Recension des écrits sur le capital social et sa mesure

Transcription

Recension des écrits sur le capital social et sa mesure
Chaire de recherche Marcelle-Mallet
sur la
CULTURE PHILANTHROPIQUE
Recension des écrits
sur le capital social et sa mesure
Laurence Martin-Caron
Cahier no TA1301
i
Recension des écrits
sur le capital social et sa mesure
Laurence Martin-Caron
Cahier no TA1301
ii
Cahier de la Chaire de recherche Marcelle-Mallet sur la culture philanthropique
« Recension des écrits sur le capital social et sa mesure »
Laurence Martin-Caron
Sous la direction de Yvan Comeau, professeur titulaire, Université Laval
ISBN 978-2-924117-18-7 (version imprimée)
ISBN 978-2-924117-19-4 (version numérique)
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives Canada, 2013
Révision linguistique : Le Graphe
iii
Présentation de la Chaire de recherche Marcelle-Mallet sur la culture philanthropique
La Chaire de recherche Marcelle-Mallet sur la culture philanthropique poursuit une mission
de production de connaissances originales sur la culture philanthropique, de diffusion de
contenus d’érudition qui rendent compte de sa complexité et d’appui à la mise en pratique
des résultats de la recherche pour la progression de la culture philanthropique.
La Chaire conçoit ainsi la culture philanthropique :
Les manifestations comportementales, intellectuelles et morales de même que
les structures sociales par lesquelles des personnes donnent volontairement
argent, biens ou temps, afin de contribuer au mieux-être de leurs semblables, de
leur collectivité et plus généralement de l’humanité, et ce, sans contrepartie
pleinement équivalente.
La culture philanthropique prend forme dans une diversité de lieux, de secteurs d’activités,
de tâches et de significations portées par différents groupes sociaux. Considérant la variété
de ces manifestations, la Chaire privilégie trois axes de recherche :
•
•
•
les formes et pratiques actuelles de la culture philanthropique : les travaux de cet axe
portent sur les actions récentes, innovantes et peu documentées de solidarité,
notamment dans les domaines de l’alimentation et du logement. Les études réalisées
permettront de décrire la culture philanthropique québécoise contemporaine et
d’expliquer sa différenciation ;
les transformations de la culture philanthropique : les activités de cet axe concernent les
changements des pratiques touchant l’entraide, le bénévolat, l’engagement social et la
libéralité financière. Les études contribueront à saisir l’influence des phénomènes
sociétaux et des logiques d’acteurs qui reconstruisent l’inclinaison à donner pour le bien
commun ;
les interventions en faveur de la culture philanthropique : les travaux de cet axe
identifient les principes à la base du succès des démarches éducatives, éducationnelles
ou sociales de diffusion de la culture philanthropique, notamment auprès des
populations défavorisées et des jeunes.
Les cahiers de recherche représentent un des moyens de diffusion des connaissances
produites par la Chaire. Les cahiers de la collection « Études empiriques » rendent compte
d’observations originales et systématiques faites par des chercheurs sur diverses
manifestations de la culture philanthropique. Les cahiers de la collection « Théories et
approches » font état des idées et des concepts permettant de comprendre et d’expliquer
les différentes facettes de cette culture. Enfin, la collection « Interventions » expose
différentes initiatives menées le plus souvent par des professionnels en vue de développer
la disposition à la solidarité sociale.
En rappelant le nom de Marcelle Mallet, la Chaire rend hommage à une femme totalement
engagée pour ses semblables et qui a fondé, en 1849, la congrégation des Sœurs de la
Charité de Québec.
Yvan Comeau, professeur titulaire
[email protected]
www.culturephilanthropique.ulaval.ca
iv
Présentation de l’auteur
Laurence Martin-Caron est titulaire d’une maîtrise en service social et d’un baccalauréat sur
mesure en éducation et développement humain, obtenus à l’Université Laval. Son mémoire
de maîtrise est une contribution empirique à l’appréciation du capital social dans un
territoire. Laurence Martin-Caron a collaboré à l’étude de Comeau (2012) sur L’engagement
social des élus municipaux et leurs représentations du développement local et il est l’auteur
de la Monographie de la Coopérative de développement régional Centre-du
Québec/Mauricie (CDRCQM) publiée par le CRIDÉS en 2011. Après avoir notamment
travaillé en développement des communautés, l’auteur est actuellement administrateur
d’une coopérative de solidarité en habitation et occupe le siège de chercheur au Pôle
régional d’économie sociale de la Capitale-Nationale.
v
Table des matières
Liste des tableaux et des figures ......................................................................................... viii
Liste des sigles ..................................................................................................................... ix
Résumé ................................................................................................................................. x
1. Introduction ....................................................................................................................... 1
2. La recension des écrits théoriques du capital social ......................................................... 2
2.1. Les fondateurs ........................................................................................................... 2
2.1.1. Pierre Bourdieu : capital social, habitus et classes sociales ............................... 3
2.1.2. James S. Coleman : liens forts et confiance ....................................................... 5
2.2. L’approche par réseaux sociaux ................................................................................ 7
2.2.1. Mark Granovetter : liens faibles et opportunités ................................................. 7
2.2.2. Nan Lin et Ronald Burt : stratégie et gains de capital social ............................... 8
2.2.3. Alejandro Portes : mauvais capital social et risques ........................................... 9
2.3. L’approche communautarienne ................................................................................. 9
2.3.1. La popularité de Putnam .................................................................................. 10
2.3.2 Une approche controversée ............................................................................. 11
2.4. L’approche institutionnelle-synergique ..................................................................... 12
2.5. Bilan et prescriptions concernant l’utilisation des écrits théoriques pour la mesure . 21
3. La recension des écrits méthodologiques portant sur la mesure du capital social .......... 25
3.1. Les mesures quantitatives du capital social ............................................................. 25
3.2. Les mesures qualitatives du capital social ............................................................... 30
3.3. Les méthodes mixtes : l’analyse des réseaux .......................................................... 32
vi
4. Les méthodes de mesure et d’analyse à privilégier......................................................... 33
4.1. La composition sociale de la communauté .............................................................. 33
4.2. Les degrés d’organisation des groupes sociaux ...................................................... 34
4.3. La structure associative de la communauté ............................................................. 35
4.4. L’information et les communications ........................................................................ 36
4.5. Les normes de réciprocité : contrôle social informel et confiance ............................ 37
5. Le précis technique en contexte québécois .................................................................... 39
5.1. La recherche statistique en capital social ................................................................ 39
5.1.1. La recension statistique des groupes sociaux .................................................. 39
5.1.2. La recension statistique des associations ........................................................ 42
5.1.3. Le taux de participation aux élections ............................................................... 47
5.2. La recherche documentaire ..................................................................................... 49
5.2.1. La recension des médias accessibles sur le territoire....................................... 50
5.2.2. L’analyse de contenu des médias .................................................................... 50
5.3. Les observations...................................................................................................... 51
5.4. Les groupes de discussion ...................................................................................... 53
5.4.1. Le recrutement ................................................................................................. 53
5.4.2. Le guide d’animation ........................................................................................ 54
5.4.3. L’animation ....................................................................................................... 54
5.5. Les entrevues individuelles ...................................................................................... 55
6. Conclusion ...................................................................................................................... 56
Bibliographie ....................................................................................................................... 58
vii
Liste des tableaux et des figures
Tableaux
Tableau 2.1 : Dimensions du capital social selon les théoriciens ....................................... 17
Tableau 2.2 : La dimension structurelle du capital social ................................................... 22
Tableau 2.3 : Les dimensions cognitive et relationnelle du capital social ........................... 23
Tableau 3.1 : Dimensions pour la création d’outils quantitatifs par les grandes enquêtes .. 26
Tableau 3.2 : Prescriptions de Harpham (2008) pour l’élaboration de questionnaires ....... 27
Tableau 3.3 : Dimensions et indicateurs quantitatifs de Grootaert et al. (2004) ................. 28
Tableau 3.4 : Indicateurs du capital social communautaire selon Putnam ......................... 29
Tableau 3.5 : Dimensions et outils de mesure qualitatifs de Dudwick et al. (2006) ............ 31
Tableau 4.1 : Moyens pour rendre compte de la composition sociale de la communauté .. 34
Tableau 4.2 : Moyens pour rendre compte
des degrés d’organisation des groupes sociaux........................................... 35
Tableau 4.3 : Moyens pour rendre compte
des structures associatives de la communauté ............................................ 36
Tableau 4.4 : Moyens pour rendre compte de l’information et de la communication .......... 37
Tableau 4.5 : Moyens pour rendre compte
des normes de réciprocité et du contrôle social ........................................... 38
Tableau 4.6 : Moyens pour rendre compte
des normes de réciprocité fondées sur la confiance .................................... 38
Tableau 5.1 : Sources de données statistiques pour recenser les groupes sociaux .......... 40
Tableau 5.2 : Indicateurs de défavorisation
de l’Atlas du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) ........... 42
Tableau 5.3 : Sources de données sur la participation
aux diverses élections au Québec ............................................................... 48
Figures
Figure 2.1 : Deux conceptions du capital social : bien stratégique ou bien commun .......... 14
Figure 2.2 : L’articulation des dimensions du capital social selon Ruuskanen ................... 15
viii
Liste des sigles
ACC
ARC
ASCAT
ASSS
CAE
CCCM
CDEC
CDR
CLD
CTROC
CQCM
CSSS
DSP
FMI
ISQ
MAMROT
MDEIE
MFA
MRC
MSSS
OBNL
OCDE
ONU
OSBL
ROC-03
PPA
RRA
RTA
SACAlS
SADC
SC
SOCAT
TROC
Association des coopératives du Canada
Agence du revenu du Canada
Adapted Social Capital Assessment Tool
Agences de la santé et des services sociaux
Centre d’aide aux entreprises
Conseil canadien de la coopération et de la mutualité
Corporation de développement économique communautaire
Coopérative de développement régional
Centre local de développement
Coalition des tables régionales d’organismes communautaires autonomes
Conseil québécois coopération et mutualité
Centre de santé et de services sociaux
Direction de la santé publique
Fonds monétaire international
Institut de la statistique du Québec
Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du
Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de
Ministère de la Famille et des ÉAînés
Municipalité régionale de comté
Ministère de la Santé et des Services sociaux
Organisme à but non lucratif
Organisation de coopération et de développement économiques
Organisation des Nations Unies
Organisme sans but lucratif
Regroupement des organismes communautaires de Québec
Participatory Poverty Assessment
Rapid Rural Appraisal
Région de tri d’acheminement
Secrétariat à l’action communautaire autonome et aux initiatives sociales
Société d’aide au développement des collectivités
Statistique Canada
Social Capital Assessment Tool
Table régionale des organismes communautaires
ix
Résumé
Il n’existe pas de définition unique du concept de capital social. Cette situation est en partie
attribuable au fait que ce concept est utilisé par plusieurs disciplines et interprété selon
différentes écoles idéologiques. Il en résulte une grande diversité de propositions quant aux
dimensions du concept, à ses niveaux, déterminants, bénéfices et possibles retombées.
Notre recension des écrits permet de cataloguer les différentes perspectives théoriques du
capital social, de dresser le portrait des consensus et des approches reconnues par les
chercheurs en 2012 et qui nous paraissent les plus utiles aux interventions sociales et
économiques, puis de répertorier et de détailler les méthodes et techniques de mesure des
différentes composantes du capital social. Le choix méthodologique qui a guidé la recension
repose sur quatre critères : efficacité, utilité, objectivation des données et économie des
ressources.
x
Recension des écrits sur le capital social et sa mesure
1. Introduction
Si les mots servent à brouiller les choses, c’est parce que la bataille sur les mots
est indissociable de la bataille sur les choses.
– J. Rancière
Selon Forgues (2004), qui a réalisé un travail rigoureux de synthèse du concept, le capital
social fait référence aux « réseaux et [aux] liens sociaux plus ou moins actifs grâce
auxquels un individu ou une communauté peut accéder à des ressources (économiques,
politiques, culturelles ou humaines) nécessaires à l’atteinte de ses objectifs » (p. 13). Audelà du simple nombre de relations dont les acteurs peuvent profiter, le capital social réfère
renvoie aussi à ce qui influence les interactions à l’origine des réseaux sociaux, notamment
les valeurs et les normes ainsi que ce qui y est donné et échangé (Forgues, 2004). Ainsi,
l’étude du capital social est centrée d’abord sur les interactions entre acteurs, sur les liens
sociaux, puis de manière incontournable sur ce qui circule (ou pourrait circuler) par ces
relations et sur ce qui influence leur dynamique. Il s’agit d’une notion à laquelle s’intéressent
autant le paradigme du structuralisme sociologique que celui du choix rationnel (Ponthieux,
2006). Le capital social est le produit d’acteurs qui agissent avec une compétence sociale,
tout en étant « encastrés » dans un environnement qui les influence (Ponthieux, 2006 : 23).
La définition de Forgues (2004) qui vient d’être proposée représente, à nos yeux, une
réconciliation des différents courants de pensée sur le capital social. En effet, un nombre
impressionnant d’auteurs ont traité du capital social dans plusieurs disciplines et selon
différents paradigmes (Bélanger, Sullivan et Sévigny, 2000). Ces nombreuses conceptions
du capital social introduisent forcément de la complexité. À cela s’ajoutent les imprécisions
des premières définitions et les divergences entre les théoriciens (Ponthieux, 2006). Ainsi,
même la conceptualisation la plus répandue du capital social, soit celle de Robert Putnam
(2000) dans son ouvrage Bowling Alone. The Collapse and Revival of American
Community, est également une des plus contestées par les chercheurs. La confusion
entourant le terme n’est égalée que par la popularité du concept auprès des théoriciens et
praticiens sociaux, politiques et économiques. C’est dans ce contexte que s’inscrit notre
recension des écrits théoriques et méthodologiques. En la présentant, nous visons à
contribuer à la démystification du terme chez nos lecteurs francophones, à établir certaines
normes sur le plan de sa mesure ainsi qu’à faciliter son appréciation par les chercheurs et
son utilisation par les praticiens du Québec. La recension des écrits théoriques et
méthodologiques se présente en cinq sections : 1) la recension des écrits théoriques du
capital social ; 2) la recension des écrits méthodologiques portant sur la mesure du capital
social ; 3) les méthodes de mesure et d’analyse à privilégier ; 4) le précis technique en
contexte québécois ; 5) la conclusion.
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Recension des écrits sur le capital social et sa mesure
2. La recension des écrits théoriques du capital social
Le capital social est un métaconcept abstrait, puisqu’il s’agit en fait d’un assemblage
particulier de plusieurs autres concepts et que sa signification apparaît impossible à saisir à
l’aide des sens. Cette nature complexe et abstraite du concept né au 20e siècle a entraîné
de nombreux changements dans sa définition et ses composantes, selon les auteurs et les
courants de pensée. La présente section est une recension des écrits théoriques, structurée
de façon à présenter les évolutions multiples du concept : 1) les fondateurs qui ont jeté des
bases différentes au concept ; 2) les auteurs orientés vers les réseaux sociaux (approche
économique) ; 3) les auteurs qui mettent l’accent sur la communauté (approche politique) ;
4) les auteurs s’appuyant sur les travaux empiriques, la mesure et l’intervention (approche
institutionnelle-synergique).
2.1. Les fondateurs
La première mention du terme « capital social » est attribuable, selon Woolcock et Narayan
(2000), à Hanifan dès 1916. Les travaux de ce dernier portaient sur l’importance des
communautés pour la réussite scolaire. Hanifan propose une définition du capital social qui
rejoint plus spécifiquement les intérêts des organisateurs communautaires et intervenants
sociaux d’aujourd’hui :
[...] those tangible substances [that] count for most in the daily lives of people :
namely good will, fellowship, sympathy and social intercourse among the
individuals and families who make up a social unit. If [an individual comes] into
contact with his neighbor, and they with other neighbors, there will be an
accumulation of social capital, which may immediately satisfy his social needs and
which may bear a social potentiality sufficient to the substantial improvement of
living conditions in the whole community (Woolcock et Narayan, 2000 : 227).
Hanifan propose alors que le terme capital social corresponde à l’accumulation de relations
amicales, de bon voisinage et de collaboration qui, par les ressources (matérielles ou non)
qui s’y échangent, contribuent à améliorer les conditions de vie des individus et de la
collectivité en général. En parallèle de cette première définition du terme, Watson et
Papamarcos (2002) ainsi qu’Adam et Roncevic (2003) lient le concept aux travaux de
sociologues et philosophes classiques, tels que Mill, Durkheim, Locke, Simmel, Marx,
Rousseau, Tocqueville, Toennies et Weber. Pour ce qui est de la paternité officielle du
concept, la plupart des spécialistes du sujet, dont Kazemipur (2009) et Ponthieux (2006),
s’entendent pour accorder le plus grand crédit à Pierre Bourdieu, James Coleman, puis à
Robert Putnam. Il est à noter que Putnam n’est pas un fondateur du concept. Il est plutôt
celui qui a réussi à l’adapter de façon qu’il s’insère dans l’actualité des débats politiques,
philosophiques, économiques et universitaires aux États-Unis et dans les organismes
économiques internationaux, comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque
mondiale et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Marquées par des divergences importantes, les conceptualisations proposées par Hanifan,
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Bourdieu, Coleman et Putnam se rejoignent sur l’idée que le capital social renvoie en partie
aux normes et au niveau de confiance présents dans les réseaux sociaux qui facilitent
l’atteinte de certains objectifs autant individuels que communs.
2.1.1. Pierre Bourdieu : capital social, habitus et classes sociales
Éminent théoricien français de la sociologie, Pierre Bourdieu (1930-2002) est le fondateur
du structuralisme constructiviste, qu’il présentait comme une tentative de dépassement de
la dualité psychologie/sociologie pour l’explication de l’action humaine en société
(Ponthieux, 2006). Le contexte théorique dans lequel est alors introduit le concept de capital
social est celui du paradigme conflictuel où, selon Bourdieu, la société peut être représentée
comme une entité à la fois divisée en classes sociales historiquement construites et unie
par la légitimité ainsi établie de la place qui revient à chacune (Siisiäinen, 2000).
Le capital social bourdieusien serait l’élément central responsable du maintien de la division
de la société en classes sociales. Chaque individu intègrerait la culture de son groupe de
proximité à force d’interagir quotidiennement avec les personnes qui sont porteuses d’idées,
de goûts, d’objets, de ressources matérielles, d’opportunités et de signes distinctifs
particuliers. Ces éléments partagés par les personnes proches seraient en fait propres à
leur réseau social étendu et à leur classe sociale. L’individu aurait tendance à s’identifier,
consciemment ou non, à cette classe sociale, autant par affection et affinité avec ses
semblables que par différenciation avec les personnes ayant d’autres appartenances
sociales et culturelles, d’autres signes distinctifs. L’entourage humain immédiat d’un individu
aurait donc une grande importance dans la détermination de sa place sociale. On peut dès
lors mieux saisir la définition que Bourdieu donne au capital social :
Le capital social est la somme des ressources, actuelles ou virtuelles, qui
reviennent à un individu ou à un groupe du fait qu’il possède un réseau durable
de relations, de connaissances et de reconnaissances mutuelles plus ou moins
institutionnalisées, c’est-à-dire la somme des capitaux et des pouvoirs qu’un tel
réseau permet de mobiliser (Bourdieu, 1980 : 2).
Ainsi, chacun possède des capitaux de différents types (social, matériel, culturel, politique,
symbolique), mais le capital social aurait un effet « multiplicateur sur le capital possédé en
propre », stimulant par le fait même la solidarité de groupe (Bourdieu, 1980 : 2). De manière
générale, le sociologue français considère la notion de capital comme étant synonyme de
ressource et de pouvoir, tant en acte qu’en puissance, et permettant, d’après Bertrand
Russell, à certaines personnes d’en influencer d’autres de façon voulue et prévue (Domhoff,
1983 : 3). Pour ce qui est de la solidarité des réseaux sociaux, Bourdieu considère qu’elle
n’est pas qu’instrumentale ; elle serait aussi enracinée dans l’affect d’appartenance, parfois
inconscient, à un groupement humain transcendant la personne et ses proches.
Bien que la définition retenue soit publiée en 1980, Bourdieu a d’abord utilisé le concept de
capital social dans son ouvrage La Distinction publié en 1979. Le capital social y est
représenté comme étant à la fois la source et le résultat du développement du potentiel des
individus et des groupements. Le capital social d’une personne réfère donc, à une extrémité
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du spectre, à ce qui a contribué à son développement en tant qu’individu pourvu de
capacités, soit la famille, la communauté, les pairs et les réseaux sociaux qui sont
incidemment porteurs d’autres capitaux (Bourdieu, 1979). Les groupes useraient de
stratégies et investiraient temps, argent, savoirs, relations, prestige et violence symbolique
dans le but de maintenir les acquis et d’améliorer leurs conditions de vie, tout en tentant de
se faire accepter comme légitimes (Bourdieu, 1994 : 5). Ceux détenant le plus de capitaux
seraient alors avantagés et tireraient avantage à maintenir le statu quo et la reproduction
sociale. Dans ses articles publiés en 1977 et 1981, l’économiste Glenn Loury appuie la
thèse bourdieusienne de la reproduction sociale par le capital social en centrant son
analyse sur les plus démunis plutôt que sur l’élite, comme le fait Bourdieu. Il le fait en se
référant à la situation des Afro-Américains qui, bien qu’ils aient acquis des droits, héritent de
leur famille et de leur communauté une insuffisance relative de biens matériels, un manque
de culture commune avec le système en place et une quasi-absence de liens sociaux avec
les groupes pouvant leur donner accès à des opportunités professionnelles et sociales
(Portes, 1998 : 4).
