Rapport de mission sur la grippe aviaire à Hong Kong et Canton

Transcription

Rapport de mission sur la grippe aviaire à Hong Kong et Canton
Rapport de mission sur le dispositif mis en place à Hong Kong
pour lutter contre une pandémie de grippe aviaire
(septembre, décembre 2007)
___________
Frédéric KECK, chercheur EHESS-CNRS
I - Rappel historique du contexte sanitaire
1. Premiers cas de grippe aviaire (1997-2003)
2. La crise du SRAS (janvier-juin 2003)
3. Un investissement important dans la lutte contre la grippe aviaire (2003-2008)
II - Acteurs impliqués dans la gestion du risque de grippe aviaire
1. Les équipes de recherche
2. Les administrations
3. Le Centre for Health Protection
III - Perspectives d’avenir
1. Les exercices de préparation
2. La recherche de vaccins
3. Le contrôle des filières de l’élevage
***
Au cours de deux missions effectuées à Hong Kong en septembre et décembre 2007,
financées l’une par le CNRS et l’autre par le Consulat général de France, j’ai pu observer et
interroger les principaux acteurs de la lutte contre grippe aviaire. Ce travail d’enquête
poursuivait celui que j’avais mené pendant deux ans sur l’Agence Française de Sécurité
Sanitaire des Aliments, dans le cadre des mes travaux anthropologiques au CNRS. Il
s’agissait de tester une hypothèse sur le rôle des crises sanitaires dans la gestion des
maladies animales, et dans la prise de consciences des transformations qu’elles impliquent
pour les rapports entre les hommes et leur environnement naturel. À ce titre, j’ai été frappé
du fait que la crise du SRAS (maladie infectieuse émergente dont les virologistes ont
découvert qu’elle avait des origines animales) a joué en 2003 un rôle analogue en Chine à
celui qu’a pu jouer en 1999 la crise de la vache folle en Europe dans la prise de conscience
du risque que présentent les maladies animales pour la santé publique. Cette analogie entre
le SRAS et la grippe aviaire n’était pas seulement présente dans les discours de ceux qui
avaient vécu les deux crises, elle justifiait aussi la mise en place de dispositifs de santé
publique destinés à prévenir l’apparition d’une nouvelle pandémie.
***
I - Rappel historique du contexte sanitaire
1. Premiers cas de grippe aviaire (1997-2003)
Le virus H5N1 a été détecté pour la première fois à Hong Kong en mai 1997, lorsque
5000 poulets porteurs de ce virus sont morts dans une ferme. Il est immédiatement passé de
l’animal à l’homme, puisqu’un enfant de 3 ans est mort le même mois du même virus. On
peut remarquer que les premiers cas de H5N1 sont apparus à Hong Kong au moment de la
rétrocession de la colonie anglaise sous souveraineté chinoise, c’est-à-dire à un moment où les
hongkongais étaient très vigilants à l’égard de tout ce qui se passait sur le continent. L’alerte a
été lancée par Kenneth Shortridge, professeur de microbiologie d’origine américaine
travaillant à l’Université de Hong Kong sur les virus Influenza depuis vingt ans ; on peut donc
supposer que le virus était présent dans le Guangdong (province limitrophe, la plus peuplée de
la Chine, et dont le développement économique a été le plus spectaculaire) auparavant sans
avoir jusque là donné lieu à une alerte (le site de l’OMS indique l’identification d’un
précurseur du virus H5N1 à Hong Kong en 1996). L’autre élément important est le fait que
Hong Kong est le lieu où sont mises en évidence les grandes pandémies d’Influenza qui
apparaissent périodiquement dans le sud de la Chine et s’étendent ensuite au reste de la
planète, du fait de la position de l’île comme lieu de passage de l’Asie au reste du monde : les
cas précédents ont eu lieu en 1968, 1957, et surtout au moment de la grande épidémie de
grippe espagnole en 1918, qui a fait vingt millions de morts au niveau mondial. Dans cette
perspective, on peut comprendre que la rétrocession de 1997 ait donné lieu à des inquiétudes
sur l’apparition à Hong Kong d’un nouveau virus, et sur la capacité des autorités chinoises à
le gérer.
Ce contexte éclaire également la réaction du gouvernement de Hong Kong aux premiers
cas de H5N1, qui fut rapide et vigoureuse. À la fin de l’année 1997, 18 personnes avaient
contracté le virus, et 6 personnes en étaient mortes. Le gouvernement a ordonné en
conséquence l’abattage de 1,5 millions de poulets sur le territoire. Cette mesure a été d’autant
mieux acceptée que le gouvernement bénéficiait d’une très bonne situation financière, et que
les éleveurs de poulets, pour la plupart installés dans les années 50 au moment de l’afflux de
réfugiés du continent, étaient proches de la retraite et reçurent des compensations importantes.
À la suite d’un « Voluntary Surrender Act », le nombre de fermiers à Hong Kong a été divisé
par trois en cinq ans, et les dernières fermes qui restent sur le territoire (une cinquantaine aux
alentours de Yuen Long) ont été soumises à des règles strictes de biosécurité.
