Caractéristiques de la dysgraphie ou du trouble de l`apprentissage

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Caractéristiques de la dysgraphie ou du trouble de l`apprentissage
A.N.A.E.,
2014; 128; 000-000
Caractéristiques de la dysgraphie ou
du trouble de l’apprentissage de la graphomotricité (TAG) au collège
Caractéristiques de la dysgraphie ou
du trouble de l’apprentissage de la
graphomotricité (TAG) au collège
R. SOPPELSA*, J.-M. ALBARET**
* Psychomotricien, formateur à l’Institut de formation en psychomotricité de Toulouse (IFPT), Faculté de médecine de
Rangueil, Université de Toulouse, UPS, 133, route de Narbonne, 31062 Toulouse cedex 9, France.
Tél. : 05 62 88 90 58. Email : [email protected]
** Enseignant chercheur, Université de Toulouse, PRISSMH EA 4561, directeur de l’IFPT. Tél. : 05 61 55 88 64.
Email : [email protected]
RÉSUMÉ : Caractéristiques de la dysgraphie ou du trouble de l’apprentissage de la graphomotricité (TAG) au collège
L’évolution de l’écriture au cours du développement et de l’apprentissage est un phénomène discontinu lié aux différentes contraintes qui s’exercent sur le sujet scripteur. Ces contraintes proviennent
des exigences de l’environnement scolaire, de la diversification des tâches demandées mais aussi
des changements dans les stratégies cognitives. La trace du sujet dysgraphique adolescent associe
un manque de stabilité et de lisibilité. Ces caractéristiques ont guidé la mise au point du BHK-Ado,
destiné à détecter la dysgraphie au collège.
Mots céls : Écriture – Dysgraphie – Adolescent – BHK.
SUMMARY: Dysgraphia characteristics or handwriting learning disorders in middle school
children
The evolution of handwriting during development and learning is a discontinuous phenomenon
related to various constraints affecting the writer. These constraints originate from the requirements of school environment, the diversification of tasks, but also from changes in cognitive strategies. The trace produced by dysgraphic teenager associates a lack of stability and legibility. These
characteristics have guided our work on BHK-Ado, designed to detect dysgraphia in grade 6 to 9.
Key words: Writing – Dygraphia – Adolescent – BHK-scale.
RESUMEN: Características de la disgrafía o del trastorno del aprendizaje de la grafomotricidad
(tag) en el colegio
La evolución de la escritura durante el desarrollo y el aprendizaje es un fenómeno discontinuo
relacionado con las diferentes presiones que se ejercen sobre el sujeto escritor. Esas presiones
provienen de las exigencias del entorno escolar, de la diversificación de las tareas solicitadas y
también de los cambios en las estrategias cognitivas. El trazo del sujeto disgráfico adolescente
asocia una falta de estabilidad y de legibilidad. Estas características han dirigido la puesta a punto
del BHK-Ado, cuyo objetivo es detectar la disgrafía en el colegio.
Palabras clave: Escritura – Disgrafía – Adolescente – BHK.
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R. SOPPELSA, J.-M. ALBARET
M
algré l’annonce régulière de sa disparition depuis
l’avènement de l’ordinateur (Sülzenbruck et al.,
2011), l’importance de l’écriture manuscrite est
toujours aussi manifeste. Écrire est l’un des apprentissages
dont la durée est la plus étendue dans le temps, débutant
en grande section de maternelle et ne s’achevant que dans
les premières années d’université (Bourdin & Fayol, 1994 ;
Connelly, Dockrell & Barnett, 2005). Son positionnement
au carrefour du langage et de la motricité fine la plus élaborée est en effet unique (Albaret et al., 2013). Elle constitue
le pendant, pour le langage écrit, de la lecture pour le langage oral, distinction que Berninger et al. (2000) désignent
par les termes de « language by hand » pour l’écriture et
de « language by eye » pour la lecture.
L’ÉCRITURE AU COLLÈGE
L’écriture sert différents objectifs. Elle est l’outil de communication par excellence et constitue un vecteur essentiel
du maniement des connaissances. Au cours de son apprentissage, elle se met progressivement au service de la pensée. L’écriture peut enfin jouer un rôle dans la connaissance
de soi et la diminution de certains phénomènes pathologiques par l’expression écrite des émotions en situation de
traumatisme (Smyth, 1998).