Bourdieu va plus loin dans son analyse. Il affirme que le capital social, culturel et matériel
dans lequel croît une personne contribuerait non seulement à la constitution de son pouvoir,
mais aussi, élément important de sa théorie, à la formation de sa personnalité, c’est-à-dire à
la définition des goûts, dégoûts, penchants, de même qu’à une grille de lecture de la réalité,
à un système de classification des gens et des objets, à des modes comportementaux, à
des signes distinctifs et à un style de vie. Ainsi est définie une personnalité de classe
nommée « habitus » (Bourdieu, 1979 : 62-64). Par un travail d’instauration et d’entretien des
relations entre les personnes partageant un même habitus, les personnes semblables
auraient tendance à s’assembler « naturellement » par le repérage de signes distinctifs
qu’elles estiment (Bonnewitz, 1997). Non immuable, cet habitus se reconstruit constamment
dans le temps. Bourdieu souligne que les interrelations et interactions entre les différents
habitus risquent statistiquement de renforcer les dispositions acquises (Bourdieu, 1979).
C’est à travers ces interactions entre ressemblances et différences subjectivement perçues
et exprimées qu’une personne sélectionnera les réseaux sociaux qui seront son capital
social et qu’elle sera sélectionnée par ces réseaux :
Chaque agent a une connaissance pratique, corporelle, de sa position dans
l’espace social, un « sense of one’ s place », comme dit Goffman, un sens de sa
place (actuelle et potentielle), [...] définie absolument et surtout rationnellement,
comme rang, et les conduites à tenir pour la tenir (« tenir son rang ») et s’y tenir
(« rester à sa place », etc.). La connaissance pratique que procure ce sens de la
position prend la forme de l’émotion (malaise de celui qui se sent déplacé, ou
aisance associée au sentiment d’être à sa place), et elle s’exprime par des
conduites comme l’évitement ou des ajustements inconscients [...] (Bourdieu,
1997 : 220).
Le capital social se construirait par la recherche de sa place dans le monde social, par la
distinction et par la recherche du confort de la prédictibilité des relations habituelles. Certes,
il existe plusieurs espaces sociaux pour chacun dans une société où une dynamique sociale
spécifique peut être construite (à l’école, au travail, à la maison, au cours de peinture ou
d’escalade, etc.). Or, pour Bourdieu, les personnes auraient plutôt tendance à créer de la
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cohérence entre elles par les liens qu’elles entretiennent, tentant de maintenir leur habitus
d’un espace social à l’autre, créant ainsi des phénomènes sociaux tels que les classes
sociales qui transcendent les divers espaces sociaux (Bourdieu, 1979 : 47-48).
Le nombre et l’étendue des recherches empiriques qui s’inscrivent dans la perspective de
Bourdieu sont énormes, puisque ses écrits sont à la fois dans l’air du temps en modernisant
les propos de Marx sur les classes sociales, et complexes en faisant le pont entre
différentes disciplines et concepts des sciences sociales. Les propos de Bourdieu sont
pourtant quasi absents de la littérature scientifique anglophone portant sur le capital social
et sa mesure (Ponthieux, 2006).
2.1.2. James S. Coleman : liens forts et confiance
James S. Coleman (1926-1995), sociologue américain, est le chercheur qui a introduit la
notion de capital social chez les anglophones dans les années 1980-1990. Plus
pragmatique que Bourdieu, Coleman détache le concept du paradigme conflictuel pour
l’associer au paradigme plus atomiste de l’individualisme méthodologique. En fait, plutôt que
de s’attarder au capital social de l’élite, Coleman aborde le concept dans toutes les
catégories sociales.
Son projet théorique réside dans la tentative de lier les théories économiques et la
sociologie classique (Ponthieux, 2006). Y sont amalgamées les théories du choix rationnel
individuel et celles du déterminisme sociologique (règles et obligations sociales). Selon ce
paradigme et Coleman, la société et les comportements individuels s’interinfluenceraient par
l’entremise du capital social.
L’auteur décrit ce processus d’interinfluence entre la société et les individus en trois étapes
(Coleman, 1990). La première étape est le passage de la doctrine idéologique dominante
jusqu’à l’individu. Gary Becker, collègue de Coleman, décrit ainsi le processus de
socialisation fondé sur le capital social :
Le capital social dépend donc plus des choix faits par les autres que des choix
individuels – en particulier, l’influence des parents lors du processus de
socialisation, ou encore l’influence de la culture. Mais les individus conservent le
choix de se soumettre ou non à certaines influences en choisissant leurs
relations, en fonction de l’utilité future qu’ils en attendent [...] (Becker, 1996, dans
Ponthieux, 2006 : 9).
On retrouve ici le capital social comme une source d’influence moins déterminante que chez
Bourdieu, l’individu pouvant utiliser sa raison et ainsi filtrer plusieurs éléments externes
formateurs de sa personnalité. La seconde étape est celle où l’individu impose ou modifie
sa façon d’être et de faire préférée afin d’entrer en relation économique avec quelqu’un
d’autre. Les personnes s’ajustent entre elles et créent ainsi des toiles d’échange normées
dont les mécanismes peuvent se rigidifier et se ritualiser à force de répétition. Les normes
interindividuelles ainsi formées se transmettraient alors à d’autres personnes et réseaux afin
d’élargir les cercles d’échange. Le capital social de Coleman fait donc référence aux
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réseaux de relations durables ainsi qu’aux normes qui régissent les échanges et donnent
accès à toutes sortes de ressources. Ce phénomène conduit à la troisième étape de la
théorie de Coleman : les comportements d’échange normés créent graduellement
l’organisation économique de la société (Coleman, 1990). La diffusion de ces normes passe
alors par les réseaux selon la force relative de ceux-ci dans la société. Il s’agit dès lors d’un
système basé sur la réciprocité, les normes et les sanctions adoptées par les individus et
qui définit un cadre prévisible de possibilités pour les acteurs en interaction. L’efficacité des
réseaux sur le plan économique, selon Coleman, dépend donc des normes facilitant ou non
les échanges, mais aussi de la fermeture relative du réseau assurant des liens plus étroits
et intenses entre ses membres (Ponthieux, 2006 : 12). Lorsque les théoriciens se réfèrent à
Coleman, ils le font principalement pour se positionner par rapport à cette hypothèse sur les
bénéfices potentiels des liens étroits qu’ils nomment the strength of strong ties.
Un autre apport majeur de Coleman au capital social est le fait qu’il a détourné le concept
de la définition traditionnelle de capital (Kazemipur, 2009 ; Ponthieux, 2006). Contrairement
aux différents capitaux (matériel, symbolique, culturel et politique) qui peuvent être
accumulés, puis dépensés stratégiquement en échange d’autres formes de capitaux, le
capital social « n’est la propriété d’aucun de ceux qui en bénéficient » et il peut profiter à
tous en même temps, comme un bien public (Coleman, 1988 : 98).
Pour ce qui est de l’apport de Coleman à la définition du capital social, Portes (1998 : 5)
affirme qu’il entretient un flou d’où résulteront le grand nombre d’approches différentes et
parfois contradictoires qui s’en inspirent. La définition visée par Portes est celle-ci :
Le capital social est défini par sa fonction. [...] La fonction qu’identifie le concept
de capital social est la valeur des aspects de la structure sociale que les acteurs
peuvent utiliser comme des ressources pour atteindre leurs objectifs (Coleman,
1988 : 98-99). L’organisation sociale, en ce qu’elle facilite la réalisation d’objectifs
qui ne seraient pas atteignables en son absence, ou seulement à un coût très
élevé, constitue le capital social (Coleman, 1990 : 304).
Coleman (1988) recourt à quatre exemples pour illustrer les avantages des liens forts et
montrer que le capital social est ce qui existe entre les gens sans appartenir à personne en
particulier. Il rapporte en premier lieu le cas des diamantaires de New York constitués en un
réseau fermé et à haut degré de confiance. Le réseau favorise l’échange sans formalités de
diamants de haute valeur aux fins d’évaluation, sans coûts d’assurance ou de sécurité. En
deuxième lieu, Coleman fait référence aux étudiants activistes coréens dont l’efficacité de
l’organisation repose sur des liens de confiance qui se sont tissés depuis la petite école. En
troisième lieu, il présente le cas d’une mère de six enfants qui acquiert de la liberté et une
qualité de vie en déménageant de Détroit à Jérusalem, un endroit où les gens ont l’habitude
de s’occuper des enfants du voisinage. Elle se libère ainsi d’inquiétudes et de tâches
nécessitant temps et énergie (surveillance, accompagnement, etc.). En quatrième lieu,
Coleman évoque l’exemple des marchands du Caire qui s’adressent mutuellement des
clients dans un esprit de réciprocité. A contrario, Ponthieux (2006 : 14) cite un exemple où
l’absence de confiance des Américains envers leurs médecins aurait fait grimper le coût des
soins médicaux, à cause des assurances prises à l’encontre des poursuites judiciaires des
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patients. Quoi qu’il en soit, on peut souligner pour notre propos l’ambiguïté des définitions
proposées par Coleman, qui empêche d’élaborer un instrument de mesure pertinent pour sa
théorie. L’importance de cette affirmation, à l’instar de la déclaration de Portes (1998), est
que les fondateurs du concept n’ont pas réussi à articuler de définition ni de
conceptualisation claire et concise à laquelle les théoriciens actuels peuvent se rattacher de
façon consensuelle.
D’après Woolcock et Narayan (2000), de ces écrits fondateurs émanent quatre approches
du capital social : 1) l’approche des réseaux sociaux ; 2) l’approche communautarienne ;
3) l’approche institutionnelle ; 4) l’approche synergique. Les deux premières approches
seraient véritablement distinctes. Toujours d’après les deux auteurs, la troisième
représenterait une forme d’application spécifique des théories, alors que la dernière
permettrait d’aborder empiriquement le capital social. Pour sa part, Ponthieux (2003) ne fait
pas cette distinction entre les approches institutionnelle et synergique. Aux fins de notre
présentation des écrits théoriques sur le capital social, nous retenons les approches
communautarienne et institutionnelle­synergique des réseaux.
2.2. L’approche par réseaux sociaux
L’approche par réseaux sociaux est généralement associée aux échanges et à l’économie
(Woolcock et Narayan, 2000). Centrée sur les valeurs libérales comme la liberté et le profit
personnel, cette perspective tend à distinguer le bon capital social du mauvais en fonction
des possibilités que fournit l’entourage social et des contraintes que celui-ci impose.
2.2.1. Mark Granovetter : liens faibles et opportunités
Le sociologue américain Mark Granovetter fait avancer la conceptualisation du capital social
dans les années 1980 en approfondissant la théorie des réseaux sociaux. C’est en 1954
que John Barnes nomme officiellement l’objet d’étude, défini ainsi par Siegfried Nadel trois
ans plus tard :
Par le terme réseaux sociaux je ne veux pas seulement indiquer les liens entre
les personnes ; le terme relation suffit à cela. Je veux plutôt indiquer qu’il y a
liaison entre les liens eux-mêmes, ce qui a pour conséquence que ce qui arrive,
pour ainsi dire, entre une paire de nœuds ne peut manquer d’affecter ce qui
arrive entre une paire adjacente (Nadel, 1957, dans Mercklé, 2004 : 8).
Cette théorie s’inscrit dans le courant de la sociologie économique (Granovetter, 1985). On
s’intéresse ici à l’étude « des actions d’homo oeconomicus en tant qu’elles sont encastrées
dans les relations sociales » (Ponthieux, 2006 : 23). Plutôt que de statuer sur les types de
liens qui facilitent les échanges comme le fait Coleman, Granovetter met l’accent sur les
liens qui donnent accès aux ressources ayant le plus de valeur. Il appuie cependant
l’hypothèse de Coleman selon laquelle les liens forts facilitent la confiance. Il affirme
toutefois que les ressources qui circulent dans ces groupes fermés sont à l’évidence plutôt
limitées (1973 : 46-47). En fait, il estime que, plus les liens entre deux personnes sont forts,
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plus il y a statistiquement de chances que ces personnes gravitent dans des cercles sociaux
similaires ou qu’ils partagent une grille de lecture semblable. Les liens forts réduisent ainsi
la possibilité d’avoir accès à de nouvelles informations et ressources. En revanche, les liens
faibles supposent une relation plus distante avec des gens différents et donnent accès à
une plus grande diversité d’opportunités et de ressources (Granovetter, 1973). Ses travaux
portant sur la corrélation entre l’obtention d’un emploi et l’utilisation de liens faibles
confirment son hypothèse (1973 : 72).
Cette valorisation des liens faibles va à l’encontre de l’opinion de Durkheim selon qui une
société composée de liens faibles est à éviter, car il en résulterait une hausse de l’anomie
responsable de plusieurs maux sociaux (Ponthieux, 2006). Dans leur article The Strength of
Weak Ties You Can Trust, Daniel Levin, Rob Cross et Liza Abrams (2002) répertorient
plusieurs études appuyant la théorie des liens faibles comme facteur favorisant l’accès aux
ressources. Ils retiennent également de Granovetter et Coleman l’importance du
phénomène médiateur de la confiance qui agirait comme facilitateur de transactions et de
cohésion sociale. Cette confiance dans les liens faibles serait influencée par la perception, à
distance, basée sur la réputation ou d’autres indices, de la présence de trois éléments, soit
1) la bienveillance, préjugé favorable d’intention, 2) la compétence, préjugé favorable de
capacité, et 3) l’intégrité, préjugé favorable de la prédictibilité de l’autre (Mayer, Schoorman
et Davis, 2007).
Sur le plan empirique, les chercheurs en réseaux sociaux utilisent généralement des
méthodes quantitatives sophistiquées. Ce sont principalement les écrits de Jacob L. Moreno
(1889-1974) qui leur servent de référence. Moreno est le fondateur de la sociométrie, un
« instrument qui étudie les structures sociales à la lumière des attractions et des répulsions
qui se sont manifestées au sein d’un groupe » (Moreno, 1954 : 53). Aujourd’hui, on pratique
la sociométrie au moyen de logiciels d’analyse des réseaux sociaux (Social Network
Analysis, par exemple) qui fonctionnent le mieux lorsqu’on connaît déjà les limites d’un
réseau (par exemple pour l’étude d’une classe d’école).
2.2.2. Nan Lin et Ronald Burt : stratégie et gains de capital social
Nan Lin appartient au courant sociologique de la théorie des ressources. Comme ses
prédécesseurs, Lin est d’avis que chaque personne aurait accès à deux types de
ressources, personnelles et sociales, lui permettant d’accéder aux autres ressources qui lui
manquent et qui ont pour elle un intérêt (Lin, 1982). Inspiré par la théorie des liens faibles et
le paradigme conflictuel, Lin part du principe que ce qui est vraiment recherché par tout
acteur est une position avantageuse dans la structure sociale. Il s’intéresse dès lors à la
qualité des acteurs avec lesquels une personne ou un groupe est en lien, selon leur place
dans la structure sociale et les ressources qu’ils permettent de mobiliser. Lin introduit donc
l’importance des liens verticaux (le linking de Woolcock, 2001), entre acteurs occupant
différentes places dans une hiérarchie. Lin scinde en deux parties le capital social : les
réseaux sociaux qui seraient des lieux de ressources et les contacts dans ces réseaux qui
permettraient d’avoir accès à ces ressources (Lin, 1982 et 1995). Pour reprendre le
vocabulaire des auteurs abordés plus haut, il s’agirait d’établir des liens faibles, puis de les
renforcer à l’aide de stratégies.
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Dans la même veine que Lin, Ronald Burt s’intéresse à ce qui fait qu’une stratégie
d’échange est avantageuse pour un acteur (Mercklé, 2004). Il en vient à la conclusion que
l’important n’est pas vraiment le lien hiérarchique, mais la structure des relations.
S’appuyant sur la théorie du tertius gaudens de Theodore Caplow, Burt (1982) croit que
l’avantage dans les relations sociales, ce qu’il nomme le capital social, apparaît lorsque l’on
connaît des acteurs qui n’ont pas de liens entre eux (dans Mercklé, 2004). Devenir agent
médiateur entre ces inconnus donne accès à des informations et à des ressources de l’un
qui pourraient intéresser l’autre. Une telle position procure des avantages pour soi-même
par l’appropriation de la réciprocité, l’exploitation des conflits, etc. Cette perspective porte
sur les stratégies déployées pour obtenir des avantages personnels plutôt que sur
l’appréciation du capital social dans une communauté, ce qui n’empêche pas de repérer ce
type de stratégie dans des communautés.
2.2.3. Alejandro Portes : mauvais capital social et risques
L’idée d’un mauvais capital social suppose une référence normative à ce que procurent les
réseaux, comme le montre cette définition du capital social : « [...] the ability of actors to
secure benefits through membership in networks and other social structures » (Portes
1998 : 6). Il existerait une fermeture stratégique des groupes aux autres groupes, qui
permettrait de maximiser certains bénéfices. Selon Portes et Landolt (1996), ces fermetures
stratégiques risquent de faire en sorte que le capital social entraîne des effets indésirables
pour les individus, les groupes et les collectivités. Il est possible de concevoir que la
multiplication de groupes stratégiquement fermés puisse ralentir le développement des
communautés en augmentant les coûts d’échange, en réduisant la mobilité sociale, en
freinant l’inclusion sociale, en divisant les communautés, en encourageant par certaines
sous-cultures le crime ou les comportements antisociaux, en renforçant de mauvaises
habitudes de vie par la pression du groupe et même en réduisant l’importance de la réussite
scolaire par l’appartenance à tel ou tel groupe (Aldridge, Halpern et Fitzpatrick, 2002).
Bourdieu l’a expliqué : le capital social n’aurait pas que des avantages, car il peut jouer en
défaveur de certains individus, groupes, communautés ou sociétés. Pour Portes, le capital
social représente une ressource qui doit être utilisée de manière responsable afin d’éviter la
production de problèmes sociaux. Déceler le mauvais capital social se fait à la lumière
d’idéaux à atteindre ou à éviter.
2.3. L’approche communautarienne
L’approche communautarienne considère volontiers que le capital social contribue à la
démocratie et au bien commun (Woolcock et Narayan, 2000). Ses principaux auteurs,
Putnam et Fukuyama, centrent leur attention sur les groupes locaux (associations, clubs,
organismes communautaires, coopératives, entreprises privées, etc.), plutôt que sur les
individus eux-mêmes. Pour ces auteurs, davantage d’associations sur un territoire indique
de meilleurs liens entre les individus, et donc davantage de capital social, et devient
synonyme de vitalité communautaire prometteuse de développement économique et social.
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2.3.1. La popularité de Putnam
Politicologue américain, Robert Putnam est considéré comme l’auteur ayant diffusé le plus
largement le concept de capital social tant chez les élites américaines (Bush « père », Bill
Clinton), dans la population en général et dans les milieux universitaires que dans les
organisations internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI), la Banque
mondiale ainsi que l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) (Ponthieux, 2006). Il a contribué à cette popularisation par son ouvrage Bowling
Alone : The Collapse and Revival of American Community (2000), qui reprend son article
« Bowling Alone : America’s Declining Social Capital », paru en 1995. Putnam y affirme que,
selon lui, le capital social américain, base de la société, serait en déclin. Le discours
alarmiste de l’auteur soulève l’intérêt des lecteurs, d’autant plus qu’il présente du même
coup le capital social comme étant un one cure fits all où se trouve la solution aux maux
sociétaux contemporains que sont l’individualisme, l’exclusion sociale, les inégalités
économiques, le désengagement social, le déficit démocratique, la déresponsabilisation,
etc. La définition de Putnam n’a alors rien d’exceptionnel, mis à part sa simplicité : « [...]
social capital refers to features of social organization such as networks, norms, and social
trust that facilitate coordination and cooperation for mutual benefit » (Putnam, 1995 : 67). Sa
nouveauté réside en partie dans l’articulation des concepts que Putnam considère comme
étant les composantes du capital social, mais surtout dans son approche
communautarienne conférant une vertu presque eschatologique au capital social. Il est à
noter que cette définition exclut l’idée de mauvais capital social, qui ne serait en fait que
l’absence du capital social idéal. Putnam propose, grosso modo, que la reconstruction des
communautés passe par la mise en place des conditions favorables à l’engagement des
citoyens dans les différentes sphères de leur vie. Selon lui, cet engagement serait la clé du
rétablissement du marché, de l’État et du lien social américains. Ces conditions favorables
sont la confiance et les normes de réciprocité. Elles seraient la base et le déterminant des
relations d’engagement 1) civique, 2) politique, 3) religieux, 4) au travail, 5) en volontariat,
6) en don et 7) dans les réseaux informels de loisirs et de soutien. Quant aux lieux
d’engagement, ils seraient les instances intermédiaires incontournables entre les individus
et la société dans son ensemble. Ainsi, sans une confiance partagée entre les personnes,
les groupes et les réseaux, l’engagement pour le mieux-être de la collectivité ne pourrait se
concrétiser et se limiterait à des actions pour un mieux-être individuel ou du groupe
d’appartenance, potentiellement sans égard à la qualité de vie des autres acteurs de la
collectivité. Le manque d’engagement dans ces milieux témoigne d’une faible confiance
communautaire et sociétale. En lien avec cette thèse, Putnam popularise également chez
les théoriciens un cadre d’analyse des réseaux sociaux en unissant les thèses de Coleman
(force des liens forts) et de Granovetter (force des liens faibles). Il distingue le bonding, un
capital social qui unit les gens semblables dans des relations fortes intragroupes, du
bridging, un capital social qui lie les gens dissemblables dans des relations faibles
intergroupes. Putnam privilégierait les liens forts de groupes combinés avec les liens
harmonieux unissant ces groupes. Ainsi, une particularité de son approche du capital social
est qu’il s’en sert pour appuyer sa vision de ce qu’est « la bonne société démocratique » en
décrivant l’articulation idéale des relations entre le citoyen et celle-ci. Ainsi, selon Putnam
(2007), le défi central pour les communautés d’aujourd’hui, aux prises avec davantage
d’individualisme et de diversité, est d’arriver à créer du capital social qui favorise le
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développement d’un nouveau « nous » inclusif (Kazemipur, 2009). Cette idée appuyée par
une approche quantitative et un chercheur renommé est incontestablement attrayante pour
plusieurs acteurs et elle est vite récupérée par de nombreux gouvernements et institutions
internationales.