Par la suite, le gouvernement de Hong Kong a relâché son effort de mobilisation, en
partie du fait de la crise financière de 1998. En 1999, deux enfants ont été infectés
indépendamment par un virus H9N2 : c’était le signe que le virus pouvait muter et prendre
éventuellement une forme inter-humaine (les formes qui étaient apparues jusque-là passaient
seulement de l’animal à l’homme, les épidémiologistes ayant retracé pour tous les cas
humains un contact avec des oiseaux malades). La recherche virologique était en cours au
département de microbiologie de l’Université de Hong Kong, où Malik Peiris, originaire du
Sri Lanka et formé à l’Université d’Oxford, et Guan Yi, originaire de Chine continentale et
formé à l’Ecole de Médecine du Jiangxi, ont rejoint l’équipe de Kenneth Shortridge et KwokYung Yuen, chirurgien hongkongais et directeur du département de microbiologie. On peut
penser que la crise financière, qui coïncidait avec une crise existentielle sur l’identité
hongkongaise, a renforcé l’image de « sentinelle sanitaire » de l’Asie que Hong Kong s’était
forgée sous la colonisation anglaise, notamment lorsqu’Alexandre Yersin s’établit à Hong
Kong pour y découvrir le bacille de la peste en 1894.
2. La crise du SRAS (janvier-juin 2003)
Ce rôle de « sentinelle sanitaire » a été accru par la crise du SRAS, qui a exposé Hong
Kong au regard du monde et suscité des inquiétudes globales sur les maladies infectieuses
émergentes. Le 21 février 2003, le Dr Li Jianlun, qui avait soigné à Canton une maladie
mystérieuse apparue en décembre 2002 et provoquant des troubles respiratoires aigus, rendait
visite à sa famille à Hong Kong, et infectait une dizaine de personnes à l’Hôtel Metropole où
il résidait, avant de mourir à l’hôpital de Mong Kok. C’était le point de départ d’une des
pandémies mondiales les plus foudroyantes de l’histoire. Les personnes qui avaient croisé le
Dr Li Jianlun à l’Hôtel Metropole exportèrent en effet le virus à Hanoï, Toronto, Singapour,
Taïwan, Pékin, causant finalement plus de 8000 infections et 876 morts. À Hong Kong, la
contagion s’est d’abord limitée à l’espace confiné des hôpitaux, notamment l’Hôpital Prince
of Wales à Sha Tin où les médecins et les infirmiers tombèrent malades le 10 mars suite à
l’entrée d’un visiteur de l’Hôtel Metropole, et où des mesures de sécurité importantes durent
être prises. Puis la contagion toucha les lieux d’habitation : le 31 mars, les habitants d’Amoy
Garden, une tour résidentielle située à Kowloon, durent être mis en quarantaine après
l’infection de plusieurs habitants ; l’enquête épidémiologique révéla ensuite que le virus était
passé par les conduits d’aération, qui furent en conséquence réaménagés dans toutes les
résidences du territoire. Au mois d’avril 2003, la ville de Hong Kong connaissait une véritable
psychose : l’activité s’était immobilisée, les rares personnes qui sortaient étaient munies de
masques destinés à éviter l’expulsion de postillons, toute personne qui toussait était
immédiatement stigmatisée comme risquant de transmettre le virus. On estime à 13 300 le
nombre d’emplois supprimés durant cette période, tandis que 4 000 entreprises durent fermer,
et 14 000 vols d’avion furent annulés.
La crise était d’autant plus sévère qu’elle était placée sous la haute surveillance de
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), basée à Genève. Celle-ci publia le 2 avril 2003,
pour la première fois de son histoire, une recommandation de ne pas se rendre à Hong Kong
et dans le reste de la Chine. La plupart des expatriés européens, notamment leurs familles,
quittèrent Hong Kong. Des dispositifs de mesure de la température des individus étaient
installés dans les aéroports pour interdire l’entrée ou la sortie à toute personne souffrant de
fièvre (ils sont encore en place cinq ans plus tard). La collaboration avec l’OMS donna
cependant à Hong Kong une place spécifique par rapport au reste de la Chine. Grâce à leurs
contacts avec Canton (notamment avec Zhong Nanshan, directeur de l’Institut des Maladies
Respiratoires et de l’Ecole de Médecine de Canton, et considéré aujourd’hui en Chine comme
un héros national), les microbiologistes de Hong Kong purent rapidement obtenir des
échantillons du virus de la maladie mystérieuse que l’OMS avait appelée SRAS (Syndrome
Respiratoire Aigu Sévère – acronyme destiné à éviter une localisation géographique, mais qui
présentait des assonances malheureuses avec RAS, Région Autonome Spéciale, désignant
Hong Kong depuis la rétrocession). Ils furent en conséquence les premiers à identifier ce virus
(qui appartient à la famille des coronavirus, comme le montra Malik Peiris le 21 avril 2003) et
à retracer son origine dans l’écologie animale de la Chine du Sud : apparu sur les chauvesouris il se serait transmis à l’homme par l’intermédiaire des civettes, petites belettes
consommées en Chine du Sud pour leurs vertus médicinales, comme l’a proposé Guan Yi dès
le 23 mai 2003 (des études très récentes contestent toutefois le sens de cette transmission).
