Évaluation de la prise en charge nutritionnelle du nouveau
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Évaluation de la prise en charge nutritionnelle du nouveau
Journal de pédiatrie et de puériculture (2014) 27, 154—163 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ARTICLE ORIGINAL Évaluation de la prise en charge nutritionnelle du nouveau-né au centre hospitalier Courbevoie—Neuilly—Puteaux (France) Assessment of newborn nutritional management at the Courbevoie—Neuilly-sur-Seine—Puteaux hospital (France) K.V. Asse a,∗, H. Pejoan b, Y. Chebbi b, P. Gatel b a Service de pédiatrie, CHU Bouaké, 01 BP, 1174 Bouaké, Côte d’Ivoire Service de pédiatrie - néonatologie, centre hospitalier Courbevoie—Neuilly—Puteaux, 36, boulevard du Général-Leclerc, BP 79, 92205 Neuilly-sur-Seine cedex, France b Reçu le 19 novembre 2013 ; accepté le 29 avril 2014 MOTS CLÉS Nouveau-né ; Nutrition ; Lait maternel ; Lait pour prématuré ; Croissance post-natale Résumé Introduction. — Dans l’unité de néonatologie du centre hospitalier Courbevoie—Neuilly— Puteaux (CHCNP), la prise en charge nutritionnelle des nouveau-nés est conduite selon un protocole rédigé en 2007/2008 à partir des recommandations internationales et validé par l’ensemble des praticiens du service. Objectif. — Évaluer cette prise en charge nutritionnelle en vue d’une amélioration par l’adaptation de la pratique professionnelle. Patients et méthodes. — Il s’agissait d’une étude rétrospective descriptive réalisée en néonatologie du CHCNP de janvier à décembre 2011. Elle a inclus des nouveau-nés indemnes de malformations ou maladies génétiques alimentés depuis au moins 14 jours. Résultats. — Au total, 138 nouveau-nés (prématurés 132, terme 6). Soixante-dix venaient de la maternité du CHCNP et 68 après un séjour initial en réanimation. Quatre-vingt-quinze (68,8 %) d’entre eux étaient eutrophes et 43 hypotrophes. La majorité des nouveau-nés était nourrie avec du lait de mère enrichi à l’Eoprotine® et/ou du pré-lait à travers la sonde oro-gastrique. Quatre-vingt-douze pour cent des nouveau-nés ont acquis l’autonomie alimentaire entre 34 et 37 semaines d’âge corrigé. Tous les nouveau-nés ont eu un complément parentéral avec une moyenne de 3,2 jours (extrême 0 et 33 j). À la sortie, sur 95 nouveau-nés admis eutrophes, ∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (K.V. Asse), [email protected] (H. Pejoan), [email protected] (Y. Chebbi), [email protected] (P. Gatel). http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2014.04.006 0987-7983/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Évaluation de la prise en charge nutritionnelle du nouveau-né 155 82 (86,3 %) sont maintenus eutrophes et 13 (13,7 %) ont acquis un retard de croissance extrautérin. Seulement 6 (13,9 %) des 43 hypotrophes ont bénéficié du rattrapage pondéral et sortis eutrophie. Conclusion. — L’hypotrophe rattrape difficilement le retard acquis in utero. Pour ces nouveaunés, l’utilisation des préparations nutritionnelles enrichies en protéine et calorie type formule pour prématuré étape 1 semble indiquée. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Newborn; Nutrition; Breast milk; Infant formula milk; Neonatal growth Summary Introduction. — In the neonatal unit of the Courbevoie—Neuilly—Puteaux Hospital (CHCNP), the nutritional management of neonates is conducted according to a protocol written in 2007/2008 from international guidelines and approved by all practitioners’ service. Objective. — To assess this nutritional management in order to improve the adaptation of professional pratice. Patients and methods. — This was a retrospective study from January 1 to December 31, 2011 in the neonatology unit of CHCNP. It focused on infants with no malformations or genetic disease and fed for at least 14 days. Results. — One hundred and thirty-two preterm and 6 term infants were included. Seventy came from the maternity CHCNP and 68 after an initial stay in the ICU. On admission, 95 (68.8%) patients were eutrophic and 43 small for gestational age. Nutrition was given by oro-gastric tube in most cases with breast milk enriched with Eoprotine® and/or infant formula milk. Ninetytwo percent of patients gained autonomy between 34 and 37 weeks corrected age. Additional parenteral was conducted for 3.2 days on average (range 0—33 days). Out of the 95 eutrophic newborn at admission, 82 (86.3%) remained eutrophic at discharge and 13 acquired postnatal growth retardation. Concerning the 43 hypotrophic newborn, only 6 (13.9%) became eutrophic at discharge with weight above the 10th percentile; the others have maintained weight under the 10th percentile. Conclusion. — Low birth weight hardly catches the delay acquired in utero. For these infants, the use of enriched protein and calorie standard formula for premature step 1 seems appropriate nutritional products. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Introduction La prise en charge nutritionnelle des nouveau-nés admis en néonatologie constitue un défi quotidien pour le pédiatre. L’objectif principal est de leurs assurer une croissance post-natale satisfaisante. De nombreux travaux ont montré qu’une alimentation post-natale inadéquate est significativement associée dans l’immédiat à une augmentation de la morbidité et mortalité néonatale et à l’âge adulte à un risque plus accrue d’obésité, de maladies cardiovasculaires et décès [1—3]. Des recommandations pratiques ont été formulées pour assurer au mieux cette prise en charge nutritionnelle [4—6]. Ainsi, pour un nouveau-né avec poids normal, à terme, le lait de mère est l’aliment idéal recommandé ou à défaut un lait infantile à faible charge protéique (1,7 à 1,8 g/100 kcal). Le prématuré ou le nouveau-né de faible poids de naissance nécessitant un apport plus important en calcium, phosphore, zinc et d’autres micronutriments recevra en priorité le lait maternel enrichi, à défaut une formule adaptée aux prématurés à teneur protéique élevée (2,2 à 2,3 g/100 kcal). L’objectif étant d’assurer une croissance ex utero comparable à celle in utero d’un fœtus de même âge gestationnel, soit environ 20 g/kg par jour. Les enfants à risque allergique recevront le lait maternel ou à défaut le lait HA avec preuves scientifiques ou hydrolysat de protéine poussée. Au centre hospitalier Courbevoie—Neuilly—Puteaux (CHCNP), la prise en charge nutritionnelle des nouveau-nés hospitalisés est conduite selon un protocole rédigé à partir des recommandations internationales et validé par l’ensemble des praticiens du service en 2007/2008. Depuis que ce protocole est utilisé, aucune étude ne l’a évalué. De sorte que nous manquions d’information sur cette pratique importante de la prise en charge. L’objectif de ce travail était d’évaluer correctement la prise en charge nutritionnelle des nouveau-nés hospitalisés en vue d’une amélioration par l’adaptation de la pratique professionnelle. Patients et méthodes Patients Type et cadre de l’étude Il s’agissait d’une étude rétrospective descriptive monocentrique. Elle a porté sur les nouveau-nés hospitalisés dans l’unité de néonatologie du centre hospitalier 156 K.V. Asse et al. Courbevoie—Neuilly—Puteaux (CHCNP) du 1er janvier au 31 décembre 2011. L’unité est de type II b et comporte 18 lits dont 3 destinés aux soins intensifs. Elle est agréée pour recevoir et prendre en charge des nouveau-nés à partir de 31 SA et/ou 1200 g. Le personnel est composé de trois praticiens hospitaliers néonatologues et 23 soignants. Au plan de l’activité, en 2010, 400 nouveau-nés ont été admis pour diverses affections dont les principales étaient la prématurité, la détresse respiratoire, l’asphyxie périnatale et l’infection materno-fœtale [7]. bonne sur 1 heure après 32 SA. Une fois l’alimentation commencée, la progression se faisait en augmentant la ration de 15 à 20 mL/kg par jour. La stimulation de l’oralité est débutée dès la 34e semaine d’âge corrigée. En cas de difficulté de pose d’une voie d’abord, le soluté de réhydratation orale (SRO) est utilisé en complément du lait pendant 24 à 72 heures. Le traitement adjuvant associé à l’alimentation entérale comportait pour tous les nouveau-nés de vitamines (Vit K, ADEC) et du fer dès le huitième jour de vie pour les prématurés. Critères d’inclusion et de non-inclusion Alimentation parentérale Nous avons inclus les nouveau-nés hospitalisés et alimentés depuis au moins 14 jours quel que soit le terme de naissance et le motif d’hospitalisation. Nous n’avons pas retenu tous les nouveau-nés souffrant de syndromes génétiques ou de malformations notamment hépatique, gastro-intestinale, cardiovasculaire susceptibles d’affecter la croissance et donc de constituer un biais. Elle s’adressait aux nouveau-nés dont les fonctions digestives étaient insuffisantes pour que l’alimentation entérale puisse couvrir la totalité des besoins en lipides, protides, glucides, électrolytes, vitamines et oligoéléments. La voie veineuse périphérique est utilisée pour les solutés isoosmolaires. Par contre pour les solutés hyper-osmolaires, la voie veineuse centrale est indiquée. Le récapitulatif de la composition des différents solutés est présenté dans le Tableau 2. À cela il est ajouté les Médialipides® , émulsion lipidique dosée à 20 % administrée exclusivement sur cathéter veineux central (KTC). Pour les nouveau-nés chez qui l’alimentation parentérale débutait sur la voie veineuse périphérique (VVP) ou sur le cathéter veineux ombilical (KTVO), le soluté Pédiaven 1, plus adapté, était utilisé de préférence. Le soluté Pédiaven 2 était utilisé au bout de 48 heures. Le volume hydrique de départ est de 80 mL/kg par jour pour un nouveau-né prématuré et 60 mL/kg par jour pour un nouveau-né à terme, l’augmentation