Putnam s’appuie sur plusieurs auteurs importants. Il s’inspire de Coleman, des théoriciens
des réseaux sociaux ainsi que de la philosophie politique de Tocqueville pour qui, au
19e siècle, la pierre angulaire de la démocratie américaine repose sur la tendance à
s’associer pour arriver à ses fins une disposition qui, selon Putnam, est stimulée par le
capital social (Putnam, 1993 : 167). L’approche de Putnam se distingue toutefois de celle de
Tocqueville (et de Fukuyama) du fait qu’il sépare les associations égalitaires des
associations hiérarchiques (entreprises libérales et publiques), accusant les secondes
d’encourager les comportements opportunistes au mépris du bien mutuel. Putnam s’inspire
également de la théorie du familiarisme amoral d’Edward Banfield, basé sur l’hypothèse que
ce sont les valeurs véhiculées dans la culture et intégrées par les individus qui déterminent
les actions sociales et économiques au quotidien (Ponthieux, 2006). Ainsi, certaines
cultures rendraient des individus incapables de relations conviviales en dehors de leur
famille ou de leur cercle restreint. Cette attitude basée sur un manque de confiance
intergroupe minerait la capacité de développement de la communauté (Putnam, 1993).
Putnam fait donc l’hypothèse que la confiance d’abord acquise par les citoyens dans les
coopératives et milieux associatifs serait l’élément premier de tout développement
économique et social local.
2.3.2. Une approche controversée
La méthodologie qu’emploie Putnam (1993) pour appuyer ses hypothèses n’arrive pourtant
pas à convaincre l’ensemble du milieu universitaire (Ponthieux, 2006). Déjà, de nombreuses
recherches infirment ou nuancent plusieurs de ses propositions. Woolcock et Narayan
(2000 : 230), experts du capital social engagés par la Banque mondiale, affirment ainsi que
de nombreuses recherches et observations montrent qu’il existe des communautés où la
présence de plusieurs associations démocratiques et d’une forte solidarité communautaire
n’est pas associée à un développement économique significatif. Theiss-Morse et Hibbings
(2005), quant à eux, rapportent des résultats empiriques selon lesquels la participation aux
associations démocratiques ne crée pas nécessairement de la confiance entre pairs
(interpersonal trust), car les conflits et la vie démocratique n’y sont pas toujours bien gérés
et finissent par restreindre l’engagement social. Toujours selon la même étude, même
lorsqu’une telle confiance s’établit, il est rare qu’elle soit transférée dans les relations à
l’extérieur du groupe (generalized trust), parce que les associations ont tendance à vivre
une homogénéisation de leur membership, qui en vient à se différencier d’une partie ou du
reste de la communauté. Ohmer et Beek (2006) remarquent le même phénomène : les
personnes engagées dans une association et qui y développent un sentiment de capacité
collective (collective efficacy) ont tendance à ne pas transférer cette confiance au reste de
leur quartier, et tentant plutôt de déplacer la gouvernance des actions locales vers leur
propre association. Ces arguments peuvent indiquer que de nouvelles nuances peuvent
s’ajouter à la thèse associationniste de Putnam pour qui il n’y avait qu’un seul modèle
général d’organisation démocratique et une seule conclusion à tirer de la présence d’un
grand nombre d’associations sur un territoire.
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D’autres détracteurs de Putnam lui reprochent de construire des liens fictifs de causalité,
d’avoir fait des choix incomplets d’indicateurs de mesure (ne prenant pas suffisamment en
compte tous les lieux d’engagement comme Internet ou les groupes anonymes) et d’user
d’« arguments circulaires » (Sztompka, 1999 : 196 ; Edwards et Foley, 1997 ; Misztal,
2000 : 121). Une autre critique de la thèse de Putnam est que la confiance et la réciprocité
seraient à la fois les bases de l’engagement et son résultat, en plus d’être des indicateurs
du capital social et de ses influences (Misztal, 2000 ; Woolcock, 1998 ; Field, 2003). Par
ailleurs, la plupart des auteurs remettent en question les hypothèses de Putnam quant aux
causes du déclin du capital social américain que seraient les effets pervers de la télévision
et des nouvelles technologies, de l’entrée des femmes sur le marché du travail, de la
nouvelle mobilité géographique ainsi que des changements démographiques (Edwards et
Foley, 1997). On reproche au politologue d’écarter l’hypothèse voulant que la baisse de
l’engagement des Américains puisse être un résultat du démantèlement de l’Étatprovidence. D’ailleurs, l’hypothèse du rôle de la télévision dans le rôle du déclin du capital
social a été en partie infirmée par Moy, Scheufele et Holbert en 1999.
La popularité de Putnam place celui-ci au centre de nombreux débats, dont celui sur le rôle
de l’État dans la société américaine. Il s’agit d’un sujet qu’il tentera d’éviter en insistant sur
le fait que la santé de la société dépend des groupes communautaires, tout en se défendant
de soutenir le désengagement total de l’État (Ponthieux, 2006). Les références à Putnam
deviendront des occasions de se prononcer en faveur ou non de l’interventionnisme de
l’État dans une diversité de secteurs. Il est à noter que les propos de Putnam associés au
communautarisme sont généralement critiqués par les tenants de la philosophie politique
dominante aux États-Unis, le libéralisme, car cette idée d’une communauté entière
partageant des normes de réciprocité fait craindre pour la liberté des individus, même si l’on
inclut cette vision dans un contexte démocratique (Etzioni, Volmert et Rothschild, 2004).
Malgré les nombreuses controverses qu’elle a pu soulever, la thèse de Putnam demeure
simple, séduisante et culturellement résonnante : « La réciprocité généralisée vaut mieux
que la méfiance » (Ponthieux, 2006 : 56). En dépit des nombreuses critiques à son égard,
l’approche de Putnam a été récupérée par plusieurs institutions gouvernementales et
internationales, peut-être en raison de la force de son message, d’une conjoncture propice à
sa diffusion dans le contexte sociétal d’individualisation et de son utilité dans les plans de
certaines organisations.
2.4. L’approche institutionnelle-synergique
Avant de présenter l’approche institutionnelle-synergique, il convient de revenir sur des
éléments de contexte expliquant l’intérêt croissant pour le capital social à partir des années
1990. L’engouement des institutions internationales néolibérales pour le capital social, ses
outils de mesure et l’intervention en sa faveur débute officiellement avec le projet Social
Capital Initiative lancé par la Banque mondiale en 1996 (Ponthieux, 2006). Malgré des
résultats de recherche encore ambigus depuis les années 1990, le FMI, l’OCDE et la
Banque mondiale poursuivent leurs investissements en recherche et sur le plan des
interventions. Plusieurs auteurs, dont l’économiste Joseph Stiglitz, associent cet
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engouement à une tentative des néolibéraux de nier la nécessité de changer le modèle
stratégique de développement, soit la privatisation et la dérégulation, qui a des
conséquences sociales « parfois dévastatrices » et des effets économiques « souvent
discutables » (Ponthieux, 2006 : 77). Selon certains universitaires comme Ben Fine ou
Geoffrey Bowker et Susan Star, l’approche institutionnelle ne serait pas vraiment une
perspective de recherche, mais un filtre de sélection des résultats visant à justifier un
nouveau type d’intervention (Ponthieux, 2006).
L’approche synergique émerge parallèlement à l’approche institutionnelle et s’y associe,
profitant du financement croissant des projets. Elle est caractérisée par une démarche plus
scientifique qu’idéologique et plus empirique que théorique (Woolcock et Narayan, 2000).
Les penseurs de l’approche synergique sont des théoriciens, des professionnels et des
universitaires qui élaborent de nouvelles conceptualisations du capital social en s’inspirant
des études empiriques, des débats qu’elles suscitent et des hypothèses des théoriciens du
capital social (Putnam, Coleman, Granovetter, Lin, etc.). Les principaux domaines de
recherche en capital social sont catégorisés ainsi par Woolcock et Narayan (2000) :
1) l’analyse des relations entre la société civile, les institutions formelles publiques et le
marché sur des territoires ; 2) le développement de stratégies de création de capital social ;
3) le constat de liens entre capital social et effets désirés.
En s’appuyant sur des recherches empiriques, l’approche synergique a participé à la mise à
l’épreuve des modèles théoriques ainsi qu’à leur renouvellement. Son apport le plus
important au capital social est sans doute sa reconceptualisation en vue de faciliter sa
mesure. Une première contribution importante en ce sens est la distinction entre, d’une part,
le capital social structurel, c’est-à-dire les réseaux physiques et leurs caractéristiques
(ouverture, proximité [closeness], densité, conditions de membership, homogénéité, mobilité
des ressources, centralité, etc.), et, d’autre part, le capital social cognitif, autrement dit les
schèmes d’interprétation du social (confiance, unité, réciprocité, moyens de contrôle social,
etc.) partagés dans la communauté (Nahapiet et Ghoshal, 1998 ; Uphoff et Wijayaratna,
2000 ; Grootaert et van Bastelaer, 2002 ; Krishna et Uphoff, 2002 ; Stimson, Western, Baum
et van Gellecum, 2003). Le structurel serait ce qui facilite (ou non) les actions (Grootaert et
van Bastelaer, 2002), alors que le cognitif-relationnel serait ce qui oriente les actions vers
un bénéfice collectif ou individuel (Krishna et Uphoff, 2002).
Une seconde contribution importante des théoriciens de l’approche synergique est le récent
éclaircissement conceptuel proposé par Geys et Murdoch (2010) concernant le bridging et
le bonding. Selon ces auteurs, le terme bonding fait référence aux relations entre
semblables, alors que le bridging s’applique aux relations entre personnes dissemblables.
De plus, ils suggèrent d’utiliser l’expression capital social interne s’il est question des
relations intragroupes, et capital social externe, dans le cas de l’intergroupe. Cette
distinction permet de considérer les apports des groupes homogènes, comme la solidarité
et le sentiment d’appartenance, et ceux des groupes hétérogènes reconnus pour contribuer
davantage au développement de la communauté au sens large, et ce, sous certaines
conditions (Theiss-Morse et Hibbing, 2005). Ce renouvellement ouvre d’anciens débats :
est-ce la force des liens ou la différence entre les acteurs qui fait qu’il y a plus ou moins de
nouvelles relations sociales et de circulation fluide des ressources ? Il est maintenant
possible de considérer qu’il existe, par exemple, des réseaux de groupes semblables ainsi
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que des réseaux d’individus dissemblables. Auparavant, un groupe d’individus était
automatiquement considéré sous l’angle de la similitude (bonding) et les relations entre
groupes supposaient que ceux-ci étaient dissemblables (bridging).
Un troisième apport théorique majeur concerne l’unification du concept de capital social.
Une première fragmentation conceptuelle avait été faite et portait sur l’opposition entre les
approches centrées sur les acteurs (micro-méso) et celles centrées sur la collectivité (mésomacro) (voir la figure 2.1). Dans la première, le capital social est défini comme l’avantage
relatif d’un acteur par rapport aux autres selon la position qu’il occupe dans la structure
sociale. La question du capital social se pose donc ici par rapport à la « possession » de
relations stratégiques et utiles par un acteur précis qui les utilise pour atteindre ses buts
(égoïstes ou altruistes) : « Quel est son capital social ? Avec qui est-il en relation et
pourquoi ces relations sont-elles maintenues ? » Sous un second angle d’approche, le
capital social était défini comme une ressource collective latente pouvant devenir un moteur
puissant de développement local au service du bien commun lorsque son accès est rendu
possible pour tous. Le capital social se rapporte alors ici à une question d’accès aux
relations stratégiques et utiles, présentes dans le milieu : « Quel est le capital social du
milieu ? Le système de relations est-il fragmenté ou y a-t-il un ou plusieurs éléments
unissant l’ensemble du milieu et favorisant les échanges de toutes sortes ? » Ces deux
écoles de pensée contribuent à la confusion lors de l’emploi du terme, limitant parfois le
transfert de connaissances et l’application du concept en intervention.
Figure 2.1 : Deux conceptions du capital social : bien stratégique (à gauche)
ou bien commun (à droite)
Source : Godechot et Mariot, 2004, p. 244.
Pour résoudre cette dichotomie, Adler et Kwon (2002) proposent un capital social produit
simultanément à plusieurs niveaux de la structure sociale, prenant différentes formes et
pouvant être utilisé de différentes façons selon l’acteur concerné. Cette approche
unificatrice accepte la coexistence de plusieurs visages d’un même capital social. Ainsi, le
capital social peut être analysé à partir d’un acteur et des relations qu’il possède, tout
comme il peut être analysé à partir d’un milieu et de l’enchevêtrement des relations entre les
acteurs.
Une seconde fragmentation conceptuelle majeure concerne les nombreuses divergences
d’opinions lorsque vient le moment de distinguer le capital social de ses déterminants et
effets. Ruuskanen (2001) propose alors de considérer le capital social comme une entité
composée de trois dimensions : les sources du capital social, les mécanismes du capital
social et les résultats du capital social (voir la figure 2.2). L’utilisation de ces dimensions
limiterait la confusion dans l’utilisation du terme.
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Figure 2.2 : L’articulation des dimensions du capital social selon Ruuskanen
SOURCES
MÉCANISMES
MICRO
RETOMBÉES
SUBJECTIVES
Cognitions,
représentations, valeurs
Gratification instantanée
liée aux relations de
confiance et de bonne
communication
CRÉATION DE CONFIANCE
Horizontale
Verticale
MÉSO
Normes de réciprocité
Réseaux horizontaux
et verticaux
COMMUNICATION
Quantité et diversité d'information
MACRO
Compréhension de l'information
OBJECTIVES
Collaborations facilitées
Lois et justice
Régulation des conflits
Coordination des rôles
Réduction des coûts de
transaction
Communication ouverte
Soutien social
Source : Traduction libre du modèle de Ruuskanen, 2001, p. 146.
Revenons un instant à la figure 2.2 afin de bien la comprendre. Ruuskanen estime qu’il
existe des sources individuelles (micro), communautaires (méso) et sociétales (macro) du
capital social. S’inspirant de Putnam, il affirme que le capital social s’enracine mieux chez
les individus (micro) rationnels et éclairés, qui adhèrent à un discours de solidarité et qui
considèrent que leurs intérêts personnels sont compatibles avec le bien-être collectif. Sur le
plan communautaire (méso), l’existence du capital social est favorisée selon Ruuskanen par
la présence de normes de réciprocité, qui facilitent les relations et échanges à l’intérieur de
réseaux horizontaux et verticaux déjà existants. Sur le plan sociétal (macro), ce sont les
lois, la justice, les instances de régulation des conflits et la libre communication qui
faciliteraient l’existence du capital social, compensant le fait que nous ne connaissons pas
bien tous les acteurs, leurs normes relationnelles, leur situation et les risques à traiter avec
eux. À ces sources, ces bases observables du capital social, Ruuskanen identifie deux
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mécanismes de développement du capital social. Ce sont des éléments dynamiques qui
s’entrinfluencent : la confiance et la communication ouverte. Le premier élément est associé
à la prise de risque (être vulnérable, avancer des fonds, faire des transactions sans
garanties, etc.), alors que le second est associé à une plus grande connaissance du milieu
et des acteurs (l’obtention d’informations pour prendre des risques calculés). De ces
mécanismes résulteraient de potentielles retombées pour les individus et la collectivité en
général. Il y aurait des bénéfices directs pour le climat social général des collectivités et
pour les individus qui apprécient les relations de confiance bidirectionnelle, les
apprentissages et les communications ouvertes. Des bénéfices indirects existeraient aussi,
soit la création d’un milieu propice à davantage d’échanges de capitaux, à une bonne
coordination des efforts, à du soutien et de la collaboration. Ces bénéfices auraient à leur
tour une influence sur les sources individuelles et collectives du capital social (voir la
figure 2.2).
La conceptualisation que propose Ruuskanen est clairement circulaire. Elle a, par ailleurs,
l’avantage d’assumer clairement l’interdépendance des constituantes du capital social, le
dépeignant plus réalistement à mi-chemin entre l’individu et le collectif. Insatisfaits malgré
tout de ces clarifications, plusieurs théoriciens et praticiens préfèrent utiliser d’autres termes
pour désigner les réalités. Ainsi, pour désigner les relations de confiance, de coopération et
de réciprocité, les termes solidarité sociale et engagement civique sont de plus en plus
employés (Claridge, 2004 ; Ball-Rokeach et Kim, 2006 ; Geys et Murdoch, 2010).
Les démonstrations empiriques de l’approche synergique n’ont pas seulement servi à
reconceptualiser le capital social ; elles ont aussi mis un terme aux hypothèses de plusieurs
penseurs, dont Putnam et Fukuyama, selon qui le capital social ne pouvait pas être
développé à court terme (Claridge, 2004 ; Stolle, Soroka et Johnston, 2008 ; Ball-Rokeach
et Kim, 2006). Il ne s’agirait pas que d’une prédisposition culturelle ni d’une tendance
irréversible d’un cycle amorcé il y a des lunes. Le capital social semble en fait être affecté
ou inégalement réparti selon plusieurs données contextuelles : 1) l’histoire et la culture des
communautés ; 2) le type de relations, égalitaire ou hiérarchique ; 3) les relations familiales ;
4) l’éducation individuelle et le niveau moyen atteint dans une communauté ;
5) l’environnement physique ; 6) la mobilité résidentielle ; 7) les inégalités économiques et
sociales ; 8) les caractéristiques et forces de la société civile ; 9) les modèles de
consommation ; 10) les valeurs individuelles ; 11) le type de régime politique ; 12) les
politiques publiques ; 13) les normes sociales. Plusieurs impacts du capital social ont aussi
été identifiés empiriquement. Selon la perspective adoptée, on y associe la hausse du
produit national brut (PNB), la facilitation des transactions marchandes, la baisse du taux de
criminalité, la plus grande efficacité des institutions démocratiques gouvernementales et
toute une série d’améliorations en matière de réussite scolaire, de santé publique, de
gouvernance communautaire, de production en entreprise, etc. (Aldridge, Halpern et
Fitzpatrick, 2002 ; Claridge, 2004). Les acteurs de l’approche synergique sont nombreux et
contribuent régulièrement à l’amélioration des connaissances sur le capital social. Leurs
travaux seront abordés plus en détail lorsque nous arriverons aux étapes de choix théorique
et méthodologique. Le tableau suivant présente une synthèse des dimensions théoriques du
capital social vues jusqu’ici.
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Tableau 2.1 : Dimensions du capital social selon les théoriciens
Théoriciens
Dimensions théoriques du capital social
Hanifan
Contacts entre voisins.
Liens comblant les besoins sociaux.
Liens offrant un potentiel d’amélioration des
conditions de vie pour toute la communauté.
Bourdieu
Réseau durable de relations (actuelles ou
virtuelles), débutant par la famille et les gens
qui gravitent autour d’elle (réseaux informels).
Réseaux à travers lesquels des ressources
sont échangées.
Réseaux qui se créent en grande partie par
homophilie.
Stratégies des membres des réseaux pour
maintenir ou améliorer leur place dans le
monde social et faire accepter leur légitimité.
Culture propre à chaque réseau.
Mesure du capital social
Présence de contacts réguliers entre voisins (individus).
Besoins sociaux des individus et façons pour eux de les combler.
Contacts associés à un potentiel d’amélioration des conditions de
vie dans la communauté (ambiance, sécurité, collaboration).
Groupes sociaux et associations de la communauté qui sont des
lieux de création de réseaux de gens semblables.
Ressources (matérielles, politiques, culturelles, humaines)
disponibles et distribuées dans les réseaux (groupes sociaux,
associations).
Éléments d’ancrage (rassembleurs) des réseaux (traits culturels,
fonctions des relations, filtres au membership).
Stratégies utilisées par les réseaux, groupes et associations
servant à maintenir ou à améliorer leur statut social (et à être
reconnus comme légitimes).
Valeurs et modes relationnels prônés dans le réseau.
Sentiment de la place sociale qu’occupent les membres du
réseau.
Grille de lecture de la réalité des réseaux.
Stratégies de rétention des membres.
Stratégies de communication des valeurs et modes relationnels à
l’intérieur des réseaux.
Moyens pris pour contribuer au développement de leurs membres.
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Tableau 2.1 : Dimensions du capital social selon les théoriciens (suite)
Théoriciens
Coleman
Granovetter
Lin
Burt
Dimensions théoriques du capital social
La force des liens forts.
Mesure du capital social
Groupes tissés serrés : relations de confiance, attachement,
fréquence élevée des rencontres, échange de capitaux à moindre
coût.
La réciprocité, c’est-à-dire la croyance que les Normes et valeurs à respecter dans les groupes assurant, aux
valeurs et les normes existant dans les
yeux des membres, les relations désirées.
collectifs seront respectées par les membres,
crée la relation de confiance.
Il y a des avantages à respecter les normes et Stratégies de création, de développement et de maintien de liens
des conséquences indésirables à ne pas les
forts.
respecter.
Identification des valeurs-normes du groupe/réseau/association,
puis de ce qui fait qu’elles sont respectées dans le groupe.
La force des liens faibles.
Relations avec un moindre attachement affectif, avec moins de
confiance, plus distantes, moins fréquentes, et avec une plus
grande diversité des capitaux disponibles.
Identification de la diversité des capitaux disponibles et
effectivement échangés.
Les individus et les groupes cherchent une
Les différentes positions sociales des groupes (richesse
position sociale avantageuse.
matérielle, pouvoir, qualité de vie).
Capitaux possédés par les groupes et qui pourraient profiter à
d’autres, qui pourraient faire envie.
Les acteurs tentent d’abord de créer des liens Liens verticaux créés dans le but d’améliorer la position sociale
faibles avec des individus, groupes et
(linking).
instances qui se situent plus haut qu’eux dans
des hiérarchies.
Une fois les liens faibles créés, les acteurs
Stratégies de renforcement des liens.
tentent de renforcer ces liens afin d’avoir
accès aux capitaux.
Les trous structuraux permettent aux acteurs Trous structuraux et acteurs qui peuvent en profiter.
d’améliorer leur sort individuel en devenant les Acteurs qui tirent des avantages en capitaux au détriment de
médiateurs entre plusieurs acteurs.
l’ensemble de la communauté.
