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DISCOURS DE MICHEL DANTIN AU COMITÉ DES RÉGIONS
1ER DÉCEMBRE 2016
« La politique européenne de l’eau »
REMERCIEMENTS
Monsieur le Président,
Mes chers collègues
Je tiens tout d’abord à remercier la commission de l’environnement du Comité des régions,
et l’ensemble de ses membres, pour m’offrir l’opportunité de m’exprimer devant votre
assemblée. En tant qu’élu local depuis plus de 30 ans – dans les instances départementales,
régionales, et aujourd’hui comme Maire de la ville de Chambéry dans les Alpes – je considère
que le dialogue entre nos institutions participe à la construction d’une Europe efficace, au
service dans des territoires.
En tant que Président du Comité de bassin Rhône-Méditerranée – l’un des 6 bassins
hydrographiques de la France – et Président du Comité intersyndical d’assainissement du lac
du Bourget (CISALB) depuis plus de vingt ans, l’eau est un sujet qui m’est cher. Depuis 2009,
c’est l’un de mes centres d’intérêt au Parlement européen. Au sein du groupe de travail
« Agriculture & gestion de l’eau », j’anime des conférences, afin de réunir les acteurs de l’eau
et les décideurs politiques, autour de thématiques clés. Pourtant, je le constate, l’eau un sujet
qui peine à mobiliser les foules dans notre instance parlementaire.
Je remercie également le Rapporteur Monsieur LOGGEN, pour deux raisons au moins.
D’abord, à travers cet avis, vous apportez de la visibilité politique à la problématique de l’eau.
Cette thématique est trop souvent la grande absente des sommets sur le changement
climatique. En témoigne l’Accord de Paris l’an dernier ou la COP 22 qui vient de s’achever à
Marrakech. A lecture des déclarations conclusives, pas un mot sur l’eau.
Ensuite, je tiens à saluer votre travail. L’avis que vous nous présentez aujourd’hui revêt une
importance toute particulière, l’intégration de systèmes innovants de gestion de l’eau a
vocation à améliorer la qualité de l’eau.
INTRODUCTION – COMMENTAIRES SUR L’AVIS
Permettez-moi tout d’abord de partager avec vous quelques commentaires sur l’avis proposé
par Monsieur le Rapporteur.
L’Union dispose d’une politique de l’eau globale et ambitieuse. En plus de 40 ans, la
construction européenne a fait émerger le dispositif réglementaire le plus protecteur à
l’échelle d’un continent.
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Michel DANTIN
Il assure la gestion de la ressource au niveau du grand cycle de l’eau sans considération des
frontières administratives. Les eaux urbaines, les eaux de baignade ou côtières, l’eau potable,
les recharges souterraines, le nitrate,… sont autant de domaines d’action de l’Union
européenne. Cette politique est guidée par :


Un principe directeur - le « statut de l’eau » - véritable baromètre de la qualité des
eaux,
Un cadre de gouvernance au niveau des territoires, autour des bassins
hydrographiques.
Toutefois, la législation européenne souffre d’importants retards de mise en œuvre et
d’écarts d’interprétation entre les Etats membres. Cela contrarie l’atteinte du « bon état »
de l’eau en Europe.
Afin d’y remédier, je soutiens pleinement votre avis : les acteurs de terrain, les autorités
locales et régionales devraient être davantage associées aux discussions sur l’amélioration de
l’application des règles européenne, et sur les réformes de la politique.
Je considère également que la politique de l’eau devrait s’appliquer davantage de manière
transversale. L’eau doit être décloisonnée de son champ et s’ingérer aux autres politiques qui
ont un impacte sur cette ressource. C’est un aspect que je développerai plus tard.
Avant cela, permettez-moi d’exprimer ma position sur les schéma-directeur, tels qu’institués
par la Directive-cadre eau. Mon expérience au Comité de bassin Rhône-Méditerranée
m’amène à défendre ce système. Il présente au moins deux atouts majeurs :

D’abord, les schémas directeurs sont le fruit d’une consultation de l’ensemble des
acteurs locaux (citoyens, utilisateurs d’eau, ONG, autorités locales) impactés par la
politique mise en place. Cette large participation permet une sensibilisation du
public, puisqu’il contribue au projet de schéma directeur, c'est-à-dire le plan d’action
pour répondre aux problématiques spécifiques des territoires.