des apports hydrique totaux se faisait de 15 à 20 mL/kg par jour jusqu’à atteindre 160—180 mL/kg par jour. Les lipides apportés sous forme de Médialipides® 20 % étaient introduits à J1 ou J2. À cette émulsion lipidique était ajoutées des vitamines hydrosolubles (Soluvit® ) et liposolubles (Vitalipid® ). Les vitamines utilisées pendant l’alimentation parentérale étaient le Soluvit® et le Vitalipid® . La dose de Soluvit® était de 1 à 1,5 mL/kg par jour et celle de Vitalipid® de 5 mL/kg par jour. Méthodes Protocole de la nutrition L’alimentation était conduite selon le protocole du service rédigé et validé par l’ensemble des praticiens hospitaliers en 2008 à partir des recommandations internationales [8,9]. Il comportait deux volets : entérale et parentérale. Alimentation entérale Le début de l’alimentation entérale et le choix du lait était en fonction de l’âge gestationnel et de la tolérance digestive du nouveau-né. Ainsi pour les nouveau-nés inférieurs à 32 semaines d’aménorrhée (SA) et/ou un poids en dessous de 1200 g, le lait choisi était le lait de la mère ou le lait de lactarium enrichi progressivement en Eoprotine® , 2 % puis 4 % à partir de 70—80 mL/kg par jour. Pour les nouveau-nés de plus de 32 SA et/ou un poids de naissance au-dessus de 1200 g, le lait choisi était le lait de la mère ou une formule pour prématuré. Lorsque le nouveau-né est à terme et eutrophe, le lait de la mère ou le lait infantile 1er âge était utilisé. Mais en cas d’hypotrophie chez un nouveau-né à terme, le choix portait sur une formule pour prématuré. La composition des différents laits utilisés pour la nutrition entérale est présentée dans le Tableau 1. La conduite de l’alimentation était en fonction de l’âge gestationnel du nouveau-né. Les nouveau-nés dont le terme de naissance était supérieur à 34 SA et ne présentant pas de détresse respiratoire ni d’anoxie périnatale, l’alimentation est débutée avec une ration de 60—80 mL/kg par jour. L’alimentation est donnée par sonde entérale gastrique, mise au sein ou biberon selon la maturité de la succion déglutition. En cas de nutrition par sonde gastrique, un débit discontinu de 1/3H est privilégié au continu pour lancer le péristaltisme intestinal. La ration quotidienne est fractionnée en 8 à 7 repas entre 34 et 36 SA et 6 repas à partir de 36—37 SA. Pour les nouveau-nés qui avaient moins de 34 SA, l’alimentation entérale est débutée avec une ration moindre, 20—40 mL/kg par jour, selon le terme et la tolérance digestive. Elle est complétée par une nutrition parentérale. La nutrition par sonde entérale gastrique discontinu est alors passée sur 2/3H avant 32 SA, puis lorsque la tolérance digestive était Surveillance de la nutrition Elle était clinique et biologique. La surveillance clinique reposait sur des éléments simples tels que : vomissements, régurgitations, état de l’abdomen, selles (nombre ? consistance ? sang dans les selles ?), tolérance respiratoire et générale (SaO2 et fréquence cardiaque en per- et postprandiale), résidus gastriques et poids. Au cours de la surveillance, tout résidu de volume significatif (> 10 % du repas précédent) et/ou sale donnait lieu à un avis médical avec examen clinique. Si l’examen clinique était normal, l’alimentation entérale et la surveillance des résidus étaient poursuivies. Si l’examen clinique n’était pas parfaitement normal (distension abdominale modérée, sensibilité), on pratiquait une radiographie de l’abdomen sans préparation (ASP). En présence d’un ASP normal, le repas était sauté et la ration était réduite de moitié au repas suivant. Lorsque l’ASP était anormal selon les critères de BELL, l’alimentation entérale était arrêtée. Si l’examen abdominal était franchement anormal (distension abdominale franche, circulation collatérale, douleur Évaluation de la prise en charge nutritionnelle du nouveau-né Tableau 1 157 Composition des différents laits utilisés pour la nutrition entérale. Composition/100 mL Lait de femme Pré Blédilait Pré Gallia Pré Guigoz Pré Modilac Pré Nidal Protides Énergie (Kcal) Protide (g) Caséine (%) Protéine soluble (%) 65—70 1—1,2 40 60 70 2 40 60 70 2 40 60 81 2,3 30 70 72 2 40 60 81 2,3 30 70 Lipides Lipide (g) Acide gras saturés (%) TCM Acide linoléique (mg) Acide ␣-linoléique (mg) DHA 3—4 — — 350 37 — 3,4 — 20 616 57 13 3,4 — 20 616 57 13 4,2 42 30 653 69 13 3,6 — 24 — — — 4,2 42 30 653 69 13 Glucides Glucide (g) Lactose (%) Dextrine maltose (%) 6—7 85 — 7,9 70 30 7,9 70 30 8,6 65 35 7,9 50 50 8,6 65 35 Minéraux Sodium (mmol) Potassium (mmol) Chlore (mmol) Calcium (mg) Phosphore (mg) Magnésium (mg) Fer (mg) 0,7 — — 33 16 — 0,05 1,2 2 40 65 40 6 0,06 1,2 2 40 65 40 6 0,06 1,3 2,2 56 99 54 8,3 1,2 1,5 2,2 — 75 42 — 0,8 1,3 2,2 56 99 54 8,3 1,2 TCM : triglycéride à chaîne moyenne ; DHA : acide docosahexaénoïque. à la palpation), l’alimentation entérale était arrêtée et compensée en