Mes escapades en vélomoteur
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Mes escapades en vélomoteur
Patrice Lucquiaud Mes escapades en vélomoteur... Publié sur Scribay le 13/06/2016 Mes escapades en vélomoteur... À propos de l'auteur Retraités depuis janvier 2005, avec mon épouse, nous étions accompagnateurs de personnes handicapées mentales, ceci pendant 40 ans, dans un Foyer de Vie, en Haute Normandie. Licence Tous droits réservés L'œuvre ne peut être distribuée, modifiée ou exploitée sans autorisation de l'auteur. Mes escapades en vélomoteur... Mes escapades en vélomoteur... Gamin, j’ai fait pas mal de bicyclette … c’est bien le vélo... mais faut pédaler pour avancer … vous saviez ça !… Et dans les côtes, faut forcer en se mettant debout sur les pédales ce qui revient à grimper « en danseuse » en se trémoussant le popotin… Je devais avoir 12 ans quand, pour la première fois, j’ai expérimenté le vélomoteur … C’était à Pouzay dans l’Indre et Loire, sur un Solex qui appartenait à la fille aînée d’amis à mes parents. La petite sœur qui avait mon âge l’avait chapardé dans la cour et nous étions sortis sur la place, juste en face… C’est d’abord, Françoise, la petite sœur, qui l’a étrenné, faisant plusieurs tour de l’église puis ce fut mon tour. Je ne connaissais rien au fonctionnement de l’engin … le démarrer avec le moteur enclenché, en plus d’être dur, présentait l’inconvénient de faire chasser la roue avant brusquement si on avait pas assez de force dans les mollets. Il s’agissait du bon vieux Solex type 660 à entraînement à galet, le moteur étant en suspension au-dessus de la roue avant. En pédalant préalablement pour le lancer, il fallait pousser vers l’avant le levier basculant le moteur dont le galet entrait alors en contact sur la roue. Petite secousse et « broum broum broum... », ça démarrait en fumant un peu … plus besoin de pédaler, le vélo avançait seul…. le pied ! … Ah quelle sensation mes amis, quel plaisir !… J’en ai fait des tours d’église, la Françoise, courant derrière en criant pour que je m’arrête. Bon, on s’est fait copieusement réprimander par les parents et la grande sœur mais ça valait bien la peine… Il se passa plusieurs années avant que je remonte sur du « deux roues » motorisé… mais, à partir de mes quinze ans, les choses se sont précipitées… Ce fut d’abord à Charroux, à l’occasion de vacances chez ma Tante (sœur de mon père) Son mari, mon oncle donc, était maçon, un fort brave homme mais qui n’était pas très en phase avec le progrès. Bien qu’ayant les moyens, mon oncle n’a jamais eu de voiture. Pour voyager ce que d’ailleurs, ils effectuaient rarement, ils utilisaient les transports en commun et pour ses petits déplacements, mon oncle se servait de sa Mobylette AV2v1… Une antiquité, car il s’agissait d’un des premiers modèles mis sur la marché juste après la guerre… Un après-midi, je l’avais tellement « tanné » pour me permettre de faire un tour sur sa mobylette, qu’il avait cédé… Me la laissant, il me demandait de ne pas aller trop loin et de la ramener une heure plus tard, sans manquer de me faire les recommandations d’usage et surtout celles de prudence … Oui, oui, Tonton tu peux compter sur moi !… Tu parles !… Sillonnant les petites routes des environs, je suis allé jusqu’à Civray, parcourant au total plus de 45 Kms et ne revenant que deux heures plus tard … Bien sûr, le tonton n’a pas apprécié mon manquement et, à mon grand regret, ne m’a plus laissé sa mobylette… Dommage, car franchement, j’avais particulièrement apprécié cette escapade en vélomoteur… 3 Mes escapades en vélomoteur... Eh oui, déjà avec un petit moteur entre les chevilles, même les pieds reposant sur des pédales, on se sent un homme !… Quelques mois plus tard, mon père mit à ma disposition un vélomoteur d’un autre âge (disons préhistorique…) qu’il avait bidouillé lui-même ayant monté sur un cadre de petite motocyclette d’avant guerre à l’authentique fourche à parallélogrammes, un moteur "Le Poulain" de 45cm3, une mécanique antique et en "toc" aussi … Je vous passe l’allure de l’engin avec son cadre peint en noir, ses garde boues, son réservoir à carburant et ses jantes peintes en vert clair … sa grosse selle à énormes ressorts… impossible de passer inaperçu … Nous sommes en 1959 et les mobylettes bleues font déjà fureur chez les jeunes du moment... moi, avec mon « Le Poulain », je m’inscris directement chez les "Gugus" de service. Basta, j’adopte l’engin, à moins que ce ne soit le contraire… Ah, pour ça, je suis très remarqué avec ma mopette… j’vous dis pas !... D’autant que pour la mettre en route, je dois parfois parcourir la moitié du village en pédalant comme un forcené, suant sang et eau, avant que le moteur tousse… « Pot pot pot pot pot pot pot !