L’évolution de l’écriture au cours du développement et de
l’apprentissage est un phénomène discontinu du fait de
changements de stratégies (par exemple dans le mode de
contrôle du mouvement) qui entraînent une perturbation
passagère avant de s’avérer plus efficaces par la suite (Kaiser et al., 2013). Mais elle est aussi dépendante de la modification des rapports entre les composantes linguistiques et
motrices de l’écriture qui deviennent de plus en plus étroits
(Kandel, Soler, Valdois & Gros, 2006 ; Zesiger, Mounoud
& Hauert, 1993). Dans la production de textes écrits,
Bereiter et Scardamalia (1987) distinguent deux stratégies
qui différencient les écrivains novices des experts. La première consiste à récupérer et à associer des informations
mémorisées pour aboutir à un texte (knowledge telling).
Il n’y a pas d’évaluation ou de révision de ce qui est écrit.
La deuxième stratégie comporte une transformation des
connaissances (knowledge transforming) qui permet de
générer un texte en fonction du lecteur et du but assigné à
l’écrit. Cette stratégie implique une véritable résolution de
problème qui va de l’élaboration d’un plan à sa révision
complète en passant par des modifications en cours de
rédaction. L’écrivain expert crée un texte en fonction du
lecteur, en utilisant au mieux les trois processus que sont
la planification (établissement d’un objectif ; génération
et organisation du contenu), la transcription (mettre les
idées sous forme de texte en tenant compte des règles graphiques et orthographiques) et la révision (modifications
du texte tout au long de sa construction). Un des objectifs
des classes de collège est de passer de la narration linéaire
d’un événement ou d’une transcription servile des informations mémorisées à la production d’un texte porteur
d’informations organisées et adapté au lecteur. Pour que
les activités métacognitives puissent être efficaces, il faut
que l’écriture soit efficiente c’est-à-dire que la production
graphique et l’orthographe ne gênent pas la génération
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d’idées. La vitesse d’inscription de l’écriture en composition reste stable durant toutes les années de primaire et
n’augmente qu’à partir de la 6e (Roaf, 1998), ce qui laisse
sous-entendre que les aptitudes à la composition de texte
ne deviennent opérationnelles qu’à partir de cette classe.
De manière générale, plus les aspects moteurs de l’écriture
sont automatisés et le langage correctement installé, plus la
production écrite est aisée et riche.
Concernant l’aspect moteur, les différentes composantes
n’évoluent pas de la même manière. Accardo et al., (2013)
montrent ainsi pour la population italienne (n = 218) que
l’automatisation de l’écriture, mesurée par la diminution
du nombre de traits par lettre, se poursuit de la deuxième
année (CE1) à la huitième année de scolarité (4e). Il en va
de même pour la vitesse maximale des traits horizontaux
alors que la vitesse maximale des traits verticaux ne varie
pas. Le nombre de traits par seconde, qui rend compte du
temps de planification motrice, augmente jusqu’à la fin du
primaire et varie très peu ensuite.
La variabilité interindividuelle des paramètres cinématiques1 et spatiaux accompagne l’augmentation des
contraintes extérieures liées à la composition du texte et
aux exigences de vitesse (Chartrel & Vinter, 2008). Le
style initial d’écriture acquis lors des premières années
de scolarité change, il devient plus fluide et l’enfant
développe un style personnel (Graham & Miller, 1980 ;
Hamstra-Bletz & Blöte, 1990) qui apparaît plus tôt chez
l’enfant bon scripteur (Graham, Berninger, Weintraub &
Schafer, 1998). La personnalisation, en réponse à l’augmentation des contraintes extérieures plus qu’à l’émergence d’une personnalité2, se met en place selon trois
modalités :
1.écriture cursive avec respect des normes calligraphiques et simplifications dans les graphies ;
2. écriture scripte, semblable à celle des textes imprimés
où chaque lettre est séparée de la suivante par un espace ;
3. mixte, avec un mélange de graphies scriptes et cursives.
