Maori - GITPA

Transcription

Maori - GITPA
Maori
Description
Les
Maori
sont
un
peuple
répandu
en
Polynésie,
entre
Hawaii,
l’île
de
Pâques
et
la
Nouvelle‐Zélande.
Ils
y
auraient
navigué
pendant
des
siècles,
d’île
en
île
avant
de
s’y
installer
et
de
rejoindre
les
côtes
de
la
Nouvelle‐Zélande
il
y
a
environ
1000
ans.
Aujourd’hui,
les
Maori
sont
encore
bien
répandus
;
ils
seraient
environ
440
000,
divisés
en
différentes
tribus
(une
cinquantaine),
ayant
chacune
un
territoire
précis,
un
chef
et
un
système
de
coutumes
propre.
Ainsi,
on
compterait
en
Nouvelle‐Zélande
une
personne
sur
9
maori
pour
une
population
totale
de
4
millions
d’habitants1.
Organisation
sociétale
A
l’origine,
les
Maori
vivaient
essentiellement
de
la
chasse,
de
la
pêche
et
de
la
cueillette.
Puis,
se
sédentarisant
petit
à
petit,
ils
ont
mis
en
place
une
organisation
sociétale
souple
avec
un
système
politique
où
la
notion
de
généalogie
et
d’ancêtre
commun
revêt
toute
son
importance.
La
structure
sociale
des
communautés
maori
repose
sur
l’iwi
qui
pourrait
être
comparé
à
un
clan
et
qui
regroupe
plusieurs
familles
élargies
appelées
whanau
(groupes
composés
généralement
de
trois
générations)
ou
«
sous
communautés
»
appelées
hapu
et
dont
on
fait
partie
en
fonction
de
sa
généalogie2.
En
ce
qui
concerne
le
whanau,
celui‐ci
en
tant
que
groupe
élargi
permet
une
forme
de
cohésion
sociale
et
de
solidarité
de
par
son
système.
En
effet,
le
whanau
étant
composé
de
plusieurs
générations,
il
permet
à
chacun
de
trouver
sa
place
selon
son
statut
:
ainsi,
les
personnes
âgées
y
sont
prises
en
charge
et
respectées,
les
enfants
de
la
communauté
y
sont
éduqués
par
l’ensemble
des
membres
du
groupe.
Quant
à
l’unité
politique,
le
hapu
en
est
le
noyau
central
chez
les
Maori.
Chaque
hapu
peut
comporter
jusqu’à
plusieurs
centaines
de
personnes,
reprenant
plusieurs
whanau
et
possède
un
territoire
bien
délimité,
leur
procurant
ainsi
une
certaine
forme
d’indépendance.
Cependant,
cela
pouvait
également
entrainer
des
conflits
entre
les
différents
hapu
qui
se
soldaient
soit
par
des
guerres
ou
par
des
unions
maritales.
A
l’intérieur
de
ces
hapu,
les
décisions
importantes
sont
prises
par
l’ensemble
des
membres.
C’est
ainsi
que
les
Maori
s’organisent
en
villages,
souvent
fortifiés
et
installés
dans
les
hauteurs,
véritables
forteresses
destinées
à
résister
aux
ennemis.
Une
place
au
centre
du
village
est
toujours
réservée
aux
cérémonies
publiques.
Nous
trouvons
également
dans
le
village
une
maison
commune
qui
est
celle
de
l’ancêtre.
Cœur
de
la
vie
1
2
Site
de
Survival
International
Nous
développerons
cette
notion
un
peu
plus
tard
dans
cet
exposé
1
communautaire,
cette
bâtisse
revêt
toute
son
importance
comme
en
témoignent
les
nombreuses
sculptures
qu’on
y
trouve
et
qui
symbolisent
une
partie
du
corps
de
l’ancêtre.
Cette
notion
d’ancêtre
et
de
généalogie
revêt
ici
une
importance
capitale
car
elle
détermine
un
groupe
social
et
la
place
de
chacun.
En
effet,
ces
groupes
tirent
leur
légitimité
aux
yeux
des
autres
communautés
en
s’affiliant
à
un
ancêtre
d’où
le
fait
que
les
communautés
utilisent
le
nom
de
leur
ancêtre
fondateur
pour
se
nommer.
