La papillomatose laryngée de l`enfant : aspects épidémiologiques
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La papillomatose laryngée de l`enfant : aspects épidémiologiques
Journal de pédiatrie et de puériculture (2012) 25, 237—241 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ARTICLE ORIGINAL La papillomatose laryngée de l’enfant : aspects épidémiologiques, thérapeutiques et évolutifs Laryngeal papillomatosis in children: Epidemiologic, therapeutic and evolutionary aspects O. Maliki ∗, H. Nouri , T. Ziad , Y. Rochdi , L. Aderdour , A. Raji Service ORL et de chirurgie cervico-faciale, CHU Mohammed VI, Marrakech, Maroc Reçu le 20 février 2012 ; accepté le 4 juin 2012 MOTS CLÉS Papillomatose ; Larynx ; HPV ; Trachéotomie ; Traitement KEYWORDS Papillomatosis; ∗ Résumé Introduction. — La papillomatose laryngée est une prolifération tumorale bénigne du larynx, relativement rare, observée généralement chez les enfants. Patients et méthodes. — Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 21 cas de papillomatose laryngée recensés sur une période de sept ans (de janvier 2004 à décembre 2010). Résultats. — L’âge moyen au moment du diagnostic était de six ans et le sex-ratio de 1,11. Tous les enfants étaient dysphoniques, et 52 % avaient une dyspnée laryngée. La trachéotomie a été réalisée dans 76 % des cas. L’épluchage des papillomes à la pince sous laryngoscopie directe a été réalisé chez tous les malades. L’étude histologique faite systématiquement a affirmé le diagnostic et a permis d’éliminer un néoplasme. La décanulation a été effectuée chez tous les patients trachéotomisés. Conclusion. — La prise en charge de la papillomatose laryngée pose d’énormes difficultés thérapeutiques. Aucun traitement étiologique n’est disponible actuellement. Son évolution capricieuse nécessite une surveillance régulière des patients. © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Introduction. — Laryngeal papillomatosis is a rare benign tumour of larynx generally observed in children. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Maliki). 0987-7983/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2012.06.001 238 Larynx; HPV; Tracheotomy; Treatment O. Maliki et al. Material and methods. — From January 2004 to December 2010, 21 patients with laryngeal papillomatosis have been recorded. Results. — The mean age at the time of diagnosis was 6 years and the sex ratio was 1.11. All children were dysphonic, and 52% had laryngeal dyspnea. The tracheotomy was done in 76%. The only available treatment in our department was stripping by forceps due to direct laryngoscopy under general anaesthesia. Histological study was done systematically. Decannulation was performed in 100% of patients. Conclusion. — The management of laryngeal papillomatosis raises major therapeutic difficulties. There is not an etiological treatment right now. Capricious evolution of this pathology requires regular monitoring of patients. © 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Introduction La papillomatose laryngée se définit comme une prolifération tumorale bénigne de type papillaire et de nature malpighienne développée au niveau du larynx et généralement observée chez l’enfant. Elle résulte d’une infection par un papillomavirus humain (HPV), essentiellement le sous-groupe 6 ou 11 [1]. Ces derniers sont moins oncogènes que les sous-groupes 16/18 et 31/34. Cependant, l’HPV 11 est plus agressive et serait plus carcinogène que l’HPV 6 [1]. Le diagnostic de papillomatose est suspecté chez l’enfant présentant une dysphonie supérieure à trois semaines. Il est fortement évoqué par l’aspect endoscopique et doit être confirmé par une étude histologique [2]. Les risques de cette pathologie sont la dissémination aux bronches ou aux poumons ainsi que la transformation maligne donnant un carcinome épidermoïde du larynx ou du poumon [3,4]. Les auteurs rapportent leur expérience dans le traitement de la papillomatose laryngée, dans un pays en voie de développement, basé sur l’épluchage par microchirurgie laryngée. Les