… », je disparais enfin derrière un nuage de fumée bleue puis blanche… on me suit à la trace, à l’odeur aussi, et très facilement vu que l’engin ne dépasse pas le 25 à l’heure … N’importe quel cycliste lambda me dépasse et me sème … le pied, j’vous dis … Et justement les pieds sont mis à contribution au moindre palier montant car le moteur est particulièrement asthmatique dans les côtes, il faut donc le soulager en pédalant dare-dare… Je ne sais, au juste, combien de fois, je suis rentré à la maison en pédalant ou en poussant mon « Le Poulain » parfois sur plus de dix kilomètres, l’engin tombant régulièrement en panne… un vrai plaisir ! … Quand ce n’était pas le carburateur qui était en cause, c’était l’allumage ... que de fois nous avons, mon père et moi, plongé nos mains dans le cambouis à démonter puis remonter cette mécanique capricieuse !… Un jour, j’en ai tellement eu mare que j’ai repris mon vélo, avec lequel, je me fatiguais moins lors de mes promenades et, surtout, me sentais moins ridicule. Le « Le Poulain » resta dans le fond du hangar jusqu’au jour où mon père a dû l’envoyer chez le ferrailleur ; pourtant, déjà à cette époque, ce « petrolipède » aurait eu sa place dans un musée … Puis à la fin de l’Eté 1961, ne pouvant rentrer comme pensionnaire au lycée de Loudun, pour aller à mes cours, mes parents m’achetèrent une Mobylette bleue type AV88v1. C’était une occasion très récente qui n’avait roulé que six mois n’ayant que 850 Kms au compteur … Une bonne machine que j’étrennais dès le lendemain rejoignant mes parents en week-end partie de pêche sur les bords de la Vienne à Pouzay où j’avais goûté, pour la première fois, aux joies vélo-motoristes... La « mob » était nettement plus véloce que le Solex… Elle atteignait facilement le 55 à l’heure et croisait à un bon « 45 ». Sûr que du point de vue vitesse, on est encore loin du grand frisson mais cela me permettait déjà d’accomplir de bonnes distances les jeudi après-midi et dimanche 4 Mes escapades en vélomoteur... pour aller voir les copains et copines du moment … Déjà, pendant 8 mois, je suis allé au lycée de Loudun, partant chaque matin de Mirebeau et rentrant le soir accomplissant journellement 52 Km … Cette portion de 26 Km de La N147, (D347 aujourd’hui) je la connais parfaitement, j’aurai pu la faire les yeux fermés … d’ailleurs à partir de Chouppes, la route est toute droite sur 24 Km … Il me fallait en moyenne entre 40 et 45 minutes pour accomplir ce parcours… En plein hiver, quand il gelait, sous ma grosse canadienne je mettais des journaux plaqués contre ma poitrine pour faire obstacle à l’air froid. J’avais aussi un ensemble ciré, en deux parties, pantalon et vareuse, que j’enfilais par dessus le tout. Aux mains des gants de protection complétés par les manchons couvrant les poignées du guidon et, sous le casque, un passe montagne… Avec tout cet équipement, bonjour l’allure de cosmonaute !… Certains matins de grand froid, après avoir effectué les 26 Km du trajet pour aller jusqu’au bahut, j’avais les genoux gelés, le bout des doigts en feu, les oreilles toutes rouges et des grumeaux de glace dans mon passe-montagne … En cours, il me fallait une demi heure pour me réchauffer, je ne pouvais même pas tenir un stylo… Au printemps, c’était bien sûr, plus agréable et j’aimais bien m’arrêter en forêt de Scévolles pour marcher et rêvasser … Cette année là, j’ai parcouru presque 10000 Kms avec ma Mob… Au mois de Juillet 1962 je suis parti faire mon service militaire à Angoulême, devançant l’appel, j’en avais pris pour deux ans … La Mob, je l’ai ramené à la caserne la dernière année de mon service. Elle m’a permis d’être autonome pendant mes permissions… Angoulême – Mirebeau, ce n’est jamais qu’à 140 Km… ce qui représente 4 H de cyclomoteur… Début Juillet 1964, tout juste libéré de mes obligations militaire (Vive la quille !) je suis allé faire un stage CEMEA pour être moniteur de colonie de vacances. Mi Juillet, je rejoignais