La modalité mixte est préférée par la majorité des élèves,
l’utilisation de l’écriture cursive diminuant régulièrement
jusqu’en terminale (Tarnopol & Feldman, 1987). Les
écrivains les plus rapides privilégient la modalité mixte
(Graham, Weintraub & Berninger, 1998).
Dans une étude transversale portant sur 187 enfants et
adolescents âgés de 6 à 18 ans, Ruekriegel et al. (2008)
montrent que l’évolution des paramètres cinématiques
s’effectue sur une très longue période, mais différemment
selon la complexité de la tâche (écriture de phrases ou
dessin de cercles), et qu’ils peuvent être considérés comme
des marqueurs différentiels de la maturation neuromotrice : vitesse (fréquence d’inscription, moyenne des pics
de vitesse des traits), degré d’automatisation mesuré par
le nombre de changements de direction de la vitesse et de
1 Les paramètres cinématiques portent sur le mouvement en termes
de rapidité (fréquence, vitesse, accélération) et de fluidité (caractère
continu ou discontinu de la production graphique mesuré par le
nombre de pics de vitesse ou d’accélération et leurs variations).
2 Les liens entre personnalité et écriture ne sont pas significatifs
quel que soit le moyen d’investigation utilisé (Huteau, 2004 ; Thiry,
2008).
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Caractéristiques de la dysgraphie ou
du trouble de l’apprentissage de la graphomotricité (TAG) au collège
l’accélération des traits, variabilité de la durée et des pics
de vitesse des traits, pression. Les analyses de régression
indiquent que, pour l’écriture de phrases, la fréquence
d’inscription des traits ne se stabilise qu’à 17 ans contre
11 ans pour le dessin des cercles. L’automatisation atteint
un plateau à 16 ans pour les phrases et à 13 ans pour
les cercles. La variabilité des pics de vitesse se stabilise
pour les phrases à 16 ans, mais ne l’est pas encore à 18
ans pour les cercles. Par contre la pression exercée sur
le support augmente jusqu’à 15 ans pour les deux tâches.
CONSÉQUENCES
D’UNE ÉCRITURE DÉFICIENTE
La maîtrise insuffisante de l’écriture au collège est un
désavantage certain. L’adolescent dysgraphique n’acquiert
pas les habiletés de composition, utilise moins que ses
pairs plus habiles l’écriture pour faciliter l’apprentissage
des cours (Graham & Perrin, 2007), n’intègre pas les
prémices de la prise de notes (Peverly et al., 2013) et a
des productions académiques de moins bonne qualité en
terme de contenu. Au collège, la dysgraphie devient un
motif d’exclusion du système scolaire. Ces désagréments
se maintiennent dans le temps puisque l’écrit reste le support principal de l’évaluation durant les années de collège
et de lycée et ceci peut compromettre la poursuite d’études
supérieures (Graham, 2006). Les professeurs d’université
estiment ainsi que 50 % des étudiants n’ont pas le niveau
d’écriture permettant de répondre aux exigences du milieu
universitaire (Greenwald et al., 1999).
Par ailleurs, toute activité qui amène l’adolescent à utiliser
l’écriture est sujette à conflit et dégrade la relation du jeune
avec l’institution.
L’interaction des différentes composantes impliquées dans
la production écrite en un temps fixe et limité est au centre
de l’explication de la dysgraphie au collège. L’apparition d’erreurs dans la production d’écriture lorsque
les contraintes, notamment temporelles, augmentent est
intimement liée à la capacité de mémorisation, considérée par Olive et al., (2009) comme unique et limitée,
partagée par l’ensemble des modules mis en action sans
hiérarchisation. Le problème est alors pour l’enfant de
passer rapidement d’un module de traitement à un autre.
L’incapacité à coordonner les différentes composantes ou
la défaillance de l’une d’entre elles, notamment pour ce
qui nous concerne l’aspect graphomoteur, aura des conséquences sur la scolarité.
Chez les faibles scripteurs, l’implication conjointe des processus cognitifs et des mécanismes graphomoteurs créent
de fait une situation de double tâche avec un impact sur
l’allocation des processus intentionnels qui peut prendre
cinq directions (Graham & Weintraub, 1996).