Le climat de confiance qui s’est installé entre les scientifiques de Hong Kong University
et l’OMS contrastait avec l’absence d’informations du côté chinois. Lorsque le virus atteint
Pékin en avril 2003, les autorités chinoises contestèrent la nouveauté de la maladie (qu’ils
attribuaient à une bactérie, Chlamydia, et qu’ils appelaient pneumonie atypique), et placèrent
les victimes dans des hôpitaux militaires. Cette position ne put durer longtemps, tant le
nombre de victimes augmentait en dehors de l’épicentre de la maladie, et tant les rumeurs
circulaient sur le nombre de morts. Le 20 avril le Premier Ministre Wen Jiabao et le Président
Hu Jintao reconnurent publiquement l’importance de la maladie. Ils organisèrent la
mobilisation massive du pays contre la maladie, avec notamment la construction d’hôpitaux
spécialement affectés aux maladies respiratoires. Les 23 et 24 juin, l’OMS déclarait Hong
Kong puis Pékin « free of SARS », le nombre de nouveaux cas étant devenu nul. Quelques
autres cas se déclarèrent à Taïwan et Singapour dans la suite de l’année, notamment du fait de
l’échappée du virus hors des laboratoires, mais la pandémie était contrôlée. Jamais une
maladie n’avait été aussi rapidement identifiée et contrôlée : l’OMS félicita les scientifiques
du monde entier pour leur esprit de collaboration, renforcé par les nouveaux moyens
informatiques, et contrastant avec l’habituel climat de rivalité exacerbée.
L’effet du SRAS sur la société hongkongaise a été profond. Il n’a pas seulement suscité
des réactions de panique et de stigmatisation : il a aussi informé puissamment une vigilance
de toute la population sur les questions de sécurité, qui était toujours restées au second plan
dans cette société libérale. Les personnes qui se sentent grippées portent un masque, tousser
dans l’espace public est considéré comme une grave offense, et chacun est encouragé à se
laver les mains régulièrement : il n’y a pas à ma connaissance d’étude montrant l’effet de ces
mesures quotidienne sur l’élévation du niveau de santé des habitants. Le SRAS a ainsi formé
une identité hongkongaise autour de la nécessité de prendre en charge par soi-même les
questions de santé publique et de sécurité sanitaire. Les autorités de la santé ont été fortement
critiquées par certains hongkongais, Margaret Chan devant démissionner de son poste de
directrice du Département de la Santé (avant d’être nommée plus tard directrice de l’OMS).
Ces critiques et cette mobilisation ont justifié ensuite un important investissement dans la
lutte contre ce qui apparaissait alors comme la prochaine maladie infectieuse émergente : la
grippe aviaire.
3. Un investissement important dans la lutte contre la grippe aviaire (2003-2008)
À la suite de la crise du SRAS, le gouvernement de Hong Kong a renforcé son
dispositif sanitaire : contrôle des marchés aux oiseaux, mise en place du Centre for Health
Protection, fermeture des marchés et des parcs lorsqu’un cas animal est détecté (ces mesures
sont détaillées plus loin). Ces mesures ont été efficaces, puisque depuis 2003 il n’y a plus eu
de victimes humaines du virus H5N1. Il faut dire que lorsque le SRAS est apparu à Hong
Kong en mars 2003, le territoire venait de connaître ses dernières victimes humaines du H5N1
en février (un père et son fils), ce qui avait conduit les microbiologistes à suivre d’abord la
piste du H5N1 avant de se tourner vers celle du coronavirus du SRAS. C’est donc
logiquement que les efforts de mobilisation concentrés sur le SRAS ont été réaffectés vers la
grippe aviaire : si les deux maladies diffèrent dans leur étiologie, puisqu’elles sont dues à
deux virus très différents, elles présentent des symptômes comparables, produisant toutes
deux des troubles respiratoires aigus pouvant conduire à la mort, en sorte que la
réorganisation des hôpitaux vers le traitement des maladies respiratoires hautement
contagieuses pouvait concerner aussi bien le SRAS que le H5N1.
