Les femmes, le sport et les médias. (Femme et sport)
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Les femmes, le sport et les médias. (Femme et sport)
Femme et sport L e monde moderne est particulièrement assujetti à la communication, et les médias ont le pouvoir d’influencer les opinions et les attitudes de la société. Ce sont des agents actifs de la construction du sens que nous donnons aux choses et leur impact déterminant peut soutenir ou freiner la progression de la pratique sportive féminine. Dès lors, la représentation du sport féminin a une importance particulière pour les dirigeants sportifs qui cherchent à le promouvoir. Les études concernant les femmes et le sport ayant été conduites pour la plupart aux États-Unis, en appliquer les conclusions au reste du monde peut paraître problématique. La télévision américaine étant, cependant, très regardée dans de’ nombreux pays, les données réunies, combinées aux informations supplémentaires établies par plusieurs études européennes, devraient fournir une base adéquate pour une vue générale de la situation. La présentation des sports féminins dans les médias Sous-représentation En étudiant la représentation des sports féminins dans les médias. il apparaît clairement que ceux-ci souffrent d’une sous-représentation toutes cultures confondues. Même si la pratique sportive des femmes et des jeunes filles a manifestement augmenté au cours des vingt dernières années la part en temps et en espace accordée aux sports féminins est moindre que celle faite aux sports masculins et ceux-là sont proportionnellement sous-représentés par comparaison. La Fondation d’athlétisme amateur de Los Angeles, que dirige Anita L. DeFrantz, également viceprésidente du CIO et présidente du groupe de travail du CIO ‘Femme et Sport’, a publié des rapports sur la couverture par la télévision et par la presse écrite qui démontrent dans leur ensemble que les médias traitent les sports féminins et masculins de manière quantitativement différente. par Kari Fasting* L e s femmes, le sport et les médias L’Ethiopienne Fatuma Roba suivie par les médias au cours du marathon à Atlanta. Les premières études sur la télévision publiées en 1990 montrent qu’un temps d’antenne de 5% est consacré au sport féminin (Duncan, Messner et Williams). Un résultat que confirme une étude de suivi publiée en 1996 (Wilson). De la même manière, des articles consacrés aux sports masculins dans la presse écrite ont reçu 28,8 fois plus d’espace/colonne que 43 ceux consacrés aux sports féminins (Duncan, Messner et Williams 1991). Une étude des photographies de couverture de Sports lllustrated a révélé que seules 55 photographies de femmes avaient été utilisées contre celles de 782 hommes (Salwen et Wood 1994). Une étude menée en Norvège indique une tendance similaire. Une analyse de contenu de quatre des journaux les plus importants a montré qu’environ 15% des articles sportifs portaient sur des femmes par comparaison aux 78% consacrés à des hommes, le reste étant sexuellement neutre (Haukeberg et Syrstad 1995). Considérant que les journalistes sportifs ne parlent généralement que des sportifs de haut niveau, les chercheurs ont pris en compte le nombre de médailles remportées par des athlètes masculins et féminins norvégiens au cours de la même. année aux Jeux Olympiques, aux championnats du monde, d’Europe et en Coupes du monde. Le résultat a montré que 62% des médailles avaient été remportées par des hommes et 38% par des femmes alors que I’espace/colonne dans les journaux pour le résultat de chaque sexe était de 82% pour les hommes contre 18% pour les femmes. Ceci démontre clairement que, même si on accepte l’argument des médias consistant à dire "nous écrivons sur le sport féminin si les athlètes féminines sont suffisamment bonnes”, les athlètes féminines sont sous-représentées. Les finalistes du 100 m féminin sous les flashs des photographes. Insignifiance et sexualisation Un autre aspect de la relation entre les sportives et les médias est le mode infantile utilisé pour les décrire tel que l’ont démontré des études américaines Les femmes adultes sont appelées par leur prénom et on fait référence aux “filles” en parlant d’elles, quand on ne dirait jamais “les garçons” pour des hommes du même âge. Les athlètes féminines sont plus souvent que les hommes appelées par leur prénom. Les commentateurs, en général, parlent des performances masculines en utilisant des mots impliquant la force et le contrôle alors qu’on trouvera plus régulièrement des mots suggérant la faiblesse lorsqu’il s’agit d’aborder le sport féminin (Wilson 1996). Des différences significatives sur la qualité de la production technique tendent à rendre insignifiants les matches féminins, tandis qu’on donnera aux matches masculins le caractère impressionnant de spectacles à la signification historique (Duncan, Messner et Williams 1990). Également, l’usage du ralenti, des retours sur image immédiats, de tableaux à l’écran et la quantité de statistiques énoncées au cours d’une retransmission sportive masculine sont bien plus importants. Les commentaires confus et contradictoires, tels que les descriptions verbales et filmées des athlètes féminines combinent un portrait flatteur et positif avec de subtiles suggestions négatives, tout en sous-estimant la performance sportive (Duncan et Hasbrook 1988). Les prises de vues montrant des sportives accompagnées d’une description verbale insistant sur une performance masculine sont tout aussi ambivalentes. Lorsque par exemple, Grete Waitz a victorieusement franchi la ligne d’arrivée du marathon de New York, l’attention du commentateur de la télévision était entièrement retenue par I’arrivée du troisième de la course masculine. Les médias perçoivent et construisent souvent les athlètes féminines comme des objets de désir sexuel (Birell & Theberge 1989, Duncan 1990). Ceci est principalement obtenu en insistant sur l’apparence physique, en montrant les athlètes dans des positions de soumission corporelle ou des poses ressemblant à celles que l’on trouve dans la pornographie légère; l’accent est mis sur les images émotionnelles et on pratique les vues plongeantes sur les femmes, symbolisant ainsi une position d’infériorité. II en résulte que les femmes en compétition dont il est fait le meilleur portrait sont celles qui sont engagées dans des sports tels que le patinage sur glace, la natation, etc... disciplines traditionnellement définies comme féminines. 