TECHNOLOGIE, PRODUCTIVITÉ ET CRÉATION D`EMPLOIS

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TECHNOLOGIE, PRODUCTIVITÉ ET CRÉATION D`EMPLOIS
LA STRATÉGIE DE L’OCDE POUR L’EMPLOI
TECHNOLOGIE, PRODUCTIVITÉ ET
CRÉATION D’EMPLOIS :
POLITIQUES EXEMPLAIRES
SYNTHÈSE
1
MESSAGES PRINCIPAUX
Le progrès technologique est le moteur de la croissance économique, des gains de productivité et
de l’élévation des niveaux de vie à long terme. Dans le même temps, l’apparition et la diffusion
d’idées, de produits nouveaux et de techniques de production à travers l’ensemble de l’économie
engendrent un processus de « destruction créatrice ». Si les technologies nouvelles détruisent des
emplois dans certains secteurs d’activité, surtout des emplois peu qualifiés, elles en créent dans
d’autres secteurs exigeant des qualifications différentes. Vu dans une perpective historique, ce
processus entraîne une création nette d’emplois, à mesure que de nouvelles branches d’activité
prennent le relais des anciennes et que les travailleurs adaptent leurs compétences à la transformation
et à l’expansion de la demande. Aujourd’hui, la rapidité du changement technologique et le profond
mouvement de restructuration à l’oeuvre dans les économies de l’OCDE conduisent certains à
associer la technologie au chômage et à la détresse sociale. Le progrès technologique n’est cependant
pas le coupable en soi. Son impact sur l’emploi au niveau de l’ensemble de l’économie a toutes les
chances d’être positif si les mécanismes par lesquels la technologie se traduit en emplois ne sont pas
contrariés par des déficiences des systèmes de formation et d’innovation et par des rigidités pesant sur
les marchés de produits, du travail et des capitaux. Pour réaliser pleinement l’effet potentiel du
progrès technologique dans l’amélioration de la productivité, de la croissance et de la création
d’emplois à l’échelle de toute l’économie, les gouvernements doivent faire en sorte que les politiques
d’innovation et de diffusion de la technologie soient partie inté grante de leur politique économique.
Les économies fondées sur le savoir posent de nouveaux défis
Le rapport Technologie, productivité et création d’emplois – politiques exemplaires évalue les
politiques d’innovation et de diffusion de la technologie, recense les « pratiques exemplaires » et
présente des recommandations spécifiques par pays. Les faits qu’il établit montrent à quel point les
nouvelles technologies sont en train de transformer la structure des économies de l’OCDE et de
renforcer leur potentiel de croissance et, par conséquent, leur capacité à créer de la richesse et des
emplois. L’activité économique est de plus en plus fondée sur le savoir : les emplois peu qualifiés
cèdent la place à des emplois exigeant un haut degré de qualification ; la croissance de la productivité
et de l’emploi dépend des conditions dans lesquelles s’effectue la diffusion des produits et des
procédés nouveaux à travers l’ensemble de l’économie. Si la croissance globale de la productivité et
de l’emploi demeure modeste dans la plupart des pays, en revanche les entreprises qui allient progrès
technologique, changement d’organisation et amélioration des qualifications affichent de bons
résultats économiques. Avec la mondialisation, les systèmes d’innovation et de production des
différents pays deviennent de plus en plus étroitement intégrés, ce qui ouvre des possibilités nouvelles
tout en accentuant l’impératif de restructuration et d’adaptation. Les pays ne se situent pas tous au
même stade de ce processus d’ajustement structurel dans la mesure où ils diffèrent les uns des autres
par leur situation initiale, leurs domaines de spécialisation technologique et industrielle, leurs
institutions, leurs politiques et leurs attitudes vis -à-vis du changement.
3
La politique technologique : une partie intégrante de la stratégie générale de réforme
structurelle
Même si un certain nombre de pays ont entrepris des réformes profondes de leurs politiques
d’innovation et de diffusion de la technologie, les approches actuelles sont encore trop peu adaptées
aux caractéristiques et aux problèmes des économies fondées sur le savoir, et la contribution
potentielle de la technologie à la croissance et à l’emploi demeure en grande partie inexploitée. Les
politiques technologiques restent fragmentaires et ne prennent pas assez en compte les liens à
l’intérieur des systèmes nationaux d’innovation et le programme plus large de la réforme structurelle.
Pour être efficaces, elles doivent intervenir dans un environnement macroéconomique stable et être
complémentaires des réformes de plus vaste portée. Dans une économie mondiale de plus en plus
intégrée, la réforme des marchés de produits permet une diffusion plus rapide de la technologie et de
l’information en même temps qu’elle incite davantage les entreprises à innover et à adapter les biens
et services aux besoins nouveaux des consommateurs. La réforme des marchés financiers facilite
l’affectation de capitaux aux initiatives d’activités nouvelles fondées sur les nouvelles technologies.
Les réformes du marché du travail, associées à des mesures visant l’amélioration des qualifications et
l’apprentissage tout au long de la vie, stimulent l’innovation, facilitent l’utilisation de technologies de
pointe et permettent au changement technologique de créer des emplois.
Des réformes s’imposent sur un large front
Un mouvement de réformes cohérentes sur un large front est nécessaire pour accroître la
contribution de la technologie à la croissance et à la productivité, tout en mettant en place les
conditions permettant de traduire ce potentiel en augmentation de revenus et d’emplois. Dans la
plupart des pays de l’OCDE, les politiques suivies à l’heure actuelle dans ce domaine insistent trop
sur le développement des technologies nouvelles dans l’étroit segment « haute technologie » du
secteur manufacturier et pas assez sur la stimulation de l’innovation et la diffusion de la technologie
dans l’ensemble de l’économie. Il est possible d’accroître l’efficacité des politiques en utilisant
davantage des instruments compatibles avec les forces du marché et en amplifiant les efforts
d’évaluation. Des progrès notables ont certes été accomplis dans tous ces domaines mais il reste
encore beaucoup à faire. Les « pratiques exemplaires » en usage ainsi que l’expérience acquise à
l’occasion des efforts de réforme passés et en cours peuvent être pour les pays Membres des sources
précieuses d’apprentissage mutuel.
•
Le taux tendanciel de croissance des économies de l’OCDE dépend de la consolidation
et de l’extension de la base de connaissances, en même temps que de son adaptabilité à
l’évolution des besoins économiques et sociaux. Cela est d’autant plus important à
considérer que le financement public de la recherche a récemment diminué et que le
secteur privé réoriente son effort en privilégiant l’innovation à court terme au détriment
de la recherche fondamentale. Des réformes sont indispensables pour préserver les
opportunités technologiques à long terme : il s’agit notamment d’assurer un
financement public adéquat des institutions de recherche à une époque de resserrement
des budgets nationaux, tout en améliorant leur souplesse de réaction (par exemple en
augmentant la part des ressources contractuelles) ; il convient également de renforcer
les incitations à la collaboration entre l’université et l’industrie ou à la collaboration
entre les entreprises dans la phase de recherche préconcurrentielle.
4
•
La croissance de la productivité dépend des efforts d’innovation faits par les entreprises,
et tous les gouvernements de l’OCDE ont mis en place des politiques de soutien à la
R-D industrielle. Il existe d’importantes possibilités d’améliorer l’efficacité des mesures
de soutien à la R-D industrielle et d’accentuer leur effet d’entraînement. Une efficacité
accrue pourrait être obtenue par une réduction des incitations fiscales très généreuses
dont bénéficie la R-D dans quelques pays et par une réforme des dispositifs de soutien
dans beaucoup d’autres. Parallèlement, les pouvoirs publics devraient abaisser les
obstacles au développement des mécanismes du marché qui permettent de financer
l’innovation, tels que le capital-risque privé, en tant qu’alternative ou complément du
soutien financier traditionnel de la R-D. Il est également possible d’accroître l’effet de
levier des politiques en recourant davantage aux partenariats entre les secteurs public et
privé, à condition que ces dispositifs soient conçus de manière à réduire au minimum les
risques potentiels d’appropriation par les acteurs du secteur privé et les pertes sèches.
Par rapport au soutien classique à la R-D, les partenariats public/privé supposent une
sélection plus concurrentielle des participants, une participation plus active du secteur
privé à la sélection et à la gestion des projets et une augmentation de l’effet
d’entraînement exercé par les financements publics sur les ressources privées.
•
Des gains de productivité et des créations d’emplois se produisent dans l’ensemble de
l’économie lorsque les technologies nouvelles sont diffusées et largement adoptées, ce
qui fait du renforcement des mécanismes de diffusion de la technologie une priorité
essentielle de l’action des pouvoirs publics. Un commerce ouvert, la réforme de la
réglementation et l’accentuation de la concurrence stimulent l’innovation et la diffusion
de la technologie dans des domaines tels que les télécommunications, mais aussi dans
des secteurs parvenus à maturité. Par ailleurs, des initiatives publiques mieux conçues et
intégrées peuvent faciliter ce processus en rendant les entreprises plus aptes à accéder
aux nouvelles technologies et à les exploiter. Il faut pour cela améliorer l’efficacité des
services de diffusion de la technologie et des mécanismes d’information grâce à une
participation plus forte de l’industrie et des formules de partage des coûts.