Ainsi,
il
n’est
pas
rare
de
trouver
plusieurs
préfixes
avant
le
nom
proprement
dit
de
la
communauté
et
qui
traduisent
ces
filiations.
C’est
le
cas
notamment
du
préfixe
Te
Kahui
(l’assemblée),
Te
Uri
ou
Nga
(les
descendants),
Te
Ati…
(les
personnes
ou
leurs
enfants),
Te
Tini
ou
Te
Whanau
(la
famille)3
comme
les
communautés
Te
Uri­o­Rata,
Ngapuhi,
Te
Ati
Awa…
Certains
groupes
reprennent
même
tout
simplement
le
nom
de
leur
ancêtre
commun
ou
d’un
personnage
marquant
de
leur
histoire.
L’ancêtre
crée
ainsi
un
lien
intangible
entre
les
membres
au
fil
des
générations4.
Mythologies
et
généalogies
Chez
les
Maori,
le
sacré
est
intimement
lié
aux
mythes
mais
aussi
à
tout
ce
qui
touche
à
la
tradition.
Nous
trouvons
ainsi
dans
la
culture
maori,
des
récits
mettant
en
scène
d’une
part
les
divinités
ou
atua
et
d’autre
part
les
ancêtres
ou
tupuna,
ces
mythologies
étant
fortement
liées
entre
elles.
En
effet,
comme
bien
souvent,
ces
récits
mythologiques
aident
l’Homme
à
appréhender
non
seulement
son
environnement
mais
aussi
son
existence.
Chaque
société
met
donc
en
avant
une
série
de
mythes
concernant
l’origine
de
la
vie,
de
l’homme,
les
forces
de
la
nature,
de
l’univers.
Chez
les
Maori,
nous
retrouvons
ces
mêmes
thèmes
à
travers
ces
deux
types
de
récits.
En
ce
qui
concerne
les
récits
mythologiques
mettant
en
scène
les
«
divinités
»,
nous
pouvons
citer
les
récits
de
création
du
monde
qui
suivent
une
structure
particulière.
Ces
récits
narrent
dans
un
premier
temps,
l’idée
d’un
passage
du
rien
(ou
de
l’obscurité)
à
quelque
chose
(à
la
lumière).
Les
termes
sont
nombreux
pour
décrire
cette
étape
et
varient
selon
les
communautés
:
Te
Kore
(que
l’on
pourrait
traduire
par
«
le
néant
»),
Te
Po
(«
l’obscurité
»,
«
la
nuit
»)
et
Te
Ao
(«
la
lumière
»,
«
le
monde
»).
S’en
suit
ainsi
une
progression,
un
mouvement
entre
ces
différents
stades
décris
par
les
différentes
mythologies,
une
oscillation
entre
lumière
et
ténèbres.
Dans
certaines
versions,
l’évolution
du
monde
est
comparée
à
un
arbre,
avec
son
tronc,
ses
racines
et
ses
branches.
Le
mouvement
du
développement
de
l’univers
est
alors
présenté
sous
forme
généalogique
(ou
whakapapa),
donnant
l’idée
que
chaque
étape
est
3
R.
Taonui,
Tribal
organization,
in
Te
Ara
‐
Encyclopedia
of
New
Zealand,
updated
24‐Sep‐11
(http://www.teara.govt.nz/)
Nous
verrons
un
peu
plus
tard
que
la
notion
d’ancêtre
et
surtout
de
généalogie
revêt
toute
son
importance
au
sein
des
croyances
et
mythologies
maoris
4
2
le
résultat,
le
«
descendant
»
de
la
précédente5.
«
En
effet,
le
whakapapa
est
un
système
de
références
à
travers
lequel
sont
formulés
les
récits
cosmologiques
et
généalogiques.
Cette
notion
exprime
les
liens
de
parenté
entre
les
peuples,
les
régions
tribales,
l’environnement
naturel
et
l’inter‐relation
entre
toutes
choses,
animées
et
inanimées,
ainsi
que
les
relations
entre
le
temps,
l’espace
et
les
générations.
Elle
permet
aux
Maori
de
s’identifier
par
rapport
aux
autres
et
au
monde
qui
les
entourent6
».
Puis
s’en
suit
une
seconde
et
troisième
étape,
centrée
autour
de
la
séparation
entre
le
ciel
et
la
terre
ainsi
que
l’organisation
et
la
création
du
monde
naturel
par
des
divinités.
