La vie en 35 heures

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La vie en 35 heures
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La vie en 35 heures...
On travaille de moins en moins. La semaine de travail – de 84 heures en 1900 –,
s’est fortement réduite dans tous les pays au cours du siècle dernier. La France a
notamment adopté, il y a deux ans, la semaine d’une durée légale de 35 heures
pour tous les salariés.
Le Français dans le monde, Janvier-février 2002 - N°319
« Je songe avec terreur au réajustement de ses habitudes que l’homme devra
effectuer. Il lui faudra se débarrasser en quelques décennies de ce qui lui a été
inculqué au cours des générations multiples. Ne faut-il pas s’attendre à une
dépression nerveuse collective ? » En 1930, J.M. Keynes, le célèbre économiste
britannique, pronostiquait qu’en 2030, nous ne travaillerions plus que 15 heures par
semaine. Et en 1998, la France adoptait en effet une loi sur la réduction du temps de
travail. Cette loi française est née de la volonté du gouvernement de réduire le
chômage de masse : quand l’emploi se fait rare, il est nécessaire de le partager. Mais
la Réduction du Temps de Travail, la fameuse « RTT », est-elle une solution pour
l’emploi ? Même si les économistes ne sont pas tous d’accord sur ce point, beaucoup
d’entre eux reconnaissent y perdre leur latin : ils ont appris (et, pour certains,
enseigné) que c’est la croissance qui crée les emplois et non pas la réduction du temps
de travail. Celle-ci, au contraire, dans un contexte de concurrence internationale de
plus en plus vive, risque même de supprimer des emplois en entrainant une hausse des
coûts de production.
Plus de charges
Les chefs d’entreprise ont, eux aussi – du moins au début –, beaucoup contesté cette
loi. Elle leur posait de grandes difficultés en alourdissant leurs charges et parfois
même menaçait la survie de leur entreprise. « Tout le monde ne chausse pas du 35 »,
clamait un slogan du patronat. Mais aujourd’hui, beaucoup de patrons (81 %)
reconnaissent que le passage aux 35 heures a permis d’améliorer le climat social dans
leur établissement. La négociation des accords RTT a constitué une formidable
opportunité pour relancer le dialogue social au sein des entreprises où les syndicats
sont souvent absents. L’adoption des 35 heures a aussi été l’occasion, pour 65 %
d’entre eux, de repenser et d’améliorer l’organisation du travail. Et puis, avec le
ralentissement économique actuel, certains chefs d’entreprise découvrent des vertus à
la RTT. Elle est perçue comme un moyen d’amortir le choc. À défaut de créer des
emplois, elle peut en sauver, en évitant ou en limitant les licenciements.
Plus de temps libre et de stress
Avec les 35 heures, les salariés français, dans leur grande majorité, estiment avoir
gagné en qualité de vie. Plus de temps libre, c’est plus de souplesse dans
l’organisation de la vie quotidienne, c’est l’impression de ne plus tout sacrifier à son
travail, c’est la possibilité de se forger une identité en dehors de la sphère de
l’entreprise. Pourtant, quand on regarde ce que les salariés ont fait de leur temps
libéré, on ne décèle pas de réels changements de comportement. Ils utilisent leurs
jours de congés supplémentaires à faire un peu plus de la même chose : plus de
voyages pour ceux qui voyageaient déjà, plus de bricolage pour les bricoleurs, plus de
ménage pour les ménagères... Certains en profitent cependant pour se former,
s’investir dans une association, faire des escapades de trois ou quatre jours, pratiquer
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s’investir dans une association, faire des escapades de trois ou quatre jours, pratiquer
leur sport favori ou tout simplement pour souffler, sans compter ceux qui utilisent le
temps dégagé pour faire un double travail et arrondir ainsi leurs fins de mois.
Une ombre au tableau toutefois : pour 45 % des personnes interrogées, les conditions
de travail n’ont pas changé. Certains, 29 %, s’inquiètent même de l’augmentation de
leur charge de travail et de l’irrégularité des horaires. « Il faut travailler au moins
autant, en moins de temps ». Pas de véritable révolution donc, mais un meilleur
équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Le chantier de la RTT aura au moins
eu un mérite : montrer que le temps de travail renvoie au vécu des personnes dans et
hors de l’entreprise.
Michel Danilo, responsable pédagogique, Chambre de commerce et
d’industrie de Paris
Que dit la loi ?
La durée légale hebdomadaire est fixée à 35 heures et la durée annuelle à 1 600
heures.
Les heures supplémentaires : au-delà de ces 35 heures (ou de ces 1 600 heures
annuelles), le travail effectué est comptabilisé en heures supplémentaires (130 heures
maximum sur l’année), qui sont soit payées, soit récupérées en repos compensateur.
Modalités d’organisation du travail : la durée du travail est fixée à 35 heures en
moyenne sur l’année. Elle peut donc être modulée en fonction des besoins de
l’activité, par exemple 25 heures en période creuse et 45 heures en période de pointe.
La mise en place de la RTT se traduit par des heures de travail en moins ou par des
jours de congés en plus.
Rémunération : les nouveaux salaires font l’objet de négociations. Pour les salariés
payés au SMIC, une compensation salariale garantit le maintien de leur pouvoir
d’achat.
Les cadres, à l’exception des dirigeants, bénéficient, eux aussi, des accords sur la
RTT.

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