augmentant la ration parentérale. Au plan biologique, la surveillance portait sur l’hémogramme, l’ionogramme sanguin (sodium, potassium, chlore), la protidémie, l’albuminémie, l’urée et la créatinine sanguine. Tableau 2 Variables de l’étude Pour l’ensemble des nouveau-nés retenus, nous avons consigné les critères d’analyse à partir des dossiers médicaux. Les paramètres étudiés étaient : (1) les caractéristiques sociodémographiques, (2) les antécédents, (3) la modalité et efficacité de la nutrition, (4) la tolérance de la nutrition. Récapitulatif de la composition des différents solutés utilisés. Composition pour 1 litre B55 NP 100 Pédiaven® NN 1 Pédiaven® NN 2 Volume (mL) Glucose (%) Acides aminés (g/L) Kcal non protéique Kcal protéique Sodium (mmol/L) Potassium (mmol/L) Chlorure (mmol/L) Calcium (mmol/L) Phosphore (mmol/L) Magnésium (mmol/L) Oligo-éléments Osmolarité (mOsml/L) Coût du flacon 250 11 — 440 440 16 16 32 12,4 — — — 657 1,15 500 15 20 600 680 20 20 20 9 11 2 — 1407 25,75 250 10 15 400 460 0 0 0 9,4 0 2,1 + 753 52 250 10 15 400 470 20 17 20 7,6 9,1 1,6 + 834 52 158 La trophicité des enfants a été définie à la naissance, admission et sortie en utilisant la courbe de référence AUDIPOG [10] : < 10e percentile : hypotrophe ; entre 10 et 90e percentile : eutrophe, > 90e percentile : macrosome. La balance protéique était considérée positive si l’urée sanguine était supérieure à 2 mmol/L et négative en dessous de 2 mmol/L. Analyse statistique Les données recueillies ont été saisies et analysées sur le logiciel informatique Excel. L’analyse était descriptive et consistait à calculer les effectifs, déterminer les proportions et les moyennes. Pour comparer les moyennes des hypotrophes et celles des non hypotrophes selon certaines caractéristiques physiques, nous avons utilisé le test bilatéral de Student avec un seuil significatif de 5 %. Résultats Caractéristiques de la population étudiée À la naissance Durant la période de l’étude, 138 nouveau-nés ont été inclus. Il y avait 73 filles et 65 garçons, soit un sex-ratio de 0,89. Le terme variait entre 24 SA + 5 j et 37 SA avec une médiane de 32 SA + 6 j. Cent trente-deux enfants (95,6 %) étaient prématurés (< 28 SA 8 cas [5,8 %], ≥ 28 SA et < 33 SA 64 cas [46,4 %], ≥ 33 SA et < 37 SA 36 cas [47,8 %]) et 6 nés à terme. Soixante-dix nouveau-nés provenaient de la maternité du CHCNP et 68 admis après un séjour initial en réanimation. Le poids variait entre 670 g et 2750 g avec une médiane de 1720 g. La taille variait entre 31 cm et 50 cm avec une médiane de 43 cm. Le périmètre crânien était compris entre 22 cm et 36 cm avec une médiane de 30,5 cm. Trente-six (26 %) nouveau-nés avaient un retard de croissance intra-utérin (RCIU). Parmi ces derniers, 15 (41,6 %) venaient de la maternité du CHCNP et 9 (25 %) avaient un poids inférieur au 3e percentile. À l’entrée dans le service L’âge variait de 0 j à 92 j avec une médiane respective de 10 j et 3,5 j. Le terme corrigé variait de 30 SA à 38 SA + 4 j avec une médiane de 34 SA. Le poids variait de 1050 g à 3240 g avec une médiane de 1817 g. Il y avait 95 (68,8 %) nouveaunés eutrophes et 43 (31,2 %) hypotrophes dont 9 cas de retard de croissance extra-utérin (RCEU) acquis en réanimation. La taille variait de 28,5 cm à 50 cm avec une médiane de 42 cm. Cette taille était supérieure au 10e percentile dans 92 cas, inférieure au 10e percentile dans 46 cas dont 21 en dessous du 3e percentile. Le périmètre crânien variait de 25 cm à 37 cm avec une médiane de 30,1 cm. Il était supérieur au 10e percentile dans 104 cas, inférieur au 10e percentile dans 34 cas dont 12 en dessous du 3e percentile. Vingt-sept enfants avaient tous les indices anthropométriques (poids, taille, PC) inférieurs au 10e percentile dont 4 en dessous du 3e percentile. Concernant les paramètres biologiques, le taux moyen des paramètres biologiques était comme suit : hémoglobine 14,4 g/dL (8—21 g/dL), protide 49,8 g/L (40—81 g/L), albumine 31,1 g/L (19—43 g/L), urée 2,8 mmol/L (0,8—7,6 mmol/L). Pour 131 patients chez qui K.V. Asse et al. l’urée sanguine était disponible, 81 (61,8 %) avaient un taux supérieur à 2 mmol/L et 50 (38,2 %) un taux inférieur à 2mmol/L. Parmi ceux qui avaient un taux d’urée en dessous de 2 mmol/L, 24 avaient un retard de croissance (20 RCIU + 4 RCEU). En considérant la population des hypotrophes et des eutrophes pour qui le taux d’urée est renseigné, la balance protéique négative a représenté respectivement 61,5 % (24/39) et 28,3 % (26/92). Il n’y avait pas de différence significative entre les eutrophes et les hypotrophes pour tous les paramètres biologiques : hémoglobine (eutrophe 14,2 g/dL vs hypotrophe 14,7 g/dL), protide (eutrophe 49,9 g/L vs hypotrophe 49,5 g/L), albumine (eutrophe 31,7 g/L vs hypotrophe 30 g/L), urée (eutrophe 2,8 mmol/L vs hypotrophe 2,7 mmol/L). Modalités de la nutrition La nutrition