Projet de loi sur le crédit hypothécaire - Test

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Projet de loi sur le crédit hypothécaire - Test
23.02.16
Projet de loi sur le crédit hypothécaire
Pour bon nombre de consommateurs, la souscription d’un crédit hypothécaire n’est autre
que la décision financière la plus importante de leur existence. Test-Achats avait par
conséquent accueilli très favorablement le projet de loi relatif aux emprunts
hypothécaires qui avait été introduit il y a quelques années et qui satisfaisait en grande
partie aux exigences que formule depuis si longtemps l’organisation de défense des
consommateurs. Sous la pression du secteur bancaire, ce projet de loi a malheureusement
été abandonné.
Discussion des articles
1) Art. 125 : Prospectus
Les agences bancaires n’appliquent que très rarement le tarif officiel de la banque (qui fait partie du
prospectus). Par conséquent, nous constatons que les tarifs repris dans la liste des tarifs ne
correspondent pas au taux général en vigueur. Les capacités de négociation du consommateur sont
donc décisives dans un tel contexte. Test-Achats estime qu’une liste des tarifs est un facteur
important afin d’assurer la transparence des tarifs et d’offrir au consommateur la possibilité de
comparer aisément les conditions proposées par les différents prêteurs. En outre, une liste des tarifs
libre d’accès et reflétant le plus fidèlement possible les tarifs effectivement pratiqués dans les
agences devrait favoriser et accroître la concurrence. Un tel document pourrait remédier au manque
de clarté actuel sur les tarifs.
La plupart des prêteurs publient par ailleurs deux types de listes des tarifs : les listes des tarifs
officiels, qu’ils transmettent à la FSMA, et les listes des tarifs appliqués dans la pratique. Test-Achats
demande à ce que cette pratique soit interdite et à ce que la liste des tarifs officiels fasse également
mention des tarifs officieux. Il règne actuellement une opacité des plus totales à ce niveau. Des
enquêtes menées par la FSMA, dans le cadre desquelles celle-ci a effectué une comparaison des taux
officiels et réels, révèlent des différences significatives au sein de certaines institutions. C’est la
raison pour laquelle Test-Achats plaide pour une liste des tarifs qui reflète le plus possible la réalité
et qui puisse être appliquée dans la majeure partie des cas.
2) Art 127, § 2 : ESIS
Le projet de loi actuel prévoit la possibilité de fournir l’ESIS avant ou en même temps que la
soumission de l’offre de crédit. Selon Test-Achats, il n’est pas opportun d’offrir au prêteur la liberté
de transmettre des informations précontractuelles en même temps que l’offre de crédit. Nous
proposons d’interpréter le mot « précontractuel » au sens strict du terme et de faire parvenir l’ESIS
au consommateur bien avant l’offre de crédit. L’offre de crédit constitue en effet un contrat qui est
soumis à signature et pour lequel le consommateur doit en principe payer des frais de dossier.
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Test-Achats demande à ce que le formulaire ESIS soit remis au consommateur lors de sa première
visite, dès que celui-ci a fait connaître son intention d’emprunter un capital d’un certain montant sur
une certaine durée. L’un des avantages de l’ESIS est en effet de permettre à l’emprunteur de
comparer différentes offres en toute transparence.
3) Art 129.4 : Produits accessoires
Selon Test-Achats, cette disposition laisse ouvertes de bien trop nombreuses portes. Si l’on s’en tient
à la formulation actuelle, un prêteur peut décider que des services accessoires comme un compte à
vue, une assurance habitation ou une assurance solde restant dû ne peuvent pas être remplacés par
un meilleur produit. Cette disposition est non seulement inacceptable, mais elle réduit et fausse
aussi la concurrence.
En d’autres termes, Test-Achats exige que le consommateur puisse toujours avoir la possibilité de
changer. Il est en effet injustifiable que des personnes se retrouvent liées pendant 30 ou 40 ans à
leur prêteur non seulement pour leurs assurances, mais aussi pour d’autres produits. De telles
pratiques ont d’ailleurs déjà été qualifiées d’abusives par la Commission européenne (http://eurlex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:52007DC0807).
Par ailleurs, Test-Achats souhaite que le texte soit complété par une disposition stipulant que le fait
qu’un consommateur s’adresse à une autre institution afin de profiter de tarifs plus avantageux sur
d’éventuels produits ou services supplémentaires ne peut avoir aucune incidence négative sur le taux
d’intérêt de l’emprunt.
4) Art 133 : Évaluation obligatoire de la solvabilité
Alors que la loi relative au crédit à la consommation impose à un prêteur ou à un intermédiaire de
crédit l’obligation d’indiquer sur un formulaire les questions qu’il a posées au consommateur ainsi
que les réponses fournies par ce dernier, le projet de loi ne contient aucune disposition semblable. Si
les consommateurs sont extrêmement bien protégés pour les crédits portant sur des montants
souvent limités (crédits à la consommation), il n’en va pas de même pour un emprunt hypothécaire,
lequel constitue pourtant la décision financière la plus importante de leur existence. Qui plus est,
Test-Achats ne peut que constater que de plus en plus de personnes éprouvent des difficultés à
rembourser leur crédit hypothécaire, ce qui démontre une fois encore que le consommateur a
besoin d’une protection réellement suffisante.