•
Il est important d’assurer une complémentarité entre les politiques technologiques et les
politiques d’enseignement et de formation afin de réduire les inadéquations entre l’offre
et la demande de qualifications et d’améliorer les résultats en matière d’emploi. Cela
appelle des mesures tendant à renforcer, à étoffer et à élargir le contenu de
l’enseignement professionnel et technique dans un certain nombre de pays, ainsi qu’à
accroître les passages entre les études professionnelles et techniques et les études
universitaires. Cela implique également d’associer plus étroitement les entreprises aux
initiatives publiques pour promouvoir l’adoption de nouvelles pratiques et modalités
d’organisation du travail et améliorer leur articulation avec les programmes
d’enseignement et de formation. Favoriser la mobilité des travailleurs hautement
qualifiés et de ceux qui ont une formation technique constitue un complément important
des efforts pour renforcer les mécanismes de diffusion de la technologie.
•
L’amélioration des conditions dans lesquelles se créent et se développent les entreprises
fondées sur des technologies nouvelles augmente le potentiel direct de création
d’emplois de ces entreprises en même temps qu’elle concourt indirectement à la
croissance et à la création d’emplois dans l’ensemble de l’économie grâce à des gains de
productivité, à la baisse des prix et à la diversification des produits. Des possibilités
s’offrent encore en abaissant les obstacles à l’entrée créés par la réglementation et en
promouvant le capital-risque privé, notamment par des programmes exerçant un effet de
5
levier sur l’investissement privé. Il conviendrait de supprimer ou réduire les obstacles à
« l’entreprenariat technologique » (les règlements qui découragent l’essaimage à partir
des universités et des grosses entreprises par exemple) ainsi que les obstacles à la prise
de risques (la législation des faillites qui pénalise à l’excès les échecs par exemple).
•
Des branches d’activités nouvelles comme les services sur Internet et l’offre de biens et
de services environnementaux jouent un rôle important pour traduire le progrès
technique en gains de productivité et en création d’emplois. Les gouvernements
devraient instaurer un environnement propice à l’émergence de la demande et à la
création d’emplois dans les nouveaux secteurs de croissance en procédant à une
réforme de la réglementation qui permette d’assouplir les réponses technologiques et les
conditions d’entrée. Sous l’action conjuguée de la libéralisation des infrastructures, de
l’innovation technologique et de la flexibilité des conditions de service, le secteur des
services liés aux réseaux a créé des emplois dans de nombreux pays. S’agissant de
l’environnement, la conjugaison d’un cadre réglementaire souple et de mesures
d’incitation à l’innovation a débouché sur la création d’emplois peu qualifiés comme
d’emplois très qualifiés pour la fourniture de biens environnementaux et de services
nouveaux tels que les audits d’environnement.
•
L’amélioration des techniques et des mécanismes institutionnels d’évaluation
renforcera l’efficacité des politiques. Peu de pays de l’OCDE soumettent leurs
programmes de politique d’innovation et de diffusion de la technologie à des
évaluations systématiques reposant sur des critères socio-économiques pour déterminer
l’affectation des ressources et fixer l’ordre des priorités. D’autres ont pris de
nombreuses initiatives en matière d’évaluation pour améliorer la gestion des
programmes. Dans la plupart des pays cependant, l’évaluation reste une pratique
ponctuelle ; il existe clairement un besoin de mettre au point de meilleurs outils
méthodologiques et d’améliorer les mécanismes institutionnels de façon à mieux ancrer
l’évaluation à tous les stades du processus de conception et de mise en oeuvre des
politiques gouvernementales.
Il faut rendre les réformes politiquement faisables
Dans l’accomplissement des réformes, la cohérence et la crédibilité sont les maîtres mots des
pratiques exemplaires ; il faut pour cela tout à la fois surmonter les inerties institutionnelles et se
préoccuper des coûts transitoires d’ajustement comme de la redistribution des revenus et des emplois
allant de pair avec le changement technique. La réussite dépend de plusieurs facteurs, notamment le
degré de coordination interministérielle et le degré de participation des diverses parties prenantes. Il
faut mettre en place des mécanismes susceptibles de prévenir les dysfonctionnements des services
gouvernementaux, par exemple lorsque des institutions poursuivent leurs intérêts particuliers, ou
encore placent leur action dans une perspective trop étroite en négligeant son incidence sur
l’ensemble de l’économie. Les mesures visant à promouvoir l’amélioration des qualifications et
l’apprentissage tout au long de la vie peuvent accroître la mobilité et « l’employabilité » des
travailleurs, atténuer les coûts des suppressions d’emplois résultant de la rapidité du changement
technique et tempérer la résistance aux réformes. Il faut en même temps s’attacher à élaborer des
politiques qui ne réduisent pas les incitations au travail, à l’amélioration des qualifications, au
changement organisationnel et à la restructuration.
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SYNTHÈSE
Introduction
Le progrès technologique est le moteur de la croissance économique, des gains de productivité et
de l’élévation des niveaux de vie à long terme. Mais il entraîne également un processus de
« destruction créatrice ». Si les nouvelles technologies détruisent des emplois dans certaines branches
d’activité, surtout dans celles où les emplois sont peu qualifiés, elles en créent d’autres dans des
secteurs différents qui exigent d’autres types de qualifications. Vu dans une perspective historique, ce
processus a entraîné une création nette d’emplois, à mesure que de nouvelles branches d’activité
prennent le relais d’anciennes et que les qualifications des travailleurs s’adaptent à une demande qui
se transforme et qui s’accroît. Aujourd’hui, la rapidité du changement technologique et la
restructuration à l’oeuvre dans les économies de l’OCDE conduisent certains à associer la technologie
au chômage et à la détresse sociale. Le progrès technologique n’est cependant pas le coupable en soi.
Son impact sur l’emploi au niveau de l’ensemble de l’économie a toutes les chances d’être positif si
les mécanismes par lesquels la technologie se traduit en emplois ne sont pas contrariés par des
déficiences des systèmes de formation et d’innovation ainsi que par des rigidités pesant sur les
marchés de produits, du travail et des capitaux.
Les pays de l’OCDE cherchent de plus en plus à apporter à leurs lignes d’action des réformes
cohérentes et de vaste portée afin d’amplifier l’apport de la technologie à la croissance, à la
productivité et à l’emploi. Jusqu’ici, cette contribution potentielle demeure dans une large mesure
inexploitée, les politiques n’étant pas encore pleinement adaptées aux caractéristiques et aux
problèmes des économies fondées sur le savoir. Alors que des faiblesses persistent dans les
conditions-cadres du progrès technologique, les politiques visant la diffusion de l’innovation et de la
technologie restent encore fragmentaires, sans prendre assez en compte les liens à l’intérieur des
systèmes nationaux d’innovation et le programme plus large de la réforme structurelle. Les politiques
insistent trop sur les mesures tendant à favoriser le développement des nouvelles technologies dans
l’étroit segment de haute technologie de l’économie et pas assez sur la diffusion de l’innovation et de
la technologie à l’ensemble de l’économie. Des possibilités pour améliorer l’efficacité des politiques
existent également, notamment en ayant plus recours aux instruments fondés sur le jeu du marché et à
des évaluations chiffrées de l’impact des initiatives prises par les pouvoirs publics.
Le rapport évalue les efforts de réforme engagés par les pays de l’OCDE, recense les « pratiques
exemplaires » dans les différents domaines de la technologie et présente un certain nombre de
recommandations. Il s’inscrit dans le prolongement de l’Étude de l’OCDE sur l’emploi de 1994, qui
contenait un large éventail de recommandations pour réduire le chômage et élever les niveaux de vie,
et constituait la base des examens approfondis qui portaient sur les différents pays. Le rapport 1997,
Mise en oeuvre de la Stratégie de l’OCDE pour l’emploi, a passé en revue les progrès accomplis et
formulé un certain nombre de suggestions quant aux actions à entreprendre pour faire en sorte que les
différentes politiques se renforcent mutuellement et rendre la réforme plus aisée à accomplir sur le
plan politique, par exemple en coordonnant les diverses politiques. S’agissant des politiques
7
d’innovation et de diffusion de la technologie, auxquelles s’adressaient en partie les recommandations
initiales de l’Étude de l’OCDE sur l’emploi, le rapport 1996, Technologie, productivité et création
d’emplois, a fourni de nouvelles données confirmant le rôle de la technologie dans les performances
économiques et recommandé que les pouvoirs publics intensifient leur action. A partir de ces
constatations, le présent rapport contribue à la réforme en cours dans les pays de l’OCDE de deux
façons :
•
en mettant en relief les rôles qu’il appartient aux pouvoirs publics de jouer pour gérer
les relations entre la technologie, la productivité et la création d’emplois dans un
environnement caractérisé par la mondialisation croissante, l’émergence d’une
économie fondée sur le savoir, le caractère systémique du progrès technique, le
changement des modes de financement public et l’évolution des stratégies d’innovation
des entreprises ;
•
en évaluant les politiques d’innovation et de diffusion de la technologie dans les pays de
l’OCDE et en recommandant pour chacun d’eux des mesures de nature à améliorer les
politiques en matière de technologie, à rationaliser leur mise en oeuvre et à les intégrer
plus étroitement à d’autres réformes (les recommandations sont résumées dans le
tableau 1).
