Les carburants alternatifs ont
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Les carburants alternatifs ont
Perren Jean-Louis Octobre 2007 EES3 Management et négoce international Essai sur le thème : « Les carburants alternatifs ont-ils un avenir ? » Sous la menace d’une énième montée du cours du baril de pétrole et en se penchant sur le futur à long terme de la planète, tout le monde s’accorde à dire qu’il va falloir trouver une solution de remplacement à ce qu’on appelle communément « l’or noir ». En effet, avec un baril de brut qui est passé d’environ 20$ il y a dix ans à plus de 82$ aujourd’hui, les carburants classiques que sont l’essence et le diesel deviennent gentiment des produits de luxe. Et ce ne sont pas les signes d’épuisement des réserves mondiales qui vont inverser la tendance de cette montée des prix. Parallèlement à l’assèchement futur des ressources pétrolières, se pose le problème du réchauffement climatique. Ce dernier n’est autre que le résultat de la consommation de gaz à effet de serre comme le CO2 ou le N2O. Il existe donc une nécessité de trouver une alternative aux carburants fossiles qui sont limités et non renouvelables. C’est ainsi que, peu à peu, les chercheurs ne sont penchés sur la question des carburants alternatifs. Se sont alors développées plusieurs filières reparties en 2 générations 1 . La première comprend l’huile, l’alcool, le gaz ou encore le charbon. La deuxième, elle, n’en est qu’à ses premiers balbutiements mais semblent se concentrer plutôt vers les bactéries et les algues. Ce retournement de situation, somme toute assez rapide, des chercheurs vers une nouvelle filière montre bien que des problèmes ont été soulevés une fois les premiers essais grandeur nature réalisés avec des biocarburants comme le bioéthanol ou le biodiesel. Même si à première vue transformer des betteraves, du maïs ou du colza peut paraître écologiquement séduisant, il en découle deux problèmes majeurs liés l’un à l’autre: la surface gigantesque qu’il faudrait pour produire toutes ces matières premières agricoles, ce qui impliquerait un manque de place pour la culture des matières premières usuellement consommées, en nourriture, par la population terrestre. Petite illustration de ces deux problèmes avec un tableau explicatif trouvé sous un site nommé www.planète-energies.com et qui présente l’exemple de la France face à ces différents biocarburants. 1 Tiré de Wikipedia : (http://fr.wikipedia.org/wiki/Biocarburant#Les_fili.C3.A8res_de_deuxi.C3.A8me_g.C3.A9n.C3.A9ration) Perren Jean-Louis Octobre 2007 EES3 Management et négoce international Energie brute/ha (tep) Surface minimale pour produire 25 Mtep (km²) Surface minimale en % des surfaces cultivées en France Colza/huile 1,37 183 000 116 % Tournesol/huile 1,06 236 000 150 % Betterave/éthanol 3,98 63 000 40 % Blé/éthanol 1,76 142 000 97 % Culture/biocarburant Une petite idée des réponses apparaît dans le tableau qui suit, avec l’exemple de la France : • la deuxième colonne représente l’énergie brute produite par hectare en tonnes équivalent pétrole ; • la troisième, en km², la surface minimale nécessaire pour produire 25 Mtep (soit à peu près le quart de la consommation annuelle de pétrole en France) ; • la quatrième, le pourcentage de surfaces cultivées que représente cette surface minimale. On voit tout de suite que si notre consommation de pétrole (dont plus de la moitié est utilisée pour les transports) ne diminue pas, les biocarburants ne peuvent rester qu’un appoint mineur aux carburants classiques, un moyen d’économiser un peu de pétrole : il n’est pas question de couvrir toute la campagne de champs de colza, il faut quand même qu’on se nourisse ! 2 Même si ce site n’est autre qu’une vitrine pour le pétrolier Total (logo apparaissant en haut à gauche du site) de se donner une apparence écologique et préoccupée de l’avenir sans pétrole, ces chiffres mettent en avant l’impasse vers laquelle nous mènent les biocarburants de la première génération. Pour se baser sur une source plus neutre et proche de chez nous, le site du Touring Club Suisse (www.tcs.ch) met également en avant les problèmes liés à ces carburants alternatifs : « L'incertitude concernant le prix du pétrole et le souhait d'accroître l’indépendance énergétique ont provoqué un regain d'intérêt pour les carburants alternatifs. Or, ces solutions ne sont pas toutes avantageuses sur les plans écologique et économique. Une analyse du TCS détermine quels sont les carburants alternatifs qui ont une chance d'avenir. Un constat s'impose: on ne peut pas renoncer aux carburants traditionnels. » 3 Le site va même jusqu’à rayer de la liste des possibilités de substitution au pétrole le gaz liquide qui n’est pas en accord avec les exigences d’un carburant d’avenir. Pour ce qui est du gaz naturel et des biocarburants, ils restent pour le TCS « des produits de niche ». Toutefois, le TCS reconnaît, à travers ce communiqué du 1er février 2007, que ces biocarburants pourraient baisser jusqu’à 50% les émissions de CO2. Par contre, il émet de forts doutes quand aux coûts de production, à la fiabilité et aux impacts écologiques globaux de cette production massive de matières premières issue de l’agriculture. 