Le même article indique en outre que le prêteur est tenu d’établir des procédures adéquates et que
les informations sur lesquelles repose l’évaluation de la solvabilité doivent être documentées et
conservées. Test-Achats suggère de compléter cette disposition par la phrase suivante : « Le
consommateur peut, à tout moment et à sa demande, obtenir une copie du dossier de crédit sur un
support durable ».
En cas de non-respect de certaines obligations, le prêteur peut être condamné au paiement de
dommages et intérêts correspondant à 30 % maximum du coût total du crédit lorsque le montant du
crédit prélevé est supérieur à 20 000 euros (voir article 209). Test-Achats demande à ce que le terme
« maximum » soit remplacé par le terme « minimum ».
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5) Art. 134, §2, 8 ° : taux annuel effectif global (TAEG)
Cet article stipule que le contrat de crédit ou, éventuellement, l’offre de crédit doit mentionner de
manière claire le taux annuel effectif global.
« Le taux annuel effectif global et le montant total dû par le consommateur, calculés au moment de la
conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses, utilisées pour calculer ce taux, sont
mentionnées. »
Test-Achats souhaite insister sur le fait qu’il ne faut pas donner aux prêteurs la liberté de déterminer
eux-mêmes ce qui doit être repris dans le TAEG. Supposons par exemple que le prêteur impose une
assurance habitation. Ce dernier peut-il, pour le calcul du TAEG, partir de l’hypothèse que le montant
des futures primes restera identique à celui de la première ?
Le TAEG doit renseigner le montant total des frais liés à un crédit (exprimé en pourcentage),
comparable à un intérêt sur base annuelle. Les frais de dossier et les assurances supplémentaires
doivent également être intégrés aux TAEG. Le consommateur pourra ainsi effectuer une comparaison
détaillée. Pour l’heure, les consommateurs se laissent trop facilement séduire par des taux d’intérêt
attrayants, mais paient parfois sans véritablement s’en rendre compte des primes d’assurance
extrêmement élevées.
Nous souhaitons également pointer l’article 127, § 3 de l’avant-projet, lequel stipule que la
soumission d’une offre de crédit est obligatoire pour un crédit hypothécaire avec une destination
immobilière qui s’accompagne de la constitution d’une sûreté hypothécaire. Cette offre ne peut être
soumise que si tous les coûts qui peuvent être connus par le prêteur sont effectivement mentionnés
et repris dans le TAEG.
Nous craignons que les prêteurs fassent également usage de la possibilité offerte par le projet de loi
pour ne reprendre que les coûts connus dans le TAEG. Les prêteurs pourraient par exemple avancer
que les primes d’une assurance solde restant dû peuvent parfois varier et ne sont dès lors pas
connues, et qu’elles ne doivent dès lors pas être intégrées au TAEG. Une telle possibilité irait à
l’encontre de l’objectif de transparence du TAEG, qui doit justement permettre au consommateur de
comparer en toute connaissance de cause.
6) Art 143 : Taux d’intérêt variables
La crise financière actuelle, dont les effets se font toujours sentir, est notamment imputable aux
crédits hypothécaires à taux variables. La charge financière que devait supporter l’emprunteur était
faible au début. Cependant, à la suite d’une hausse du taux d’intérêt, celle-ci est devenue
terriblement lourde, à tel point que bon nombre d’emprunteurs qui avaient opté pour cette formule
se sont retrouvés dans l’incapacité de rembourser leur prêt. Au sein d’une même institution
financière, le taux d’intérêt variable initial est normalement inférieur au taux d’intérêt fixe. Il est
donc possible d’emprunter davantage pour un montant mensuel équivalent. Malheureusement,
personne n’est en mesure de prédire l’évolution des taux d’intérêt. Il n’est ainsi pas rare que le
montant du remboursement mensuel augmente soudainement de plus de 30 %. Avec un taux
d’intérêt variable, le consommateur n’a donc aucune certitude concernant la manière dont évoluera
le montant de son remboursement mensuel. Par conséquent, Test-Achats demande qu’en cas
d’augmentation du taux d’intérêt, le consommateur ait la possibilité d’opter pour une formule qui ne
modifie pas le montant du paiement mensuel, mais prolonge uniquement la durée du
remboursement (avec un maximum de 5 ans et sans frais supplémentaires). L’objectif de cette
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proposition est de réduire les risques liés au « simple » taux d’intérêt variable, de manière à limiter le
surendettement.
Si Test-Achats recommande une durée maximale de cinq ans, c’est afin que le surendettement puisse
être limité. Des délais supplémentaires de 10 ou 15 ans auraient pour conséquence de reporter à 70,
voire 80 ans l’âge auquel certains consommateurs finiraient de rembourser leur prêt, ce qui est tout
sauf souhaitable.
Les taux d’intérêt variables suivent l’évolution de l’indice de référence. Test-Achats constate
toutefois que des prêts identiques assortis du même taux d’intérêt peuvent parfois évoluer de
manière différente. Le consommateur est de toute évidence victime d’un manque de clarté et de
transparence. Test-Achats demande à ce que les institutions financières soient contraintes d’utiliser
l’indice le plus récent comme indice de référence initial.
Test-Achats condamne les pratiques dans le cadre desquelles les agents bancaires perçoivent des
commissions plus importantes pour la vente de prêts à taux variable que pour celle de prêts à taux
fixe. Nous demandons à ce que le projet de loi intègre une disposition visant à proscrire cela.
Julie FRERE,
Porte-Parole
Jean-Philippe DUCART,
Manager Lobby & Press
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