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Tableau 2.1 : Dimensions du capital social selon les théoriciens (suite)
Théoriciens
Dimensions théoriques du capital social
Portes
Le mauvais capital social, ce sont les dynamiques
sociales qui nuisent au développement des participants
ou de la collectivité.
Putnam
Mesure du capital social
Pratiques qui :
…réduisent la confiance générale entre certains groupes ?
…divisent la communauté ?
…encouragent le crime et les comportements antisociaux ?
…encouragent de mauvaises habitudes de vie (réduisant
l’importance du sport, de la réussite scolaire) ?
…favorisent l’exclusion sociale ?
… augmentent les inégalités de capitaux ?
Le familiarisme amoral, c’est une culture faisant en sorte Existence d’un espace communautaire entre les cercles
que les gens ne sont pas capables de faire confiance en restreints des individus (amis-familles) et leurs milieux
dehors de leur cercle restreint.
professionnels.
Le capital social fait référence à la structure sociale
Ce qui facilite la coordination et la coopération dans la
composée des réseaux et des normes et à la confiance communauté pour le bien commun et ce qui semble nuire à
qui facilite la coordination et la coopération pour le
cette coopération.
mieux-être de l’ensemble de la communauté.
Premier niveau d’inclusion sociale des individus qui
Associations (formelles ou non) pour tous les groupes ?
s’observe par leur engagement et leur appartenance à
Critères d’inclusion ou d’exclusion de ces associations
un ou plusieurs groupes sociaux.
faisant en sorte que certains membres du groupe social
puissent se retrouver malgré tout exclus de l’association.
Second niveau d’inclusion sociale des individus qui
Identification des réseaux des groupes.
s’observe par l’inclusion de leur groupe d’appartenance Critères d’inclusion ou d’exclusion de ces réseaux faisant
dans le réseau de groupes composant la communauté. en sorte que certaines associations puissent se retrouver
malgré tout exclues du réseau.
Idéalement, la communauté n’est pas divisée en
Existe-t-il des divisions dans la communauté faisant en
plusieurs groupes opposés et non disposés à coopérer. sorte qu’il y ait une absence totale de coopération entre
certains groupes ?
Le défi pour les communautés est de créer un nouveau Quelles sont les stratégies utilisées pour créer un nouveau
« nous » inclusif.
« nous » inclusif ?
L’engagement dans les différents secteurs de la
Il n’est pas réaliste de tenter de mesurer le taux
communauté reflète le climat général de confiance dans d’engagement des individus dans les différents domaines
la communauté.
de leur vie. Il faut concentrer les analyses sur les
associations démocratiques.
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Tableau 2.1 : Dimensions du capital social selon les théoriciens (suite et fin)
Théoriciens
Nahapiet,
Ghoshal,
Grootaert,
van
Bastelaer,
Krishna,
Uphoff,
Wijayaratna,
Stimson,
Western,
Baum et van
Gellecum
Dimensions théoriques du capital social
Capital social structurel (ce que les gens
font, ce qui est observable), c’est-à-dire les
réseaux physiques et leurs caractéristiques
(ouverture, densité, conditions de
membership, homogénéité, mobilité des
ressources).
Capital social cognitif (ce que les gens
ressentent et perçoivent).
Ruuskanen
Le capital social s’enracine plus facilement
chez les individus qui considèrent que leurs
désirs sont compatibles avec le bien collectif.
Le capital social s’enracine plus facilement
dans les communautés dotées de normes de
réciprocité et de réseaux horizontaux et
verticaux.
Le capital social s’enracine plus facilement
dans les sociétés dotées de lois et
d’instances de résolution de conflits
protégeant les acteurs de relations
d’échange de capitaux, ainsi que dans les
sociétés où il y a liberté (et possibilité) de
communiquer.
Mesure du capital social
Ouverture des réseaux et des groupes aux influences extérieures, à
l’échange d’information, au partage de capitaux, à l’inclusion de
nouveaux membres.
Densité des réseaux.
Centralité (quels sont les points centraux ou les membres du réseau
qui sont liés au plus grand nombre d’acteurs (les nœuds du réseau) ?).
Proximité des acteurs (quels acteurs sont le plus près les uns des
autres ?).
Leadership (lié au prestige, au pouvoir, à la crainte).
Cohésion, donc des cliques de semblables.
Trous structuraux, soit l’absence de lien entre des nœuds ou des
acteurs.
Valeurs et normes centrales aux groupes et réseaux.
Fonctions qu’exercent les groupes et les réseaux pour leurs membres.
Niveau de confiance entre membres des réseaux.
Facteurs d’inclusion, d’exclusion et de leadership des groupes et
réseaux.
Conception par les individus et organisation de leur lien avec la
collectivité.
Normes communautaires facilitant la coopération.
Réseaux horizontaux et verticaux.
Lois, règlements, instances qui aident ou nuisent à la coopération, à la
création de réseaux et à l’échange de capitaux.
Moyens de communication libres.
Appréciation des relations de confiance et de communication ouverte.
Bénéfices perçus de la communication pour les domaines de la
collaboration, de la coordination des efforts, du soutien, et pour
l’échange de capitaux.
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2.5. Bilan et prescriptions concernant l’utilisation des écrits théoriques pour la mesure
Le capital social est un concept pragmatique au sens où sa définition, ses niveaux
d’analyse, ses dimensions et ses indicateurs dépendent de la discipline, de l’objet étudié et
de l’objectif fixé par les auteurs (Claridge, 2004). Ce constat ne signifie pas que toutes les
conceptualisations s’équivalent. Cet éclectisme fait plutôt en sorte que, sur le plan du capital
social, le choix théorique d’un chercheur ne peut se limiter à une adhésion complète et sans
nuance à la théorie d’un seul auteur. Le choix théorique doit plutôt être un choix de
concepts sélectionnés en fonction du paradigme privilégié et des objectifs précis de la
recherche effectuée. Dans le cadre de la présente recension des écrits, plutôt que d’adopter
une définition trop étroite du capital social, nous préférons envisager « un concept faisant
référence aux institutions, relations, attitudes et valeurs qui régulent les interactions entre
les gens et qui contribuent au développement économique et social » (Grootaert et van
Bastelaer, 2002 : 2).
Les différents théoriciens ont brossé un portrait du capital social qui, tout en demeurant
imparfait, s’est affiné avec le temps. Bien que toutes les dimensions du capital social ne
fassent pas l’unanimité, il est nécessaire de faire un choix, de statuer sur celles qui seront
retenues, afin de pouvoir préciser les méthodes et techniques de mesure pour chacune
d’entre elles. La décision n’est pas arbitraire ; de nombreux concepts développés par les
fondateurs et auteurs classiques du capital social sont repris par plusieurs de leurs
successeurs de l’approche synergique. Ces derniers présentent généralement leur
conceptualisation en distinguant deux dimensions : 1) le structurel – composé d’éléments du
capital social faisant référence aux réseaux sociaux et à leur configuration ; 2) le cognitifrelationnel – composé d’éléments du capital social faisant référence aux schèmes mentaux
partagés par les acteurs qui appartiennent aux mêmes groupes ou communautés (Uphoff et
Wijayaratna, 2000). Les deux tableaux suivants présentent, pour chacune de ces
dimensions, les sous-dimensions qui la composent, leurs auteurs ainsi que certaines
précisions permettant l’appréciation du capital social.
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Tableau 2.2 : La dimension structurelle du capital social
Sousdimensions
1. Composition
sociale de la
communauté
Définitions opérationnelles
Présence et répartition des groupes
sociaux sur le territoire.
2. Degré
d’organisation
des groupes et
réseaux de la
communauté
Actions reflétant directement ou
indirectement le degré
d’engagement et de solidarité des
membres des groupes sociaux entre
eux et envers leurs communautés
d’intérêt et d’identité.
3. Structure
associative de
la communauté
Réseaux horizontaux et verticaux.
Les fonctions des réseaux et ce qui
y est échangé.
La cohésion et les oppositions sur le
territoire.
Les trous structuraux.
Répartition des ressources
matérielles, informationnelles et
d’opportunité entre les groupes.
Présence, accessibilité et
consommation des outils de
communication.
Possibilités d’échanger sur des sujets
en rapport à la communauté ou d’être
exposé à de nouvelles idées.
4. Information
et
communication
5. Obligations
et attentes
officielles
Lois, règlements et conditions
explicites pour faire partie d’un
groupe ou réseau et ayant un effet
sur les actions de réciprocité.
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Auteurs
Nahapiet et
Ghoshal, 1998 ;
Dudwick et al.,
2006.
Nahapiet et
Ghoshal, 1998 ;
Putnam, 2000 ;
Narayan et
Cassidy, 2001 ;
Dudwick et al.,
2006.
Nahapiet et
Ghoshal, 1998 ;
Putnam, 2000 ;
Narayan et
Cassidy, 2001 ;
Dudwick et al.,
2006 ; Grootaert,
2001 ; Stone,
2001.
Ball-Rokeach et
Kim, 2006 ;
Matsaganis,
2010 ; TheissMorse et Hibbings,
2005 ; Dudwick et
al., 2006.
Nahapiet et
Ghoshal, 1998 ;
Ruuskanen, 2001.
Précisions
Chaque individu appartient à plusieurs groupes. Les
groupes sont les « contenants physiques » des cultures
présentes sur le territoire, les « couloirs » à travers
lesquels passent certaines ressources et influences.
Tous les groupes ne sont pas les mêmes : les structures
peuvent être formelles ou non, les liens peuvent être forts ou
faibles, les frontières peuvent être ouvertes ou fermées, etc.
Les membres trouvent dans les groupes certaines
opportunités et certains risques. Il s’agit aussi d’identifier la
frange de chaque groupe qui est organisée officiellement et
celle qui ne l’est pas.
Il s’agit d’identifier les opportunités et difficultés
auxquelles l’appartenance à ces groupes prédispose
leurs membres, à travers les dynamiques intergroupes.
Ces dynamiques sont propres à chaque communauté.
Il s’agit d’identifier les véhicules d’information privilégiés
par chaque groupe, portant sur la communauté dans son
ensemble et sur les groupes sociaux en particulier. Les
groupes sociaux se côtoient virtuellement à travers les
informations qui circulent à leur sujet dans les médias et
par le bouche-à-oreille.
Il s’agit d’identifier les filtres au membership utilisés par la
frange organisée des groupes sociaux. Ces filtres
homogénéisent le comportement des membres inclus.
Ces filtres, ou règles, créent également de la confiance.
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Tableau 2.3 : Les dimensions cognitive et relationnelle du capital social
Sousdimensions
1. Langages,
codes et
récits
partagés
Définitions opérationnelles
Auteurs
Précisions
Les connotations associées aux codes,
apparences et dialectes d’autres
groupes.
Sens de sa propre place dans le monde
social.
Valeurs partagées, priorités, modes
relationnels normatifs, facteurs
d’exclusion, facteurs d’inclusion,
caractéristiques des leaders.
Préjugés favorables ou défavorables
(d’intentions, de capacités et d’intégrité)
envers les différents acteurs de la
communauté (voisins, propriétaires,
police, santé, intervenants, gens
d’affaires, politiciens, associations, etc.).
Nahapiet et
Ghoshal, 1998 ;
Putnam, 2000 ; BallRokeach et Kim,
2006 ; Day, 2006 et
2009.
3. Contrôle
social
informel
(normes de
réciprocité)
Schèmes mentaux de prédictibilité
partagés concernant les valeurs
ambiantes et les éventuelles réponses
du milieu qui les font respecter
(avantages à les respecter,
désavantages à ne pas le faire).
4.
Identification
Sentiment d’appartenance, sentiment
d’être chez soi (dans le groupe, les
réseaux, la communauté, la société).
Coleman, 1988 ;
Nahapiet et Ghoshal,
1998 ; Putnam, 2000 ;
Narayan et Cassidy,
2001 ; Stone, 2001 ;
Dudwick et al., 2006 ;
Harpham, 2008.
Nahapiet et
Ghoshal, 1998 ;
Ball-Rokeach et
Kim, 2006 ; Dudwick
et al., 2006.
Il s’agit d’identifier des éléments des grilles de
lecture des différents groupes. Leurs membres
partagent plus ou moins fortement un narratif du
monde et de leur place individuelle et collective
dans celui-ci. Il gère, renforce ou transforme les
dynamiques relationnelles entre les membres d’un
groupe et entre les membres de groupes
différents. Quels sont les éléments culturels qui
entrent en friction et ceux qui créent des liens ?
Il s’agit d’identifier les « chemins » sociaux à
travers lesquels les capitaux et influences passent
facilement ou non. Les gens s’adressent pour du
soutien aux personnes en qui ils ont confiance.
S’adresser à un acteur en qui l’on n’a pas
confiance représente « une prise de risque » qui,
selon la réponse, débouchera sur une création de
confiance ou de méfiance.
Il s’agit d’identifier les mécanismes faisant
respecter les valeurs dans les groupes et les
communautés. Ce sont généralement des règles
informelles de membership. Ces règles gèrent les
dynamiques relationnelles intragroupes et
expliquent certains conflits de valeurs
intergroupes.
Il s’agit ici de déterminer les auto-identifications à
des groupes sociaux. L’appartenance à un groupe
social n’est pas toujours consciente. L’autoidentification à un groupe crée chez l’individu une
sensibilité ressentie physiquement par rapport à
ce qui arrive au groupe (injustice, prestige, etc.).
2. Confiance
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Coleman, 1988 ;
Nahapiet et Ghoshal,
1998 ; Putnam, 2000 ;
Narayan et Cassidy,
2001 ; Grootaert,
2001 ; Stone, 2001 ;
Dudwick et al., 2006.
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Grâce à cet éventail de concepts, le chercheur peut se faire une idée de la structure des
réseaux sur un territoire, de la cohésion de ces réseaux et des cultures qui régissent les
relations. Le chercheur ou le praticien peut ainsi d’abord débusquer les couloirs de
communication et d’échanges de ressources, puis identifier les éléments culturels
favorisant ou non la collaboration sur le territoire. La plupart de ces éléments présentés en
sous-dimensions sont des leviers sur lesquels il est possible d’intervenir pour modifier les
dynamiques sociales et économiques.
Le chapitre suivant porte sur la mesure des différentes composantes du capital social.
Cette mesure permettra de préciser la façon dont un acteur peut apprécier les dimensions
suivantes du capital social telles que nous venons de les commenter :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
La composition sociale de la communauté
Le degré d’organisation des groupes sociaux
La structure associative de la communauté
L’information et la communication
Les obligations et les attentes
Les langages, codes et récits partagés
La confiance
Les normes de réciprocité
L’identification.
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3. La recension des écrits méthodologiques portant sur la mesure du capital social
La méthodologie correspond à l’ensemble « des méthodes et des techniques qui orientent
l’élaboration d’une recherche et qui guident la démarche scientifique » (Angers, 2000 : 10).
Un grand nombre de méthodes et de techniques ont été élaborées afin de mesurer les
dimensions du capital social. Ces activités de mesure ne font pas toutes l’unanimité quant à
leur efficacité et à leur pertinence. Dans le cadre de cette recension, d’autres critères, la
convivialité et l’économie des ressources par exemple, doivent aussi être considérés. Cette
section présente une recension des écrits méthodologiques, tant quantitatifs que qualitatifs,
ainsi que le choix de la méthode pouvant mener à l’élaboration d’un outil d’appréciation du
capital social.
Depuis la popularisation du concept de capital social par Putnam, les chercheurs
universitaires assistent à la multiplication des projets de recherche financés par les États.
Cette tendance est apparue d’abord aux États-Unis et dans plusieurs pays anglo-saxons,
puis dans certaines organisations internationales telles que l’Organisation des Nations
Unies (ONU), la Banque mondiale et l’OCDE, pour finalement s’étendre aux autres pays
occidentaux (Ponthieux, 2006). Des outils de mesure et d’analyse y sont créés et
perfectionnés depuis plus de deux décennies. La recension des écrits méthodologiques
occupe une place importante dans ce cahier de recherche, car son rôle est essentiel à
l’élaboration d’un outil de mesure utile autant au chercheur qu’au praticien et qu’au
chercheur-praticien, c’est-à-dire à la personne qui exerce les deux fonctions.
3.1. Les mesures quantitatives du capital social
Les méthodes quantitatives servent à mesurer un phénomène à l’aide de données
ordinales et numériques (Angers, 2000). Afin de pouvoir généraliser les résultats à
l’ensemble d’une population, les chercheurs constituent un échantillon représentatif de
cette population. Les analyses quantitatives portent ensuite sur des variations soit dans le
temps, soit entre des groupes ou entre différentes variables.
3.1.1. Les questionnaires standardisés
Les outils de mesure quantitatifs sont fréquemment utilisés dans le cas du capital social.
Majoritairement, les méthodes prennent la forme de questionnaires standardisés où l’on
attribue aux réponses des valeurs numériques aux fins d’analyse (Dudwick et al., 2006).
Alors qu’un avantage attribué aux méthodes quantitatives est le retrait du chercheur – ce
qui permet à la fois de limiter son influence et de maximiser la possibilité de reproduction
de l’expérience –, la qualité du questionnaire, elle, prête souvent à discussion. Dans une
étude comparative de 28 recherches quantitatives récentes en capital social et santé, De
Silva (2006) conclut en la présence de faiblesses méthodologiques réelles. Tout d’abord,
une dizaine de définitions différentes du capital social furent repérées, rendant difficile,
voire impossible, le recoupement des résultats. Ensuite, douze des recherches ne
mesuraient pas l’une ou l’autre des dimensions centrales du capital social, soit le structurel
et le cognitif. Une dizaine de recherches regroupaient différents aspects du capital social en
un seul score, et 24 études ne donnaient aucune information sur la validité du
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questionnaire. De Silva n’est pas seul à en venir à cette conclusion. Plusieurs autres
travaux portent sur la comparaison des différents outils en vue d’éventuellement les
standardiser. Au Canada, par exemple, Sandra Franke (2005) a relevé les différents
thèmes abordés par les enquêtes statistiques sur le capital social (voir le tableau 3.1).
Tableau 3.1 : Dimensions pour la création d’outils quantitatifs par les grandes enquêtes
Enquêtes
De la Banque
mondiale.
De l’OCDE
Du Royaume-Uni
Du Canada
Dimensions
Composition et étendue des réseaux de coopération.
Confiance dans les institutions et adhésion à leurs valeurs.
Action collective.
Participation sociale.
Participation civique.
Soutien social.
Réseaux sociaux.
Participation et engagement social.
Contrôle et maîtrise de soi.
Perceptions relatives au milieu de vie.
Interactions sociales, réseaux sociaux, soutien social.
Confiance, réciprocité, cohésion sociale.
Structure des réseaux.
Propriétés des réseaux (taille, densité).
Liens qu’entretiennent les groupes et organisations.
Propriété des membres (homogénéité).
Propriété des relations (fréquence, type).
Dynamique des réseaux.
Mobilisation du réseau.
Compétences relationnelles et conditions d’insertion.
Normes et règles internes.
Contexte.
Source : Franke, 2005, p. 15-22.
Il ressort du tableau précédent que les grandes enquêtes ne mettent pas toutes l’accent sur
les mêmes dimensions et indicateurs. Même les dimensions semblables comportent des
nuances et des mesures différentes. Trudy Harpham (2008) a fait le point sur plusieurs de
ces nuances en présentant son outil quantitatif de mesure du capital social. Se basant sur
une compilation de résultats empiriques et d’arguments dominants et issus de multiples
débats, Harpham formule plusieurs prescriptions pour les chercheurs désireux de
construire leur propre outil de recherche. Le sien est inspiré principalement de deux travaux
qui sont eux-mêmes les résultats de métarecherches. Harpham considère les faiblesses
méthodologiques présentées par De Silva (2006), puis base sa méthodologie sur le World
Bank’s Social Capital Assessment Tool (SOCAT) ainsi que sur l’Adapted Social Capital
Assessment Tool (ASCAT). Il argumente que la meilleure mesure du capital social consiste
à agréger les réponses individuelles des répondants, permettant ainsi de saisir directement
le capital social cognitif-relationnel. Harpham préconise le choix de mesures les plus
directes possible, des questions claires pour des réponses claires à agréger et diverses
prescriptions que l’on trouve au tableau suivant.
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Tableau 3.2 : Prescriptions de Harpham (2008) pour l’élaboration de questionnaires
Dimensions du
choix théorique
Capital social
cognitif-relationnel
Prescription et justification
Poser des questions claires sur la personne et sur la communauté (qui
relève aussi de la perception) permet de se faire une idée de la
communauté par agrégation. Par exemple : « Do people around here tend
to trust each other ? » et « Do you tend to trust people around here ? »
(Harpham, 2008 : 53).
La confiance
Elle doit être mesurée en confiance familière (thick) plutôt qu’en confiance
généralisée. Ce que dit une personne à propos de sa confiance générale
face aux étrangers peut être différent de la confiance qu’il accorde
réellement aux étrangers dans la communauté. Un exemple de bonne
question serait : « In general, can people in this community be trusted, or
only some people, or people can’t be trusted ? » Un exemple de mauvaise
question serait : « Generally speaking, would you say that most people
can be trusted or you cannot be too careful in dealing with people ? »
(Harpham, 2008 : 58).
Les normes de
Les normes se mesurent par des questions faisant le lien entre un
réciprocité (contrôle événement et la réponse qui y est apportée concrètement et non
social informel)
hypothétiquement.
Capital social
Afin d’apprécier les différents liens et échanges d’influences entre les
structurel
réseaux et groupes sociaux, le questionnaire peut porter sur les liens
1) économiques, 2) émotionnels et 3) d’information qui ont uni au cours
des 12 derniers mois les individus aux réseaux informels (famille à la
résidence, hors résidence, amis, collègues de travail) et formels (groupes
politiques, d’éducation, d’emploi, dont les syndicats, groupes religieux, de
loisirs, de bien-être, de finance et crédit, d’intérêt ou d’identité).
Le sens des échanges (à qui l’on donne, à qui l’on prend) permet aussi
d’apprécier les dynamiques du capital social en place.