objectifs de ce travail sont : • d’étudier les aspects épidémiologiques ; • d’étiqueter les difficultés de la prise en charge ; • d’étudier les aspects évolutifs de la papillomatose laryngée. Patients et méthodes Notre étude rétrospective porte sur 21 cas de papillomatose laryngée colligés sur une période de sept ans (de janvier 2004 à décembre 2010). Nous avons étudié les paramètres suivant : le sexe, l’âge, le délai de consultation, le siège des lésions, les traitements effectués, ainsi que l’évolution après traitement. Résultats Données épidémiologiques Nous avons recensé 21 cas de papillomatose laryngée sur une période de sept ans soit une fréquence annuelle d’environ trois cas par an. Il s’agissait de 11 patients de sexe Tableau 1 Symptômes lors de la première consultation. Symptômes Nombre Pourcentage (%) de cas Dysphonie isolée 10 Dysphonie + dyspnée stade I, II 9 Dysphonie + dyspnée stade III, IV 2 47,61 42,85 9,53 masculin et dix de sexe féminin soit un sex-ratio proche de 1. L’âge moyen des patients au moment du diagnostic était de six ans (extrêmes deux à 16 ans). Nous n’avons pas trouvé d’antécédents de condylome de la filière génitale chez les mères après interrogatoire et consultation de leur dossier gynécologique. Aspects cliniques Le délai moyen de l’évolution de la maladie avant la première consultation était de dix mois. Les symptômes observés lors de la première consultation sont représentés dans le Tableau 1. L’examen oto-rhino-laryngologique par nasofibroscopie a mis en évidence des touffes blanchâtres de papillomes mûriformes organisés en grappe sur les cordes vocales (Fig. 1). L’étage glottique était constamment atteint d’où la présence de la dysphonie chez tous les patients (21 cas), avec une extension à l’étage sus glottique dans trois cas (14 %) et à l’étage sous glottique dans six cas (28 % des cas). Aucune atteinte trachéale ni pulmonaire n’a été décelée. Traitement La trachéotomie a été réalisée chez 16 patients (76 %) dont 2 cas en extrême urgence. L’épluchage perendoscopique à la pince sous laryngoscopie directe a été pratiqué chez tous les patients avec une moyenne de trois séances d’épluchage espacés de 25 jours en moyenne (Fig. 2). Tous les patients ont bénéficié d’un examen histologique des fragments d’exérèse confirmant le diagnostic de papillomatose laryngée. L’étude histologique a objectivé un épithélium malpighien formant des lésions exophytiques avec hyperplasie, parakératose et hypercanthose (Fig. 3). La recherche sus-sérotype viral n’a pas pu être réalisée par manque de moyens techniques. La papillomatose laryngée de l’enfant Figure 1. Vue nasofibroscopique. Touffes de papillomes, en grappe, au niveau de la corde vocale gauche, comblant l’étage glottique. Figure 2. Laryngoscopie directe en suspension chez un enfant. Aspects évolutifs La décanulation a été réalisée chez tous les patients trachéotomisés après un délai moyen de huit mois (extrêmes six à 18 mois). La récidive a été notée chez neuf patients (42 %), après un délai moyen de quatre mois et nécessitant en moyenne cinq séances d’épluchage. Deux d’entre eux ont gardé une voix enrouée. La rémission complète a été observée chez 12 patients (57 %) après un délai moyen de deux ans. Discussion La papillomatose laryngée est une prolifération tumorale bénigne du larynx de type papillaire et de nature malpighienne. C’est la plus fréquente des tumeurs bénignes 239 Figure 3. Lame histologique (HES × 100) montrant un épithélium malpighien formé de lésions exophytiques avec hyperplasie et parakératose. du larynx chez l’enfant [2]. C’est une affection rare dans les pays développés. Lindeberg et Elbrond rapportent une incidence annuelle de 4 pour 100 000 enfants [5]. Dekay et Darrow rapportent une incidence de 1,7 à 4,3/100 000 enfants aux états unis [6]. Dans notre série, nous avons recensé une moyenne de trois cas par an. Chez l’enfant, le sex-ratio est proche de 1 avec une discrète prédominance du sexe masculin dans certaines séries [2,7,8]. Dans notre série, nous avons une légère prédominance du sexe