Pendant que Hong Kong renforçait puissamment son dispositif de sécurité sanitaire, le
reste du monde était affecté par une panzootie de grippe aviaire, qui pouvait faire craindre à
terme une nouvelle pandémie comparable au SRAS, et dont les effets pouvaient être beaucoup
plus désastreux. En effet, la durée d’incubation de l’Influenza est plus longue que celle du
SRAS, ce qui conduit à détecter les symptômes de la maladie après qu’elle ait déjà infecté
d’autres victimes. Surtout, les conditions d’élevage augmentent en Asie considérablement les
chances de circulation et de mutation du virus : élevage traditionnel mélangeant hommes,
volaille et cochons, et élevages industriels confinant un grand nombre de poulets
génétiquement identiques. En février 2004, le virus H5N1 apparut au Vietnam et en
Thaïlande, conduisant à des abattages massifs de poulets, au renforcement de l’élevage
industriel au détriment de l’élevage traditionnel, et à plusieurs cas humains (le taux de
mortalité étant alors de 70%). En mars 2006, il y avait 16 personnes infectées dans le reste de
la Chine, dont 11 personnes décédées (notamment autour de Shanghaï). Dans les mois qui
suivirent, le virus apparut en Turquie, en Egypte, en Europe et au Nigéria. Les oiseaux
migrateurs furent incriminés, notamment du fait de la découverte d’un grand nombre
d’oiseaux malades au lac Qinghaï, lieu de regroupement des oiseaux migrateurs au centre de
la Chine, mais aussi du fait que le virus suivait le trajet des oiseaux migrateurs de l’Asie à
l’Afrique en passant par l’Europe. Mais les scientifiques sont aujourd’hui à peu près d’accord
pour dire que le virus se propage surtout par les voies commerciales, les routes de circulation
des produits de l’élevage industriel correspondant aux trajets des oiseaux migrateurs
(Sibérie/Pays-Bas/Nigéria) ; le nombre de volailles exportées par contrebande, avec un risque
important de diffusion du virus, est cependant difficile à estimer. Les derniers cas en Europe,
en Hongrie et en Angleterre en février et mars 2007, se sont produits au sein d’une même
filière industrielle (Bernard Matthews) et en élevage confiné. Fin 2006, les premiers cas interhumains sont apparus en Indonésie, avec des « clusters » familiaux. Fin 2007 et début 2008,
des cas inter-humains sont apparus en Chine (dans la région de Nankin) et au Pakistan. Ces
premiers cas inter-humains font craindre une pandémie comparable à la grippe espagnole
(certains experts prévoient ainsi 60 millions de morts) ; mais les études épidémiologiques
montrent que le virus ne se propage pas dans l’air mais par inhalation ou ingestion de matières
infectantes (fientes de volailles, mais aussi, surfaces liquides ou solides souillées par le virus,
selon une étude récente) et surtout qu’à exposition égale il ne touche que certaines personnes
de l’entourage, ce qui laisse supposer qu’il existe une prédisposition génétique à la
contraction de la maladie. Les victimes sont pour la plupart des enfants ou des adultes âgés de
moins de quarante ans. Au 30 janvier 2008, l’OMS a déclaré 357 cas humains, dont 224 morts
(dont 101 en Indonésie, 48 au Vietnam et 17 en Chine et en Thaïlande).
Hong Kong se trouve donc vis-à-vis du H5N1 dans une situation paradoxale : le
territoire est le premier à avoir mis fin à la contamination humaine du virus, et pourtant il
reste le site de référence pour la communauté scientifique internationale tant que la maladie
continue à se propager dans le reste du monde. Hong Kong a acquis depuis 1997 une capacité
d’expertise sur la grippe aviaire qui fait de ses laboratoires des lieux d’excellence pour la
recherche internationale sur le virus, et de ses scientifiques des consultants privilégiées par
l’OMS (c’est notamment le cas du Professeur Malik Peiris). En outre, les mesures adoptées
pour lutter contre la propagation du virus des animaux aux hommes à Hong Kong se sont
avérées efficaces, et sont à présent recommandées dans le reste du monde. Enfin, du fait de sa
proximité avec la région du Guangdong où sont apparues ces maladies infectieuses
émergentes, Hong Kong reste sous surveillance internationale, car de nouveaux virus
Influenza pourraient y être découverts. Ainsi, le 18 septembre 2007, une semaine après mon
arrivée sur le territoire, le virus H5N1 causait directement la mort de 10 000 canards par
infection et indirectement de 100 000 volailles par abattage préventif, dans le district de
Panyu à côté de Canton, obligeant à la fermeture des filières d’importation du continent vers
Hong Kong. S’il n’y a plus de victimes humaines depuis 2003, la grippe aviaire continue donc
de susciter des inquiétudes légitimes et un dispositif de recherche et de sécurité important.
II - Acteurs impliqués dans la gestion du risque de grippe aviaire
1. Les équipes de recherche
La recherche sur l’Influenza Aviaire est surtout concentrée à la Faculté de Médecine
de l’Université de Hong Kong autour de deux lieux majeurs : le département de microbiologie
de l’Université, et le centre conjoint de recherche fondé en 1999 par l’Institut Pasteur et
l’Université de Hong Kong.
Le département de microbiologie, dont une large partie de l’équipement et du bâtiment
ont été financés par le riche entrepreneur Li Ka Shing rassemble notamment une équipe
internationale de jeunes chercheurs autour du professeur Guan Yi, consacrée à l’analyse
génétique de l’écologie des virus. À partir d’échantillons collectés dans toute la Chine, elle
retrace l’évolution des virus Influenza et SRAS dans les différentes espèces animales, afin de
prévoir de nouvelles mutations qui pourraient passer à l’homme par des voies inattendues.