Ensuite, ces schémas assurent la continuité de l’action en faveur de la restauration
des milieux aquatiques, sur la base de données fiables et actualisées. Le processus
d’élaboration des schémas, tel que défini par la DCE, permet d’élaborer un bilan des
actions mises en œuvre, afin (1) d’en évaluer l’efficacité, et (2) de proposer des
mesures d’adaptation pour mieux répondre aux objectifs.
C’est une démarche constructive, qui, dans ma région, porte ses fruits.
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Michel DANTIN
LA GOUVERNANCE ET L’EVALUATION DE LA DCE
Je souhaite à présent partager une réflexion plus générale sur la politique européenne de
l’eau et son instrument législatif phare : la directive-cadre eau.
J’en suis convaincu, ce dispositif offre un cadre de gouvernance unique au monde, dont la
performance est assurée par un découpage géographique et hydrographique des masses
d’eau, et une répartition des compétences parmi les acteurs concernés à tous échelons.
À cette gestion de l’eau par grands bassins hydrographiques, nous ajoutons en France un
échelon opérationnel – les bassins-versants – chargés de la mise en œuvre pratique et locale
des schémas-directeurs.
Pour autant, la DCE n’est pas sans montrer quelques failles, j’en note au moins deux
centrales :
D’une part, nous l’avons dit, la DCE souffre d’importants retards de mise en œuvre.
L’objectif du « bon état écologique » de l’eau en 2015 n’est atteint que pour 50% des eaux en
Europe ! Nous constatons également, qu’en plus des retards d’application, certains termes
de la DCE ne sont pas interprétés de la même manière d’un Etat membre à l’autre.
D’autre part, la DCE présente des lacunes au niveau de l’évaluation de l’efficacité de la
politique. Pour fonctionner, le dispositif doit être suffisamment stable et réactif pour pouvoir
afficher les progrès atteints. Or, les changements de méthodes d’évaluation de la qualité des
masses d’eau compliquent les comparaisons interannuelles. Ces évolutions sont elles-mêmes
le fruit de l’évolution de la connaissance. J’ai d’ailleurs souhaité présenter le fruit des 3
modes d’évaluation de la qualité de l’eau dans le tableau de bord du district.
En tant que législateurs, quelles réponses pouvons-nous apporter à ces lacunes ?
Je le dit devant vous, je ne suis pas le défenseur d’une profonde réforme de la DCE en 2019,
car, d’un point réglementaire, c’est un cadre efficace. Certes, des ajustements doivent être
apportés au texte, pour clarifier des notions, améliorer le partage des responsabilités entre
les parties prenantes, et créer des synergies avec les autres politiques sectorielles.
Mais je considère que le gros des efforts doit se concentrer dans l’application du texte et
sur une égale interprétation de ses attentes.
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Michel DANTIN
CHANGEMENT CLIMATIQUE
Revenons quelques instants sur ce défi de taille, celui qui nous rassemble aujourd’hui et
motive notre action, je veux parler du changement climatique.
Quelques chiffres éloquents suffisent à prendre la mesure de l’enjeu :

En 2030, 40 % de la demande mondiale en eau ne sera pas couverte, en l’état actuel,

La banque mondiale estime cette perte à un recul de plusieurs points de PIB, jusqu’à
6 points dans certaines régions,

En Europe, les pénuries d’eau ont déjà touché 11% des citoyens et 17% du territoire
en 2007,