1. La vitesse d’inscription est trop lente pour suivre le
train de pensée, les faibles scripteurs ont alors tendance
à oublier les idées futures à développer et les intentions
générales qui dirigent le texte ; ceci entraîne un appauvrissement du contenu de la production.
2. La distribution de l’attention sur les différents modules
cognitifs et moteurs peut amener l’écrivain à oublier ce
qu’il voulait exprimer et à perdre le sens de sa production
si les demandes mécaniques de l’écriture sont trop fortes.
3. L’allocation simultanée de l’attention pour planifier
un paragraphe tout en pensant à ce qui doit être dit après
interfère avec les processus de planification ; ceci affecte
la complexité et la cohérence du contenu.
4. Si l’attention est occupée par l’aspect graphomoteur de
l’écriture, cela laisse peu d’opportunités et de ressources à
l’écrivain pour créer des expressions précises.
5. Les difficultés d’écriture affectent les attitudes concernant l’écriture, les motivations et la persistance durant la
composition.
LE TROUBLE DE L’APPRENTISSAGE
DE LA GRAPHOMOTRICITÉ (TAG)
Il s’agit d’une atteinte de l’écriture qui survient au cours
du développement sans qu’aucune cause neurologique ou
intellectuelle ne puisse l’expliquer. « Les réalisations en
écriture, évaluées par des tests standardisés passés de façon
individuelle mesurant la qualité et la fréquence d’inscription
de l’écriture, sont nettement au-dessous du niveau escompté
compte tenu de l’âge chronologique du sujet, de son niveau
intellectuel, de son niveau de développement psychomoteur
général et d’un enseignement approprié à l’âge. Cela peut
se traduire par une écriture lente, illisible, comportant des
ratures et des formes de lettres irrégulières et variables, un
geste manquant de fluidité et de régularité » (Albaret, Kaiser
& Soppelsa, 2013, p. 157).
La variabilité constitue une des caractéristiques de la
dysgraphie que ce soit au niveau de la taille de l’écriture,
de l’espacement entre les lettres d’un mot ou entre les
mots, mais aussi dans le domaine cinématique avec une
fréquence élevée d’accélérations et de pics de vitesse
(Barnhardt et al., 2005 ; Karlsdottir & Stefansson, 2002 ;
Wann & Jones, 1986 ; Zesiger, 2003). L’étude de Danna,
Paz-Villagrán & Velay (2013) montre que la différence
des pics de vitesse dans le rapport signal sur bruit, soit
une mesure des pics de vitesse uniquement liés au bruit
neuromoteur après soustraction des pics de vitesse liés à
la variation de courbure du tracé, constitue la mesure la
plus discriminative des différences de fluidité du geste graphique entre sujets dysgraphiques et contrôles. Cette étude
montre en outre que les enfants dysgraphiques présentent
une grande variabilité de la dysfluence entre les lettres d’un
même mot.
L’absence de stabilité des paramètres temporels (vitesse
des traits) est aussi associée à une difficulté à se synchroniser avec un métronome, avec une frappe plus rapide et plus
variable, constituant une véritable « dysrythmie » (Ben
Pazi et al., 2007).
TROUBLE D’ACQUISITION DE LA
GRAPHOMOTRICITÉ, COMORBIDITÉ ET
ADOLESCENCE
Les difficultés d’écriture présentes durant l’enfance ne
disparaissent pas à l’adolescence, elles accentuent la désadaptation de l’élève déjà porteur d’un trouble. Ainsi les
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difficultés d’écriture des enfants porteurs de TSA (trouble
du spectre autistique) perdurent durant l’adolescence tout
en changeant de caractéristiques, le trouble est plus lié à
l’indice de raisonnement perceptif du WISC à l’adolescence qu’à l’échelle des signes neurologiques doux comme
durant la période primaire (Fuentes et al., 2009, 2010). Les
difficultés d’écriture deviennent aussi un problème pour les
porteurs d’un trouble spécifique du langage écrit que la lenteur d’inscription pénalise aggravant leurs difficultés scolaires. En effet au collège, la vitesse d’inscription prime sur
la lisibilité entraînant une moindre qualité rédactionnelle
dans les productions des adolescents dyslexiques (Connelly, 2005a, 2005b). Les adolescents porteurs d’un trouble
déficit de l’attention/hyperactivité (TDA/H) sont connus
pour avoir des difficultés académiques (Barkley, 2006) touchant les mathématiques, la lecture et la rédaction de textes
mais les troubles portant sur celle-ci sont deux fois plus
nombreux que les autres (Mayes & Calhoun, 2006). Les
faiblesses en mémoire de travail dont souffrent les enfants
et les adolescents TDA/H impactent leur capacité à bien
écrire. La contrainte émergeante concernant la composition
des textes les oblige à jongler avec les modules cognitifs
impliqués. Comme pour les dyslexiques, la vitesse d’inscription insuffisante est responsable de la pauvreté des
essais des collégiens TDA/H (Mayes & Calhoun, 2007).