C’est une recherche fondamentale qui pourrait conduire à de véritables bouleversements dans
la connaissance de l’écologie des virus ; mais c’est aussi une recherche dont les applications
pour la fabrication de vaccins évolutifs, capables de s’adapter aux mutations du virus, sont
importantes. Ce département possède un laboratoire de niveau 4 de biosécurité, permettant de
travailler sur des virus extrêmement dangereux. Il fait aussi la jonction, à travers KY Yuen,
avec le Centre for Health Protection, puisque le directeur du département est aussi le
président du Comité d’experts spécialisé en maladies zoonotiques et émergentes (auquel
participent la plupart des professeurs du département de microbiologie). Ce département est
donc le lieu où se constitue une veille sur les nouvelles maladies infectieuses, à partir de
l’expérience acquise sur le SRAS, en coordination avec d’autres départements, notamment le
département de pédiatrie, situé à Queen Mary Hospital, qui supervise la vaccination. Une
campagne de tests sur des vaccins prévenant les virus Influenza d’origine aviaire (coordonnée
par Malik Peiris) a été lancée en 2007, à laquelle ont notamment répondu un grand nombre
d’étudiants de l’Université de Hong Kong, et qui implique 3000 personnes dans plusieurs
sites en Asie. Malik Peiris fait la jonction entre le département de microbiologie, où il pilote
notamment la coordination entre les recherches universitaires sur la grippe aviaire à travers un
projet « Area of excellence », le Queen Mary Hospital, où il dirige un petit laboratoire, et le
Centre Pasteur, dont il est directeur scientifique.
Le Centre Pasteur, où j’ai effectué la plus grande partie de mon enquête, est une
institution financée à la fois par l’Université de Hong Kong, par l’Institut Pasteur et par des
fonds privés (venus en particulier du grand banquier hongkongais James Kung). Il comprend
9 chercheurs, 10 assistants et 5 étudiants. Fondé en 1999 sous la direction d’Antoine Danchin
en vue de la production de cartes génomiques de bactéries, il s’est progressivement
reconverti, notamment à l’occasion de la crise du SRAS et sous l’impulsion de Ralf Altmeyer,
en centre de recherche sur les maladies infectieuses émergentes. Malik Peiris, professeur au
département de microbiologie, est devenu directeur scientifique du Centre fin 2006,
parallèlement à la nomination de Roberto Bruzzone comme directeur exécutif. Il possède un
laboratoire de niveau 2 de biosécurité, permettant de travailler sur des particules virales (virus
artificiels dont les parties les plus dangereuses ont été retirées) afin de tester des hypothèses
avant de les confirmer en laboratoire P3 sur les virus vivants. La recherche du Centre
s’organise en trois orientations : l’interaction entre le virus et la cellule hôte (sous la direction
de Béatrice Nal), la réaction immunitaire de la cellule (sous la direction de Johanna Ho) et la
plate forme de criblage permettant de tester des substances chimiques agissant sur des parties
précises lors du développement du virus dans la cellule (sous la direction de Jean-Michel
Garcia). Ces trois orientations permettent de couvrir l’ensemble du cycle de développement
du virus, et ainsi de prévoir en amont les effets d’une mutation du virus sur l’organisme
humain. Le Centre Pasteur de Hong Kong est également inséré dans un réseau de recherche
mondial sur les maladies respiratoires en Asie (RESPARI) qui permet d’échanger des
informations sur l’évolution du virus et des échantillons. Il s’appuie enfin sur l’Institut Pasteur
et plusieurs start-ups en région parisienne pour des échanges d’étudiants et de chercheurs, et
pour des technologies spécifiques de visualisation et de ciblage des molécules.
La recherche sur l’Influenza Aviaire se produit également dans d’autres sites
universitaires à Hong Kong. Le Stanley Ho Centre for Emerging Infectious Diseases de
l’Université Chinoise de Hong Kong, situé sur le site de l’Hôpital Prince of Wales à Sha Tin,
est surtout consacré à la recherche sur le sida, mais ses équipes ont participé à des recherches
de sociologie de la santé publique sur les mesures de protection à prendre par les infirmières
devant traiter des patients atteints du SRAS ou du H5N1. L’Université Chinoise de Hong
Kong est également à la pointe des recherches sur les traitements des maladies respiratoires
par la médecine traditionnelle chinoise, qui ont conduit, sous la direction du Professeur Wa
Ho, à un produit commercialisé qui stimule la résistance du système immunitaire, après des
essais cliniques sur le personnel hospitalier. Le 28 décembre 2007, le Pr Karl Tsim, directeur
du Centre de Médecine Traditionnelle Chinoise de HKUST a annoncé le développement, en
collaboration avec l’entreprise pharmaceutique Xing Qun à Canton, d’un traitement à base de
de xiasangju (composé de trois herbes traditionnelles) susceptible de guérir le SRAS et
l’Influenza. Les études épidémiologiques menées à l’Université Chinoise de Hong Kong sur
le SRAS ont montré que la médecine chinoise traditionnelle était plus efficace que la
médecine occidentale dans le traitement des effets secondaires des maladies respiratoires.