Hors réseaux
Certaines relations ne passent pas par les groupes. Il est nécessaire de
cibler aussi les relations entre les personnes et la communauté. Par
exemple, un individu peut signer une pétition ou contacter son député et
ainsi s’investir dans la communauté.
Source : Harpham, 2008.
D’autres façons de faire méritent d’être soulignées. Un groupe de recherche de la Banque
mondiale, dont s’inspire en partie Harpham (2008), a produit deux outils de mesure
complémentaires du capital social, dont un qui est basé sur des méthodes quantitatives 1.
L’outil de Grootaert et al. (2004) comporte six dimensions : 1) les groupes et réseaux ; 2) la
confiance et la solidarité ; 3) l’action collective et la coopération ; 4) l’information et la
communication ; 5) la cohésion sociale et l’inclusion ; 6) l’empowerment et l’action politique.
Cette opérationnalisation du capital social permet de mesurer indirectement celui-ci quant à
ses sources, ses mécanismes et ses résultats (voir le tableau 3.3), en plus de permettre
une analyse en catégories utiles à l’intervention (Grootaert et al., 2004).
1
Les deux guides, respectivement de Grootaert et al. (2004) et de Dudwick et al. (2006), ont été revus,
corrigés et approuvés par un comité composé d’une dizaine de spécialistes en développement durable.
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Tableau 3.3 : Dimensions et indicateurs quantitatifs de Grootaert et al. (2004)
Dimensions de
leurs choix
méthodologiques
1. Groupes et
réseaux
2. Confiance et
solidarité
3. Action collective
et coopération
4. Information et
communication
5. Cohésion
sociale et
inclusion
6. Empowerment
et action politique
Indicateurs et éléments du questionnaire
Groupes fréquentés par l’individu (choix de 19 groupes), niveaux
d’engagement (échelle allant de « leader » à « ne prend pas de
décisions »), échelle de groupe priorisée dans les actions, puis les
membres de la famille qui y participent aussi.
Les autres questions portent sur les deux groupes les plus importants pour
la personne. Vingt-trois questions suivent afin de dresser le portrait
relationnel, social et culturel des groupes.
Ensuite, neuf questions portent sur les réseaux sociaux informels.
Les questions, de type Likert, sont les mêmes que celles proposées par
Harpham (2008) relativement à la confiance et à la réciprocité.
Une question sur la confiance généralisée, quatre sur la confiance et le
soutien des autres de la communauté et neuf pour ce qui est des différents
groupes sociaux ou institutions de la communauté (police, professeurs,
touristes, etc.).
Dans les 12 derniers mois, avez-vous travaillé avec d’autres pour le bienêtre de la communauté ? On demande ensuite de nommer les trois
principaux projets et de spécifier si le travail était volontaire ou requis.
Les cinq autres questions, de type Likert, portent sur la perception de la
participation des membres de la communauté et sur les normes facilitant
ou non cette coopération.
Les six premières questions portent sur la fréquence de consultation de
différentes sources d’information (les journaux, la radio, la télévision, le
téléphone et la poste).
Ensuite il s’agit de préciser les trois médias privilégiés lorsque les
répondants veulent en savoir davantage sur ce que le gouvernement fait,
sur la communauté, sur le marché de l’emploi, les biens et services
disponibles.
Il y a aussi cinq questions sur l’évolution de l’accessibilité à l’information et
sa variation au cours des saisons.
Neuf questions portent sur le sentiment d’appartenance à la communauté,
sur le sentiment d’inclusion ou d’exclusion par rapport à certaines activités
et la perception des raisons de l’exclusion s’il y a lieu.
Six questions portent sur les activités sociales et de loisirs : la fréquence,
le lieu ou contexte (par exemple à la maison) et avec qui (groupes
ethniques ou socioéconomiques différents).
Huit questions portent sur les conflits, la sécurité et la violence perçue
dans la communauté.
Quinze questions portent sur le sentiment de bien-être, de pouvoir et de
satisfaction dans les différents domaines de sa vie.
Source : Grootaert et al., 2004.
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Ce groupe de recherche associé à la Banque mondiale a également produit un
questionnaire plus court, où seulement 27 questions permettent de dresser le portrait du
capital social à l’aide d’une méthode quantitative. Quoi qu’il en soit, la méthode par
questionnaire permet d’obtenir des informations, certes, mais elle est peu axée sur
l’intervention et ce type de collecte de données auprès de personnes défavorisées
culturellement s’avère difficile. Dans le but de combler les lacunes du questionnaire,
d’autres chercheurs de la même équipe ont produit un outil qualitatif.
3.1.2. Les démarches statistiques avec des données secondaires
La particularité des démarches statistiques par rapport à celles qui utilisent un
questionnaire standardisé est qu’elles se servent de résultats déjà existants. Un grand
nombre d’auteurs et de groupes de recherche développent des outils de plus en plus
élaborés et complexes leur permettant de mesurer précisément le capital social de cette
façon. Robert Putnam (2000) a développé un outil de mesure permettant d’apprécier le
capital social à l’aide d’un minimum d’indicateurs assez simples et disponibles dans
plusieurs banques de données statistiques, comme le montre le tableau suivant.
Tableau 3.4 : Indicateurs du capital social communautaire selon Putnam
Dimensions de
son choix
méthodologique
Vie
organisationnelle
Engagement
dans les affaires
publiques
Volontariat
Vie sociale
informelle
Confiance
sociale
Indicateurs
Pourcentage des individus impliqués dans une association locale durant
l’année.
Pourcentage des individus occupant un poste dans un club ou une
association durant l’année.
Organisations civiques et sociales par mille habitants.
Nombre moyen de présences aux réunions de clubs.
Nombre moyen de membres dans les associations.
Participation aux élections et vote.
Pourcentage d’individus ayant participé à des assemblées locales.
Nombre d’organismes à but non lucratif (OBNL) par mille habitants.
Moyenne de temps travaillé sur un projet communautaire dans l’année.
Moyenne de temps de bénévolat au cours de l’année.
Pourcentage d’individus qui disent passer beaucoup de temps avec des
amis. Moyenne de temps de loisir passé à la maison.
Pourcentage des individus en accord avec le fait que les gens sont dignes
de confiance.
Pourcentage des individus en accord avec le fait que les gens sont
honnêtes.
Source : Putnam, 2000.
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L’outil de Putnam permet d’apprécier le capital social grâce à une démarche beaucoup plus
conviviale que ne l’est l’utilisation de questionnaires standardisés ou de logiciels d’analyse
des réseaux sociaux. Cependant, il faut avoir accès aux résultats de sondages et aux
recensements nationaux qui, aux États-Unis, touchent actuellement à tous ces indicateurs.
Au Québec, ces informations sont en partie disponibles par l’entremise de Statistique
Canada, de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), des centres de bénévoles, du
Répertoire des ressources communautaires de la Capitale-Nationale et ChaudièreAppalaches (Service 211), des agences de la santé et des services sociaux (ASSS), des
études indépendantes de regroupements d’organismes, etc. Ces données permettent
d’évaluer la présence relative du capital social dans une communauté, en faisant des
comparaisons dans le temps et avec d’autres territoires. Ce type de données ne permet
toutefois pas de statuer sur la répartition du capital social dans la communauté, ni
d’identifier des leviers d’action pouvant servir à l’intervention. Cet outil ne répond donc pas,
à lui seul, aux critères de la présente recherche.
3.2. Les mesures qualitatives du capital social
Alors qu’un grand nombre d’outils quantitatifs de mesure du capital social ont été produits,
Dudwick et ses collaborateurs (2006) sont d’avis que le concept de capital social renvoie à
une réalité sociale nécessitant, en raison de sa complexité, l’ajout de méthodes qualitatives
et participatives pour bien saisir les processus, les nuances et les contextes. Étant donné
que la collecte de données demande habituellement plus de temps avec les méthodes
qualitatives, le nombre de personnes interrogées sera généralement moindre qu’en
recherche quantitative. Les problèmes auxquels doivent alors faire face les chercheurs sont
de déterminer qui doit être entendu, de quelle façon et quels propos doivent être retenus.
Peu de recherches qualitatives ont été recensées pour la mesure du capital social et ses
dimensions (Dudwick et al., 2006). La grande majorité de ces recherches sont des
recherches participatives, dont celles de Narayan (1995), de Kumar et Chambers (2002) et
de plusieurs organisations de développement local en pays anglo-saxons. Les outils Rapid
Rural Appraisal (RRA) et Participatory Poverty Assessment (PPA) sont généralement les
références de base. Ils permettent à la fois de faire avancer les connaissances, de créer du
capital social et de favoriser l’empowerment. Utiles avec les personnes illettrées et dans les
cas de différences de culture, plusieurs exercices permettent aux gens de s’exprimer, de
développer leur pensée et de co-construire en groupe une vision de la réalité. On utilise
alors l’histoire orale, les jeux de rôles, les discussions en petits groupes, les supports
visuels, les dessins de la communauté, les promenades transsectorielles, l’expérience de la
lettre perdue 1, etc. Le tableau 3.5 donne des détails sur de tels outils de mesure pour
différentes dimensions du capital social. L’important pour que la formule fonctionne, selon
Dudwick et al. (2006), est que le travail du chercheur modérateur soit planifié et de qualité.
Aussi, les auteurs recommandent que les groupes soient représentatifs de la communauté,
ce qui implique que l’on ait déjà un portrait de la composition de celle-ci.
1
Une lettre est laissée dans la rue et on vérifie si les gens la mettent à la poste.
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Tableau 3.5 : Dimensions et outils de mesure qualitatifs de Dudwick et al. (2006)
Dimensions de
leur choix
méthodologique
Groupes
et réseaux
Confiance
et solidarité
Action collective et
coopération
Information
et communication
Cohésion sociale
et inclusion
Empowerment et
action politique
Outils de mesure
Transect Walk : promenade planifiée dans la communauté, à l’aide d’une carte qui est précisée par les
observations (groupes sociaux, lieux importants). Le chercheur peut être seul ou guidé par un acteur clé.
Historical Matrix : exercice de groupe qui consiste à situer sur une ligne du temps l’évolution de certains
changements de la composition du tissu social (ethnies, jeunes, crimes, religions, etc.) et des échanges de
services et biens.
Key Leaders Interviews : entrevue de chefs de file de la communauté portant sur le sentiment de confiance
entre citoyens, organisations et institutions.
Groupes de discussion : discussions de groupe sur un thème.
Resources Exchange Matrix : activité de groupe précisant qui donne (ou prend) quoi (biens et services) et à
qui, dans la communauté. Il s’agit de partir du groupe et de tracer le portrait des relations de ses membres avec
les autres groupes sociaux.
Ranking : activité de groupe permettant la hiérarchisation des problèmes et valeurs de la communauté.
Media Analysis : recension des médias présents dans la communauté et catégorisation du contenu. On peut
repérer les situations de conflits, de stigmatisation, etc.
Institutional Analysis : on dresse un tableau montrant les différentes organisations et institutions (police,
hôpitaux, église, banque, soupe populaire, coopérative X) et on demande aux participants de noter la confiance
qu’elles inspirent, la pertinence de ce qu’elles offrent, leur efficacité lorsqu’elles agissent et le pouvoir qu’ont les
gens dans leurs prises de décision.
Venn Diagram : il s’agit de faire, avec des participants, un dessin représentant les groupes au pouvoir dans la
communauté. Il faut d’abord dessiner un grand cercle pour la communauté et, à l’intérieur de ce cercle, d’autres
cercles représentant les groupes ou organisations qui ont le plus de pouvoir et ceux qui ont le plus de contacts.
Ensuite, des cercles à l’extérieur de la communauté (représentant aussi des organismes de pouvoir) sont
dessinés et liés aux cercles à l’intérieur. Enfin, il s’agit de placer les citoyens en relation avec ces cercles,
d’identifier les médiateurs entre les citoyens et les pouvoirs (conseil d’administration d’une entreprise, le vote,
etc.).
Cause and Effect Diagram : on prend une situation quotidienne difficile pour les gens du groupe (la pauvreté,
par exemple) et on dresse une liste des causes et effets en termes de liens (avec une entreprise, un amoureux,
un emploi, la communauté, les larcins, etc.).
Source : Dudwick et al., 2006.
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3.3. Les méthodes mixtes : l’analyse des réseaux
Pour analyser le capital social structurel, en particulier, on emploie généralement des
méthodes d’analyse des réseaux sociaux. Les recherches dans ce domaine portent soit sur
les réseaux sociaux personnels où un acteur est au centre de la démarche, soit sur les
réseaux présents à l’intérieur d’une structure (classe d’école, organisation, etc.) (Stokman,
2001). Le second type de recherche, l’étude des réseaux dans une structure, est privilégié
dans la littérature sur le sujet, car il permet davantage de contrôle sur les variations
contextuelles. En outre, dans le premier type de démarche, une personne (ou un groupe) ne
peut être consciente de toutes les influences qui la touchent et donner toute l’information
nécessaire sur son propre réseau.
Ces méthodes de recherche combinent souvent des questionnaires standardisés avec des
entrevues et des observations. Les questionnaires permettent de connaître la culture
(l’équivalent du capital social cognitif-relationnel), les caractéristiques des membres ainsi
que les liens qu’ils entretiennent les uns avec les autres (Stokman, 2001). Dans le cadre de
l’étude de structure, des questions portent sur la relation qu’entretient chaque membre avec
les autres ainsi que la combinaison des réponses permettent aux chercheurs de créer
notamment un diagramme des relations. Par ailleurs, grâce à l’observation, on peut repérer
des éléments susceptibles d’échapper à la perception des répondants. Quant aux entrevues
avec les personnes concernées, elles ajoutent des éléments d’observation et d’interprétation
qui ont pu échapper aux observations du chercheur. Comme dans un sociogramme (ou
génogramme), les liens sont notés et illustrés par des traits unissant les acteurs (Stokman,
2001). Le diagramme ainsi créé peut être comparé à une toile d’araignée. Les paramètres
structurels étudiés sont multiples : la densité du réseau, son ouverture ou celle des sousgroupes qui le composent, les trous structuraux, la force des différents liens, la verticalité ou
l’égalité des échanges, la fonction ou la nature des liens, la centralité des acteurs, la
centralité d’un réseau, etc. Plusieurs diagrammes peuvent être créés selon la dimension à
observer. Dans de nombreux cas, la complexité des études nécessite l’utilisation d’un
logiciel professionnel comme le Social Network Analysis.
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4. Les méthodes de mesure et d’analyse à privilégier
Puisque même les recherches les plus imposantes ne peuvent prétendre mesurer
l’intégralité du capital social d’un territoire, et considérant notre souci de sa convivialité, la
méthode présentée ici ne permet pas non plus d’en dresser un portrait complet. Quatre
critères ont guidé le choix des activités de mesure : l’efficacité, l’utilité, l’objectivation et
l’économie de ressources. Le premier critère à considérer, l’efficacité, conduit à recueillir des
données probantes. Pour y arriver, il est important de miser sur la combinaison de plusieurs
activités de mesure pertinentes pour chaque dimension. Le second critère, l’utilité, peut être
respecté notamment par le choix d’activités de mesure pouvant être transférées par l’acteur
à différents contextes et pour divers groupes. L’objet mesuré étant sujet à des changements
constants, le document de consignation des résultats doit pouvoir rester ouvert et modifiable
afin que les intervenants sociaux puissent s’en servir pour guider leur action dans un milieu
en évolution. Sur le plan de l’intervention, l’utilité peut également se traduire par des
activités de mesure amenant les acteurs locaux à participer à la réflexion sur le capital
social. Quant au critère d’objectivation, il implique un choix d’activités de mesure permettant
la production de documents visuels (cartes, matrices, dessins, graphiques, figures, etc.) qui
facilitent le transfert de connaissances et la réflexion critique sur les résultats. De plus, la
poursuite de l’objectivation repose sur la comparaison entre territoires, organisations ou
situations semblables. Afin de faciliter les comparaisons entre territoires, le choix des
activités de collecte des données statistiques doit considérer la possibilité d’utiliser les
mêmes sources de données dans tous les territoires du Québec. Finalement, afin de
s’assurer de maximiser les chances qu’un outil de mesure soit utilisé et serve à comparer et
à intervenir, le critère d’économie des ressources (temps, énergie, argent) doit
impérativement être pris en compte.
Alors que neuf dimensions théoriques ont été choisies, les dimensions retenues pour la
méthodologie sont au nombre de cinq. Elles incluent en fait les neuf dimensions abordées
précédemment, les regroupant différemment de manière à faciliter leur mesure. Ces cinq
dimensions sont 1) la composition sociale de la communauté, 2) le degré d’organisation des
groupes sociaux, 3) la structure associative de la communauté, 4) l’information et la
communication et 5) le cognitif-relationnel (les grilles de lecture du monde social, le contrôle
social informel et la confiance). Ainsi, dans l’ordre, on suggère ici de conserver telles quelles
les trois composantes de la dimension structurelle, de traiter séparément la dimension
information et communication, puis de fusionner quatre des cinq composantes de la
dimension cognitive-relationnelle.
4.1. La composition sociale de la communauté
L’analyse de la communauté locale est une étape bien connue et commune à toutes les
interventions communautaires (Lamoureux, Lavoie, Mayer et Panet-Raymond, 2008). Elle
vise généralement à comprendre plusieurs facettes d’un milieu, allant de ses
caractéristiques physiques au portrait économique, en passant par les valeurs culturelles
dominantes. L’angle d’approche de cette dimension du capital social structurel s’avère
particulier, puisque ce sont les perceptions et les rapports entre ces groupes qu’il privilégie.
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Le tableau suivant fait état des façons de faire retenues pour mesurer la composition sociale
de la communauté dans la perspective du capital social.
Tableau 4.1 : Moyens pour rendre compte de la composition sociale de la communauté
Méthodes
Identification des
principaux groupes
sociaux par les
acteurs du milieu.
Recension statistique
et documentaire des
groupes sociaux de
la communauté.
Production de cartes
sociales du territoire.
Outils et sources de
données
Entrevues individuelles et de
groupe.
Statistiques obtenues de
Statistique Canada (SC), de
l’Institut de la statistique du
Québec (ISQ) et de
documentaires divers
(médias).
Transect Walk. Observations.
Traitements des données
Les noms des groupes identifiés sont
consignés dans une base de données,
où ils sont classés et numérotés. Il est
possible d’y associer d’autres
informations ultérieurement.
Il s’agit d’une identification objective des
groupes sociaux. Les statistiques
permettent d’apprécier le poids
démographique des groupes identifiés.
Les informations peuvent être
consignées dans la base de données.
On produit des cartes du territoire
illustrant les enclaves sociales et les
lieux significatifs pour les groupes
sociaux. Les entrevues et analyses des
médias peuvent être mises à
contribution.
L’élaboration d’une base de données des groupes sociaux représente une tentative de
« déconstruction de [la] population globale, abstraite, par la mise en évidence des grandes
caractéristiques des groupes sociaux en présence [et] constitue un préalable nécessaire à
l’examen des relations inter-[groupes] » (Toubon et Messamah, 1990 : 236). Il est
également possible de créer une classification des groupes à partir de la conjoncture
particulière de la communauté. Par exemple, dans son analyse du quartier Saint-Roch, en
plus de la base de données, Martin-Caron (2012) classe les groupes selon qu’il les perçoit
comme étant 1) à grande visibilité, 2) invisibles, isolés ou fermés sur eux-mêmes, 3)
secondaires ou transversaux comme les groupes de loisirs.
4.2. Les degrés d’organisation des groupes sociaux
Une fois les principaux groupes sociaux identifiés et situés, il est temps de s’attarder à leur
degré d’organisation. Selon la théorie du capital social, la communauté développe son
dynamisme d’abord à travers celui des réseaux existants. Par analogie avec un système
électrique, les groupes et réseaux désorganisés d’une communauté peuvent être comparés
à des fils coupés ne distribuant pas l’énergie transmise. Ainsi, ce ne sont pas tous les
groupes sociaux qui ont une association formelle les représentant, qui font des
rassemblements festifs ou qui s’engagent sur le terrain de l’action sociale. Certains groupes
sociaux ont des membres qui ne réalisent pas qu’ils sont semblables. D’autres groupes
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sociaux ont des membres qui réalisent qu’il y en a d’autres comme eux, sans pour autant
que cela génère de la solidarité ou un rassemblement. Plusieurs groupes sociaux peuvent
être morcelés, leurs membres isolés pour maintes raisons ou, encore, les conditions
d’inclusion peuvent y être très restrictives. Tout acteur peut se faire une idée du degré
d’organisation général des groupes sociaux sur le territoire à l’aide de quatre activités de
mesure simples (voir le tableau 4.2).
Tableau 4.2 : Moyens pour rendre compte du degré d’organisation des groupes sociaux
Méthodes
Recension des
organisations en
lien avec les
groupes sociaux.
Recension des
rassemblements
festifs en lien avec
les groupes
sociaux.
Recension des
luttes sociales de
la communauté en
lien avec les
groupes sociaux.
Outils et sources
de données
Table régionale des
organismes
communautaires
(TROC), Service
211, Internet,
répertoires.
Appels au centre
communautaire, aux
médias, réseaux de
contacts, etc.
Médias et rapports
de recherche.
Traitement des données
Il s’agit de lier, dans la base de données, les
groupes avec les associations formelles existantes,
qu’ils contrôlent ou qui leur sont destinées. Ceux
qui n’ont pas d’association ont-ils une organisation
différente ou y a-t-il totale absence de liens entre
les individus ?
Il s’agit de relier, dans la base de données, les
groupes sociaux aux rassemblements festifs.
Parfois, sans appartenir à des associations
formelles, des groupes se retrouvent dans des
événements.
Il s’agit de lier, dans la base de données, les
groupes aux actions politiques. Cela témoigne à la
fois du degré d’empowerment des groupes sociaux
et de la cohésion sur le territoire.