En
effet,
la
plupart
des
mythologies
narrent
un
événement
à
l’origine
du
monde
que
nous
connaissons.
Chez
les
Maori,
la
création
du
monde
commence
par
le
néant
d’où
sort
Ranginui,
le
Père
du
Ciel,
et
l’émergence
de
Papatuanuku,
la
Terre‐Mère.
Au
départ,
ces
deux
«
êtres
»
sont
intimement
liés
et
donneront
d’ailleurs
naissance
à
des
enfants.
Ces
derniers
finiront
par
conspirer
afin
de
séparer
leurs
parents,
acte
grâce
auquel
jaillira
la
lumière.
Les
enfants
de
Ranginui
et
Papatuanuku
deviendront
par
la
suite
des
déités
associées
au
monde
naturel
:
Tane
deviendra
la
divinité
attachée
aux
forêts,
Tangaroa
au
monde
aquatique…
De
cette
façon,
les
traditions
maori
ont
su
organisées
les
divinités
à
travers
une
large
généalogie
leur
permettant
d’expliquer
le
monde
naturel
et
son
organisation7.
Ces
récits
varient
souvent
d’une
communauté
à
l’autre
mais
les
étapes
semblent
respectées
par
l’ensemble
des
Maori.
Le
récit
le
plus
ancien
narrant
l’origine
des
dieux
et
des
hommes
est
contenu
dans
le
manuscrit
nommé
Nga
Tama
a
Rangi,
écrit
en
1849
par
Wiremu
Maihi
Te
Rangikaheke,
de
la
tribu
Ngati
Rangiwewehi
de
Rotorua
et
qui
débute
de
la
manière
suivante
:
«
Mes
amis,
écoutez‐moi
!
Les
peuples
Maori
proviennent
tous
d’une
seule
et
unique
source,
à
savoir
le
Grand‐ciel‐au‐dessus‐de‐nos‐têtes.
D’après
les
Européens,
Dieu
a
fait
le
Ciel
et
la
Terre
et
toutes
les
choses.
Selon
les
Maori,
le
Ciel
(Rangi)
et
la
Terre
(Papa)
sont
eux‐mêmes
la
source8
».
Un
élément
pourtant
semble
faire
débat
au
plus
haut
point
:
il
s’agit
de
la
question
d’un
être
suprême,
présenté
sous
le
nom
de
«
Io
».
En
effet,
cet
être
est
un
sujet
de
grand
débat
chez
ces
communautés
dans
la
mesure
où
les
plus
anciens
écrits
ne
font
mention
d’aucun
être
suprême
et
que
celui‐ci
n’apparaît
que
dans
les
manuscrits
du
XIX°
siècle.
Dès
lors,
les
discussions
se
multiplient
ainsi
que
les
«
explications
»
amenant
chacune
de
ces
communautés
à
avoir
sa
propre
vision
de
cet
être.
Quoiqu’il
en
soit,
il
est
certain
que
ces
mythologies
ont
influencé
et
influencent
le
rapport
que
peuvent
entretenir
les
Maori
avec
le
milieu
naturel.
En
effet,
les
nombreuses
traditions
maori
utilisent
des
symboles
comme
celui
de
l’accouchement,
de
la
croissance
5
D’où
l’importance
de
la
généalogie
chez
les
Maori
qui
se
présentent
souvent
à
partir
de
leur
waka,
c’est‐à‐dire
d’après
leurs
ancêtres.
Le
waka
devient
ainsi
un
outil
d’identité
collective
et
d’affirmation
culturelle.
6
Exposition
du
quai
Branly
«
Māori,
leurs
trésors
ont
une
âme
»
:
http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/prochainement/maori/autour‐de‐lexposition‐maori.html
7
Nous
retrouvons
ces
différentes
étapes
de
manière
plus
précise
dans
l’article
«
Maori
creation
traditions
»
8
D.
S.
Walsh
et
Bruce
Biggs,
Maori
Myths
and
Traditions,
Wellington,
Linguistic
Society
of
New
Zealand,
coll.
«
An
Encyclopaedia
of
New
Zealand
2
/
Government
Printer
»,
1966,
p.
