La liberté d`expression a des limites

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La liberté d`expression a des limites
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C’est signé
Décalages
La Gruyère / Jeudi 29 janvier 2015 / www.lagruyere.ch
PAR PIERRE SAVARY
Pour ne pas se faire
piquer son nom
Deux millions de noms de domaines en .ch existent en Suisse. Pour les propriétaires,
une nouvelle procédure administrative est impérative pour ne pas le perdre. Marche à suivre.
Un chiffre impressionnant: au 31 décembre 2014, on comptait 1928842 noms
de domaines enregistrés en .ch. Par exemple, lagruyere.ch. On franchira donc la
barre des deux millions dans le courant de
cette année. Cela représente grossièrement un nom de domaine pour quatre
habitants. Comment est-ce possible? Une
grande majorité d’entreprises possèdent
leur site internet en .ch. Il y a aussi tous
les groupements non lucratifs de toutes
sortes, ainsi que beaucoup de privés qui
ont décidé un jour de créer leur propre
site.
Rappelons-nous les débuts d’internet
en Suisse, au premier trimestre 1995.
A la fin de l’année, on ne dénombrait que
1472 noms de domaine. Avouons que peu
de monde y croyait vraiment. Ce n’était
pas gratuit. L’enregistrement du domaine
coûtait alors 220 francs, additionné d’une
facture annuelle de 96 francs.
Tous ceux d’entre vous, professionnels
et privés, qui possèdent un domaine internet en .ch, sont concernés par une décision de l’OFCOM. Jusqu’à présent, votre
nom de domaine était enregistré exclusi-
vement chez Switch.ch, seul organe officiel autorisé à enregistrer un nom de domaine en .ch et .li. Depuis 2015, tout
change avec la décision de la nouvelle ordonnance de la Confédération sur les domaines internet (ODI). Switch ne peut plus
proposer ce service. Voici ce que la fondation a communiqué: «Switch a mis fin à la
vente directe des noms de domaine .ch le
1er janvier 2015 et confie l’encadrement
des clients successivement à ses partenaires commerciaux, les registrars. Les
clients seront priés successivement par
Switch de procéder au transfert.»
Registrar, un terme un peu barbare.
Dans le domaine internet pour la Suisse,
ce sont les partenaires contractuels de
Switch. Ces sociétés seront compétentes
en matière d’enregistrement et de gestion
des noms de domaine .ch. C’est donc vers
elles que vous allez devoir obligatoirement vous adresser pour le transfert de
votre nom de domaine. C’est aussi le registrar de votre choix qui vous enverra
une facture annuelle.
Comment procéder? C’est finalement
assez simple. Rendez-vous à l’adresse
www.nic.ch. Vous découvrez les rubriques
«Transfert» et «Registrar». Comme il
s’agit de trouver votre nouveau partenaire
Madame La Gruyère,
Vous n’avez aucune nouvelle de lui depuis une année au moins.
Un jour de courants d’air, il frappe à la porte, sa valise à la main.
Vous le faites entrer. Il ne faudrait pas, mais c’est comme un ami
qu’on retrouve, on ne peut lui refuser l’hospitalité. Il entre, il défait sa valise dont vous connaissez déjà le contenu: un paquet de
mouchoirs, un seul, alors qu’il va en falloir un stère ou deux. Votre
vieil ami le rhume est de retour chez vous. Il ne vous lâchera pas
d’une semelle avant dix ou quinze jours.
Vous vous souviendrez assez rapidement que votre hôte n’est
pas un champion du dialogue. La fraternité, oui, le partage, oui,
mais c’est lui qui impose les règles. A l’heure de l’apéritif, il vous
tend un lot de potions diverses et effervescentes au goût de
poudre à fusil, en regard desquelles le chasselas paraît bien pâle.
De toute manière, avec le rhume, le goût du vin vous parvient
en courrier B. S’il ne se perd pas en route. Tout vous est assourdi.
Les odeurs de cuisine se mettent un drap sur la figure, les bruits
sont pris dans les gonfles, il y a de l’étoupe qui traîne dans les
engrenages du cerveau.
Le soir, après avoir renoncé à la télévision pour éviter des querelles de voisinage sur la question des décibels, vous vous glissez
entre vos draps. Vous tentez de lire un peu, mais la menace qui
pèse sur le beau papier et qu’un seul mouchoir ne suffira pas à
contenir vous contraint à abandonner. Alors, lassé, mais pour finir
aussi énervé, vous regardez votre rhume droit dans les yeux. Vous
le secouez, vous lui dites: «Toi, tu me fous la paix jusqu’à demain.
C’est clair?» Et le rhume, penaud, va se cacher derrière le réveil.
Au matin, en grand chien mouillé, il viendra vous lécher le nez.
Il vous enveloppera de son regard affectueux et vous le garderez
encore pour la journée. Et ainsi de suite, avec la crainte permanente qu’il en vienne à vous dire: «Je me sens si bien chez toi,
je me demande si je ne vais pas appeler ma copine. Ma copine la
grippe.»
Celui qui parle du nez
SUDOKU NO 282 Difficulté: 2/4
L’évolution du nombre de domaines en Suisse est spectaculaire. SOURCE WWW.NIC.CH
Multimédia
La visite
agréé, cliquez sur «Liste des registrars». Le
choix est immense, car ils sont internationaux. Pourquoi pas vers un registrar suisse
(il y en a 34)? Une comparaison actuelle
des prix a été dressée par le site www.hebergeurs-suisse.ch. Le meilleur marché est
l’entreprise suisse romande Infomaniak.ch
pour le prix de 8 fr. 90 par an, toutes
charges comprises. Pour comparaison,
Swisscom se situe à 17 francs. De toute façon, des sommes ridiculement faibles pour
la protection de votre domaine.