4.3. La structure associative de la communauté
Le degré d’organisation des groupes permet d’apprécier les dynamiques entre citoyens
issus de certains groupes sociaux. À la suite de ces constats, le chercheur-praticien peut
dresser un portrait sommaire et utile des relations entre groupes sociaux, associations et
institutions de la localité. Il lui sera possible d’identifier certaines relations reconnues et
d’apprécier certaines perceptions des relations entre différents acteurs sur le territoire. Le
chercheur-praticien pourra en dégager un premier plan des réseaux, en plus d’apprécier les
différents facteurs à la base de ces relations. Le tableau 4.3 présente les cinq instruments
de mesure.
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Tableau 4.3 : Moyens pour rendre compte des structures associatives de la communauté
Méthodes
Recension des
principaux lieux
publics partagés ou
contestés par les
groupes sociaux.
Diagramme des
réseaux sociaux
(sociogramme).
Outils et sources
de données
Observations, entrevues
individuelles, groupes de
discussion, entrevues
informelles, recherche
documentaire, etc.
Groupes de discussion,
entrevues individuelles,
médias.
Diagramme de
Venn.
Groupes de discussion,
entrevues individuelles,
médias.
Élaboration d’une
matrice d’échanges
de ressources.
Groupes de discussion,
entrevues individuelles,
médias.
Traitement des données
Intégration des données recueillies dans les
cartes et les matrices pertinentes.
Production d’un schéma, d’un dessin, d’un
diagramme ou d’une figure représentant les
relations horizontales qui existent entre
différents groupes sociaux.
Production d’un schéma, d’un dessin, d’une
matrice, d’un diagramme ou d’une figure
représentant les liens verticaux, c’est-à-dire
les différentes sources de pouvoir et leurs
relations avec la communauté, les groupes et
les citoyens.
Production d’une matrice traitant de la
fonction économique des relations entre
groupes, organisations et institutions.
4.4. L’information et les communications
Les liens horizontaux et verticaux passent également par l’information véhiculée dans les
médias (Ball-Rokeach et Kim, 2006). Cette information sert autant à alimenter des
sentiments d’appartenance, à stimuler les débats et à appuyer des causes qu’à diffuser des
connaissances facilitant une prise de décisions éclairée. Pour que l’information médiatisée
soit utile, elle doit au minimum être entendue, puis assimilée à la suite d’un processus
d’appropriation. Son sens, sa pertinence et la reconnaissance de sa véracité se construisent
par la réflexion, les échanges, les observations, les discussions, les vérifications,
l’argumentation, la contre-argumentation, la synthèse, etc. Ce sont ces différents aspects
qui veulent révéler les activités présentées dans le tableau 4.4.
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Tableau 4.4 : Moyens pour rendre compte de l’information et de la communication
Méthodes
Identification des sources
d’information.
Élaboration d’une matrice
de consommation des
médias.
Recension des principales
organisations et
principaux lieux
permettant des échanges
de points de vue et
d’idées dans un climat
amical entre personnes
d’un même groupe social.
Recension des principales
organisations et des
principaux lieux
permettant des échanges
de points de vue et
d’idées dans un climat
amical entre plusieurs
groupes sociaux.
Outils et sources
de données
Médias locaux,
entrevues de groupe
et entrevues
individuelles.
Groupes de
discussion,
entrevues
individuelles et,
idéalement,
sondages.
Groupes de
discussion,
entrevues
individuelles,
entrevues
informelles, TROC,
Service 211,
Internet, répertoires,
etc.
Groupes de
discussion,
entrevues
individuelles,
entrevues
informelles, TROC,
Service 211,
Internet, répertoires,
etc.
Traitement des données
Inscription, dans une base de données, des
noms des médias nationaux, régionaux et
locaux.
Inscription des médias dans une base de
données, en les associant aux groupes qui
les consomment.
Inscription, dans une base de données, des
associations diffusant de l’information et
permettant aux usagers de la comprendre
ou même de débattre des enjeux.
Si possible, déterminer les moyens de
médiation des différences mis en place par
le groupe.
Inscription dans la même base de données
des endroits où les différents groupes
sociaux se rencontrent, donnant la
possibilité aux membres d’être exposés à
des idées nouvelles. Ici encore, l’existence
ou non de mécanismes de médiation des
différences peut être consignée.
4.5. Les normes de réciprocité : contrôle social informel et confiance
Les normes qui guident la réciprocité entre les personnes et les groupes se fondent sur le
contrôle social et la confiance. Le contrôle social (informel) fait en sorte que des valeurs
deviennent dominantes dans une société, une communauté ou un groupe social par le
partage dans la population d’une anticipation des sanctions et des récompenses associées
à des comportements. On cherche donc à connaître la perception des récompenses et des
sanctions sociales qui font respecter la réciprocité. On peut la déceler en examinant des
situations où se manifestent 1) l’apport d’aide à un inconnu membre du même groupe social,
2) l’apport d’aide à un inconnu membre d’un autre groupe, 3) la participation dans une
association, 4) la participation à un projet de la communauté, 5) la participation politique,
6) la participation aux activités de loisirs (et sociales) et 7) la participation au travail. Le
tableau 4.5 décrit la méthode envisagée pour étudier ce volet de la réciprocité.
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Tableau 4.5 : Moyens pour rendre compte des normes de réciprocité et du contrôle social
Méthode
Élaboration de
matrices des facteurs
d’inclusion et
d’exclusion des
groupes organisés.
Élaboration d’une
matrice des valeurs
communautaires
perçues, des incitatifs,
des contraintes, au
niveau de la
communauté du
territoire.
Sources de
données
Entrevues
individuelles et de
groupe, recherches
documentaires.
Groupes de
discussion,
entrevues
individuelles,
recherches
documentaires.
Traitement des données
Production de matrices recensant ce qui fait
qu’une personne est traitée en leader, qu’elle
est incluse ou exclue dans chaque groupe
social.
Examen, chez les répondants, de leur perception
de ce qui est nécessaire ou non pour être exclu,
inclus ou leader dans la communauté (en général)
et dans la société. Vérification des affirmations en
interrogeant aussi les répondants sur leurs actions
concrètes. Une agrégation des données issues
des matrices des facteurs d’inclusion des groupes
sociaux peut également être faite.
À l’autre bout du spectre de ce qui consolide la réciprocité se trouve la confiance, soit le
préjugé portant sur ce que l’Autre veut, peut et risque d’accomplir. La confiance porte sur le
préjugé favorable d’intention, de compétence et d’intégrité entre citoyens, associations et
institutions (Mayer, Schoorman et Davis, 2007). La confiance est une disposition mentale
individuelle ou organisationnelle qui ne peut être étudiée directement à l’échelle de la
communauté de manière conviviale. Il s’agit donc d’inférer la confiance sociale de la
communauté à l’aide de mesures principalement indirectes (l’outil de Putnam, par exemple,
dans le tableau qui suit) et d’agrégations de résultats individuels et de groupe.
Tableau 4.6 : Moyens pour rendre compte des normes de réciprocité fondées sur la confiance
Méthodes
Inférence de la
culture associative
de la communauté
Matrice de
répartition de la
confiance envers les
institutions.
Taux de
participation aux
élections.
Matrice des narratifs
créant confiance et
méfiance.
Outils et sources de
données
Outil de Putnam.
Statistiques, perception
des acteurs locaux et
du chercheur-praticien.
Groupes de discussion,
entrevues individuelles.
Statistiques (Statistique
Canada).
Entrevues individuelles
et de groupe, médias.
Traitement des données
Vérification du nombre d’associations
démocratiques pour mille habitants et comparaison
avec d’autres communautés. Le chercheur peut
également classer les groupes selon qu’ils se
sentent dépendants ou indépendants des autres
groupes sociaux, puis selon l’autoperception de
leur importance dans la communauté.
Production d’une matrice présentant le degré de
confiance des citoyens envers les institutions,
les associations et les autres citoyens.
Taux de participation aux différents types
d’élection et comparaison avec d’autres
territoires.
Recensement des sources de confiance et de
méfiance.
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5. Le précis technique en contexte québécois
Il est important de choisir une façon de procéder pour les observations, entrevues,
discussions de groupe, recherches documentaires et statistiques afin que les résultats
soient fiables et comparables d’une étude à l’autre. La présente section porte sur
l’identification de ces techniques et sources de données à privilégier lors des activités de
mesure. Nous suivons à cet effet les exigences de la démarche scientifique qui s’appuie sur
« un ensemble de procédures choisies rationnellement et jugées valides et fiables » en
fonction des buts poursuivis, des ressources disponibles et des méthodes expérimentées
qui sont transférables (Mayer et al., 2003 : 56).
5.1. La recherche statistique en capital social
Les statistiques permettent de quantifier certains aspects du capital social. Dans le cas du
capital social, les statistiques visent à dresser un portrait des groupes sociaux de la
communauté, du nombre d’associations démocratiques pour mille habitants et du taux de
participation aux élections.
Même si ces statistiques peuvent être utiles en elles-mêmes pour un praticien, nous voulons
que la comparaison entre différents territoires soit possible. En effet, la possibilité de
comparer les statistiques d’un territoire avec celles d’un autre permet de préciser le sens
des données et de définir leurs particularités (Seiler, 2004). Sans cette possibilité de
comparaison entre territoires, la valeur du présent outil serait grandement diminuée. C’est
pourquoi il est essentiel que l’outil développé propose des procédés statistiques uniques et
homogènes pour tous les territoires. Il s’agit donc de limiter la complexité des processus et
le nombre de sources de données, puis de trouver des sources de données facilement
accessibles, gratuites et pouvant servir également tous les types de territoires pour
l’ensemble du Québec.
5.1.1. La recension statistique des groupes sociaux
La recension statistique des groupes sociaux de la communauté constitue un critère objectif
d’identification des groupes sociaux, mais elle ne dispense pas de s’adresser aux
perceptions des personnes et des groupes. Il s’agit d’une première étape, car, après avoir
déterminé quelle proportion de la population partage telles ou telles caractéristiques, nous
pourrons approfondir les dynamiques internes et externes de ces groupes.
La recherche de données statistiques sur les groupes sociaux débute par les sites internet
de statistiques publiques couvrant la province en entier (Statistique Canada et Institut de la
statistique du Québec). Puis, advenant que ce ne soit pas suffisant, il est envisageable
d’utiliser Internet avec des mots-clés et des hyperliens afin de repérer les autres sources
possibles de données. Le moteur de recherche proposé est Google 1. Voici quelques mots1
Le moteur de recherche Google fonctionne principalement par « PageRank » (Levy, 2011). Il s’agit d’un
procédé qui cote automatiquement la pertinence des sites internet en fonction de la quantité d‘hyperliens
qui mènent à leur site ainsi qu’en fonction de la valeur des sites qui font ces hyperliens (cette valeur étant
aussi évaluée par le même procédé). Les liens internet les mieux cotés par PageRank sont les premiers à
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clés pouvant aider à la recherche : statistiques, chiffres, recensement, population,
habitants – associés à sociale, économique, culturelle, démographique, population,
habitants, puis au nom du territoire visé par l’étude.
La recherche de sources de statistiques socioéconomiques des populations applicables à
tous les types de territoires du Québec est jugée relativement concluante. Comme il était
prévu au départ, Statistique Canada s’avère une ressource précieuse permettant d’obtenir à
la fois une homogénéité des indicateurs pour tout le Québec et de l’information sur des
territoires aussi petits que les municipalités (et même davantage). Pour sa part, l’Institut de
la statistique du Québec ne couvre au plus petit que les régions et les municipalités
régionales de comté (MRC). Par ailleurs, la Banque de données des statistiques officielles
sur le Québec ne permet pas de recherche ciblée sur les territoires, et les sites du
gouvernement provincial rendus accessibles par Portail Québec ne couvrent généralement
pas les petits territoires. Quoi qu’il en soit, à la lumière de nos observations, ces sources
gouvernementales tirent leurs données de Statistique Canada ou de l’ISQ.
Les praticiens ou les chercheurs désirant obtenir des statistiques sociales de leur territoire
peuvent le faire à partir de sources de données présentées dans le prochain tableau.
Tableau 5.1 : Sources de données statistiques pour recenser les groupes sociaux
Territoires
MRC ou
circonscriptions
électorales fédérales
Municipalité
Quartier ou
arrondissement
Secteur de
recensement
Sources de données
Statistique Canada,
« Profil des
communautés ».
Statistique Canada,
« Profil des
communautés ».
Des ressources de la
Ville, le conseil
d’arrondissement, le
conseil de quartier, les
recherches
universitaires, les
centres de santé et de
services sociaux
(CSSS), la Direction de
la santé publique (DSP).
Statistique Canada,
« Profil des secteurs de
recensement 2006 »
Sites internet
http://www12.statcan.ca/censusrecensement/2006/dp-pd/prof/92591/index.cfm ?Lang=F.
http://www12.statcan.ca/censusrecensement/2006/dp-pd/prof/92591/index.cfm ?Lang=F.
Il est recommandé de communiquer avec
une des instances publiques responsables
ou de faire une recherche internet sur
Google ou à l’aide de moteurs de
recherche d’études universitaires :
http://scholar.google.ca/ ;
http://www.erudit.org/.
http://www12.statcan.ca/censusrecensement/2006/dp-pd/prof/92597/index.cfm ?lang=F
apparaître au moment de la recherche. Cette façon d’opérer offre des avantages, comme celui
d’augmenter les chances de trouver les liens internet les plus populaires ou les plus appuyés par des
acteurs ayant une crédibilité, faisant d’eux des centres d’influence sur Internet. Il est donc possible de
définir les enjeux locaux les plus suivis par la population sur Internet. Ce procédé désavantage cependant
les liens nouveaux, marginaux, moins populaires, non appuyés par de grands médias, provenant
d’acteurs moins bien réseautés, etc. Bien qu’il existe une possibilité de passer à côté d’une information
pertinente, Google demeure à ce jour un moteur de recherche très efficace et utile pour ce type d’étude.
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Il ne semble pas exister de sources de données à utilisation conviviale couvrant à la fois tout
le Québec et les territoires plus petits que les municipalités. À ce niveau d’analyse, il est
possible de se servir de données compilées par les villes elles-mêmes. Utiliser les données
provenant des villes ou des MRC peut limiter les comparaisons à cause des différences
dans les années de référence, dans les moyens de collecte de données, dans le type de
données recueillies, dans le classement des données, etc. Pour le chercheur-praticien qui a
plus de temps à investir et qui est à l’aise avec la recherche sur support informatique, il est
possible de consulter le Profil des secteurs de recensement de Statistique Canada 1. En
suivant les instructions, il pourra obtenir les données de petits ensembles circonscrits en les
identifiant grâce à la carte interactive du Canada. Les secteurs de recensement ainsi
identifiés peuvent être combinés les uns avec les autres pour constituer l’équivalent
approximatif de quartiers historiques, de paroisses ou d’arrondissements. Il n’est toutefois
pas essentiel de procéder de la sorte si une autre instance a déjà compilé des statistiques
sur le sous-ensemble.
La mise en pratique de ce volet de la recherche a permis de constater son niveau élevé
d’exigence. Pour chaque municipalité, Statistique Canada offre plusieurs centaines de
données statistiques sociales et économiques sur les individus, les familles et les ménages.
Certaines données ne nécessitent pas d’interprétation, permettant aisément de saisir, par
exemple, le poids relatif des groupes d’âge, des genres, des locataires et des propriétaires,
des familles monoparentales, des nouveaux arrivants, des groupes ethniques, etc. Ces
statistiques peuvent d’ailleurs compléter les observations faites par les répondants. En
revanche, certaines statistiques nécessitent un travail d’interprétation ou d’inférence pour
avoir du sens. Il va de soi que tous les intervenants ou chercheurs ne sont pas également
en mesure d’effectuer de telles démarches. Malheureusement, il n’existe pas de guide
unique d’interprétation et d’utilisation des statistiques à leur intention (selon un représentant
de Statistique Canada joint par téléphone). La présente recherche ne peut se substituer à
un tel guide, dont l’élaboration devrait être l’affaire de spécialistes statisticiens et
sociologues.
Il existe toutefois quelques travaux de spécialistes qui proposent des interprétations de
certaines données, notamment l’Atlas du ministère de la Santé et des Services sociaux du
Québec [http://www.msss.gouv.qc.ca/statistiques/atlas]. La carte interactive permet de
circonscrire le territoire désiré, puis de s’en faire une représentation en termes de répartition
de la défavorisation individuelle matérielle et sociale. La carte est divisée en aires de
diffusion, c’est-à-dire des unités statistiques issues du recensement et comportant en
moyenne 620 personnes (Gamache, Pampalon et Hamel, 2010 : 1). La circonscription du
territoire se fait grâce aux outils de navigation « + » et « – ». On peut également saisir la
carte affichée dans le but de la transférer dans un document de travail. Il est possible de
constater la répartition géographique des groupes sociaux en sélectionnant les statistiques
désirées en haut au centre de la page. La défavorisation, un indice composite, est
accessible sous l’onglet « Indicateurs », puis « Défavorisation 2006 » (ou une date plus
récente), puis par le choix de territoire de comparaison (Canada, Québec, région,
municipalité, etc.). Le code de couleurs des territoires n’indique donc pas la défavorisation
absolue, mais une défavorisation relative.
1
Selon Statistique Canada, les secteurs de recensement comptent de 2 500 à 8 000 habitants et sont
situés à l’intérieur de grands centres urbains de 50 000 habitants et plus.
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Tableau 5.2 : Indicateurs de défavorisation de l’Atlas du ministère de la Santé et des
Services sociaux (MSSS)
Défavorisation matérielle
1. La proportion de personnes de 15 ans et plus sans certificat ou diplôme d’études
secondaires.
2. Le ratio emploi/population chez les 15 ans et plus.
3. Le revenu moyen des personnes de 15 ans et plus.
Défavorisation sociale
1. La proportion de personnes de 15 ans et plus vivant seules dans leur domicile.
2. La proportion de personnes de 15 ans et plus séparées, divorcées ou veuves.
3. La proportion de familles monoparentales.
Source : Gamache, Pampalon et Hamel, 2010.
À l’aide des indicateurs mentionnés dans le tableau 5.2, chaque aire de diffusion reçoit une
note factorielle sur 4 ou 5 (selon le territoire comparatif), 1 étant le plus favorisé. Les
chercheurs responsables de l’Atlas font un travail que les praticiens ne peuvent effectuer. Le
chercheur-praticien peut se servir de ces cartes pour se préparer aux observations et
entrevues, en plus de pouvoir croiser ces informations avec les données récoltées au cours
de la démarche de recherche.
5.1.2. La recension statistique des associations
La recension statistique des associations sur le territoire (pour mille habitants) permet, en
comptant le ratio avec d’autres communautés, d’avoir une idée de la présence de la culture
d’association spontanée telle que théorisée par Tocqueville, Putnam (2000) et plusieurs
autres penseurs du capital social. Il s’agit d’associations « démocratiques » sur la base de
deux présupposés. Le premier est que les gens, libres d’entrer et de sortir des associations,
coopèrent pour atteindre des buts communs ou complémentaires. Leur action est censée
être fondée sur une conviction partagée : « ensemble c’est possible ». Le second postulat,
qui s’apparente au premier, repose sur un jugement moral et prescriptif : il existe du
mauvais capital social (Portes, 1998) susceptible de nuire à la paix sociale, au
développement économique ou à la diffusion des valeurs souhaitées. Il est donc sousentendu ici que les associations véhiculent des valeurs en accord avec la vision occidentale
de la démocratie.
Il existe au Québec plusieurs types d’associations enregistrées légalement : 1) les
coopératives non financières enregistrées au Québec ; 2) les coopératives non financières
enregistrées au Canada ; 3) les organismes à but non lucratif enregistrés au Québec ; 4) les
organismes à but non lucratif enregistrés au Canada ; 5) les mutuelles et coopératives
financières. Il a d’abord été prévu de faire la recherche de sources de données à partir
d’Internet en débutant par les sites internet de statistiques publiques couvrant la province en
entier (registres des entreprises du Québec et du Canada, Direction des coopératives du
ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation (MDEIE)
[devenu depuis le ministère des Finances et de l’Économie]), puis, advenant que ce ne soit
pas suffisant, de chercher à l’aide de mots-clés et d’hyperliens afin de trouver les autres
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sources possibles de données de ce type. Le moteur de recherche choisi était Google. Les
mots-clés prévus au départ étaient les suivants : coopérative, organisme sans but lucratif,
organisme à but non lucratif, OBNL, OSBL, associations, coop – associés à registre, liste,
répertoire, recension, inventaire, recensement, puis au territoire visé par l’étude.
5.1.2.1. Les coopératives non financières enregistrées au Québec
La liste des coopératives non financières enregistrées au Québec, par territoire, par secteur
et par catégorie, est disponible sur le site internet de la Direction du développement des
coopératives, dans le Répertoire des coopératives du Québec.
Ce répertoire a l’avantage de regrouper en un seul endroit l’information détenue par les
CDR et les fédérations de coopératives. Les territoires couverts par le répertoire sont 1) les
régions administratives, 2) les MRC, 3) les villes et 4) les circonscriptions électorales
provinciales. Une majorité des municipalités, 92,5 %, peut bénéficier de l’information pour
leur territoire, c’est-à­dire celles de moins de 10 000 résidents (ISQ, 2010).
Il est possible d’obtenir des informations sur le nombre de coopératives enregistrées au
Québec pour des territoires à l’intérieur des municipalités (quartiers, arrondissements,
paroisses) par l’entremise de certaines organisations, telles qu’une coopérative de
développement régional (CDR), un centre local de développement (CLD), une ville, une
société d’aide au développement des collectivités (SADC), un centre de santé et de services
sociaux (CSSS), etc. Cette possibilité n’est certainement pas la même pour tous les
territoires. Avant même d’avoir exploré les autres répertoires d’associations, il apparaît
clairement qu’il est quasi impossible de comparer tous les territoires sur cette base.