447
‐
454
3
des
arbres…
afin
d’exprimer
l’idée
d’une
création
constante
et
répétée
de
notre
univers
naturel
à
travers
la
notion
d’un
perpétuel‐en‐devenir.
Cette
notion
est
la
clé
de
la
tradition
maori
et
de
sa
manière
d’être
au
monde.
Le
récit
généalogique
ou
whakapapa
est
également
très
présent
chez
les
Maori.
A
l’image
de
ce
qui
a
été
dit
précédemment,
la
généalogie
permet
de
créer
un
lien
entre
les
peuples
et
les
héros
mythiques.
En
effet,
en
rappelant
sa
filiation
par
le
biais
de
la
généalogie,
la
personne
se
place
dans
une
forme
de
légitimité
au
sein
de
la
société
maori.
La
généalogie
de
ce
fait
sert
également
à
rendre
un
«
compte‐rendu
»
de
l’histoire
et
de
l’évolution
de
l’univers
mais
aussi
du
peuple
maori.
D’ailleurs,
chaque
communauté
garde
précieusement
un
«
registre
»
des
liens
de
parenté
de
chacun
et
de
la
généalogie
de
ses
membres.
Rappelons
ici
que
les
récits
de
création
reprennent
en
grande
partie
cette
forme
de
généalogie.
De
ce
fait,
la
généalogie
apparait
comme
un
art
sacré
aux
yeux
des
Maori.
Cette
sacralisation
de
la
généalogie
se
retrouve
même
au
sein
de
l’organisation
de
la
vie
en
société,
intrinsèquement
liée
à
l’art
maori
lui‐même.
Ainsi
sur
les
maisons
et
notamment
sur
celle
au
centre
du
village,
nous
retrouvons
des
sculptures
représentant
l’ancêtre
soit
de
la
famille,
soit
de
la
communauté.
Des
rites
d’inauguration
ont
également
lieu.
On
assiste
ainsi
à
«
la
levée
du
tapu
»
qui
permet
en
effet
«
de
rendre
noa
(neutre
ou
accessible
à
tout
le
monde)
tout
objet
ou
construction
qui,
durant
sa
fabrication
et
son
utilisation,
a
acquis
le
wana
ou
le
mauri
(force
vitale)
de
son
propriétaire
ou
de
l’artiste
qui
l’a
conçu9
».
Grace
à
ce
type
de
rituel,
l’objet
est
«
apaisé
»
et
devient
accessible
au
regard
de
tous.
Nous
retrouvons
le
même
procédé
pour
les
pirogues,
outil
essentiel
dans
la
vie
de
ces
populations.
Ainsi,
l’art
revêt
un
caractère
sacré
pour
les
Maori
qui
le
teintent
d’un
message
mythologique
et
d’une
signification
religieuse
;
de
ce
fait,
par
l’objet,
l’artiste
crée
un
lien
entre
l’homme
et
ses
ancêtres
ou
ses
dieux10.
De
plus,
n’oublions
pas
que
ces
récits
mythiques
sont
aussi
à
la
base
des
rituels.
Ainsi,
par
la
narration
de
ces
mythes
à
travers
le
rite,
le
monde
est
à
chaque
fois
recréé.
La
religiosité
des
Maori
passe
alors
par
l’usage
de
chants,
de
musique
et
de
danse
qui
ponctuent
leurs
rites
;
ces
éléments
expriment
tous
les
aspects
de
la
vie
sociale
et
spirituelle,
permettant
ainsi
à
leurs
traditions
de
vivre
d’autant
plus.
Rappelons
l’utilisation
de
la
célèbre
danse
rituelle
utilisée
par
l’équipe
de
rubgy
des
All
Blacks
:
le
haka.
Ainsi
par
le
biais
du
sport,
les
Maori
ont
pu
faire
connaître
leurs
traditions
à
l’ensemble
du
monde
au
2011.
9
M‐C.
Bataille‐Benguigui,
Te
Maori
;
reconnaissance
d’une
identité,
in
L’Homme,
1985,
tome
25
n°96,
pp.
141‐147
«
Te
Maori
;
reconnaissance
d’une
identité
»
10
M‐C.
Bataille‐Benguigui,
ibid
4
Evolution
du
système
de
croyances
Au
fil
des
siècles
et
notamment
à
partir
du
XIX°
siècle,
le
système
de
croyances
des
Maori
a
connu
une
forte
évolution
au
contact
des
colons
et
surtout
au
contact
du
christianisme.