Pratiques exemplaires et principales recommandations
La finalité de la politique d’innovation et de diffusion de la technologie est de créer les
conditions dans lesquelles les idées, les produits et les procédés nouveaux pourront se traduire par un
maximum d’avantages économiques et sociaux. Cela exige tout à la fois une solide base de
connaissances, une capacité d’innovation et une attitude positive dans les entreprises, ainsi que la
mise en place de conditions permettant la diffusion et l’adoption de la technologie dans l’économie
toute entière. Traditionnellement, les gouvernements sont intervenus dans ce domaine pour fournir
des biens d’intérêt collectif, pour gérer les effets externes et pour remédier à l’inefficience des
structures du marché, aux obstacles à l’entrée, aux imperfections du marché en ce qui concerne
l’information, etc. Cependant, des limites à l’efficacité de l’action des pouvoirs publics existent et des
dysfonctionnements du marché ne justifient pas nécessairement une intervention des pouvoirs
publics. La nature des facteurs qui façonnent le progrès technique exige de plus en plus des mesures
pour remédier aux « défaillances de caractère systémique », qui apparaissent lorsque les différentes
composantes des systèmes d’innovation se trouvent en état de déséquilibre par suite, par exemple,
d’incitations contradictoires venant des marchés et des institutions non commerciales.
Les principales caractéristiques du nouvel environnement des politiques d’innovation et de
diffusion de la technologie sont présentées dans l’encadré 2. Les économies de l’OCDE connaissent
une vague de progrès technologique, comme l’indiquent le rythme accéléré des découvertes
scientifiques, le dépôt d’un grand nombre de brevets par le secteur privé, la diffusion rapide des
technologies – notamment celles de l’information et de la communication – et la part croissante des
branches d’activité fondées sur le savoir. Pourtant, le rapport montre que la traduction économique du
progrès technologique dépend de manière cruciale de la façon dont la technologie est diffusée,
assimilée et exploitée dans l’ensemble de l’économie, ainsi que des obstacles structurels à la création
d’emplois. Ces processus sont loin de jouer de la même manière d’un pays à l’autre, en raison des
différences existant dans la spécialisation et la structure des systèmes d’innovation notamment.
8
Encadré 1. Résumé des principales recommandations
1.Des politiques d’innovation et de diffusion de la technologie doivent devenir une partie
intégrante de la stratégie générale, ce qui revient à :
• assurer une coordination plus étroite avec la réforme structurelle des marchés de produits, du travail
et de capitaux ainsi que des systèmes d’éducation et de formation, comme avec la politique
macroéconomique ;
• à s’ouvrir aux courants internationaux de biens, de personnes et d’idées, ouverture conjuguée avec
des politiques tendant à accroître la capacité d’absorption des économies intérieures.
2.L’action des pouvoirs publics devrait aider à réaliser les gains de productivité dus au progrès
technologique et dans ce but :
• améliorer la gestion de la base scientifique en assouplissant les structures de la recherche et en
intensifiant la collaboration entre l’université et l’industrie ;
• veiller à préserver les opportunités technologiques à long terme par un financement adéquat de la
recherche publique et par des incitations à la collaboration entre les entreprises au stade de la
recherche préconcurrentielle ;
• rendre plus efficient le soutien financier de la R-D industrielle tout en éliminant les obstacles au
développement des mécanismes du marché, comme le capital-risque privé, qui pourraient financer
l’innovation en tant qu’alternative ou complément des aides classiques à la R-D ;
• renforcer les mécanismes de diffusion de la technologie en laissant davantage la concurrence jouer
sur les marchés de produits et en améliorant la conception et l’exécution des programmes ;
• inciter davantage les entreprises à utiliser des méthodes de mesure et de notification comparables
pour les investissements immatériels, afin d’améliorer la gestion et la composition de
l’investissement.
3.L’action des pouvoirs publics devrait instaurer des conditions favorables grâce auxquelles le
progrès technique peut contribuer à créer des emplois, c’est-à-dire :
• aider à résorber les inadéquations entre la demande et l’offre de qualifications et améliorer le cadre
permettant aux entreprises d’adopter de nouvelles méthodes d’organisation ;
• faciliter la création et l’essor de nouvelles entreprises à vocation technologique en oeuvrant à
l’amélioration des capacités de gestion et d’innovation, en atténuant les obstacles au niveau de la
réglementation, de l’information et du financement, ainsi qu’en favorisant l’entreprenariat
technologique ;
• promouvoir de nouveaux domaines de croissance, par exemple les services sur Internet ainsi que les
biens et services environnementaux, à la faveur d’une réforme de la réglementation qui favorise les
solutions technologiques souples et l’entrée de nouveaux venus.
4.L’efficience et l’effet de levier des initiatives touchant les politiques d’innovation et de
diffusion de la technologie doivent être renforcés ; il faut pour cela :
• améliorer les techniques et les mécanismes institutionnels d’évaluation ;
• introduire de nouveaux mécanismes d’aide à l’innovation et à la diffusion de la technologie en faisant
davantage appel aux partenariats secteur public/secteur privé ;
• éliminer les obstacles à la coopération technologique internationale en rendant plus transparentes les
règles régissant la participation d’étrangers aux programmes nationaux et en créant un cadre sûr
pour les droits de propriété intellectuelle.
5.Il faut rendre la réforme politiquement réalisable :
• en améliorant la coordination interministérielle, en faisant participer les principales parties prenantes
et en veillant au suivi de la mise en oeuvre, de manière à ce que les politiques soient cohérentes et
crédibles.
9
Encadré 2. Le nouveau cadre d’action dans les économies fondées sur le savoir :
principales constatations
•
Un grand nombre de pays de l’OCDE connaissent une croissance lente de l’emploi et/ou une accentuation des
écarts de revenus, le centre de gravité de la structure de l’emploi se déplaçant vers les travailleurs hautement
qualifiés. L’expansion des emplois non manuels très qualifiés (par exemple les professions intellectuelles et
scientifiques) a été particulièrement dynamique dans la plupart des pays, encore que les emplois peu qualifiés aient
eux aussi augmenté dans quelques cas, et que, dans d’autres pays, certaines catégories d’emplois très qualifiés
étaient en perte de vitesse. D’une manière plus générale, le contenu des compétences se modifie rapidement aussi
bien dans les emplois très qualifiés que dans les autres.
•
Les économies de l’OCDE sont de plus en plus fondées sur le savoir, avec un déplacement de l’activité économique
vers le secteur des services et vers les activités liées à la haute technologie et à l’innovation. Les deux tiers de la
production de l’OCDE et 70 % des emplois sont le fait des services, dont la nature se transforme avec les
technologies de l’information, les efforts d’innovation et l’amélioration des qualifications. C’est également le secteur
des services qui est à l’origine de la plus grande partie de la croissance de l’emploi (graphique 1). Bien que le
secteur manufacturier ait perdu de son importance, son segment haute technologie fait preuve d’un remarquable
dynamisme en terme de production et de productivité, avec de moins bons résultats cependant pour l’emploi. Dans
le secteur manufacturier et dans celui des services, les branches d’activité fondées sur la technologie ont représenté
directement entre un quart et un tiers de la croissance de la production du G7 entre 1980 et 1995. Mais leur impact
sur l’ensemble de l’économie se fait le plus notablement sentir par la diffusion de produits et de procédés nouveaux,
source de gains de productivité et d’emplois dans l’ensemble de l’économie.
•
La croissance de la productivité globale reste modeste mais l’action conjuguée du progrès technologique, du
changement organisationnel et de l’amélioration des qualifications aide de nombreuses entreprises à réaliser des
améliorations notables en matière de productivité et d’emploi. Des études menées au niveau des entreprises
donnent à penser que les entreprises exécutant des travaux de R-D et/ou utilisant des technologies réalisent des
gains de productivité et d’emploi supérieurs à la moyenne mais plusieurs autres paramètres, par exemple la
formation des travailleurs, les structures organisationnelles et la qualité de la gestion, jouent un rôle critique. La
dimension moyenne des entreprises tend à diminuer et les petites et moyennes entreprises (PME) représentent une
part grandissante de la création nette d’emplois, bien que leur productivité moyenne reste inférieure à celle des
grandes entreprises.
•
La mondialisation tisse des liens étroits et multiples entre les systèmes nationaux d’innovation. Le contenu
technologique des échanges internationaux augmente rapidement, la part des produits de haute technologie
progressant plus rapidement que celle de tous les autres, et la technologie incorporée dans les biens d’équipement
et les biens intermédiaires a largement concouru à l’amélioration de la productivité. Les alliances technologiques
internationales se sont multipliées, tout comme les acquisitions de brevets et de licences à l’étranger. Les activités
novatrices des entreprises restent essentiellement implantées à proximité du siège social ; on constate néanmoins
une nette tendance à l’internationalisation de la R-D, en particulier dans le cas des entreprises ayant leur siège dans
des pays de taille relativement restreinte.