Enfin, dans le cadre du département de la Santé, le Dr Wilina Lim dirige le laboratoire de
référence pour la grippe aviaire, mais je n’ai pas pu la rencontrer.
J’ai pu en revanche visiter les centres de recherche sur la grippe aviaire à Canton.
L’Hôpital n°8, dirigé par le Dr Tang Xiaoping, est spécialement consacré aux maladies
respiratoires : il a été au cœur de la tourmente du SRAS (110 patients en février 2003, 20
médecins infectés), dont il a limité les dégâts en recourant à un système de ventilation par les
fenêtres qui a été recommandé ensuite dans tous les hôpitaux chinois. Il a aujourd’hui une
collaboration avec le CHU de Nice, et sera bientôt transféré dans un nouveau bâtiment en
cours de construction à l’extérieur de la ville, dont l’ouverture est prévue en 2009 (il
contiendra 1000 lits dont 200 exclusivement réservés aux maladies respiratoires). D’autre
part, un laboratoire vétérinaire pour l’Influenza Aviaire est situé dans la South China
Agriculture University (SCAU), dirigé par le Dr Liao Ming. Il est en rapport avec le
laboratoire virologique de référence pour toute la Chine, de niveau 4 de biosécurité, situé à
Harbin en Mandchourie.
2. Les administrations
Les administrations de l’agriculture et de la consommation m’ont largement ouvert
leurs portes. L’administration de l’agriculture (Agriculture, Fisheries and Conservation
Department) située à Sham Shui Po, m’a donné les informations relatives au contrôle des
fermes situées sur le territoire (qui sont closes au public). L’administration de la
consommation (Food and Environmental Hygiene Department), située sur Queen’s Road, m’a
montré les mesures de contrôle appliquées à la frontière en direction des poulets importés du
continent. Chaque jour, 20 000 poulets vivants arrivent sur le marché au gros (retail market)
de Cheung Sha Wan : chaque caisse est munie d’un badge attestant qu’ils ont passé un
contrôle vétérinaire à la frontière (Sheung Shui), et les volailles sont transférées des cages
chinoises aux cages hongkongaises avant d’être transportés dans les marchés au détail (wet
market). Les consommateurs de Hong Kong n’ont plus le droit d’emporter des volailles
vivantes chez eux, ce qui va à l’encontre de la coutume voulant que le poulet soit montré
vivant à l’invité au repas. Les marchés au détail doivent également suivre la règle du « Oneday rest » deux fois par mois : la partie consacrée aux volailles (séparée du reste du marché)
est alors nettoyée pendant un jour, et tout commerce y est interdit. Ces mesures n’ont
apparemment pas fait chuter la consommation de volaille entière fraîche par rapport à la
volaille en morceaux ou congelée, qui reste perçue comme une denrée de bien moindre
qualité. Le gouvernement n’a pas souhaité recommander la consommation de viande de
poulet congelé (à la différence par exemple de ce qui s’est passé en Egypte).
Mon enquête m’a permis de rencontrer un autre type d’acteurs publics : les
associations de protection de la nature et de défense de la biodiversité. L’association World
Wide Fund (WWF) qui gère la réserve d’oiseaux migrateurs de Mai Po (notamment à travers
Lew Young) est particulièrement mobilisée sur la grippe aviaire, car chaque nouveau cas
animal conduit à la fermeture de la réserve (possédée par le gouvernement et ouverte
gratuitement au public dans une visée pédagogique). L’association se montre très critique sur
les décisions qui lui sont imposées de fermeture de la réserve naturelle d’oiseaux migrateurs,
peu rentable, qui contrastent avec la fermeture plus rare du marché aux oiseaux de Mong Kok,
qui est un des hauts lieux du commerce traditionnel et du tourisme de la ville. La Hong Kong
Bird Watching Society, dirigée par Mike Kilburn, et la ferme expérimentale Kadoorie, à
travers Captain Wong, sont également attentifs au commerce d’oiseaux sauvages. La grippe
aviaire a en effet rendu le gouvernement sensible aux risques présentés par le transport plus
ou moins licite d’oiseaux sauvages venus de toute la Chine dans des conditions de stress
favorables à la propagation de maladies, dans un but d’ornement ou dans une visée religieuse
(lâchers d’oiseaux sauvages par des moines bouddhistes, fengsheng). Le gouvernement a
interdit les cérémonies publiques de lâcher d’oiseaux sauvages et la vente d’oiseaux
spécifiquement destinés au lâcher rituel, mais il ne contrôle pas les cérémonies privées ni la
commercialisation des oiseaux.
À Canton, j’ai pu rencontrer l’administration de l’agriculture, qui m’a donné des
informations sur la gestion de l’abattage des canards atteints de H5N1 le 18 septembre 2007.