44 Une étude, dans le plus grand journal de Finlande, portant sur une analyse des sports où les femmes sont généralement nouvelles venues comme la boxe, le saut à ski, le lancer de marteau. le triple saut et le saut à la perche, a été publiée l’année dernière (Pirinen 1997). L’analyse était centrée sur I’insignifiance et la marginalisation. La finale du championnat de boxe a été décrite comme une “danse dans la vacuité” et le directeur de l’équipe nationale de saut à ski a minimisé l’importance du record national de saut de Tiina Lehtola, en déclarant : “ce fut une expérience tellement déconcertante pour elle, qu’elle a abandonné le sport depuis". Conséquences Les conséquences que la couverture médiatique du sport féminin peut avoir sur la pratique sportive des femmes et des jeunes filles, et d’une manière générale. sont de la plus grande importance. Le traitement moindre du sport féminin dans les médias peut très bien entraîner une “‘annihilation symbolique de l‘athlète féminine” (Creedon 1994, Birell et Theberge 1994). L’athlète féminine a moins de valeur dans la société par comparaison avec les athlètes masculins. Cela implique que de nombreuses athlètes féminines de haut niveau dont l’allure semble plus importante que les performances rencontrent des difficultés à trouver des commanditaires. Plus sérieusement encore, les couvertures médiatiques actuelles pourraient signifier que le sport n’est pas fait pour les femmes et de ce fait entraîner une réduction du recrutement sportif féminin. On peut en conclure que la façon dont les athlètes féminines sont couramment présentées par les médias peut être considérée comme un obstacle à la pratique sportive féminine, de haut niveau en particulier et dans les sports traditionnellement considérés comme “masculins”. Le paradoxe est bien, semble-t-il, que la représentation des athlètes féminines dans les médias retire aux femmes ce que justement elles obtiennent dans la pratique sportive, par simple réaffirmation des rôles sociaux sexués qui font de la femme le “sexe faible”. Faire évoluer la situation L’apparition des athlètes féminines a cependant augmenté quelque peu dans les médias au cours des dernières années. l-importance de la couverture des performances féminines au cours des Jeux de la XXVle Olympiade, Jeux du Centenaire en 1996 semblerait avoir même fait une percée vers une présentation plus exacte et plus juste des sports féminins. Les auteurs d’une étude récente menée aux États-Unis suggèrent que l’argent est le moteur de cet accroissement d’intérêt pour les sports féminins (Fink 1998). Les femmes aux États-Unis représentent un revenu de plus de mille milliards de dollars et font plus de 80% des achats de détail (Lopiano 1997 : MediaMark Research 1995, in Fink 1998). En outre, les femmes sont davantage présentes que les hommes dans cinq des sept activités de remise en forme les plus importantes, et l’intérêt des femmes pour les sports qui se pratiquent, comme le golf, tout au long de la vie sont en augmentation. Une autre explication pourrait bien être une “prise de conscience” dont sont responsables pour une large part les organisations sportives internationales. Par exemple il y a plusieurs années, le comité féminin de la Confédération norvégienne des sports, en coopération avec l’Organisation norvégienne des journalistes sportifs, a organisé deux séminaires, dans le but d’améliorer la qualité de la couverture des sports féminins dans les médias. Comme on a pu le remarquer, il en est résulté que certains des journalistes sportifs norvégiens les plus célèbres se faisaient plus insistants sur les droits et l’égalité des femmes dans le sport. La présentation de femmes pratiquant de nouveaux sports s’améliore également. De nombreuses fédérations sportives norvégiennes sont mécontentes de la couverture médiatique réservée aux sports féminins et entreprennent des actions pour modifier la situation. Par exemple, la Fédération norvégienne de football a organisé une conférence de presse lors du lancement de la ligue féminine de football pour discuter de la couverture de la compétition par les médias. Le contrat de la fédération avec les deux principales chaînes de *Professeur, Université norvégienne des sports et d’éducation physique; vice-présidente de ‘WomenSport International’. Journaliste sportive au travail au centre de presse. Séminaire à Chypre Les 27 et 28 mars 1999, un séminaire national sur la femme et le sport a été organisé avec succès à Nicosie par le Comité Olympique Chypriote, avec la coopération et le soutien du CIO. Vingtcinq participants directement concer- télévision est un autre exemple susceptible d’avoir, espérons-le, davantage de répercussions. II précise que chacune des chaînes doit retransmettre un match féminin au cours de la saison. Ceci n’aurait jamais eu lieu si la fédération ne l’avait pas demandé. II est raisonnable de penser que les journalistes hommes et femmes diffèrent dans leur couverture des sports féminins. Et, le journalisme sportif étant toujours extrêmement dominé par les hommes, une politique active d’embauche de journalistes sportives pourrait mener à un changement encourageant dans la façon dont les sports féminins sont traités par les médias. nés par le développement du sport féminin à Chypre assistaient à ce séminaire. Le principal intervenant était Margaret Talbot de l’Université de Leeds (Grande-Bretagne). Présidente de I’Association internationale pour l’éducation 45 physique et sportive des filles et femmes (IAPESGW) et grande spécialiste de la question de la femme dans le sport, Margaret Talbot a aidé les participants à évaluer la situation actuelle et à planifier des stratégies d’action pour favoriser l’épanouissement de la femme à travers le sport et l’activité physique.