•
Le financement public de la R-D a reculé dans de nombreux pays. La part de la R-D financée par le secteur public a
commencé à stagner au début des années 80 (graphique 2), son niveau en termes réels allant en diminuant dans
bon nombre de pays (y compris dans tous les pays du G7, excepté le Japon). Ce recul a touché plus fortement la
technologie que la science ; en effet, si les crédits consacrés à la défense et aux objectifs économiques ont diminué,
ceux qui sont alloués aux activités relatives à la santé, à l’environnement et au progrès des connaissances se sont
accrus. Avec le fléchissement de la R-D industrielle financée par l’État, des liens plus étroits se sont forgés entre le
monde des affaires et celui des scientifiques, et la recherche scientifique est devenue la première source
d’innovations dans des domaines tels que la biotechnologie, estompant ainsi la distinction entre science et
technologie.
•
La R-D du secteur privé a eu tendance en général à se tasser et il existe des signes d’une réorientation de la
recherche fondamentale de caractère exploratoire vers des efforts d’innovation à court terme et davantage inspirés
par les forces du marché. Le ralentissement de la croissance économique, la régression du soutien public de la R-D
industrielle et le niveau élevé des taux d’intérêt ont concouru à une stagnation des dépenses de R-D du secteur privé
du milieu des années 80 au début des années 90. La reprise amorcée récemment n’a pas permis de revenir aux
niveaux d’intensité antérieurs de la R-D. Certains indices laissent également présager un redéploiement de la
recherche fondamentale exploratoire vers des efforts à court terme davantage axés sur les besoins du marché. D’un
autre côté, l’efficience de la R-D s’est accrue dans bien des cas sous la pression du marché. Si ces redéploiements
n’ont pas eu jusqu’ici de graves conséquences négatives (puisqu’ils ont touché principalement la recherche à long
terme), ils pourraient en avoir dans les années à venir.
10
Graphique 1. Évolution de l’emploi dans différents secteurs de la zone de l’OCDE
170
115
160
110
150
105
140
130
100
120
95
110
90
100
90
85
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
Wholesale & retail trade, hotels & restaurants
Transport, storage & communications
Finance, insurance, real estate & business services
1996
1980
1982
Community, social & personal services
Total services
1984
1986
1988
1990
1992
1994
Total manufacturing
High-technology
Medium-high-technology
Medium-low-technology
1996
Low-technology
Manufacturing
Source : OCDE, bases de données STAN, ISDB et LFS, 1997.
Graphique 2. Évolution des efforts de R-D publique et privée
R-D financée par les entreprises (en % du PIB)
R-D financée par les entreprises (en % du PIB)
2.0
2.2
Japon
1.8
Suisse
Suisse
Etats-Unis
1.6
Etats-Unis
Finlande
1.4
1.2
Belgique
Finlande
1.0
0.8
0.4
0.2
0.0
Pays-Bas
1.2
Royaume-Uni
France
1.0
Norvège
Autriche
Danemark
Italie
0.6
Irlande
Espagne
Portugal
Grèce
0.0
Turquie
Mexique
0.2
0.8
Canada
Australie
0.6
0.4
Islande
0.4
NouvelleZélande
0.2
Au milieu des années 80
0.6
0.8
1.0
Japon
1.8
1.6
1.4
Suède
Corée
2.0
Suède
1
Allemagne
1.2
1.4
1.6
1.8
0.0
2.0
France
Belgique
Irlande
Royaume-Uni
Pays-Bas
Danemark
Norvège
Canada
Australie
Rép. tchèque Autriche
Islande
Italie
NouvelleEspagne
Zélande
Hongrie
Pologne
Mexique
Portugal
Grèce Turquie
0.0
0.2
0.4
0.6
R-D financée par l'Etat (en % du PIB)
1. Les données antérieures à 1991 ne couvrent que l’Allemagne de l’Ouest.
Source : OCDE base de données MSTI, 1997.
11
Allemagne1
0.8
1.0
1.2
Au milieu des années 90
1.4
1.6
1.8
2.0
2.2
R-D financée par l'Etat (en% du PIB)
Ce nouvel environnement exige des actions qui vont au-delà de la politique d’innovation et de
diffusion de la technologie considérée dans un sens étroit, c’est-à-dire portant uniquement sur les
actions et les réglementations publiques qui touchent directement la technologie et dont les
principaux instruments relèvent de ministères et d’organismes publics qui ont pour mission première
de développer ou de diffuser la technologie. Ce rapport élargit le champ de la politique en matière de
technologie pour y englober toutes les mesures visant l’innovation et la diffusion de la technologie,
quels que soient les arrangements institutionnels et la division des tâches au sein de l’administration
(par exemple, une incitation fiscale à la R-D est prise en compte même si elle est du ressort du
ministère des Finances), de même que les politiques connexes dont l’objectif premier est différent
(enseignement ou formation, par exemple). La graphique 3 présente les acteurs et les relations
intervenant dans les systèmes nationaux d’innovation.
Les politiques en matière de technologie doivent devenir une partie intégrante de la stratégie
générale
Les politiques d’innovation et de diffusion de la technologie auront peu d’effets si elles ne
s’accompagnent pas de réformes plus larges avec lesquelles elles s’articulent. A cet égard, les
décideurs devraient :
•
Veiller à la complémentarité entre la politique en matière de technologie et les réformes
des marchés du travail, de produits et de capitaux et des réformes de l’enseignement et
de la formation. Dans une économie mondiale de plus en plus intégrée, les réformes des
marchés de produits accélèrent la diffusion de la technologie et de l’information et
incitent les entreprises à innover et à offrir des biens et des services adaptés aux
nouveaux besoins des consommateurs. Les réformes des marchés financiers facilitent
les initiatives économiques fondées sur les nouvelles technologies. Les réformes du
marché du travail, combinées aux mesures destinées à favoriser le relèvement des
niveaux de qualification et l’apprentissage tout au long de la vie, contribuent à
engendrer plus d’innovations, facilitent l’utilisation des nouvelles technologies et
permettent au progrès technique de créer des emplois. Il importe que la politique en
matière de technologie s’articule avec de nouvelles réformes structurelles, comme la
réforme des marchés du travail et de produits dans de nombreux pays européens, un
relèvement généralisé du niveau des qualifications dans un certain nombre de pays,
notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis, une réforme de la réglementation des
marchés financiers et de produits au Japon, en Corée et en Europe, et un renforcement
des conditions-cadres dans les économies en transition.
•
Coordonner la politique technologique et la politique macro-économique. L’innovation
et l’investissement dans la technologie exigent un environnement macro-économique
sain. Le progrès technologique, de son côté, influe de diverses façons sur la politique et
les performances macro-économiques, notamment par ses incidences sur la croissance,
sur les prix, sur les indices de la production et de l’inflation et sur la stabilité de
l’assiette fiscale. La coopération internationale dans le domaine de la technologie (dans
le cadre de l’intégration européenne par exemple) peut stimuler la diffusion de la
technologie, la restructuration industrielle et les performances économiques à long
terme, en facilitant la réforme structurelle et en renforçant la crédibilité de la politique
macro-économique. Les décideurs devraient rechercher des synergies positives entre la
politique technologique et la politique macro-économique, en instaurant des conditions
plus fiables pour l’investissement à long terme et l’innovation par exemple. Dans
12
certains cas, de sévères chocs économiques ont contribué à mobiliser un soutien pour
une meilleure coordination des politiques, de manière à rompre le cercle vicieux
(Finlande, Japon).
Graphique 3. Les acteurs du système d’innovation et leurs relations
Cadre
macro-économique
et réglementaire
Système
d'enseignement
et de formation
Infrastructures
de communication
Réseaux mondiaux
d' innovation
Capacités
propres
des firmes
et réseaux
Autres
organismes
de recherche
Système
scientifique
Grappes d'industries
Systèmes
régionaux d'innovation
Génération, diffusion et utilisation du savoir
Institutions
catalysantes
Situation des
marchés de
produits
Système national d'innovation
Situation des
marchés de
facteurs
Capacité nationale d'innovation
MACRO PERFORMANCES
Croissance, création d'emplois, compétitivité
S
S é
OC
Source : Secrétariat de l’OCDE.
•
S’appuyer sur le processus de mondialisation par une ouverture aux flux internationaux
de biens, de personnes, d’idées et de politiques qui renforcent la capacité d’assimilation
des économies nationales. Pour bénéficier pleinement de l’internationalisation des
échanges, des investissements et des connaissances, les décideurs, surtout dans les petits
pays, doivent renforcer l’interaction entre assimilation et innovation. Il est possible
d’amorcer des cercles vertueux en matière de technologie, de croissance et d’emplois
13
grâce aux investissements directs étrangers, comme en Irlande. Le Japon et la Corée ont
bénéficié d’importations de technologie et d’innovations progressives, mais ils doivent
maintenant augmenter leur capacité d’innovation. Cela nécessite des réformes de fond
dans plusieurs domaines, notamment dans la politique en matière de concurrence, dans
les conditions-cadres régissant les relations entre l’université et l’industrie et dans
l’approche à l’égard de l’approvisionnement en technologies de l’étranger. En
Allemagne, l’investissement public dans l’infrastructure de R-D doit être complété par
de vastes réformes structurelles de manière à réellement accroître les flux de R-D et de
savoir-faire.