une colonie de vacances du CE de la RATP à Mézière-en-Brenne (Indre) Tous mes déplacements, je les faisais en mobylette… Ronde de nuit … Premier jour de congé … Je devais récupérer une valise avec des affaires perso à la caserne que j’avais quittée au début du mois … Donc, ce soir là, après avoir couché mes pioupious, il devait être 22H quand j’enfourchais la Mob à destination d’Angoulême… Le Blanc, Montmorillon, Confolens, La Rochefoucauld, Angoulème, une étape de 170 kms faite de nuit… Je me souviens du brouillard opacifiant la route qui longeait la Vienne, aux alentours de Confolens, humide au possible et surtout réduisant la visibilité au point que je devais longer le talus pour suivre la route… J’ai dû arriver à Angoulême vers quatre heure du matin. Je suis d’abord allé à la gare SNCF pour me reposer jusqu’au lever du jour, sur un banc de la salle d’attente. Vers 9H du matin, ayant récupéré ma valise au Quartier Bossu, je repartais aussitôt sur Mirebeau empruntant la N10. Je déjeunais dans un restaurant 5 Mes escapades en vélomoteur... routier aux environs de Vivonne puis arrivais à Mirebeau vers 14H30. Je laissais ma valise à la maison, Je me remis en route presque aussitôt pour rejoindre mon point de départ à Mézière-en-Brenne distant de 90 Kms … A 18H j’étais de retour au château de Beauregard, lieu de la colonie de vacances… Rejoignant la piaule que je partageais avec un autre mono, je suis allé me coucher dès mon arrivée pour dormir, d’une traite, jusqu’au lendemain matin… à 7H30, je levais nos pioupious, frais comme un sou neuf, le derrière et l’entre cuisse quelque peu mâchés, m’affublant de cette démarche arquée de vieux cavalier… effectivement, j’avais accompli un périple de 400 Kms, en à peine 20 heures (arrêts compris) à me tamponner le cul sur la selle de ma mob bleue. Une sacrée boucle pour une 49.9 "cul buté" !... C’est aussi avec cette mobylette qu’en ce mois d’octobre 1964, j’ai débuté comme VRP sous la tutelle de mon père qui m’envoyait prospecter dans les fermes afin de vendre des produits vétérinaires dont j’avais quelques échantillons dans mes sacoches… fallait oser... car un représentant en MOB, même à cette époque, ce n’était pas courant. Fort heureusement, cette aventure n’a pas trop durée, car j’obtenais mon permis de conduire, le mois suivant et, à la mi-novembre, j’allais visiter mes premiers clients en Panhard Dyna Z… En fait, vous l’avez pu lire par ailleurs, ce type de profession ne me convenant pas, une année plus tard je me retrouvais éducateur stagiaire au centre Saint Martin, entamant 40 ans de carrière d’accompagnement de personnes handicapées mentales … Comme je l’écrivais, plus haut, j’eus encore l’occasion de faire du cyclomoteur, dans l’intervalle de temps où je n’avais pas les moyens d’acheter une voiture Ainsi, en 1967, ayant revendu la Dauphine, j’acquérais une BB104 Peugeot, une mob grise, super carénée avec laquelle, pendant une année j’ai parcouru la verte Normandie. Un jour de congé, partant d’Etrépagny je suis allé jusqu’au Havre pour voir "Le France" à quai… Un aller et retour de presque 300 Kms … Ce récit est presque bouclé. Au retour du voyage en Grèce, ayant laissé ma Ford Anglia dans le Morvan, au cours de cet automne « 70", j’achetais un petit cyclomoteur Solex Flash qui avait la particularité d’avoir une transmission par cardan. Il m’a véhiculé pendant une huitaine de mois en attendant d’acheter la voiture suivante que je ne manquerai pas de vous présenter dans un prochain article … Au total, c’est certainement plus de 100 000 Km que j’ai parcourus en vélomoteur … Et pour conclure … En 1977, lors d’un stage de pratique artistique dans le cadre de la formation de moniteur éducateur, à l’école de Sées (Orne), j’avais entamé une sculpture sur bois qui, pour moi, représentait "Le Christ au mont des Oliviers". Passant visiter nos 6 Mes escapades en vélomoteur... « œuvres » respectives, mon ami Jean B, un Breton farceur et bon vivant, véritable boute-en-train de notre promotion, examinant ma réalisation, s’est alors esclaffé : On dirait John Travolta en Mobylette !… Tout le monde autour, moi compris, partîmes d’un formidable éclat de rire … De toute façon, dans notre milieu d’éduc, pour côtoyer les populations marginales mais non dépourvues d’originalité … il faut nécessairement avoir un "sacré pet au casque" !… 7