masculin avec un sex-ratio de 1,11. Cette affection est habituellement décrite chez les enfants [9]. Cependant, des études montrent qu’il existe deux pics d’âge de survenue des premiers symptômes avec un premier pic vers l’âge de deux à cinq ans et un second pic vers l’âge de 20 à 30 ans [5]. Le délai de la première consultation est le plus souvent retardé. Kpemissi et al. [10] notent un délai de trois à six mois. Notre étude a trouvé un délai de dix mois expliquant ainsi le retard diagnostic. Ce délai peut être plus long car la papillomatose est souvent assimilée à de l’asthme ou à une laryngite chronique pris en charge de façon répétée aux urgences pédiatriques. La symptomatologie clinique est presque stéréotypée. Il s’agit d’un patient présentant une dysphonie qui s’aggrave progressivement. Sa persistance impose un examen laryngé facilité par la nasofibroscopie. Vu tardivement, le patient se présente pour une dyspnée à type de bradypnée inspiratoire avec tirage et cornage [11]. L’endoscopie sous anesthésie générale permet d’établir le bilan lésionnel. Elle montre des touffes de papillomes d’aspect framboisé, mûriforme, rose grisâtre, en grappe. Ces lésions débutent habituellement sur le plancher des ventricules, sur la commissure antérieure et sur le un tiers antérieur de la corde vocale et peuvent s’étendre à tout le larynx voire l’hypopharynx et l’arbre trachéobronchique. Dans notre série, la localisation sous glottique n’a été constatée que dans 28 % des cas. L’étude histologique des papillomes est nécessaire, particulièrement chez les adolescents où une transformation maligne est à craindre [11]. Néanmoins, l’examen anatomopathologique doit être réalisé après chaque épluchage. Les types d’HPV impliqués dans cette affection sont HPV 6 et HPV 11 qui représentent les deux types d’HPV les 240 plus communément associés aux condylomes acuminés et il est bien établi que les enfants atteints de papillomatose laryngée ont été infectés à partir de la mère lors de l’accouchement [12]. Le retard de la première consultation de nos patients explique le nombre élevé de trachéotomies. Nous les avons réalisées dans 16 cas (76 %) dont 11 cas à but thérapeutique salvateur pour raison de dyspnée et cinq cas à but prophylactique vu le risque d’œdème laryngé après extraction instrumentale des formes étendues et agressives. La trachéotomie reste la seule alternative de sauvetage en urgence [7,13]. Diouf et al. [7] l’ont réalisé dans 74 % des cas. Timbo et al. dans 45 % des cas [13]. Cependant, ce geste salvateur compromettrait considérablement le pronostic de la maladie à long terme. De nombreux auteurs [8,11] signalent que la trachéotomie est un facteur de dissémination de la papillomatose dans le tractus trachéobronchique. Cette notion n’a pas été constatée dans notre série. La décanulation a été réalisée chez tous les patients trachéotomisés après un délai moyen de huit mois. Un seul patient âgé de six ans a nécessité une reprise de la trachéotomie après quatre mois de la décanulation et ce pour récidive. La prise en charge de la papillomatose laryngée n’est que symptomatique et palliative. Aucun traitement curatif n’est disponible pour le moment. Plusieurs alternatives thérapeutiques existent ou sont en voie d’élaboration. L’épluchage à la pince sous laryngoscopie directe en suspension et sous anesthésie générale reste le seul moyen thérapeutique disponible dans notre centre. La vaporisation au laser CO2 par voie endoscopique sous anesthésie générale est une alternative thérapeutique de plus en plus utilisée actuellement [14]. Le microdébrideur a été proposé récemment pour le traitement de la papillomatose laryngée. Le saignement serait plus important en peropératoire mais les suites sont tout aussi simples que le laser CO2 [15,16]. Plusieurs auteurs rapportent l’intérêt du traitement adjuvant dans les formes agressives définies selon les critères de Doyle et al. [17,18]. L’interféron alpha-2a en injections sous cutanées quotidiennes ou hebdomadaires reste à discuter vu ses effets secondaires mal tolérés à