était entérale dans tous les cas. Elle était initiée par sonde entérale gastrique dans 131 cas et au biberon ou à la tasse dans 7 cas. Les laits utilisés étaient le lait pour prématuré (124 cas), le lait de mère enrichi à l’Eoprotine® (94 cas), l’hydrolysat (7 cas), le lait pour prématuré étape 1 (4 cas) et le lait infantile 1er âge (1 cas). La durée moyenne de la nutrition par sonde oro-gastrique était de 14,9 jours (extrême 1—40 j). L’autonomie alimentaire a été acquise en moyenne à 19 jours de vie (extrême 0 et 119 jours). L’âge corrigé moyen de l’autonomie alimentaire était de 36 SA (extrême 32 SA + 4 j et 54 SA + 4 j). Cent vingt-sept (92 %) patients ont acquis l’autonomie alimentaire entre 34 et 37 semaines d’âge corrigé. Un complément parentéral a été réalisé sur KTVO dans 26 cas, sur KTC dans 30 cas, et sur VVP dans 42 cas. La durée moyenne du complément parentéral était de 3,2 j (extrême 0—33 j) avec une médiane de 2 jours. La nutrition a duré en moyenne 4,5 jours (extrême 1—8 j) sur KTVO, 7,5 jours (extrême 2—33 j) sur KTC et 2,8 jours (extrême 1—9 j) sur VVP. Les pathologies rencontrées pendant l’hospitalisation ont été respiratoires et métaboliques dans 32 cas chacun (23,1 %), infectieux dans 10 cas (7,2 %) et hémodynamique dans 2 cas (1,4 %). Évaluation de la nutrition Le délai du séjour hospitalier variait de 15 à 68 j avec une moyenne de 24,7 j. L’âge variait de 15 à 123 j avec une moyenne de 35 j. Le terme corrigé variait de 34 SA + 6 j à 44 SA + 1 j avec une médiane de 37 SA + 2 j. Le poids variait de 1950 g à 3710 g avec une médiane de 2500 g. Le gain absolu moyen de poids était de 28,9 g/j. Sur le total des 95 enfants admis eutrophes dans le service, 82 (86,3 %) sont restés eutrophes à la sortie et 13 (13,7 %) ont acquis, durant le séjour, un retard de croissance post-natale. Quant aux 43 hypotrophes, seulement 6, soit 13,9 %, ont bénéficié d’un rattrapage pondéral et sont sortis avec un poids supérieur au 10e percentile. En définitif à la sortie, 50 patients étaient hypotrophes (31 RCUI, 19 RCEU) dont la moitié avait un poids en dessous du 3e percentile. Le RCEU a été acquis dans le service dans 13 cas et durant le séjour initial en réanimation dans 6 cas. Le RCEU a concerné un prématuré de moins de 33 SA dans 11 cas avec une moyenne pondérale de 1299 g. La comparaison des eutrophes et hypotrophes ainsi que celle des eutrophes et RCEU sont présentées successivement dans les Tableaux 3 et 4. La taille variait Évaluation de la prise en charge nutritionnelle du nouveau-né Tableau 3 sortie. 159 Comparaison des eutrophes et hypotrophes selon l’indice anthropométriques et le gain absolu quotidien à la État à la sortie Indices moyens Poids (g) Taille (cm) Périmètre crânien (cm) Test de Students Eutrophe Hypotrophe t ddl p 2700,6 46,2 33,4 2223,0 43,6 32,3 7,1 7,3 4,4 136 136 136 0,001* 0,001* 0,001* 1,2 −0,2 −1,9 136 136 136 0,23 0,808 0,059 Gain absolu quotidien Poids (g) Taille (cm) Périmètre crânien (cm) 28,75 0,12 0,11 25,64 0,13 0,12 ddl : degré de liberté ; * : significatif au seuil de 5 %. de 40 cm à 52,5 cm avec une médiane de 45 cm. Le gain absolu moyen de taille était de 0,13 cm/j. Sur l’effectif des 92 patients avec une taille supérieure au 10e percentile à l’admission, 68 (73,9 %) ont gardé à la sortie une taille supérieure au 10e percentile ; alors que 24 ont acquis un retard statural et sont situés en dessous du 10e percentile dont 6 inférieur au 3e percentile. Quant aux 46 patients qui avaient à l’entrée une taille inférieure au 10e percentile, 6 (13,0 %) ont bénéficié d’un rattrapage statural et sont sortis avec une taille supérieure au 10e percentile. Les 40 autres ont gardé une taille inférieure au 10e percentile dont 21 en dessous du 3e percentile. Ces derniers sont représentés uniquement par les enfants initialement admis avec une taille inférieure au 3e percentile. Le périmètre crânien variait de 29,5 cm à 37,5 cm avec une médiane identique de 33 cm. Le gain absolu moyen du périmètre crânien était de 0,11 cm/j. Sur l’effectif des 104 patients avec un PC supérieur au 10e percentile à l’entrée dans le service, 101 (97,1 %) ont gardé à la sortie un PC supérieur au 10e percentile ; alors que 3 ont acquis un retard et se situaient entre le 3e et le 10e percentile. Quant aux 34 patients qui avaient à l’admission un PC inférieur au 10e percentile, 14 (41,2 %) ont bénéficié d’un rattrapage et avaient à la sortie un PC supérieur au 10e percentile. Les 20 autres ont gardé un PC inférieur au 10e percentile dont 6 étaient en dessous du 3e percentile. Ces derniers ont représenté près Tableau 4 Comparaison des eutrophes et retard de croissance extra-utérin (RCEU) à la sortie selon la pathologie présentée à la naissance. Pathologies Respiratoire Métabolique Infection Trouble hémodynamique Canal artériel persistant État trophique à la sortie Eutrophe n/N (%) RCEU n/N (%) 18/82 (21,9) 45/82 (54,9) 20/82 (24,3) 5/82 (6 %) 4/82 (4,9) 9/19 (47,3) 7/19 (36,8) 1/19 (5,3) 1/19 (5,3) 3/19 (15,8) de la moitié (5/12) du groupe d’enfants qui à l’entrée du service avaient un PC inférieur au 3e percentile. Sur l’effectif des 29 enfants qui avaient à l’admission tous les indices anthropométriques (poids, taille, PC) inférieurs au 10e percentile, 13 (44,8 %) n’ont eu aucun rattrapage et sont sortis avec tous les indices inférieurs au 10e percentile dont 5 en dessous du 3e percentile. Pour ce qui est des paramètres biologiques, le taux moyen des paramètres biologiques à la sortie était comme suit : hémoglobine 11,4 g/dL (5,5—21,6 g/dL), protide 48,2 g/L (41—59 g/L), albumine 31,8 g/L (27—48 g/L), urée 2,9 mmol/L (0,8—7,3 mmol/L). Sur l’effectif des 50 enfants qui avaient à l’entrée un taux d’urée inférieur à 2 mmol/L, 27 (54 %) ont bénéficié d’une normalisation de la balance protéique et sont sortis avec un taux d’urée supérieur à 2 mmol. Les 23 autres ont gardé un taux d’urée en dessous de 2 mmol/L. Parmi ces 23, il y avait 10 hypotrophes (8 RCIU, 2 RCEU). Concernant les 81 patients qui avaient un taux d’urée supérieur à 2 mmol/L à l’entrée, 59 (72,8 %) ont gardé à la sortie un taux supérieur à 2 mmol et 22 (27,2 %) avaient un taux inférieur à 2 mmol/L. Ces derniers ont concerné 15 eutrophes, 5 RCIU et 2 RCEU. Au total, sur l’effectif des 131 patients dont l’urée sanguine est renseignée à l’entrée dans le service, 45 sont sortis avec un taux d’urée inférieur à 2 mmol. En rapportant ces 45 enfants à leur état trophique d’admission, 28 étaient issus du groupe des 102 eutrophes, soit 27,5 % (15/102), 13 de celui des 20 RCIU, soit 65 %, et 4 de celui des 9 RCEU, soit 44,4 % (4/9). Il n’y avait pas de différence significative entre les eutrophes et les hypotrophes pour tous les paramètres biologiques : hémoglobine (eutrophe 11,2 g/dL vs hypotrophe 11,7 g/dL), protide (eutrophe 48,3 g/L vs hypotrophe 47,9 g/L), albumine (eutrophe 31,7 g/L vs hypotrophe 31,4 g/L), urée (eutrophe 3,1 mmol/L vs hypotrophe 2,5 mmol/L). Pour ces paramètres biologiques, aucune mesure curative n’a été entreprise pendant l’hospitalisation. Concernant la tolérance de l’alimentation, elle était bien tolérée chez 129 (93,5 %) patients. Sept enfants ont présenté par contre un reflux et 2 autres une entéropathie sans pneumatose. Ces deux derniers cas ont nécessité d’un arrêt alimentaire pendant 4 jours dans un cas et 7 jours dans l’autre. Le résumé synoptique de l’évaluation de la prise en charge nutritionnelle est présenté dans le Tableau 5. 160 Tableau 5 K.V. Asse et al. Résumé synoptique de l’évaluation de la prise en charge nutritionnelle au CHCNP. Population totale Terme moyen (SA + j) État trophique Eutrophes (10—90e p.) Né eutrophe Rattrapage Hypotrophes (< 10e p.) RCIU RCEU Balance protéique (urée sanguine) Positive (urée > 2 mmol/L) Négative (urée < 2 mmol/L) Eutrophe RCIU RCEU Maternité CHCNP Terme moyen (SA + j) État trophique Eutrophes (10—90e p.) Né eutrophe Rattrapage Hypotrophes (< 10e p.) RCIU RCEU Balance protéique (urée sanguine) Positive (urée > 2 mmol/L) Négative (urée < 2 mmol/L) Eutrophe RCIU RCEU Séjour initial en réanimation Terme moyen à l’admission (SA + j) État trophique à l’admission Eutrophes (10—90e p.) Né eutrophe Rattrapage Hypotrophes (< 10e p.) RCIU RCEU Balance protéique (urée sanguine) Positive (urée > 2 mmol/L) Négative (urée < 2 mmol/L) Eutrophe RCIU RCEU Entrée Sortie 33 + 0 37 + 2 95/138 93 2 43/138 34 9 88 82/95 6/43 50 31 19 (6/9 + 13/95) 81/131 50/131 26 20 4 86/131 45/131 28/102 13/20 4/9 33 + 5 37 + 1 55/70 55 0 15/70 15 0 46/70 45 1 24/70 14 10 52/68 16/768 10 6 0 51/68 17/68 10 5 2 33 + 5 37 + 4 40/68 38 2 28/68 19 9 43/68 37 5 25/68 16 9 (6/9 + 3/19) 29/63 34/63 16 14 4 36/63 27/63 15 8 4 SA + j : semaine d’aménorrhée + jour ; RCIU : retard de croissance intra-utérin ; RCEU : retard de croissance extra-utérin. Discussion Cette étude rétrospective et descriptive évalue, pour la première fois, la prise en charge nutritionnelle du nouveau-né hospitalisé au CHCNP depuis la mise en place du protocole de nutrition du service en 2007/2008. Elle montre que la prise en charge nutritionnelle concerne dans 95,6 % des cas un prématuré et donne dans la majorité des cas un résultat satisfaisant avec peu de complications. Elle favorise une croissance pondérale satisfaisante des nouveau-nés admis eutrophes dans 86,3 % des cas. Cependant cette prise en charge reste insuffisante pour les nouveau-nés, admis avec un retard de croissance. Pour ces derniers, le rattrapage du poids ne concerne que seulement 13,9 % des cas. Évaluation de la prise en charge nutritionnelle du nouveau-né Durant cette phase post-natale précoce, la croissance staturale paraît davantage affectée et « freinée ». En effet notre étude montre que seulement 10 % des hypotrophes et 74 % des eutrophes ont une taille supérieure au 10e percentile. Par contre, la croissance cérébrale semble préservée. Notre travail indique que 97,1 % des eutrophes et 41,2 % des hypotrophes sont sortis avec un périmètre crânien supérieur au 10e percentile. Il se crée ainsi une croissance « dysharmonieuse » entre le poids, la taille et le périmètre crânien au bénéfice de la croissance cérébrale. Cette situation peut être due à la prise en charge nutritionnelle mais aussi à des phénomènes d’adaptation à l’instar de la croissance in utero en cas de déficit placentaire. Le maintient d’une croissance cérébrale optimale chez le nouveau-né eutrophe voire le rattrapage chez 41,2 % des hypotrophes est un résultat encourageant pour le devenir neurologique de ces enfants. Le freinage de la croissance staturale plus marqué que la croissance pondérale fait poser des questionnements sur les éventuelles conséquences à plus long terme de cette phase de croissance dysharmonieuse et son implication potentielle dans les syndromes métaboliques observés à long terme chez les anciens prématurés ou hypotrophes. L’insuffisance de rattrapage pondéral est probablement due au fait que la majorité des hypotrophes dans notre série a une balance protéique négative à l’admission et cela quelle que soit la provenance (maternité locale ou après séjour initial en réanimation). Nos résultats confirment que le déficit protéique (initial ou acquis) ne peut pas être toujours rattrapé, même si les apports protéiques et caloriques sont corrects par la suite comme l’atteste la normalité du taux moyen de l’urée sanguine aussi bien chez les eutrophes que les hypotrophes. Les facteurs qui interviennent dans la survenue du retard de croissance intra-utérin sont nombreux. Il faut rappeler le rôle de l’empreinte génomique parentale, de l’hormone de croissance [11] ou des facteurs insulino-mimétiques [12]. Le RCEU à la sortie représente 13,7 % dans notre étude et concerne dans plus des deux tiers des cas un nouveau-né venant de la maternité du CHCNP. Il s’agit le plus souvent d’un grand prématuré (< 33 SA) né hypotrophe. Notre proportion de RCEU paraît faible comparée à celle de 51 % rapportée par Mucignat et al. [13] alors que les deux études sont rétrospectives, ont sensiblement les mêmes effectifs, portent sur une population mixte et utilisent la courbe de référence AUDIPOG avec un seuil de définition de l’hypotrophie au 10e percentile. La différence de la population d’étude pourrait expliquer cela. En effet l’étude de ces auteurs a porté uniquement sur les grands prématurés (27—33 SA) alors que la nôtre comportait en sus des petits prématurés et des nouveaunés à terme. Dans la littérature [14,15], la proportion de retard de croissance extra-utérin varie entre 23 et 97 % et dépend de la courbe de référence pondérale utilisée, du seuil de définition retenue et de la trophicité de la population à la naissance. Par exemple, l’écart maximum entre le 10e percentile de trois courbes pondérales françaises peut varier, suivant l’âge gestationnel de la courbe, de 440 g à 25 g ; il n’est inférieur à 100 g que de 38 à 40 semaines [16—19]. Les enfants ayant acquis un RCEU comparé aux eutrophes ont eu plus de pathologies respiratoires, 47,2 % contre 21,9 %, et plus de canal artériel persistant, 15,8 % contre 4,9 %. On sait que ces deux pathologies sont corrélées avec des gains de croissance moindre par augmentation des 161 dépenses énergétiques dans les dysplasies par exemple ou par la nécessité de limiter les volumes des apports (et donc souvent en parallèle les apports en calories) dans la pathologie du canal persistant. En outre, dans près de la moitié des cas de RCEU, la balance protéique est négative à la sortie, ce qui traduit un déficit protéique. Pour certains auteurs le RCEU est dû dans la moitié des cas à un déficit protéinoénergétique avec une emphase particulière sur le déficit protéique initial [20]. Cependant d’autres raisons, souvent intriquées, peuvent expliquer la survenue d’un RCEU comme par exemple la grande prématurité avec hypotrophie et l’existence de pathologies associées. Le grand prématuré hypotrophe est beaucoup plus exposé au RCEU du fait de la perte de poids plus importante pendant les premiers jours de vie [21—23]. D’autres facteurs significativement associés au RCEU ont été évoqués. Il s’agit de la toxémie gravidique, l’asphyxie néonatale, l’entéropathie et l’infection nosocomiale [13]. Bien que les indices anthropométriques des enfants eutrophes soient significativement supérieurs à ceux des hypotrophes à la sortie, il n’existe pas de différence en termes de gain absolu quotidien entre les deux groupes sur la période du séjour pour le poids et la taille. Pour le périmètre crânien, par contre, le gain est proche de la significativité (p = 0,059), en faveur d’une croissance légèrement supérieure pour les