Toujours sur nic.ch, loggez-vous en
indiquant votre User-ID (indiqué sur vos
factures) et votre mot de passe. Vérifiez
la conformité actuelle de vos données,
puis sur «commander votre code de transfert». Le code vous sera envoyé sur votre
adresse mail. Ensuite, allez chez le registrar choisi par vous et indiquez le code
reçu. Complétez le questionnaire, et c’est
bon!
Un délai de quatre mois
Avertissement: si vous n’exécutez pas
cette procédure dans un délai de quatre
mois après l’échéance de votre contrat actuel, vous perdez votre nom de domaine,
alors enregistrable par un tiers!
PIERRE SCHWALLER
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copyright © 2011 by WWW.SUDOKU129.COM
Solution No 281
Logique et patience
Toutes les cases du Sudoku doivent recevoir
un chiffre, de 1 à 9, mais chaque ligne, chaque
colonne et chaque petit carré – tous étant
composés de neuf cases – ne peut avoir qu’un
seul exemplaire de ces neuf chiffres. Il existe
quatre niveaux de difficulté, de 1/4 très facile
à 4/4 difficile. Solution, conseils et programme
informatique sur www.sudoku129.com.
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La liberté d’expression a des limites
Perspectives
La liberté d’expression ne souffre-t-elle aucune exception? Lors d’une rencontre dans le cadre d’une émission TV il y a bien des années, Cavanna, fondateur
d’Hara-Kiri puis de Charlie Hebdo, avait répondu sans
ambages: «Elle est totale et je revendique le droit au
blasphème.» Les copains de Cavanna ont hélas payé
de leur vie la même revendication, odieusement
exécutés par le commando terroriste que l’on sait.
Les temps ont bien changé depuis cette émission où
Cavanna jetait ses piques. Il n’y avait pas de terrorisme et l’islamisme n’existait pas comme une menace permanente à l’échelle mondiale. C’est de ce
contexte-là qu’il faut aujourd’hui tenir compte. Ainsi,
affirmer haut et fort la liberté d’expression comme
principe inconditionnel ne doit pas nous empêcher de
nous interroger sur certaines limites à envisager.
Dans quelle situation nous trouvons-nous? D’un côté,
il y a en Occident une société sécularisée qui, dans
l’espace d’une démocratie laïque séparant l’Etat et les
religions, conçoit la liberté d’expression comme l’exercice d’un droit fondamental. Et ce droit va jusqu’à
l’exercice de la dérision à l’endroit des religions elles-
Les musulmans le reçoivent
comme une insulte. Allez leur
dire qu’ils doivent, comme nous,
séparer l’Etat de droit et ses
libertés de la religion. Ils ne comprennent tout simplement pas.
mêmes. Lorsque Charlie Hebdo ou d’autres ont ouvertement et même férocement caricaturé l’image du
Christ en croix, les chrétiens heurtés n’ont pas été
jusqu’à en appeler à la vengeance et la condamnation
sans rémission des coupables. Nous vivons dans un
contexte de tolérance qui accepte qu’on puisse aller
aussi loin, mais c’est à l’exclusion de l’insulte aux personnes croyantes elles-mêmes. Elles ont en effet le
droit de porter plainte en ce cas au nom de leur dignité blessée. C’est garanti par notre Etat de droit,
soulignons-le. Ainsi tolère-t-on en Occident la raillerie
adressée à l’espace religieux, fût-elle méchante, mais
pas l’insulte personnelle aux croyants. Là est la limite
et cette limite-là, les caricaturistes doivent la respecter. La liberté d’expression n’est donc pas sans exception, même chez nous.
D’un autre côté, il y a en Orient, au Moyen-Orient,
un tout autre contexte. Dans les pays à dominance
musulmane, point de société sécularisée. La religion
est sacrée et taboue: impensable de caricaturer Mahomet! Les musulmans le reçoivent comme une insulte. Allez leur dire qu’ils doivent, comme nous, séparer l’Etat de droit et ses libertés de la religion. Ils ne
comprennent tout simplement pas. Faut-il donc pu-
blier à tout prix des caricatures jugées offensantes
dans un tel contexte? Faut-il prendre le risque, même
si on croit avoir raison de défendre une liberté d’expression sans limites, de voir se constituer de nouveaux volontaires terroristes prêts à tuer pour venger
l’offense faite à Mahomet?
Il faut le dire: la folie de minorités fanatiques n’a
rien à voir avec la majorité des musulmans intégrés
dans nos démocraties, musulmans qui ont fermement
condamné en France et ailleurs la tuerie de Charlie
Hebdo. Mais cette folie vengeresse et aveugle est bien
là et il serait bon d’en tenir compte. N’a-t-elle pas entraîné des morts au Niger où plusieurs églises ont été
incendiées voilà quelques jours? Il est absurde que
des chrétiens soient victimes d’amalgames pareils,
mais c’est la triste réalité. La prudence est donc de
mise. Il est sage de savoir renoncer à des provocations
qui peuvent déclencher de nouveaux attentats et semer la mort sans pitié.
FRANÇOIS GACHOUD