Rappelons que le répertoire de la Direction du développement des coopératives permet de
connaître le nombre de coopératives enregistrées au Québec pour les territoires des
circonscriptions électorales provinciales. Pour les grandes villes couvrant plusieurs
circonscriptions électorales, il donne la possibilité d’obtenir des informations sur des
territoires se trouvant à l’intérieur de leurs frontières. Des compromis doivent pourtant être
faits, puisque ces circonscriptions couvrent souvent plusieurs quartiers historiques ou
portions de quartiers. Il est possible de connaître les limites des circonscriptions en se
rendant
sur
le
site
du
Directeur
général
des
élections
du
Québec
(http://www.electionsquebec.qc.ca/francais/provincial/carte-electorale/cartesdes­circonscriptions-electorales-par-region.php 1. On peut alors trouver les données
sociodémographiques du territoire à l’aide de l’onglet « Dossiers socio­économiques ». Ces
données permettront, entre autres, d’obtenir le nombre d’habitants servant à définir le ratio
associatif selon l’outil de Putnam (nombre d’associations ou coopératives pour mille
habitants). Ce même exercice peut être fait pour les petites localités qui obtiennent, grâce
au ministère des Finances et de l’Économie (MFE), le nombre de coopératives pour leur
municipalité. Il est alors possible de connaître la population des municipalités en consultant
le répertoire des municipalités sur le site du ministère des Affaires municipales, des Régions
et de l’Occupation du territoire (MAMROT), au www.mamrot.gouv.qc.ca/repertoire-desmunicipalites.
1
Il est aussi possible de trouver la circonscription électorale à l’aide d’un code postal :
http://www.electionsquebec.qc.ca/francais/provincial/carte-electorale/trouvez-votre-circonscription.php.
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Pour l’instant, il n’existe pas de répertoire aussi complet couvrant l’ensemble du Québec et
permettant d’avoir ces mêmes informations pour les plus petits ensembles géographiques
qui sont généralement les objets d’étude et d’intervention des organisateurs
communautaires : les paroisses, arrondissements, quartiers, secteurs de recensement et
aires de diffusion. Cette affirmation a été confirmée par la CDR Québec-Appalaches, la
Fédération des CDR, la Corporation de développement économique communautaire
(CDÉC) de Québec, le CLD de Québec ainsi que par la Direction des coopératives du
MDEIE. Selon la personne consultée à cette direction, aucun projet ne vise actuellement à
mettre le répertoire à jour.
5.1.2.2. Les organismes à but non lucratif (OBNL) enregistrés au Québec
Les organismes à but non lucratif (OBNL), aussi appelés organismes sans but lucratif
(OSBL) ou associations, selon l’Office de la langue française, sont des entreprises
enregistrées sous la troisième partie de la Loi sur les compagnies du Québec. Au-delà de
leur appellation légale, les OBNL peuvent également être appelés « organismes
communautaires », « organismes communautaires autonomes » ou parfois « entreprises
d’économie sociale ». Il existe plusieurs répertoires de ces organisations, mais aucun n’est
à la fois gratuit, accessible à tous et exhaustif pour tous les territoires du Québec. Cette
affirmation a été confirmée par Revenu Québec (Registraire des entreprises du Québec), le
MAMROT (Division de l’économie sociale), le CLD de Québec, l’Association des CLD du
Québec, la CDÉC de Québec, le réseau des SADC et des centres d’aide aux entreprises
(CAE) du Québec, le MDEIE (Direction des coopératives), le Chantier de l’économie
sociale, le MESS (Secrétariat à l’action communautaire autonome et aux initiatives
sociales), l’organisme Québec dans le monde, le regroupement des organismes
communautaires de Québec (ROC-03), le Centre de santé et de services sociaux de
Québec-Nord (CSSSQN), la Coalition des tables régionales d’organismes communautaires
autonomes (CTROC), la Caisse d’économie solidaire Desjardins et le Service 211 de la Ville
de Québec.
Il est possible de recevoir une liste des OBNL enregistrés au Québec sur un territoire précis
en
adressant
au
Registraire
des
entreprises
du
Québec
[http://www.registreentreprises.gouv.qc.calfr/services_ligne/demande-deservices/S00433.aspx] une demande d’obtention de regroupement d’informations.
Il est à noter que ce service est payant. En 2011, il en coûtait 103 $ pour les 500 premiers
dossiers, puis 0,20 $ pour chaque dossier supplémentaire. Il est possible d’obtenir les
informations par municipalité, mais le nombre d’associations risque d’être élevé pour
certaines grandes villes. Par ailleurs, la difficulté de trouver les associations œuvrant sur tel
ou tel territoire précis (à l’intérieur de la municipalité) persiste. Une demande similaire est
possible auprès de l’organisme Québec dans le monde qui tient des répertoires sur ce type
d’organisation. Là également, la consultation a un coût et elle peut être faite à partir d’une
carte interactive pour la localisation.
Les autres sources de données sur les OBNL ont toutes leurs propres critères et méthodes
de sélection, de constitution de répertoires et de communication de l’information, ce qui
amène dans certains cas une perte de données et une hétérogénéité dans la qualité et la
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quantité des données disponibles par territoire 1. Certaines organisations ne répertorient que
les organismes qui sont en lien avec leur mission. Par exemple, dans le secteur de la santé,
les organismes communautaires répertoriés ne comprennent que ceux reconnus par le
MSSS comme appartenant au secteur de la santé. Le ministère de la Famille et des Aînés
(MFA) fait de même, selon sa mission, et il en résulte que certaines associations se
retrouvent dans les deux répertoires, alors que d’autres ne figurent dans aucun.
D’autres organisations qui produisent des répertoires fonctionnent par un mécanisme alliant
inscription volontaire des associations et acceptation conditionnelle, ce qui limite
l’exhaustivité de leur répertoire. C’est le cas du Secrétariat à l’action communautaire
autonome et aux initiatives sociales (SACAIS), des tables régionales d’organismes
communautaires, du ROC-03, des villes, d’Index Santé, du Collectif de recherche sur
l’autonomie collective, du Chantier de l’économie sociale et des pôles régionaux d’économie
sociale. Certaines organisations tiennent des registres de leurs associations membres, mais
ne désirent pas communiquer de renseignements sur celles-ci. Ce fut le cas à Québec du
CLD, de la CDÉC, du ROC-03, de la Table régionale et du SACAIS.
Un autre cas de figure est que plusieurs répertoires ne permettent pas d’obtenir des
informations groupées (par exemple le MFA), ne le font que pour de grands territoires (par
exemple Économie sociale Québec, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale) ou
ne comportent pas de listes dotées de cartes interactives (par exemple l’Atlas de la santé et
des services sociaux du Québec).
Au bout du compte, il est peut-être plus simple de se fier aux registres tenus par les villes,
les quartiers ou les arrondissements. Ces listes peuvent servir de base pour le décompte de
Putnam, mais elles doivent être considérées comme potentiellement incomplètes.
5.1.2.3. Les OBNL et les organismes de bienfaisance enregistrés au Canada
Il est possible d’enregistrer légalement une association au fédéral sous la forme d’un OBNL
selon la loi canadienne sur les organisations à but non lucratif (partie II de la Loi sur les
corporations canadiennes) ou d’un organisme de bienfaisance selon la Loi de l’impôt sur le
revenu du Canada.
L’Agence du revenu du Canada (ARC) rend disponible une liste exhaustive des organismes
de bienfaisance enregistrés, selon la ville, au www.cra-arc.gc.ca/chrts-gvng/lstngs/menufra.html. Il s’agit d’une liste exhaustive qui comprend plusieurs types d’organisations, y
compris les églises. Trois problèmes se posent quant à l’utilisation de ce répertoire pour la
mise en œuvre de l’outil de Putnam : 1) l’absence d’information sur la vitalité démocratique
de certaines organisations enregistrées (œuvres publics et privées notamment), puisque les
organismes de bienfaisance ne sont pas soumis aux lois sur les OBNL dont certaines
dispositions encadrent le fonctionnement associatif ; 2) le manque d’information pour les
territoires dans les villes ; 3) le double enregistrement des organisations (provincial et
fédéral), qui oblige à une vérification pour éviter les doublons et la double comptabilisation.
Selon Imagine Canada, la ressource en ligne pour les OBNL et organismes de charité du
Canada, seulement un peu plus de 56 % des OBNL canadiens sont également des
organismes de bienfaisance enregistrés.
1
Les exemples cités dans ce paragraphe ont fait l’objet de confirmation par les acteurs concernés.
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Les OBNL canadiens sont enregistrés au Répertoire des entreprises d’Industrie Canada. Le
moteur de recherche ne permet que les demandes individuelles, soit une entreprise à la
fois, pour laquelle le demandeur doit connaître la dénomination sociale et le numéro de
société ou d’entreprise. Il est impossible de faire une recherche groupée. Imagine Canada
publie des statistiques sur les OBNL canadiens seulement au niveau provincial. Aucun autre
répertoire des OBNL canadiens n’existe, selon Industrie Canada et Imagine Canada.
5.1.2.4. Les coopératives enregistrées au Canada
Les coopératives canadiennes sont enregistrées sous la Loi canadienne sur les
coopératives et peuvent traiter avec le Secrétariat aux coopératives du gouvernement du
Canada. Le Secrétariat ne tient pas de registre public des coopératives. Les coopératives
canadiennes sont enregistrées dans le Répertoire des entreprises du Canada tenu par
Industrie Canada. Ce registre ne permet toutefois que des recherches individuelles. Par
ailleurs, les coopératives canadiennes sont regroupées à l’intérieur de l’Association des
coopératives du Canada (ACC) ainsi que dans le Conseil canadien de la coopération et de
la mutualité (CCCM), associations qui ne tiennent pas davantage de registres. Il n’est pas
possible, actuellement, d’obtenir les informations désirées sur les coopératives
canadiennes. C’est ce que nous ont confirmé le Conseil québécois de la coopération et de
la mutualité (CQCM) et la Direction des coopératives. Celle-ci ajoute que le nombre de
coopératives au Québec qui sont enregistrées au fédéral est négligeable : il n’y en aurait
qu’une vingtaine. Cette faible représentation diminue les conséquences de ne pas recenser
au Québec les coopératives enregistrées selon la loi canadienne.
5.1.2.5. Les coopératives financières et les mutuelles
Les coopératives financières correspondent aux caisses d’épargne et de crédit Desjardins
que régit une loi du Québec. Les mutuelles (Promutuel, SSQ Assurances, etc.) sont
constituées, quant à elles, en vertu de la Loi sur les assurances du Québec. Les
coopératives financières et les mutuelles d’assurance sont également soumises à l’Autorité
des marchés financiers. Bien qu’il soit possible de repérer les caisses Desjardins sur
Internet (www.desjardins.com/fr/votre_caisse/index.jsp), leur répartition relativement
homogène au Québec ainsi que leur nombre assez restreint font en sorte qu’elles ne
contribuent pas vraiment à différencier les territoires. Les mutuelles d’assurance
(www.lautorite.qc.calfr/registre-entreprise-individu-fr-conso.html),
de
prévention
(www.csst.qc.calasp!ListeDesMutuelles/Mutuelle.asp)
et
de
formation
(http://emploiquebec.net/entreprises/formationlloi-competences/mutuelles-reconnues.asp)
ne font partie d’aucun répertoire structuré de manière à les situer facilement. Pour toutes
ces raisons, les coopératives financières et mutuelles ne seront pas considérées dans la
recension des associations.
5.1.2.6. Le repérage des associations dans un quartier
Plusieurs municipalités sont constituées de quartiers, d’arrondissements, de communautés,
etc. Dans ces cas précis, il est fort possible que la recension des associations
démocratiques à l’échelle de la ville ne reflète pas la culture associative ou la situation
particulière des petites unités géographiques qui la composent. Les intervenants qui ont le
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temps, l’énergie et la motivation nécessaires peuvent affiner eux-mêmes la recherche dans
les répertoires des associations démocratiques en utilisant les codes postaux. Les codes
postaux ne permettent pas toujours de trouver un quartier particulier, mais il est possible de
recenser les associations dans un territoire plus petit que le grand ensemble.
La démarche pour y arriver se fait en deux étapes : 1) chercher les codes postaux du
territoire visé ; 2) repérer les associations du quartier en fonction du code postal des
associations de la municipalité. Les trois premiers caractères des codes postaux
correspondent à la région de tri d’acheminement ou RTA. Il est possible de trouver la RTA
en faisant une recherche sur le site internet de Postes Canada (postescanada.ca). Le
repérage de RTA fonctionne principalement par l’utilisation de cartes géographiques de
Postes Canada. Des statistiques populationnelles de ces territoires sont également
disponibles sur le site.
5.1.2.7. Conclusion sur la recension des associations
L’expérimentation montre que les sources de données statistiques couvrant le Québec ne
permettent pas d’appliquer l’outil de Putnam comme prévu initialement. Plutôt que de
rassembler toutes les associations en un seul indicateur, il est préférable de les séparer en
catégories pouvant être recensées : 1) coopératives enregistrées au Québec ;
2) organismes de bienfaisance enregistrés au Canada ; 3) organismes communautaires et
d’économie sociale reconnus dans leur milieu ; 4) organismes à but non lucratif enregistrés
au Québec.
5.1.3. Le taux de participation aux élections
Les taux de participation aux élections permettent d’émettre des hypothèses sur les
relations de confiance existant entre, d’une part, les individus d’un territoire et, d’autre part,
avec les instances et les personnes qui les représentent. Au Québec, pour un territoire, tout
citoyen peut voter aux élections 1) fédérales, 2) provinciales, 3) municipales et 4) scolaires.
Il faut savoir que les territoires électoraux couvrent rarement les territoires plus restreints –
comme un quartier –, mais les statistiques peuvent donner un aperçu du territoire dont fait
partie la communauté étudiée. Le prochain tableau donne les indications pour connaître les
taux de participation aux différentes élections.
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Tableau 5.3 : Sources de données sur la participation aux différentes élections au Québec
Élections
Sources
Fédérales
Élections
Canada
Provincial
es
Directeur
général des
élections
MRC*
MAMROT
Municipal
es
MAMROT
Scolaires
Fédération
des
commission
s scolaires
du Québec
Sites internet
http://www.elections.ca/script
s/ovr2011/defaultf.html
On a fait le calcul du taux : le
nombre total de votes divisé
par le nombre total
d’électeurs inscrits, multiplié
par 100.
http://www.electionsquebec.q
c.ca/francais/provincial/result
ats-electoraux/electionsgenerales.php ?e=3&s=1#s
http://www.electionsmunicipal
es.gouv.qc.ca/resultats/result
ats-2009/resultats-pour-leposte-de-prefet-dune-mrc/
http://www.electionsmunicipal
es.gouv.qc.ca/resultats/result
ats-2009/resultats-pour-lespostes-de-maire-et-deconseiller/
Note – Les résultats pour les
districts électoraux sont
parfois disponibles sur les
sites internet des villes
concernées.
http://www.fcsq.qc.ca/Dossier
s/ElectionsScolaires/pdf/Participationelections2007-2003.pdf
Pour trouver le nom du territoire
électoral
http://www.elections.ca/content.aspx
?section=res&dir=cir/maps/quebec&
document=index&lang=f
Les circonscriptions électorales
provinciales par code postal ou carte
géographique :
http://www.electionsquebec.qc.ca/fra
ncais/provincial/
http://www.mamrot.gouv.qc.ca/organ
isationmunicipale/cartotheque/cartesregionales/
Cartes des districts électoraux des
municipalités de plus de
20 000 habitants :
http://www.electionsquebec.qc.ca/fra
ncais/municipal/carteelectorale/cartes-municipalites-endistrict.php
Par code postal :
http://www.electionsquebec.qc.ca/fra
ncais/scolaire/carteelectorale/trouvez-votre-commissionscolaire.php
Par carte géographique :
http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/
electionsScolaires/index.asp ?page=
cartes
Ou simplement à l’aide de Google.
* Une partie seulement des MRC font élire le préfet au suffrage universel.
En ce qui concerne l’interprétation d’un taux de participation à une élection, il est important
de comprendre que la participation est un phénomène qui dépend de plusieurs facteurs et
qu’en aucun cas elle ne peut être réduite à un seul (Duval, 2005). Cela étant dit, plusieurs
auteurs (dont Paxton, 1999 ; Putman, 2001 ; Perret, 2002) sont d’avis que le taux de
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participation aux élections « révèle une prise de conscience face aux enjeux qui touchent la
communauté et démontre le désir d’agir des citoyens » (Gagnon, Simard, Tellier et Gagnon,
2008 : 7). Cette hypothèse est en partie confirmée par les résultats de l’enquête de
Gélineau et Morin-Chassé (2009) faisant suite aux élections provinciales de 2008. On y
indique que le sens du devoir est une motivation importante pour les votants québécois et
que les électeurs veulent « faire partie de ». Sans être en mesure de le vérifier directement,
les auteurs expliquent que ce sens du devoir est le résultat d’une socialisation, d’un lien
construit et entretenu avec la communauté et même d’une pression sociale lorsqu’il s’agit
des plus jeunes. Abordée ainsi, l’action individuelle de voter serait, du moins en partie, le
résultat de l’appartenance et de l’intégration d’une culture valorisant le geste. En outre,
Gélineau et Morin-Chassé (2009) affirment que le sentiment d’intérêt jouerait en faveur de
l’action de voter, tandis que le cynisme serait lié au fait de ne pas voter.
La participation au scrutin est influencée par plusieurs autres facteurs 1. L’étude de Gélineau
et Morin-Chassé (2009) indique que le niveau de scolarité serait corrélé positivement avec
l’intérêt et négativement avec le cynisme. De plus, il semble y avoir proportionnellement
moins de votants parmi les jeunes, parmi les électeurs arrivés au Québec depuis moins de
dix ans ainsi que parmi les personnes ayant un plus faible revenu (Gélineau et MorinChassé, 2009). Il y aurait donc des différences entre les territoires selon la scolarisation de
la population, le niveau de revenu et l’âge médian. Pour ces raisons, il est suggéré de
comparer des territoires ayant une population semblable. Dans le même ordre d’idées, pour
ce qui est de la participation aux élections municipales au Québec, il est déjà reconnu que
le taux de participation est plus fort dans les milieux ruraux et les petites municipalités
(Champagne et Patry, 2004). À la lumière de ces informations, il se révèle nécessaire de
considérer des territoires semblables aux fins de comparaison. Les municipalités peuvent
également être comparées aux taux de participation extrêmes : le plus bas est de 25 % et le
plus élevé, de 86 % (Champagne et Patry, 2004 : 3) 2.
Évidemment, comme le soulignent Gagnon et ses collègues (2008), il existe d’autres lieux,
comme les associations, où les citoyens peuvent pratiquer la démocratie délibérative et
influencer leur communauté. Il apparaît donc utile de comparer les statistiques de la
participation électorale avec les statistiques sur les associations afin de donner un sens aux
données.
5.2. La recherche documentaire
Le volet recherche documentaire fait référence à deux activités : 1) une recension des
médias accessibles sur le territoire et 2) une analyse du contenu de la presse écrite afin
d’identifier les principaux acteurs, lieux, événements et relations entre acteurs sur le
territoire.
1
À ce sujet, la revue de littérature de Duval (2005) offre un bel aperçu des facteurs influençant la
participation ainsi que des auteurs traitant spécifiquement de chacun d’eux.
2
Il s’agit de moyennes calculées à partir du résultat le plus faible et du résultat le plus élevé pour chaque
année, de 1996 à 2001 (soit sept ans).
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5.2.1. La recension des médias accessibles sur le territoire
Le gouvernement du Québec a développé un outil de recherche pour trouver les médias
locaux :
Portail Québec : En région
http://www.gouv.qc.ca/portail/quebec/pgs/commun/portailsregionaux ?lang=fr.
Une fois à cette adresse, il s’agit de choisir une région administrative puis, à gauche, en
retrait, sous le titre « Répertoires », de cliquer sur « Médias ». En cliquant pour obtenir le
répertoire complet, on trouve tous les médias (écrits et électroniques) régionaux et locaux,
accompagnés d’une brève description et d’un lien internet. Il est évidemment possible que
tous les médias ne soient pas répertoriés ou qu’il y ait des erreurs sur le site internet. Une
fois répertoriés, les médias peuvent être associés aux groupes qui les utilisent, soit pour
recevoir ou pour diffuser de l’information.
5.2.2. L’analyse de contenu des médias
L’analyse du contenu des médias du territoire permet au chercheur-praticien de se
familiariser avec les principaux événements ayant marqué les lieux et plusieurs résidents.
Même si les médias ne peuvent pas couvrir tous les faits de manière à refléter la réalité de
tous, ils représentent aujourd’hui la principale histoire racontée aux habitants sur leurs
voisins et le milieu qu’ils habitent (Ball-Rokeach et Kim, 2006). Même si le chercheurpraticien connaît déjà les médias locaux et ce qui y est dit sur la localité, il lui sera utile
d’objectiver ses connaissances de façon systématique en les notant dans un tableau ou une
matrice, puis en comparant ses informations avec les perceptions des répondants.
Il existe plusieurs outils sur Internet pour retrouver les faits d’actualité qui concernent une
communauté. Le plus rapide est de se connecter à Google [www.google.ca/] et 1) d’y
inscrire le nom de la localité (municipalité, quartier ou autre territoire), puis 2) de cliquer sur
le lien « Actualités » de la barre de recherche. Si la recherche contient plusieurs mots, il faut
les mettre entre guillemets (« ») afin que le moteur de recherche les traite dans l’ordre exact
où ils sont écrits.
Pour obtenir plus de résultats, d’autres liens internet permettent de trouver les actualités
locales classées par média. Des hyperliens vers plusieurs médias sont disponibles au
www.gouv.qc.ca/portail/quebec/pgs/communlportailsregionaux ?lang=fr. Afin de repérer
facilement les principales actualités classées par médias, il est aussi possible de suivre ce
lien :
www.toile.com/quebec/Actualite_et_medias/Actualite, puis « Régionale » ou
« Journaux », deux voies qui mènent à des journaux locaux. Une autre option est le site de
Quebecor Média, www.reseauhebdos.canoe.ca, qui donne accès à ses journaux locaux
classés par région, par ville ou par territoire de diffusion. D’autres faits d’actualité sont
disponibles sur le site internet lapresse.ca, qui diffuse les nouvelles des journaux La Presse
(Montréal), Le Soleil (Québec), La Tribune (Sherbrooke), Le Droit (Gatineau/Ottawa), Le
Nouvelliste (Trois-Rivières), La Voix de l’Est (Granby) et Le Quotidien (Saguenay–LacSaint-Jean). Des recherches d’actualités par territoire sont également possibles sur ce site.