Le coût des inondations sur notre continent est estimé à 100 milliards d’euros en 30
ans,
Et pourtant, les besoins en eau sont amenés à grandir dans les décennies à venir. L’accès à
l’eau potable et à l’assainissement n’est donc plus qu’un défi des pays du Sud.
Nous devons en Europe, réapprendre à économiser l’eau.
Pour cela, un objectif me semble prioritaire, il faut intégrer l’économie circulaire à l’eau.
Les principes de l’économie circulaire sont clairs, il s’agit de préserver, réutiliser et recycler
les ressources que nous utilisons dans un cercle fermé. Chaque déchet est ainsi réintégré à la
chaine comme produit. Dans le langage de l’eau, l’assainissement constitue la clé de voute
du modèle d’économie circulaire.
La société civile n’a pas attendu les politiques pour emboîter le pas de la transition vers une
économie circulaire. Partout en Europe, les entreprises innovent et investissent massivement
dans les nouvelles technologies :

En matière de traitement de l’eau, les membranes retiennent aujourd’hui plus de
micropolluants et assurent une eau toujours plus pure,

Le recours au numérique ou l’installation de compteurs d’eau intelligents facilitent la
gestion optimisée de l’eau,

L’amélioration et le renouvellement des infrastructures des favorise les économies
d’eau, et donc les économies d’énergie.
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Michel DANTIN
Sur le plan législatif, l’intégration de l’économie circulaire progresse au niveau de l’Union
européenne. 2017 sera une année intense au Parlement européen. Nous aurons notamment
à plancher sur la fixation d’un cadre commun pour la réutilisation des eaux usées. L’enjeu
est de taille, il s’agit de réduire les prélèvements nets, tout en en assurant un retour de l’eau
au milieu dans un meilleur état. Ces eaux recyclées serviront par exemple à l’irrigation dans
l’agriculture, ou à l’arrosage des espaces verts publics.
UNE APPROCHE INTEGRÉE ET MULTISECTORIELLE DE LA POLITIQUE DE L’EAU
Le défi de l’approvisionnement de l’eau en quantité suffisante pour satisfaire nos besoins, va
de pair avec l’impératif de qualité de la ressource, condition sine qua non à son utilisation.
Ne nous le cachons pas, l'agriculture est l’une des sources principales sources d’altération
de la qualité de l’eau en Europe.
L’irrigation intensive d’une part, et l’utilisation massive des engrais et des pesticides d’autre
part, perturbent les écosystèmes aquatiques dans 90% des bassins hydrographiques
européens.
Mais ne faisons des agriculteurs les ennemies de l’eau ! C’est une ressource dont ils
dépendent pour garantir les rendements de leurs récoltes. Il faut donc engager un dialogue
et associer les agriculteurs à la recherche de solutions pratiques et réplicables sur tout le
territoire. J’en suis convaincu, cette stratégie est gagnant-gagnant. Une eau de meilleure
qualité permettra d’augmenter les rendements et la valeur des produits européens.
Ce dialogue entre les acteurs de l’eau et les acteurs agricoles doit être engagé à tous les
niveaux de gouvernance : de l’exploitation agricole, jusqu’aux instances de délibération
régionales, nationales et européennes. La création de la task force « eau & agriculture » de
la Commissions européenne est à ce titre une initiative innovante que je salue. Celle-ci vise
à réunir les services des directions de l’agriculture et de l’environnement, afin de développer
des politiques d’adaptation dans l’agriculture qui permettront d’atteindre le bon état de l’eau.
Ce type de dialogue doit maintenant être répliqué à tous les échelons.
Mais l’agriculture n’est pas la seule responsable de la pollution des eaux, d’autres secteurs
impactent aussi la qualité de l’eau. C’est le cas de la santé, l’industrie ou le tourisme.
Je considère donc que l’Union européenne doit intégrer sa politique de l’eau dans une
approche multisectorielle.
CONCLUSION
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Michel DANTIN
Pour conclure, vous l’aurez compris, ma vision d’une politique de l’eau qui réponde aux
besoins de demain et aux exigences des citoyens européens, est une politique qui, dans le
sillon de la DCE, applique les principes de l’économie circulaire et s’intègre de manière
transversale à l’ensemble des secteurs de l’économie.
Je vous remercie.
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Michel DANTIN