Exploiter les gains de productivité procurés par le progrès technique
La technologie accroît directement la productivité des entreprises innovantes, et relève
indirectement la productivité à l’échelle de toute l’économie par sa diffusion et son adoption. Avec la
généralisation des technologies de l’information et des communications, les possibilités de gains de
productivité dans l’ensemble de l’économie, qui étaient initialement le fait des industries
manufacturières de haute technologie, se diffusent dans tous les secteurs économiques, en particulier
dans le secteur en expansion des services. La réalisation de ces gains de productivité peut être
facilitée par des politiques qui encouragent directement le développement et la diffusion de la
technologie ou s’attachent à éliminer les obstacles qui entravent ces activités du fait de défaillances
du marché, de défaillances des pouvoirs publics ou de défaillances systémiques. Il s’agit de réformer
la réglementation des marchés de produits et de facteurs, de faire en sorte que les entreprises
nationales soient en mesure d’utiliser les sources internationales de technologie ou encore de prendre
des initiatives directes pour fournir aux entreprises des services destinés à augmenter leurs capacités à
assimiler les nouvelles technologies et à entreprendre des recherches en collaboration avec d’autres
entreprises.
Des politiques sont nécessaires non seulement pour encourager la diffusion et l’exploitation
efficaces de la technologie, mais aussi pour encourager l’innovation et la croissance de la base de
connaissances dans l’économie. Cela implique notamment de prendre des initiatives pour mieux gérer
la base de connaissances et de réformer les mécanismes d’aide à la R-D de manière à accroître leur
effet de levier sur les efforts de R-D des entreprises et améliorer ainsi la productivité. Ces politiques
ne seront toutefois pleinement efficaces que si elles sont complétées par des mesures destinées à aider
les entreprises à améliorer leurs performances en innovant aussi dans des domaines autres que la
technologie, par exemple en adoptant de nouvelles structures d’organisation et en améliorant les
compétences de la main-d’oeuvre. Les décideurs doivent :
•
Améliorer la gestion de la base scientifique en assouplissant les structures de recherche
et les incitations à la collaboration entre l’université et l’industrie. Une question
importante débattue actuellement est celle du juste équilibre entre les ressources de base
et les ressources contractuelles dans le financement des instituts de recherche. Alors que
dans certains pays le risque d’un excès de la part des ressources contractuelles existe,
dans beaucoup d’autres (notamment en Europe continentale), l’augmentation de la
proportion de ce type de ressources donnera aux structures de recherche la flexibilité et
la capacité de réaction nécessaires, face aux impératifs économiques et sociaux. Il est
souhaitable que l’industrie et les autres parties intéressées participent pleinement à la
définition des priorités de recherche (y compris la recherche pluridisciplinaire). Les
expériences de l’Australie, du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Suède
sont instructives à cet égard. Les programmes-cadres pour la recherche réalisés par
14
l’Union européenne depuis quinze ans ont mis l’accent sur la coopération entre les
universités, les centres de recherche et les entreprises ainsi que sur la mobilité
internationale des chercheurs. L’organisation de la recherche dans les universités et les
laboratoires publics devrait à la fois inciter à l’excellence scientifique et faciliter la
mobilité des idées et des personnes. Un certain nombre de pays doivent prendre des
mesures concernant le statut et la formation des chercheurs universitaires, leurs
conditions d’emploi et d’autres facteurs qui ont une incidence sur la mobilité,
notamment les possibilités qu’ils ont de créer leurs propres entreprises.
•
Veiller à maintenir à un niveau suffisant la recherche fondamentale de caractère
exploratoire pour garantir des débouchés technologiques à long terme. Les pressions de
plus en plus fortes que le marché exerce sur les entreprises ont conduit nombre d’entre
elles à rationaliser leurs activités de recherche pour en améliorer la rentabilité
économique. Mais cela a également eu pour effet de réduire le financement de la
recherche fondamentale de caractère exploratoire dont il est difficile de prévoir ou
d’évaluer les résultats. Outre un financement adéquat de la recherche publique sur des
budgets publics de plus en plus serrés, il importe que les politiques s’attachent à inciter
les entreprises à faire de la recherche, ou du moins ne les dissuadent pas d’en faire. De
nombreux programmes publics (le Programme ATP sur les technologies de pointe aux
États-Unis, le Programme-cadre et Eureka en Europe) visent à encourager la
coopération entre entreprises, et parfois entre universités, sur ce type de « technologies
génériques ». Les réglementations sur les concentrations (fusions et acquisitions) et la
coopération dans le domaine de la R-D prennent de plus en plus en compte cet aspect.
Les politiques antitrust en Europe, au Japon et aux États-Unis ont été adaptées pour en
tenir compte dès le début des années 80. Néanmoins, les pouvoirs publics doivent
généralement mieux concilier le souci de permettre la coopération en amont, qui aide à
maintenir à un faible niveau les coûts de la recherche et permet aux partenaires de
bénéficier mutuellement des compétences de chacun, et celui de faire jouer la
concurrence en aval, au stade de la production et de la commercialisation, qui permet au
consommateur de bénéficier de prix plus bas.
•
Rendre plus efficaces les aides financières à la R-D industrielle tout en jaugeant mieux
leurs mérites relatifs par rapport aux autres instruments de financement de
l’innovation. Si un certain soutien public à la R-D industrielle sous forme d’incitations
fiscales ou de subventions ciblées se justifie sur le plan économique, ces mécanismes
pourraient être améliorés dans la plupart des pays (la graphique 4 retrace l’évolution sur
les quinze dernières années de ces deux types d’aides dans un certain nombre de pays).
Pour gagner en efficacité, certains pays peuvent soit ramener à un niveau moins
généreux leurs incitations fiscales à la R-D (Canada, Espagne), soit ajuster de façon plus
fine leur dispositif d’incitations (Australie, France, Japon). Les mesures destinées à
soutenir la R-D préconcurrentielle souffrent toutes de la même insuffisance, qui est que
les mécanismes de financement restent relativement rudimentaires par rapport aux
instruments de financement par le marché de plus en plus sophistiqués (capital-risque,
par exemple). De nombreux programmes d’encouragement de projets de R-D à un stade
plus proche de la mise sur le marché ont donné des résultats contrastés, ce qui explique
les efforts récents de rationalisation ou de réforme de ces programmes (par exemple en
Autriche). Dans la mesure où la levée des obstacles au développement des mécanismes
de marché pour le financement de l’innovation devient une solution de plus en plus
15
attrayante, les pays devraient se demander si, dans leur portée et leur conception
actuelles, leurs dispositifs d’aide financière à la R-D industrielle sont bien appropriés .
Graphique 4. Évolution des incitations fiscales et aides directes
en faveur de la R-D des entreprises, 1981-96
Evolution de l'aide directe en faveur de la R-D1
2.0
Accroissement des incitations fiscales
1.5
Espagne
1.0
0.5
Italie
Finlande
Accroissement de l'aide directe
Suisse
0.0
Canada
Japon
Suède
Norvège
Belgique
Allemagne
-0.5
Etats-Unis
-1.0
0.15
Royaume-Uni
Pays-Bas
France
Irlande
0.10
0.05
0.00
-0.05
-0.10
Danemark
-0.15
Australie
-0.20
-0.25
Evolution des incitations fiscales en faveur de la R&D2
1. Evolution de la part (%) de la R-D des entreprises financée par le gouvernement.
2. Evolution de l'indice-B, un indicateur de la générosité du traitement fiscal de la R-D, dont la valeur est inversement
proportionnelle à la générosité de cet traitement.
Source : Secrétariat de l'OCDE.
1. Évolution de la part (%) de la R-D des entreprises financée par le gouvernement.
2. Évolution de l’indice-B, un indicateur de la générosité du traitement fiscal de la R-D, dont la valeur est
inversement proportionnelle à la générosité de cet traitement.
Source : Secrétariat de l’OCDE.
•
Renforcer les mécanismes de diffusion de la technologie en encourageant la
concurrence sur les marchés de produits et en améliorant la conception et l’exécution
des programmes. La diffusion de la technologie peut être renforcée par l’ouverture des
échanges, la concurrence et la réforme de la réglementation. Elle peut être également
facilitée par des initiatives publiques mieux conçues et mieux intégrées, qui renforcent
la capacité des entreprises à accéder à la technologie et l’exploiter. L’innovation et la
diffusion pourraient être fortement stimulées en encourageant la concurrence et en
libéralisant l’infrastructure dans les secteurs de croissance comme les
télécommunications, ainsi que dans les secteurs parvenus à maturité, notamment en
Allemagne, en Autriche, en Espagne et en France. L’Australie, la Finlande, les Pays-Bas
et le Royaume-Uni ont regroupé les institutions sur lesquelles s’appuient les politiques
de diffusion de manière à éviter les chevauchements, alors qu’en France il existe un
risque d’un tel chevauchement entre les initiatives nationales et régionales. Le
Danemark, l’Espagne et les Pays-Bas ont pris des mesures pour améliorer le
fonctionnement des centres de transfert de technologie. En Allemagne, au Canada, aux
États-Unis et en Suisse, les services de vulgarisation technologique et la diffusion de
l’information ont été rendus plus efficaces grâce au développement de la participation et
16
du partage des coûts avec l’industrie, bien qu’en Allemagne de nombreux centres
techniques restent fortement tributaires d’un soutien public. En Australie, au Canada et
aux Etats-Unis, la diffusion a été intégrée de façon plus explicite dans les projets de
mise au point de technologies et une action dans le même sens serait justifiée en Corée,
en Espagne et au Mexique. Les programmes destinés à encourager une meilleure
assimilation de la technologie ont été rendus plus efficaces en Autriche, en Norvège,
aux Pays-Bas et au Royaume-Uni grâce à des évaluations et à un meilleur ciblage des
entreprises, ce qui a réduit les effets d’inertie.