ÉVALUATION DE L’ÉCRITURE AU
COLLÈGE : LE BHK-ADO
La constatation que les critères choisis par Hamstra-Bletz,
de Bie & den Brinker (1987) pour rendre compte de la
dysgraphie chez l’enfant n’étaient pas discriminatifs chez
l’adolescent, principalement du fait de la personnalisation
de l’écriture, nous a conduits à adapter les critères qualitatifs et les conditions de recueil pour les collégiens. Plusieurs études préalables sur le caractère discriminatif des
items entre sujets dysgraphiques et sujets bons scripteurs
ont permis d’aboutir à la version actuelle. La réflexion
s’est progressivement orientée vers la prise en compte de
deux caractéristiques de la trace du sujet dysgraphique
adolescent : la stabilité et la lisibilité.
Stabilité et lisibilité
La stabilité est la capacité à maintenir constante la production graphique en dépit de l’augmentation des demandes
liées à l’orthographe, la grammaire et la composition de
texte. Elle apparaît comme un indice de la capacité du sujet
à automatiser sa production motrice tout en tenant compte
des diverses contraintes. Dans les classes primaires, la
capacité à produire des graphies stables est en lien direct
avec la longueur d’un texte libre (Berninger & Fuller,
1992). Mais par ailleurs, la contrainte de vitesse amène des
modifications comme la tendance chez l’adulte à transformer les boucles antihoraires en boucle horaires (Sallagoïty,
2003) qui indique qu’un changement des pratiques équivalant à la « personnalisation du CM2 » intervient tardivement. La fréquence d’inscription adulte est en moyenne
de 6 traits par seconde ce qui équivaut, en considérant que
la moyenne des traits pour produire une lettre est de 2,5 à
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3 traits, à 120 lettres par minute. Il existe donc une
marge de progression importante entre la vitesse des CM2
(46 l/mn) et le niveau adulte. L’analyse des paramètres
cinématiques confirme l’évolution de l’écriture jusqu’à
l’âge adulte marquée par une diminution de la dysfluence
(Meulenbroeck et al., 1989).
La lisibilité est ce qui est perçu par le correcteur et qui
influence son jugement en dehors du contenu même du
texte. Elle reste fortement influencée par la nature de la
tâche et la consigne donnée (Olive, Kellog & Piolat, 2002).
Dans le BHK-Ado, la stabilité est mesurée par 5 critères
(A, F, G, H et I). Le critère A, variation de hauteur des
lettres troncs, est repris du BHK-Enfant et fournit un indice
de la régularité de l’inscription sur la catégorie de lettres
la plus représentée dans notre alphabet (12 sur 26) par
rapport aux lettres avec hampe et/ou jambage. Le critère
F, parallélisme des lignes, rend compte de la stabilité de
l’organisation spatiale du texte et s’est avéré plus discriminant que le critère « lignes non planes » du BHK-Enfant
qui est quasiment absent dans l’écriture du collégien. Les
critères G, stabilité des mots, H, stabilité des « a » et I,
stabilité des « t », ont été ajoutés pour explorer plus avant
cette stabilité qui est un indice de l’automatisation de la
production. Deux niveaux ont été retenus, celui du mot
et celui de la lettre. Pour la lettre, les lettres troncs et les
lettres avec hampe ont été distinguées, en retenant parmi
elles celles qui étaient réparties régulièrement sur la partie
du texte utilisée.