type d’asthénie, céphalée, fièvre et alopécie [19]. L’interféron agit sur les papillomes par son action antivirale et antiproliférative liée à son activité sur l’immunité. D’autres études publiées rapportent l’utilité du cidofovir malgré son coût élevé [7]. En effet, le cidofovir est un nucléotide analogue de la cytosine ayant une activité antivirale. Il peut être utilisé par injection intralésionnelle après ablation chirurgicale des papillomes ou par injection in situ au sein des papillomes [2,20]. Cependant, les résultats de cette technique dépendent de la concentration du produit, de l’intervalle entre les administrations et du nombre d’injections [21]. Peu d’effets secondaires après utilisation intralésionnelle du cidofovir ont été décelés. Les effets secondaires concernent la néphrotoxicité et le potentiel carcinogène. Ce dernier a été source de débat pour aboutir à l’absence de risque surajouté au risque de dysplasie spontanée au sein des papillomes [22,23]. En l’absence d’études contrôlées, le cidofovir n’est pas recommandé chez la femme enceinte [2]. L’indol-3-carbinol, puissant inducteur du cytochrome P450, interfère avec le métabolisme des œstrogènes permettant O. Maliki et al. une réduction de la croissance des papillomes dans leurs formes florides [17]. L’utilisation de vaccins de HPV 6 et HPV 11 a été essayée par des auteurs comme traitement adjuvant des formes récidivantes et agressives et chez les patients dont l’utilisation d’un à deux thérapeutiques adjuvantes n’a pas donné d’effets [17,24]. D’autres auteurs insistent sur la nécessité de traiter un éventuel reflux gastro-œsophagien associé par les anti-acides [25]. Le pronostic vital est mis en jeu dans les formes diffuses et les formes totalement obstructives de l’étage glottique. De même pour les cas d’obstruction canulaire par bouchon muqueux responsables de décès surtout chez les enfants dont les canules sont de petit diamètre. Ondzotto et al. [11] rapportent deux cas de décès dans leur série à cause de bouchon muqueux. En cas de diffusion, la transformation maligne de la papillomatose pulmonaire en carcinome épidermoïde est une complication rare. Cette évolution maligne a été essentiellement rapportée chez des patients dont les papillomes avaient été traités par irradiation. Cette transformation est étroitement associée à HPV 11 [4]. Il a été observé que les infections à HPV 11 présentaient une évolution plus agressive que celles à HPV 6 [26]. Le pronostic fonctionnel dépend de la fréquence des épluchages à la pince. En effet, les traumatismes à répétition engendrent une raucité de la voix. Les récidives imprévisibles et fréquentes de cette affection, notamment dans notre série, rendent son évolution capricieuse. Conclusion La papillomatose laryngée est une affection tumorale bénigne du larynx relativement rare mais redoutable. Son diagnostic est habituellement aisé pour peu que l’on réalise systématiquement un examen laryngoscopique devant une dysphonie chronique chez l’enfant. L’épluchage, sur plusieurs séances, reste la seule thérapeutique disponible et accessible. Aucun traitement étiologique n’est disponible actuellement. Plusieurs thérapeutiques adjuvantes sont en cours de développement. Son évolution capricieuse nécessite une surveillance régulière. L’étude histologique s’impose vu le risque de transformation maligne des papillomes. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Saumet L, Damay A, Jeziorski E, Cartier C, Rouleau C, Margueritte G, et al. Papillomatose laryngée sévère évoluant vers un carcinome bronchopulmonaire associé à HPV 11 chez une enfant de 15 ans : à propos d’un cas. Arch Pediatr 2011;18:754—7. [2] Fuchsmann C, Ayari-Khalfallah S, Coulombeau B, Froehlich P. Papillomatose laryngée. Encycl Med Chir. Oto-rhinolaryngologie 2012, 20-705-A-10. [3] Derkay CS, Wiatrak B. Recurrent respiratory papillomatosis: a review. Laryngoscope 2008;118:1236—47. La papillomatose laryngée de l’enfant [4] Cook JR, Hill DA, Humphrey PA, Pfeifer JD, El-Mofty SK. 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