•
Inciter davantage les entreprises à utiliser des méthodes comparables pour la mesure et
la notification des investissements incorporels, de manière à améliorer la gestion et la
composition de l’investissement. Bien que l’investissement dans les actifs incorporels
serve de base à la croissance de la productivité, les entreprises peuvent avoir tendance à
sousinvestir en raison du manque de visibilité de ces actifs dans les pratiques de
notification. En incitant à les faire mieux apparaître, on peut améliorer la gestion interne
et l’évaluation externe par les marchés des capitaux, et donc améliorer la répartition des
ressources. Il existe des exemples isolés de bonnes pratiques dans certaines entreprises,
notamment suédoises, et des expérimentations dans des entreprises américaines.
Toutefois, à l’inverse, des éléments dissuadent les entreprises de notifier ces
informations, par exemple le souci de ne pas divulguer des informations stratégiques, la
crainte du fisc ou la volonté de ne pas créer un précédent immuable. Le Danemark est à
l’origine d’initiatives destinées à encourager les entreprises à fournir de façon plus
systématique des informations comparables, en s’inspirant des meilleures pratiques
actuelles en la matière. Il importera que d’autres pays prennent des initiatives analogues
pour améliorer encore la situation, faire mieux prendre conscience des avantages d’une
meilleure notification et faire évoluer dans un sens plus favorable la balance entre ses
avantages et ses inconvénients. Cependant, en l’absence d’initiatives gouvernementales,
il est peu probable que les efforts individuels des entreprises débouchent sur des
pratiques de notification comparables au plan international.
Instaurer les conditions nécessaires pour que le progrès technique contribue à la création
d’emplois
Les politiques technologiques ne doivent pas viser directement des objectifs en terme d’emploi
au détriment de la productivité et de la compétitivité ; toutefois, un certain nombre de pays de
l’OCDE doivent repenser leurs stratégies pour obtenir de meilleurs résultats en la matière. Réduire
l’écart potentiel entre les qualifications offertes et celles qui sont demandées, tout en veillant à la
complémentarité de la politique technologique et de la politique en matière de ressources humaines,
est l’un des objectifs de la réforme. La politique technologique est également le moyen d’instaurer
des conditions plus propices à la création et au développement de nouvelles entreprises à vocation
technologique (NET), lesquels contribuent directement à la création d’emplois ; plus important
encore, en créant et en diffusant des biens et des services nouveaux, ces entreprises contribuent à
établir une culture de l’innovation, encouragent les entreprises à investir pour élever le niveau des
qualifications, et augmentent l’efficacité dynamique de l’allocation des ressources pour l’ensemble de
l’économie. Les actions envisageables dans ce cadre peuvent consister à encourager l’amélioration de
la capacité de gestion et d’innovation, à supprimer les obstacles réglementaires, ainsi que les
obstacles au financement et à l’information et à promouvoir l’esprit d’entreprise en matière de
technologie. D’une façon plus générale, les politiques doivent contribuer à créer un environnement
propice à la mise en relation de la demande et des emplois, y compris dans les nouveaux secteurs de
17
croissance comme les services Internet ou les biens et les services liés à l’environnement. Les
politiques doivent :
•
Aider à éliminer les disparités entre la demande et l’offre de qualifications et établir un
cadre propice à l’adoption de nouvelles méthodes d’organisation. Pour que les gains de
productivité et la création d’emplois associés aux nouvelles technologies deviennent
tangibles, il faut que les entreprises investissent pour changer leur organisation et
accroître le niveau des qualifications. A cet égard, le Canada, les États-Unis, la
Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont amélioré leurs performances, qui étaient
auparavant inégales, mais ont encore besoin, à des degrés divers, d’intensifier et
d’améliorer leurs programmes d’éducation et de formation professionnelles et
techniques. Les pays nordiques (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède), de
nombreux pays d’Europe continentale et le Japon ont toujours eu de bons résultats dans
ce domaine. Certains de ces pays doivent néanmoins veiller à associer le renforcement
de la flexibilité des entreprises à une amélioration de la formation professionnelle et à
créer des liens plus étroits avec les entreprises. Élargir ou améliorer le contenu de la
formation professionnelle et technique, tel est l’objectif que doivent se fixer
l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Islande, la Norvège, les Pays-Bas et la Suisse,
tandis que pour la Finlande et la France, il s’agit plutôt de renforcer les liens avec les
entreprises, et pour l’Allemagne, l’Autriche, le Japon et les Pays-Bas, d’assouplir les
relations entre la formation technique et professionnelle et l’enseignement universitaire.
S’agissant des pays « en phase de rattrapage », en particulier l’Espagne, l’Italie, la
Grèce et le Portugal, l’objectif prioritaire est l’extension et l’amélioration de la
formation professionnelle. Les pays nordiques, les pays d’Europe continentale et le
Japon disposent d’une solide infrastructure et de traditions facilitant la diffusion
d’informations sur les nouvelles organisation et méthodes de travail, mais il importe de
renforcer les liens entre cette infrastructure institutionnelle et les entreprises, de l’axer
davantage sur la demande et de mieux la coordonner aux programmes d’éducation et de
formation.
•
Faciliter la création et le développement de nouvelles entreprises à vocation
technologique en les encourageant à améliorer leur capacité de gestion et d’innovation,
en supprimant les obstacles réglementaires, ainsi que les obstacles au financement et à
l’information et en favorisant l’esprit d’entreprise en matière de technologie. Les
gouvernements doivent s’attaquer spécifiquement aux facteurs qui limitent le nombre
des projets sérieux de création d’entreprises à vocation technologique, empêchent ces
projets d’aboutir et entravent ultérieurement le processus de sélection par les
mécanismes du marché au détriment des entreprises à fort potentiel de croissance. Il est
de plus en plus nécessaire de prendre des mesures de nature à stimuler les capacités de
gestion et d’innovation au sein des entreprises et d’accroître ainsi leur potentiel de
croissance et leurs investissements dans les technologies et l’amélioration des
qualifications. Il convient en outre de réduire les obstacles réglementaires à l’entrée et
de promouvoir l’industrie du capital-risque privé (y compris les segments spécialisés du
marché des capitaux et les réseaux « d’investisseurs providentiels – business angels »).
Divers moyens sont envisageables à cette fin, notamment la mise en oeuvre de
programmes visant à mobiliser les investissements privés (en Allemagne, en Australie
et aux Pays-Bas, par exemple) ou encore l’assouplissement des dispositions concernant
l’investissement dans les fonds de pension et les sociétés de banque ou d’assurances (en
Australie, en Finlande et en Italie, par exemple). L’aide financière directe devrait être
18
réservée aux premiers stades de l’innovation (apport initial ou étude de
pré-investissement). Il convient d’éliminer tout ce qui freine « l’esprit d’entreprise
technologique » (réglementation décourageant l’essaimage des grandes entreprises et
des universités) et les obstacles à la prise de risque (par exemple une loi sur les faillites
pénalisant de manière excessive l’échec, l’absence d’options de souscription d’actions
qui améliorent le ratio risque/rémunération pour le personnel très qualifié).
•
Promouvoir les nouveaux secteurs de croissance comme les services Internet et les
biens et services liés à l’environnement par une réforme de la réglementation qui
encourage les réponses technologiques souples et l’entrée sur le marché. L’émergence
de nouvelles industries pour remplacer les secteurs en déclin est essentielle pour la
croissance et la création d’emplois. Dans les nouveaux secteurs comme les services de
réseau et les biens et services environnementaux, l’action des pouvoirs publics a
encouragé l’innovation induite par le marché, la diffusion de la technologie et
l’expansion économique. Les politiques de croissance doivent intégrer et coordonner
différentes actions ciblées (pour promouvoir les effets sociaux positifs des services de
réseau et les objectifs de la politique environnementale et technologique), combiner une
réglementation cohérente et des incitations économiques tenant compte du
comportement des individus et des entreprises sur le marché, aussi bien du côté de
l’offre que de la demande, et éviter l’enfermement dans une technologie ou une autre.
La création d’emplois dans les services de réseau revient aux fournisseurs d’accès et
aux nouveaux médias, et résulte de la libéralisation des infrastructures, de l’innovation
technologique et de la souplesse des conditions dans le secteur des services. Les
meilleures pratiques sont le fait du Canada, des États-Unis, de la Finlande, du
Royaume-Uni et de la Commission européenne. La fourniture de biens
environnementaux et de nouveaux services comme les audits d’environnement crée
actuellement des emplois qualifiés aussi bien très que peu qualifiés ; la répartition des
emplois traduit la combinaison d’une application souple de la réglementation et
d’incitations économiques en faveur de l’innovation. Des politiques exemplaires sont
observées en Allemagne, au Canada, aux États-Unis, au Japon, en Nouvelle-Zélande,
aux Pays-Bas et dans les pays nordiques.