hypotrophes. Le rattrapage pondéral n’est retrouvé que pour 13,6 % des hypotrophes et cela malgré l’utilisation du lait de la mère enrichi et de formules pour prématurés plus riches en protéine et calories. Ces préparations sont supposées favoriser une prise de poids journalière entre 19—20 g/kg par jour. Leur composition adéquate en triglycérides à chaîne moyenne, acide docosahexaénoïque (DHA), fer, calcium, phosphore est réputée pour garantir une bonne croissance et un développement cognitif optimal. L’utilisation des formules pour prématurés stade 1 encore plus enrichies en protéines devrait permettre d’optimiser l’accrétion protidique chez les hypotrophes. Notre étude rapporte cependant que 13 enfants sortent du service avec tous les indices anthropométriques (poids, taille, PC) inférieurs au 10e percentile. Pour ces enfants, le problème de rattrapage ne relèverait pas uniquement de la nutrition. Un déficit des réponses hormonales tel qu’une diminution de la production des facteurs de croissance, pourrait être impliqué [24]. En outre, il faudrait craindre chez ces enfants la survenue à moyen et long terme d’une obésité et/ou d’un trouble de cognition et de développement verbal. C’est pourquoi, il serait licite de planifier chez eux un suivi ultérieur à 4 mois, 9 mois, 12 mois et 2 ans. Settler et al. [25] ont montré qu’une prise de poids trop importante pendant les 4 premiers mois de vie chez des nouveau-nés à terme étaient associée à une augmentation d’obésité à l’âge de 7 ans, quels que soient le poids de naissance et le poids à l’âge d’un an. Les nouveau-nés hypotrophes de notre série ne présentent pas moins de pathologies que les eutrophes contrairement à ce qui a été rapporté par d’autres auteurs comme Amin et al. [26]. Ces auteurs ont rapporté en 1997 que certaines pathologies néonatales (maladies des membranes hyalines, persistance du canal artériel et hémorragies intracrâniennes) sont significativement moins fréquentes chez les prématurés hypotrophes par rapport aux prématurés de poids normal ou de même âge gestationnel. D’autres auteurs comme Papillonne et al. [27] ont également rapporté que la 162 morbidité était relativement plus faible chez les prématurés hypotrophes comparés aux prématurés eutrophes. Le déficit de rattrapage pondéral chez les hypotrophes de notre étude ne peut donc pas s’expliquer par le biais d’une augmentation de la co-morbidité ou des pathologies. Notre travail présente cependant des limites. Il s’agit de l’expérience unique d’une unité de néonatologie agréée pour recevoir et prendre en charge des nouveau-nés à partir de 31 SA et/ou 1200 g. De part sa position dans le système sanitaire français, cette unité est susceptible d’admettre en majorité des nouveau-nés en situation clinique souvent moins critique ce qui constitue un biais de sélection. En outre, certains dossiers médicaux d’enfants inclus ne sont pas suffisamment renseignés pour tous les paramètres de l’étude. L’insuffisance porte notamment sur l’alimentation entérale et parentérale des nouveau-nés ayant eu un séjour initial en réanimation avant l’admission (date de début, durée, autonomie alimentaire, tolérance). En outre, la cause du problème respiratoire manque dans certains dossiers des patients avec séjour initial en réanimation. Toutes ces insuffisances relevées ne nous permettent pas de généraliser nos résultats à l’ensemble des unités de néonatologie en France. D’autres études ultérieures prospectives s’avèrent donc nécessaires pour une meilleure caractérisation de la nutrition du nouveau-né hospitalisé en unité néonatale de type 2B. Conclusion La prise en charge nutritionnelle au CHCNP concerne un prématuré dans 95,6 % des cas. Elle permet d’assurer une croissance pondérale satisfaisante des nouveau-nés admis eutrophes dans 86,1 % des cas. Cependant cette prise en charge reste insuffisante pour permettre le rattrapage pondéral des nouveau-nés admis hypotrophes dans la majorité des cas. Pour ces nouveau-nés hypotrophe, l’usage des préparations enrichies en protéine et en calorie telles que le lait de mère enrichi à l’Eoprotine® , le lait pour prématuré étape 1, la perfusion d’émulsion lipidique sur le cathéter veineux ombilical dès J0 pourrait être les mesures à entreprendre. L’amélioration de la pratique professionnelle en matière de nutrition du nouveau-né au CHCNP passe par la correction des insuffisances relevées dans ce travail. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Contribution des auteurs Tous les auteurs ont contribué intellectuellement à la préparation et à la révision du manuscrit. Ils ont tous approuvé le manuscrit avant sa soumission. Remerciements À M. Martial Kouame pour sa contribution à l’analyse statistique de ce travail. K.V. Asse et al. Références [1] Barker DJ, Osmond C, Simmonds SJ, Wield GA. 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