article L. 2222-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Art. L. 2222-2. - L’interruption de la grossesse d’autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 200000 F d’amende lorsqu’elle est pratiquée, en connaissance de cause, dans l’une des circonstances suivantes : « 1° Après l’expiration du délai dans lequel elle est autorisée par la loi, sauf si elle est pratiquée pour un motif médical ; « 2° Par une personne n’ayant pas la qualité de médecin ; « 3° Dans un lieu autre qu’un établissement d’hospitalisation public ou qu’un établissement d’hospitalisation privé satisfaisant aux conditions prévues par la loi, ou en dehors du cadre d’une convention conclue selon les modalités prévues à l’article L. 2212-2. « Cette infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 500000 F d’amende si le coupable la pratique habituellement. « La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines. » Article 15 I. - L’article 223-12 du code pénal est abrogé. II. - Après l’article L. 2222-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2222-4 ainsi rédigé : « Art. L. 2222-4. - Le fait de fournir à la femme les moyens matériels de pratiquer une interruption de grossesse sur elle-même est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300000 F d’amende. Ces peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 500000 F d’amende si l’infraction est commise de manière habituelle. En aucun cas, la femme ne peut être considérée comme complice de cet acte. « La prescription ou la délivrance de médicaments autorisés ayant pour but de provoquer une interruption volontaire de grossesse ne peut être assimilée au délit susmentionné. » Article 16 Sont abrogés : - le chapitre Ier du titre II du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique ; - les articles 84 à 86 et l’article 89 du décret du 29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité françaises. Article 17 L’article L. 2223-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé : « Art. L. 2223-2. - Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 200000 F d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher une interruption de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8 : « - soit en perturbant de quelque manière que ce soit l’accès aux établissements mentionnés à l’article L. 2212-2, la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces établissements ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ; « - soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse ou de l’entourage de ces dernières. » Article 18 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté 41 I. - Le premier alinéa de l’article L. 2412-1 du même code est ainsi rédigé : « Le titre Ier du livre II de la présente partie, à l’exception du quatrième alinéa de l’article L. 2212-8, est applicable dans la collectivité territoriale de Mayotte. L’article L. 2222-2 est également applicable. » II. - Les articles L. 2412-2 et L. 2412-3 du même code sont abrogés. III. - L’article L. 2414-2 du même code est abrogé. Les articles L. 2414-3 à L. 2414-9 deviennent respectivement les articles L. 2414-2 à L. 2414-8. A l’article L. 2414-1, la référence : « L. 2414-9 » est remplacée par la référence : « L. 2414-8 ». IV. - L’article 723-2 du code pénal est abrogé. V. - Les articles 1er à 17 de la présente loi sont applicables à la collectivité territoriale de Mayotte. Article 19 I. - Les dispositions des articles L. 2212-1, L. 2212-7, L. 2222-2, L. 2222-4 et L. 2223-2 du code de la santé publique sont applicables dans les territoires d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie. II. - L’article 713-2 du code pénal est abrogé. III. - A. - Après le chapitre Ier du titre II du livre IV de la deuxième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre Ier-1 ainsi rédigé : « Chapitre Ier-1 « Interruption volontaire de grossesse « Art. L. 2421-4. - Les dispositions des articles L. 2212-1, L. 2212-7 et L. 2212-8 (premier alinéa) sont applicables dans le territoire des îles Wallis et Futuna. Pour l’application du premier alinéa de l’article L. 2212-8, les mots : «selon les modalités prévues à l’article L. 2212-2» ne s’appliquent pas. » B. - L’article L. 2422-2 du même code est ainsi rédigé : « Art. L. 2422-2. - Pour leur application dans le territoire des îles Wallis et Futuna : « 1° Le 3° de l’article L. 2222-2 est ainsi rédigé : « «3° Dans un lieu autre qu’un établissement d’hospitalisation public ou qu’un établissement d’hospitalisation privé satisfaisant aux conditions prévues par la réglementation applicable localement.» ; « 2° Aux articles L. 2223-1 et L. 2223-2, les mots : «par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8» sont remplacés par les mots : «par les dispositions législatives ou réglementaires applicables localement» ; « 3° A l’article L. 2223-2, les mots : «mentionnés à l’article L. 2212-2» sont remplacés par les mots : «de santé, publics ou privés, autorisés à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par la réglementation applicable localement». » IV. - A. - Le titre III du livre IV de la deuxième partie du même code est complété par un chapitre II ainsi rédigé : « Chapitre II « Interruption volontaire de grossesse « Art. L. 2432-1. - Les dispositions des articles L. 2212-1, L. 2212-7 et L. 2212-8 (premier alinéa) sont applicables dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises. Pour l’application du premier alinéa de l’article L. 2212-8, les mots : «selon les modalités prévues à l’article L. 2212-2» ne s’appliquent pas. » B. - L’article L. 2431-1 du même code est ainsi rédigé : « Art. L. 2431-1. - Les articles L. 2222-2, L. 2222-4, L. 2223-1 et L. 2223-2 sont applicables dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises. Pour leur application dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises : 42 Création et développement d’une maison d’accueil pour femmes enceintes en difficulté « 1° Le 3° de l’article L. 2222-2 est ainsi rédigé : « «3° Dans un lieu autre qu’un établissement d’hospitalisation public ou qu’un établissement d’hospitalisation privé satisfaisant aux conditions prévues par la réglementation applicable localement.» ; « 2° Aux articles L. 2223-1 et L. 2223-2, les mots : «par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8» sont remplacés par les mots : «par les dispositions législatives ou réglementaires applicables localement» ; « 3° A l’article L. 2223-2, les mots : «mentionnés à l’article L. 2212-2» sont remplacés par les mots : «de santé, publics ou privés, autorisés à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par la réglementation applicable localement». » V. - A. - Le titre IV du livre IV de la deuxième partie du même code est complété par un chapitre II ainsi rédigé : « Chapitre II « Interruption volontaire de grossesse « Art. L. 2442-1. - Les dispositions des articles L. 2212-1, L. 2212-7 et L. 2212-8 (premier alinéa) sont applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Pour l’application du premier alinéa de l’article L. 2212-8, les mots : «selon les modalités prévues à l’article L. 2212-2» ne s’appliquent pas. » B. - L’article L. 2441-2 du même code est ainsi rédigé : « Art. L. 2441-2. - Pour leur application en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française : « 1° Le 3° de l’article L. 2222-2 est ainsi rédigé : « «3° Dans un lieu autre qu’un établissement d’hospitalisation public ou qu’un établissement d’hospitalisation privé satisfaisant aux conditions prévues par la réglementation applicable localement.» ; « 2° Aux articles L. 2223-1 et L. 2223-2, les mots : «par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8» sont remplacés par les mots : «par les dispositions législatives ou réglementaires applicables localement» ; « 3° A l’article L. 2223-2, les mots : «mentionnés à l’article L. 2212-2» sont remplacés par les mots : «de santé, publics ou privés, autorisés à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par la réglementation applicable localement». » Article 20 Le chapitre II du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié : 1° L’intitulé du chapitre est ainsi rédigé : « Prise en charge par l’Etat des dépenses exposées au titre de l’interruption volontaire de grossesse » ; 2° L’article L. 132-1 est ainsi modifié : a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « L’intégralité des dépenses exposées à l’occasion des interruptions volontaires de grossesse pratiquées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 2212-7 du code de la santé publique est prise en charge par l’Etat. » ; b) Le dernier alinéa est complété par les mots : « , et notamment les conditions permettant, pour les personnes visées à l’alinéa précédent, de respecter l’anonymat dans les procédures de prise en charge ». 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