Améliorer l’efficience et l’effet de levier des politiques de l’innovation et des initiatives en matière
de technologie
Il est nécessaire d’améliorer l’efficience et l’effet de levier des politiques d’innovation et de
diffusion de la technologie par les moyens suivants :
•
Amélioration des techniques et des mécanismes institutionnels d’évaluation. L’intérêt
croissant pour l’évaluation s’explique en partie par le resserrement des budgets
gouvernementaux mais reflète aussi une tendance à mieux justifier l’emploi des fonds et
à accroître la transparence, ainsi que le souci d’atténuer les distorsions dues aux
politiques gouvernementales tout en augmentant le plus possible leur effet de levier.
Seul un petit nombre de pays (l’Australie, le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni)
évaluent systématiquement l’ensemble de leurs programmes technologiques sur la base
de critères socio-économiques et en fonction d’objectifs relatifs à l’allocation des
ressources et à l’établissement des priorités. Même si, dans ces pays, l’évaluation est un
mécanisme institutionnel bien établi, des efforts sont encore nécessaires pour comparer
l’efficience et l’efficacité relatives des différents moyens d’action. En Europe, la
Commission européenne a oeuvré pour intégrer un principe d’évaluation dans les
19
stratégies de certains pays en élaborant des méthodologies et en soutenant l’activité de
réseaux d’évaluateurs. Parmi les pays européens, l’Allemagne, le Danemark, la
Finlande, la France, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse appliquent des
procédures d’évaluation bien établies, mais l’utilisent en général essentiellement pour
améliorer la gestion des programmes. Si cette approche permet d’obtenir une partie des
informations nécessaires pour gérer le caractère systématique des systèmes d’innovation
modernes, elle ne fournit pas d’éléments suffisants pour répartir les fonds publics entre
les différents utilisateurs. Ce même type d’approche a été adopté par la
Nouvelle-Zélande alors qu’au Japon, plusieurs initiatives récentes ont privilégié une
approche méthodologique plus rigoureuse pour évaluer les incidences
socio-économiques des programmes. En Espagne, en Grèce, en Irlande, en Italie et au
Portugal, ainsi qu’en Hongrie, au Mexique, en Pologne, en République tchèque et en
Turquie, l’évaluation se fait encore au cas par cas et devrait être institutionnalisée en
développant des instruments méthodologiques et des mécanismes qui aideront à intégrer
l’évaluation dans l’élaboration des politiques.
•
Adoption de nouveaux mécanismes d’aide à l’innovation et à la diffusion technologique
faisant appel à des partenariats public-privé. Les partenariats public/privé semblent
particulièrement bien aptes à corriger les défaillances du marché dans certains domaines
(la mise au point de technologies industrielles génériques par exemple) et à réduire au
minimum certaines défaillances systémiques, en favorisant la coopération entre les
différents acteurs (des programmes de ce type existent en Australie, en Autriche, aux
États-Unis, au Japon et à la Commission européenne). Par rapport aux subventions
traditionnelles en faveur de la R-D, ces partenariats font davantage appel à la
concurrence pour le choix des participants privés et donnent un poids accru au secteur
privé dans la sélection et la gestion des projets ; en outre, le financement public y exerce
un plus fort effet de levier sur les ressources privées. Les programmes de partenariat
public/privé peuvent permettre d’exploiter les synergies entre la R-D axée sur le marché
et la R-D axée sur des besoins liés à la mission directe des pouvoirs publics (défense,
santé publique, environnement, etc.) à condition que leur conception permette de limiter
au maximum les risques d’appropriation au seul bénéfice des participants du secteur
privé ainsi que les risques de perte financière. Il sera particulièrement important
d’exploiter ce potentiel dans les pays où le secteur de la recherche publique est
important (aux États-Unis et en France, par exemple). Cela suppose de modifier
certaines pratiques, notamment en renforçant les synergies entre les programmes
nationaux axés sur les missions et les initiatives régionales axées sur la diffusion (par
exemple en Allemagne, en Autriche et aux Pays-Bas) ou d’assouplir l’infrastructure de
diffusion de la technologie en soutenant la diffusion, l’adoption et l’innovation dans une
large gamme d’entreprises et d’activités (dans les pays nordiques, par exemple).
•
Suppression des obstacles à la coopération technologique internationale grâce à une
plus grande transparence pour l’accès des sociétés étrangères aux programmes
nationaux et à l’établissement d’un cadre fiable pour les droits de propriété
intellectuelle. Les disparités internationales en matière d’accès des sociétés étrangères
aux programmes de recherche financés par les pouvoirs publics ont diminué, notamment
à la suite de l’action positive du Japon. Aujourd’hui, les pratiques et les règles
(concernant par exemple la réciprocité ou les conditions d’exploitation des résultats de
la recherche) diffèrent autant entre programmes qu’entre pays. Elles manquent de
transparence, notamment aux États-Unis où les nombreuses institutions intervenant dans
la politique technologique appliquent toutes des critères d’admission qui leur sont
20
propres. D’autres aspects du cadre réglementaire pour la coopération transfrontière entre
entreprises privées pourraient être améliorés, notamment dans le domaine des droits de
propriété intellectuelle. Malgré les progrès de l’harmonisation réalisés sous l’égide de
l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC), le caractère imprévisible des droits de propriété
intellectuelle et des normes, des moyens de les faire respecter et des recours en justice
compromet encore les opérations des sociétés à l’échelle mondiale, notamment dans les
nouveaux secteurs technologiques.
Rendre les réformes politiquement réalisables
Faire preuve de cohérence et de crédibilité dans la mise en oeuvre des réformes est un aspect
essentiel des pratiques exemplaires, qui exige de surmonter les inerties institutionnelles et de résoudre
les problèmes soulevés par les coûts de transition et par la redistribution des revenus et des emplois
imputables au progrès technique. Une question fondamentale consiste à se demander si les messages
adressés par les politiques aux particuliers et aux entreprises sont cohérents et crédibles. La réussite
des efforts dépendra notamment du degré de coordination possible entre les ministères et du degré de
participation des diverses parties prenantes. De nouvelles formes d’interaction avec le secteur privé
ont contribué à dynamiser les politiques de recherche et les systèmes d’innovation, et à les mettre
davantage en relation avec les objectifs économiques et sociaux en Allemagne, au Danemark, aux
États-Unis, en Finlande, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, ainsi que dans le cadre du nouveau Plan
d’action pour l’innovation de l’Union européenne. De nombreux pays pourraient en outre mettre en
place des contrôles afin de déceler les défaillances des pouvoirs publics, exercer des pressions
financières pour inciter à changer la façon dont sont prises les décisions, et recourir à des « audits » et
à des exercices internationaux de comparaison des performances afin d’induire un processus critique
d’auto-évaluation.
Les décideurs devraient s’efforcer de coordonner les politiques au niveau international, ce qui
pourrait favoriser la cohérence des réformes nationales et contribuer à une large adhésion du public.
Les pouvoirs publics ont également un rôle important à jouer, qui est de veiller à la mobilisation des
efforts aux niveaux régional et local, notamment par la mise en place de cadres administratifs et
fiscaux adéquats. Parallèlement à l’objectif de transparence des politiques et à ses répercussions, les
pouvoirs publics devraient élaborer des mesures d’incitation pour mettre les autorités locales en
concurrence quand elles lancent des initiatives, en vue d’améliorer les conditions-cadres, et pas
seulement pour obtenir des aides financières.
Les politiques technologiques doivent s’inscrire dans une stratégie de plus grande envergure,
élaborée en consultation avec les partenaires sociaux afin d’atténuer les problèmes de transition. Une
stratégie consiste à commencer par les mesures qui paraissent les plus réalisables, qui reçoivent
l’appui du plus grand nombre et dont les effets ont des chances d’être les plus perceptibles. Lorsque
ces mesures sont en place depuis un certain temps et que leurs effets ont été évalués, il est possible de
procéder aux ajustements nécessaires et de s’attaquer à des décisions plus délicates. Les politiques de
la science et de la technologie en Finlande, en Islande, au Japon et aux Pays-Bas ont su évoluer en ce
sens. Même là où des politiques de type « big bang » ont été introduites, la politique technologique a
en général évolué progressivement sur plusieurs décennies (par exemple en Nouvelle–Zélande).
Toutefois, les chances de progrès dépendent parfois de la volonté politique de prendre les décisions
difficiles, de faire face aux coûts de transition qui les accompagnent, et de démontrer l’utilité des
réformes. Dans certains pays (comme la Finlande et le Japon), les situations de crise ont pu faciliter
l’adoption de réformes. Il importe que les décideurs sachent saisir ces occasions quand elles se
21
présentent, afin d’empêcher que la situation ne se dégrade à un point tel qu’il devienne extrêmement
difficile de réparer les dégâts.
Les initiatives qui favorisent le relèvement généralisé du niveau des qualifications ainsi que
l’apprentissage tout au long de la vie peuvent contribuer à accroître la mobilité et l’employabilité des
travailleurs et atténuer le coût des compressions d’effectifs résultant du progrès technique rapide.