Quant aux nouvelles du journal Le Devoir, elles sont disponibles au
www.ledevoir.com/politique/villes-et-regions.
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L’analyse des médias peut être avantageusement complétée par les entrevues individuelles
et de groupe qui permettent un retour sur ces informations afin de les nuancer ou de rectifier
les interprétations. Par ce processus de construction et de co-construction, le chercheurpraticien adopte et encourage une attitude rationnelle où l’acteur écoute et juge les
informations supplémentaires lui permettant de s’approcher de la réalité (Popper, 1966 :
255).
Il n’y a pas de limite à la quantité d’articles ou d’informations à recueillir pour cette activité
de recherche. L’impression de redondance des informations est un indice indiquant au
chercheur-praticien qu’il peut arrêter l’exploration d’un sujet ou d’un média. Ainsi, pour
analyser la composition sociale du quartier Saint-Roch, une trentaine d’articles de journaux
ont été traités et l’impression de redondance des informations est survenue à la moitié
environ du processus (Martin-Caron, 2012). Karl Popper propose une limite du processus
basée sur le jugement de l’utilité des données pour les besoins du moment (Popper et al.,
1959). Le processus peut donc reprendre, advenant le cas où les besoins changent ou
lorsque de nouvelles données surviennent. À titre indicatif, les informations recueillies sont
utiles du fait qu’elles permettent aux acteurs de formuler des hypothèses et des théories
portant sur le fonctionnement de la communauté. Autrement dit, un processus scientifique
prend fin lorsque les acteurs concernés le jugent suffisamment solide et utile, comme le
propose de façon imagée la citation suivante.
The empirical basis of objective science has [...] nothing ‘absolute’ about it.
Science does not rest upon solid bedrock. The bold structure of its theories rises,
as it were, above a swamp. It is like a building erected on piles. The piles are
driven down from above into the swamp, but not down to any natural or ‘given’
base; and if we stop driving the piles deeper, it is not because we have reached
firm ground. We simply stop when we are satisfied that the piles are firm enough
to carry the structure, at least for the time being (Popper, Freed et Freed, 1959 :
111).
5.3. Les observations
L’observation est une technique de collecte de données au même titre que l’entrevue, le
sondage ou la recherche documentaire (Canter Kohn et Nègre, 2003 : 111). Il existe
plusieurs formes d’observation, précisent De Robertis et Pascal (1987) : l’observation
directe libre, l’observation directe méthodique, l’observation clinique et l’observation
participante. Les chercheurs du capital social utilisent plus particulièrement la technique du
Transect Walk, un processus consistant en une promenade planifiée sur le territoire à l’aide
d’une carte géographique (Dudwick et al., 2006 : 15). Pour reprendre la terminologie de De
Robertis et Pascal (1987), il s’agit d’une forme hybride d’observation de 1) la forme directe
libre (non participante) qui permet de découvrir naïvement un milieu et 2) de la forme directe
méthodique (non participante) où l’acteur a recours à une grille d’observation. L’utilisation
d’une grille d’observation ne demande pas de quantifier les éléments observés, mais
simplement de situer géographiquement et de noter les phénomènes attribuables au capital
social. La grille d’observation peut évoluer au cours de la recherche.
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Dans le cas présent, l’observation n’est pas le moyen unique de collecte de données et elle
entre en complémentarité avec les autres activités pour enrichir, nuancer, voire compléter
les données recueillies. Elle consiste en une simple liste d’éléments à observer et à situer
dans l’espace et le temps. La liste des éléments à observer s’inspire du cadre conceptuel et
concerne :
• les caractéristiques physiques et matérielles des gens observés ;
• les actions des personnes observées ;
• les relations entre les personnes observées ;
• la diversité de gens (en apparence) dans les lieux visités ;
• les actions et relations observées dans les lieux visités ;
• la localisation des groupes sociaux et des lieux qu’ils fréquentent.
L’observation pratiquée avant toute autre collecte de données permet au chercheur de se
donner une impression personnelle du milieu. L’observation effectuée après les entrevues
ou les lectures permet de visualiser ce qui a été entendu ou lu. Afin de faciliter l’analyse et
de donner de la crédibilité des données recueillies, l’observation doit être méthodique. Ainsi,
les notes font la différence entre ce qui est observé et l’interprétation que l’on en fait. En
outre, autant que faire se peut, l’observateur contextualise les informations (Mayer et al.,
2003 ; Simard, 2004). Une grille de consignation des données formatée en fonction des
éléments à observer peut faciliter la prise de notes. Pour éviter d’être submergé par une
trop grande quantité d’informations, il faut inscrire les données dès que possible dans les
tableaux, les matrices et les diagrammes.
Le chercheur-praticien peut également utiliser l’observation participante, une technique qui
implique son immersion totale dans le terrain social d’investigation (Bastien, 2008). Nous
avons utilisé cette technique dans les associations où se sont déroulés les groupes de
discussion. Nous voulions palier le fait que certains participants n’arrivaient pas à
communiquer verbalement les informations demandées à cause de leur difficulté à saisir les
concepts, d’un blocage à l’expression d’une idée, de la gêne, de la crainte de vexer ou de
se tromper. Dans ces circonstances, le chercheur peut saisir des éléments du capital social
en côtoyant les personnes de l’association. Il est alors fort possible que les liens ainsi créés
favorisent une meilleure participation aux groupes de discussion et une plus grande
honnêteté des réponses. Connaître à l’avance les participants contribue également à mieux
préparer le chercheur-praticien aux groupes de discussion. La liste des éléments à observer
dans l’association touche :
• les caractéristiques physiques et matérielles des personnes ;
• les actions qu’elles portent ;
• les relations entre elles ;
• leur diversité apparente ;
• leur culture, c’est-à-dire les normes relationnelles, les signes distinctifs, la fonction
des liens, la représentation d’elles-mêmes et du monde social les entourant, etc. ;
• les modes relationnels : entre les personnes, avec l’extérieur, avec les étrangers, ce
qui cause le rejet ou l’admiration, etc.
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5.4. Les groupes de discussion
Le groupe de discussion sert à récolter des informations et il peut parfois être initiateur
d’une action. Pour réaliser cette activité de mesure, quatre éléments à planifier sont jugés
particulièrement importants par Mayer et ses collègues (2003 : 277) : le recrutement,
l’animation, la grille d’entrevue et la synthèse des résultats.
5.4.1. Le recrutement
Les participants aux groupes de discussion peuvent être recrutés par l’intermédiaire des
associations qui leur sont destinées ou à l’aide de moyens rejoignant les citoyens de la
communauté (affichage, effet boule de neige, publicité). Avant de recruter directement dans
ces associations locales, Turcotte et Lindsay (2008 : 80) recommandent qu’on s’assure
d’obtenir le soutien officiel et moral des responsables de l’organisme. Le travail auprès de
leaders de groupes, salariés ou non, est une stratégie gagnante pour attirer des
participants, car ces personnes ont déjà le respect ou la confiance des membres de leur
groupe (Kitzinger, Marková et Kalampalikis, 2004 ; Diani et McAdam, 2003). Avant de
communiquer avec un organisme ou une association, une recherche préalable doit être faite
afin de bien saisir la mission, la nature des activités et les caractéristiques des membres.
Une fois la permission obtenue de la part des responsables des associations, le chercheurpraticien peut tenter de prendre contact avec les membres afin de les recruter pour les
groupes de discussion. Généralement, les dirigeants des associations peuvent aider le
chercheur à s’intégrer. Ils connaissent la culture interne et peuvent conseiller le chercheurpraticien sur les techniques à employer, par exemple le face à face individuel, la
fréquentation de l’organisme lors d’activités de loisir ou régulièrement pendant un certain
temps, une présentation orale, de l’affichage, des courriels, le niveau de langage à utiliser,
les intérêts des membres, la promesse d’un repas, d’une collation, de surprises, que le
groupe conduise à des actions, etc.
Pour que les groupes de discussion soient efficaces, Mayer et ses collègues (2003 : 277)
proposent qu’ils soient composés de six à douze personnes réunies pour une durée de
deux heures. Kitzinger et al. (2004 : 240) réduisent quant à eux la taille des groupes entre
quatre et huit afin de faciliter le suivi des échanges. Plutôt que de proposer une formule
statique, Turcotte et Lindsay (2008) suggèrent aux chercheurs et aux praticiens de
s’interroger sur la taille et la durée qui favoriseront la meilleure participation des personnes
(quantité et qualité des interventions) en considérant l’état d’esprit des participants
(influence du passé des membres, de leurs perceptions, de la culture, etc.), les conditions
matérielles (fatigue, confort, nombre de personnes présentes, etc.) et la relation entre les
participants (confiance, statuts sociaux, maturité du groupe, etc.). Ces éléments structurels
influencent le climat et la dynamique du groupe. En ce qui concerne le groupe de
discussion, six personnes se sont présentées à chaque groupe de discussion, soit les deux
tiers des personnes qui s’étaient engagées verbalement.
Parmi les éléments structurels qui influencent les discussions et qu’il faut considérer dans le
nombre de personnes à recruter, l’homogénéité des participants peut faciliter la cohésion, la
communication et la participation dans le groupe (Mayer et al., 2003 ; Turcotte et Lindsay,
2008 ; Kitzinger et al., 2004). Un groupe homogène permet de saisir la diversité des idées
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sur un sujet chez les individus partageant des caractéristiques comme l’âge, l’ethnie, la
pratique d’une religion, etc. En pratique, l’homogénéité n’est pas facilement acquise. Par
exemple, Martin-Caron (2012) fait remarquer qu’un groupe composé de personnes
partageant le souci de contribuer au mieux-être de la communauté lui a paru plus
homogène sur le plan des opinions et des perceptions qu’un groupe composé de personnes
vivant dans des situations socioéconomiques semblables.
5.4.2. Le guide d’animation
Il est recommandé que la structure du guide d’animation suive les recommandations
usuelles (Mayer et al., 2003 : 125) : 1) la diversification des questions (un rythme alternant
questions de faits et questions d’opinions, par exemple) ; 2) le retour sur les thèmes avec
des questions et des termes différents ; 3) la considération du contexte culturel (avec une
liste de synonymes) ; 4) des questions claires, neutres et concises ; 5) des questions qui
s’adressent à l’expertise des gens. Des questions peuvent être ajoutées au guide
d’animation des groupes de discussion dans le but d’approfondir certaines particularités
découvertes dans d’autres sources de données.
5.4.3. L’animation
Pour la tenue d’un groupe de discussion, Mayer et ses collègues (2003) suggèrent la
présence de deux personnes, un animateur et un secrétaire pour la prise de notes. Par
ailleurs, on envisage la coanimation dans le cas où le chercheur-praticien connaîtrait peu le
contexte. Le coanimateur peut, par exemple, venir de l’organisme et servir de médiateur et
inspirer confiance aux participants (Turcotte et Lindsay, 2008). L’expérience de MartinCaron (2012) confirme l’atout que représente un coanimateur facilitant la prise de notes, la
reformulation, et qui favorise la participation en contribuant à décentraliser les échanges. Il
conclut également que la disposition des participants en rond plutôt qu’en assemblée face
au chercheur-praticien stimule la participation et les échanges entre participants (plutôt que
directement vers l’animateur). Mayer et al. (2003) proposent également de :
• ne pas faire d’interventions modifiant ce qui est dit par les participants ;
• confirmer par son attitude l’importance des propos des gens ;
• aider les répondants à aller au bout de leurs idées (demandes d’exemples, de
définitions, de contre-exemples, de reformulation, de synthèse) ;
• contribuer à réduire les distances entre les participants ;
• reconnaître l’expertise des répondants ;
• tenter de comprendre les points de vue des gens et montrer de l’empathie ;
• accepter inconditionnellement et accueillir les gens comme ils sont.
Turcotte et Lindsay (2008) ajoutent l’importance 1) de respecter également tous les
participants, peu importe leurs caractéristiques, 2) d’avoir des aptitudes à résoudre des
problèmes (souvent entre participants), 3) de la souplesse en cas d’imprévus, 4) de savoir
partager le pouvoir et de respecter le rôle de chacun mis préalablement au clair dans le cas
d’une coanimation. Il est recommandé de donner en priorité la parole à ceux qui participent
moins et de freiner ceux qui parlent souvent ou longtemps ou qui lancent un grand nombre
d’idées en une seule intervention.
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La séquence d’animation peut suivre le processus proposé pour la phase de début d’un
petit groupe (Turcotte et Lindsay, 2008) : 1) présentation des membres et des réalités
individuelles (attentes et intérêts) ; 2) spécification des objectifs du groupe (passer du bon
temps et obtenir des informations); 3) présentation de l’organisme et du chercheur-praticien
(buts et rôle) ; 4) établissement des bases et règles du fonctionnement du groupe et de la
structuration des échanges (une idée par intervention et une personne à la fois, exemple et
contre-exemple, courte intervention, reformulation, demande de parole si nécessaire et
respect) ; 5) stimulation de l’espoir et de la motivation (paroles réconfortantes et
valorisantes) ; 6) formalisation du contrat et signature des formulaires de consentement. On
engage ensuite la discussion proprement dite et on clôture avec un retour sur celle-ci.
Sur le plan de la qualité des informations, Martin-Caron (2012) fait remarquer que la
fréquentation de l’association pendant plusieurs semaines lui a permis de déceler une
certaine incohérence entre les informations données en atelier et celles exprimées
quotidiennement. Cette situation a motivé le chercheur à approfondir certains sujets en
continuant de fréquenter l’organisme durant deux semaines supplémentaires.
5.5. Les entrevues individuelles
Les participants aux entrevues individuelles sont généralement des personnes qui exercent
une fonction de coordination, d’intervention ou de représentation dans les associations. Ces
personnes sont à la fois des pôles de réception et de diffusion d’informations (Diani et
McAdam, 2003). Leurs opinions sont donc très importantes à considérer, puisqu’ils peuvent
transmettre la vision des groupes sociaux auxquels ils sont liés. La sélection des
répondants peut être faite en fonction de deux critères : 1) la diversité de points de vue,
avec une variété d’associations sur le plan des caractéristiques de leurs membres, et 2)
l’ouverture de la personne à traiter du capital social. En général, les entrevues peuvent se
dérouler selon les préférences des répondants, tantôt dans un endroit public, tantôt dans
leur association. Le format à privilégier est celui d’une discussion informelle et amicale à
partir d’un guide d’entrevue et appuyée par un formulaire garantissant le fait que les
informations transmises ne pourront pas être reliées aux participants. Bien qu’il n’y ait pas
d’information sensible à communiquer, Martin-Caron (2012) fait remarquer que plusieurs
participants ont affirmé ne pas vouloir être associés aux généralisations que l’exercice
nécessitait et qui pouvaient être mal perçues (fait de caractériser la situation de tel ou tel
groupe).
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Recension des écrits sur le capital social et sa mesure
6. Conclusion
Cette recension est née de l’intérêt d’outiller chercheurs et praticiens désirant apprécier les
communautés géographiques sous l’angle du capital social. Notre contribution à l’évaluation
du capital social des communautés géographiques s’est faite jusqu’à présent sur trois
plans : le regroupement des connaissances par la recension des écrits théoriques et
méthodologiques ; la prescription d’une méthodologie adaptée à différents contextes et
disciplines : l’identification de sources de données et de techniques s’adressant aux
différentes activités de mesure retenues.
La recension des écrits a d’abord permis de connaître les différentes facettes de cette
notion et les évolutions multiples que celle-ci a connues. L’apparente polysémie de la notion
de capital social a ensuite été dépassée, croyons-nous, par l’identification de concepts
transcendant la plupart des définitions. Puis la recension s’est étendue aux écrits
méthodologiques permettant de définir les différentes méthodes d’appréciation du capital
social en général et des concepts constituants.
Pour l’essentiel, la recension des écrits théoriques indique que le capital social est un
métaconcept né au 20e siècle. Il est constitué d’un assemblage de concepts, dont plusieurs
ont déjà été abordés par les fondateurs des sciences sociales : réseaux, groupes sociaux,
normes et valeurs partagées... Nous avons vu que la première mention et définition du
capital social a été faite par Hanifan (1916). Celui-ci propose que le terme soit associé à
l’accumulation par les individus de relations sociales de collaboration par lesquelles sont
échangées des ressources (matérielles ou non) contribuant à l’amélioration des conditions
de vie à la fois des personnes directement concernées et de la collectivité en général. À
cette conception aux accents fonctionnalistes viendra s’opposer une conception issue du
paradigme conflictuel plaçant le capital social au centre de la lutte des classes. Cette
approche développée par Pierre Bourdieu (1979 et 1980) introduit des idées néomarxistes :
1) tous les capitaux passent nécessairement par les réseaux sociaux qui sont propres à
chaque classe sociale ; 2) ces réseaux sociaux sont pour les individus les principaux lieux
d’éducation et de renforcement des goûts et des interprétations du monde, et ils consolident
ainsi la culture de chaque classe sociale ; 3) la culture de classes ainsi que les
sous­cultures non seulement distinguent les groupes, mais elles influencent la circulation
des ressources, la collaboration et les affrontements sur les plans symbolique et physique.
Ces deux angles d’approche (Hanifan et Bourdieu) permettent de saisir la dynamique
générale du capital social, sans toutefois proposer une conceptualisation claire pouvant
mener à l’opérationnalisation nécessaire à l’élaboration d’un outil de mesure. C’est à l’aide
des travaux des héritiers intellectuels de Hanifan et de Bourdieu qu’il est possible de définir
et d’opérationnaliser les dimensions du capital social. Ces contributeurs viennent de
différents horizons idéologiques (néolibéralisme, néomarxisme, conservatisme et
communautarisme) et universitaires (sciences économiques, sciences politiques, sociologie,
statistiques et philosophie, entre autres).
Plusieurs dimensions du capital social semblent faire consensus, malgré les différents angles
d’approche adoptés par leurs auteurs. Parmi celles-ci, la qualité des liens entre acteurs est un
élément important. Ainsi, Coleman (1990) démontre les avantages des liens forts, puisqu’ils
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Recension des écrits sur le capital social et sa mesure
permettent de développer la confiance nécessaire à la réduction du coût des transactions
économiques. Granovetter (1973), de son côté, démontre la valeur des liens faibles, qui
donnent accès à une grande diversité de ressources. D’autres aspects des liens forts et des
liens faibles ont été développés, notamment l’ouverture du groupe aux influences, la densité
des liens, l’homogénéité des membres, les conditions de membership, la mobilité des
ressources et la centralité de certains acteurs (Nahapiet et Ghoshal, 1998 ; Grootaert et van
Bastelaer, 2002 ; Krishna et Uphoff, 2002 ; Stimson, Western, Baum et van Gellecum, 2003).
La qualité des liens serait notamment tributaire de la régularité des interactions, de la
familiarité des acteurs entre eux, de la nature et de la réciprocité des valeurs et des normes
ainsi que des stratégies de contrôle social utilisées pour les faire respecter. La plupart des
théoriciens considèrent qu’il s’agit de dimensions incontournables du capital social
(Ponthieux, 2006 ; Kazemipur, 2009). La confiance est un autre élément retenu pour notre
cadre conceptuel, qu’elle soit vue comme une source, un mécanisme ou un résultat du
capital social. Quoi qu’il en soit, la confiance est toujours considérée comme le « lubrifiant »
des relations entre acteurs.
À ces éléments cognitifs-relationnels peut s’ajouter la motivation des particuliers pour entrer
en interaction. Lin (1985) met l’accent sur le fait que tous veulent améliorer leur statut social
et que, pour ce faire, les acteurs cherchent principalement à entrer en relation avec des
acteurs plus puissants (relations verticales ou linking de Woolcock, 1999). Burt (1982)
propose l’idée des trous structuraux où les acteurs stratégiques ont tendance à se
positionner entre deux acteurs qui n’ont pas de liens entre eux afin de profiter du rôle de
médiateur pour leurs transactions de capitaux. À ces motifs économiques pour créer des
liens s’ajoute le désir de combler des besoins sociaux à travers des relations entre égaux et
semblables (Hanifan, 1916 ; Bourdieu, 1979 et 1980).
En partie en réaction aux idées de Lin et Burt, Portes (1996) estime qu’il existe du mauvais
capital social. Certains groupes fermés sur eux-mêmes ou centrés à l’excès sur leurs
propres intérêts peuvent nuire à la liberté de leurs membres, créer des dynamiques nuisant
au climat social et faire interférence au développement économique de l’ensemble. Dans
cette même lignée centrée sur le bien commun, Putnam (1993, 2000 et 2007) popularise le
concept de bon capital social en l’associant à ce qu’il considère comme étant la force de la
société américaine : l’entraide, la démocratie en contexte de liberté individuelle et les
échanges économiques dans un contexte de confiance.
La recension des écrits méthodologiques nécessaire à la constitution de l’outil de mesure a
d’abord permis de constater que la plupart des méthodes proposées jusqu’à maintenant par
les théoriciens pour mesurer le capital social sont d’ordre quantitatif. En deux décennies
seulement d’études sur le capital social, on a largement écrit sur la construction de
questionnaires standardisés et l’utilisation de statistiques. Des documents synthétisant les
nombreux constats ont été produits pour répondre aux besoins des chercheurs. Parmi ceuxci, les travaux de Putnam (2000), Grootaert et ses collègues (2004), Franke (2005), De
Silva (2006) et Harpham (2008) ont porté sur le choix des méthodes et techniques de
mesure. Notre choix des éléments prescrits s’est fait à la lumière de certains critères :
l’efficacité, l’utilité, l’objectivation et l’économie de ressources. Nous souhaitons que le
précis sur les sources de données et les techniques propres au contexte québécois puisse
permettre la comparaison des résultats d’études sur le capital social dans différents milieux.
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