200411 emploi industriel France

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200411 emploi industriel France
Note de veille, 20 avril 2011
La situation de l’emploi industriel en France est-elle préoccupante ?
Le recul de l’emploi industriel en France ne serait pas aussi important qu’on le prétend.
C’est ce que tente de mettre en évidence un rapport de Trésor-Éco de l’automne 2010. Les
experts expliquent qu’un quart des pertes d’emplois industriels serait une traduction de
l’externalisation de l’activité productive vers le secteur des services. La concurrence
étrangère pourrait être responsable de 13 % des pertes. Et 30 % de la diminution de l’emploi
industriel serait dus à des changements structurels de la demande et aux gains de productivité
du secteur. Toutefois, l’avenir de l’emploi industriel en France pourrait dépendre de sa
capacité à innover.
Entre 1980 et 2007, l’industrie française est passée de 5,3 millions à 3,4 millions d’emplois,
soit une baisse de 36 %. Ces chiffres peuvent paraître alarmants, mais les experts estiment
qu’ils sont dus à trois tendances de fond : l’externalisation de la production vers le secteur des
services, la concurrence internationale, et des changements dans les structures de la demande
et de la production. Ainsi, seule une partie de la baisse de l’emploi industriel en France
correspond à des destructions nettes d’emplois.
Selon Trésor-Éco, la recherche d’une plus grande efficacité par les entreprises les a conduites
depuis les années 1980 à rationaliser le processus de production. Cette tendance passerait
donc par une plus grande division du travail induisant le recours croissant à l’externalisation.
Ainsi, cette modification dans la structure de l’emploi industriel ne constituerait pas une réelle
perte pour le secteur mais juste un transfert. Afin de connaître la part des emplois concernés
par ce phénomène, les experts mettent en relation deux données : l’augmentation du poids des
consommations intermédiaires dans la production industrielle et le recours aux services
marchands par les entreprises industrielles 1. De 1980 à 2007, le poids des consommations
intermédiaires dans la production industrielle est passé de 71 % à 75 %. Cette donnée
constituerait une première mesure pour rendre compte de la division croissante du travail dans
l’industrie. Par ailleurs, l’emploi dans les services aux entreprises a augmenté de 115 %,
passant ainsi de 2 millions en 1980 à 4,2 millions en 2007. Au total, les experts estiment que
25 % des emplois industriels supprimés sont en réalité des emplois transférés à des entreprises
du secteur tertiaire. Cette diminution est donc artificielle, elle correspond à un transfert
d’environ 380 000 emplois par an depuis 1980. Le recours aux prestataires semble s’être
stabilisé, puisqu’il ne concerne que 5 % des emplois transférés sur la période 2000-2007.
Corrélativement, l’étude Trésor-Éco s’intéresse à l’impact de la concurrence étrangère sur la
désindustrialisation en France. Les chiffres obtenus sont, toutefois, à prendre avec
précaution : les auteurs du rapport ont supposé une relation de substitution entre les
importations et la production domestique. Or, si l’augmentation des exportations de produits
industriels favorise l’industrie française, l’augmentation de l’importation de ces produits
n’équivaut pas mécaniquement à une dégradation du secteur en France. Ainsi, certains
1
Méthodologie tirée de DAUDIN Guillaume et LEVASSEUR Sandrine. « Délocalisations et concurrence des
pays émergents : mesurer l’effet sur l’emploi en France ». Revue de l’OFCE, 2005, www.ofce.sciencespo.fr/pdf/revue/7-94.pdf.
© Futuribles, Système Vigie, 20 avril 2011
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produits importés ne sont pas substituables à la production domestique et constituent de
nouveaux marchés. Selon le calcul des experts, les importations pourraient expliquer jusqu’à
13 % de la perte des emplois industriels en France entre 1980 et 2007. Ce chiffre est
néanmoins difficilement justifiable, car il ne tient compte ni des niveaux de productivité
souvent plus faible dans les pays émergents, ni des effets bénéfiques de l’importation de
certains produits sur la production d’autres produits.
Le rapport Trésor-Éco évoque, enfin, les conséquences du changement des structures de la
demande et de la production industrielle sur l’emploi du secteur.
L’augmentation des salaires moyens entre 1980 et 2007 a contribué à réduire la part des
dépenses industrielles des ménages au profit des services. En effet, les besoins des ménages
en termes de produits industriels sont limités, et lorsqu’un certain seuil de salaire est atteint, la
consommation de ces produits n’augmente plus. Une partie de la baisse du poids de
l’industrie en France s’explique donc par la faible croissance du marché des produits
industriels.
L’augmentation de la productivité du secteur industriel liée aux progrès techniques a entraîné
une baisse des prix qui a contribué à l’augmentation de la demande pour certains produits.
Mais cette hausse a été moins rapide que les gains de productivité, ce qui a donc également
participé à la baisse du poids du secteur dans la production globale.
Afin de chiffrer l’impact de ces deux phénomènes sur le recul de l’emploi industriel, les
experts se sont demandé ce que serait la situation actuelle, en France, si la part de la
consommation des ménages réservée aux produits industriels était restée inchangée depuis
1980 (34 %). Dans ce cas de figure, la production industrielle en valeur serait supérieure de
109 milliards d’euros à son niveau actuel : les gains de productivité et les changements de la
structure de la demande seraient donc responsables de 30 % des pertes observées dans
l’emploi industriel depuis 1980 et de 65 % des pertes depuis 2000.
Concernant cette dernière donnée, le rapport souligne que la situation n’est pas irréversible et
dépendra de la capacité de l’industrie française à proposer de nouveaux produits. En 2008
(derniers chiffres connus), la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD), en
France, représentait moins de 2 % du PIB (produit intérieur brut), son plus bas niveau depuis
1990. Avec ce ratio, la France se plaçait au dixième rang des pays de l’OCDE 2.
L’innovation industrielle représente donc un enjeu de taille tant pour sa consommation
intérieure que pour la compétitivité de ses produits exportés. En 2010, la part des exportations
françaises dans les exportations de marchandises de la zone euro était en baisse (12,8 %,
contre 16,7 % en 1998) 3. Les dépenses de R&D semblent donc être un investissement
incontournable pour maintenir l’emploi industriel français : toutefois, elles ne suffiront sans
doute pas à rattraper les destructions des 20 dernières années dont les causes sont davantage
structurelles que conjoncturelles.
Par ailleurs, le manque de données concernant les délocalisations ne nous permet pas de
connaître la part qu’elles occupent dans la destruction de l’emploi industriel en France.
2
OCDE (Organisation de coopération et développement économiques). « Sciences, Technologie et Industrie »,
in Perspectives de l’OCDE 2010. Paris : OCDE, 2010.
3
Sur les dépenses de R&D en France, voir PAPON Pierre. « La recherche et l’innovation à la lumière de la
crise ». Note d’analyse prospective, n° 84, 25 février 2011, Futuribles International.
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Laurie Grzesiak
Source : DGT (Direction générale du Trésor). « Le recul de l’emploi industriel en France de
1980 à 2007 : quelle est la réalité ? », Trésor-Éco, n° 77, septembre 2010,
http://www.minefe.gouv.fr/directions_services/dgtpe/TRESOR_ECO/francais/pdf/2010-00877.pdf
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