Le district de Panyu étant assez riche, il a pu accorder aux éleveurs, qui ont dû subir une
quarantaine de trois semaines, des compensations assez importantes. La coordination entre le
niveau local, le niveau provincial et les vétérinaires semble avoir fonctionné assez
rapidement. J’ai également rencontré les directeurs du Centre for Disease Control de Canton,
qui possèdent un laboratoire P3 mobile capable de se déplacer sur les lieux où l’on procède à
des abattages de volailles pour vérifier que le personnel d’abattage ne contracte pas le virus.
3. Le Centre for Health Protection(CHP).
Les informations concernant le Centre for Health Protection sont issues de mes
recherches sur Internet et de mes discussions avec mes différents interlocuteurs. Il s’agit
d’une institution mise en place en 2003 après la crise du SRAS pour fédérer les efforts des
différentes institutions de santé en réponse à une crise (en coordination avec la Health
Authority) et mettre en place un dispositif de vigilance permettant d’anticiper les crises à
venir. C’est notamment cette institution qui a décidé de mettre à part 1000 lits dans les
hôpitaux de Hong Kong pour le traitement des malades atteints de maladies infectieuses. Le
Centre for Health Protection est donc concentré sur le risque de grippe aviaire, mais il couvre
aussi la tuberculose, la dengue, la brucellose, l’encéphalopathie japonaise, l’anthrax, le sida et
les intoxications alimentaires. Il est divisé en six branches : une cellule de crise en cas
d’urgence, qui rédige des plans de préparation (contingency planning), une cellule de contrôle
des infections (attentive aux maladies nosocomiales), une cellule de management
professionnel, des laboratoires de santé publique, des services de santé publique et des
comités d’experts produisant une veille épidémiologique. Ces comités d’experts se réunissent
de façon aléatoire, et sont constitués autour de sept thématiques : le sida, les maladies
émergentes, les intoxications alimentaires, le contrôle des infections, les maladies
transmissibles, la vaccination, l’analyse statistique. Le Centre for Health Protection organise
aussi des exercices de simulation réunissant tous les acteurs concernés par la lutte contre la
grippe aviaire, qui permettent de corriger les plans de préparation en fonction des lacunes
repérées sur le terrain.
Cette tâche de surveillance épidémiologique et de préparation des crises à venir est
déléguée à chaque entreprise, qui, quand sa taille le lui permet, emploie un personnel de
« contingency planning » permettant de prévoir les comportements de l’entreprise en cas de
crise sanitaire. La crise du SRAS a en effet révélé que les entreprises devaient identifier en
leur sein les activités qui devaient continuer à fonctionner (« business-critical ») et celles qui
peuvent être effectuées depuis la résidence des employés. Des agences de consultants, comme
International SOS, sont spécialement vouées à aider les entreprises à identifier leurs besoins
en vue de la préparation d’une crise, en termes de vaccins ou de rapatriement par exemple.
Ces mesures sont cependant coûteuses et difficilement accessibles pour les petites
entreprises, et c’est pourquoi elles ne peuvent dispenser de véritables mesures de santé
publique. La réunion du Comité de sécurité du Consulat de France à Hong Kong m’a fait
prendre conscience de la nécessité d’harmoniser les dispositifs de préparation des
administrations publiques et des administrations privées, en vue d’éviter le « chacun pour
soi » et de faire bénéficier tous les acteurs de l’expérience acquise par certains.
III - Perspectives d’avenir à Hong Kong
Où en est aujourd’hui la lutte contre la grippe aviaire ? Il semble que la mobilisation
durera tant que la panzootie continue à se développer en Chine et dans le reste du monde,
même s’il n’y a plus de cas humains depuis 2003 et si des critiques existent qui reprochent au
gouvernement de trop investir dans cette crise. Hong Kong n’est plus le foyer de la panzootie
(ce serait plutôt aujourd’hui l’Indonésie), mais reste le foyer asiatique de la recherche sur les
moyens de prévenir et guérir les maladies infectieuses émergentes. Je détaillerai pour finir
trois mesures qui ont été expérimentées à Hong Kong et qui ont été transférées dans d’autres
lieux touchés par la panzootie.