En
effet,
bien
qu’à
la
base,
les
Maori
reconnaissent
un
ensemble
de
déités
(au
sens
large
du
terme)
organisées
sous
forme
de
panthéon,
depuis
les
années
1820,
leurs
pratiques
morales,
religieuses
(et
même
leurs
politiques)
se
sont
vus
modifiées
par
une
présence
de
plus
en
plus
importante
du
christianisme.
Les
chrétiens
maori
pratiquèrent
alors
leur
foi
en
se
distinguant
des
autres
maori
et
en
prenant
leur
nouvelle
croyance
au
sérieux.
Parmi
ces
mouvements,
certains
se
développèrent
en
résistance
face
à
la
perte
des
territoires
maoris.
Face
à
ces
prises
de
positions,
les
colons
répondirent
en
punissant
tous
les
mouvements
religieux
maoris
qui
pouvaient
constituer
une
menace
symbolique
ou
réelle.
D’autres
mouvements
chrétiens
maoris
se
développèrent
notamment
dans
les
années
1850,
1860,
comme
réponse
aux
désillusions
face
aux
missionnaires,
aux
colons
ou
aux
gouvernements.
Pour
autant,
les
églises
ont
également
joué
un
rôle
important,
même
si
controversée,
dans
la
vie
politique
et
ses
rapports
avec
les
Maoris.
Entre
les
années
1830
et
le
début
des
missions
anglicanes
dans
les
années
1860,
les
membres
du
clergé
et
les
laïcs
ont
mené
différentes
campagnes
afin
de
défendre
les
droits
des
Maoris
et
de
leur
bien‐être.
Ainsi,
un
grand
nombre
de
chrétiens
maori,
souvent
anglicans,
défendirent
leurs
droits
fonciers
et
politiques.
Les
années
1990
ont
vu
la
montée
d’un
mouvement
pentecôtiste
dirigé
par
les
chrétiens
maori
(la
Destiny
Church)
qui
présente
des
similitudes
avec
les
églises
évangéliques
africaines
et
américaines
dans
sa
manière
d’être
et
sa
capacité
à
s’implanter
largement.
Certains
observateurs
ont
alors
suggéré
que
la
spiritualité
maorie
risquait
de
devenir
une
religion
officieuse
dans
cette
Nouvelle‐Zélande
moderne.
A
noter
qu’en
2006,
la
proportion
de
personnes
sans
religion
maori
(environ
34%)
était
légèrement
supérieure
à
celle
de
l'ensemble
de
la
population
(environ
32%)11.
Cependant,
même
si
beaucoup
de
Maori
sont
devenus
chrétiens,
ceux‐ci
ont
à
cœur
de
garder
leur
système
religieux,
notamment
leurs
anciennes
croyances,
et
surtout
le
culte
qu’ils
vouent
aux
ancêtres.
Qu’en
est­il
aujourd’hui
?
L’histoire
coloniale
de
la
Nouvelle‐Zélande
a
eu
une
grande
influence
sur
l’histoire
et
l’évolution
des
Maori.
En
effet,
avec
l’arrivée
des
colons
dès
le
XIXeme
siècle,
beaucoup
de
Maori
ont
vu
leurs
terres
être
spoliées.
Une
des
raisons
évoquées
seraient
une
ambiguïté
du
concept
de
souveraineté
dans
le
traité
de
Waitangi
de
1840
qui
garantissait
aux
Maori
à
la
base,
la
pleine
et
exclusive
propriété
de
leurs
terres
et
de
leurs
ressources
11
J.
Stenhouse,
Religion
and
society,
in
Te
Ara
‐
Encyclopedia
of
New
Zealand,
updated
29‐Sep‐11
(http://www.teara.govt.nz/)
5
naturelles.
Les
anglais
auraient
profité
d’une
erreur
de
traduction
du
concept
de
souveraineté
«
pour
justifier
une
prétendue
cession
de
territoires
au
profit
de
la
couronne
britannique12
».
S’en
suivirent
plusieurs
protestations
allant
jusqu’à
des
guerres
entre
1859
et
1864
qui
n’aggravèrent
finalement
que
la
situation
:
«
confiscations
de
vastes
territoires,
une
résistance
armée
maori,
de
graves
épidémies,
une
individualisation
forcée
de
la
propriété
collective
de
la
terre
et
des
ressources
naturelles,
des
batailles
juridiques,
et
des
tentatives
appuyées
du
gouvernement
colonial
pour
supprimer
la
culture
et
la
langue
maori13
».