Concernant la lisibilité, le critère B, hauteur relative des
lettres troncs et des lettres avec hampe et/ou jambage,
repris également du BHK-Enfant, correspond à une différentiation incorrecte des caractéristiques spatiales des
différents types de lettres pouvant amener à des confusions
(e, l) et gênant de ce fait la lisibilité. Les critères C, télescopage, et D, lettre ambiguë, sont également issus du BHKEnfant. Le critère E, lettre majuscule à l’intérieur des mots,
est fréquemment rencontré chez les sujets dysgraphiques
et renverrait à une altération de la mémoire-tampon allographique.
Étalonnage du BHK-Ado
Le matériel et la passation sont identiques à ceux du BHKEnfant. La fréquence d’inscription est calculée sur la copie
pendant 5 mn pour l’aspect quantitatif. Par contre pour
l’aspect qualitatif, les 9 critères retenus sont repérés sur les
5 lignes du second paragraphe et du début du troisième. La
note totale de dégradation est de 45 points au maximum.
Comme pour le BHK-Enfant, les critères qualitatifs sont
à mettre en regard de la fréquence d’inscription. Une écriture lisible et stable, i.e. dont la note totale à l’ensemble
des critères se situe autour de la moyenne, associée à une
fréquence d’inscription nettement inférieure à ce qui est
attendu compte tenu de l’âge signe un défaut d’automatisation ou tout au moins le choix de maintenir la précision
de la production graphique au détriment de la vitesse du
mouvement. Ce cas de figure moins fréquent que l’absence de stabilité dans les critères qualitatifs nécessite une
analyse de la production écrite en insistant sur la rapidité
et en modifiant les modalités (texte libre, dictée, copie
successive du même mot ou de la même phrase).
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du trouble de l’apprentissage de la graphomotricité (TAG) au collège
L’étalonnage a été réalisé sur 471 enfants issus de collèges
publics et privés, en milieu rural et urbain, provenant des
régions Midi-Pyrénées, Limousin et île-de-France, âgés de
9 ans à 12 ans 11 mois et ne présentant pas de pathologie
nécessitant un suivi.
Concernant la fréquence d’inscription, les résultats
indiquent une augmentation de la fréquence de la 6e à la
4e avec un maintien en 3e, cette fréquence passe de 66 à
74, puis à 80 et 86 l/mn. Il n’y a pas d’effet significatif
du facteur sexe pour les différentes classes d’âge, résultat
similaire à celui de Berninger (1998) pour les classes de 4e
et de 3e. Pour les critères qualitatifs, la note totale ne diffère pas de façon significative entre les classes du collège
confirmant de façon indirecte le rôle de la stabilité dans
l’écriture du collégien.
Une validation sur une population pathologique (Soppelsa
& Albaret, 2013) a été conduite en comparant un groupe
de sujets (n = 20) présentant une dysgraphie, déterminée
par accord entre deux psychomotriciens experts, à un
groupe contrôle (n = 20) apparié selon la classe, l’âge et
le sexe. L’analyse de variance indique un effet significatif
du facteur groupe sur la note totale [F(1,38) = 237,58 ;
p < 0,0001]. Les sujets dysgraphiques ont en moyenne une
note totale de 23,9 points alors que les sujets ordinaires
ont une note moyenne de 8,2 points. Il n’y a par contre
aucun effet du facteur groupe sur la fréquence d’inscription
[F(1,38) = 1,15 ; ns].
La fidélité intercorrecteurs a été étudiée sur 21 protocoles
corrigés par deux professionnels (un expert et un novice).
Une analyse de variance à un facteur ne retrouve aucune
différence significative [F(1,19) = 0,009 ; ns]. Si l’on
regarde de plus près l’accord entre les deux correcteurs,
5 protocoles sur 21 obtiennent le même score, 9 ont un
point de différence, et 7 protocoles 2 points. Aucune différence n’excède 2 points. Ces résultats indiquent qu’une
certaine familiarisation est nécessaire pour la correction
des protocoles.
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