1. Les exercices de préparation (drills)
Ces exercices simulent l’arrivée d’un patient atteint de troubles respiratoires aigus sur
le territoire en vue de coordonner les efforts des personnels concernés et d’identifier des
lacunes dans le dispositif de sécurité. Ils prennent modèle sur des exercices comparables faits
dans l’industrie nucléaire ou dans la défense militaire (notamment en cas d’attaque terroriste),
mais c’est la première fois que de tels exercices sont faits dans un cadre sanitaire. Les
premiers exercices ont eu lieu à Hong Kong en novembre 2004, juillet 2005, novembre 2005
et septembre 2006 ; ils prennent des noms d’arbres : Maple, Cedar, Poplar, Cypress. En juin
2006 eut lieu le premier exercice régional concernant l’Influenza organisé par l’Asia Pacific
Economic Cooperation (APEC) : il s’agissait de simuler l’arrivée à Hong Kong d’une
personne infectée en provenance d’une autre région d’Asie, de façon à coordonner les
systèmes de surveillance dans la région de provenance et dans la région d’arrivée. En
novembre 2006 eut lieu l’exercice « Grande Muraille » impliquant les autorités sanitaires de
Hong Kong, de Macao et de Chine continentale ; en septembre 2007, le même type d’exercice
eut lieu à Shenzhen, simulant l’arrivée à Hong Kong d’un patient chinois atteint par le virus
H5N1. Ces exercices ont permis de créer un véritable réseau de chercheurs et de personnel
hospitalier entre Hong Kong et la Chine continentale, que les acteurs des deux bords de la
frontière décrivent comme extrêmement efficace et positif. Les autorités chinoises ont par
conséquent développé leurs propres exercices à l’intérieur de leurs provinces : le 10 décembre
2007, un exercice rassemblait les autorités du Guangdong et du Guangxi autour d’un cas fictif
de patient allant d’une région à l’autre. Les entreprises privées organisent leurs propres
exercices de simulation, comme Total qui a découvert à cette occasion qu’en cas
d’obstruction de l’aéroport de Hong Kong il faudrait aller à l’aéroport de Shenzhen, et qui a
donc acheté des visas permanents pour son personnel. Les exercices sont ainsi destinés à
révéler des lacunes dans le dispositif de sécurité et à les pallier ; mais ils ont surtout pour
fonction d’établir des réseaux en vue de la préparation d’une crise, et de rendre publique la
mobilisation en préparant ainsi un plus large public aux mesures de sécurité prévues.
2 - La recherche de vaccins
À la différence de la France, Hong Kong et la Chine n’ont pas misé sur l’achat massif
de vaccins contre l’Influenza (Relenza ou Tamiflu, dont l’efficacité en cas de pandémie H5N1
est mise en doute) mais sur les mesures d’hygiène recommandées au public (nombreuses
affiches recommandant de ne pas toucher les oiseaux dans les parcs et les marchés, ou de se
laver les mains régulièrement). En revanche, Hong Kong et la Chine ont massivement investi
dans les vaccins animaux destinés à enrayer l’épizootie. La Chine a ainsi parlé de vacciner ses
13 milliards de poulets. La vaccination des poulets est une mesure coûteuse, non seulement
parce qu’elle implique un coût de production et d’administration des vaccins, mais aussi parce
qu’elle immobilise les volailles pendant le temps d’incubation et peut masquer l’apparition
d’autres maladies, dont la grippe aviaire (ce sont les raisons pour lesquelles la France n’a pas
choisi cette solution).
La vaccination humaine pose un autre problème : celui de la gestion des souches sur
lesquelles peuvent être fabriqués les vaccins. Hong Kong possède des souches du virus datant
d’avant 2003, mais il n’est pas certain que ces souches correspondent aux formes actuelles du
virus. La recherche sur les vaccins dépend donc des pays où les derniers cas humains sont
apparus, et notamment de l’Indonésie, qui a menacé l’OMS de ne pas envoyer ses
échantillons si les vaccins ne lui étaient pas garantis à bas prix en retour. Une solution semble
avoir été trouvée par l’OMS, consistant à faire de Hong Kong une banque de souches virales
pour toute l’Asie, renforçant encore son rôle de sentinelle sanitaire et de foyer de la recherche
pour le continent. Il existe par ailleurs d’autres pistes, mais à plus long terme, de fabrication
d’un vaccin par génie génétique.
3 - Le contrôle des filières de l’élevage
Hong Kong a aussi été à la pointe des mesures de biosécurité concernant les élevages
de volailles. Les fermes du territoire sont munies de pédiluves et de rotoluves destinés à
empêcher que des virus contractés par les volailles sortent de la ferme (ces mesures sont à
présent adoptées dans la plupart des fermes industrielles des pays développés). Une des
mesures les plus efficaces a été la fermeture du marché pendant un jour, qui évite les
mélanges entre les virus dans un lieu hautement fréquenté par les humains : les autorités
hongkongaises font des démarches auprès des autres pays concernés par la panzootie pour
faire appliquer cette mesure. Cependant, la mesure la plus radicale, et la plus difficilement
exportable, a été la fermeture quasi-totale des fermes du territoire. Sur ce point, la situation
privilégiée de Hong Kong – îlot de capitalisme financier et de recherche scientifique de haut
niveau accroché au gigantesque continent chinois, « atelier du monde » - la met dans la
situation paradoxale de devoir gérer une maladie animale en supprimant tout contact réel avec
un poulet vivant. Pourtant, le simple fait que les Hongkongais doivent bien continuer à
manger les contraint à s’intéresser quotidiennement à cette maladie, qui pourrait causer l’une
des plus grandes pandémies de l’histoire de l’humanité. Cette situation paradoxale tient à ce
que la Chine du Sud, principale fournisseuse des volailles consommées à Hong Kong, est
considérée, pour des raisons climatiques, écologiques et démographiques, comme le réservoir
où la mutation du virus d’une forme animale à une forme inter-humaine a de fortes chances de
se produire.
Il est donc légitime que Hong Kong reste mobilisé sur le risque de grippe aviaire, à la
fois pour sa propre population et pour le reste du monde.

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