Depuis,
les
revendications
maori
n’ont
jamais
cessé
afin
qu’ils
puissent
récupérer
leurs
terres.
Cela
est
d’autant
plus
important
pour
ces
populations
que
ces
territoires
sont
reconnus
comme
sacrés
pour
les
Maori
;
en
effet,
ces
populations
considèrent
le
monde
comme
la
source
d’où
toute
vie
est
créée,
toutes
les
choses
sur
terre
sont
ainsi
reliées
entre
elles
et
les
hommes
ont
la
responsabilité
de
protéger
leur
environnement
de
ce
fait.
Certains
lieux
sont
même
propices
aux
pèlerinages
;
c’est
le
cas
notamment
du
mont
Tongariro.
Suite
à
ces
spoliations,
beaucoup
de
Maori
sont
partis
en
ville,
espérant
y
trouver
une
vie
meilleure.
En
1936,
les
Maori
vivant
en
agglomération
représentaient
9%
de
la
population
urbaine
et
15%
en
194514.
Cela
ne
fit
que
s’accélérer
dans
les
années
50
et
60.
Mais
là
encore,
leurs
conditions
de
vie
ne
sont
guère
réjouissantes
:
leur
niveau
économique
s’est
appauvri
et
ils
furent
les
premiers
touchés
par
la
récession.
Les
Maori
auraient
ainsi
un
chômage
deux
fois
supérieur
à
la
moyenne
ce
qui
entraine
bien
souvent
des
problèmes
sociaux
graves.
«
Dans
les
banlieues,
où
ils
sont
majoritaires,
les
affaires
de
drogue
et
de
violence
font
régulièrement
les
gros
titres
des
journaux.
Alors
qu’ils
ne
constituent
que
15%
de
la
population,
les
Maori
représentant
plus
de
la
moitié
des
personnes
emprisonnées15
».
A
cela,
nous
pouvons
rajouter
une
espérance
de
vie
moindre
que
les
«
blancs
»,
un
racisme
toujours
très
présent
envers
ces
populations
autochtones,
une
faible
réussite
scolaire
et
une
dégradation
de
leur
état
de
santé.
Un
argument
a
été
soulevé
en
Nouvelle‐Zélande
pour
expliquer
ce
«
sous‐
développement
maori
»
:
cela
serait
le
résultat
d’un
éloignement
de
leurs
racines
de
la
part
des
Maori
vivant
en
ville
et
d’une
perte
de
leurs
traditions,
de
leur
identité
culturelle16.
La
solution
serait
donc
dans
une
promotion
de
la
culture
traditionnelle
maori,
en
réaffirmant
leur
identité
culturelle
faisant
de
la
culture
«
un
symbole
de
ralliement
dans
le
discours
anti
hégémonique17
».
12
Site
de
Survival
International
T.
Van
Meijl,
Fractures
culturelles
et
identities
fragmentées.
La
confrontation
avec
la
culture
traditionnelle
dans
la
société
maori
post‐
coloniale,
in
Journal
de
la
Société
des
océanistes
109,
1999‐2,
pp.
53‐70
14
T.
Van
Meijl,
ibid
15
Site
de
Survival
International
16
Sissons
1993
:
100
dans
T.
Van
Meijl,
ibid
17
T.
Van
Meijl,
ibid
13
6
Bien
que
le
résultat
furent
peu
convaincant,
des
programmes
furent
ainsi
menés
pour
enseigner
la
langue
maori
à
l’école18
par
le
biais
notamment
de
centres
bilingues.
Du
côté
des
politiques,
la
plupart
des
ministères
ont
voulu
développer
une
image
bi‐
culturelle
de
leurs
institutions
en
donnant
ainsi
plus
de
place
aux
maoris.
Le
gouvernement
néo‐zélandais
«
offrit
»
ainsi
7
fauteuils
de
députés
à
ces
communautés,
la
langue
maori
fut
reconnue
comme
langue
officielle
dès
1987
et
des
chefs
maoris
ont
même
été
engagés
par
l’État
comme
médiateurs,
conseillers.