Dans la mesure où elles influent sur les performances économiques et sur la croissance globale de
l’emploi, l’innovation et la diffusion de la technologie devraient favoriser la cohésion sociale. Dans
ce domaine, les programmes et les transferts qui assurent la protection sociale continueront de jouer
un rôle important, car ils préservent un tissu social propre à susciter la confiance, élément
fondamental de la prise de risques, de l’innovation et de la créativité au sens large. En même temps,
ces politiques ne doivent pas compromettre les incitations au travail, à l’élévation du niveau des
qualifications, à l’évolution des modes d’organisation ou à la restructuration. Les pays de l’OCDE
sont confrontés à un défi majeur : ils doivent mettre en place, et faire accepter par la population, un
cadre d’action global qui permette, d’une part, le renforcement de la cohésion sociale et, d’autre part,
le progrès technique et le changement.
Résumé des principales conclusions par pays
Le tableau 1 présente un aperçu des principales conclusions du rapport pour les différents pays.
Il montre les forces et faiblesses de chacun et donne des indications sur les pratiques exemplaires et
les recommandations pour l’action figurant dans le rapport de base. Résumant l’évaluation des enjeux
et des politiques des différents pays dans divers domaines liés à l’innovation et à la diffusion de la
technologie, il permet de distinguer cinq situations différentes : (i) cas de pratiques exemplaires ;
(ii) politique partiellement exemplaire, avec des recommandations mineures ; (iii) politique donnant
lieu à des recommandations mineures ; (iv) politique dont une partie seulement est considérée comme
exemplaire, le reste présentant des faiblesses majeures ; (v) faiblesses majeures.
Cette étude définit les pratiques exemplaires comme un outil d’apprentissage et non comme un
concept normatif ; le tableau ne doit pas être interprété comme un classement des pays. Il ne saurait
non plus être utilisé pour classer les réformes par ordre de priorité dans les différents pays, car il ne
repose pas sur une série d’études par pays et ne couvre pas tous les domaines de la politique
d’innovation et de diffusion de la technologie. Les pratiques exemplaires identifiées sont des mesures
couronnées de succès, prises par des pays pour répondre à des problèmes génériques et dont certains
éléments (par exemple l’orientation générale ou un instrument particulier) pourraient être repris dans
d’autres pays, moyennant une adaptation appropriée. Le rapport fournit de nombreux exemples de
pratiques exemplaires de ce type, encore qu’ils soient plus rares dans certains domaines que dans
d’autres.
Les domaines dans lesquels les pratiques exemplaires sont rares et dispersées sont précisément
ceux où une approche systémique conditionne le succès, à savoir : le contexte institutionnel de la
formulation, de la mise en oeuvre et de l’évaluation des politiques, ainsi que la promotion des
nouvelles entreprises à vocation technologique (NET) et les moyens de faciliter le développement
d’une demande nouvelle. Dans d’autres domaines, comme la diffusion de la technologie ou la gestion
de la base scientifique, où les exemples de pratiques exemplaires abondent, celles-ci ne donnent pas
partout des résultats satisfaisants car leur impact dépend en partie de conditions créées par les autres
politiques. Ainsi, parallèlement aux efforts entrepris pour faire en sorte que la base scientifique
contribue davantage à la croissance économique, il importe d’assurer une meilleure assimilation des
résultats scientifiques par le secteur des entreprises, en particulier par les NET et les entreprises des
22
nouveaux secteurs de croissance. Le renouveau industriel suscité par la création d’entreprises et
l’expansion des nouveaux marchés renforcera à son tour les effets des programmes visant à
promouvoir la diffusion de la technologie.
Pour chaque pays, le tableau donne des indications sur les domaines dans lesquels il y a lieu de
modifier les politiques et de tirer des enseignements des pratiques exemplaires suivies dans d’autres
pays. D’une manière générale, on distingue trois groupes de pays. Certains pays (comme l’Australie,
le Canada, les États-Unis, la Finlande et le Royaume-Uni) affichent peu de faiblesses marquées et
n’ont généralement besoin que d’améliorations marginales. Toutefois, sauf dans le cas de la Finlande,
la formation professionnelle et l’enseignement technique constituent un point faible des systèmes
d’innovation de ces pays et compromettent leurs performances à long terme, d’où la nécessité de
poursuivre l’expansion ou l’amélioration, ou de réduire les taux d’abandon des études. En Finlande,
comme en Suède, il importe de faire en sorte que l'infrastructure de diffusion serve mieux les
interactions entre petites et grandes entreprises. Au Canada, les aides financières en faveur de la R-D
industrielle devraient être rationalisées. Il y aurait également lieu d’améliorer la coordination générale
des politiques en matière d’innovation et de diffusion de la technologie dans la plupart de ces pays, y
compris aux États-Unis.
En revanche, un certain nombre de pays de l'OCDE sont confrontés à la nécessité d’engager un
programme complet de réformes ambitieuses. C’est le cas de tous les nouveaux pays Membres
(Corée, Hongrie, Mexique, Pologne, République tchèque), où la structure institutionnelle des
politiques d’innovation et de diffusion de la technologie est encore incomplète ; c’est également celui
des pays européens dont l’expérience dans ce domaine est moindre (Espagne, Grèce, Irlande,
Portugal, Turquie), mais aussi de pays plus avancés comme l’Autriche et l’Italie, qui se heurtent à des
problèmes durables de coordination des politiques compromettant l’efficacité des actions entreprises
dans tous les domaines de la politique en matière de technologie. Les autres pays Membres, à savoir
le Japon et les autres pays européens de l'OCDE, sont dans une situation intermédiaire et présentent
chacun un profil différent quant à la répartition de leurs forces et de leur faiblesses. Les faiblesses, par
exemple en France, en Allemagne et en Suède, correspondent en partie aux rigidités du secteur de la
recherche publique et aux difficultés qui en découlent pour ajuster les politiques de financement et de
réglementation aux besoins du nouveau modèle entreprenarial de production et d’utilisation des
connaissances.
23
24
Évaluation
Chapitre 6
Gestion de la
base
scientifique
Chapitre 7
Chapitre 8
Incitations
financières en
faveur des
efforts de R-D
industrielle
Chapitre 10
Politiques en faveur
des nouvelles
entreprises à vocation
technologique
Chapitre 9
Politiques et
initiatives de
diffusion de la
technologie
Chapitre 11
Internet
Environnement
Faciliter le développement d’une
demande nouvelle
Entreprises très
performantes et
investissements
immatériels
Chapitre 12
l
l
p
p
m
Australie
l/p
l/p
l/p
m
m
p
p
m
p
p
p
l/p
Autriche
m
p
p
m
m
p
m
p
Belgique
l
l
l
Canada
l/p
l/p
l/m
l/p
l/p
l/m
m
m
m
m
m
Rép. tchèque
p
p
l
p
p
p
p
l
l/p
Danemark
l
p
l
p
l
l
l
l/p
Finlande
l/p
p
p
m
p
p
p
l/m
France
l/p
l/m
p
p
p
p
p
p
l/p
Allemagne
l/p
l/m
m
m
m
m
m
m
m
l/m
Grèce
m
m
m
m
m
Hongrie
l
p
p
p
Islande
p
m
l
p
p
p
m
m
l/p
Irlande
m
m
m
m
p
m
m
m
Italie
m
p
m
m
l
l/m
Japon
l/p
l/p
l/m
p
m
m
p
m
p
m
p
l/m
Corée
p
p
Luxembourg
m
m
m
m
m
p
m
m
l/m
Mexique
p
l
p
p
l
l
l
Pays-Bas
l/p
l/p
p
p
p
l/p
Nouvelle-Zélande
l/p
p
p
p
p
l
p
p
l
l
Norvège
m
m
m
m
p
m
p
p
m
Pologne
m
m
p
m
m
m
Portugal
m
m
m
m
m
m
m
l/m
Espagne
l/m
p
p
p
p
m
l
p
l/p
Suède
l/p
p
p
p
m
p
p
p
l/p
Suisse
l/m
m
m
m
p
p
m
m
m
Turquie
p
l
l
p
l
p
l/p
Royaume-Uni
l/p
l/m
m
l
l
l/p
États-Unis
l/p
l/p
l/p
l/m
l/m
p
l
l
l
CE
l/m
l/p
l/p
l/m
Légende : l cas de pratiques exemplaires ; p recommandation mineure ; m défaillances majeures exigeant une adaptation de la politique.
1. Ce tableau doit être interprété avec prudence et ne peut être considéré comme un classement de pays. On distingue cinq situations : (i) cas de pratiques exemplaires ; (ii) politique partiellement exemplaire, avec des
recommandations mineures ; (iii) politique donnant lieu à des recommandations mineures ; (iv) politique partiellement exemplaire, avec des défaillances majeures ; (v) défaillances majeures. Un espace blanc indique
que les informations disponibles n’étaient pas suffisantes pour que l’on puisse tirer des conclusions.
2. Les résultats indiqués dans cette colonne s’appuient aussi sur des éléments d’appréciation tirés d’autres chapitres.
Chapitre 52
Cadre institutionnel
régissant la
formulation et la mise
en oeuvre des
politiques
l/p
Tableau 1. Résumé des pratiques exemplaires et des recommandations relatives aux différents domaines de la politique de l’innovation et de la diffusion technologique 1