2 Tiré de Panete-Energies : (http://www.planete-energies.com/contenu/energies-renouvelables/energie-verte/biocarburants/avenir.html) 3 Tiré du site web du Touring Club Suisse (http://www.tcs.ch/main/fr/home/der_tcs/presse/archiv/Biocarburants.html) Perren Jean-Louis Octobre 2007 EES3 Management et négoce international Derrière la grande opportunité de « carburant vert » sous entendu par le terme de biocarburant, se cache en effet un besoin massif en matières premières, nécessitant ellesmêmes beaucoup de place et de ressources. Comme prouvé tout à l’heure avec l’exemple de la France, un pays développé aurait toutes les peines du monde à cultiver assez d’hectares de maïs ou de canne à sucre. Si bien que ce sont les pays en voie de développement qui à nouveau paient le prix cette nouvelle demande. Croyant tenir là enfin une opportunité, ceux-ci n’hésitent pas à raser des hectares entiers de forêt. Cette dernière déjà largement mis à mal par les besoins en papier et en bois, se voie menacée par un nouvel ennemi : les planteurs de produits servant à mettre au point les biocarburants. Ainsi, « Les Amis de la Terre », une association à but non lucratif indépendante de tout pouvoir politique ou religieux qui s’investie « pour des sociétés durables au Nord comme au Sud » a établi plusieurs rapport à ce sujet dont les exemples sont saisissants. Dans l’un de ces rapports figuraient les données suivantes : « On estime qu’entre 1985 et 2000, le développement des plantations de palmiers à huile a été responsable de 87% de la déforestation en Malaisie”. A Sumatra et Bornéo, quelques 4 millions d’hectares de forêts ont étaient convertis en plantations de palmiers à huile. Et on programme de nouvelles coupes : 6 millions d’hectares en Malaisie et 16,5 millions en Indonésie ». 4 Utilisant comme technique le défrichage de la terre par brûlis, qui détruit la vie du sol, cela implique par la suite l’usage abondant d’engrais pour redonner vie à la terre. Par la suite on traitera les plantations avec d’autres en y ajoutant des pesticides, ce qui attaquera à nouveau la faune et la flore. En arrière plan de ce combat spéculatif de matières à biocarburants, il se passe également un combat bien plus grave; celui de la faim. Croyant toujours tenir la solution les paysans s’oriente vers ces monocultures en laissant de côté leurs cultures habituelles, le risque, bien entendu, ce sont le manque de nourriture. Ou alors, comme on l’a déjà constaté au Mexique et dans d'autres pays d'Amérique latine, suite au manque de marchandises dédiées à la consommation et à la spéculation de certains fonds de placement, le cours du maïs s’est envolé privant ainsi certains locaux d’un élément de base dans la nourriture sud américaine. Les investisseurs des marchés financier ne font qu’aggraver le problème en spéculant sur ces matières premières de biocarburants. Il s’en dégage un véritable bulle des matières premières car les prix de ces dernières ne peuvent en aucun cas être entièrement justifiés par cette engouement soudain. Cette hausse des prix affecte également le marché de manière indirecte. Comment en effet nourrir les animaux avec du maïs puisque celui-ci est devenu inabordable. La montée du prix du pain ou de la bière sont autant d’autres exemples. 4 Tiré du site web des Amis de la Terre : (http://www.amisdelaterre.org/Biocarburants-pires-quedes.html?var_recherche=%20plantation%20de%20palmiers%20%E0%20huile%20a%20%E9t%E9%20responsa ble%20de%2087%20%25%20de%20la%20d%E9forestation%20) Perren Jean-Louis Octobre 2007 EES3 Management et négoce international Dans l’optique de conclure et résumer où se trouve le monde globalisé contemporain, un paragraphe issu article du Réseau d’Informations et de Solidarité avec l’Amérique Latine (RISAL) prend toute son importance en reprenant point par point les thèmes abordés plus haut ; à savoir la menace pour la faune, pour la flore, ainsi que pour les habitants de ces régions supposées être des eldorados des temps modernes : «… des dizaines ou des centaines de millions d’hectares de terres fertiles seront concentrées dans les mains de grandes transnationales et passeront de la production d’aliments à la production de carburants... dans un monde où la faim et la malnutrition sont des problèmes très graves. Au cours du même processus, des millions de producteurs ruraux et de petits agriculteurs seront expulsés et devront émigrer vers les ceintures de misère des grandes villes. Les forêts cesseront d’assurer la subsistance de millions de personnes qui en dépendent, pour être remplacées par du soja, des palmiers à huile ou d’autres cultures énergétiques. L’eau sera contaminée (par suite de l’utilisation de produits agrochimiques) ou disparaîtra (par suite de la plantation d’arbres à croissance rapide) ; la faune locale sera gravement affectée par d’énormes déserts verts qui ne lui fourniront pas de nourriture ; la flore indigène disparaîtra, remplacée par de vastes monocultures, et de nombreuses espèces seront contaminées par les organismes génétiquement modifiés qui y seront utilisés, tandis que la monoculture et l’usage de produits chimiques dégradera les sols. »5 En définitive, non seulement l’utilisation de biocarburants ne résout pas le problème du changement climatique mais elle implique d’aggraver encore d’autres problèmes également graves. Et même si la seconde génération des biocarburants semble plus prometteuse que la première, nul ne doute qu’elle donnera encore son lot de débat puisque des OGM sont utilisés dans sa fabrication. 5 Tiré du site web du RISAL : (http://risal.collectifs.net/spip.php?article2062)