Ces
décisions
permirent
de
renforcer
l’intérêt
de
la
société
pour
la
culture
maori.
Cependant,
malgré
ces
évolutions,
les
Maori
souffrent
toujours
actuellement
d’une
perte
de
leurs
racines
:
«
Le
problème,
c’est
que
nous
avons
perdu
nos
racines,
notre
histoire
(…).
Les
Maori
qui
se
sont
installés
en
ville
ont
perdu
le
lien
avec
leur
tribu,
leur
iwi.
Ils
ne
savent
plus
qui
ils
sont.
Pour
nous
retrouver,
il
faut
renouer
avec
notre
passé19
».
Ce
constat
est
très
présent
chez
les
jeunes
qui
«
ne
considèrent
plus
comme
allant
de
soi
la
relation
entre
culture
et
identité20
»
:
en
effet,
nombreux
sont
ceux
qui
se
sentent
étrangers
aux
normes
de
l’identité
culturelle
notamment
liées
aux
traditions
sociales
maori.
Cela
contribue
bien
souvent
à
développer
une
forme
d’ethnicité,
voire
d’opposition
entre
le
«
nous
»
et
le
«
eux
».
Fiche
rédigée
par
Aurélie
Giovine,
Anthropologue
spécialisé
dans
l’étude
des
systèmes
mythologiques
et
du
fait
religieux.
Références
- A. Babadzan, Une perspective pour deux passages. Notes sur la représentation traditionnelle
de la naissance et de la mort en Polynésie, in L’Homme, 1983, tome 23 n°3, pp. 81-99
- M-C. Bataille-Benguigui, Te Maori ; reconnaissance d’une identité, in L’Homme, 1985,
tome 25 n°96, pp. 141-147
- D. De Coppet, J-P. Durix, A. Huetz De Lemps, I. Merle, Nouvelle-Zélande, le peuple Maori,
in Encyclopédie Universalis
- V. Fusi, Action and Possession in Maori Language and Culture. A Whorfian Approach, in
L’Homme, 1985, tome 25 n°94, pp. 117-145
- J. Stenhouse, Religion and society, in Te Ara - Encyclopedia of New Zealand, updated 29Sep-11 (http://www.teara.govt.nz/)
18
Aujourd’hui
encore,
la
langue
maori
est
enseigné
à
l’école
ce
qui
permet
de
garder
les
traditions
maori
mais
aussi
de
transmettre
cet
héritage.
D’ailleurs,
les
deux
langues
officielles
en
Nouvelle‐Zélande
sont
l’anglais
et
le
maori.
Et
même
si
beaucoup
d’entre
eux
vivent
en
ville
où
l’anglais
est
plus
usuel,
les
Maori
continuent
de
réserver
au
maximum
leur
langue.
La
langue,
véhicule
de
traditions,
revêt
donc
un
caractère
des
plus
importants.
A
noter
que
mêmes
les
Pakeha
(les
«
Blancs
»)
se
mettent
à
apprendre
le
maori.
19
Propos
de
Kereru
Pounamu,
guide
spirituelle
de
la
communauté
d’Albany,
au
nord
d’Auckland.
Site
de
Survival
International
20
T.
Van
Meijl,
Fractures
culturelles
et
identities
fragmentées.
La
confrontation
avec
la
culture
traditionnelle
dans
la
société
maori
post‐
coloniale,
in
Journal
de
la
Société
des
océanistes
109,
1999‐2,
pp.
53‐70
7
- R. Taonui, Tribal organization, in Te Ara - Encyclopedia of New Zealand, updated 24-Sep11 (http://www.teara.govt.nz/)
- C. R. Te Ahukaramu, Maori creation traditions, in Te Ara - Encyclopedia of New Zealand,
updated 4-Mar-09 (http://www.teara.govt.nz/)
- T. Van Meijl, Fractures culturelles et identities fragmentées. La confrontation avec la culture
traditionnelle dans la société maori post-coloniale, in Journal de la Société des océanistes
109, 1999-2, pp. 53-70
- Site de Survival International : http://www.survivalfrance.org/
- Exposition du quai Branly « Māori, leurs trésors ont une âme » :
http://www.quaibranly.fr/fr/programmation/expositions/prochainement/maori/autour-delexposition-maori.html
8


Documents pareils