Trait dunion GBEN octobre 2014
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Trait dunion GBEN octobre 2014
Tr a it d ’u ni o n octobre 2014 d u G ro u p e B e l g e d ’ E d u c a t i o n N o u v e l l e Les quatre dernières marches Par Charles Pepinster pepinstercharles@ [email protected] Le menuisier de mon quartier est un drôle de zèbre. Voilà ti pas qu’il m’a pénalisé : il m’ordonne de faire des heures supplémentaires gratuites. Figurez-vous vous qu’il me dit agir tout simplement comme les gens de ma corporation. corp Oh ! Voici : il est menuisier, c’est entendu, et moi, je suis prof, il le sait. Où veut-il veut en venir ? J’ai fini par comprendre. A 16 heures, ce vendredi, il a remis ses outils dans sa besace et il est parti sans avoir terminé l’escalier pour lequel el il était payé. Quel toupet ! Il m’a lancé, en me quittant : « Les quatre dernières marches, vous les poserez vousvous même pendant le week-end, end, écrivez cela dans votre agenda. Je viendrai vérifier le travail lundi matin et je le payerai s’il est bien fait ». Réalité ou fiction ? Les profs de ma petite voisine sont de drôles de zèbres. Voilà ti pas qu’ils ont pénalisé Juliette, leur élève de 14 ans, en lui assignant des heures supplémentaires : je l’ai vue ce dimanche après-midi, midi, installée à la table de la salle à manger occupée à étudier quatre leçons inscrites dans son journal de classe : les temps primitifs de 35 verbes défectifs (non étudiés en classe) en langue étrangère + des maths + de la physique + de la chimie ; mais là, pour ce cours, ce qu’elle n’a pas compris elle le dira ce soir via l’Internet à sa copine (« son Tonton est prof de chimie » ) et ça s’arrangera lundi juste avant l’interro. www.gben.be www.panote.org www.lamaisondesenfants.be 1 Tr a it d ’u ni o n octobre 2014 d u G ro u p e B e l g e d ’ E d u c a t i o n N o u v e l l e En fait, ils agissent comme comme mon menuisier, ces pédagogues. Réalité ou fiction ? A 16 heures, ce vendredi, ils ont bouclé leur mallette et ils sont rentrés chez eux sans avoir assuré entièrement quatre apprentissages, bien qu’ils soient payés pour cette fonction. - Que se passe-t-ilil ce dimanche chez le client de mon menuisier ? Les paroles se devinent, l’avenir de l’artisan aussi. S’il remet les pieds lundi sur le chantier pour un contrôle... Ouille ! - Que s’est-ilil passé chez Juliette ? J’y étais. J’ai aidé la brave petite à réviser, comme j’ai pu, jusqu’à la tombée du jour. Heureusement, elle était seule, sans frère ni sœur, et sa mère l’encourageait gentiment. Est-ce ce que ces conditions idéales sont celles des autres élèves de la classe au même moment ? Le système entretenu par les profs semble donc parfait pour assurer la ‘reproduction sociale’. Pendant le repas du soir, j’ai demandé à Juliette pourquoi elle étudiait après la classe. - « Pour avoir des points ».. Cette réponse est tellement limpide que que la question en paraît stupide. L’élève se dédouble et avale ce qui le rebute (schizo), sans attrait pour un savoir insipide, par esprit de spéculation que l’école distille : « J’étudie ce qui me rapporte ». Est-ce Est bien moral ? Les profs oseront-ils se présenter sur leur chantier lundi matin et réclamer des comptes ? Oui ! Mais organiser des apprentissages savoureux en classe et renoncer aux interros notées comme excitant, c’est possible surtout quand un groupe de professeurs décide ce changement majeur. Merci au pédagogue Jean-François François Manil qui m’a inspiré cet article www.gben.be www.panote.org www.lamaisondesenfants.be 2